M. le président. Mes chers collègues, dans la discussion des articles, nous en étions parvenus à l'article 6, dont nous avions entamé l'examen.
J'en rappelle les termes :
« Art. 6. _ Lors de la création de Réseau ferré national, une dette de 125 milliards de francs vis-à-vis de la Société nationale des chemins de fer français est inscrite à son passif. »
Sur cet article, les amendements n°s 58 et 150 ont déjà été exposés par leurs auteurs et il a été constaté que l'amendement n° 151 n'avait plus d'objet.
Par amendement n° 152 rectifié, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit cet article :
« Lors de la création de l'établissement public visé au premier alinéa de l'article premier, la totalité de la dette de long terme et des emprunts assimilés de la Société nationale des chemins de fer français est inscrite à son passif. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement, en prévoyant une rédaction différente de l'article 6, tend à préciser et à étayer le montant de la dette transférée au nouvel EPIC, RFF.
Si le montant de la dette généré par l'infrastructure est bien plus considérable que le montant transféré à RFF, un moyen terme pertinent serait le transfert de la dette à long terme.
La dette générée par l'infrastructure ferroviaire est beaucoup plus conséquente que celle qui est effectivement transférée à RFF. En effet, le montant transféré, actuellement de 134,2 milliards de francs, correspond à la fourchette basse des dévolutions d'actifs à RFF. Ce montant correspond à la valeur nette comptable à la fin 1996 des actifs ainsi transférés.
Mais, à ce montant, le Gouvernement justifiant sa réforme par le fait que l'Etat n'avait pas pris ses responsabilités dans le domaine de l'infrastructure ferroviaire, il faudrait logiquement ajouter le montant cumulé depuis 1990 du déficit du compte d'infrastructure.
Ce montant s'élève sur cette période - 1990-1996 - à 56 milliards de francs. Pour être cohérent, monsieur le ministre, il faudrait donc transférer 190,2 milliards de francs de dette au nouvel EPIC.
Un moyen terme pertinent semble cependant être le transfert de la totalité de la dette à long terme.
En effet, sur la période 1990-1994, le déficit du compte d'infrastructure a toujours été plus important que celui du compte d'exploitation de la SNCF.
De même, ce qui va générer des charges d'intérêt sera, à nouveau, le report qui a imposé à la SNCF d'emprunter et qui pourra se limiter, pour l'intervalle 1990-1994, au transfert du déficit cumulé du compte d'exploitation, soit 24,2 milliards de francs.
En ce qui concerne les exercices 1995 et 1996, pour lesquels le déficit du compte d'infrastructure a été plus faible que celui de l'exploitation, on n'intégrera que les déficits des comptes d'infrastructure, soit 11,5 milliards de francs pour 1995 et 12 milliards de francs pour 1996.
Il convient donc d'ajouter aux 134,2 milliards de francs de dettes générées par les infrastructures 47,7 milliards de francs de dettes correspondant au financement cumulé des déficits imputables à l'infrastructure. On aboutit ainsi à un total de 181,9 milliards de francs de dettes à inscrire au passif.
On peut considérer, et je termine ma demonstration, qu'à la fin 1995 la dette visée par notre amendement se montait à 157,5 milliards de francs à la fin 1995, à 143,4 milliards de francs d'emprunts obligataires, à 13,1 milliards de francs d'emprunts et dettes auprès des établissements de crédits et à 1 milliard de francs d'emprunts et dettes assimilées à plus de cinq ans pour un total de 174 milliards de francs de dettes financières hors service annexe.
Il faut ajouter à ce montant la quote-part correspondant à des dettes équivalentes parmi la dette contractée en 1996. On aboutirait ainsi à un montant de dettes transférées voisin des 181,9 milliards de francs ci-dessus visés.
Nous nous permettons d'insister sur le fait que ce montant correspond davantage à la prise en charge par l'Etat de ses responsabilités en matière d'infrastructure, donc d'aménagement du territoire et de service public, que le montant actuel.
Comme cet amendement va peser sur le devenir de l'établissement, nous demandons un scrutin public ; il aura force de témoignage dans quelques mois, voire quelques années.
M. le président. Par amendement n° 43, M. Berchet propose, dans l'article 6, de remplacer la somme : « 125 milliards de francs » par la somme : « 144 milliards de francs ».
Cet amendement est-il soutenu ?
M. François Gerbaud, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, la commission le reprend.
M. le président. Ce sera donc l'amendement n° 43 rectifié.
Pour le défendre, la parole est à M. le rapporteur.
M. François Gerbaud, rapporteur. En l'absence de M. Berchet, je reprends cet amendement que je vais retirer ensuite, car il a un aspect pédagogique.
Cet amendement avait un grand intérêt pour la cause même du débat. Il n'a pas échappé à M. Georges Berchet, qui, comme vous le savez, est le rapporteur pour avis du budget des transports terrestres au nom de la commission des affaires économiques, que le remboursement de la dette devait, selon les déclarations de M. le Premier ministre en juin 1996, être proportionné à la part de cette dette résultant des dépenses d'infrastructures.
Cette part s'élevait à 125 milliards de francs à la fin de 1995 et c'est ce chiffre qui avait été avancé dans le débat - souvenez-vous - par M. le Premier ministre et par M. Bernard Pons.
Mais le résultat de l'exercice 1996 aurait dégagé un chiffre supérieur, que l'on dit être de 144 milliards de francs, selon les informations qui nous ont été fournies.
Spontanément, on aurait pu, au Sénat, être favorable à un tel amendement. Mais il se trouve que, pendant deux mois, les rapporteurs ont pris leur bâton de pélerin pour obtenir une reprise de la dette qu'ils ont obtenue. J'en remercie beaucoup M. Bernard Pons, qui fut un des militants de cette reprise de la dette au niveau de 134,2 milliards de francs.
Les difficultés financières sont cependant ce qu'elles sont. Le devoir de la majorité sénatoriale est de bien les mesurer. La politique, chacun le sait, est l'art du possible. A 134,2 milliards de francs, nous passons. Il est clair, dans les circonstances économiques qui sont les nôtres et compte tenu des efforts qui sont demandés, qu'à 144 milliards de francs, nous ne passons pas.
Cela dit, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 43 rectifié est retiré.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis de la commision des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Dans le prolongement des propos de notre collègue M. François Gerbaud, je voudrais ajouter, au nom de la commission des finances qui a longuement examiné - bien entendu, c'était son rôle - toutes ces questions financières, que cet amendement n'est, en réalité, pas injustifié sur le fond.
La logique initiale du désendettement consistait à reprendre toute la dette ayant servi à financer les infrastructures, ce qui correspondait à 125 milliards de francs au 1er janvier 1996 et à 144 milliards de francs au 1er janvier 1997.
Cependant, comme vient de l'indiquer M. François Gerbaud, au cours de la négociation menée par lui-même et par moi-même, la logique a changé : la dette reprise correspondra à la valeur des actifs transférés. Il faut donc tenir compte de deux contraintes : d'une part, la contrainte budgétaire de l'Etat, qui accordera 8 milliards de francs à RFF en 1997, mais ne pourra aller plus loin pour cette année-là et, d'autre part, la contrainte des comptes de RFF qu'il faut éviter de créer avec une situation nette négative.
Cet amendement avait la vertu de rappeler qu'il restera à l'avenir une marge de 10 milliards de francs de dettes que le Gouvernement pourra utiliser si l'Etat le peut et si c'est nécessaire. Je tenais à le rappeler pour bien montrer que nous avons, nous aussi, conscience de la difficulté de la tâche.
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par MM. Gerbaud et François, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 69 est déposé par le Gouvernement.
Tous deux tendent, dans l'article 6, à remplacer la somme : « 125 milliards de francs » par la somme : « 134 200 000 000 francs ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 18.
M. François Gerbaud, rapporteur. J'ai conscience d'avoir déjà défendu cet amendement. Je tiens cependant à remercier de nouveau M. le ministre Bernard Pons et Mme le secrétaire d'Etat Anne-Marie Idrac d'avoir pu répondre à nos invitations d'augmenter la reprise de la dette !
Notre commission, qui a été très sensible aux efforts qu'elle n'a jamais cessé de prodiguer et à l'insistance qu'elle a mise pour qu'effectivement cette reprise de dette soit augmentée, a tenu à ce que ce qui pouvait être acquis par cette commission fasse l'objet d'un amendement. Cet amendement, notre collègue Philippe François, cosignataire, en a eu l'initiative.
Telle est l'origine, telle est la réalité de l'amendement que j'ai l'honneur de présenter dans sa sécheresse comptable.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 69.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Cet amendement est identique à l'amendement n° 18 présenté par la commission. Il s'explique par son texte même.
M. le président. Par amendement n° 31, M. Haenel, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, dans l'article 6, après les mots : « Société nationale des chemins de fer français », les mots : «, représentative notamment en durée, en taux d'intérêt et en devises, de l'ensemble des engagements à long terme de cet établissement public, ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 287, présenté par le Gouvernement, et tendant, à la fin du texte proposé par l'amendement n° 31, à remplacer les mots : « des engagements à long terme de cet établissement public », par les mots : « de la dette financière de cet établissement et des contrats d'échanges financiers qui lui sont directement rattachés ».
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 31.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Cet amendement prouve, si besoin était, que le souci de la commission des finances, comme d'ailleurs celui de la commission des affaires économiques, est le redressement de la SNCF, dans le seul but de favoriser le renouveau des transports ferroviaires en France ; j'insiste sur ce point.
Il a donc pour objet de préciser que les conditions de la dette de RFF sont représentatives des conditions moyennes de la dette financière actuelle de la SNCF. Cette précision est d'importance. En effet, la rédaction actuelle ne permet pas de savoir si cette dette est à un jour ou à trente ans - il faut recentrer, bien sûr - et si son taux d'intérêt est variable de 2 % ou de 20 %.
Parce qu'elle précise qu'il s'agit des conditions actuelles de la dette, la rédaction proposée par l'amendement n° 31 permettrait d'alléger effectivement le poids des charges financières qui pèsent sur la SNCF et qui correspondent réellement à un passif de 134,2 milliards de francs.
Si l'on prend pour hypothèse que le taux d'intérêt moyen de la dette de la SNCF en 1997 sera de l'ordre de 7 %, RFF devra verser à cette dernière environ 9,4 milliards de francs à ce titre en 1997. Cet allégement de charges constituera le facteur principal de la réduction du déficit de la SNCF.
Par ailleurs, RFF remboursera également le capital de cette dette, dont la durée est celle de la dette de la SNCF aujourd'hui.
Les conditions précises de cette dette seront définies par convention entre RFF et la SNCF. C'est pourquoi il nous a paru extrêmement utile, afin d'éviter tout malentendu et toute polémique, de définir un cadre pour que le désendettement de la SNCF corresponde bien à ce que l'on en attend.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 287.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. J'indique d'entrée que le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 31, qui permet très opportunément de préciser les caractéristiques, en durée et en taux, de la dette reprise.
Cependant, il propose, par le sous-amendement n° 287, de déterminer la structure de la dette transférée afin que le montant de 134,2 milliards de francs soit réellement représentatif de l'ensemble de l'endettement actuel de la SNCF. En effet, la notion d'engagement est imprécise et peut concerner, par exemple, des contrats de crédit-bail relatifs à des matériels.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Le sous-amendement du Gouvernement a pour objet d'apporter des précisions à l'amendement de la commission des finances : il tend à remplacer l'expression « engagements à long terme » par l'expression plus synthétique « dette financière », qui nous paraît plus représentative de toute la dette de la SNCF. C'est bien le but que nous cherchons tous ici à atteindre.
Il ajoute les contrats d'échanges financiers que la SNCF peut être amenée à signer pour gérer cette dette.
Ces deux précisions sont tout à fait utiles. Elles contribuent à un désendettement effectif de la SNCF et prouvent que l'amendement de la commission était indispensable. La commission des finances est favorable à ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 287 ?
M. François Gerbaud, rapporteur. A titre personnel, j'émets un avis favorable. La commission n'a pas examiné ce sous-amendement, mais je pense que la majorité se serait prononcée dans ce sens.
M. le président. Mes chers collègues, pour la clarté des débats, je vais mettre aux voix dès maintenant le sous-amendement n° 287.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 287.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 153, MM. Billard Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De compléter l'article 6 par deux alinéas ainsi rédigés :
« En tant que de besoin, l'établissement public visé au premier alinéa de l'article premier est autorisé à émettre des emprunts à taux d'intérêt nul garantis par l'Etat.
« La durée de ces emprunts est fixée en fonction des objectifs à chaque opération. »
B. - Afin de compenser les dépenses occasionnées par le A ci-dessus, de compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - Le sixième alinéa de l'article 125-0 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« d) A 5 % lorsque la durée du contrat est égale ou supérieure à huit ans. »
C. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I. - ».
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Le fait d'inscrire au bilan du nouvel établissement public gestionnaire de l'infrastructure une part des dettes financières de la Société nationale des chemins de fer français pour un montant encore soumis à la discussion pose d'incontestables questions.
Nous avons indiqué dans un précédent amendement qu'il nous semblait plus que souhaitable, quitte à déséquilibrer légèrement le bilan de départ du nouvel établissement public, d'inclure dans le périmètre de la dette transférée, tant la dette souscrite sous forme d'emprunts obligataires que la dette souscrite en second rideau, essentiellement en devises étrangères, et qui participe de la constitution du réseau et des infrastructures de la SNCF.
Le périmètre et la consistance de la dette cantonnée - le projet de loi ne fait, en effet, qu'établir une sorte d'égalité particulièrement fragile entre dettes financières et capitaux propres - exigent dans les faits que tout soit mis en oeuvre, en termes de gestion de cette dette, pour réduire le plus possible les contraintes de financement des infrastructures ferroviaires.
Il y a l'existant, ce qui vient d'être transféré, et il y a le futur, ce qui devra être mobilisé et que l'absence de capacité d'autofinancement du nouvel établissement public ne permettra pas, à brève échéance, de couvrir.
Si le texte est laissé en l'état, telle sera la situation, pour le moins délicate, à laquelle nous serons confrontés.
Rapidement, une redevance sera versée par la SNCF dans le cadre du réseau existant - elle s'élèvera à 6 milliards de francs, ou peu s'en faut, en 1997 et en 1998 - et une redevance sera établie selon des modalités différentes, qui concernera l'ensemble du réseau réalisé par le gestionnaire d'infrastructure dans les années à venir.
Sans intervention publique, ce mode de financement tendra donc à majorer relativement les charges de la SNCF, sans pour autant - il ne peut d'ailleurs en être autrement - résoudre les difficultés du gestionnaire.
Deux lignes à grande vitesse seront soumises, dans un délai rapproché, à une réalisation concrète : il s'agit de la ligne Est, déterminante pour mailler le réseau français à certains réseaux voisins, et de la ligne Méditerranée. Ces deux lignes nécessiteront des investissements importants, tant du gestionnaire que de la SNCF, et des coûts d'exploitation particuliers.
Ainsi, pour ne donner qu'un seul exemple, la durée d'amortissement des rames TGV Atlantique est plus courte que celle des rames TGV Sud-Est, ce qui implique un provisionnement plus significatif.
De la même manière, le réseau de la banlieue parisienne est concerné par une importante modification, liée en particulier à l'ouverture de la ligne EOLE - je l'ai évoquée ce matin - et à la nécessité de renouveler une partie importante d'un parc de matériel roulant de plus en plus frappé d'obsolescence et qui a besoin d'une sérieuse remise à niveau.
Ce sont là des dépenses indispensables à l'accomplissement par la SNCF des missions de service public qu'elle est, de par sa raison d'être, appelée à accomplir.
Ce sont là des missions que l'Etat, parce qu'il collecte la contribution des usagers - donc des contribuables - se doit de soutenir pour que, demain, l'usager ne se retrouve pas en difficulté ou exclu de l'accès au service rendu.
Nous avons souligné que la participation de l'Etat aux charges d'infrastructure, qui seront désormais assurées par RFF, ou ce qui y ressemblera, devait être maintenue et développée.
Mais il est une autre méthode à notre disposition pour faire face à la question du financement des investissements futurs : il faut choisir, ainsi que nous le proposons, la voie de la suppression pure et simple des taux d'intérêt grevant cette dette par le biais de la bonification des taux servis sur le marché par l'Etat.
Il s'agit, là encore, de tirer parti du mouvement actuel de réduction des taux d'intérêt, qui affecte les marchés et dont l'Etat profite d'ailleurs un peu lui-même, comme l'a montré le collectif budgétaire de décembre dernier au chapitre de la dette négociable dont le coût a été réduit de plusieurs milliards de francs.
La charge de bonification incombant à l'Etat ne serait pas particulièrement insurmontable puisqu'elle porte sur des émissions de 20 à 25 milliards de francs par an : au pire, elles s'élèveraient à environ 1 milliard de francs, compte non tenu des effets d'éventuelles transformations ou renégociations de ces émissions.
Limiter les coûts de l'investissement pour la SNCF et pour le gestionnaire de l'infrastructure présente également d'autres caractéristiques.
Il s'agit, d'abord, de réduire la part relative du prélèvement constitué par les charges financières - amortissement du capital et, à plus forte raison, intérêts - sur la valeur ajoutée.
Il s'agit, ensuite, de faciliter la réalisation effective de ces investissements, qui sont déterminants pour l'emploi dans le secteur des travaux publics, de la métallurgie, de la construction mécanique ou de la construction électrique.
Aujourd'hui, les investissements de la SNCF représentent annuellement deux millièmes de produit intérieur brut marchand.
Les faciliter, c'est bon pour la croissance et pour l'emploi, donc pour la situation des comptes publics.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter cet amendement, pour lequel nous demandons un scrutin public.
M. le président. Par amendement n° 154, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 6 par un nouvel alinéa rédigé comme suit :
« Pendant les vingt premières années à compter de sa création, l'établissement public visé au premier alinéa de l'article 1er n'est soumis au versement ni de dividendes ni de contribution volontaire ou exceptionnelle à l'Etat. »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Par cet amendement, nous nous fixons comme principe de clarifier les relations entre l'Etat et le nouvel établissement public gestionnaire de l'infrastructure.
A l'instar du rapport sur la situation de la SNCF effectué par la Cour des comptes, nous sommes amenés à penser que le gestionnaire de l'infrastructure sera déficitaire de manière structurelle. A l'examen des conditions financières qui grèvent la dette de la société nationale transférée au gestionnaire, les charges de l'établissement seront en effet largement plus importantes que les produits, le taux de couverture pouvant être estimé aux alentours de 60 %.
L'établissement public sera donc durablement en situation de déficit financier, déficit le conduisant, dès 1997, à lever de 15 à 20 milliards de francs de ressources sur les marchés pour faire face à ses engagements.
Il ne pourra donc pas, normalement, et avant de longues années, permettre à ses deux actionnaires - l'Etat et sa dotation initiale de 8 milliards de francs, la SNCF et son apport initial de 134,2 milliards de francs - d'espérer le moindre retour sur investissement sous forme de versement de dividendes, sous peine de voir sa situation financière déjà fragile s'aggraver encore.
Il a, de plus, dans le cadre de la conception que nous avons de son rôle à l'avenir, une fonction essentielle à remplir quant à l'apurement de la dette actuelle de la SNCF.
Pour atteindre cet objectif, il doit, à notre sens, y consacrer l'ensemble de ses moyens et des ressources qu'une gestion la plus efficace possible de son passif aura permis de dégager. Tel est l'objet de cet amendement.
Nous proposons donc que le nouvel établissement public gestionnaire de l'infrastructure ne soit pas en situation de verser de dividende, permettant un apurement éventuel d'un report à nouveau négatif par l'affectation du résultat positif qui pourrait être dégagé.
Nous proposons également que, sur une durée de vingt ans, il ne soit versé par l'établissement aucune autre contribution représentative, exceptionnelle ou volontaire, comme cela peut exister pour d'autres établissements, et notamment des établissements ou des institutions financières spécialisées.
Il s'agit donc de donner à l'établissement public nouveau les moyens de son fonctionnement, même si ce n'est pas uniquement au travers de telles dispositions qu'il sera en mesure d'équilibrer sa situation financière.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Par amendement n° 155, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 6 par un nouvel alinéa rédigé comme suit :
« Pendant les quinze premières années à compter de sa création, l'établissement public visé au premier alinéa de l'article premier n'est soumis au versement ni de dividendes ni de contribution volontaire ou exceptionnelle à l'Etat. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement présente des caractéristiques sensiblement équivalentes à celles de notre amendement précédent, qui proposait de permettre l'abondement constant des fonds propres du nouvel établissement public gestionnaire de l'infrastructure par l'affectation des résultats éventuellement bénéficiaires pendant une durée de vingt années.
Dans le cas présent, il s'agit de retenir une durée de quinze ans, ce qui constitue une position de repli par rapport à l'amendement précédent.
Pourquoi pourrait-on, au-delà des arguments que nous avons déjà soulevés précédemment, retenir une telle durée quant à un moratoire de versement à l'Etat ou aux actionnaires de tout ou partie des résultats de l'établissement ?
On peut retenir dans ce cadre des raisons de simple logique de développement.
Attendu que l'établissement que crée le projet de loi a pour objectifs fondamentaux de favoriser le développement des infrastructures ferroviaires de notre pays, la durée du moratoire peut être ajustée en fonction de la durée retenue pour l'amortissement des matériels ou des immobilisations.
Signalons simplement que les éléments d'actifs apportés au nouvel établissement par la SNCF sont en général amortis en vingt ans, tandis que la plupart des emprunts obligataires sont au moins établis pour une période de quinze ans, et parfois pour des durées plus longues, en fonction des objectifs propres à chaque opération.
Il s'agira donc de faire en sorte que l'établissement gestionnaire de l'infrastructure dispose des moyens de faire face à ses contraintes d'équilibre de gestion, en retardant au maximum la période à partir de laquelle l'Etat sera éventuellement amené à demander un retour, sous quelque forme que ce soit, de son soutien financier initial.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Par amendement n° 156,MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter l'article 6 par un nouvel alinéa rédigé comme suit :
« Pendant les dix premières années à compter de sa création, l'établissement public visé au premier alinéa de l'article 1er n'est soumis au versement ni de dividendes ni de contribution volontaire ou exceptionnelle à l'Etat. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se présente un peu comme l'ultime wagon du train du moratoire sur l'affectation des résultats du nouvel établissement public gestionnaire de l'infrastructure.
En dépit de la validité de notre argumentation sur un moratoire fixé dans un premier temps à vingt ans et dans un second temps à quinze ans, il s'agit ici de faire en sorte que le principe de ce moratoire soit retenu pour une durée de dix ans.
Sur le fond, de telles dispositions n'ont toutefois de sens que dans l'hypothèse où l'établissement public gestionnaire de l'infrastructure parviendrait à équilibrer ses comptes au travers d'une gestion active de sa situation de trésorerie passant par tout autre moyen que des cessions d'actifs qui ne dégageront que peu de plus-value, les principes jusqu'ici retenus en la matière par la Société nationale des chemins de fer français n'ayant pas permis de valorisation spectaculaire du patrimoine cédé.
Ainsi, pour l'exercice 1995, dont nous connaissons les données, le compte des produits exceptionnels, qui retrace notamment les conséquences des déclassements de lignes et des cessions d'actifs correspondants, ne porte que sur des valeurs relativement résiduelles, le résultat exceptionnel se situant sous le milliard de francs et portant principalement sur les cessions de matériel.
Les produits de cessions d'actifs immobiliers ont ainsi atteint, en 1995, la somme de 437 millions de francs.
Cela caractérise le fait que ce n'est pas au travers de la cession des actifs apportés à la création du nouvel EPIC que nous parviendrons à résoudre les difficultés éventuelles de trésorerie auxquelles il sera naturellement confronté.
La gestion active de sa dette par tous les moyens disponibles - et nous en avons évoqué plusieurs, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre d'opérations d'échange de titres, d'opérations de bonification d'intérêts, de mutualisation des coûts et d'opérations de gestion de trésorerie au travers de placements de court ou moyen terme adéquats - peut permettre, dans des limites acceptables pour les collectivités locales, pour l'exploitant comme pour l'Etat, de recadrer la dette transférée, de la reprofiler sur cette période de dix ans pendant laquelle nous sollicitons la mise en oeuvre d'un moratoire sur la contribution fiscale de l'établissement ou sur l'affectation, au bénéfice des actionnaires, de tout ou partie de son résultat.
Une telle démarche a d'ailleurs une raison fort simple : le seul poids des intérêts financiers sur la dette obligataire de la SNCF constitue 26 % du compte d'infrastructure.
Il y a donc pleinement lieu de déconnecter puissamment le financement de l'infrastructure de cette formidable contrainte.
Ce dernier amendement de notre groupe sur la question du moratoire est donc tout aussi justifié que les précédents, même s'il se révèle moins lié aux contraintes techniques de développement de cette infrastructure et plus lié aux objectifs de gestion active de la dette que l'on peut dès aujourd'hui assigner au nouvel établissement public.
Sous le bénéfice de ces observations, et à défaut d'avoir souhaité retenir les deux précédents amendements, le Sénat devrait adopter cet amendement n° 156.
M. le président. Par amendement n° 157, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De compléter in fine l'article 6 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dès sa création, Réseau ferré national est autorisé à émettre tout titre de créance négociable représentatif d'un droit de créance en vue d'alléger les contraintes de remboursement de la dette transférée en vertu des dispositions du premier alinéa.
« Ces émissions sont soumises à la garantie de l'Etat. »
B. - Pour compenser les dépenses occasionnées par le paragraphe A ci-dessus, de compléter ce même article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence du coût de la garantie accordée au titre de créance émis en application du I ci-dessus. »
C. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I - »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. On ne peut se contenter, ainsi que le prévoit l'article 6, de porter au passif du nouvel établissement gestionnaire de l'insfrastructure une partie des dettes financières de la SNCF.
La question est certes de savoir si l'on arrête le curseur à 134,2, à 144, à 170 ou à 180 milliards de francs comme nous le proposons. Mais elle est aussi de savoir comment cette dette peut être apurée et, à tout le moins, restructurée.
L'examen de la situation des comptes de la SNCF montre en particulier qu'un point moyen de la dette de la société constitue une charge de quelque 1 500 millions de francs, ou peu s'en faut.
Par conséquent, se placer dans la perspective d'une réduction sensible de la dette obligataire transférée implique de réfléchir aux outils de sa restructuration.
Les données du problème sont simples.
Le taux moyen de la dette de la SNCF est aujourd'huide 7,88 %.
Les émissions d'obligations de long terme du Trésor sont actuellement assorties d'un taux de 5,5 %, tandis que les bons de court terme se situent autour de 3,5 %.
Quant au taux de base bancaire, il est aujourd'hui de 3,15 %, la plupart des taux de court terme étant sous les 4 %.
On peut donc tout à fait concevoir qu'une partie de la dette transférée fasse l'objet, dès la création de l'EPIC gestionnaire, d'opérations d'échange tendant notamment à rembourser la dette de long terme pour partie sur des émissions de court terme par versement anticipé ou sur d'autres émissions de long terme.
Un point de taux d'intérêt, nous l'avons dit, cela représente plus d'un milliard et demi de baisse de la contrainte financière qui pèse sur l'EPIC de par la structure de son passif.
Cette situation est d'autant plus importante que pour l'essentiel - quelque chose comme 80 % - la dette transférée est à cinq ans et plus.
Dès sa création, le nouvel EPIC doit donc être mis en situation de restructurer sa dette par tout moyen approprié, et on peut faire confiance aux salariés de la direction financière de la SNCF transférés sur ce nouvel EPIC pour mettre en oeuvre cette stratégie d'abaissement de charge.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Par amendement n° 158, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent :
A. - De compléter l'article 6 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les titres représentatifs de cette dette peuvent, en tant que de besoin, faire l'objet d'offres publiques d'échange avec des titres de la dette de l'Etat. »
B. - Pour compenser la dépense occasionnée par le A ci-dessus, de compléter ce même article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence de la charge résultant de l'échange des titres représentatifs de la dette mentionnée au I contre des titres de la dette de l'Etat. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement tend à compléter les outils d'ingénierie financière mis à disposition du nouvel EPIC gestionnaire d'infrastructure pour participer effectivement à l'apurement de la dette de la SNCF.
L'effort qui est ici demandé est porté sur le compte de l'Etat.
La gestion 1996 de la dette publique a traduit dans les faits et dans des proportions non négligeables un allégement conjonctuel de la charge de la dette lié à la baisse des taux d'intérêt.
Plusieurs milliards de francs ont ainsi été annulés dans le cadre de l'arrêté du 13 novembre 1996, même si le montant de cette réduction de la dette demeure, hélas ! sans commune mesure avec le volume global de son encours dont plusieurs années de libéralisme et d'obsession européenne n'ont pas permis de ralentir la croissance, bien au contraire...
Soyons clairs : la dette publique est assortie d'un taux de charge plus faible que celui de la dette des principales entreprises publiques.
Dans l'absolu, si l'on y regarde de près, les principales entreprises publiques - la SNCF, bien sûr, mais encore, France Télécom, La Poste, EDF-GDF, pour ne parler que de celles-ci - ont certes des dettes importantes, s'élevant parfois à plusieurs centaines de milliards de francs, dont l'un des outils de financement aurait consisté en une prise en charge par l'Etat, notamment au travers d'OPE.
Se priver de cet outil n'aurait pas de sens : c'est ce que montre l'examen de la validité de la signature de l'Etat français sur les marchés. Il importe donc de s'en servir avec discernement pour ce qui concerne le gestionnaire d'infrastructure.
Pourquoi, dès lors, ne pas concevoir, sur dix ou douze ans, par exemple, une série d'OPE tendant progressivement à faire disparaître la dette transférée dans les comptes du nouvel EPIC ?
Quand l'Etat est prêt à consacrer 8 milliards de francs au financement annuel des prêts à taux zéro dont ne profitent que les établissements de crédit, lesquels assurent ainsi leur marge d'intermédiation financière tout en prenant pied sur un créneau qui a jadis assuré la rentabilité du Crédit foncier de France - dont le nom a été évoqué il y a quelques instants - quand il accepte de consacrer 115 milliards de francs aux aides aux entreprises privées, il peut, à notre sens, procéder à la mise en oeuvre de ce que nous proposons.
Encore une fois, il convient ici de permettre au nouvel EPIC de ne pas être grevé lourdement par son passif, d'autant qu'il devra éventuellement « piloter », financièrement parlant, des investissements en lignes nouvelles ou en rénovation de lignes existantes. J'ai déjà parlé de l'entretien des voies du TGV Sud-Est.
Evidemment, on nous exhortera sans doute à ne pas oublier les critères de convergences du traité de Maastricht !
Si la dette des entreprises publiques ne participe pas de l'évaluation du taux d'endettement public, ce n'est pas le cas de la dette publique de l'Etat.
Transférer l'une sur l'autre amène donc à donner un coup de canif dans le contrat de mariage européen, coup de canif d'autant plus problématique que le futur pacte de stabilité imposé aux pays participant à la monnaie unique risque fort de prévoir des niveaux de déficit encore plus faibles, d'atteinte fort hypothétique, soit dit en passant, et d'endettement public sans doute également minoré.
Soyons toutefois clairs : la France est encore loin des 60 % d'endettement public rapporté au PIB et la dette transférée au nouvel EPIC représente moins de deux points du PIB.
Elle semble donc tout à fait en situation d'être prise en charge là où elle n'aurait jamais dû cesser de figurer, c'est-à-dire au budget des charges communes...
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite donc à adopter cet amendement.
M. le président. Par amendement n° 159, Mme Luc, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine l'article 6 par un alinéa ainsi rédigé :
« Un rapport sur l'évolution de la situation de l'établissement public visé au premier alinéa de l'article 1er sera présenté chaque année devant le Parlement. »
La parole est à M. Fisher.
M. Guy Fischer. Pour mettre un terme au débat sur cet article, débat qui se déroule dans cet hémicycle depuis mardi,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Si l'on peut appeler cela un débat !
M. Guy Fischer. Tout au moins le groupe communiste républicain et citoyen le mène-t-il...
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne vous en fais pas le reproche !
M. Guy Fischer. ... et ce n'est pas une litanie !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne l'ai pas dit pour vous, cher collègue !
M. Guy Fischer. J'espère !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous méritez mieux que le silence qui vous est opposé !
M. Ivan Renar. C'est pour éviter l'espèce de solo qui a un caractère un peu funèbre ! (Sourires.)
M. le président. Mes chers collègues, c'est M. Fisher et lui seul qui a la parole !
Poursuivez, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Le débat qui se déroule dans cet hémicycle depuis mardi et qui s'amplifie dans le pays - avec, notamment, l'annonce d'une grève le 30 janvier prochain par trois organisations syndicales qui regroupent près de 75 % des salariés - démontre la nécessité d'un rapport gouvernemental sur l'évolution de la situation du nouvel établissement si, bien entendu, il est un jour créé.
Ce rapport, pour être efficace, devrait être présenté chaque année devant les assemblées.
Les interrogations multiples qui sont apparues ces derniers jours sur la méthode proposée pour le règlement de la dette, interrogations à des degrés divers mais présentes sur l'ensemble des travées du Sénat, nécessiteront - qui peut le nier ? - de faire régulièrement le point sur cette question fondamentale.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, cette proposition constitue un amendement de repli. Notre position de fond n'évolue en rien. Nous considérons en effet que la disposition que M. le rapporteur considère comme l'une des « dispositions clés du projet de loi » est un véritable tour de passe-passe et ne relève que du simple jeu d'écriture.
Contrairement à ce que Mme le secrétaire d'Etat a indiqué ce matin même sur France 2, l'Etat ne reprend pas la dette ; il ne s'engage au contraire que d'une manière extrêmement limitée.
Nous sommes bien loin de l'ambition, pourtant hautement nécessaire, d'une politique de transport pensée et élaborée de manière globale, fondée sur le service public général, et non la libre concurrence.
Nous l'avons déjà indiqué à maintes reprises - mais cela doit être rappelé - ce sont notamment les contraintes de la monnaie unique, pleinement acceptées par le Gouvernement, qui, de toute manière, obèrent toute possibilité pour l'Etat de s'engager financièrement de manière efficace dans la modernisation des transports de notre pays.
Cet engagement, pourtant indispensable, serait en effet contraire à la politique, imposée par l'Europe de Maastricht, de réduction des déficits publics.
Cette question est essentielle aux yeux de la majorité, puisque M. le rapporteur a écrit dans son rapport que « la solution consistant à imputer à RFN, autre établissement public et commercial, une dette compensant en partie celle de la SNCF, constitue donc une mesure neutre par rapport aux critères de convergence. En cela, elle ne peut être que bien venue, dès lors que l'on veut que les traités, et le traité de Maastricht a été ratifié par référendum, soient appliqués ».
Nous refusons votre conception immuable de la démocratie qui fait qu'aujourd'hui le traité de Maastricht est très majoritairement contesté par l'opinion publique française.
M. Emmanuel Hamel. Et à juste titre !
M. Guy Fischer. Je vous remercie, monsieur Hamel.
Pour revenir sur le fond de notre amendement, tout laisse à penser que ce véritable cantonnement de la dette ne réglera en rien le problème d'endettement auquel se trouve confrontée la SNCF.
Nous proposons donc, et c'est pour le moins nécessaire, que le Gouvernement présente chaque année un rapport sur l'évolution de la situation de la SNCF.
Cette proposition étant d'importance, nous vous proposons de l'adopter par scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 58, 150, 152 rectifié, 69, 31, 153, 154, 155, 156, 157, 158 et 159 ?
M. François Gerbaud, rapporteur. L'article 6, qui est au coeur du débat, consacre la reprise de la dette à un niveau que nous avons souhaité plus élevé, nous qui avons été « les pèlerins du plus ». Il nous amène ainsi, si j'ose dire, au « pic » de la satisfaction.
La commission est défavorable aux amendements n°s 58 et 150 de suppression.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 152 rectifié. La logique financière du texte est très favorable à la SNCF, mais la reprise des infrastructures lui apportera dans l'avenir un plus grand soulagement que ne le ferait une reprise totale de la dette.
Si la commission est défavorable à de nombreux amendements, je tiens à souligner d'emblée qu'elle les a examinés avec une scrupuleuse attention, et que son avis ne résulte nullement d'un examen à la hussarde ou désinvolte.
L'amendement n° 69 étant identique à l'amendement n° 18, la commission ne peut qu'y être favorable.
La commission est également favorable à l'amendement n° 31, sous réserve du mot « notamment », qui n'est jamais le bienvenu dans les textes de loi.
La commission est défavorable à l'amendement n° 153, qui apporte un luxe de précisions et qui confine surtout au domaine réglementaire.
L'amendement n° 154 est un amendement très intéressant. Je dois d'ailleurs reconnaître le travail accompli par le groupe communiste républicain et citoyen dans la rédaction de ses amendements. J'émets néanmoins un avis défavorable, dans la mesure où la disposition proposée pourrait être assimilée à des subventions déguisées et nous attirer les foudres de Bruxelles, alors que notre souci a été de rester dans le cadre défini par le traité de Maastricht.
La commission a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 155. En effet, RFF doit être soumis aux règles régissant les établissements publics, industriels et commerciaux. En pratique, l'établissement public sera fortement aidé par l'Etat. Il est souhaitable qu'il soit un jour, le plus vite possible, en mesure de payer ses impôts.
Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission est défavorable à l'amendement n° 156.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 157, qui semble satisfait par l'article 12.
Quant à l'amendement n° 158, il est, lui, partiellement satisfait par ce même article 12. Pour le reste, il paraît relever du pouvoir réglementaire.
La commission y est donc défavorable. La commission est également défavorable à l'amendement n° 159. La préoccupation de ses auteurs est très largement partagée par la commission, monsieur Renar. Celle-ci a déposé, après l'article 15, un amendement qui devrait leur donner satisfaction.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 58 et 150, qui remettent en cause le projet de loi. Il est également défavorable, et pour les mêmes raisons, à l'amendement n° 152 rectifié.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 18 dans la mesure où il a lui-même déposé un amendement identique.
Le Gouvernement est également favorable à l'amendement n° 31, puisque le sous-amendement n° 287 a été adopté.
Sur l'amendement n° 153, l'avis du Gouvernement est défavorable, car le dispositif proposé n'est pas réaliste.
L'avis est également défavorable sur l'amendement n° 154, car l'établissement public qui est créé par le projet de loi a vocation à recevoir d'importants concours de l'Etat pour assumer la charge de la dette qui lui est transférée et le financement des futurs investissements d'infrastructure. Il n'a donc pas vocation à dégager des surplus qui pourraient, dans l'autre sens, donner lieu à des reversements à l'Etat.
Sur l'amendement n° 155, la position du Gouvernement est la même que sur l'amendement précédent ; il en est de même pour l'amendement n° 156.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 157 parce que les précisions qui sont proposées sont réductrices et pourraient même empêcher le recours à l'emprunt pour financer les investissements.
Sur l'amendement n° 158, le Gouvernement a émis un avis défavorable. En effet, la disposition ne répond pas au schéma qu'il a proposé. Elle est, en outre, contraire aux principes de la comptabilité publique et de l'autonomie de gestion des établissements publics.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 159. Naturellement, il est favorable au principe d'une information régulière du Parlement ; le projet de loi de finances permettra sans doute d'y procéder. Mais il pense préférable de débattre de ce sujet à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 27 de la commission visant à insérer un article additionnel après l'article 15.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 58 et 150, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 152 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 78:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 15994
Contre 223

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 18 et 69.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques et du Plan.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 243
Majorité absolue des suffrages 122238
Contre 5

Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31.
M. Alain Richard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, je voudrais expliquer les raisons de l'abstention du groupe socialiste sur cet amendement, qui a pourtant, indéniablement, une portée positive puisqu'il précise les conditions de la reprise de la charge de la dette de la SNCF afférente aux infrastructures par Réseau ferré de France.
A l'occasion de cette explication de vote au cours de laquelle je vais relever certaines imperfections juridiques et financières du dispositif, je voudrais aussi demander à M. le ministre deux ou trois précisions sur les conséquences de ce transfert de dette.
Une imperfection tient au fait que le cadre juridique de ce transfert de dette n'est pas précisé par la loi.
En effet, au cours de la discussion, tout le monde a semblé d'accord sur le fait que ce transfert de dette de 134 milliards de francs - une somme de cette importance mérite un petit effort d'encadrement - serait régi par une convention. Or il me semble que la seule convention prévue par le projet de loi se situe à l'article 1er et qu'elle n'a pas cet objet. Il est simplement dit qu'un décret prévoira qu'une convention entre RFF et la SNCF fixera les conditions d'exécution et de rémunération des missions prévues au précédent alinéa. Il n'est aucunement fait mention du transfert de la dette.
Il me paraît, monsieur le ministre, qu'il serait judicieux de prévoir à l'article 6 qu'une convention spéciale régira les conditions du transfert de la dette dans la durée.
A mon sens, cette convention devrait être approuvée par un acte réglementaire, car elle s'inscrit directement au coeur du dispositif : il ne peut s'agir d'un simple document contractuel entre deux établissements publics.
J'estime également - il n'est pas besoin de le préciser dans le texte, mais cela doit être clair - que cette convention devra ultérieurement être assortie d'avenants car la dette transférée va continuer à évoluer dans des proportions très importantes, comme l'ont souligné plusieurs de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen.
Parmi les 134 milliards de francs, il y a 25 % de dettes variables, soit 34 milliards de francs, qui donneront lieu à des ajustements. Ainsi, la charge finale que devra supporter RFF variera en fonction des options de gestion de la dette qui seront prises par la SNCF, puisque le débiteur premier restera la SNCF.
Telles sont les recommandations pour l'avenir que je me permets de faire.
Quant aux explications que je souhaiterais obtenir de M. le ministre, elles portent sur le cumul du remboursement du capital et des intérêts. En effet, les rapports écrits ne font état que de l'équilibrage de la charge des intérêts, et celle-ci peut effectivement, dans les conditions actuelles, être évaluée à 8 milliards ou 9 milliards de francs.
Mais, si l'on inclut la charge du capital, étant donné la durée moyenne des emprunts de la SNCF, le service de la dette que devra assumer RFF sera en réalité de l'ordre de 16 milliards à 18 milliards de francs.
Quelles ressources peuvent permettre de faire face à cette charge globale au titre de la dette ?
S'agissant des intérêts, le montant des péages paraît, selon les prévisions actuelles, susceptible d'assurer l'équilibre : nous avons, de part et d'autre, des masses comprises entre 7 milliards et 9 milliards de francs. Nous pouvons espérer que, si la baisse des taux à long terme se poursuit, la charge réelle d'intérêt imputée à RFF pourra être, dans la durée, équilibrée par les péages sans que ceux-ci augmentent trop.
En revanche, pour ce qui est du remboursement du capital, on ne voit pas de quelles ressources RFF peut disposer, sauf à recevoir à ce titre une dotation régulière de l'Etat. A défaut, on condamnerait RFF à gérer son service de la dette comme le fait l'Etat, en réempruntant régulièrement pour assurer le remboursement du capital. Les partenaires financiers risqueraient alors de considérer que l'établissement public a été créé non pour gérer un patrimoine et assumer la dette qui s'y rattache, mais pour servir de structure de cantonnement de la dette en question. Or tel n'est pas l'objet du projet de loi.
Tant que des assurances ne figurent pas dans la loi - car c'est là qu'elles doivent trouver leur place - quant au versement par l'Etat d'une dotation équivalant à la charge en capital, on doit considérer qu'on organise l'instabilité financière de l'établissement public.
S'agissant du financement des infrastructures à venir, si l'on ne met pas en place au moins un cadre de participation de l'Etat et de certaines collectivités locales intéressées - mais c'est l'Etat qui est d'abord concerné puisque c'est essentiellement un réseau national qui est en cause - à ce financement, et si RFF assume ce même financement par le seul recours à l'emprunt, il va de soi que la charge financière deviendra rapidement insupportable pour cet établissement. Cela pourrait nous conduire, dans quelques années, à revenir sur ce sujet pour constater l'échec de la formule aujourd'hui prévue et trouver de nouvelles solutions.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. J'ai écouté attentivement M. Richard et je voudrais lui répondre en quelques mots.
Le Conseil d'Etat, qui a été consulté, n'a pas estimé qu'un décret portant spécifiquement sur le point qu'il a soulevé était nécessaire.
En outre, l'amendement n° 31, sous-amendé par le Gouvernement, précise que la créance de 134,2 milliards de francs de la SNCF sur RFF est représentative de la dette financière de la SNCF, notamment en durée, en taux d'intérêt et en devises. La durée se situe autour d'une dizaine d'années. Quant au taux, il est actuellement de 7,3 %.
Je signale d'ailleurs à M. Richard que, à la page 63 de l'excellent rapport de M. François Gerbaud, on trouve une analyse tout à fait précise de la dette.
M. Alain Richard. J'en ai pris connaissance !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Enfin, je précise que l'Etat veillera à l'équilibre financier du futur établissement et que c'est l'ensemble de ses ressources qui lui permettra de faire face à l'ensemble de ses charges.
M. Alain Richard. Voilà qui est très important !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 31, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 153, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 80:

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 94
Contre 222

M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 154, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 155, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 156, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 157, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 158, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 159, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 81:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 95
Contre 222

M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 6.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez sans doute pas surpris que nous nous apprêtions à voter contre l'article 6.
A mesure que les heures passent, il est clair qu'on peut de moins en moins parler de « débat ».
Et je m'empresse de dire à mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen que, lorsque j'ai tout à l'heure prononcé le mot « litanie », ce n'était certes pas leurs interventions que je visais. Je juge au contraire celles-ci très fécondes. La litanie que j'évoquais était celle des avis défavorables qui sont lancés aux parlementaires sans autre forme d'explication,...
M. Jean Chérioux. Nous avons jadis connu cela avec Gaston Defferre !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... après que les amendements ont été regroupés par paquets, ce qui réduit encore les possibilités de discussion.
Sous cette anesthésie générale organisée, il y a ni plus ni moins refus de débattre du problème qui se pose effectivement à la nation. Ce problème ne se résume pas au strict exercice comptable qui vous sert de premier et dernier argument, à l'agitation du spectre de la dette !
Le vrai problème, c'est celui de la politique globale des transports dans notre pays.
M. Michel Rufin. Nous, nous défendons les contribuables !
M. Jean Peyrafitte. Quelques contribuables !
M. Jean-Luc Mélenchon. Aussi bien tous ceux de nos collègues qui se sont un peu penchés sur le montage que vous nous proposez ont-ils fait observer que le plus grand doute planait sur son efficacité financière, y compris de votre propre point de vue.
La question de fond restera posée aussi longtemps que le transport routier sera non seulement favorisé, mais encore encouragé au détriment du transport en commun ferroviaire. Tant qu'il en sera ainsi, il n'y aura pas d'issue positive à la crise récurrente du transport public !
Mes chers collègues, comment nos concitoyens pourraient-ils ne pas être stupéfaits en découvrant que, au moment même où l'on prend la mesure de la pollution atmosphérique, dont le transport routier est le principal agent, où l'on imagine les solutions les plus diverses et les plus compliquées pour parer à ce problème, pas une fois cet aspect n'aura été évoqué au cours de ce débat ?
Par un archaïsme routinier, boutiquier et comptable, on continue d'organiser la politique de la nation compartiment par compartiment, entreprise par entreprise, fasciné qu'on est par l'idéologie libérale, ainsi que j'en ai fait la démonstration dans la discussion générale sans que personne ne puisse me répliquer.
M. Jean Delaneau. Cela ne valait pas le coup !
M. Jean-Luc Mélenchon. On va même jusqu'à n'envisager la réalité, à l'intérieur de l'entreprise, qu'activité par activité, sans l'once du début d'un commencement de réflexion sur ce qu'est l'économie globale. Or, à notre époque, c'est le seul point de vue qui permet d'analyser et, finalement, de résoudre les problèmes.
L'article 6 ne réglera rien. Comme l'a dit tout à l'heure mon collègue Alain Richard, nous nous retrouverons sous peu pour parler des problèmes financiers que rencontrera le nouvel établissement. Vous serez en effet contraints de nous proposer de nouvelles adaptations si vous continuez à vous aligner, de directive en livre blanc, sur les préoccupations des eurocrates libéraux.
M. Jean Chérioux. Ils sont souvent socialistes !
M. Claude Billard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. L'article 6 du projet de loi portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » aborde, nous avons eu l'occasion de le vérifier au cours de la discussion à laquelle ont largement contribué, force est de le constater, les membres du groupe communiste républicain et citoyen, la question centrale et même fondamentale de la dette de l'entreprise nationale de transport ferroviaire.
L'examen des données comptables que permet le traitement de cette dette par partition révèle d'ailleurs une situation assez paradoxale.
En effet, depuis plusieurs années, la Société nationale des chemins de fer français est confrontée à la dégradation de son compte d'infrastructure, à cause essentiellement du retournement de tendance observé en ce qui concerne les taux d'intérêt affectant ses emprunts à long terme, de l'absence de capacité d'autofinancement et du désengagement de l'Etat.
Pour prendre un exemple relativement simple, qui fera bien comprendre dans quelles conditions se développe aujourd'hui la crise financière de la SNCF, il est des collectivités locales dont le taux de charge moyen affectant leur dette à long terme est inférieur à celui de l'entreprise nationale.
Ainsi, la dette d'une commune que je connais bien, celle de Mitry-Mory, où vivent d'ailleurs de nombreux cheminots, est grevée d'un taux d'intérêt de 6,4 %, alors que, je le rappelle, celle de la SNCF supportait un taux de 7,9 points en 1995.
Soyons encore plus clairs : le taux réel de la dette de la SNCF engendre aujourd'hui un surcoût de l'ordre de 7 milliards de francs d'intérêt, qui représentait à lui seul, en 1995, plus de 60 % du déficit du compte d'infrastructure.
En suivant la logique du projet de loi, où en arriverons-nous ?
La Société nationale des chemins de fer français, recentrée sur sa seule activité commerciale, va céder une part importante de ses actifs, dont la réduction du volume s'accompagnera d'un gonflement des créances financières de l'entreprise puisque RFF sera son débiteur à hauteur de 134,2 milliards de francs.
On ne sait d'ailleurs si la prudence ne commanderait pas à la SNCF de provisionner une partie de la créance de RFF, mais c'est là un point sur lequel vous pourrez peut-être, monsieur le ministre, nous apporter quelques éclaicissements.
En outre, elle supportera une charge d'amortissement financier et technique d'immobilisations limitée à celle découlant de l'évolution de son parc roulant.
Remarquons à ce sujet qu'une partie importante de ce parc est aujourd'hui financée au travers d'opérations de crédit-bail, ce qui n'est pas d'ailleurs sans poser quelques problèmes en termes d'alourdissement des charges d'amortissement, tandis que les constructeurs de ces matériels - je pense notamment ici à GEC-Alsthom - ne sont pas complètement hors d'état de supporter une part des coûts de recherche et de développement.
Dans les faits, sur le plan comptable, la SNCF devrait normalement approcher de l'équilibre dès 1997.
Pour autant, la réduction sensible du volume des immobilisations de la SNCF risque d'affaiblir aussi sa position en matière de négociation d'emprunts, alors même qu'elle enregistre un déficit de 12 milliards ou de 13 milliards de francs pour 1996.
Le problème, c'est que le déficit du nouvel EPIC, RFF, devrait représenter dès la première année environ 18 milliards de francs ; voire un peu plus, étant donné que nous devons désormais y intégrer les coûts correspondant à la souscription de primes d'assurance sur le patrimoine transféré en pleine propriété à RFF.
D'une société déficitaire à hauteur de 12 milliards à 13 milliards de francs, nous faisons donc deux entreprises dont le déficit dépasse 20 milliards de francs, atteint même près de 30 milliards de francs si l'on tient compte du fait que la dotation en capital est portée au bilan, et non au compte de résultat, et ce dès 1997.
En résumé, après un an d'existence, les deux EPIC seront encore plus endettés et encore plus déficitaires que la seule SNCF. Déficit pour déficit, la seule solution est donc bien de reprendre la dette de la SNCF.
De plus, quand un gouvernement constate en mars 1993 que la SNCF supporte un déficit cumulé de 8 milliards de francs et nous propose de rompre l'unité de l'entreprise au moment où celui-ci atteint 55 milliards de francs, il doit, je le dis tout net, assumer ses responsabilités pleinement et entièrement, ou alors c'est qu'il n'est pas attaché à la pérennité du service public de transport ferroviaire.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l'article 6.
Mmes Marie-Claude Beaudeau et Hélène Luc. Très bien !
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Pour éclairer encore un peu plus le débat, permettez-moi, mes chers collègues, à l'occasion de cette explication de vote, de faire référence à un article paru ce jour dans l'Expansion, hebdomadaire d'analyse bien informé, qui, pour cette raison, est lu, du moins je le suppose, par nombre d'entre vous. Cet article est très intéressant, et son titre est évocateur : « Chemin de fer : les trains privés pointent leur nez ».
Je citerai ici certaines têtes de chapitre tirées de ces quelques pages de L'Expansion : « Une réforme en cascade » ; « La SNCF devient un simple exploitant » ; « A terme, la fin du monopole de la SNCF sur son réseau » ; « La régionalisation ouvre la voie à la concurrence européenne et au retour d'opérateurs privés »...
M. Jean-Luc Mélenchon. Et voilà !
M. Ivan Renar. C'est d'ailleurs remarquable, car cela résume les amendements que nous avons déposés !
Je poursuis ma lecture : « Les cheminots seront contraints de s'adapter : recours accru à la sous-traitance et au personnel contractuel » ; « Leur statut est menacé de contournement ».
Je ne résiste pas au plaisir de vous citer maintenant quelques bons passages de l'article principal, en commençant par son introduction : « 1937-1997 : soixante ans de monopole prennent fin. Derrière la réforme destinée à effacer 130 milliards de dettes, c'est l'ouverture à la concurrence que le Gouvernement prépare. »
Un peu plus loin, il est indiqué que « derrière la création de cette nouvelle entité se profile en réalité le plus grand séisme qu'aient jamais connu les chemins de fer français depuis leur nationalisation en 1937 ».
M. Claude Billard. Et voilà !
M. Jean-Luc Mélenchon. Et vous avez osé nous dire le contraire, monsieur le ministre !
M. Ivan Renar. « Le Gouvernement est le premier à s'en défendre, mais cette réforme ouvre la voie à la concurrence et au retour des opérateurs privés, à l'image de ce qui se passe déjà ailleurs en Europe, dans d'autres secteurs, comme les télécommunications. »
Enfin, en conclusion de l'éditorial, il est précisé que, « prudent, le Gouvernement a multiplié les garanties sur le maintien du statut des cheminots et sur le monopole d'exploitation. Cela suffira-t-il à éviter à la SNCF le sort de British Rail, en cours de privatisation ? Dans un premier temps peut-être. Mais rien n'est moins sûr à plus long terme. "Nous ne pouvons prédire ce qui va se passer demain en Europe", confie un haut fonctionnaire. »
Voilà, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qui a le mérite d'être clair ! L'Expansion n'est pas spécialement notre bible, mais, en l'occurrence, les informations qu'il nous apporte renforcent notre opposition à ce texte, en particulier à son article 6. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur Renar, je vous félicite de votre vigilance !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je voudrais simplement dire à M. Renar qu'en France la loi est faite par le Parlement, et non pas par les journalistes et les journaux ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article additionnel après l'article 6