Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur le premier alinéa de l'article 48 de notre règlement, qui édicte le droit d'amendement, et, plus généralement, sur l'organisation de nos travaux.
Depuis deux jours, sur l'initiative des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, de nombreuses critiques, remarques et - j'insiste sur ce point - propositions novatrices ont été formulées.
La démocratie parlementaire ne peut exister sans le nécessaire débat pluraliste, sans l'échange. C'est encore plus vrai lorsqu'on traite d'une question aussi fondamentale que l'avenir du service public des transports ferroviaires.
Or, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons le regret de constater que ni la majorité sénatoriale ni le Gouvernement ne participent réellement au débat sur les amendements. Vous n'acceptez qu'une discusssion de pure forme ; vous refusez le dialogue réel alors que, vous le savez très bien, nos propositions sont argumentées et sérieuses.
Le Gouvernement ne compte que sur le fait majoritaire pour faire passer en force son projet. D'ailleurs, regardez les bancs de la majorité sénatoriale : ils sont vides ! (Murmures sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il serait inacceptable qu'un tel mépris à l'égard des amendements déposés par mon groupe perdure.
Je demande donc solennellement à M. le ministre, à MM. les rapporteurs et présidents des groupes de la majorité sénatoriale de reconsidérer leur attitude qui ravale les assemblées parlementaires au simple rôle, peu enviable, de chambre d'enregistrement. Cette attitude est d'autant plus inacceptable qu'un sondage publié ce matin confirme d'une manière exceptionnelle l'attachement aux entreprises de service public.
C'est ainsi que 64 % des Français ont, par exemple, une très bonne ou une assez bonne image de la SNCF. Nous sommes bien loin des véritables campagnes de dénigrement à l'égard de cette grande société nationale.
Le non-débat voulu par la majorité sénatoriale dans l'objectif de faire passer à la hussarde un texte qui répond aux exigences de libre concurrence prônée par les partisans de Maastricht tourne le dos à la volonté majoritaire des Françaises et des Français de conserver leurs services publics dans leur intégrité.
Je terminerai en exprimant mon étonnement relatif à la décision du président de la séance de retirer arbitrairement, sans aucun fondement réglementaire, certains de nos amendements de la discussion : hier après-midi par un de vos collègues et ce matin par vous-même. Par exemple, vous nous avez interdit de présenter un amendement à l'article 5 qui précisait que le décret prévu à cet article soit soumis aux organisations syndicales. Or aucune proposition semblable n'apparaît à aucun autre endroit du texte, et ce pour la bonne raison que le décret concerné n'est évoqué qu'à l'article 5. Nous avions le droit le plus strict de demander la consultation des salariés ou des organisations syndicales sur des dispositions différentes ; sinon, à quoi servirait le débat ?
Il est de mon devoir de constater que l'article 48 du règlement n'a pas été respecté et que, par des artifices de procédure, la majorité sénatoriale tente de raccourcir le débat. Je souhaite donc vivement, monsieur le président, qu'un tel fait ne se reproduise pas d'ici à la fin de cette importante discussion.
M. le président. Madame Luc, votre déclaration revêt plusieurs aspects.
Le premier porte sur la présence des collègues et leur participation au débat. Permettez-moi de vous dire que cela est du ressort de la conscience de chacun et que personne, ici, ne s'est jamais arrogé le droit de juger le comportement de ses collègues.
Le second aspect concerne l'application de certains points du règlement, particulièrement en ce qui concerne l'amendement que vous avez présenté à l'article 5. Je voudrais vous faire remarquer - puisque vous n'étiez pas présente alors - qu'un échange a eu lieu, sur le moment, entre Mme Beaudeau et la présidence, sur le point de savoir s'il était concevable ou non de maintenir un certain nombre d'amendements, tous parallèles et faisant tous allusion à un problème qui avait été tranché par le Sénat la veille.
Sur ce point, je vous dirai donc très honnêtement que je ne me sens pas concerné par le reproche et, en tout cas, encore moins coupable que vous ne l'imaginez.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Sur quel article du règlement est-il fondé ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Sur l'article 48, monsieur le président, comme ma collègue !
M. le président. Nous verrons bien si vous n'en sortez pas !
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Persuadé de votre bienveillance, monsieur le président, je veux limiter mes remarques à quelques mots et faire sentir, à l'occasion de ce rappel au règlement, l'exaspération, je n'hésite pas à vous le dire, qui peut régner dans les rangs de l'opposition comme parmi tous ceux qui suivent de près la discussion sur la réforme de la SNCF. La manière dont sont organisés nos débats, qui ne relève pas de votre responsabilité, monsieur le président, bien évidemment, comme la façon dont le Gouvernement ou le rapporteur choisissent de répondre à ceux qui interviennent sur les amendements nous conduisent à dire que la discussion se déroule sous anesthésie générale.
Je crains qu'au-delà de l'habituelle « vigueur » qui peut régner lors de nos explications nous ne donnions une pitoyable image de nos débats.
Nous sommes déjà saisis de plusieurs interventions émanant de citoyens, syndicalistes ou autres, qui veulent suivre ce débat. Ils se disent consternés de constater que nous pouvons appeler débat ce qui n'en est pas un et qui est une longue litanie sans véritable échange avec les responsables, ministres et rapporteurs. Véritablement, ce débat est sous anesthésie générale.
Monsieur le président, je vous remercie de votre compréhension.
M. le président. Je laisse à chacun le soin de déterminer à qui s'applique le mot « litanie »... (Sourires.)

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