CRÉATION DE L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC « RÉSEAU FERRÉ NATIONAL »

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 35, 1996-1997), portant création de l'établissement public « Réseau ferré national ». [Rapport n° 177 (1996-1997) et avis n° 178 (1996-1997).]
Je rappelle que la discussion générale a été close.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier une nouvelle fois M. Gerbaud, rapporteur, et M. Haenel, rapporteur pour avis. Leurs interventions à la tribune ont confirmé les éléments contenus dans le rapport présenté devant leur commission respective. L'un et l'autre se sont déclarés convaincus non seulement de la nécessité de cette réforme, mais aussi de l'adaptation des moyens retenus par le Gouvernement aux objectifs poursuivis.
De l'intervention de M. Haenel, je retiens en particulier la référence à l'évolution du chemin de fer japonais. Elle confirme que, en dehors de tout parti pris idéologique, et dans un contexte qui ne doit rien à l'influence de l'idéologie de l'Union européenne, la nécessité de faire évoluer les compagnies de chemin de fer s'impose partout dans le monde. Cependant, chaque pays doit le faire dans le respect de ses propres traditions et donc, en ce qui nous concerne, dans le cadre des principes du service public à la française.
M. Hérisson a d'ailleurs, sur ce point, rejoint l'analyse de M. Haenel. Je tiens à le remercier des propos qu'il a tenus sur la régionalisation, dossier qu'il connaît bien au sein de la région Rhône-Alpes, qui est l'une des régions pionnières en la matière.
Je voudrais également le rassurer sur les péages d'infrastructures que la SNCF versera à l'Etat. Comme vous l'avez relevé, monsieur Hérisson, le niveau de ces péages est plafonné pour 1997 et pour 1998. Pour les années qui suivront, la loi contient des principes directeurs très clairs que l'Etat devra respecter au moment de fixer ces péages. L'article 12, alinéa 2, du projet de loi prévoit en effet que le calcul des redevances devra tenir compte du coût des infrastructures, de la situation du marché de transports, des caractéristiques de l'offre et de la demande, des impératifs de l'utilisation optimale du réseau ferroviaire et de l'harmonisation des conditions de la concurrence intermodale. J'ajoute que, comme nous l'avons toujours dit, il serait absurde que l'Etat reprenne d'une main, à travers les péages, ce qu'il a donné de l'autre à la SNCF, en la soulageant d'une plus grande partie de ses charges.
Monsieur le président de la commission des affaires économiques, vous avez eu raison de souligner qu'il n'existe aucune baguette magique permettant de guérir d'un seul coup les maux dont souffre depuis très longtemps la SNCF.
En ce qui concerne plus particulièrement la dette, votre intervention me fournit l'occasion de revenir sur plusieurs éléments.
Tout d'abord, l'endettement global de la SNCF est non pas de 208 milliards de francs, bien que ce chiffre ait circulé, mais de 203 milliards de francs. De ce fait, la dette résiduelle de la SNCF sera de l'ordre de 69 milliards de francs, ce qui, compte tenu du taux moyen de 7 % de cette dette représentera une charge annuelle résiduelle de 4,8 milliards de francs et non, comme je l'ai lu ici ou là, de 8 milliards de francs. Excusez du peu, mais c'est quand même une différence importante ! On parle, dans ce débat, de milliards de francs : on en ajoute, on en retranche. Je crois que nous avons besoin de chiffres précis et clairs.
En outre, je tiens à souligner qu'il n'a jamais été question pour le Gouvernement de reprendre la totalité de la dette de la SNCF. D'ailleurs, cette demande n'a jamais été présentée.
J'ai relu attentivement, au cours de ces derniers mois, tous les propos tenus à l'occasion des différents rapports rédigés sur cette grande entreprise, toutes les revendications présentées par les organisations syndicales, par les cheminots. Il a été demandé depuis longtemps que l'Etat assume ses responsabilités et qu'il reprenne la dette liée à l'infrastructure. Le Conseil économique et social ainsi que le conseil national des transports avaient d'ailleurs suggéré dans leurs avis la reprise de la seule dette d'infrastructure, c'est-à-dire de celle dont la genèse relève de la responsabilité de l'Etat.
Tout autre choix, monsieur François-Poncet, ne serait pas cohérent avec la logique fondamentale de la réforme qu'est la clarification des responsabilités de l'Etat et de la SNCF en matière d'infrastructure.
En outre, compte tenu des chiffres indiqués plus haut, le Gouvernement a la conviction que la SNCF aura la capacité non seulement de rembourser sa dette résiduelle, mais aussi de renouer avec l'équilibre objectif qu'elle s'est engagée à atteindre en 1999 dans le pacte de modernisation qu'elle a signé avec l'Etat.
M. Jean-Jacques Robert a eu raison d'insister sur la nécessité pour la SNCF d'accomplir un important effort commercial. C'est en effet l'engagement majeur des projets industriels que l'entreprise est en train de préparer en concertation avec l'ensemble de ses personnels.
A cet égard, l'idée de redéployer une partie des effectifs pour les mettre au contact direct de la clientèle constituera un progrès non seulement en termes commerciaux, pour accueillir et informer les usagers, mais aussi pour recréer, là où c'est nécessaire, un meilleur climat de sécurité au profit des voyageurs. Je partage tout à fait les analyses de M. Jean-Jacques Robert sur le caractère indispensable de la lutte contre la fraude et l'insécurité.
Je réfléchis d'ailleurs actuellement avec les syndicats des transports parisiens aux moyens supplémentaires susceptibles d'être consacrés à cet objectif, en 1997.
Non, monsieur Garcia, la réforme ne sort pas du cadre de la directive européenne 91/440. J'observe, en revanche, qu'on ne peut, comme vous l'avez fait, regretter que la totalité de la dette de la SNCF ne soit pas reprise et s'inquiéter simultanément du poids prétendument excessif des 134,2 milliards de francs transférés au nouvel établissement public.
Je ne partage pas non plus vos craintes sur la complexité des relations qui vont s'établir entre la SNCF et le nouvel établissement public. La loi pose en la matière des principes simples à partir desquels il sera facile d'élaborer les conditions prévues entre ces deux établissements publics. J'ai la conviction que, une fois passée la période de rodage qui suit obligatoirement toute innovation, les relations entre la SNCF et l'établissement public nouveau reposeront sur des règles claires et aisées à mettre en oeuvre.
Monsieur Garcia, vous craignez que cette réforme ne garantisse pas la santé financière à long terme de la SNCF. Mais ce qui est sûr, c'est que, sans elle, la situation est sans issue à très court terme ; vous l'avez d'ailleurs implicitement reconnu, et c'est le sentiment unanime qui est manifesté par le refus du statu quo.
Le Gouvernement a choisi la voie de l'effort et du redressement pour permettre un véritable renouveau du transport ferroviaire, en faisant confiance - j'insiste sur ce point - au savoir-faire et aux capacités de la SNCF.
Mme Hélène Luc Nous faisons confiance, mais nous voulons des garanties !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur Billard, vous avez reconnu la nécessité du changement. Ce dernier s'impose en effet à tous. Non, le Gouvernement n'est pas resté sourd aux conclusions du débat national. C'est le débat qui a permis de dégager progressivement les principes de la réforme. Nous n'avons rien inventé. De ce point de vue, toutes les garanties données en juin dernier au Parlement, en particulier le maintien du statut et de l'unité du réseau, se retrouvent dans la réforme.
Monsieur Billard, je vous rassure à nouveau, s'il le faut vraiment : les missions de service public de la SNCF demeurent, comme le projet de loi le prévoit d'ailleurs expressément.
Vous avez évoqué l'évolution du réseau. L'Etat restera seul décideur final, demain comme aujourd'hui.
Il me paraît par ailleurs trop facile de « faire son marché », si je puis employer cette expression,...
M. Ivan Renar. Le marché libre !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, ...en glanant ici et là tel ou tel aspect d'une réforme et en oubliant tous les autres. Oui, Monsieur Billard, en Allemagne, toute la dette a été reprise ; mais cela s'est fait - vous avez oublié de le dire ! - avec 150 000 suppressions d'emploi, avec la perte du statut et avec la décision de privatiser ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de RDSE.) Est-ce vraiment ce que vous souhaitez ? M. Claude Billard. Cent treize mille suppressions d'emploi !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Quant à ce que vous appelez « l'autre logique » - la vôtre - j'y retrouve bien des points sur lesquels je suis d'accord avec vous, en particulier les principes du service public, la complémentarité entre les modes de transport et le souci permanent de l'aménagement du territoire.
Monsieur Lesein, vous avez fort justement dénoncé l'ambiguïté dont se sont accommodés trop longtemps l'Etat d'un côté et la SNCF de l'autre, avec les conséquences désastreuses que l'on sait, qui nous obligent aujourd'hui à engager enfin une véritable réforme de fond.
M. Dominique Braye. Il est sûr qu'il aurait fallu le faire avant !
M. Alain Richard. Ah, décidément, le gouvernement Balladur !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Il fallait sortir de cette ambiguïté, et ce sera chose faite désormais. La SNCF pourra maintenant se concentrer sur son vrai métier de transporteur, d'une part, et de gestionnaire de l'infrastructure, d'autre part, et je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que je souhaite qu'elle le fasse en ayant une seule priorité : ses clients. C'est tout le sens du projet industriel dont le président Gallois a engagé l'élaboration, dans la concertation.
Vous avez rappelé à juste titre, monsieur Lesein, que la précipitation n'est pas toujours bonne et j'en suis, comme vous, tout à fait convaincu. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que l'élaboration d'une solution de redressement soit précédée d'un débat national. Celui-ci a duré toute une année à travers l'ensemble du pays.
Vous nous avez, en outre, interrogés sur la manière dont ont été choisies les six régions expérimentales. Elles l'ont été, monsieur Lesein, sur la base du volontariat avec le souci de sélectionner des régions variées représentatives de la diversité de notre pays.
Bien sûr, nous avons dû limiter le nombre de régions afin de conserver son caractère proprement expérimental à l'opération et de pouvoir en tirer les enseignements à la bonne échelle. J'espère néanmoins que, très prochainement, nous pourrons étendre l'expérimentation à d'autres régions et la généraliser.
Enfin, monsieur Lesein, vous avez fait part de votre préoccupation sur les ressources budgétaires qu'il faudra mobiliser à l'avenir. Nous l'avons toujours reconnu - et je rejoins là ce que je disais il y a un instant à M. François-Poncet - le redressement de la SNCF sera long et coûteux. L'effort budgétaire de la nation sera important au cours des prochaines années, dans la lignée de l'effort qui est engagé en 1997.
Il s'agit de la concrétisation de notre ambition pour le transport ferroviaire, mais également, malheureusement, du prix à payer pour les retards pris dans la mise en oeuvre de mesures qui ont été trop longtemps différées.
M. Dominique Braye. C'est sûr !
M. Jean-François Le Grand. Absolument !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur Fourcade, votre présence au sein du conseil d'administration de la SNCF vous donne de cette entreprise une connaissance extrêmement précise et vous avez eu raison de souligner que cette réforme crée les conditions d'un nouveau départ.
Il faudra y ajouter demain, vous l'avez dit, de la continuité et de la persévérance, tant du côté de l'Etat que du côté de l'entreprise. L'effort de l'Etat est considérable, il devra aussi être durable.
L'instrument de mesure de la réforme que vous appelez de vos voeux existe. Le pacte de modernisation prévoit le retour de l'exploitant ferroviaire à l'équilibre en 1999 et je tiens à vous préciser que j'approuve tout à fait ce que vous nous avez dit hier sur la nécessité d'une comptabilité analytique complète et fiable.
J'ai demandé à l'entreprise d'accélérer ses efforts en ce sens. Oui, la chaîne de commandement doit être raccourcie au sein de l'entreprise. Là encore, je suis totalement et pleinement d'accord avec vous.
Je considère également que le dialogue social à l'intérieur de l'entreprise doit être approfondi, et peut-être parfois renouvelé dans ses formes. A cet égard, je voudrais rappeler devant le Sénat ce que j'ai eu l'occasion de dire au moment de la grande crise qu'a traversée la SNCF à la fin de l'année 1995 : j'avais été stupéfait de voir que le dialogue social était une simple déclaration et que, lorsque les cheminots voulaient obtenir ici ou là un rendez-vous, ils avaient pris l'habitude de déposer un préavis de grève. C'est inacceptable ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Oui, mais c'est parce qu'on ne discutait pas avec eux !
M. Ivan Renar. C'est encore un problème !
M. Félix Leyzour. C'est à cela qu'il faut mettre fin !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je le répète, c'est inacceptable dans une grande entreprise comme la SNCF.
Mme Hélène Luc. Nous avons compris ! Nous sommes d'accord !
M. Ivan Renar. Vous voyez, cela arrive !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. C'est bien pour cette raison qu'il faut y mettre fin.
M. Ivan Renar. C'est vrai !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Il est vrai également que l'approche pluriannuelle doit prévaloir dans la gestion des investissements ferroviaires. C'est une des recommandations que nous avons adressées à M. Martinand, dans le cadre de la mission de préfiguration du futur établissement public que M. le Premier ministre lui a confiée, sur notre proposition.
Enfin, monsieur Fourcade, vous avez eu tout à fait raison de souligner que la décision d'investissement, pour les extensions de capacité, doit généralement obéir à une procédure plus simple, plus efficace que celle du FDES, le fonds de développement économique et social. L'instruction des dossiers d'investissement doit être améliorée. Ce sera, demain, l'un des rôles majeurs du nouvel établissement public, qui sera doté, à cet effet, d'une capacité d'expertise technique et économique qui lui sera propre.
Monsieur Bordas, vous avez salué l'avènement du temps de la vérité et du courage. Je crois que ces deux mots résument en effet l'attitude du Gouvernement, avec leurs corollaires que sont la transparence et la concertation.
Notre réforme est aussi ambitieuse. Vous l'avez souligné en vous réjouissant de la clarification des responsabilités, qui est le préalable de toute politique de mobilisation en faveur du redressement.
A juste titre, vous avez rappelé qu'il appartenait au pouvoir politique, à l'échelon le plus approprié, et non à l'opérateur de définir les missions de service public. C'est aussi un enjeu essentiel de clarification des responsabilités, l'un de ceux que nous poursuivons avec la régionalisation des services régionaux de voyageurs.
Enfin, je veux souligner combien vous avez eu raison de rappeler que la réforme du transport ferroviaire n'était pas dictée par des textes communautaires. Si nous la faisons avec détermination et - je n'ai pas peur de le dire - avec ambition, c'est parce que c'est l'intérêt de notre pays.
Monsieur Le Grand, c'est aussi avec raison que vous avez souligné que cette réforme ne peut être limitée à ses seuls aspects financiers, en dépit de l'importance de l'effort qu'elle implique : elle fournit aussi à l'Etat une nouvelle possibilité de mieux exercer ses propres responsabilités dans la conduite d'une véritable politique intermodale des transports.
L'Etat doit en effet pleinement évaluer les avantages économiques, sociaux et environnementaux du transport ferroviaire et utiliser tous les instruments de régulation et de tarification des infrastructures de transport. C'est bien cet objectif que doit viser la fixation des redevances, et leur stabilisation pendant deux ans s'inspire profondément de cette préoccupation.
Quant aux efforts déjà réalisés par l'entreprise, sous l'autorité du président Gallois, vous avez bien voulu remarquer qu'ils commencent à produire leurs premiers résultats.
Le Gouvernement partage, monsieur Le Grand, votre appréciation. Il y voit un signe très encourageant pour l'avenir et une raison supplémentaire pour manifester, comme vous, toute sa confiance à cette grande entreprise.
Monsieur Mélenchon, contrairement à ce que vous avez dit, notre projet repose tellement peu sur des arrière-pensées que, pour la première fois sans doute sous la Ve République - en tout cas certainement pour la première fois dans ce secteur - nous avons choisi de nous imposer la transparence totale, comme en témoignent les avant-projets de décrets que nous avons déjà remis aux syndicats.
La « dette alibi », ce n'est pas, monsieur Mélenchon, ce qui est ressorti du débat national. Sur ce point, la demande de désendettement est bien antérieure, vous le savez bien, au débat national. Vous l'aviez vous-même constaté en 1990, lorsque vos amis, qui étaient au gouvernement, avaient désendetté - mais de 38 milliards de francs seulement - la SNCF.
Dois-je rappeler que la directive 91-440 que vous nous opposez a été adoptée par la Commission européenne à l'époque où vos propres amis étaient au gouvernement ?...
Je crois, monsieur Mélenchon, que vous avez mal lu notre texte sur un point majeur. Il prévoit, au profit du nouvel établissement public, une dérogation à la loi sur la maîtrise d'ouvrage pour, précisément, la réserver à la SNCF.
De même, monsieur Mélenchon, il n'y a pas de lignes sous gestion régionale, mais des services de trains sous gestion régionale. Le réseau était national, il le restera après le vote de la loi.
J'ai retiré de votre intervention, monsieur Mélenchon, le sentiment que j'ai peut-être pour le service public une ambition au moins égale à la vôtre, voire plus grande que la vôtre. Je crois, en effet, qu'il peut être efficace et que, dans ce cas, il atteint véritablement ses objectifs.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Pour tout dire, j'ai eu l'impression, en vous écoutant, que votre passion - justifiée, d'ailleurs - pour une grande cause masquait difficilement l'absence de tout projet alternatif et il est bien vrai que, depuis le début du débat national, j'attends en vain les propositions concrètes de ceux qui critiquent. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-François Le Grand. Très bien !
Mme Hélène Luc. Nous en avons fait, des propositions, mais vous ne voulez pas les entendre !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Quant à la « jungle libérale » que vous avez cru devoir évoquer, je doute que l'examen détaillé de notre texte vous permette de trouver quoi que ce soit qui y réponde.
Monsieur Renar, vous nous avez fait part de vos inquiétudes à propos de la régionalisation. Je dois vous dire que je ne les partage pas. L'exemple de la région Nord - Pas-de-Calais, que vous connaissez bien, confirme à mon sens la pertinence de cette réforme essentielle : l'intervention de la région depuis de nombreuses années a entraîné des améliorations que les clients apprécient tous les jours.
Vous avez émis le souhait que les transports régionaux soient décentralisés, désétatisés et démocratisés. Les principes dont nous avons tenu à entourer l'expérimentation me semblent s'inscrire dans cette triple optique. Il s'agit bien, en effet, de rapprocher la conception du service public des voyageurs, de laisser la région, échelon politique qui n'a cessé de s'affirmer depuis 1982, décider des services, et de permettre l'accès de tous aux transports collectifs. Regardez bien, et vous verrez que c'est une bonne décentralisation qu'il vous est proposé d'expérimenter !
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Cette expérimentation se fera dans le respect de trois principes qui sont autant de garanties : la transparence, la réversibilité de l'expérimentation et le transfert de compétences sans transfert de charges. A mon sens, vos craintes ne sont donc pas fondées, et la pratique, j'en suis sûr, vous le confirmera.
Monsieur Cabanel, les modalités retenues pour transférer la dette de la SNCF au nouvel établissement public peuvent paraître compliquées. En réalité, elles sont les plus simples possible compte tenu de la nature de cette dette. Celle-ci est en effet constituée, pour l'essentiel, d'obligations comportant une clause ne permettant pas de changer l'organisme ayant pris des engagements vis-à-vis des prêteurs.
Malgré une apparente complexité comptable, l'opération est claire et transparente. C'est bien à Réseau ferré national que sera transférée la charge de cette dette, qui l'assumera grâce au concours qu'il recevra de l'Etat.
Vous avez raison, monsieur Cabanel, d'insister sur le fait que ces ressources devront être stables pour assurer un redressement durable. Vous avez également raison d'insister sur le fait que les régions devront faire des choix ; c'est d'ailleurs le principe même de la décentralisation et de la responsabilité des collectivités locales.
S'agissant de vos amendements, je me prononcerai lors de la discussion des articles.
Vous avez eu la curiosité de regarder l'évolution du transport ferroviaire dans les plus grands pays du monde. Vous avez constaté qu'ils ont tous connu une crise et qu'ils ont tous entrepris une réforme, chacun à sa manière. Vous avez aussi pu constater que le Gouvernement n'a copié aucun modèle. Il a choisi une voie originale, adaptée à notre contexte économique et historique, et respectueuse de nos valeurs nationales.
Monsieur Habert, vous avez eu raison d'appeler de vos voeux un dialogue social plus nourri au sein de l'entreprise. Depuis quelque temps, des progrès importants ont été faits dans ce sens ; il faut les confirmer, les approfondir.
L'exemple du TGV Nord, que vous avez cité, en reprenant les remarques de la Cour des comptes sur les prévisions de trafic, confirme tout à fait l'intérêt d'une contre-expertise, comme celle qui, demain, sera confiée au nouvel établissement public Réseau ferré national.
Je vous rassure sur les ressources de ce nouvel établissement public ; l'Etat tiendra ses engagements et les dotations nécessaires seront inscrites à son budget.
On parle souvent de la procédure utilisée depuis 1982 pour les contrats de plan, en ayant l'air de croire que les dotations budgétaires sont automatiques.
Vous savez bien, dans cette assemblée, que le budget est discuté chaque année et que, chaque année, il faut une décision et un vote du Parlement. Il faudra donc, chaque année, examiner le problème avec une attention particulière.
Dans la mesure où, précisément, nous aurons eu ce grand débat national, qui a duré un an et, aujourd'hui, cette discussion sur le projet de loi, je suis tout à fait convaincu que, chaque année, le Sénat, comme l'Assemblée nationale, profondément attaché à la grande entreprise qu'est la SNCF, se fera un devoir de veiller à ce que les crédits nécessaires soient inscrits au budget.
M. Jacques Habert. Très bien !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Monsieur Fatous, votre intervention m'est apparue marquée - ne voyez là aucune attaque personnelle - par une forme d'opposition, je dirai presque de principe ou systématique. Que vous ne souscriviez pas à notre réforme, c'est votre droit le plus strict ; c'est le jeu de la démocratie, c'est le propre d'une discussion.
Mais de la part de quelqu'un qui appartient à une formation politique très attachée aux transports ferroviaires, qui, par voie de publication richement illustrée, affirme son ambition pour que vive la SNCF, je m'attendais au moins à des propositions alternatives, constructives. Malheureusement, je n'en ai entendu aucune.
M. Jean-François Le Grand. Aucune !
Mme Hélène Luc. Nous en avons fait, nous !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Je dois à la vérité de dire que ce mutisme n'est pas nouveau. Lorsque la formation politique à laquelle vous appartenez était majoritaire, elle n'a pas fait grand chose pour empêcher la SNCF de s'enfoncer dans une mort lente, en la laissant à l'abandon. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)
La situation très dégradée de la SNCF, monsieur le sénateur, nous ne l'avons pas créée !
Mme Hélène Luc. Oui, mais vous n'y avez pas non plus mis fin !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Cette situation, nous l'avons trouvée !
Alors, vous dénoncez un manque d'ambition, un projet inefficace et dangereux et vous agitez la vision fantasmatique d'un démantèlement imaginaire,...
M. Aubert Garcia. On en reparlera !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme... sans étayer une seconde votre démonstration. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Cela n'est pas au niveau du débat qu'il nous appartient d'avoir dans cette enceinte, car c'est bien l'avenir d'un mode de transport essentiel, l'avenir d'une grande entreprise publique qui est en jeu aujourd'hui. Le Gouvernement, lui, a une ambition à la mesure de ces enjeux. Ce projet de loi et les engagements budgétaires qui l'accompagnent en sont la preuve.
Non, madame Beaudeau, nous ne refusons pas la dette de la SNCF. Nous sommes, au contraire, les premiers à reconnaître que la dette d'infrastructure n'est pas celle de la SNCF et qu'il faut donc l'isoler pour permettre à l'Etat, à travers Réseau ferré national, de la résorber en capital et en intérêts.
M. Alain Dufaut. Très bien !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Pour le reste, votre constat n'est pas le nôtre. Créer de nouvelles taxes sur les entreprises pour les affecter à la SNCF, comme vous l'avez suggéré, aurait pour seule conséquence de pénaliser les-dites entreprises sans régler en quoi que ce soit dans la durée les problèmes actuels de la grande entreprise nationale.
Monsieur Deneux, c'est bien parce que nous partageons votre conviction que le rail est un mode de transport d'avenir que nous engageons cette réforme. Vous l'avez souligné, le rail a des atouts, notamment en termes d'environnement et d'aménagement du territoire.
Vous avez très bien fait de rappeler l'objectif final de la réforme, à savoir profiter aux clients, aux voyageurs et aux chargeurs. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous avez évoqué des incertitudes fiscales. Je tiens à vous rassurer totalement. Comme je l'ai dit dans mon propos introductif, notre texte prévoit la neutralité sur ce point à la fois pour les deux établissements publics et pour les communes bénéficiaires.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Absolument !
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Quant aux recettes de Réseau ferré national, elles sont largement connues dans leur montant, qu'il s'agisse de la dotation en capital - 8 milliards de francs, en 1997 - des péages - environ 6 milliards de francs - ou de la contribution pour charges d'infrastructures - 11,8 milliards de francs, en 1997 - sans préjuger des concours pour investissements qui lui seront accordés en plus, notamment par les collectivités locales.
Vous vous êtes interrogé sur la nature de la dette transférée au nouvel établissement public ; elle sera représentative de la dette à terme de la SNCF, notamment en taux et en durée.
Vous avez eu raison de vous montrer attentif aux principes de calcul des redevances d'infrastructure. Ce qui figure dans la loi ainsi que dans l'avant-projet de décret est, me semble-t-il, de nature à vous rassurer totalement.
Enfin, monsieur Joly, vous dites, à juste titre, que notre projet est non pas simplement de cantonner une dette, mais de donner à la SNCF les véritables chances de son redressement et au transport ferroviaire la place qui doit être la sienne dans le domaine du fret comme dans celui du déplacement des personnes.
Vous avez souligné les qualités de notre industrie et de notre savoir-faire ferroviaire. Ils sont nos meilleures chances pour l'avenir et, comme vous, nous y voyons les meilleurs atouts pour la réussite de notre projet.
Nous allons passer maintenant à l'examen des motions de procédure. A cette occasion, je donnerai mon sentiment sur les différents arguments qui seront présentés pour les défendre.
Lors de la discussion des articles, enfin, j'apporterai encore des précisions complémentaires et j'indiquerai une nouvelle fois que cette grande réforme est une réforme ambitieuse, qui vise essentiellement à sauver une entreprise aimée par l'ensemble de nos concitoyens et capitale pour l'avenir économique de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Exception d'irrecevabilité