M. le président. « Titre III, 196 622 716 francs. »
Sur les crédits figurant au titre III, la parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le ministre, vous nous avez donné une vision quasi idyllique, édénique de la situation. Pour ma part, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre ami, notre collègue M. Jean-Jacques Robert, et j'ai ressenti profondément, comme lui, la situation telle qu'elle se présente réellement sur le terrain.
Chacun peut le constater dans sa ville, dans sa circonscription : il manque des commissariats là où règne l'insécurité et, là où existent des commissariats, il y a un manque flagrant de personnels de police. Or, ce qu'il faut - il y a plus qu'urgence maintenant - c'est l'ouverture en permanence de commissariats de police dans les quartiers et les cités où se développent la petite délinquance, la drogue et le racket.
Il faut un grand service public de police nationale, dont la priorité ne peut être que le développement de la police de proximité, de quartier, et le renforcement des personnels.
Il faut développer l'îlotage, en réfléchissant d'ailleurs aux nouvelles conditions de son fonctionnement. Déjà, en 1992, le nombre de gardiens nécessaire pour l'assurer de manière efficace avait été estimé à 3 800. N'est-ce pas autant de postes à créer qui contribueraient à lutter contre le chômage, source de bien des maux ?
Je voudrais maintenant évoquer un deuxième point.
Le désengagement de la force publique d'Etat dans les missions de proximité, surtout dans le domaine de la prévention et de la dissuasion, a entraîné un transfert de charges en matière de sécurité publique sur les collectivités locales, et par là même l'émergence de polices municipales, de sociétés de gardiennage et de vigiles. Or, monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à cette question, à moins que j'aie mal entendu.
Le laisser-faire des gouvernements successifs face au développement des polices municipales a abouti, de fait, à leur reconnaissance comme police complémentaire à la force publique nationale, avec des pouvoirs accrus pour les policiers municipaux.
Comment les communes, déjà asphyxiées financièrement, vont-elles pouvoir assurer le fonctionnement d'une telle police municipale ? Elles ne le pourront qu'au prix d'un accroissement de leur fiscalité, et cela est tout à fait inacceptable, sans compter les disparités qui peuvent exister entre les communes riches, qui pourront s'offrir une police municipale, et celles qui n'en auront pas les moyens !
Ainsi, la sécurité des populations devient, comme c'est le cas dans beaucoup d'autres domaines tels que la santé ou l'éducation, de plus en plus inégalitaire et ségrégative, car elle dépend des moyens financiers des communes.
Or, la sécurité, nous l'avons dit, est une prérogative incontestable de l'Etat, qu'il ne peut pas, ne doit pas déléguer.
Quelle serait, en effet, l'utilité de deux polices sur un même territoire, qui auraient les mêmes pouvoirs mais avec des autorités hiérarchiques différentes ?
Il ne faut pas concevoir la sécurité en termes de rentabilité, mais bien partir des besoins pour tenter d'y apporter une réponse. Mais, bien évidemment, cela coûte cher, et Maastricht veille !
Pourtant, personne n'est sans savoir le malaise ambiant qui règne au sein même de la police - vous l'avez évoqué, monsieur le ministre - avec les tragiques événements que l'on sait, ainsi que la crise de confiance grave qui existe entre les policiers et leur ministre.
Outre le fait qu'ils se sentent mal considérés, les personnels de police ont de nombreuses revendications, que ce soit au niveau des salaires, des qualifications, du déroulement de carrière, des conditions de travail, des retraites, de la protection sociale, des droits statutaires ou du logement.
Le temps - dont, bien entendu, je n'abuserai pas à cette heure - me manque pour m'expliquer davantage. J'aurais pourtant encore bien des arguments, mais j'estime que ceux-là suffisent à expliquer et confirmer notre vote négatif sur ce budget.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Monsieur Pagès, le développement des polices municipales, que vous regrettez et que je regrette profondément, de quand date-t-il ?
Mme Nelly Olin. Eh oui !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. De l'époque où vos amis ont mis en place la cinquième brigade. On s'est rendu compte alors que cette nouvelle organisation était telle que la police nationale n'était plus capable d'assumer ses missions.
M. Michel Caldaguès. C'est vrai !
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Toute la politique que je mène, toute la réforme des cycles de travail que j'ai entreprise visent précisément, comme le souhaitait M. Bonnet, à redonner à la police nationale, c'est-à-dire à l'Etat, son efficacité et à faire en sorte qu'il n'y ait plus besoin de police municipale. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Par amendement n° II-35, le Gouvernement propose de minorer les crédits figurant au titre III de 800 000 francs et de majorer ces mêmes crédits de 800 000 francs.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a déposé un amendement qui, je crois, réjouira M. le rapporteur spécial.
La dotation prévue dans le projet de loi de finances pour le fonctionnement de l'école nationale supérieure de police est actuellement, comme l'a montré le projet de budget pour 1997 présenté à son dernier conseil d'administration, insuffisante pour assurer dans les meilleures conditions la formation continue des fonctionnaires appartenant aux corps de conception et de direction de la police nationale. En effet, outre la formation initiale, qui est essentielle, il y a la formation continue, qui est au moins aussi essentielle.
Plutôt que de procéder à un abondement des crédits en cours d'année, il serait préférable de porter dès à présent le budget de cette école à son niveau souhaité, en majorant de 800 000 francs les crédits du chapitre 36-40 par redéploiement des crédits de fonctionnement de la police nationale inscrits au chapitre 34-41.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Guy Cabanel, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas pu se réunir, puisque l'amendement du Gouvernement a été déposé cet après-midi.
Cependant, je puis dire qu'elle se réjouirait si elle était réunie à l'instant même, car elle a souhaité ce retour à l'orthodoxie : elle ne peut qu'approuver des crédits bien inscrits dans le budget, bien utilisés, avec le mois de gels et de dégels possible, pour une plus grande efficacité.
Elle verrait à cet amendement un deuxième avantage : grâce à votre amendement, nous allons nous retrouver à peu de chose près avec la dotation qui existait en 1996. Nous la remettons donc à niveau.
Il y aurait même un avantage supplémentaire à cette technique : c'est que, dans cette opération, l'Assemblée nationale aura fait un bout de chemin, puisqu'elle a affecté 700 000 francs sur la réserve dite « parlementaire », et que, avec les 800 000 francs que vous acceptez de transférer, monsieur le ministre, la formation continue des cadres supérieurs de la police, donc des corps de conception et de direction, pourra se faire sans aléas, sans difficultés, sans recherche de crédits en cours d'année.
Nous sommes donc favorables à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-35, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre, ainsi que contre les titres IV, V et VI.
M. André Rouvière. Le groupe socialiste vote également contre, comme il se prononcera contre les titres IV, V et VI.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, moins 1 881 795 374 francs. »
Personne ne demande la parole ?..
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 1 465 000 000 francs ;
« Crédits de paiements, 506 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme, 10 301 445 000 francs ;
« Crédits de paiements, 5 918 529 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)