M. le président. « Titre III, 89 265 222 francs. »
Sur les crédits figurant au titre III, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. A l'occasion de la reprise de l'examen des crédits consacrés au travail, à l'emploi et à la formation, je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur l'attitude du Gouvernement et du patronat à l'égard des justes revendications des chauffeurs routiers.
Dans l'intérêt du pays, de la population, des salariés en lutte et de leurs familles, ce conflit ne doit pas durer. Le Gouvernement ne doit pas jouer la carte du pourrissement. Il a les moyens d'inciter le patronat à conclure un accord. L'obtention de la retraite à cinquante-cinq ans constitue une avancée importante.
Mais ceux que l'on appelle, à juste titre, les « galériens de la route » doivent maintenant avoir satisfaction sur les salaires - le salaire mensuel moyen est, en général, inférieur à 7 000 francs - et sur les conditions de travail. Il faut notamment parvenir très rapidement à un accord sur les heures travaillées, sur les heures de chargement et sur la réduction du temps de travail. Dans l'intérêt général, ce dernier point est particulièrement important en matière de sécurité routière.
Monsieur le ministre, je vous prie de m'excuser de vous interpeller de la sorte, mais à la fin de la deuxième semaine de ce conflit, sur lequel toute la France a les yeux braqués, il conviendrait peut-être de nous faire le point de la situation à la veille de la signature des six conventions.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je suis un peu surpris par les termes que vous avez employés, monsieur Fischer. Vous ne pouvez pas affirmer, je vous le dis très calmement, que le Gouvernement joue la carte du « pourrissement » dans ce conflit qui a débuté voilà plusieurs jours.
Le Gouvernement s'est évertué à aider les partenaires sociaux à trouver un terrain d'entente et il a même formulé des propositions qui ont été appréciées par tous.
Dès lors, je suis persuadé que vous allez, vous aussi, monsieur le sénateur, comme vous semblez le souhaiter, participer à l'apaisement de ce conflit, qui porte préjudice non seulement à tous nos compatriotes dans l'exercice de leur profession, mais aussi aux entreprises et à l'économie française. Je suis persuadé que votre souhait est aussi fort que la volonté du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, en abordant le titre III, je souhaite, moi aussi, faire référence à l'actualité.
J'ai déclaré hier, à l'ouverture de ce débat, que « certes, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts depuis une semaine pour sortir le conflit des chauffeurs routiers de l'impasse » ; mais j'ai aussitôt ajouté que « nous cherchions vainement les interlocuteurs patronaux ».
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Gérard Delfau. J'ai poursuivi en demandant aux pouvoirs publics, puisque l'un des deux partenaires sociaux n'endosse pas ses responsabilités, à un moment où ce conflit plonge notre pays dans une situation très dommageable, de faire un nouvel effort, car on ne peut pas laisser la situation s'enliser ainsi, et je réitère ce matin ma demande, au nom du groupe socialiste, monsieur le ministre.
S'agissant du titre III, les dotations des services attirent particulièrement notre attention, cette année, puisque toutes les lignes budgétaires sont en diminution, à l'exception d'un crédit de 250 millions de francs accordé à l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce l'UNEDIC, d'un crédit exceptionnel de 173,60 millions de francs destiné à financer l'organisation des élections prud'homales et d'une hausse de 7 % des crédits déconcentrés.
Cinquante postes budgétaires sont supprimés, à savoir vingt postes dans l'administration centrale et trente postes dans les services déconcentrés, à quoi s'ajoute la suppression de vingt postes de coordonnateurs emploi-formation.
Cette situation fait suite, il faut bien le reconnaître, à la suppression progressive de 1 100 postes de 1985 à 1990 et à une stagnation, puis à une croissance du nombre des emplois précaires depuis trois ans. Un plan de résorption de la précarité serait en cours, mais il reste aujourd'hui encore, selon nos renseignements, plus de huit cents personnes en situation précaire dans vos services.
Il est pour le moins paradoxal, et en fait injustifiable, que le ministère chargé du travail et de l'emploi, et donc aussi de faire respecter le droit du travail, emploie dans ses propres services des personnels en situation précaire. Tel est pourtant le cas, et cette situation est préoccupante.
Nous avons ainsi appris que 323 personnes sont employées sous contrat emploi-solidarité dans les directions départementales du travail, au sein desquelles elles assurent des fonctions permanentes, ainsi que 1 700 personnes dans les antennes de l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE. Cette situation a même donné lieu récemment à des décisions de justice rappelant fort à propos au ministère du travail que, lorsque des emplois permanents sont occupés, ils ont vocation à l'être par des agents publics.
Il semblerait, toutefois, que ces décisions n'aient, en pratique pas été suivies de beaucoup d'effet puisque l'on voit maintenant couramment quatre vacataires se succéder sur un même poste dans l'année. Je vous laisse deviner, mes chers collègues, quelle peut être alors l'efficacité d'un tel service public !
Par ailleurs, que devons-nous penser du fait que les secrétaires des commissaires pour l'emploi nommés à grand bruit dans les préfectures sont pour la plupart recrutés sous contrats précaires ? N'est-ce pas pousser un peu loin l'« impermanence » des choses en ce monde, monsieur le ministre ?
Nous souhaiterions également obtenir des précisions sur la situation des personnels qui seraient employés sur des fonds conventionnés provenant du fonds social européen attribués à des organismes privés de formation, lesquels enverraient ensuite ces personnels dans vos services. Cent vingt personnes seraient, dit-on, concernées. Comment cela serait-il possible ?
S'agissant des emplois supprimés, nous notons des pertes d'emploi concernant les inspecteurs du travail, pertes qui s'expliquent, certes, par le retour des inspections des transports et de l'agriculture à leurs ministères respectifs.
Toutefois, n'aurait-il pas été plus cohérent, dans la mesure où un projet de loi contre le travail clandestin nous sera présenté dans les prochaines semaines, de renforcer les corps des inspecteurs et des contrôleurs ?
Sur ce point, nous souhaiterions connaître les intentions du ministère au sujet de l'application du protocole « Durafour » aux contrôleurs du travail et de la formation professionnelle, qui n'ont pas obtenu les points d'indice qui auraient dû leur être attribués depuis 1994.
Ce problème sera-t-il bientôt résolu ? Les contrôleurs percevront-ils leurs points, accompagnés des rappels depuis l'origine de la mesure ?
Enfin, je dois évoquer, monsieur le ministre, les primes qui sont exclusivement destinées à vos administrateurs civils et qui sont très mal ressenties par les personnels. Certains s'interrogent à ce sujet, et nous partageons tout à fait leur préoccupation.
Les sommes destinées à ces primes pour 1997 et, rétroactivement, pour 1996 n'auraient-elles pas été employées plus utilement à la réduction de la fracture sociale au sein du ministère, et ce au profit de tous ceux qui sont employés sous des contrats précaires renouvelés tous les trois mois, de tous ceux qui travaillent 120 heures par mois et qui ne gagnent que 3 700 francs ?
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques questions que nous souhaitions vous poser sur les moyens de vos services, et surtout de vos personnels pour 1997. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre III.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Afin de ne pas allonger les débats, je vous précise, monsieur le président, que je ne prendrai pas la parole sur les crédits figurant au titre IV.
M. le président. Je vous en remercie, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Je souhaite également poser le problème des rémunérations accessoires que j'ai déjà longuement développé hier, et attirer l'attention de M. le ministre sur un problème important qui préoccupe les agents de son ministère.
Alors que l'austérité est imposée à l'ensemble des fonctionnaires, je devrais même dire à l'ensemble des salariés, une rallonge de 8 354 492 francs - j'ai l'extrait du Journal officiel sous les yeux - est inscrite au projet de budget pour 1997 afin de revaloriser les primes du ministère du travail et des affaires sociales et de procéder à un rappel au titre de l'année 1996.
Cette disposition pourrait réjouir les agents si le cabinet du ministre ne leur avait confirmé son intention de réserver cette revalorisation aux seuls administrateurs civils.
Dans mon esprit, comme dans celui des syndicats d'ailleurs, il ne s'agit pas de s'en prendre aux administrateurs civils, qui effectuent le plus souvent un travail remarquable et remarqué.
Mais, alors que des centaines d'agents, embauchés sur la base de 120 heures par mois, touchent, parfois depuis plusieurs années, 3 800 francs par mois, alors que les agents de catégorie C voient leur carrière bloquée au nom de la rigueur budgétaire, alors que les pertes de salaires sont chiffrées par les syndicats à 20 % depuis 1982, n'y a-t-il pas une sorte de provocation dans le fait que seuls cent cinquante administrateurs se partagent l'essentiel de l'augmentation ?
Je ne veux pas dire que de telles pratiques sont indécentes ou traduisent un mépris envers les autres agents, mais c'est pourtant ainsi que cette situation est vécue.
Ces 8,3 millions de francs ne seraient-ils pas mieux utilisés s'ils servaient à financer, comme le proposent les syndicats, une quarantaine d'emplois à 6 500 francs ou encore à verser un complément de salaire de 2 800 francs à une centaine d'agents précaires employés dans les services à temps partiel ?
Ces préoccupations des agents du ministère du travail, dont je me fais ici, comme M. Delfau, le porte-voix, ne peuvent rester sans réponse. On ne peut annoncer la volonté de réduire la fracture sociale et contribuer à l'élargir.
Il s'agit, en l'espèce, non pas de se faire le relais de revendications catégorielles, mais de soulever une question éminemment politique.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Il est malheureusement exact, monsieur Delfau, qu'il y a des emplois précaires au ministère du travail. C'est, vous en conviendrez, le fait d'un héritage... (Exclamations sur les travées socialistes.)
Attendez la suite ! Vous reconnaissez vous-même, monsieur Delfau, que cette situation dure depuis quatre ans ! C'est un legs auquel, nous le regrettons aussi, nous ne pouvons mettre fin immédiatement. Vous devriez donc faire preuve d'un peu plus de compréhension !
M. Jean Chérioux. Il n'aime pas entendre parler d'héritage et on comprend pourquoi !
M. René Rouquet C'est l'héritage de Balladur !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. En ce qui concerne la nouvelle bonification indiciaire, la NBI, il est vrai que le ministère l'a mise en oeuvre.
MM. Delfau et Fischer ont également évoqué les primes des administrateurs, dont le versement a été décidé par le Premier ministre en 1995. Leur paiement a subi quelque retard, c'est exact ; celui-ci interviendra à la fin de l'année 1996.
Quant aux augmentations de rémunération, il y en a eu dans le passé et il y en aura d'autres, mais il n'est pas possible de demander à un gouvernement de tout faire en même temps.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III, modifiés par l'amendement n° II-17 de M. Neuwirth et par l'amendement n° II-20 du Gouvernement, précédemment adopté.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, 6 072 125 390 francs. »