M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Hamel, pour explication de vote.
M. Emmanuel Hamel. Si fidèle soit l'amitié que l'on voue à un homme, si grande soit l'affection qu'on lui porte, si ses mérites lui ont valu un jour d'accéder à une fonction importante dans la République et qu'il propose au vote du Parlement une politique que, en conscience, on croit devoir refuser, le devoir, sans méconnaître l'amitié et même en l'invoquant, est de dire non.
J'ai voté, pour des raisons que je n'ai pas développées de nouveau, contre la loi de programmation militaire. Je suis d'une génération qui sait de quel prix une nation paie l'insuffisance de son effort de défense. Mon âge me permet d'évoquer les risques que même un pays comme la France peut courir un jour, en état de décadence ou d'explosion sociale, avec une armée totalement professionnalisée.
De même que je m'inscris contre la loi de programmation parce qu'elle dénature ce que devrait être notre armée dans la nation, parce qu'elle ne lui donne pas les moyens à la mesure des périls qui pèsent sur la France et que notre pays aura à affronter au cours du deuxième millénaire, de même je vote aujourd'hui, - hélas ! avec infiniment de tristesse - contre ce projet de loi qui s'inscrit dans ce dispositif et je voterai contre le texte que vous nous soumettrez dans quelques semaines. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Le Grand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera le projet de loi relatif aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées.
Ce projet de loi constitue la première traduction pratique des dispositions de la loi de programmation militaire. Le groupe de l'Union centriste ayant voté, dans sa majorité, cette dernière, il lui a paru cohérent de vous apporter son soutien concernant ce premier volet législatif, dont nous n'ignorons pas qu'il sera suivi de deux autres, l'un portant sur les réserves, l'autre sur la refonte du service national. Vous connaissant, monsieur le ministre, nous savons que c'est avec le souci des personnels civils et militaires de la défense que les dispositifs prévus par ces textes de loi seront appliqués.
La réforme des armées était rendue nécessaire par l'évolution du contexte géostratégique en Europe. Malgré les lourdes restrictions budgétaires qui pèsent sur votre budget comme sur tous les budgets de l'Etat, nous considérons qu'une saine professionnalisation, respectant à la fois les contraintes de diminution d'effectifs et de remodelage en profondeur de nos armées, et essentiellement de l'armée de terre, que je connais bien, je l'ai déjà dit, qui est la principale concernée par ces dispositions, s'imposait.
Nous ne doutons pas une seule seconde que la mise en application par l'autorité gouvernementale, au travers des décrets d'application, des principales dispositions contenues dans ce projet de loi sera effectuée dans le respect de ces centaines de milliers d'hommes et de femmes qui ont choisi de servir leur partie dans l'armée.
Je ne reviendrai pas en détail sur les dispositions car elles me paraissent découler logiquement et naturellement des grandes options définies par le Président de la République et actées par le Parlement de la nation.
Le groupe de l'Union centriste souhaite que les autres dispositions législatives soient rapidement soumises à la représentation nationale afin que, sans délai, la France puisse procéder d'une façon optimale et profondément humaine à une redéfinition de sa défense au service non seulement de la République mais aussi de la construction européenne.
Fort de ces considérations, le groupe de l'Union centriste votera le présent projet de loi en espérant qu'il permette le maintien de l'armée française au plus haut niveau des armées du monde occidental. Cette réforme est nécessaire ; votre Gouvernement, monsieur le ministre, a eu le courage de l'engager, et nous aurons, quant à nous, le courage de l'approuver et de vous suivre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui est l'un des aboutissements de la démarche volontaire et cohérente du Président de la République, Jacques Chirac, qui n'a cessé, avant même le début de son mandat, d'insister sur la nécessité de repenser l'ensemble de la politique de défense française.
Les deux mots clés de la réforme sont modernisation et professionnalisation. Ces principes donneront à la France « un instrument militaire capable de frapper, au besoin sans délai », une armée réduite et mobile telle que la projetait le général de Gaulle dès les années trente.
Le présent projet de loi est donc l'un des aspects de cette réforme globale, et non des moindres, puisqu'il s'agit d'un véritable défi humain qui consiste à assurer la recomposition des armées en six ans par une nette diminution du nombre des cadres militaires, tout en préparant un doublement du recrutement des engagés.
Nous ne pouvons donc que nous féliciter de l'effort financier qui est consenti pour le départ et la reconversion des cadres militaires, et qui permet de récompenser ceux qui assurent la défense de la nation, parfois au péril de leur vie.
Le Sénat, conscient de ce que la nation doit à ses soldats, a souhaité mettre l'accent sur la clarification du statut des militaires et renforcer les dispositions qui leur permettront de prendre un nouveau départ après une carrière dans l'armée.
La réforme est ambitieuse et va dans le bon sens. C'est pourquoi le groupe du Rassemblement pour la République votera, dans sa très grande majorité, ce projet de loi, avec la conviction de servir ainsi la nation et son armée. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, ainsi que sur celles de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je confirme le bien-fondé de cette réforme née dans la concertation et le dialogue afin d'assurer la sécurité et la défense de notre pays.
C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants votera ce projet de loi, enrichi par les amendements de la commission. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le ministre, vous avez remercié ceux qui ont soutenu ce projet de loi d'avoir ainsi apporté leur appui à l'armée.
A cet égard, je tiens à ce qu'il n'y ait aucune confusion ni d'interprétation erronée. Le fait de ne pas soutenir votre projet de loi ne signifie pas que le groupe socialiste ne soutient pas l'armée. C'est justement parce que nous soutenons celle-ci que nous sommes hostiles à votre texte. Il faut être très clair.
Vous nous avez expliqué votre logique. Nous sommes, quant à nous, sensibles à une autre logique. Nous aurions souhaité, comme d'autres, que la question du service militaire soit un élément déterminant de la loi de programmation militaire. Vous avez opéré un autre choix ; c'est votre droit. Nous nous fondons sur un raisonnement différent, et c'est également notre droit.
Je regrette, monsieur le ministre, que vous ayez omis de répondre à une question importante que j'ai formulée à plusieurs reprises : pourquoi n'utilisez-vous pas les crédits votés par le Parlement pour l'équipement de nos armées ? La réponse est vitale pour l'industrie aéronautique. Allez-vous passer des commandes ? Quand le ferez-vous ? Quel en sera le nombre ? Il s'agit d'une question de survie pour nos industries de l'armement et, en particulier, de l'aéronautique et non d'une question bassement politicienne.
Je regrette, monsieur le rapporteur, que vous ayez retiré l'amendement n° 6 après que M. le ministre vous eut répondu que cette mesure n'était pas indispensable pour les sous-officiers.
Sur ce point aussi, monsieur le ministre, nous nous situons dans une logique très différente. Il s'agit, pour nous, d'une question de justice et d'égalité. Comme vous pouvez le constater, notre vision des choses est tout autre.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Millon, ministre de la défense. Je répondrai brièvement à certaines interrogations qui viennent d'être exprimées.
Je précise, en particulier, à M. Rouvière que nous avons proposé non pas des mesures catégorielles, mais des moyens de gestion. Dès lors, et c'est vrai, son approche ne correspond pas à la nôtre. Toutefois, il ne s'agit pas de justice ou d'injustice. En effet, la situation sera inchangée pour ceux qui resteront au sein de l'armée. En revanche, ceux qui pourront ou voudront quitter celle-ci et qui répondront aux critères requis bénéficieront des dispositions que vous venez de voter.
Vous m'avez également interrogé à propos de certaines commandes qui n'auraient pas été passées par le ministère de la défense. Si je ne vous ai pas répondu au cours de ce débat, c'est parce que tel n'en était pas l'objet. Dans quelques jours, je viendrai défendre le budget du ministère de la défense pour 1997. Je répondrai alors à toutes vos questions, mais, d'ores et déjà, je peux vous affirmer que la réforme que nous avons engagée concerne non seulement les armées et la délégation générale pour l'armement, mais aussi nos relations avec les industries de l'armement.
C'est la raison pour laquelle des négociations sont actuellement engagées entre mon ministère et les industriels de l'armement pour mettre au point les commandes pluriannuelles et de nouveaux types de relations avec ces derniers, comme je m'y étais engagé. Voilà ce qui explique peut-être les retards auxquels vous avez fait allusion.
Enfin, je tiens à dire à M. Hamel que je lui ai déjà répondu lors de l'examen de la loi de programmation. Celle-ci est devenue la loi de la République puisqu'elle a été votée par le Parlement et il convient maintenant de définir, dans le cadre de cette loi de programmation, un certain nombre de mesures.
C'est la raison pour laquelle j'aurais préféré que M. Hamel vote ce texte. En effet, même s'il était hostile à la loi de programmation, il convient de mettre en place les mesures qui permettront la professionnalisation des armées, puisqu'elle a été adoptée par le Parlement français et est devenue une référence.
Je vous remercie d'avoir souligné l'enjeu humain de ce projet de loi. Vous connaissez le souci du ministère de la défense à l'égard des personnels militaires - vous venez de le constater - et des personnels civils. Nous l'avons démontré hier en concluant un accord avec les organisations syndicales. Je remercie donc le Sénat qui, dans sa majorité, m'a apporté son soutien.
La communauté militaire, monsieur Rouvière, sera reconnaissante, non seulement à celles et à ceux qui ont voté ce texte, mais aussi à celles et à ceux qui ont bien voulu participer à son examen et s'intéresser à l'avenir de la communauté militaire. (Applaudissements sur certaines travées du RPR, ainsi que sur celles des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)

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