M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Nous examinons, depuis trois jours, un texte qui marque un progrès décisif pour notre système de sécurité sociale. En effet, le Parlement est saisi pour la première fois d'une loi de financement de la sécurité sociale. Cet examen permet, enfin, au Parlement de se prononcer sur le budget social, même s'il s'agit, cette année, hélas ! de trouver un moyen de rééquilibrer celui-ci.
Je constate avec une grande satisfaction que, au cours de ces discussions, le Sénat n'a pas aggravé le déficit et a témoigné ainsi de son sens des responsabilités.
La réforme de la sécurité sociale n'est pas achevée, mais elle est largement engagée. Elle permettra de rééquilibrer les recettes et les dépenses avec, comme objectif, la recherche du juste soin.
Les débats de la Haute Assemblée ont été riches. Je souhaite, à cette occasion, féliciter tout particulièrement les rapporteurs, MM. Charles Descours, Alain Vasselle, Jacques Oudin et Jacques Machet pour la qualité de leurs rapports, qui ont permis à la Haute Assemblée de travailler dans les meilleures conditions.
Je me réjouis notamment de l'adoption des dispositions visant à garantir une meilleure information du Parlement et donner aux rapporteurs des pouvoirs d'investigation plus importants.
Le Sénat a également eu le souci de limiter les transferts de la branche accidents du travail à la branche maladie. Si ceux-ci sont justifiés, il était néanmoins important d'obtenir l'assurance que les sommes transférées ne pourront pas excéder un milliard de francs ni déséquilibrer le budget de la branche accidents du travail.
Je tenais aussi à souligner l'intérêt de la conférence nationale de la famille et de la conférence nationale des personnes âgées que la Haute Assemblée envisageait de mettre en place. Mais le Sénat s'est rendu aux raisons de M. le ministre du travail et des affaires sociales et, à l'évidence, ces conférences ne verront pas le jour. Toutefois, nous avons reçu l'assurance que tout sera mis en oeuvre pour que les dispositions prises répondent au souhait des auteurs des amendements.
Enfin, les travaux du Sénat ont permis de démontrer que cette réforme est réalisée avec les professionnels de la santé. J'espère que cette concertation contribuera à rétablir le dialogue et à lever l'incompréhension qui s'était installée à la suite de malentendus, lesquels ont été bien souvent entretenus hors de cette enceinte par un exposé des problèmes qui n'était pas toujours très objectif.
Ainsi, s'agissant du carnet de santé, le Sénat a obtenu du Gouvernement l'assurance que sa présentation pourra être obligatoire pour les actes lourds et que, en toutes circonstances, le médecin-conseil pourra mettre en garde l'assuré en cas de non-présentation.
Enfin, et ce point est particulièrement important, sur l'initiative de la commission des affaires sociales, le Sénat a prévu une enveloppe supplémentaire destinée à financer de nouvelles priorités définies par le Gouvernement ou les professionnels de la santé, car celles-ci ne doivent pas peser sur les objectifs qui leur sont opposables.
La réforme est indispensable, c'est vrai, et elle sera menée avec les assurés et les professionnels.
En votant ce projet de loi, le groupe du RPR a le sentiment de contribuer à la sauvegarde de notre système de protection sociale qui est notre objectif à tous et sur lequel on n'a peut-être pas suffisamment insisté.
M. le président. Mes chers collègues, afin que nous ne siégions pas trop tard, je demande aux orateurs qui se sont inscrits pour expliquer leur vote de faire preuve de concision.
La parole est à Mme Fraysse-Cazalis.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Nous souhaitions que le Sénat puisse réellement débattre de la politique de santé dans notre pays. Ç'eût été une véritable avancée démocratique. Mais, à l'exception de l'article 1er et du rapport annexé, « sans portée réelle normative », les dispositions adoptées n'auront concerné presque exclusivement que les problèmes d'équilibre financier sans référence aux besoins.
Eluder le débat sur les besoins en matière de santé, tout comme, en fin de compte, sur l'organisation de notre système de soins conduit, nous en avons l'illustration ici, à privilégier une logique purement comptable.
Il aura fallu les amendements du groupe communiste républicain et citoyen pour que puissent s'engager des débats sur quelques aspects de la politique de santé dont notre pays a besoin. Mais pour quel résultat ?
Nous avions proposé la gratuité des soins pour les enfants de moins de six ans et la résolution des problèmes des populations exclues des soins ; notre suggestion a été refusée.
Nous avions proposé une meilleure prise en charge des personnes allocataires du RMI.
Nous avions proposé, sans attendre, le remboursement de l'amniocentèse pour les femmes âgées de moins de trente-huit ans présentant des risques de donner naissance à des enfants trisomiques ; vous vous y êtes opposé.
En matière de financement, nous avions également présenté des propositions importantes.
Nous avions proposé, par exemple, d'assujettir les revenus financiers des particuliers et des entreprises à une contribution sociale dont le taux était de 14,5 % et qui se substituer à la CSG.
Nous avions proposé une modulation des cotisations patronales en fonction de la valeur ajoutée. Vous vous y êtes également opposé.
En somme, vous avez refusé d'infléchir si peu que ce soit la mise en oeuvre du plan Juppé, pourtant rejeté par la majorité de nos concitoyens.
Il a été démontré, de surcroît, que ce plan ne permettrait pas de résoudre les problèmes financiers et provoquait déjà une importante régression sociale.
La situation dans le domaine de la santé devient catastrophique. On assiste en effet à une recrudescence de la tuberculose ainsi qu'à l'apparition de cas de saturnisme et de scorbut.
En outre, certaines personnes renoncent à des consultations et à des soins pour des raisons économiques. Certes, vous reconnaissez la gravité de cette situation, mais vous n'apportez aucune réponse efficace, au contraire. De surcroît, vos propositions sont injustes.
Vous rejetez systématiquement les suggestions que nous avons formulées en matière de financement. Elles sont pourtant inspirées par un souci de justice et d'efficacité et sont « cohérentes et sérieuses », pour reprendre des termes chers à M. Juppé.
Vous avez refusé de toucher aux revenus financiers spéculatifs, même si, je dois le reconnaître, vous avez fait un pas dans la bonne direction, puisque vous avez pris la décision très courageuse de taxer quelque peu les stock-options. C'était tout de même la moindre des choses ! Mais nous sommes loin du compte.
Nous ne demandons pourtant que la justice ; nous souhaitons faire contribuer les revenus financiers au même taux que les salaires.
Pour l'essentiel, vous faites peser la charge sur les salariés. Vous augmentez la CSG, à laquelle nous nous étions opposés, comme d'ailleurs au forfait hospitalier lors de sa mise en place. Nous avions dit que ce dispositif ouvrirait une brèche dangereuse, et la suite des événements nous a, hélas ! donné raison. Aujourd'hui, vous étendez le champ d'application de ces mesures aux plus modestes et aux plus vulnérables. Vous visez ainsi les indemnités de maladie, de maternité, de licenciement et de départ à la retraite.
Enfin, vous organisez le rationnement des soins remboursés par la sécurité sociale. Ainsi, ceux qui en auront les moyens pourront se soigner, parfois au prix de lourds sacrifices, en souscrivant des assurances privées. Les compagnies d'assurance s'en réjouissent déjà. M. Bébéar, par exemple, ne cache ni sa joie ni ses objectifs.
Tant pis pour ceux qui ne pourront pas payer ! Vous promettez une assurance universelle qui garantira un accès minimal aux soins pour les plus pauvres et dont le financement pèsera, pour l'essentiel, sur ceux qui sont un peu moins en difficulté. On peut prévoir le résultat en observant ce qui se passe dans les pays où il n'existe pas de système équivalent à la sécurité sociale.
Aux Etats-Unis, par exemple, plus de 15 % du produit intérieur brut est consacré à la santé, mais 50 millions de personnes sont exclues du système de soins. Voilà le résultat auquel on aboutit quand la protection sociale est traitée comme une marchandise ! Cela coûte cher, c'est injuste et moins efficace. Nous ne voulons pas de ce système pas plus d'ailleurs que les Français.
M. Jean Chérioux. Nous non plus !
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Vous voulez l'imposer et vous osez culpabiliser les assurés sociaux, ainsi que les médecins qui s'en émeuvent à juste titre.
M. Henri de Raincourt. Scandaleux !
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Vous tenez de beaux discours sur la prévention, la famille et les enfants. La main sur le coeur, vous affirmez partager notre inquiétude face au retour de maladies d'une autre époque. Mais c'est aux actes que vous serez jugés.
Votre texte est porteur de dangers que nous ne pouvons pas cautionner : vous faites le contraire de ce que vous dites ! Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc contre ce projet de loi et il demande que le Sénat se prononce par scrutin public, afin que chacun prenne bien ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. L'examen par le Parlement de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale était une première, avez-vous dit, monsieur le ministre. Il constitue un moment fort de notre session. Notre principal souci était de ne pas aggraver le déficit, voire de dégager un excédent. C'est chose faite ! Il s'agit d'une réforme importante.
Monsieur le ministre, je m'associe totalement à l'énervement que vous avez manifesté tout à l'heure lorsque vous avez dénoncé les contrevérités énoncées dans les médias. De grâce, que les médias rétablissent l'équilibre !
Avec ce souci et dans cet esprit, le groupe de l'Union centriste votera ce projet de loi, avec enthousiasme et sans état d'âme. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je vous remercie.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. La loi organique avait bien défini le cadre dans lequel devait s'inscrire la loi de financement de la sécurité sociale, à savoir la définition des grands objectifs en matière de santé publique et de sécurité sociale, et la définition des conditions générales pour l'équilibre financier.
Chacun doit reconnaître que le second objectif a été mieux satisfait cette fois-ci que le premier. Mais personne ne peut vous en faire grief, monsieur le ministre, et je voudrais que vous en soyez bien convaincu.
Ce débat s'est inscrit sous le signe de la nouveauté, de la difficulté et de la nécessité : nouvelles attributions du Parlement, difficultés inhérentes au contexte économique, social et politique dans lequel se sont déroulés nos débats, et nécessité du fait de l'urgence de rétablir l'équilibre des comptes, qui s'était dégradé au fil des ans.
Le débat m'inspire trois réflexions.
Tout d'abord, une chose est de voter des dispositions, une autre est de les voir mises en application. Sur ce point, monsieur le ministre, vous pouvez être assuré de l'engagement des sénateurs centristes, qui doivent contribuer à expliquer sans cesse la nécessité des mesures que nous avons prises, de façon que celles-ci soient mieux comprises et que leur finalité soit mieux perçue.
Ensuite, il faut convaincre, car, sans adhésion des acteurs, en particulier des professionnels de la santé, des dispositions, si légitimes soient-elles, risquent de ne pas avoir toute la portée qu'elles méritent. Je vous demande donc une nouvelle fois, monsieur le ministre, de faire en sorte que les professionnels de la santé, qui se sont sentis mal aimés et parfois floués, sachent que vous leurs faites confiance et que vous avez comme nous la conviction que, sans eux, rien ne pourra réussir.
Les choses sérieuses commencent, mais il faudra faire mieux la prochaine fois. C'est un exercice difficile dans lequel nous nous sommes engagés. Notre soutien vous a été assuré, mais nous savons comme vous que toute oeuvre humaine, en particulier une oeuvre législative, est perfectible lorsqu'elle s'inscrit dans la nouveauté.
Enfin, ma troisième réflexion concerne le rôle du Sénat et je voudrais terminer par une sorte d'hymne au bicaméralisme. En effet, l'intention exprimée par le président et les membres de la commission des affaires sociales était de maintenir, autant que faire se pouvait, le débat au niveau auquel se situaient les enjeux dont nous avons discuté pendant de longues heures. Il fallait éviter l'addition de préoccupations qui auraient pu apparaître comme trop limitées et qui, finalement, auraient dénaturé ces enjeux.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. Claude Huriet. Je pense que nous y sommes parvenus au travers non seulement de la création du fonds de réserve, mais également de la détermination dont nous avons fait preuve, sur proposition du président et du rapporteur de la commission des affaires sociales, pour alimenter ce fonds.
C'est un hymne au bicaméralisme, car l'équilibre entre les deux assemblées apparaîtra sans doute en commission mixte paritaire. Encore fallait-il que le Sénat puisse jouer pleinement son rôle ! Il l'a fait grâce à l'excellence des rapports présentés par les trois rapporteurs de la commission des affaires sociales, auxquels je tiens à rendre hommage, et par le rapporteur pour avis de la commission des finances, mais aussi grâce au président de la commission des affaires sociales, qui a largement contribué à la qualité et à la sérénité des débats.
Nous avons également apprécié, monsieur le ministre, l'entente qui règne entre vous-même et M. Hervé Gaymard. Vous êtes confrontés à des difficultés extraordinairement importantes, comme peu d'équipes gouvernementales en ont connu au cours des derniers mois. Le sentiment que vous nous donnez est qu'il existe entre vous une cohésion et une confiance, dont nous voulons vous donner acte.
Vous avez fait preuve, autant que faire se peut, de qualités d'ouverture et de dialogue ; grâce vous en soit aussi rendue.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je confirme ce que vient de dire M. Machet : le groupe de l'Union centriste votera ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première fois le Parlement examine et se prononce sur le financement de la sécurité sociale. Ce contrôle démocratique se justifie par le chiffre même des comptes de recettes et de dépenses des régimes de protection sociale, qui dépasse celui du budget général de l'Etat. Je tiens à m'associer aux compliments que les orateurs précédents ont adressés aux rapporteurs.
Les cinq points regroupés dans le projet de loi de financement permettent d'en évaluer la portée financière, l'incidence sur l'équilibre et la cohérence d'ensemble. Outre l'approbation d'un rapport figure celle des comptes prévisionnels définissant la politique de protection sociale - famille, maladie, vieillesse, accidents du travail. S'inscrivent également la maîtrise des dépenses de santé, la fixation des plafonds de trésorerie pour les différents régimes et, enfin, quelques mesures relatives aux recettes et aux dépenses de sécurité sociale.
Même si la seule véritable avancée du champ de la loi est constituée par la fixation des plafonds de trésorerie, il n'en reste pas moins que ce regroupement autorise une meilleure saisie et un suivi plus précis.
Néanmoins, plusieurs regrets m'assaillent en ce qui concerne le calendrier, les moyens et la méthode.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, que l'examen du projet de loi relatif à la sécurité sociale et celui du budget national s'entrechoquent. Le déséquilibre des comptes qui perdure depuis plusieurs annéees et sur lequel ont achoppé un certain nombre de réformes n'aurait pas connu une croissance exponentielle si nous en avions débattu dans quelques semaines. Le traitement de l'urgence n'implique pas la précipitation.
Chacun s'accorde sur le rythme soutenu qu'engendre la période que nous nommions « session budgétaire » pour ne pas la charger de textes qui réclament une réflexion et une recherche particulièrement importante du fait de leur caractère innovant.
Dans la procédure d'examen proche de celle des lois de finances que nous avons choisie, se trouve renforcée l'obligation de cohérence entre les prévisions des comptes sociaux et les données budgétaires.
Les cotisations représentent 85 % des recettes. Ces rentrées sont très largement dépendantes des hypothèses macro-économiques concernant la masse salariale. Or, d'une part, la qualité douteuse des indicateurs conjoncturels de masse salariale et, d'autre part, la montée en régime des exonérations de cotisations et des variations dans les taux de recouvrement par les URSSAF ne permettent pas d'avoir des taux d'évolution fiables.
En ce qui concerne les dépenses, les composantes sont plus faciles à cerner.
En effet, les prévisions sont très fiables dans le domaine des prestations d'assurance vieillesse. Toutefois, des difficultés surgissent s'agissant des prestations familiales du fait de la complexité de la réglementation et de ses fréquentes fluctuations. Il en est de même pour les dépenses de santé, dont l'interférence de variables externes au champ n'a pas été mise en corrélation.
Actuellement, on arrive à déterminer un écart moyen entre les prévisions et les réalisations, sans pouvoir distinguer les causes et analyser l'incidence des plans d'économies. En quantifiant cet écart moyen, la commission des comptes de la sécurité sociale a permis d'évaluer la mesure de l'incertitude qui pèse sur les comptes prévisionnels, mais elle a aussi démontré la nécessité de procéder à des études plus approfondies pour affiner la saisie des origines des différenciels.
D'autres approches auraient pu être explorées avec un délai supplémentaire, notamment la gestion du secteur hospitalier. On aurait pu procéder à une clarification des rapports entre l'administration de la structure hôtelière et l'activité médicale avec son infrastructure. La recherche d'une utilisation optimale de l'outil ne signifie pas rationnement rampant.
Par ailleurs, les prélèvements opérés sur les pensions de retraite servies à partir de cotisations versées pendant la vie active continuent à développer un sentiment d'iniquité par la double imposition qu'ils représentent.
Enfin, le provisionnement d'une branche par une autre, en l'absence de chiffrage approché, soulève des protestations dont le fondement n'est pas contestable.
Lors de la discussion générale, certains de mes collègues se sont fait l'écho du sentiment d'une partie du corps médical, objet, estime-t-elle, de vindicte. Cette réaction dénonce l'échec partiel de l'adhésion au changement que propose toute réforme et dont, pourtant, la réussite dépend.
La justesse d'une proposition ne trouvera son accomplissement que dans la conviction des acteurs à la faire passer dans les faits. L'exigence de l'évolution ne cautionne pas le passage en force, générateur de rejet instinctif et irraisonné. Il y a autant de mérite à amener un contradicteur à partager un projet qu'à bâtir celui-ci. Ce travail-là est inachevé.
Je voterai donc ce texte, comme la majorité des membres du groupe RDSE, car il présente une avancée indéniable. Mais je le voterai sans enthousiasme, étant convaincu que l'on aurait pu faire mieux encore.
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que notre débat s'achève, que peut-on dire brièvement ?
Il était tout à fait logique que le Parlement procédât à ce premier examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale : d'abord, le montant même du budget qui est consacré à notre système de protection sociale le justifie - il est, chacun le sait ici, supérieur au budget de l'Etat ; ensuite, la réforme de notre système de protection sociale, qui a été engagée très courageusement l'année dernière par le Gouvernement, a été examinée par le Parlement. Il y avait donc une cohérence à aller au bout de la démarche.
Nous avons, au cours de ce débat, M. Barrot le disait tout à l'heure, fait la preuve de la qualité des échanges qui peuvent avoir lieu entre les uns et les autres et du souci qui nous est commun à tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, de préserver notre système de protection sociale. Je ne peux pas accepter d'entendre dire qu'il y en aurait parmi nous qui seraient attachés à la préservation de notre système de protection sociale, tandis que d'autres ouvriraient les portes conduisant à son abandon et à d'autres systèmes de financement.
M. Jean Chérioux. Très bien !
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Ecoutez M. Bébéar !
M. Henri de Raincourt. Cela ne transparaît pas dans les délibérations du Sénat.
Je tiens, à mon tour, à remercier MM. Barrot et Gaymard, qui ont accompli, me semble-t-il, un travail extrêmement approfondi, à l'intérieur d'un calendrier extrêmement tendu, reconnaissons-le. Ils sont parvenus à nous présenter un texte tout à fait substantiel, embrassant l'ensemble des éléments.
Je souhaite également exprimer ma reconnaissance et ma gratitude à M. Fourcade, président de la commission des affaires sociales, ainsi qu'à MM. les rapporteurs : ils ont, les uns et les autres, très largement contribué à la qualité de nos travaux. Je me permettrai d'ajouter que la commission des affaires sociales a fait la preuve, s'il en était besoin - pour ma part, je n'en doutais pas - de sa capacité à parler de dépenses, certes, mais aussi à exercer sa responsabilité en matière de recettes. Je tenais à le souligner.
J'ai été quelque peu ennuyé d'entendre parler de l'échec de cette réforme qui débute, alors même que, avec ce premier projet de loi de financement, on aboutit à un déficit de l'ordre de 30 milliards de francs.
Pouvait-on imaginer, devant l'ampleur du problème qui était posé, quelle que soit la réforme qui allait être engagée, que l'on allait pouvoir, sur une période aussi brève, réduire ainsi le déficit et rétablir l'équilibre, voire dégager un excédent ? Un tel exercice paraissait quasiment hors de portée.
Alors que les éléments de la réforme se mettent en place progressivement et que l'ensemble n'est pas achevé, le fait de limiter le déficit à environ 30 milliards de francs, alors qu'il se serait élevé à 90 milliards de francs si rien n'avait été entrepris, me paraît positif. Il convient de le souligner et de montrer à l'opinion publique, qui ne doit pas être trompée en la matière, que le Parlement et le Gouvernement sont déterminés à sauver notre système de protection sociale et à en assurer la pérennité.
Le problème de la sécurité sociale est double.
C'est un problème de dépenses, qui conduit inéluctablement à la maîtrise, quoi qu'on en pense et quoi qu'on en dise, sinon le système explosera.
C'est également un problème de recettes, en raison de la situation économique, bien évidemment, mais aussi parce que l'assiette sur laquelle sont assises les cotisations sociales est aujourd'hui trop restreinte pour assurer le financement de notre système de protection sociale. Tout ce qui est mis en place permettra de résoudre bon nombre de problèmes dans les mois et les années à venir.
L'élargissement de l'assiette est justifié, je le dis très clairement. Le résultat de nos travaux, à savoir le taux directeur pour le secteur médico-social et le fonds de réserve tel qu'il a été étudié et adopté par le Sénat, est extrêmement positif. C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants votera sans état d'âme et avec détermination le projet de loi. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Au terme de ce débat, les critiques que j'avais formulées au cours de la discussion générale demeurent.
La référence purement formelle à une maîtrise médicalisée des dépenses de santé ne parvient pas à masquer une approche exclusivement comptable, comme M. Descours l'a fait remarquer, tout en le regrettant, dans son rapport, même s'il n'emploie pas le même qualificatif puisqu'il parle d'approche financière.
Même sur le plan comptable, monsieur le ministre, il faut considérer que vous avez échoué, puisque vous aggravez les déficits, contrairement à vos promesses, en considérant que c'est un problème de second ordre qui sera sans doute résolu ultérieurement, sans que nous sachions comment ni par qui. Je n'ose penser que vous puissiez confier cette tâche à ceux qui vous succéderont !
En ce qui concerne les moyens de financement, et plus particulièrement la CSG, le groupe socialiste est d'accord - comment ne le serait-il pas, puisque c'est sur son initiative que cette contribution a été créée ? Nous avons donc voté l'article 7, qui prévoit un extension de l'assiette de la CSG.
En revanche, nous sommes défavorables, en l'état actel de notre fiscalité, à la déductibilité de la CSG.
Par ailleurs, nous regrettons votre timidité s'agissant des modalités et du rythme de la substitution de cette contribution aux cotisations. Nous aurions souhaité disposer d'un calendrier qui comportât, à terme, une disparition des cotisations d'assurance maladie au profit de la CSG. Ainsi aurait pu être dégagée une augmentation du pouvoir d'achat des salaires d'au moins deux à trois points, ce qui n'aurait pu avoir que des effets bénéfiques sur notre économie, sans aggraver le déficit de la sécurité sociale.
Je ne m'appesantirai pas sur le caractère hétéroclite des mesures non reconductibles que comporte le projet de loi et qui nous ont été présentées dans l'incohérence et l'impréparation la plus totale.
En revanche, je tiens, pour terminer, à saluer les efforts répétés et méritoires, mais finalement peu productifs, de la commission des affaires sociales. Ces efforts n'ont pas permis d'atteindre les objectifs ambitieux qu'elle s'était fixés dans le rapport de M. Descours. En effet, vous le savez, il était prévu une recette de plus de un milliard de francs. Or, aujourd'hui, nous sommes obligés de nous contenter de 300 millions de francs. Nous le regrettons.
Nous avons voté l'amendement visant à faire participer à l'effort collectif en faveur de la sécurité sociale les détenteurs de stock-options, car ces personnes ne font pas partie des catégories sociales les plus défavorisées. A ce sujet, je me permets, me faisant l'écho de ma collègue Mme Fraysse-Cazalis, de dire que cet amendement donnera une raison supplémentaire à M. Bébear de s'intéresser aux comptes de la sécurité sociale. Personnellement, je n'en suis pas mécontent.
Mais cela n'est malheureusement pas suffisant pour modifier la position du groupe socialiste, qui votera contre le projet de loi.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais, à cette heure, simplement exposer deux motifs de satisfaction et exprimer deux inquiétudes.
Le premier motif de satisfaction, c'est, monsieur le ministre, votre très large esprit d'ouverture, de conciliation et de dialogue. Cette construction que nous allons mettre progressivement en oeuvre avec les lois de financement de la sécurité sociale nous permettra sans doute de saisir l'essentiel et de débattre, enfin, chaque année des véritables problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Second motif de satisfaction : le calendrier a été tenu, en dépit des inquiétudes de certains qui, dans cette maison, considéraient que ce serait impossible.
Nous avons examiné au fond le projet de loi. Il a donné lieu, grâce à nos collègues de l'opposition et de la majorité, à des discussions intéressantes, dont le niveau est toujours resté satisfaisant. Des amendements ont été déposés. Je remercie nos collègues, nos collaborateurs et les vôtres, monsieur le ministre, ainsi que le personnel du Sénat.
J'exprimerai maintenant deux motifs d'inquiétude.
D'abord, nous n'avons pas réussi à réduire le déficit annoncé. Nous aurions dû, je crois, faire quelques économies supplémentaires, notamment en matière de gestion, pour essayer d'y parvenir. Le problème des opérations en capital demande à être examiné de plus près. Mais ce n'était qu'un début.
Second motif d'inquiétude : je constate que la diminution des recettes issues des cotisations sociales résulte, certes, de la conjoncture, qui n'est pas bonne, mais aussi de l'attitude d'un certain nombre de dirigeants d'entreprise qui recourent à toute une série de moyens pour ne pas acquitter les cotisations sociales. Nous en avons supprimé un ce matin, les stock-options, qui constituaient une toute petite faille ; il en reste beaucoup d'autres.
Je le dis très clairement : autant nous sommes, au Sénat, notamment à la commission des affaires sociales, partisans d'une réduction des charges sociales pour faciliter la compétitivité de notre pays, autant nous pensons que le recours à des voies détournées pour ne pas acquitter les cotisations sociales et pour faire porter l'effort sur les autres ou sur le budget de l'Etat n'est pas tolérable. Dans le dialogue ouvert avec l'ensemble des catégories socioprofessionnelles de notre pays, cela devra être dit, afin que nous parvenions un jour à un équilibre réel de notre système de protection sociale.
Nous n'en sommes pas très loin puisque le déficit s'élève à 30 milliards de francs sur un total de dépenses de 1 685 milliards de francs. L'équilibre n'est donc pas un objectif impossible à atteindre. Quelques efforts doivent encore être faits.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons bien commencé. Nous devons continuer et approfondir le débat, afin de parvenir dans quelque temps à un équilibre satisfaisant pour une protection sociale modernisée mais dont le caractère global et solidaire sera maintenu. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe communiste républicain et citoyen, et l'autre, du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 30 : :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 308
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 215
Contre 93

6