M. le président. « Art. 33. - I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces ressources prennent en compte un montant forfaitaire déterminé en pourcentage de la base mensuelle de calcul visée à l'article L. 551-1, variable selon le nombre d'enfants à charge, fixé par décret, représentatif soit du bénéfice d'une des aides personnelles au logement visées aux articles L. 511-1, L. 755-21 ou L. 831-1 du présent code et à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation dans la limite du montant de l'aide due, soit de l'avantage en nature procuré par un hébergement au titre duquel aucune de ces aides n'est due. »
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux demandes d'allocation de parent isolé déposées à compter du 1er avril 1997. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 88, Mmes Fraysse-Cazalis et Demessine, M. Fischer, Mme Beaudeau, M. Loridant, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 18, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le texte présenté par le paragraphe I de l'article 33 pour compléter le deuxième alinéa de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, de remplacer les mots : « aux articles L. 511-1, L. 755-21 ou L. 831-1 du présent code et à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation » par les mots : « au 4° de l'article L. 511-1 aux articles L. 755-21 ou L. 831-1 du présent code ou à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation ».
Par amendement n° 33 rectifié bis, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose de compléter in fine l'article 33 par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - A l'article L. 351-10 du code de la construction et de l'habitation, après les mots : "des prestations familiales", il est inséré les mots : "autres que l'allocation de parent isolé dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale ».
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 88.
M. Guy Fischer. La politique de la famille constitue, si l'on en croit les déclarations gouvernementales les plus récentes, l'un des éléments les plus importants de la politique générale de l'Etat et l'un des éléments clés de la solidarité nationale.
Les prestations familiales sont, en effet, aujourd'hui l'un des domaines de la protection sociale où l'intervention de l'Etat est la plus significative, puisque l'action de l'Etat porte à la fois sur les ressources des organismes prestataires et sur un certain nombre de prestations importantes, qu'il s'agisse des aides personnelles au logement, des allocations versées aux adultes handicapés ou encore du financement du revenu minimum d'insertion, toutes prestations qui sont, pour une partie non négligeable, prises en charge par le budget général au travers de subventions attribuées à la caisse nationale d'allocations familiales.
Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, il est d'ailleurs significatif de constater que les plus récentes lois de finances, le présent projet de loi de financement et encore le projet de loi de finances pour 1997 font largement état de mesures diverses destinées à réduire la participation de l'Etat au financement de ces prestations. L'Etat s'était pourtant engagé à prendre en charge ce financement lors de leur création. L'évolution est à rapprocher des objectifs de réduction des déficits publics promus dans le cadre des critères de convergence inscrits dans le processus de mise en place de la monnaie unique.
L'article 33 du projet de loi complète donc, dans sa dimension législative, une série déjà longue de mesures d'ordre législatif et réglementaire prises dans le passé et qui, par petits paquets de centaines de millions de francs d'économies budgétaires, tendent à dégager l'Etat de ses obligations vis-à-vis de la Caisse d'allocations familiales et à réduire, dans les faits, les droits des personnes et des familles disposant des prestations servies sous conditions de ressources. Nous sommes là au coeur du problème.
Il s'agit ici de modifier les conditions d'attribution de l'allocation de parent isolé, en prenant en compte le montant de l'allocation constitué par l'aide personnalisée au logement.
Cette situation appelle plusieurs observations.
La première et non la moindre est la suivante : il est de toute évidence que la philosophie générale de cet article du projet de loi répond à une vieille appréciation d'une certaine partie de la majorité sénatoriale, pour laquelle l'allocation de parent isolé serait l'occasion de nombreuses fraudes.
Je passe évidemment sur les motivations profondes qui sous-tendent ce genre de jugement et qui procèdent de réminiscences plus ou moins pesantes d'un ordre moral révolu ou encore d'une forme de mépris, c'est le mot, pour celles-surtout celles - et ceux qui demandent à bénéficier de ce type d'allocation.
L'autre considération porte évidemment sur le fait que le législateur, dans la rédaction de l'article 33, ne nous propose ni plus ni moins que d'aligner le traitement de l'aide personnalisée au logement sur celui de l'allocation de logement.
Or ces deux allocations ont une différence fondamentale qu'il importe de rappeler sans cesse : le bénéficiaire réel de la prestation n'est pas le même.
L'allocation de logement est, en effet, versée directement au locataire tandis que l'APL échoit au bailleur, selon le dispositif du tiers payant, et doit donc être objectivement considérée non comme un revenu mis à disposition de l'allocataire, mais bien seulement comme un moyen de le solvabiliser.
Cette mesure relative à l'API n'est d'ailleurs pas isolée, si vous me permettez cette appréciation. On s'attaque, en fait, aux minima sociaux.
Il est en effet question de modifier également les conditions d'attribution de l'APL en unifiant les barèmes de l'APL 1 et de l'APL 2. C'est une véritable bombe à retardement, mais nous y reviendrons.
Dans la même logique, il a été question de s'interroger sur les conditions d'attribution du RMI en faisant rentrer en ligne de compte un aspect « obligation alimentaire » pour l'instruction des dossiers.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, il s'agit certainement d'un des articles les plus importants du projet de loi !
M. Machet, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille, dont on connaît l'attachement au développement de la politique familiale, est d'ailleurs préoccupé.
Il souligne dans son rapport que « les prestations servies par la CNAF, en particulier les aides au logement, servent d'amortisseur de crise et de réducteur des tensions sociales dans ces temps économiquement très difficiles ».
Comment finalement admettre qu'aujourd'hui l'aide personnalisée au logement sera prise en compte pour les conditions d'attribution de l'API ? Cette question est très importante.
Nous ne pouvons pas admettre un tel article et nous demanderons un scrutin public. De toute évidence, nous aurons l'occasion d'y revenir souvent, très souvent.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 18 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 88.
M. Charles Descours, rapporteur. Avec l'amendement n° 88, on veut faire entrer dans ce projet de loi des dispositions qui n'ont rien à voir avec son objet. Les problèmes évoqués dans la seconde partie de l'intervention de M. Fischer feront en effet l'objet de projets de loi ultérieurs et le scrutin public porte en réalité non pas sur l'amendement, mais sur des problèmes qui seront abordés ultérieurement.
Nous faisons de l'article 33, dont vous demandez la suppression, monsieur Fischer, une lecture tout à fait différente.
L'article 33 vise en fait à corriger une injustice. En effet, l'allocation de logement familial est prise en compte dans les ressources de la personne pour l'obtention du bénéfice de l'allocation de parent isolé, alors que l'aide personnalisée au logement ne l'est pas. Il fallait rétablir l'équité de traitement entre les deux situations.
Désormais, l'APL sera prise en compte pour l'attribution de l'allocation de parent isolé dans la limite d'un montant forfaitaire qui variera en fonction du nombre des enfants à charge, ce qui paraît logique et équitable à la commission.
En fait, en harmonisant la prise en compte des différentes aides au logement pour l'attribution du bénéfice de l'allocation de parent isolé, l'article 33 le législateur s'est inspiré, à l'article 23, s'inspire de dispositions qui s'appliquent déjà pour le RMI. C'est une mesure d'équité, je le répète, entre les différents demandeurs de l'allocation de parent isolé.
L'amendement n° 18 est d'ordre rédactionnel.
M. le président. La parole est à M. Delong, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 33 rectifié bis .
M. Jacques Delong, en remplacement de M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. L'amendement n° 33 rectifié bis pourrait être qualifié d'amendement de cohérence.
Actuellement, l'aide personnalisée au logement est exclue de la base de l'allocation de parent isolé en vertu de l'article L. 315-10 du code de la construction et de l'habitation, qui prévoit expressément que l'aide personnalisée au logement n'est pas prise en compte pour le calcul des allocations familiales.
La commission des finances propose de faire exception à ce principe de portée générale pour le cas particulier de l'allocation de parent isolé, dans les conditions prévues par l'article 33 du présent projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 33 rectifié bis ?
M. Charles Descours, rapporteur. L'amendement n° 33 rectifié bis , présenté par la commission des finances, nous paraît introduire une précision urtile. C'est pourquoi la commission des affaires sociales y est favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 88, 18 et 33 rectifié bis ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 88.
Je tiens à préciser à l'intention de M. Fischer que la disposition ne concerne que les nouveaux bénéficiaires de l'API et qu'il s'agit d'une mesure d'harmonisation destinée à éviter des différences de traitement.
En revanche, le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 18 et 33 rectifié bis.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 88.
M. François Autain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Nous voterons l'amendement n° 88 du groupe communiste républicain et citoyen, car nous estimons que la disposition contenue dans l'article 33 a été prise, là encore, sans concertation. Actuellement, dans le cadre de la conférence sur la famille, des chantiers sont ouverts, des groupes de travail se réunissent. Il aurait été souhaitable d'attendre que ces travaux soient terminés.
De plus, à cette disposition s'ajoutent non seulement des mesures qui ont déjà été prises concernant l'aide au logement, mais également des mesures qui le seront bientôt et tendent à réduire considérablement cette aide. Par conséquent, cet article est inopportun et c'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera l'amendement de suppression.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 88, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 29:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 89
Contre 228

Personne ne demande la parole ?...
Je mets l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié bis, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 33, modifié.

(L'article 33 est adopté.)

Article additionnel après l'article 33