M. le président. Par amendement n° 3, MM. Michel Mercier, de Raincourt, Paul Girod et Chérioux proposent d'insérer, avant le titre Ier, une division additionnelle ainsi rédigée :

« Titre Ier A. - De la coordination
de la prise en charge de la dépendance »

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission demande la réserve de cet amendement jusqu'après l'examen de l'amendement n° 4.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.
Par amendement n° 4, MM. Michel Mercier, de Raincourt, Paul Girod et Chérioux proposent d'insérer, avant le titre Ier, un article additionnel ainsi rédigé :
« Afin de favoriser la coordination des prestations servies aux personnes âgées dépendantes et d'accomplir les tâches d'instruction et de suivi, le département conclut des conventions avec les organismes de sécurité sociale et la Mutualité sociale agricole.
« Ces conventions doivent être conformes à un cahier des charges arrêté par le ministre chargé des personnes âgées après avis des représentants des présidents de conseils généraux, des organismes de sécurité sociale et de la Mutualité sociale agricole.
« Le comité national institué par le second alinéa de l'article 38 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale est chargé de suivre la mise en oeuvre de ces conventions. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 72, présenté par M. Neuwirth et visant à compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 4 pour insérer un article additionnel avant le titre premier par un alinéa ainsi rédigé :
« La mise en oeuvre de la présente loi fait l'objet d'un bilan annuel par le comité national mentionné à l'alinéa précédent. »
La parole est à M. Michel Mercier, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Michel Mercier. Il ne s'agit pas d'un amendement de fond, bien qu'il soit, comme vient de le rappeler M. le ministre, particulièrement important. Nous souhaitons pouvoir mettre en place, autour de la personne âgée dépendante, un véritable partenariat qui regroupe notamment, outre le département, les caisses d'assurance vieillesse et la mutualité sociale agricole. Ce partenariat nous semble tout à fait important, et il constitue l'un des apports majeurs de la proposition de loi dont nous débattons.
Pour bien marquer son importance, nous souhaitons que ce partenariat, prévu à l'article 11, figure dans le premier article de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Neuwirth, pour défendre le sous-amendement n° 72.
M. Lucien Neuwirth. Mes chers collègues, vous permettrez à un membre du Sénat « appelé » - selon la formule consacrée - à siéger au sein du comité national créé à l'instigation de M. Fourcade, de souhaiter s'investir pleinement dans le suivi de cette proposition de loi.
Il m'apparaît indispensable, ainsi qu'à un certain nombre de mes collègues, d'observer les conséquences de l'application de cette loi, dont le caractère tout à fait transitoire a été maintes fois souligné, afin de progresser aussi bien et aussi vite que possible et d'aboutir dans les meilleurs délais à la mise en place d'un dispositif permanent de la prise en charge de la dépendance.
Mais, au-delà de cette contribution, je voudrais remercier M. Fourcade de nous avoir associés à l'entreprise qui est conduite aujourd'hui afin de répondre aux besoins d'un grand nombre - et non pas leur totalité, malheureusement ! - de personnes âgées dépendantes ! Je tiens à cette occasion à rappeler un point d'histoire. Alors que nos collègues socialistes étaient encore aux affaires et que M. Claude Evin était ministre des affaires sociales, j'avais été à l'origine d'une proposition de loi adoptée par l'ensemble du Sénat, à l'exclusion des seize membres du groupe communiste, qui en voulaient d'ailleurs à l'époque moins au texte qu'au ministre en question. (Sourires sur les travées du RPR, de l'Union centriste et sur certaines travées des Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Hélas ! le ministre en question s'était opposé à la discussion de ce texte par l'Assemblée nationale.
Or, depuis hier, les orateurs de l'opposition nous disent : « Ce n'est pas assez ». Peut-être ! Mais la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui a au moins le mérite d'exister.
Par ailleurs, j'ai été heureux d'entendre M. Fourcade détailler les cinq points essentiels sur lesquels ce texte constitue une réelle avancée sociale, provisoirement limitée - je le concède - par notre situation budgétaire.
Mes chers collègues, je vous demande de voter ce sous-amendement, qui permettra au Parlement d'assurer le suivi de cette proposition de loi à laquelle j'apporte mon soutien le plus total et d'en apprécier les effets essentiels concernant les créations d'emplois qui résulteront immanquablement de ce nouveau dispositif, en particulier dans le secteur des soins à domicile.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 4 et le sous-amendement n° 72 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 72 dans la mesure où il s'agit d'un bilan annuel concernant les effets de la prestation spécifique dépendance sur l'ensemble du territoire national.
Il nous paraît tout à fait judicieux qu'un premier bilan soit effectué par le comité national d'évaluation, dont notre collègue, M. Neuwirth, est d'ailleurs l'éminent représentant de la Haute Assemblée.
Sur l'amendement n° 4, présenté par M. Mercier et cosigné par MM. de Raincourt et Chérioux, la commission émet également un avis favorable, dans la mesure où il vise à placer au début du texte une disposition essentielle visant la coordination entre les différents partenaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 et le sous-amendement n° 72 ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Sur le sous-amendement n° 72, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. La sympathie que je porte à son auteur m'incite à penser, à titre personnel, que ce rapport sera le bienvenu.
Veillons toutefois à ce qu'il soit bref et sobre. Je suis en effet très soucieux de ne pas voir l'administration des affaires sociales occupée à rédiger des rapports entièrement ; il doit lui rester du temps pour élaborer un nouveau système de tarification. Je le dis avec un petit sourire, mais il convient de faire attention.
M. Lucien Neuwirth. C'est vrai !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Par ailleurs, je ne puis qu'être favorable à l'amendement n° 4, qui tend à considérer la coordination comme un principe de base.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 72.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole contre ce sous-amendement.
Mme Michelle Demessine. Contre le sous-amendement ?
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Oui, je souhaite m'exprimer contre le sous-amendement n° 72, n'en déplaise à mes collègues !
Nous avons mis en place un système d'expérimentation qui a donné lieu à la rédaction de deux bilans qui sont entre nos mains.
J'avoue que je suis sensible aux propos de M. le ministre. Il est vrai que, depuis quelque temps, nous avons tendance à demander, dans les lois que nous votons, des rapports d'évaluation. Non seulement nous ne sommes pas certains d'en avoir connaissance, mais cette manie de demander des rapports me gêne. Notre rôle ne consiste pas à en élaborer constamment ! Mais tel n'est pas l'objet essentiel de mon opposition à ce sous-amendement.
Depuis le début de nos débats, nous tournons autour d'un problème : celui du caractère fondamental de cette proposition de loi. S'agit-il d'un texte transitoire ou définitif ? Au départ, je l'avoue, j'ai cru M. le rapporteur, qui avait insisté sur le caractère provisoire de ce texte. Or, au fur et à mesure du déroulement de nos travaux - les propos de M. le ministre nous le confirment - nous nous rendons compte que ce provisoire va durer !
Je serai profondément hostile à cette proposition de loi si elle doit instituer un provisoire qui dure. Or le principe du rapport annuel ne faisant que conforter cette idée, personnellement, je voterai contre ce sous-amendement.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste est tout à fait d'accord avec ce sous-amendement n° 72, relatif au bilan annuel de la mise en place de la prestation spécifique dépendance, notamment en matière de création d'emplois et d'évaluation auprès des personnes âgées.
Je trouve tout à fait incroyable de faire figurer avant l'article 1er, qui met en place une telle prestation et en définit les bénéficiaires, les amendements n°s 3 et 4 et le sous-amendement n° 72, lesquels devraient être, en fait, la conséquence de la mise en place de cette prestation.
La proposition de loi que nous examinons a été très fortement souhaitée par les conseils généraux qui ont à faire face à de réelles difficultés en ce qui concerne l'ACTP. A mon sens, ce n'est pas fini car, si j'ai bien compris les propos de M. le ministre, cette proposition de loi n'est pas transitoire ; elle va durer ! Cela veut dire, je pense, que l'Etat n'envisage pas du tout d'aider les conseils généraux à assumer cette charge.
Vraiment, il me paraît donc incohérent de placer ces amendements et ce sous-amendement avant l'article 1er. Cela ressemble quelque peu à de la cuisine interne au sein de l'organisation et du fonctionnement des conseils généraux.
Si ces amendements étaient placés convenablement dans le texte de loi, ils nous conviendraient parfaitement, mais nous nous abstiendrons s'ils restent placés avant l'article 1er.
M. Lucien Neuwirth. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Je souhaite rectifier un point de détail dans le sous-amendement n° 72.
A tout péché, miséricorde ! Une relecture des textes me permet de noter que la dernière phrase de l'article additionnel présenté dans l'amendement n° 4 se lit comme suit : « est chargé de suivre la mise en oeuvre de ces conventions ». Or, le texte de mon sous-amendement n° 72 débute par ces mêmes mots : « la mise en oeuvre de ».
Si vous en êtes d'accord, monsieur le président, je souhaiterais, pour éviter une répétition malsonnante, supprimer ces mots et commencer le texte de mon sous-amendement par : « La présente loi fait l'objet d'un bilan annuel... ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 72 rectifié, présenté par M. Neuwirth et tendant à compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 4 pour insérer un article additionnel avant le titre Ier par un alinéa ainsi rédigé :
« La présente loi fait l'objet d'un bilan annuel par le comité national mentionné à l'alinéa précédent. »
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je ne veux pas que l'on déforme mes propos. Pourquoi ai-je dit qu'il ne fallait pas parler du caractère éphémère de ce texte ? C'est parce qu'il pose des principes durables. Repris dans l'amendement n° 4, la coordination des prestations, le paiement en nature et l'utilisation d'une grille nationale en sont l'illustration. Tous ces éléments me paraissent nourris par l'expérience ; je l'ai constaté en Haute-Loire. Il s'agit donc de principes durables !
Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, il faut que nous puissions aller au-delà en ce qui concerne les modalités, revoir les plafonds de ressources ou la prise en charge de l'état de dépendance ; c'est évident. La mise en place sera, certes, progressive ; n'en déduisez pas pour autant que nous nous contenterions d'un dispositif de fortune.
Le dispositif doit reposer sur des principes solides spécifiques à la dépendance ; contrairement aux expériences antérieures, il ne s'appuie pas sur les mécanismes en vigueur pour le handicap.
Voilà ce que j'ai voulu dire. Je n'ai pas dit que le dispositif actuel allait ne variatur demeurer. Il évoluera, mais il est fondé sur des principes qui me paraissent devoir être durables.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. A la suite de ce qu'a dit Mme Dieulangard, je pose la question : l'article 49, alinéa 1, de la Constitution est-il plus important que l'article 49, alinéa 3 ? La place d'un alinéa ou d'un article détermine-t-elle son importance dans une loi ? Ce n'est pas un tract que nous sommes en train de faire !
Même si je suis d'accord sur le fond, je m'étonne qu'on soit si attaché à mettre ces amendements avant la définition même du texte.
Sans aller jusqu'à voter contre, je souhaite que nous arrivions à une rédaction plus cohérente.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je souhaite apporter une précision pour éclairer la Haute assemblée, si cela était nécessaire, sur la place de cet article additionnel dans le texte.
Il s'agit d'afficher d'entrée de jeu le principe général de coordination de toutes les aides en faveur des personnes âgées, sur lequel a d'ailleurs insisté M. le ministre. Ce n'est qu'à partir de ce principe de base, qui nous paraît essentiel, que nous définirons les dispositions de la nouvelle aide que nous créons.
A partir du moment où, dans un domaine qui touche aux personnes âgées, il y a une compétence partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales, il est important de préciser d'entrée de jeu les conditions dans lesquelles seront gérées les actions menées en faveur des personnes âgées. Voilà pourquoi nous avons adhéré à la proposition de notre collègue M. Mercier d'inscrire ce principe de coordination en tête du texte. Il ne faut pas chercher d'autre raison que celle-là. Elle est simple, claire et elle ne semble nécessiter ni débat de sémantique ni procès d'intention à l'égard des auteurs d'un tel amendement. M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 72 rectifié, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Les auteurs de l'amendement n° 4 nous suggèrent d'inscrire les dispositions initialement prévues par la commission à l'article 11 en tête de la proposition de loi.
Or ces dispositions tendent à reconnaître, me semble-t-il, le rôle incontournable de la sécurité sociale et de la Mutualité sociale agricole dans la coordination des prestations servies aux personnes âgées dépendantes et à leur confier l'instruction et le suivi de la nouvelle prestation spécifique dépendance.
Une telle proposition a de quoi surprendre quand on sait qu'elle émane de ceux qui s'évertuent à cantonner la nouvelle prestation dans le cadre nouveau, réducteur à notre sens, de l'action sociale des départements et à en confier la responsabilité à ces départements.
Elle part cependant d'un constat réel : celui de l'incapacité de bon nombre de conseils généraux à assurer la mise en oeuvre de cette prestation a minima que la majorité sénatoriale veut instaurer - nous l'avons dit et je le répète - pour tirer le Président de la République du mauvais pas où il s'est mis en promettant de mettre « rapidement » en oeuvre « une allocation de dépendance », je devrais dire une prestation d'autonomie, destinée à couvrir « un risque nouveau qui doit être assuré par la collectivité nationale ». Vous connaissez notre position de fond sur ce point.
Après la tentative de l'an dernier, qui, je le rappelle, a échoué faute de financement suffisant, le texte actuel ne propose toujours qu'une prestation minimale qui ne s'appliquerait qu'aux personnes cumulant l'extrême pauvreté et la dépendance la plus grande et qui, de plus, serait récupérable sur les successions et les donations effectuées antérieurement par les bénéficiaires.
Ainsi, la plupart des gens qui ont cotisé toute leur vie à la sécurité sociale et qui ont payé toute leur vie leurs impôts locaux se verront privés de la couverture du risque de dépendance dont parlait pourtant si bien M. Chirac, alors que les enfants de ceux qui auront pu en bénéficier se verront privés d'une partie de leur héritage.
Par cet amendement, vous voulez sans doute montrer que vous n'êtes pas insensibles à la pression de tous ceux qui manifestent dans la rue pour réclamer que la perte d'autonomie soit couverte par la sécurité sociale.
La petite opération à laquelle vous vous livrez maintenant n'est, en fait, qu'un petit tour de passe-passe puisque, sur le fond, votre proposition de loi reste la même et vise, précisément, à faire des conseils généraux les pilotes de la nouvelle et très insuffisante prestation.
Cet amendement n° 4 ne change donc rien à un texte qui, même s'il obligera tous les départements à faire quelque chose, ne permettra, tout au plus, qu'un redéploiement des moyens, qui sont très insuffisants.
Enfin - et ce sera ma conclusion -, il y aura, me semble-t-il, des illusions puis, surtout, des désillusions pour bon nombre de familles qui, ne pouvant accéder à cette prestation, compte tenu des critères retenus, s'en verront exclues !
La discussion a bien montré que la solidarité risque de ne pas se manifester.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si !
M. Guy Fischer. La réponse de M. le ministre sur la tarification nous a grandement inquiétés. Des réponses claires ne semblent pas être apportées dans le cadre de ce débat. A partir de là, on va donc reporter.
Alors qu'on croyait adopter un texte de transition, on voit bien, à travers les principes très forts réaffirmés par M. le ministre et la majorité, qu'il s'agit de toute évidence du socle d'une véritable prestation autonomie pour laquelle les collectivités locales seront de plus en plus impliquées.
Parce que nous sommes en plein brouillard, nous voterons contre cet amendement.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. M. Vasselle, tout à l'heure, s'est interrogé sur le principe de base de ce texte.
Celui qu'il veut mettre en avant, je le comprends bien, c'est la « coordination des prestations servies aux personnes âgées ». Pour moi, le principe de base est que « toute personne remplissant des conditions d'âge, de degré de dépendance a droit, sur sa demande, à une prestation en nature dite " prestation spécifique dépendance " ».
L'emplacement d'un article dans le texte n'a pas seulement un intérêt anecdotique, il a aussi une valeur symbolique.
Je ne suis pas hostile, sur le fond, à l'amendement n° 4, mais j'émets des réserves quant à sa place dans ce texte. Je m'abstiendrai donc.
M. Henri de Raincourt. Dommage !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié l'amendement n° 4, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant le titre Ier.
J'en reviens à l'amendement n° 3, précédemment réservé.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans la proposition de loi, avant le titre Ier.

TITRE Ier

DE LA PRESTATION SPÉCIFIQUE DÉPENDANCE

Dispositions générales

M. le président. « Art. 1er. _ Toute personne résidant en France et remplissant les conditions d'âge, de degré de dépendance et de ressources fixées par voie réglementaire, a droit, sur sa demande, à une prestation en nature dite prestation spécifique dépendance.
« Le bénéfice de la prestation spécifique dépendance est ouvert, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, aux personnes de nationalité étrangère qui séjournent régulièrement en France et remplissent également les conditions d'accès à l'aide à domicile mentionnée à l'article 158 du code de la famille et de l'aide sociale.
« La dépendance mentionnée au premier alinéa est définie comme l'état de la personne qui a, outre les soins qu'elle reçoit, besoin d'être aidée dans le cadre de l'accomplissement des actes essentiels de la vie ou requiert une surveillance régulière. »
Sur l'article, la parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vécu de la dépendance par les personnes âgées se pose en termes nouveaux du fait de l'allongement de la vie et de la réduction de la cellule familiale aux composantes élémentaires, père-mère-enfants, quand elle n'est pas monoparentale. De plus en plus rarement se côtoient, sous le même toit, trois générations. En conséquence, le statut de la classe d'âge des aînés a évolué.
Si la mémoire du groupe est conservée, elle est de moins en moins transmise et l'initiation des plus jeunes n'est guère assurée par ceux qui en avaient jusqu'alors la mission.
Au-delà des conditions matérielles que nous traitons aujourd'hui, il faut aussi réfléchir à la redéfinition d'un rôle qui a sa place dans une société où l'exclusion s'accompagne presque toujours de solitude, où beaucoup d'enfants, en âge scolaire, ont la clé du domicile familial autour du cou car il n'y a personne pour les accueillir.
A l'aube du xxie siècle, la France compte près de 10 millions de personnes âgées de plus de soixante-cinq ans et 5 millions de plus de soixante-quinze ans. Dès 2015, ce sont 2 millions de nos concitoyens qui auront dépassé quatre-vingt-cinq ans, soit deux fois plus qu'aujourd'hui. Félicitons-nous que l'espérance de vie augmente d'un trimestre chaque année pour les deux sexes, mais prenons les mesures nécessaires pour faire face au corollaire : la dépendance.
Outre la diminution des capacités, il faut tenir compte de la dégradation consécutive, parfois, aux troubles psychiques, à la maladie d'Alzheimer, par exemple, si invalidante et éprouvante.
Les réponses de l'entourage, quand il existe et se mobilise, ne sont pas suffisantes. Les disponibilités et les résistances ont des limites. L'accompagnement légitime ne peut être dispensé au détriment d'autres tâches familiales.
Au fil du temps, vingt et un ans exactement, une dérive de l'allocation compensatrice créée par la loi de 1975 a eu lieu. Instituée en faveur des seules personnes handicapées, cette aide compte aujourd'hui parmi ses bénéficiaires, plus des deux tiers de personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, même s'il est vrai que certaines d'entre elles étaient handicapées avant d'avoir atteint cette échéance.
De nombreux conseils généraux constatent, sans pouvoir intervenir, l'accroissement des allocations compensatrices pour tierce personne servies à des personnes âgées non handicapées au sens des dispositions législatives de 1975.
L'insuffisance des structures d'hébergement constitue la seconde source de dérapage. Malgré l'effort de médicalisation des établissements sociaux, nombre d'entre eux se révèlent inadaptés à l'accueil de personnes âgées très dépendantes. Leur nombre augmente avec l'avancée des possibilités de maintien de la vie.
En attendant l'institution d'une allocation d'autonomie, il convient de saluer l'initiative de nos éminents collègues signataires de la proposition de loi nous invitant à créer une prestation spécifique dépendance pour mieux répondre aux besoins des personnes âgées : l'adéquation de l'outil à l'objet s'avérait indispensable.
La nécessité d'intervenir d'urgence étant établie, il convient de définir les conditions dans lesquelles la prestation sera servie.
L'expérimentation mise en place dans douze départements a mis en avant la nécessité d'une bonne coopération entre les différents partenaires concernés : exécutif départemental et organismes de sécurité sociale, caisses de retraite, caisses de maladie. Cette approche tient compte des réalités locales afin de répondre au mieux aux besoins cernés.
L'examen du projet de loi traitant de la prestation autonomie a été ajourné en raison des difficultés économiques et financières. Toutefois, cette lecture tronquée aura eu l'effet positif de reconduire ces expériences et de nous permettre de disposer, ce qui fait généralement défaut, de résultats in situ.
Le texte que nous examinons prévoit l'attribution et la gestion par le département de la prestation dont bénéficieront les personnes âgées de plus de soixante ans qui ont besoin de l'aide d'une autre personne afin de pouvoir continuer à vivre chez elle. Des dispositions transitoires permettront également d'améliorer la prise en charge de personnes lourdement dépendantes vivant en établissement.
L'appréciation du niveau de dépendance en fonction d'une grille nationale d'évaluation par une équipe médico-sociale garantit une estimation équitable du handicap. Ce travail orientera la nature et l'importance de l'aide qu'il est nécessaire d'apporter, et la prise en compte de l'environnement se révèle être l'un des paramètres déterminants.
Le fait que la prestation soit servie en nature a suscité certains commentaires quant à sa mise en place et son coût.
Cette forme requiert, j'y ai fait allusion il y a un instant, une bonne organisation des intervenants en termes d'identification, de qualification et de programmation.
Ce type de traitement développera les emplois d'aide à la personne ; il engendrera donc des embauches justifiées par une charge de travail supplémentaire pour les services départementaux. La demande de moyens en personnel, si elle est satisfaite, donnera-t-elle alors lieu à une compensation financière ?
La question se pose, car si l'aide n'est pas soumise à obligation alimentaire, elle peut néanmoins donner lieu à recours sur succession, mais elle viendra alors en concurrence avec d'autres recouvrements. On pourrait envisager une variante au système proposé.
M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de conclure.
M. Bernard Joly. Lorsque la personne âgée est aidée par un membre de sa famille qui a dû réorganiser ses activités en fonction des soins à apporter, le versement d'une aide en espèce serait juste en tant que compensation à un renoncement volontaire à une fraction de revenu.
Les Pays-Bas nous ont devancés en matière d'assurance du risque de dépendance et presque tous nos partenaires européens suivent leur exemple.
C'est pour ces raisons que je voterai cet article.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Au moment où la discussion des articles s'engage, nous sentons bien que, si cette proposition de loi comporte des aspects intéressants, elle présente aussi des aspects inquiétants
Certes, de nombreuses personnes âgées dépendantes sont en attente d'une solution, nous le savons bien. Mais nous savons aussi, nous qui travaillons à l'aide sociale dans les départements, à quel point l'ACTP a souvent été détournée de ses objectifs, quelquefois dans des conditions scandaleuses ! Aussi, quelle que soit notre sensibilité politique, nous éprouvons tous des inquiétudes, des insatisfactions, notamment quant au caractère transitoire des dispositions prévues.
Ainsi, la charge des mesures proposées doit porter exclusivement sur les départements. Pouvons-nous, nous, représentants des élus locaux, envisager à la légère un tel dispositif ? Toute la question est de savoir combien va durer le transitoire.
Un peu naïvement, je croyais que ce serait un transitoire court. Mais, au fur et à mesure que le débat avance, je me rends compte que ce transitoire risque d'être long. Je suis donc inquiète et je sais n'être pas la seule.
Cette semaine, dans un hebdomadaire de la presse économique qui énumérait les projets de loi sociaux du Gouvernement, j'ai vu ceux qui avaient été adoptés, ceux qui allaient l'être et ceux qui étaient abandonnés. Or, parmi ces derniers, figurait le projet de loi relatif à la prestation d'autonomie. J'avoue avoir éprouvé quelque inquiétude à cette lecture.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un journal mal informé.
Mme Joëlle Dusseau. Hélas ! j'ai peur que ce journal ait été bien informé.
Quand M. le ministre...
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je vous ai répondu sur ce point, madame !
Mme Joëlle Dusseau. Quand M. le ministre a dit qu'il ne reprenait pas le mot « transitoire » - vous avez bien dit cela, excusez-moi, monsieur le ministre - et qu'il ne considérait pas cette loi comme transitoire - je reprends mot à mot ce que vous avez dit - mon inquiétude s'est accrue. Nous sommes donc dans un transitoire qui est en train de s'installer pour durer. Edgar Faure, qui siégea longtemps dans cette assemblée, aurait certainement trouvé une jolie formule pour désigner cette situation, dont nous savons tous à quel point elle peut être inquiétante.
Pour ma part, j'aurais préféré que nous étendions l'expérimentation aux départements qui le souhaitaient plutôt que d'élaborer une loi, présentée comme transitoire, mais qui va perdurer. Quant aux autres questions que je me pose sur le texte, nous allons en débattre au cours de la discussion des articles. Elles concernent notamment la partie de la prestation perçue en espèce et la procédure d'urgence, point qui va être résolu par les amendements que nous avons présentés, les uns et les autres -
J'ai surtout - je tiens à le dire même si mon opinion n'est pas majoritaire dans cette assemblée - des réticences vis-à-vis de l'utilisation de la prestation au profit d'un membre de la famille. Il me semble nécessaire d'opérer une distinction entre ce qui relève de la solidarité familiale et ce qui relève du salariat. Nous savons qu'un nombre non négligeable de personnes âgées souffrent de mauvais traitements dans leur famille. Il me semble important que des professionnels, des personnes extérieures à la famille, voient ce qui se passe.
Par ailleurs, le fait que l'un des membres de la famille qui s'occupe de la personne âgée dépendante soit salariée risque d'entraîner un désintérêt de la part des autres. Tel n'est pas le but que nous visons.
Je suis également très sensible au problème de l'exonération des associations intermédiaires. Un débat aura lieu sur ce point. Malheureusement, il ne résoudra rien, et je le regrette.
Enfin - nous n'aurons pas l'occasion d'en parler, mais je tiens tout de même à attirer l'attention de MM. Vasselle et Fourcade sur la situation particulière des personnes âgées en placement familial. Dans ce cas-là, à qui sera versée la prestation ? A la personne âgée dépendante qui emploiera une personne extérieure ou à la famille accueillante ? Je sais qu'il y a peu de cas de cette nature, mais cette formule doit se développer.
M. le président. Ma chère collègue, je suis obligé de vous faire observer que votre temps de parole est épuisé.
Mme Joëlle Dusseau. En conclusion, je redirai mon inquiétude devant un transitoire qui risque de durer et de faire payer à long terme par les départements une prestation qui aurait dû être financée par l'Etat, la sécurité sociale et les départements.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je vous demande tout d'abord de m'excuser, monsieur le président, car j'aurais certainement dû m'exprimer au cours de la discussion générale. Mais je suis un jeune sénateur, et je dois apprendre les règles en usage.
J'avais déposé un amendement, que j'ai finalement retiré, dont l'objet était de poser le principe de la prise en charge, par l'Etat, des dépenses qui résulteront de la gestion nouvelle de la prestation spécifique dépendance.
Le rapporteur m'a d'abord dit que tous les présidents de conseils généraux, y compris ceux qui exercent des fonctions ministérielles, ne pouvaient accueillir qu'avec beaucoup d'intérêt un tel amendement. Le rapporteur m'a toutefois précisé qu'il était contraire à la règle du jeu que nous avons retenue selon laquelle, compte tenu des contraintes financières, l'Etat n'apporte, quant à lui, dans l'immédiat, aucune contribution financière.
Il m'a convaincu un peu plus encore lorsqu'il a fait ressortir qu'une meilleure coordination entre les caisses et les départements permettrait de maîtriser au mieux ces dépenses de gestion nouvelles par rapport à celles qui sont induites par le système actuel.
Toutefois, monsieur le ministre, j'ai recueilli une information bien surprenante. On me dit - le confirmez-vous ? - que, dans le projet de loi de finances pour 1997, les moyens de fonctionnement des COTOREP sont majorés de 50 %.
Majorer de 50 % les moyens de fonctionnement des COTOREP quand on leur retire une bonne partie des dossiers qu'elles traitent actuellement, c'est a priori bien curieux !
Dans mon département, les Yvelines, un dosssier sur deux est aujourd'hui instruit par les COTOREP pour ce qui concerne les personnes âgées.
J'ai donc retiré mon amendement dans l'attente de votre réponse, monsieur le ministre, mais, il sera bientôt remplacé par un amendement au projet de loi de finances visant à transférer la majoration des crédits COTOREP aux départements.
M. le président. A l'article 1er, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous quatre sont présentés par Mme Demessine, M. Fischer, Mme Fraysse-Cazalis, MM. Leyzour, Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 27 tend à rédiger comme suit l'article 1er :
« Après l'article L. 111-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - I. - Conformément à l'article L. 111-2, la sécurité sociale couvre également les charges spécifiques occasionnées aux personnes dont l'altération progressive des capacités intellectuelles ou physiques est due à des pathologies liées au vieillissement.
« Les caisses d'assurance maladie et d'assurance vieillesse asurent par leurs organismes communs la gestion et le service d'une prestation d'autonomie destinée à pallier les conséquences de l'état de dépendance ainsi créé.
« Attribuée en fonction du degré de dépendance constaté par les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, cette prestation en nature peut être servie en partie en espèces et, dans une certaine mesure, cumulable avec d'autres prestations de sécurité sociale ou d'aide sociale.
« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat.
« II. - Dans l'attente d'une réforme globale du financement de la sécurité sociale qui applique aux entreprises pour la couverture des risques maladie, vieillesse et des prestations familiales, des cotisations calculées en fonction de l'utilisation de la valeur ajoutée, notamment créée en faveur de l'emploi, les dépenses occasionnées par le présent article sont compensées à due concurrence par l'assujettissement de l'ensemble des revenus financiers provenant des titres émis en France à une cotisation sociale dont le taux est réactualisé chaque année par décret.
« Les livrets d'épargne populaire, les livrets "A" et "bleus", les comptes d'épargne logement et, pendant cinq ans, les plans d'épargne populaire ouverts avant promulgation de la présente loi sont exonérés. »
L'amendement n° 28 vise :
I. - A rédiger comme suit le début du premier alinéa de l'article 1er :
« Toute personne affiliée à un régime obligatoire de sécurité sociale et ses ayants droit, ou rattachée au régime de l'assurance personnelle a droit, en fonction du degré de dépendance qui lui est reconnu, à une prestation. »
II. - En conséquence, à supprimer le deuxième alinéa de cet article.
L'amendement n° 29 a pour objet, dans le premier alinéa de l'article 1er, de supprimer les mots : « et de ressources ».
L'amendement n° 30 tend, après le mot : « personne », à rédiger comme suit la fin du troisième alinéa de cet article : « dont l'altération progressive des capacités intellectuelles ou physiques est due à des pathologies liées au vieillissement. »
La parole est à Mme Demessine, pour présenter l'amendement n° 27.
Mme Michelle Demessine. Par cet amendement, nous proposons en fait une solution qui se démarque complètement de la proposition de loi de la majorité sénatoriale ; il s'agit de créer une prestation d'autonomie de qualité, instruite, gérée, contrôlée et servie par la sécurité sociale.
Nous entendons ainsi répondre favorablement aux aspirations et à la demande de l'immense majorité des familles, des retraités et de leurs associations, qui ont décidé de se faire entendre en manifestant le 22 octobre prochain à Paris.
Ils en ont assez d'attendre la réalisation des bonnes promesses électorales, sans cesse remises à plus tard en raison de la volonté du Gouvernement de réduire toujours plus les dépenses sociales afin d'atteindre les critères de convergence économique prévus par le traité de Maastricht en vue de l'institution de la monnaie unique. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Gournac. Ça n'a rien à voir !
Mme Michelle Demessine. Malheureusement, c'est la raison !
On nous explique aujourd'hui qu'il n'y a pas d'argent pour prendre en charge le risque de dépendance et, pour donner le change, on met sur pied un dispositif minimal qui ne s'adresse qu'à celles et à ceux qui cumulent le plus fort degré de pauvreté et de dépendance. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées).
M. Guy Fischer. C'est la vérité !
M. Paul Blanc. Mais non !
Mme Michelle Demessine. On nous explique ensuite que ce dispositif est provisoire et que, par le jeu de multiples décrets, les plafonds de ressources pourront progressivement être réévalués, de manière à rendre la prestation de dépendance plus substantielle et plus accessible, comme s'il existait la moindre chance de voir les prestations sociales étendues ou revalorisées au moment de la montée en puissance de l'ultralibéral traité de Maastricht, dont les clauses sociales ne sont même pas obligatoires.
Notre amendement n° 27 a donc pour objet d'ériger le risque de dépendance en un cinquième risque couvert par la sécurité sociale.
Il s'inscrit dans le droit-fil de la philosophie de ceux qui, à la Libération, dans l'esprit des travaux du Conseil national de la Résistance, ont fondé notre système de sécurité sociale, qui consiste à reconnaître des droits pour tous et non à accorder de quoi survivre à ceux qui sont dans la gêne.
S'ils l'ont fait dans un pays ruiné par cinq années de guerre et d'occupation, pourquoi ne serait-il pas possible de l'étendre, aujourd'hui, à moins de quatre ans de l'an 2000, dans un des pays les plus développés du monde ?
Je rappelle que l'article L. 111-2 du code de la sécurité sociale, qui a été rédigé à cette époque, dispose : « Des lois pourront étendre le champ d'application de l'organisation de la sécurité sociale à des catégories nouvelles de bénéficiaires et à des risques ou prestations non prévus ».
Notre amendement, qui contient une définition plus large de la dépendance que ne le fait le texte de la proposition de loi, permettrait justement d'étendre le champ d'application de la sécurité sociale et de faire l'économie du dispositif technique et juridique lourd, inégalitaire et compliqué de la proposition de loi qui nous est soumise.
Les caisses régionales d'assurance maladie, qui assurent la gestion des prestations des différentes caisses nationales ainsi que le service du Fonds national de solidarité, disposent des moyens techniques et juridiques prévus dans le code de la sécurité sociale pour gérer directement la nouvelle prestation.
Nous suggérons, dans un premier temps, de financer les dépenses que créerait notre dispositif par un assujettissement des revenus financiers provenant des titres émis en France à une cotisation sociale dont le taux serait réactualisé chaque année par décret. Seule l'épargne populaire, qui contribue activement au maintien et au développement de l'économie réelle, en serait exonérée.
Nous estimons que la recette annuelle ainsi dégagée pourrait provisoirement couvrir les dépenses occasionnées par le nouveau dispositif, dans l'attente d'une réforme plus globale du mode de financement de la sécurité sociale.
Tel est l'objet de notre amendement n° 27, pour lequel nous demandons un scrutin public.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 28.
M. Guy Fischer. Par cet amendement, nous proposons une définition moins sélective des populations pouvant prétendre à la nouvelle prestation spécifique de dépendance.
La prestation prévue par la proposition de loi n'étant pas une prestation classique d'aide sociale, il ne paraît pas inconcevable qu'un public plus large que celui qui est visé dans le texte puisse en bénéficier en cas de survenance du « risque de dépendance » qu'évoquait M. Chirac lorsqu'il n'était encore que candidat à la présidence de la République.
Rien n'empêche donc que cette prestation soit ouverte à tous les assurés sociaux et à leurs ayants droit.
En acceptant cet amendement, le Gouvernement et sa majorité montreraient leur volonté de conférer à la nouvelle prestation un caractère quasi universel.
En revanche, en le repoussant, ils montreraient leur volonté d'éliminer certaines catégories de la population française ou résidant régulièrement sur le territoire national, ce qui n'est pas conforme au principe constitutionnel d'égalité.
M. le président. La parole est à Mme Demessine, pour défendre les amendements n° 29 et 30.
Mme Michelle Demessine. Par l'amendement n° 29, nous entendons lever toute condition de ressources pour l'attribution de la prestation spécifique dépendance, ce qui correspond à une revendication quasi unanime des syndicats et associations de retraités.
En effet, il leur paraît et il nous paraît tout à fait scandaleux que des personnes qui, pendant toute leur vie, auront cotisé à la sécurité sociale et payé leurs impôts locaux se retrouvent privés de la prestation dépendance lorsqu'ils deviendront dépendants à cause de pathologies liées au vieillissement.
Au nom de quoi les ouvriers qualifiés, les employés de banque, les contremaîtres, les infirmières, les enseignants, les ingénieurs, la plupart des commerçants ou des fonctionnaires, n'auraient pas droit à la prestation spécifique de dépendance ?
Ce serait incontestablement une atteinte au principe constitutionnel d'égalité.
On peut même considérer que, une fois à la retraite et atteints de dépendance, en payant leurs impôts locaux, ces ouvriers qualifiés, employés de banque, infirmières, enseignants, ingénieurs, commerçants ou fonctionnaires contribueraient au financement de la prestation dépendance des plus démunis, une prestation à laquelle ils n'auraient personnellement aucun droit.
Ce système relève en tout cas d'une conception très spéciale de la solidarité nationale, en particulier au moment où votre majorité s'apprête à réduire l'imposition de solidarité sur la fortune, qui sert au financement du RMI !
Nous considérons, pour notre part, que la solidarité nationale doit prendre en charge tous les frais liés au risque de dépendance pour l'ensemble de la population, sans distinction ni discrimination.
Accorder une aide aux personnes âgées les plus démunies et les plus dépendantes et couvrir le risque de dépendance, ce n'est assurément pas la même chose ! C'est tout ce qui sépare notre logique et celle des auteurs de la proposition de loi
Par conséquent, nous ne pouvons accepter que cette nouvelle prestation spécifique de dépendance soit soumise à condition de ressources.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 27, 28, 29 et 30 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agit, par l'amendement n° 27, d'introduire le « cinquième risque sécurité sociale ». A la fin de la discussion générale, j'ai indiqué les raisons pour lesquelles nous ne pouvions accepter cette proposition. Nous avons fait un autre choix, celui d'une prestation plus proche de l'aide sociale que de la sécurité sociale.
D'ailleurs, madame Demessine, il faudra m'expliquer en quoi pourrait consister une prestation de sécurité sociale en nature...
Quoi qu'il en soit cette proposition ne correspond ni à l'esprit ni à la logique de la démarche que nous avons décidé d'adopter. Nous voulons une prestation de proximité, gérée par le président du conseil général.
De plus, mes chers collègues, est-il bienvenu, au moment où nous essayons de réduire le déficit chronique de la sécurité sociale, de charger immédiatement celle-ci de la nouvelle prestation ?
Dans ce texte, nous faisons un premier pas concernant la prestation dépendance. Il sera temps, le moment venu, de voir s'il faut aller plus loin ou dans une autre direction que celle que nous avons choisie. C'est l'expérience qui nous montrera si nous avons fait erreur ou non.
Par voie de conséquence, l'avis de la commission est également défavorable sur les amendements n°s 28 et 29.
Quant à l'amendement n° 30, il présente une autre définition de l'état de dépendance, qui est à la fois moins précise et plus large que celle qui est contenue dans la proposition. En outre, cette autre définition ne prend pas en compte la surveillance régulière. Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Ainsi que l'a indiqué M. le rapporteur, un choix a été effectué, qui permet déjà de progresser. Pour autant, le partenariat permettra de passer des conventions avec les caisses de sécurité sociale. Il n'y a pas lieu de revenir sur ce débat.
La proposition de loi est équilibrée en ce qu'elle tient compte du contexte dans lequel elle s'inscrit. Evidemment, des évolutions sont possibles, car je ne veux pas laisser dire que ce texte n'est pas destiné à évoluer. Pour le moment, il s'agit d'entériner un certain nombre de résultats d'expériences qui me paraissaient devoir être poursuivies.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 27.
Il émet le même avis sur l'amendement n° 28, qui a pour objet d'étendre à tous les assurés sociaux le bénéfice de la prestation spécifique dépendance. Cela ne paraît pas possible aujourd'hui, même s'il conviendra sans doute, à l'avenir, de faire évoluer positivement le dispositif.
L'amendement n° 29 tend à supprimer toute condition de ressources pour l'attribution de cette prestation. C'est encore quelque chose que nous ne sommes pas en mesure de faire aujourd'hui, et le Gouvernement ne peut accepter cet amendement.
Enfin, la définition de la dépendance telle qu'elle est proposée dans l'amendement n° 30 n'apporte pas vraiment d'éléments nouveaux. Le Gouvernement est donc également défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 10:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 239
Majorité absolue des suffrages 12016
Contre 223

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 1er.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous voterons contre l'article 1er. Nous avons dit dans la discussion générale, ce qui nous dispensera d'y revenir dans le détail, les raisons pour lesquelles cette prestation, dans les conditions où elle était mise en place, ne nous convenait pas. Elle est, en effet, très largement en deçà des besoins et des attentes des personnes âgées et des intervenants, très en deçà même, je le maintiens, monsieur le rapporteur, de l'existant.
Je voudrais de nouveau attirer votre attention sur certaines interprétations restrictives auxquelles peut donner lieu cet article 1er.
Tout d'abord, l'expression « outre les soins qu'elle reçoit » signifie-t-elle que, pour bénéficier de la prestation dépendance, la personne devra absolument faire l'objet d'une autre intervention, sanitaire par exemple, pour les soins à domicile ? Je crains qu'une sélection ne soit opérée, c'est en tout cas ce que l'on comprend si l'on fait une analyse sémantique du texte.
Ensuite, je crains aussi que cet article 1er ne permette un glissement de charges de la sécurité sociale vers les collectivités locales. En effet, si l'on reprend la circulaire d'octobre 1981, qui organise les soins à domicile pour les personnes âgées, et si on la compare terme à terme à cet article, on constate que les définitions sont les mêmes. Je ne sais pas qui arbitrera, puisque les gestes habituels de la vie quotidienne et la dépendance sont définis dans cette proposition de loi, mais aussi dans la circulaire de 1981. Dans le contexte actuel de maîtrise des dépenses de santé, je redoute que l'assurance maladie ne se désengage. En tout cas, il n'est précisé nulle part qui arbitrera.
Il me semble donc que cet article 1er, dans sa rédaction actuelle, est dangereux, en raison notamment de ce risque de désengagement, raison pour laquelle nous voterons contre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2