M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des conclusions du rapport (n° 14, 1996-1997) de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi (n° 486,1995-1996) de MM. Jean-Pierre Fourcade, Alain Vasselle, Henri de Raincourt, Maurice Blin, Guy Cabanel, Josselin de Rohan, Jacques Larché, Christian Poncelet, Paul Girod, Jacques Oudin, Jean Puech, Jean-Paul Delevoye, Michel Mercier, Jean Chérioux et Lucien Neuwirth tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici enfin réunis depuis hier pour examiner une proposition de loi relative à l'institution d'une prestation spécifique dépendance.
Je dis « enfin », car nous sommes bien placés ici, mes chers collègues, pour savoir que cette loi a beaucoup de difficulté à aboutir : alors que certains de nos voisins européens ont déjà mis en place ce type d'aide sociale, dans notre pays, le chemin pour y parvenir est parsemé d'embûches, la dernière étant, je vous le rappelle, l'interruption par le Gouvernement en novembre dernier de l'examen du projet de loi instaurant la prestation d'autonomie.
Néanmoins, comme le dit le célèbre adage, « mieux vaut tard que jamais ». Réjouissons-nous donc de cette échéance inespérée, même si le texte aujourd'hui proposé, à mon grand regret, n'a qu'un caractère transitoire.
En outre, on peut finalement trouver quelque avantage à ces tergiversations : elles permettent, avec le recul, de mieux tirer parti des enseignements des expérimentations en cours dans douze départements.
Ensuite, le débat parlementaire de l'année dernière n'a pas été sans utilité puisque, visiblement, les auteurs de la proposition de loi puis la commission des affaires sociales ont remanié certaines des dispositions initialement contenues dans le projet de loi en fonction de quelques-unes des observations que nous avions formulées lors de son examen.
Je pense notamment, à propos de la gestion de la prestation, aux conventions entre départements et organismes de sécurité sociale, qui, de facultatives, sont devenues obligatoires.
La mise en oeuvre de façon concomitante de l'allocation dépendance à domicile et en établissement me paraît une bonne chose.
Je citerai un autre point positif : la possibilité de disposer de la prestation pour des dépenses autres que les dépenses en personnel.
Enfin, la commission des affaires sociales a introduit une mesure qui devrait satisfaire la plupart d'entre nous qui sommes maires : ces derniers auront la possibilité de donner leur avis sur le dossier du demandeur et d'exercer, le cas échéant, un recours contre une décision auprès des commissions d'aide sociale.
Ces quelques dispositions que je viens d'évoquer constituent donc, selon moi, des avancées qui enrichissent le nouveau texte par rapport à l'ancien.
Maintenant, je souhaiterais, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'abord vous faire part de mon sentiment général, ensuite formuler un certain nombre de remarques qui me conduisent in fine à demeurer sceptique sur la présente proposition de loi.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
M. Yvon Collin. Sur le principe de l'instauration d'une prestation dépendance, je n'émettrai aucune réserve. L'Allemagne, l'Autriche, la Belgique et quelques autres pays ont intégré la notion de dépendance dans leur législation. Pourquoi pas nous ?
Nous sommes censés le faire aujourd'hui. Toutefois, M. le rapporteur l'a rappelé et l'intitulé de la proposition est clair : ce texte a pour objet d'assurer une transition dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation autonomie. Quel dommage de devoir, une nouvelle fois, attendre pour l'instauration d'une prestation pérenne ! L'argument qui justifie ce report est d'ordre budgétaire, nous dit-on.
Certes, puisque le Gouvernement, monsieur le ministre, a fait le choix d'une politique de rigueur, le désengagement de l'Etat sur le problème de la dépendance est logique. Toutefois, dans ces conditions, on peut continuer longtemps à pratiquer un risque zéro en matière sociale. Il est plus facile de ne rien faire ou d'accepter des roues de secours, comme c'est, malheureusement, le cas aujourd'hui, plutôt que de chercher à répondre aux besoins de nos concitoyens.
Par ailleurs, nos voisins européens connaissent les mêmes difficultés économiques que nous. Cela n'a pas empêché certains d'entre eux de trouver des solutions adaptées.
Vous en êtes conscient, personne ne peut en douter, monsieur le ministre, la dépendance constitue un véritable problème de société, et malheureusement des facteurs démographiques et sociologiques devraient, dans les années à venir, aggraver ce phénomène. C'est pourquoi nous devons y répondre de manière forte, et non par des demi-mesures.
L'isolement, la gêne, la perte de son indépendance physique peuvent guetter chacun d'entre nous. Le fait de ne plus pouvoir exercer seul, pour partie ou en totalité, les actes essentiels de la vie quotidienne constitue un risque réel, dont l'ampleur croissante justifie pleinement la mise en place d'une prestation légale.
Or, aujourd'hui, nous sommes condamnés à nous prononcer sur une solution d'attente. Dans ces conditions, il aurait peut-être été plus judicieux d'étendre les expérimentations en cours aux autres départements, quitte à réorienter le système à la lumière des difficultés financières actuelles.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Effectivement !
M. Yvon Collin. Mais puisque nous avons l'occasion de débattre sur une proposition de loi d'origine sénatoriale, je ne ferai pas la fine bouche, et ce d'autant plus que mes collègues sénateurs ont fait, on peut le reconnaître en toute honnêteté, un travail de qualité, comme d'habitude serais-je tenté de dire. Je l'ai précisé tout à l'heure, ils ont apporté des modifications significatives au texte initial.
D'une façon générale, si la prestation dépendance voyait le jour, outre le fait qu'elle répondrait à un besoin humain très important, elle pourrait, d'une part, mettre fin à la dérive de l'allocation compensatrice attribuée à toute personne de plus ou de moins de soixante ans et elle permettrait, d'autre part, de différencier les personnes handicapées des personnes âgées dépendantes, créant ainsi - nous sommes tous d'accord - un système d'aide mieux adapté à ces dernières.
Toutefois, permettez-moi de vous faire part de quelques-uns de mes regrets sur cette version remaniée.
Tout d'abord, il est dommage d'avoir qualifié l'allocation de « prestation dépendance ». La dénomination « prestation autonomie » a le mérite de gommer l'aspect assistanat que recouvre le terme « dépendance » et ainsi de conforter la dignité des bénéficiaires. Pourquoi ne pas avoir conservé l'intitulé du projet de loi initial puisque ce dernier a été abandonné et que le présent texte est transitoire. Dans tous les cas, quelles que soient les modalités d'application de l'aide, nous parlons toujours finalement de la même chose. Pourquoi donc un tel changement qui singularise inutilement les difficultés que rencontrent des personnes âgées ?
Ensuite, je reviendrai sur un problème que nous avions déjà évoqué l'année dernière. Il faut souligner que, sur des points aussi fondamentaux que la condition d'âge et le montant de l'aide, la proposition de loi renvoie à des mesures réglementaires. La représentation nationale est ainsi contrainte de garder le silence à propos de mesures essentielles, qui, en outre, peuvent conditionner la réussite du dispositif.
Je m'inquiète également du choix que les auteurs du texte ont fait de laisser le financement totalement à la charge des départements. En effet, en l'absence de moyens nouveaux, les départements vont seulement redéployer le volume de crédits correspondant aux aides existantes. Dans ces conditions, où sont la progression et l'adaptation à des besoins croissants ? Le conseil général, qui est à la fois le payeur et le principal gestionnaire de la prestation autonomie, risque de se prononcer sur certains dossiers en fonction de ses possibilités de financement. Le danger est alors grand de voir s'installer des inégalités entre les départements. C'est pourquoi il serait juste, monsieur le ministre, d'instaurer un système de péréquation ou, plus simplement, comme le prévoyait le précédent texte, d'intégrer dans le financement un concours de l'Etat ajusté aux différents besoins départementaux.
Enfin, je relèverai un autre problème que nous avions déjà évoqué en novembre 1995 et qui n'a pas été pris en compte. Si ce texte a pour vocation première de répondre à l'attente des personnes âgées, il devrait en outre permettre de créer des emplois et d'atteindre ainsi, paraît-il, un autre objectif. Toutefois, le texte ne prévoit aucune garantie en ce qui concerne la qualification de ces emplois. Or les personnes âgées privées d'autonomie attendent non seulement une aide matérielle, mais aussi un soutien médico-social qui suppose un minimum de formation. Si les associations ne sont pas incitées à dispenser cette formation, qui s'en chargera ?
Quoi qu'il en soit, si l'on compte sur la prestation dépendance pour infléchir la courbe du chômage, il serait préférable de rester prudent et de ne pas avancer de chiffres...
Mme Michelle Demessine. Bien sûr !
M. Yvon Collin. ... car, plutôt que de créer des emplois, le dispositif pourrait surtout, monsieur le ministre, aboutir à salarier des bénévoles.
Je souhaite, bien entendu, que ce ne soit pas le cas et, sur ces dernières remarques, je conclurai en vous disant, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le principe de l'instauration d'une prestation autonomie - je dis bien « autonomie » car je préfère ce terme - est une perspective qui me réjouit. Néanmoins, en raison des quelques observations que je viens de formuler, je reste pour le moment réservé sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un an, à quelques jours près, beaucoup d'entre nous ont connu une désillusion qui faisait suite aux espérances suscitées par le texte présenté à l'époque par le Gouvernement. Désillusion, parce que certains se sont rendu compte, sans doute un peu tard, que le président de notre assemblée avait raison de dire que les moyens dont on pouvait disposer n'étaient pas à la hauteur des ambitions du texte défendu à l'époque.
Mais loin de céder à la passivité, à la désillusion, la Haute Assemblée, à travers la commission des affaires sociales, et son président, a décidé de poursuivre le travail qu'elle avait engagé plusieurs années auparavant. C'est dans ces conditions que nous est soumise la présente proposition de loi.
Il s'agit, dit-on, d'une première étape. On doit reconnaître que ce texte est une sorte d'étape préalable, qui n'a de sens que dans la mesure où d'autres étapes suivront. Cette position a été parfaitement expliquée hier après-midi par M. Fourcade.
Doit-on pour autant dire que cette démarche est inutile ? Notre réponse est non : cette démarche est utile et nécessaire ; et je voudrais examiner l'intérêt que revêt la présente proposition de loi.
D'abord, la dépendance - faut-il le rappeler ? - apparaît d'ores et déjà comme un enjeu extraordinairement important pour l'équilibre de nos sociétés développées et vieillissantes, et on ne peut rester passif face à une telle évolution.
Ensuite, beaucoup d'entre nous, et pas seulement ceux qui président un conseil général, considérons que le système actuel est tout à fait inadapté. L'inadaptation ne réside pas dans son coût, car chacun sait que l'adoption du dispositif qui nous est proposé ne modifiera en rien le coût financier qui pèse sur les assemblées départementales. Elle réside dans le fait que les conseils généraux, financeurs principaux ou exclusifs, n'ont pas les moyens de mener leur propre politique.
Selon un adage bien connu, « qui paie commande ». Or, en l'état actuel des choses, les présidents de conseil général ne commandent pas, puisqu'ils sont soumis aux décisions des COTOREP, dans lesquelles la représentation des conseils généraux est très minoritaire. Ce système n'est donc pas adapté.
Par ailleurs, les attributions des COTOREP et les critères sur lesquels elles sont amenées à prendre des décisions n'ont rien à voir avec la « clientèle » des personnes âgées dépendantes. Cela a été dit à plusieurs reprises et je ne m'étendrai donc pas sur ce point.
Je voudrais maintenant analyser rapidement le contenu du texte, pour en évoquer les points positifs.
Le premier point positif, c'est l'existence d'une définition de la dépendance. Cette dernière est définie comme « l'état de la personne qui a, outre les soins qu'elle reçoit, besoin d'être aidée dans le cadre de l'accomplissement des actes essentiels de la vie ou requiert une surveillance régulière ». Vous avez le grand mérite, chers collègues cosignataires de cette proposition de loi, d'avoir défini la dépendance. Est-ce, pour autant, la réponse claire et définitive à des évolutions auxquelles nous devons être attentifs ?
En effet, s'agit-il d'une évolution physiologique due à l'âge ou bien s'agit-il d'un état pathologique favorisé par le vieillissement ? La question ne se pose pas seulement sous l'angle médical, car, selon la réponse que l'on apporte, nous risquons d'assister à un désengagement subreptice de la part des caisses de sécurité sociale au détriment de la prestation dépendance.
En effet, si la dépendance est considérée comme une altération de la santé, si vieillir est une maladie, alors la prise en charge doit être assurée par la sécurité sociale. Si, au contraire, on considère qu'il s'agit d'une évolution naturelle, la dimension sociale l'emporte sur la dimension médicale, et alors s'opère ce transfert auquel nous devons être attentifs.
Deuxième élément positif : la PSD est une prestation en nature. Pour les membres du groupe de l'Union centriste, cela constitue un progrès.
On peut certes s'interroger sur les créations d'emplois qui résulteront de ces dispositions. Toutefois, compte tenu de l'environnement actuel, qui oserait faire la fine bouche s'agissant des quelques milliers d'emplois qui seront créés du fait même du versement en nature de cette prestation ? Il s'agit en effet d'un acquis, qu'il ne faut pas exagérer pour les besoins de la cause, mais qui ne doit pas pour autant être négligé.
L'existence d'une grille d'évaluation nationale doit aussi être considérée comme une avancée, qui va dans le sens d'une harmonisation entre départements.
Néanmoins, je ne peux pas ne pas vous faire part de quelques regrets, qui sont aussi, je le pense, partagés par tous les membres de la Haute Assemblée, en ce qui concerne le nombre réduit de bénéficiaires. En effet, alors que selon l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, quelque 700 000 personnes sont susceptibles de bénéficier de cette prestation, les dispositions de la proposition de loi sénatoriale en concerneront 300 000 ou 350 000. Cependant, pouvons-nous faire mieux dès maintenant et à quel prix ? Ne s'agit-il pas, finalement, d'un élément positif, qui va dans le bon sens pour la solution de ce problème ?
Je soulignerai aussi, pour le regretter, le fait que la place du médecin de famille ne soit pas reconnue dans le dispositif. Toutefois, ce regret est tempéré puisque - je remercie à cet égard M. le rapporteur et les membres de la commission des affaires sociales - l'amendement que quelques-uns de nos collègues et moi-même avons déposé vise à permettre au médecin de famille, qui connaît la générosité des uns mais aussi l'égoïsme des autres au sein d'une famille, de jouer pleinement son rôle pour conseiller la personne susceptible de bénéficier de cette prestation.
Je conclurai mon propos par quelques interrogations.
L'une concerne la notion d'évolutivité de la dépendance. Il s'agit en effet d'un état vers lequel nous cheminons depuis le premier jour de notre existence, à petits pas pendant les premières décennies puis, hélas ! a grandes foulées au cours des dernières années ! Cet état de dépendance est évolutif. Or, mes chers collègues - je m'adresse ici aux présidents de conseil général - vous ne pourrez pas vous référer une fois pour toutes à l'avis de l'équipe médico-sociale qui devra instruire les dossiers et donner un avis qui sera généralement suivi par les présidents d'assemblée départementale.
L'évolutivité pose en effet plusieurs problèmes. Quels seront les moyens dont disposeront ces équipes médico-sociales qui ne pourront pas se limiter à formuler une proposition initiale d'acceptation ou de refus mais devront également assurer le suivi afin de s'assurer qu'une décision prise à un moment donné reste valable les mois ou les années suivants ? Se pose alors la question non de la composition des équipes médico-sociales - elle relève du domaine réglementaire, ce qui me paraît sage - mais de leurs moyens et du coût du dispositif pour disposer d'équipes alliant la compétence à la capacité de suivi de l'évolution de la dépendance.
Ma dernière interrogation, sans doute plus préoccupante encore, concerne la situation actuelle mais aussi l'évolution à court terme de la dépendance, qui pose la question du devenir de la décentralisation. En effet, comme M. Collin vient de l'indiquer, des disparités existent d'ores et déjà dans les départements français. J'aimerais vous donner à cet égard quelques chiffres, tirés de l'excellent rapport de notre collègue Jacques Oudin, rapporteur pour avis du projet de loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes : en 1990, en France, quatre millions de personnes étaient âgées de soixante-quinze ans et plus. En 2010, elles seront cinq millions, soit, en vingt ans, une progression de 25 %. Cette évolution inéluctable va aggraver les disparités départementales.
En l'état actuel de la situation, en effet, la moyenne des personnes âgées de soixante-quinze ans et plus s'établit à 7,10 % pour la France métropolitaine. D'ores et déjà, dans dix départements, cette moyenne est supérieure à 10 % ; elle s'établit même à 14 % dans la Creuse. Ces tendances vont fatalement s'accentuer dans les toutes prochaines années.
Voilà qui pose un problème, sachant que la compétence en matière de personnes âgées a été dévolue aux départements par les lois de décentralisation adoptées en 1982 : les départements vieillissants, dont l'activité économique faiblit, vont-ils pouvoir assumer seuls la prestation dépendance ou ne sera-t-il pas indispensable - et n'est-il pas d'ores et déjà urgent - que la solidarité nationale puisse se manifester ?
Si l'on reconnaît la nécessité d'une manifestation de la solidarité nationale, comment établir alors l'équilibre entre cette nécessaire solidarité et le respect des principes fondamentaux de la décentralisation qui ont défini les compétences des collectivités ? Cette question méritera sans doute que nous réfléchissions davantage sur ce point.
Mais je ne veux pas conclure mon intervention sur une note pessimiste. J'indiquerai donc simplement en conclusion combien il était utile que la Haute Assemblée prenne l'initiative de cette proposition de loi, qui recevra bien évidemment l'approbation unanime des membres de l'Union centriste. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à de nombreuses reprises le Gouvernement s'est engagé à déposer devant le Parlement un projet de loi visant à la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
L'impatience des uns se confronte à l'attente de temps meilleurs des autres. L'approche partielle et temporaire d'un problème humain doit-elle être abandonnée ou bénéficier d'une oeuvre ciselée, hypothétique et future ?
La réponse est donnée puisque la proposition de loi visant à créer la prestation spécifique dépendance, en remplacement de l'actuelle allocation compensatrice pour tierce personne, est aujourd'hui en discussion devant le Sénat.
L'objectif est de transformer une allocation en prestation. Il est non pas d'apporter une solution au problème de la grande dépendance mais d'amorcer le processus d'engagement. Peut-on parler d'une thésaurisation des aides alors que celles-ci sont attribuées aux plus modestes ? Nous connaissons néanmoins des situations choquantes. Une évaluation et un suivi actifs et identifiés devraient, à notre avis, limiter les excès.
Le but est aussi de créer des emplois. Le département du Haut-Rhin, associé à l'Etat, s'est engagé dans une formation devant conduire à la création, sur trois ans, de 250 postes d'auxiliaires de vie spécialisés dans l'aide aux personnes âgées. Il s'agit d'un certificat d'aptitude aux fonctions d'aide à domicile spécialisé, qui pourrait être exigé du personnel venant en aide aux personnes dépendantes. Un enseignement de l'alsacien, indispensable pour se faire bien comprendre des personnes âgées, a d'ailleurs été intégré à la formation dispensée.
La nouvelle allocation, baptisée prestation spécifique dépendance, serait fournie en nature, et tout comme l'allocation compensatrice pour tierce personne, elle serait variable selon le niveau de revenus et d'incapacité et serait plafonnée à concurrence de 4 400 francs par mois. Elle serait également réservée aux personnes dépendantes de plus de soixante ans dont les ressources n'excèdent pas 7 600 francs nets mensuels.
Notre volonté d'excellence pour la prise en charge de nos aînés en fin de vie bute sur les dures réalités du financement. Ces dernières s'imposent à nous mais ne doivent pas être le fruit d'une seule volonté politique gestionnaire où l'action sociale devient un mal nécessaire à endiguer.
Une récupération sur succession est à envisager dans la limite de 300 000 francs pour les personnes maintenues à domicile. Les conseils généraux demeurent maîtres du dispositif. Si la prestation spécifique dépendance se résume à une maîtrise comptable de l'ACTP, il serait préférable d'affirmer à court terme que nous n'avons pas les moyens de notre politique.
La majorité sénatoriale a pris cette initiative pour répondre aux attentes d'une partie des 1 500 000 personnes âgées dépendantes que compte notre pays.
Comme vous le savez, dans la perspective du débat au Parlement et de l'adoption d'une loi sur la dépendance des personnes âgées, l'UNASSAD, l'union nationale des associations de soins et services d'aides à domicile, a fait réaliser une étude par l'IFOP pour mieux cerner l'opinion des Français sur ce sujet de société.
Cette étude, réalisée en mars 1994, auprès d'un échantillon de plus de 1 000 personnes représentatives de la population française, nous donne les résultats suivants : si 85 % des Français sont concernés par la dépendance des personnes âgées, une très forte proportion n'utilise néanmoins pas les prestations classiques de l'aide à domicile, vivant encore une solidarité familiale forte avant d'accepter l'hébergement en maison spécialisée.
En outre, 74 % des Français sont favorables à la création d'une nouvelle assurance sociale.
On observe également que 84 % des Français sont favorables au financement du risque dépendance par l'impôt ou par une cotisation sociale. Peut-on pour autant augmenter les prélèvements déjà décriés ?
De plus, 80 % des Français estiment que des aides en nature, sous forme de services, sont les mieux adaptées.
Il est certain que la prestation en nature est moins attractive, d'autant plus qu'il y aurait possibilité d'un recours sur succession qui n'existe pas pour l'ACTP. Il est par ailleurs nécessaire d'être prudent, notamment au regard de l'actuelle aide ménagère, financée par l'assurance vieillesse.
En effet, la CNAV, la caisse nationale d'assurance vieillesse, ne risque-t-elle pas, postérieurement à la création de cette prestation spécifique dépendance, de modifier sa politique en matière d'aide ménagère en réaménageant ses conditions d'attribution ?
Dans cette hypothèse, la prestation spécifique dépendance, financièrement à la charge des départements, couvrirait en partie les frais d'aide ménagère, qui ne seraient plus financés par les fonds sociaux de la CNAV. Le risque est réel et mérite d'être mesuré avec précision.
On note aussi que 80 % des Français refusent d'être un jour à la charge de leurs enfants et que 63 % sont disposés à contribuer sur leurs revenus au risque dépendance. Une volonté généreuse n'est cependant pas toujours suffisante pour répondre à cette attente.
Enfin, 60 % des Français sont favorables à la gestion des services par la sécurité sociale.
Il apparaît donc clairement que les Français vivent ce problème de société très intensément. C'est la raison pour laquelle il a paru urgent de prendre des initiatives.
A un moment où les contraintes financières pèsent lourdement sur tous les partenaires - l'Etat, les départements, les communes, la sécurité sociale - nous devons nous demander si nous pouvons mener un effort accru de solidarité sociale.
Personne ne peut sérieusement mettre en cause le principe d'une allocation dépendance, qui doit marquer concrètement le soutien à accorder aux personnes âgées, même si ce soutien est de moins en moins l'expression de la solidarité familiale et de plus en plus celle de la collectivité.
Si la nécessité transforme cette solidarité familiale en un acte technique, en service compétent résultant d'une formation - sans doute utile - par un proche, cela contribuera certainement au relâchement du lien social, en courant le risque que la famille ne devienne plus qu'une coquille vide avec des rapports régis uniquement par le besoin.
Un nouveau système d'allocation se justifie par les dérives de l'allocation compensatrice pour tierce personne, que la loi de 1975 a voulu réserver aux personnes handicapées et qui s'est ouverte peu à peu aux personnes âgées, les décideurs de cette dérive n'étant pas les payeurs.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, cet état de fait pèse très lourdement sur les finances départementales.
Pour toutes ces raisons, nous approuvons le principe de l'allocation dépendance, mais nous estimons indispensable de poser le problème de la clarté de ses modalités de financement, les départements étant au coeur du dispositif. C'est d'autant plus nécessaire que l'on reconnaît généralement que les départements constituent l'échelon le mieux placé pour assurer la mise en oeuvre d'un tel service de proximité.
L'article 7 de la proposition de loi pose le principe de l'équipe médico-sociale, organisée par le président du conseil général. Nous suggérons, comme l'a dit M. Huriet, que l'avis du médecin de famille soit intégré à la démarche et que cette équipe respecte une territorialité qui pourrait s'inspirer d'expériences de pôles gérontologiques.
Mais il convient d'apporter un maximum de garanties pour éviter toute nouvelle dérive financière. Si tel n'était pas le cas, les départements seraient amenés soit à recourir à la fiscalité, soit à réduire leur budget d'investissement au profit du budget d'aide sociale, et ce au moment où l'effort d'investissement, générateur d'emplois, relève de plus en plus des collectivités locales.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui vise donc à mieux coordonner les interventions des départements et des caisses pour recentrer l'aide sur les personnes les plus démunies.
Elle vise, à partir des moyens que consacrent actuellement les départements à la dépendance, à mieux prendre en compte la situation des personnes âgées et à aider celles d'entre elles qui en ont vraiment besoin, tout en évitant les dérapages financiers incontrôlés.
Dans trois ans, au vu de l'évaluation de ce que le Sénat considère comme un régime transitoire, le projet devra être revu.
Cette réforme concernera les nouveaux bénéficiaires, à partir du 1er janvier 1997. Les personnes âgées qui perçoivent actuellement l'allocation compensatrice pour tierce personne ne devraient pas être touchées par cette réforme.
Pour les nouveaux bénéficiaires, qu'ils séjournent à domicile ou en établissement, la prestation spécifique dépendance serait désormais fournie en nature, en fonction de l'aide effectivement apportée aux intéressés. Elle serait également fonction du degré de dépendance.
Ne plus adapter idéalement la personne à l'établissement mais adapter la prise en charge en fonction de l'évolution de l'état physique et psychique ainsi que du contexte environnemental me semble un progrès indéniable.
Le degré de dépendance sera évalué selon une grille unique, testée dans douze départements qui ont expérimenté la prestation dépendance.
Plusieurs enseignements ont été tirés de cette expérimentation.
S'agissant tout d'abord du profil des demandeurs, 61 % ont quatre-vingts ans ou plus, 13 % ont moins de soixante-dix ans ; 66 % des personnes âgées sont entourées, mais un quart d'entre elles vit isolé et un quart demeure dans un logement inadapté.
Dans un bon tiers des cas, le plan d'aide à la personne âgée préconise d'ailleurs l'aide de l'entourage, associée à des services extérieurs.
Enfin, les bénéficiaires sont atteints d'une « dépendance moyenne » et rencontrent plus de difficultés pour les actes matériels - le ménage, les achats, la cuisine,... - que pour les fonctions essentielles comme les déplacements intérieurs, l'alimentation, l'habillage et la toilette.
Nous approuvons la proposition de révision dans trois ans des modalités techniques et financières de la mise en oeuvre.
Nous souhaitons également que l'extension de la prestation aux résidents des établissements d'hébergement soit subordonnée à la réforme de la tarification desdits établissements.
A ce propos, le deuxième alinéa de l'article 9 traite des compétences tarifaires. La tarification sera fondée sur une convention tripartite entre l'établissement, le président du conseil général et le préfet. L'aide à la personne âgée sera liée non plus au régime juridique de l'établissement, mais à l'état de la personne. Cette convention devra être conclue avant le 31 décembre 1999.
Le titre IV de la proposition de loi établit ainsi les bases législatives d'une réforme de la tarification, à prévoir par voie réglementaire.
Il convient de garder à l'esprit l'idée que cette réforme devra clarifier les responsabilités de chacun, en délimitant les types de dépenses qui relèvent du champ de compétence de l'autorité qui tarifie.
Il faudrait notamment définir une prise en charge médicale apte à répondre réellement aux besoins en personnel médical, afin de ne pas poursuivre un système qui aboutira à une tarification par solde, au détriment du prix de journée en hébergement.
L'alinéa V de l'article 9 prévoit ainsi le financement, dans un délai de deux ans, de l'ensemble des places de section de cure médicale autorisées mais non encore financées.
L'autorisation des places de cure médicale correspond, en pratique, à des besoins immédiats en personnel médical et, plus précisément, à des besoins de type long séjour souvent requalifiés, par défaut, en cure médicale.
Ce délai de deux ans ne prend que partiellement en compte la réalité d'un besoin de financement immédiat et d'une remise à niveau des moyens.
En conclusion, grâce à l'effort soutenu de la commission des affaires sociales du Sénat et à son président, M. Jean-Pierre Fourcade, la prestation spécifique dépendance doit être le ferment qui permettra de développer la véritable prise en compte de la grande dépendance des personnes âgées, qui est tant attendue. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par nos excellents collègues vise, en attendant l'institution d'une prestation d'autonomie, à améliorer la prise en charge des personnes âgées les plus dépendantes.
La prestation spécifique dépendance doit constituer un outil de justice sociale axé sur ceux qui en ont le plus besoin ; son fonctionnement doit être simple et la réponse apportée la plus rapide possible.
Certains aspects de cette proposition de loi me paraissent aller dans le bon sens et ils reçoivent, bien entendu, mon adhésion.
Il en est ainsi de la prestation en nature, car c'est la certitude de voir utiliser l'aide pour le besoin tel qu'il aura été déterminé, sans oublier la perspective de création d'emplois que cette prestation personnalisée ouvrira.
Pour ce qui est de la gestion et du financement par le département, la proposition de loi autorise le conventionnement avec d'autres partenaires. Il appartiendra cependant aux départements d'être de bons négociateurs, afin de maintenir les financements réservés aux personnes âgées par les différentes caisses d'assurance maladie et de retraite, notamment en ce qui concerne les prestations facultatives d'aide à domicile, aides ménagères et gardes, par exemple.
Le plan d'aide à la personne constitue un réel progrès, les équipes médico-sociales devant tenir compte de critères essentiels et complémentaires - ceux de la grille AGGIR ou d'autres, mais les mêmes dans tous les départements - tels que l'état de santé de la personne, son degré d'autonomie et son environnement social et familial. J'aurais cependant préféré que la composition de ces équipes soit fixée par voie législative, ce qui aurait pu garantir leur complémentarité, leur similitude et leur professionnalisme.
Mme Michelle Demessine. Tout à fait !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
Mme Annick Bocandé. L'avis du médecin généraliste sera sollicité si la personne âgée le souhaite. Cette mesure, qui sera défendue par voie d'amendement, est, je crois, excellente.
Il est proposé que la prestation spécifique dépendance soit accordée à partir de l'âge de soixante ans pour les premières demandes. En revanche, les personnes qui bénéficient déjà de l'allocation compensatrice avant soixante ans pourront en conserver le bénéfice après cet âge : c'est le droit d'option.
Ces personnes choisiront, bien entendu, le dispositif qui leur est le plus favorable. Compte tenu des conditions du contrôle d'effectivité de la PSD, la majorité d'entre elles conservera le bénéfice de l'allocation compensatrice. C'est, en quelque sorte, reconnaître deux prestations distinctes, une allocation compensatrice pour tierce personne pour les personnes handicapées et une prestation spécifique dépendance pour les personnes âgées. Pour la première fois, le handicap et la dépendance se trouvent différenciés.
Il me semble que, dans un souci de clarification, le droit d'option ne devrait pas pouvoir perdurer pour les bénéficiaires actuels de l'ACTP obtenue après l'âge de soixante ans. Leur demande devrait faire l'objet d'un réexamen, lors de son renouvellement, selon les critères de la PSD.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ce sera chose faite !
Mme Annick Bocandé. C'est pourquoi je soutiendrai l'amendement déposé par nos collègues MM. Mercier, de Raincourt, Girod et Chérioux.
Pour le département de la Seine-Maritime, dont je suis l'élue, le droit d'option tel qu'il est prévu dans la proposition de loi initiale aurait des conséquences très lourdes. En effet, il faut savoir que, de 1989 à 1996, le montant des sommes consacrées à l'ACTP est passé de 112 millions de francs à 220 millions de francs, concernant, en 1995, 7 000 bénéficiaires, dont 70 % sont âgés de plus de soixante ans.
La prestation spécifique dépendance, dont le montant devrait pouvoir varier de 0 % à 100 % de la majoration pour aide constante d'une tierce personne, comme le suggère notre rapporteur, me paraît, par sa souplesse, une proposition intéressante. Espérons, monsieur le ministre, que les décrets d'application tiendront compte de nos avis.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous l'espérons !
Mme Annick Bocandé. Je souhairerais maintenant attirer l'attention du Gouvernement et de mes collègues sur le délicat et incontournable problème de la réforme de la tarification.
Le principe de l'autorisation conjointe par le préfet et le président du conseil général sur la base d'une convention avec l'établissement et les caisses d'assurance maladie, nécessaire aux établissements médico-sociaux et de long séjour pour accueillir les bénéficiaires de la PSD, me semble un bon principe car il constitue une garantie d'accord sur le fonctionnement entre les financeurs.
Ces conventions devront être, à mon avis, conclues au plus tard dans le délai de deux ans, comme le souligne l'association permanente des présidents de conseil général. C'est d'ailleurs l'objet de l'amendement n° 13, qui, je l'espère, sera voté.
Le problème de fond réside dans la définition et les limites opposables à ce qui constitue les dépenses médicales et les dépenses qui relèvent de la prise en charge par la prestation spécifique dépendance.
Un cadre réglementaire précis doit fixer ces limites, que ce soit pour les bénéficiaires résidant chez eux ou en établissement médico-social de long séjour. Dans le cas contraire, les dépenses incombant aux départements risqueraient de progresser considérablement.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. C'est un grand problème !
Mme Annick Bocandé. J'attends avec impatience de lire le rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances sur la tarification des établissements.
Mme Michelle Demessine. C'est l'Arlésienne !
Mme Annick Bocandé. Enfin, en ce qui concerne la prise en compte des 14 000 lits de section de cure déjà autorisés mais non financés à ce jour - dont 471 rien qu'en Seine-Maritime - je me réjouis de l'engagement du Gouvernement de remédier à la situation dans un délai de deux ans.
Cependant, je dois noter que, dans beaucoup de départements, dont le mien, il convient d'envisager également le financement de lits qui devront être médicalisés et qui ne sont pas encore recensés.
En conclusion, devant l'indéniable volonté de venir en aide aux personnes âgées les plus dépendantes manifestée par les auteurs de la proposition de loi, et dans l'espoir d'obtenir les garanties nécessaires quant à une mise en oeuvre de cette proposition de loi juste, équitable et respectant l'équilibre des budgets départementaux, je voterai, comme mes collègues du groupe de l'Union centriste, le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après cette longue et tout à fait intéressante discussion générale, qui a réuni de véritables spécialistes du sujet - le dernier intervenant en a apporté la démonstration - je voudrais réagir aux propos de quelques-uns de nos collègues.
Auparavant, permettez-moi toutefois, monsieur le président, de vous demander de transmettre au président Monory nos remerciements pour la chaleur des propos qu'il a tenus lorsqu'il a présidé le début de notre discussion générale et pour tout l'intérêt qu'il porte à nos travaux.
Je voudrais également vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir souligné l'excellence du travail accompli en commun - et ce dans un climat non moins excellent - par le Gouvernement et la Haute Assemblée sur ce texte, fruit d'une concertation et d'une collaboration très étroites. Cela a permis d'élaborer un texte qui, je n'en doute pas, recevra l'assentiment d'une très forte majorité des membres de cette assemblée.
Je voudrais cependant réagir sur deux points de l'intervention que vous avez faite, monsieur le ministre, au début de la discussion générale.
Vous avez souhaité faire preuve d'une grande prudence, notamment en ce qui concerne les lits et les soins infirmiers à domicile. J'espère que cette prudence vous aura abandonné entre hier et aujourd'hui et que vous pourrez nous donner quelques assurances au moment de la discussion des articles, et plus particulièrement lors de celle de l'amendement de notre collègue et ami M. Henri de Raincourt, vice-président du Sénat, qui nous présentera des propositions intéressantes dans ce sens.
De même, nous espérons un avis favorable du Gouvernement en ce qui concerne les incitations fiscales, qui font l'objet d'un amendement de notre collègue M. Jean Chérioux que nous avons approuvé ce matin au sein de la commission des affaires sociales.
J'espère que, sur ces deux points, monsieur le ministre, vous pourrez nous apporter les réponses qui correspondent à notre attente.
Je tiens à remercier l'ensemble de nos collègues qui sont intervenus lors de la discussion générale pour manifester leur reconnaissance vis-à-vis du travail effectué à la fois par le rapporteur et par la commission. Au premier rang d'entre eux, je pense plus particulièrement à M. Jean-Pierre Fourcade, président de notre commission, que je remercie de ses propos chaleureux. Mais je tiens également à citer nos collègues MM. Cabanel, Darniche, de Raincourt, Hoeffel, Oudin, Michel Mercier, Ostermann et Collard, ainsi que les derniers intervenants de cet après-midi, MM. Huriet et Lorrain et Mme Bocandé.
Cela étant, permettez-moi de réagir, madame Dieulangard, sur quelques-uns des points de votre intervention.
Vous avez affirmé que les Français rejetaient ce texte. C'est vraiment une affirmation tout à fait gratuite de votre part ! Je puis vous assurer qu'à l'occasion des auditions auxquelles j'ai procédé je n'ai pas entendu une voix s'élever de manière aussi affirmative que la vôtre pour dénoncer la mauvaise qualité de ce texte !
Beaucoup ont considéré que nous n'étions pas allés aussi loin qu'ils auraient pu le souhaiter, mais tous ont reconnu que ce premier pas que faisait la Haute Assemblée constituait une étape essentielle et permettrait de préserver l'avenir.
Vous avez également considéré que la mise en place d'un dispositif de prévoyance était incompatible avec le maintien d'un dispositif de solidarité. Chacun reconnaîtra que l'un et l'autre sont compatibles et que leur coexistence ne pose pas de problème majeur.
Vous avez par ailleurs affirmé que ce texte était bricolé. Je ne peux pas admettre que l'on parle de « bricolage » à propos d'un texte aussi important, fruit du travail à la fois de notre commission, de nombreux parlementaires et du Gouvernement.
Enfin, vous avez dit que le montant de la prestation spécifique dépendance serait inférieur à celui de l'allocation compensatrice. Ce n'est pas exact non plus puisque les ressources prises en compte pour recevoir l'allocation compensatrice, aujourd'hui, sont celles qui sont en vigueur pour bénéficier du fonds national de solidarité, et nous proposons de retenir cette même référence pour la prestation spécifique dépendance. Aucun recul n'apparaîtra, le montant sera au minimum équivalent, voire supérieur en fonction des dispositions que nous retrouverons dans le décret d'application que M. le ministre voudra bien prendre.
Par ailleurs, dois-je rappeler que la prestation spécifique dépendance - Mme Bocandé le rappelait très justement à l'instant même dans son propos - sort de la logique de l'invalidité pour prendre en compte la véritable situation de dépendance des personnes âgées et que nous sortons du système de la COTOREP, dont chacun a dénoncé ici l'inertie et la lourdeur, au point que, lorsque la décision d'attribution était prise, certaines personnes étaient décédées entre-temps ?
Enfin, nous instaurons une prestation en nature qui sera effectivement créatrice d'emplois, plusieurs de nos collègues l'ont confirmé dans leurs propos.
Madame Demessine, s'agissant du cinquième risque, nous avons fait un autre choix, et ce pour deux raisons essentielles. Nous avons tout d'abord souhaité que cette prestation soit servie au plus près du lieu de résidence de la personne, qu'il s'agisse d'un service de proximité. Par ailleurs, aurait-il été opportun, aujourd'hui, d'imposer à la sécurité sociale la gestion d'un risque supplémentaire alors que nous connaissons la situation difficile dans laquelle elle se trouve, la dérive de ses comptes depuis plusieurs années et son déficit chronique, déficit que nous regrettons tous et auquel le Gouvernement s'attaque avec beaucoup de courage et de détermination ?
S'agissant du droit d'option, Mme Bocandé a eu l'amabilité de rappeler que nous avons adopté un amendement ce matin : les personnes âgées qui, après soixante ans, vont bénéficier de l'ACTP pourront opter, au moment du renouvellement de cette allocation, pour la prestation spécifique dépendance. Il n'y aura donc pas, pour elles, un régime à deux vitesses, mais bien un seul.
Nous avons cependant préservé, et cela me paraissait normal et cohérent avec le texte de 1975, la possibilité, pour les personnes handicapées qui avaient bénéficié de l'ACTP avant l'âge de soixante ans de garder ce dispositif ou d'opter pour le nouveau.
Enfin, je terminerai cette réponse - que certains trouveront peut-être un peu longue, et je les prie de m'en excuser - en vous signalant, monsieur le ministre, deux points sur lesquels nous devrons porter une attention plus particulière.
En premier lieu, je pense au statut d'employeur de la personne âgée qui peut recruter directement, car il est vrai que l'on voit naître, depuis plusieurs mois, un contentieux important devant les prud'hommes. A cet égard, nous devrons trouver avec vous une solution susceptible de répondre à ces situations difficiles.
Le second point a été évoqué par notre collègue M. Huriet et concerne la péréquation de la charge entre les départements. Il est vrai que la proportion de personnes âgées est plus importante dans certains départements. C'est un déséquilibre que nous avions tenté de corriger au moment où nous avons examiné le texte de Mme Codaccioni, mais ce déséquilibre n'est pas traité dans la présente proposition de loi. Une certaine forme de péréquation joue cependant déjà à travers la dotation globale de fonctionnement. Peut-être certains considéreront-ils que ce n'est pas suffisant, mais il sera toujours temps, à la lumière de l'expérience, de réfléchir aux dispositifs qui pourraient être mis en place. Je fais confiance à M. Fourcade, par ailleurs président du comité des finances locales, pour aborder ce problème dans un autre cadre que celui qui est le nôtre aujourd'hui.
Voilà les observations que je voulais formuler après les interventions d'un certain nombre de collègues et les deux ou trois points sur lesquels je voulais attirer l'attention de M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je tiens tout d'abord à remercier M. le président de la commission, M. le rapporteur, ainsi que tous les intervenants - leurs propos témoignaient d'une très bonne connaissance des problèmes - de la grande qualité des débats.
Bien sûr, j'ai senti chez les uns et les autres un peu d'impatience. Mais, si certains estiment que l'on pourrait peut-être avancer plus vite, personne ne conteste qu'il est préférable d'avancer, même à un rythme ralenti, plutôt que de maintenir le statu quo.
J'ai parfois perçu une tonalité offensive dans certaines interventions. Je rappellerai aux auteurs de ces interventions qu'il a fallu attendre de longues années pour arriver à aborder ce problème comme on le fait aujourd'hui. Il ne faut pas oublier non plus qu'il y a eu une période d'inertie au cours de laquelle on a accumulé les rapports sans jamais passer à l'acte. Aujourd'hui, on passe à l'acte. Voilà qui mérite un peu d'indulgence de la part de certains orateurs !
Monsieur le rapporteur, s'agissant des soins à domicile, j'aimerais pouvoir m'engager tout de suite comme je viens de le faire à propos des 14 000 lits médicalisables après l'intervention de M. Huguet, qui avait cru déceler dans mes propos une prudence peut-être excessive. Les 14 000 lits en question seront médicalisés en deux ans. Nous commencerons au début de l'année prochaine. Il n'y a aucun doute à ce sujet.
S'agissant des services de soins à domicile, je suis très sensible à l'appel du Sénat, tant il est vrai que, dans certains cas, l'ouverture de places de soins à domicile est fortement souhaitable, d'autant que l'assurance maladie n'aura plus à rembourser un certain nombre d'actes.
En fait, nous ne pourrons prendre une décision définitive qu'après le vote de la loi de financement de la sécurité sociale.
Cela étant, j'indique tout de suite que les 14 000 lits médicalisables sont provisionnés dans la loi de financement de la sécurité sociale. Contrairement à ce qui se passait les années précédentes, où l'on décidait et où l'on finançait ensuite, maintenant on décide et on finance en même temps. Vous avez donc l'assurance que ce qui sera décidé dans la loi de financement de la sécurité sociale sera mis en application, et j'ose espérer que, après un chiffrage précis des soins à domicile, nous irons au-devant de vos désirs, si ce n'est en une seule étape, du moins peut-être en deux.
M. le rapporteur et d'autres intervenants ont évoqué le problème de la déductibilité de la cotisation aux régimes d'assurance volontaire dépendance.
Il ne m'appartient pas de me substituer - c'est dommage ! - au ministre des finances. Je peux néanmoins dire que, désormais, le dossier de l'épargne retraite est ouvert. Il faudra voir comment un certain nombre d'incitations fiscales peuvent être accordées à ceux qui s'engagent non seulement dans l'épargne retraite - vous aurez l'occasion d'en débattre - mais aussi dans les systèmes qu'un certain nombre d'assureurs, de mutuelles, d'organismes de prévoyance ont mis sur pied. Le débat est ouvert. Voilà ce que je peux dire aujourd'hui.
Le travail réalisé par la commission étant de très grande qualité, je suis convaincu que nous aurons un débat fructueux lors de l'examen des articles. Je me contenterai donc de répondre brièvement aux divers orateurs.
Madame Dieulangard, s'il y a effectivement une différence de degré, je ne peux pas laisser dire que c'est un texte de transition. Ce texte pose des principes durables pour un dispositif dont la mise en oeuvre sera progressive. Et pourquoi, finalement, ne pas reconnaître le bien-fondé de cette méthode.
L'expérience qui a présidé à l'élaboration de ce texte permet déjà de dire que l'ensemble du dispositif est viable et constituera un progrès. Ce progrès il vous appartiendra, d'année en année, de l'amplifier.
Madame Dieulangard, vous avez vous-même salué comme une innovation importante le passage à une prestation en nature. Là encore, le dispositif social que nous mettons en place marque une orientation nouvelle vers une aide personnalisée qui sera beaucoup plus efficace pour la personne secourue et, en outre, génératrice d'emplois.
Madame Demessine, il ne faut pas constamment revenir sur la logique de la décentralisation. Le conseil général a montré, dans bien des cas, son souci d'aller au-devant des détresses avec ce qui fait sa force, à savoir la proximité. Par conséquent, il ne faut pas faire de procès d'intention aux conseils généraux. De plus, vous le savez, on se référera à une grille nationale dans le cadre de conventions passées avec la sécurité sociale.
S'agissant du recours sur succession, madame Demessine, je serais tenté de vous poser la question suivante : faut-il organiser la transmission des patrimoines aux frais de la collectivité ?
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Guy Fischer. Pour d'autres, c'est bien organisé !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Peut-être, mais je n'en ai jamais été personnellement partisan.
Monsieur Cabanel, intervenant sur ce dossier que vous connaissez bien, vous avez insisté, vous aussi, sur les places des services de soins à domicile et sur la réforme de la tarification ; je reviendrai sur ce dernier point tout à l'heure en répondant à M. de Raincourt.
Vous avez par ailleurs souligné que l'assurance dépendance était le fait non seulement d'assureurs mais aussi d'organismes de prévoyance et de mutuelles.
Monsieur Darniche, s'agissant des personnels qui géreront la prestation, sachez qu'il y aura pour les caisses comme pour les départements des possibilités de redéploiement. Nous y veillerons dans les conventions qui seront passées, et qui seront établies selon un cahier des charges national.
Soyez par ailleurs assuré que le Gouvernement a la volonté de poursuivre une concertation étroite avec le Sénat pour les décrets d'application d'un texte d'origine sénatoriale.
Monsieur de Raincourt, comme vous, je ne vois pas de raison de ne pas laisser les expérimentations aller à leur terme.
Le rapport sur la tarification ne nous paraît pas tout à fait à la mesure du problème. Cela étant, nous aurons l'occasion d'évoquer avec vous ce problème complexe de la réforme de la tarification.
Peut-on aller dans la voie d'une prise en charge binaire de la dépendance attribuant à la branche maladie les soins de base et les soins relationnels, et à la prestation spécifique dépendance, la dépendance domestique et sociale ou surcoût hôtelier ? Il faut, bien sûr, évaluer l'impact sur la branche maladie.
Nous sommes en train d'étudier le contenu du rapport. De toute façon, nous devrons coopérer avec la commission des affaires sociales pour étudier les enjeux de la nouvelle tarification.
Mme Bocandé a souhaité que l'on raccourcisse le délai de mise en oeuvre de cette réforme. Je comprends parfaitement son désir. Je lui fais toutefois remarquer que c'est une réforme très importante, mais aussi quelque peu complexe. Il faudra apporter un très grand soin au suivi de sa mise en oeuvre, et avec une évaluation systématique.
Cela étant, nous allons nous mettre au travail très vite. Il faut que dès 1997 nous puissions commencer à tester cette tarification à travers un certain nombre d'établissements qui passeront convention.
Monsieur de Raincourt, vous avez évoqué par ailleurs toute une série de problèmes que nous examinerons lors de la discussion des amendements. Je vous remercie vivement, en tout cas, de la part que vous avez prise à l'élaboration de ce texte.
Monsieur Hoeffel, les présidents de conseils généraux ont effectivement un rôle à jouer, qui leur est conféré tout naturellement par la décentralisation. M. Collard m'a posé la question de savoir qui signait la convention. C'est bien le président du conseil général, consacrant ainsi la responsabilité de nos institutions départementales.
Vous avez insisté, monsieur Hoeffel, sur les effets en matière d'emploi. Le président du conseil général de la Haute-Loire que je suis va essayer, dès que ce texte sera en vigueur, de voir comment on peut, grâce à cette nouvelle prestation, créer des emplois, y compris dans des cantons particulièrement fragiles avec une population vieillissante. Ainsi, nous pourrons probablement maintenir dans ces cantons des familles jeunes, notamment lorsque l'épouse a besoin d'un salaire de complément ; là où le mari devra travailler un peu plus loin, elle pourra, elle, rester en plein coeur de la réalité rurale.
Nous participerons ainsi à une politique d'aménagement du territoire qui n'est pas le premier objectif de ce texte, mais qui en sera en quelque sorte une résultante naturelle.
Monsieur Oudin, vous avez décrit la démarche. S'agissant de la récupération sur succession, je suis un peu plus enclin que vous à la souplesse. En effet, il ne faut pas non plus que le seuil soit trop bas. Mais nous en débattrons lors de la discussion des amendements.
Il faut bien comprendre que le recours sur succession n'a pas pour objet de priver des gens modestes du droit élémentaire de transmettre quelques biens à leurs héritiers. Il s'agit simplement d'éviter qu'un certain nombre de personnes ne viennent abuser en quelque sorte du dispositif. Il faudra donc bien calibrer les choses. Mais c'est vrai, monsieur Oudin, tout cela ne peut porter ses fruits que si, en même temps, le redressement des comptes est mené avec toute la détermination voulue. Je sais que vous nous aidez dans cette tâche.
Monsieur Huguet, vous avez bien montré votre excellente connaissance des problèmes. Vous avez d'ailleurs fait apparaître, à travers l'expérience qui est la vôtre, que la perspective de créations d'emplois n'était pas irréaliste.
Vous avez insisté sur un point fondamental : la formation des personnes destinées à intervenir auprès des personnes âgées dépendantes. Je vous rejoins pleinement sur ce point.
Les problèmes d'inégalité de traitement ne pourront pas être totalement éliminés. Tout à l'heure, M. Vasselle a fait remarquer, à juste titre, que c'est en fait le président du comité des finances locales que pourra apporter les solutions de fond à ces problèmes d'inégalité que peut générer la décentralisation.
Néanmoins, la grille AGGIR constitue déjà une première réponse. Et puis le contentieux de l'attribution de la nouvelle prestation permettra de dégager une jurisprudence qui sera un facteur d'unification.
Je remercie maintenant M. Mercier de son intervention, qui est nourrie d'une très bonne connaissance du problème.
Il a tout à fait raison sur un point, sur lequel je voudrais également insister : légiférer en s'appuyant sur une expérimentation et un partenariat est très fructueux. Il faudrait effectivement étendre peu à peu une telle démarche.
M. Mercier a souligné que, désormais, un véritable partenariat s'instaurera entre les départements et la sécurité sociale. Il m'a reproché de ne pas avoir été très précis sur la tarification. Sur ce point, la vérité m'oblige à dire que nous avons encore un travail à réaliser. Il sera mené activement pour aboutir aux premières conventions types que nous passerons avec les établissements.
Il est vrai aussi que l'assurance maladie ne peut pas donner plus qu'elle n'a. Il faut en être très conscient. Gardons présent à l'esprit la juste mesure de ce que peuvent faire tous les acteurs dans le système.
M. Ostermann a bien rappelé la philosophie de la réforme : moduler la prise en charge de l'aide en fonction de l'état de dépendance des personnes âgées et ne plus la faire dépendre de la nature juridique de l'établissement. C'est dans cet esprit que nous allons travailler sur la nouvelle tarification.
M. Peyronnet a insisté sur le problème de la prévention. Il est exact que le dispositif d'aide à domicile, notamment dans le cadre de l'aide ménagère, qui se situe en quelque sorte en amont de la prestation spécifique dépendance, doit être maintenu, car il est un gage de prévention efficace.
M. Collin a proposé de retenir l'appellation « prestation autonomie ». Je lui répondrai que les meilleures réformes sont celles qui affichent au départ des ambitions modestes.
Très souvent, dans l'histoire de la République, ce sont les personnes les plus modestes qui se sont avérées les plus efficaces. Mieux vaut doter cette loi d'une appellation modeste ! Cela lui ouvrira un plus grand avenir. C'est, en tout cas, ce que je lui souhaite !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Moi aussi !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. M. Huriet a dit à juste titre que la dépendance nécessite une approche médico-sociale. Elle n'est en effet pas réductible à un problème de santé qu'il incomberait à la seule branche maladie de prendre en charge.
M. Huriet a fait valoir que le nombre de bénéficiaires restera réduit. Certes, mais le dispositif atteindra peu à peu une vitesse de croisière. Nous espérons d'ailleurs que, pendant ce temps, l'effort d'assainissement du sanitaire permettra d'apporter davantage au médico-social.
C'est d'ailleurs déjà le cas ! Dans la loi de financement de la sécurité sociale, dont nous débattrons bientôt, nous avons retenu un objectif de progression pour le médico-social nettement supérieur à l'objectif retenu pour le sanitaire parce que nous sentons bien qu'il y a là des attentes et des besoins pressants.
Enfin, monsieur Huriet, vous avez évoqué le problème de la péréquation. Je crois, en effet, que nous ne pouvons pas tout régler à l'occasion de la discussion de ce texte. Pour autant, il est vrai qu'il faudra bien que la décentralisation, dans la mesure où elle prend vie et s'enracine, s'accompagne de mécanismes de péréquation plus sûrs.
Monsieur Lorrain, je vous remercie d'avoir rappelé que les départements ont la possibilité de contribuer à la formation et qu'il ne faut pas que nous leur imposions un certain nombre de démarches alors que l'expérience prouve que chacun d'entre eux a su trouver une réponse adaptée aux besoins.
Je crois beaucoup à cette émulation qui permettra de retenir ensuite les expériences les meilleures et je vous confirme, monsieur Lorrain, qu'il n'y aura pas de désengagement de la CNAV.
Grâce aux efforts que nous avons entrepris - et M. Vasselle connaît bien l'action du fonds de solidarité - la branche vieillesse arrivera peu à peu à dégager des ressources qui lui permettront de faire face à ses besoins.
Enfin, Mme Bocandé a rappelé, elle aussi, qu'il ne faut pas contraindre les départements sur la composition de l'équipe médico-sociale. Laissons à chacun le soin d'organiser ses équipes le plus efficacement possible.
Vous avez évoqué, madame le sénateur, le droit d'option pour ceux qui percevront l'ACTP pour la première fois après le vote de la loi. Un amendement répondra à votre demande.
Vous êtes également revenue sur la tarification. J'ai en effet le sentiment que ce problème vous amène à poser quelques questions brûlantes au ministre et que le ministre n'est pas tout à fait encore en mesure d'y répondre. Mieux vaut le dire !
Je confirme cependant ma volonté d'avancer. Il faut dire, à propos de ce problème de la tarification, que cela fait des années que l'on tente sans succès de sortir du dispositif actuel.
Nous allons cette fois-ci progresser, il faut simplement que nous mesurions bien et que nous proportionnions les efforts respectifs de l'assurance maladie, des individus et de l'aide sociale.
Tout cela devrait, à mon avis, faire l'objet, dans les deux ou trois mois qui viennent, de clarifications qui seront de nature à nous permettre d'engager les premières expériences au début de l'année 1997.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques précisions que je souhaitais apporter.
J'ai bien conscience de ne pas avoir répondu à toutes les interventions tant elles furent riches, mais j'espère que nous aurons encore l'occasion d'apporter, au cours de la discussion, d'autres éléments d'information.
Je remercie une fois encore le Sénat de la qualité de son travail. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Division et articles additionnels avant le titre Ier