M. le président. Par amendement n° 80, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article L. 412-11 du code du travail est complété in fine par les mots suivants : ", sauf en cas de création d'établissement où la désignation d'un délégué syndical peut intervenir dès lors que l'effectif de cinquante salariés a été atteint". »
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. L'objectif affiché par les auteurs du présent projet de loi est de renforcer la représentation collective, notamment dans les PME, et de relancer le dialogue social.
Avec cet amendement, nous proposons donc de permettre la désignation immédiate d'un délégué syndical dans les nouveaux établissements qui comportent dès leur création au moins cinquante salariés. En effet, avant de vouloir suppléer l'absence de délégués syndicaux en mettant en place des dispositifs dérogatoires et attentatoires aux droits des salariés, ne serait-il pas plus judicieux, monsieur le ministre, de faciliter la mise en oeuvre des mécanismes de représentation collective actuellement en vigueur ?
Il existe, effectivement, une série de mesures de bon sens qui permettraient, sans bousculer l'ensemble du droit du travail, d'améliorer la représentation des salariés dans les PME, et par là même la négociation collective.
Nous savons tous que les dispositions légales concernant l'implantation des délégués syndicaux ne sont appliquées que très partiellement dans les PME. Rappelons, en effet, que près de la moitié des entreprises de plus de cinquante salariés sont dépourvues de délégués syndicaux alors même qu'elles remplissent la condition de seuil d'effectif.
Si le Gouvernement souhaitait réellement renforcer la représentation syndicale et développer la négociation collective, il s'attacherait avant tout à donner toute leur effectivité aux dispositions du code du travail.
C'est dans cet esprit que notre groupe propose de supprimer, pour les nouveaux établissements d'au moins cinquante salariés, le délai de douze mois nécessaire avant la désignation d'un délégué syndical. Comment comprendre, en effet, que, dans une entreprise qui a, dès sa création, plus de cinquante salariés, il faille attendre un an pour qu'un délégué syndical puisse être nommé ?
Ce délai n'est pas justifié ; il prive sans raison les salariés de représentants syndicaux et reporte inutilement la mise en place de négociations collectives. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Se fondant sur les motifs qui l'ont conduite à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 79, la commission a repoussé l'amendement n° 80 : ce projet de loi n'a pas pour objet de redéfinir le droit de la négociation collective.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car son objet lui paraît étranger au dispositif présenté. En effet, les auteurs de l'amendement entendent traiter d'une matière qui relève non pas d'une réflexion sur la prise en compte des insuffisances du dialogue social, mais d'une refonte des conditions de désignation des délégués syndicaux.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est intéressant !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 80, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 81, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans les premier, deuxième et dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 412-11 du code du travail, le nombre : "cinquante" est remplacé par le nombre : "dix". »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement vise à abaisser le seuil d'effectif minimum nécessaire pour la désignation de délégués syndicaux en le faisant passer de cinquante à dix.
En autorisant la présence syndicale dans les établissements d'au moins dix salariés, l'adoption de cet article additionnel rendrait possible la négociation d'accords collectifs dans les petites entreprises tout en respectant les principes fondamentaux de notre droit du travail et l'organisation de nos relations sociales.
Le code du travail prévoit, en effet, que les conventions et accords collectifs sont conclus exclusivement entre les employeurs et les organisations syndicales représentatives. Ce rôle réservé aux syndicats garantit l'indépendance des interlocuteurs et assure l'équilibre de la négociation.
Le code du travail prévoit également qu'un accord collectif ne peut comporter que des garanties supérieures à celles qui sont consenties par la loi et par les conventions ou accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large.
Au lieu de cela, le Gouvernement préfère recourir à des dispositifs dérogatoires tenant à distance les organisations syndicales et dénaturant la notion même de négociation collective.
L'article 6 du présent projet de loi permet, en effet, aux patrons de négocier des accords revenant sur des droits acquis avec des interlocuteurs choisis à leur convenance, autrement dit de faire régner dans l'entreprise leur propre loi.
Au lieu de remédier aux difficultés d'implantation syndicale dans les entreprises, ces mécanismes dérogatoires vont, au contraire, inciter l'employeur à se passer d'organisations syndicales, de syndicats, en négociant directement avec un élu du personnel ou un simple salarié mandaté.
Sous couvert de développer la négociation collective et de relancer le dialogue social, le Gouvernement s'apprête, en fait, à opérer un renversement complet de la hiérarchie des garanties collectives et à faire voler en éclats tout l'édifice de la représentation des salariés.
Nous ne pouvons accepter de telles entorses au droit du travail. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d'adopter cet amendement, qui recueille vous le savez, l'assentiment des principales organisations syndicales et pour lequel je demande, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, un scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement ne peut accepter cet amendement qui vise à ramener le seuil de constitution d'une section syndicale et de désignation d'un délégué syndical de cinquante à onze salariés.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 81.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, mes chers collègues, il me semble intéressant, en cet instant, de constater de quelle manière notre discussion évolue. Combien de choses avons-nous entendues sur l'importance de l'accord qui va bientôt permettre la présentation de l'article 6 au nom de l'expérimentation, de la nécessaire novation, du besoin d'avoir une meilleure représentation des salariés !
Or, chaque fois que nous avons voulu préciser le contenu desdites expérimentations, inutile de rappeler ici ce qui a été décidé !
Quoi qu'il en soit, à cet instant, je trouve que l'amendement n° 81 et la réponse qu'il a suscitée de la part du Gouvernement nous permettent de bien comprendre que les bonnes intentions qui entourent l'article 6 à venir ne sont pas vérifiées dans les faits : M. le ministre n'aurait-il pas pu « profiter », si j'ose dire, de l'occasion qui lui était donnée par un texte de cette nature pour, par exemple, sinon nous donner satisfaction à tous - on ne peut pas demander l'impossible - du moins pénaliser le constat de carence qui est dressé dans les entreprises où le patron, au moment de l'élection des délégués - et il ne s'agit pas toujours de foudres de guerre syndicaux ni de dangereux bolcheviks ! - fait un affichage discret dans les vestiaires pour qu'ensuite l'on constate qu'il n'y a pas de candidat : il y a carence, donc il n'y a pas de représentation ?
Que nos collègues de la majorité sénatoriale me permettent de dire qu'il s'agit là d'une distorsion des conditions de la concurrence ! En effet, celui qui ne fait élire personne est, à certains égards, dans une position plus avantageuse que celui qui respecte le code du travail, qui essaie de bien faire les choses, qui affiche à temps, qui laisse les gens s'exprimer et qui permet à des délégués d'être élus !
Mais vous nous répondez simplement que tel n'est pas l'objet du présent texte. Dans ces conditions, nous vous demandons vraiment quel est l'objet de ce texte de loi, dont la première partie ne peut pas être discutée parce qu'elle a été élaborée ailleurs et dont la seconde ne doit subir aucun changement, hormis les audaces qui ont été adoptées - que dis-je : elles n'ont pas même été adoptées, puisqu'il les a lui-même retirées. L'audace s'est donc arrêtée bien vite ! (Rires.) - sur l'initiative de M. le rapporteur.
Voilà qui traduit la signature politique de ce texte. Il ne s'agit que d'une seule chose : permettre les reculades tant que c'est possible et, si ce n'est pas possible, les rendre en tout cas possibles et, pour le reste, bien s'assurer que le dispositif est verrouillé.
Cette loi ne fera pas progresser les conditions du débat social dans l'entreprise !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je voudrais aborder le fond du problème, puisque M. Mélenchon m'y invite.
Notre pays souffre, dans la compétition internationale que nous subissons, d'un des taux de chômage les plus élevés, notamment parmi les jeunes, et ce pour un certain nombre de raisons que chacun connaît : insuffisance de la formation initiale, existence d'un salaire minimum et réglementation sociale contraignante, réglementation à laquelle M. Mélenchon est fortement attaché et qu'il nous demande, par le soutien qu'il apporte à l'amendement de nos collègues communistes, de renforcer encore ce soir.
M. Jean-Luc Mélenchon. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Il s'agit en effet, excusez du peu, de revenir sur les lois Auroux, qui ont été votées voilà quelques années par un groupe auquel appartient M. Mélenchon.
Celles-ci prévoyaient l'institution d'un délégué syndical, s'ajoutant aux délégués du personnel et aux membres du comité d'entreprise, ce qui fait trois niveaux de représentation du personnel dans les entreprises. Et M. Mélenchon nous propose tout simplement d'abaisser le seuil d'institution d'un délégué syndical de cinquante salariés à dix salariés !
Il me semble qu'une atmosphère totalement surréaliste règne ce soir. Notre pays affronte un formidable problème en matière de chômage et d'insertion des jeunes, et la solution que proposent nos collègues socialistes, c'est d'abaisser de cinquante à dix salariés le seuil de création d'un délégué syndical dans les entreprises ? Franchement, mon cher collègue, je crois que, sur le fond, vous êtes complètement hors du sujet. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est à cause des syndicats qu'il y a du chômage ? C'est intéressant ! Il nous a fallu attendre ce soir pour le savoir !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 81, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 4 : :

Nombre de votants 316
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 94
Contre 222

Le Sénat n'a pas adopté.

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