M. le président. « Art. 6. - I. - A titre expérimental, pour atteindre l'objectif de développement de la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux en préservant le rôle des organisations syndicales énoncé au paragraphe 2.3 de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif aux négociations collectives, des accords de branche pourront déroger aux articles L. 132-2, L. 132-19 et L. 132-20 du code du travail dans les conditions fixées ci-après.
« Ces accords devront être négociés et conclus avant le 31 octobre 1998, pour une durée ne pouvant excéder trois ans, en commission composée des représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives.
« II. - Les accords de branche mentionnés au I pourront prévoir qu'en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise, ou de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les représentants élus du personnel négocient la mise en oeuvre des mesures dont l'application est légalement subordonnée à un accord collectif.
« Les accords de branche devront fixer les thèmes ouverts à ce mode de négociation.
« Les textes ainsi négociés n'acquerront la qualité d'accords collectifs de travail qu'après leur validation par une commission paritaire de branche, prévue par l'accord de branche. Ils ne pourront entrer en application qu'après avoir été déposés auprès de l'autorité administrative dans les conditions prévues à l'article L. 132-10 du code du travail, accompagnés de l'extrait de procès-verbal de la commission paritaire compétente. Cette commission pourra se voir également confier le suivi de leur application.
« III. - Les accords de branche mentionnés au I pourront également prévoir que, dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux et dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical, des accords collectifs peuvent être conclus par un ou plusieurs salariés expressément mandatés, pour une négociation déterminée, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives.
« Les modalités de protection de ces salariés et les conditions d'exercice de leur mandat de négociation seront arrêtées par les accords de branche. Ces accords pourront prévoir que le licenciement des salariés mandatés ainsi que, pendant un délai qu'ils fixeront, le licenciement de ceux dont le mandat a expiré seront soumis à la procédure prévue à l'article L. 412-18 du code du travail.
« IV. - Les accords de branche prévus aux I à III détermineront également le seuil d'effectifs en deçà duquel les formules dérogatoires de négociation qu'ils retiennent seront applicables.
« V. - Pour atteindre l'objectif d'amélioration des conditions de représentation collective des salariés, notamment dans les petites et moyennes entreprises, énoncé au paragraphe 2.2 de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 précité, des accords de branche pourront être négociés et conclus avant le 31 octobre 1998, dans les conditions prévues au I du présent article.
« Afin de permettre l'examen des dispositions législatives nécessaires à l'entrée en vigueur des clauses dérogatoires des accords de branche mentionnés à l'alinéa précédent, le Gouvernement informera le Parlement de leur conclusion, sur la base du suivi régulier prévu par le paragraphe 2.5 de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 précité et après consultation des organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau interprofessionnel.
« VI. - L'entrée en vigueur des accords de branche mentionnés au présent article sera subordonnée à l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales représentatives de la branche. L'opposition, qui ne pourra émaner que d'organisations non signataires desdits accords, devra être notifiée aux signataires dans les quinze jours de la signature.
« VII. - Avant le 31 décembre 1998, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur l'application du présent article, en tenant compte du bilan prévu par l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 précité et après consultation des organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau interprofessionnel. »
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons maintenant l'examen de l'article 6, sur lequel plus de cinquante amendements ont été déposés.
Nous pourrions appeler ces amendements en discussion commune, mais cela conduirait le Gouvernement et la commission à répondre demain vers onze heures à des interventions qui auront eu lieu ce soir vers vingt-trois heures. Ce serait, selon moi, source de grande confusion.
Si donc chacun en est d'accord, nous pourrions appeler par « paquets » les amendements se rapportant au même objet, de façon à pouvoir voter au fur et à mesure.
Il s'agit non pas, bien sûr, de faire passer des amendements à la trappe, mais simplement de mettre un peu de clarté dans un débat dont on risquerait de perdre peu à peu le fil.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 6 du projet de loi est, on l'aura compris, celui sur lequel portent l'essentiel de nos critiques.
Je ne reprendrai pas l'ensemble des arguments qui motivent notre position ; ils ont été amplement développés dans mon intervention liminaire, dans celle de mon amie Michelle Demessine et dans celles de nos collègues socialistes. Je souhaite néanmoins revenir sur quelques points abordés dans la discussion générale par nos collègues de la majorité, qui, d'ailleurs, ne se sont guère exprimés sur le sujet.
S'agissant du regroupement de deux textes de nature et de portée distinctes - je maintiens, à cet égard, le terme de « subterfuge » législatif - M. le rapporteur a précisé que les deux textes visaient un but commun. J'en suis bien convaincu. L'ensemble de la politique du Gouvernement en matière de travail poursuit bien - je ne partage pas, sur ce sujet, le point de vue qui vient d'être exposé par M. le président de la commission - un seul et unique but : revenir sur les acquis sociaux conquis en un demi-siècle de luttes des salariés et de leurs organisations.
J'entends bien, dans ce contexte, M. le président de la commission quand il refuse de sacraliser 1936 et 1968. Je ne suis pas étonné qu'en matière de « mythologie », puisque c'est le mot qu'il a employé, la sienne ne fasse référence à aucune de ces deux dates.
Selon lui - je le cite - la mythologie, c'est non pas le code du travail mais l'idée que la négociation collective est bonne quand elle offre des avancées aux salariés et mauvaise quand elle ne permet pas aux entreprises de s'adapter aux nécessités de l'économie.
Autrement dit, finalement, les ringards, ce sont ceux qui refusent de flexibiliser encore plus et, ainsi, de créer encore plus de chômage.
Mais cette « mythologie » est inscrite dans la loi même et correspond au principe d'ordre social tel qu'il a été codifié par l'article L. 132-4 du code du travail, puisqu'un accord collectif ne peut contenir que des dispositions plus favorables que les dispositions légales ou réglementaires.
Ce serait donc en vertu de cette « mythologie » que nous atteindrions des records en matière de chômage.
Allons jusqu'au bout de cette logique. Nous proposez-vous, alors, de nous engager résolument dans la voie du Royaume-Uni ? Là-bas, pas de salaire minimum garanti ; possibilité de faire travailler les salariés quatorze à quinze heures par jour ; possibilité pour le patron de rompre unilatéralement le contrat de travail ! Je constate d'ailleurs que, en Grande-Bretagne, il n'y a pratiquement plus aucun tissu industriel digne de ce nom ! Est-ce cette société que vous nous proposez ?
Quant à l'efficacité de la déréglementation en termes d'emploi, bien que je sois relativement jeune, j'ai encore dans l'oreille les déclarations de M. Gattaz, alors dirigeant du CNPF, qui, en échange de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, nous promettait - on allait voir ce qu'on allait voir ! - plusieurs centaines de milliers d'emplois.
M. Jean-Luc Mélenchon. Quatre cent mille !
M. Guy Fischer. Quatre cent mille emplois, en effet ! L'autorisation a été supprimée, mais d'emplois, il n'en a plus été question !
M. Jean-Luc Mélenchon. Et l'année suivante, on battait un record !
M. Guy Fischer. Anecdote, me direz-vous. Peut-être ! Mais ne trouvez-vous pas étrange, mes chers collègues, que plus la déréglementation du travail s'accentue, plus le chômage augmente !
Le défi que nous devons relever, c'est notamment celui de l'emploi des jeunes, car vos propositions aboutissent à leur offrir non pas un emploi stable, mais surtout du travail précaire, du travail à temps partiel, du travail sous-payé. Telle est d'ailleurs la ligne que l'on nous propose de généraliser dans le monde du travail.
Pour conclure, après avoir bien écouté les membres de la majorité et les représentants du Gouvernement, je dois avouer que les arguments qu'il ont développés ne font que confirmer notre jugement.
L'article 6 du projet de loi est bien une machine de guerre contre le droit du travail. Il va à la fois déréglementer, démanteler le droit du travail et aller contre le droit à la négociation collective. Là encore, le légal sera le dérogatoire. On inventera un nouveau système d'opposition. Finalement, ce sera un moyen supplémentaire pour lutter contre la représentation syndicale.
On nous dira peut-être que nous voyons les choses bien sombres. En tout cas, nous avons l'intime conviction que nous sommes en train de vivre un moment charnière.
Pour conclure, je reprendrai ce que disait le représentant du patronat lors de son audition devant la commission : « Ce que l'on attend de ce projet de loi, ce n'est pas l'immédiat, c'est la modification des rapports sociaux à cinq ou dix ans, et ce en termes de déréglementation et de démantèlement. »
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai deux observations : une sur le fond, puisque M. Fischer m'invite au débat, et une sur la procédure.
Sur le fond, je reprendrai ce que j'ai déjà dit hier soir.
Monsieur Fischer, selon vous, tout le dispositif de l'article 6 n'a été inventé par les ultra-libéraux que pour déréglementer et modifier les rapports sociaux. Mais au nom de quoi passez-vous sous silence, rejetez-vous dans les oubliettes les trois organisations syndicales représentatives, jouissant de tous leurs droits depuis 1945, qui ont signé ces accords avec les organisations patronales ? La CFDT, la CFTC et la CGC n'existent-elles pas, ne représentent-elles rien ?
M. Jean Chérioux. C'est parce qu'il n'y a pas la CGT !
M. Guy Fischer. Et FO !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je ne peux pas accepter que l'on dise ici que seules la CGT ou FO sont représentatives des salariés.
Qu'allez-vous dire de SUD, monsieur Fischer ? Demain matin, je vais à la SNCF, où nous allons recevoir une délégation de SUD. Que sont-ils, ceux-là ?
Dans cette affaire, vous vous trompez parce qu'il s'agit d'un accord interprofessionnel.
S'agissant de la procédure, monsieur Fischer, je relève que, sur l'article 6, vous avez déposé cinquante amendements.
Tenus par notre souci de respecter strictement le règlement, nous avons proposé une discussion commune de ces cinquante amendements qui, tous, visent à remettre en cause l'accord signé par les partenaires sociaux. Heureusement, dans sa sagesse, notre président, auquel je rends hommage, a proposé la suppression de cette discussion commune pour que nous puissions discuter amendement par amendement.
J'avoue, monsieur Fischer, que j'ai été tenté un instant de voter l'amendement de suppression, car il eût été facile de rétablir ensuite l'article dans une commission mixte paritaire. On pouvait ainsi couper court au débat, éviter la discussion des cinquante amendements.
Mais vous êtes tellement courtois dans la discussion et le sujet est tellement important que c'est volontiers que nous avons accepté de discuter vos propositions,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes trop bon, monsieur le président. Cela vous perdra !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. ... propositions qui, reconnaissez-le, exception faite de l'amendement de suppression, qui est un amendement de fond, n'ajoutent pas grand-chose au débat.
Je tiens à faire remarquer que, dans cette affaire, nous nous efforçons de respecter non seulement la lettre mais l'esprit du règlement, en laissant le droit d'amendement s'exercer dans des conditions tout à fait satisfaisantes.
J'avais lu, voilà quelques mois, dans un certain nombre de journaux, des critiques sur cette majorité dominatrice qui ne permettait pas aux gens de s'exprimer. Maintenant, vous pourrez dire que vos cinquante amendements à l'article 6 de ce projet, qui n'ont d'autre objet que d'ajouter à chaque fois un verrou supplémentaire au dispositif retenu, ont fait l'objet d'une discussion sereine au Sénat de la République ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR.) M. le président. Sur l'article 6, je suis d'abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 25 est présenté par Mme Dieulangard, M. Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 82 est déposé par M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à Mme Dieulangard, pour défendre l'amendement n° 25.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je vais essayer de rester courtoise, afin de ne pas encourir les foudres de M. le président de la commission !
Nous proposons de supprimer l'article 6 parce que nous le considérons comme inacceptable juridiquement et dangereux pour les salariés.
Nous avons déjà explicité notre position. Je la rappellerai donc le plus brièvement possible, en essayant, monsieur le président, de ne pas dépasser le temps qui m'est imparti.
On nous présente cette « intéressante » innovation comme propre à développer la négociation collective dans les petites et moyennes entreprises. J'observe, au passage, que le texte ne mentionne aucun seuil d'effectifs qui circonscrive son champ d'application. Il se pourrait donc que ses ambitions soient plus larges que celles qui sont affirmées. Mais ce n'est pas le plus grave.
En effet, donner à des salariés élus, ou mandatés par un syndicat pour la circonstance, la possibilité de signer des accords d'entreprise n'augmente en rien le nombre d'entreprises où des accords peuvent être conclus. Je m'explique.
Actuellement, soit l'entreprise n'a pas de délégués syndicaux parce qu'elle emploie moins de onze salariés, et la jurisprudence de la Cour de cassation admet déjà qu'un salarié puisse être mandaté par une organisation syndicale pour négocier et conclure un accord, soit l'entreprise de plus de onze salariés n'a pas de délégués syndicaux parce que personne n'a voulu prendre ce risque, et le code du travail prévoit expressément qu'un délégué du personnel peut être désigné comme délégué syndical, même si l'entreprise a moins de cinquante salariés. Voyez pour cela les articles L. 412-11 et L. 412-21. Il n'y a donc aucun vide juridique à combler dans ce domaine.
En revanche, l'accord du 31 octobre 1995 ouvre toute possibilité aux employeurs, particulièrement dans les PME bien sûr, de négocier avec un salarié élu que l'on aura préalablement sollicité pour cela ou avec un salarié mandaté par une centrale syndicale compréhensive, et de contourner ainsi le risque de création d'une véritable section syndicale !
Ainsi - c'est l'objet de l'abrogation des articles L. 132-2, L. 132-19 et L. 132-20 que vous nous proposez - disparaît le monopole syndical de négociation. Désormais, comme l'ont fort bien dit plusieurs délégations auditionnées notamment par la commission des affaires sociales, n'importe qui pourra signer n'importe quoi.
N'importe qui : quelles seront les compétences, la formation à négocier des accords souvent compliqués, de salariés ainsi élus ? Ils ne seront adossés à aucune centrale qui puisse les conseiller et les aider. Ils seront exposés à toutes les pressions non seulement sur leur personne, mais aussi sur la collectivité de travail dans le cadre traditionnel d'un chantage à l'emploi. Et s'ils signent un accord qui sacrifie des emplois pour prétendument en sauver d'autres, ils risquent d'être seuls exposés à la désapprobation de leurs collègues.
C'est une situation peu enviable que vous leur préparez, si peu enviable, d'ailleurs, que ces malheureux ne bénéficieront même pas, de manière certaine, de la protection prévue par la loi pour les délégués puisque ce point est laissé aux accords de branche.
Sur le fond, il est bien évident que l'objectif majeur de l'accord interprofessionnel et de ce texte est de permettre la signature d'accords d'entreprise dérogatoires, c'est-à-dire moins favorables aux salariés. Cela contrevient formellement au principe général selon lequel une convention ou un accord collectif ne peut comporter de dispositions moins favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur. De même, un accord d'entreprise ne peut comporter de dispositions moins favorables qu'un accord de branche. Si tel n'était pas votre objectif, que faisons-nous ici ? Pourquoi cet accord et ce projet de loi ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. On nous dit : « Il s'agit avant tout d'appliquer le premier accord du 31 octobre 1995 signé par les partenaires sociaux et relatif à l'aménagement du temps de travail. » Nous formulons alors deux remarques.
D'une part, rien dans le texte qui nous est soumis ne limite son application à ce seul secteur. Au contraire, nous voyons poindre de futurs accords de branche dérogatoires qui pourront viser n'importe quel autre domaine, y compris - pourquoi pas ? - l'hygiène et la sécurité. Tout est permis, les partenaires sociaux sont souverains.
D'autre part, les accords d'entreprise relatifs au temps de travail risquent-ils de comporter des dispositions moins favorables pour les salariés, par exemple par le biais de la non-compensation salariale ? Dans le cas précis, ce que l'on veut nous faire adopter a-t-il pour objectif de faire baisser la durée du travail ou le coût du travail ?
J'en terminerai avec les derniers aspects juridiques discutables de ce texte. Les accords d'entreprise conclus par des salariés élus devraient être validés par une commission paritaire de branche et simplement déposés auprès de l'autorité administrative. Ils ne feront donc pas l'objet d'un contrôle par celle-ci. Les accords qui contiendront des dispositions contraires à la loi ne seront pas soumis à la procédure d'extension et échapperont au contrôle de légalité.
Le nouveau droit d'opposition inventé par ce texte, avec une représentativité des syndicats en nombre et non en pourcentage de voix, n'offre aucune garantie. Quelle sera la composition de la commission paritaire ? Quelles organisations y siégeront ? Les organisations signataires uniquement ou toutes les organisations ? Qui, au demeurant, même si la commission paritaire ne valide pas un accord, pourra empêcher son application ? Qui aura ce pouvoir ? Devra-t-on attendre un recours devant les prud'hommes ?
A l'inverse, les accords d'entreprise étant des accords atypiques, qui empêchera leur dénonciation unilatérale par l'employeur, peut-être du jour au lendemain ? Et que se passera-t-il alors ? Un nouveau salarié devra-t-il être élu pour signer un nouvel accord sous la pression ? Aucune réponse, aucun démenti ne peut nous être apporté, et pour cause !
M. le président. Je vous demande, madame, de bien vouloir conclure !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. J'en viens tout de suite à la conclusion, monsieur le président.
Quant à la validation d'accords de branche dérogatoires érigée en système par le législateur, nous la jugeons inacceptable et à la limite de l'offense. Nous sommes transformés - excusez-moi le terme, mais il illustre notre sentiment - en voiture-balai, et encore à la condition expresse que les partenaires sociaux veuillent bien nous le demander. Il est sincèrement étonnant que les parlementaires de la majorité acceptent sans sourciller d'être réduits à ce rôle.
Aujourd'hui, c'est un chèque en blanc que l'on nous demande de signer : une sorte de validation générale et a priori de la déréglementation en matière de droit du travail. C'est tout à fait inacceptable, et c'est pourquoi nous vous demandons, par scrutin public, d'adopter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Demessine, pour défendre l'amendement n° 82.
Mme Michelle Demessine. L'article 6 de ce projet de loi affiche un objectif ambitieux qui ne peut faire que l'unanimité puisqu'il s'agit de contribuer à la consolidation d'un dialogue social nourri et régulier, au développement de la négociation collective, en particulier dans les petites et moyennes entreprises où, nous le savons tous, la représentation du personnel est très limitée.
En fait, loin de favoriser le dialogue social et la négociation collective, notamment dans les PME dépourvues de représentants syndicaux, cet article constitue une remise en cause profonde des garanties sociales des salariés, du droit à la négociation et à la représentation syndicale.
Pour l'heure, en effet, la loi fixe un minimum protecteur. L'accord collectif peut améliorer la situation des salariés. Il peut également remplacer les dispositions légales en fixant de « nouvelles règles », ces accords dits dérogatoires, portant sur l'aménagement du temps de travail et les salaires, devant être négociés et signés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives sur le plan national.
Les accords du 31 octobre 1995, dont l'article 6 de ce projet de loi permet l'expérimentation, élargissent le champ d'application des dérogations rendues désormais possibles en matière de représentation du personnel.
Au niveau du négociateur salarié, ce serait non plus le syndicat, mais un représentant du personnel - sans indépendance sans doute vis-à-vis de l'employeur d'ailleurs et souvent appelé plus communément « délégué patron », comme l'a fait remarquer mon collègue socialiste - qui aurait pouvoir de signer ces accords dérogatoires, accords qui feraient en outre de la protection même du salarié mandaté un enjeu de négociation.
Ainsi, des accords pourront être conclus dans des domaines aussi importants que l'aménagement du temps de travail ou les salaires, sans aucune garantie d'une organisation syndicale, sans véritable représentativité des parties signataires, sans garantie non plus quant au respect des procédures de négociation.
L'espace de dérogation va devenir incontrôlable, l'accord de branche définissant les champs possibles de dérogation pour les accords d'entreprise.
Le comble, c'est que cet article 6 prévoit également que la loi encourage les dérogations, y compris illégales, quitte ensuite à la modifier pour rendre celles-ci légales. Outre le fait que la mise en place de tels mécanismes expérimentaux parallèles aux dispositions prévues par le code du travail et pouvant y déroger sera source de contentieux importants, cela confirme le peu de cas que le Gouvernement fait du Parlement.
Jusqu'à présent, celui-ci tendait à devenir une simple chambre d'enregistrement des mesures gouvernementales. Sera-t-il, demain, le lieu où seront entérinées des dispositions imposées par le patronat au mépris de la loi héritée d'un siècle de luttes sociales ?
Pourtant, monsieur le ministre, certains articles du code du travail permettent aujourd'hui de pallier pour une part l'absence de représentants du personnel ou de délégués syndicaux, en particulier dans les entreprises de petite taille. Or ces articles, par exemple l'article L. 132-30, sont rarement appliqués.
Si vous aviez comme souci réel la participation des salariés au dialogue social dans des conditions de représentation et de négociation dignes de ce nom, vous commenceriez par favoriser l'application de ces articles.
D'autres propositions peuvent être envisagées, comme la mise en place au sein de l'entreprise de panneaux d'affichage offrant les informations nécessaires aux salariés concernant leurs droits et les organisations syndicales susceptibles de les renseigner.
Envisager également d'abaisser les seuils d'effectifs nécessaires à la désignation d'un délégué syndical contribuerait également, sans aucun doute, à relancer le dialogue social.
Les propositions du groupe communiste républicain et citoyen, vous le sentez bien, mes chers collègues, s'inspirent d'une volonté de remédier effectivement aux difficultés que rencontrent les salariés pour négocier dans leur entreprise, et ce dans le respect de l'esprit et de la lettre du code du travail.
Tel n'est pas le sens de votre démarche qui fait de la dérogation défavorable aux salariés la règle et qui poursuit le démantèlement du code du travail.
Telles sont les raisons qui nous conduisent à vous inviter solennellement à supprimer, par scrutin public l'article 6 de ce projet de loi introduit à la sauvette et sans consultation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je rappelle que la commission a adopté cet article 6 sans aucune modification. Les amendements n°s 25 et 82, qui viennent d'être défendus, sont donc bien évidemment contraires à la position de la commission.
Par ailleurs, considérant que les nouvelles possibilités de négociation ainsi autorisées constituent pour beaucoup de salariés de très nombreuses entreprises une véritable avancée sociale, la commission est défavorable aux deux amendements précités.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement est opposé à ces deux amendements. En effet, il faut laisser vivre cet accord expérimental qui ne remet pas en cause les droits syndicaux des salariés, mais cherche à développer la négociation collective là où, de fait, il n'y a pas de délégué syndical. Je me suis suffisamment expliqué sur ce point pour ne pas m'y étendre ce soir.
A moins que la France veuille, que les responsables de notre pays veuillent maintenir le pays dans une situation qui était celle du siècle dernier (M. Jean-Luc Mélenchon proteste), ou nous acceptons - je le dis clairement - dans la démocratie sociale qui caractérise cette fin de siècle, de laisser les partenaires sociaux inventer des formules nouvelles pour permettre un dialogue social au sein de nos entreprises, de nos branches, ou l'on continue à attendre tout des lois et des règlements venus d'en haut !
Pour ce qui est de la démocratie politique, nous avons joué le jeu de la décentralisation - nous le jouons tous les jours - et c'est positif. Dès lors, je ne vois pas pourquoi la démocratie sociale n'aurait pas, elle aussi, droit à une certaine décentralisation, à une certaine expression directe des partenaires au sein des branches et des entreprises.
Voilà pourquoi je crois que ces combats sont des combats d'arrière-garde qui risquent malheureusement de porter préjudice à l'intérêt bien compris des salariés de ce pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 25 et 82.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Tout d'abord, je suis dans l'obligation de faire remarquer au ministre qu'il connaît mal son histoire sociale car, à la vérité, si quelque chose nous ramène au XIXe siècle, c'est bien ce que nous sommes en train de faire maintenant.
En effet, monsieur le ministre, au XIXe siècle, aucun des acquis sociaux dont nous avons à traiter à présent n'était précisément acquis. C'est, au contraire, l'oeuvre du XXe siècle et les grandes pages de l'histoire sociale - 1936, la Libération, 1968 et j'en oublie sans doute - qui sont à l'origine des avancées du code du travail, et reconnaissons que ces avancées se sont faites pas tout à fait dans les mêmes conditions, sous des gouvernements très divers. Par conséquent, il faut être prudent avec l'imagerie que l'on développe !
Le maximum de l'initiative individuelle est réalisé sous l'emprise de la loi de la jungle. La différence est que, dans la jungle, les prédateurs se contentent exclusivement de la satisfaction de leurs besoins, tandis que, dans la jungle sociale, il n'y a pas de limite à l'appétit des prédateurs. C'est bien la raison pour laquelle il faut des lois qui s'appliquent à tous et un code du travail.
A vous entendre, le maximum d'initiative serait réalisé dès lors qu'il n'y aurait plus de code du travail ; c'est bien précisément ce qui est en cause, car c'est la pente que nous suivons.
Je tiens à remercier aussi le président Fourcade pour le cri du coeur qu'il a lancé tout à l'heure.
Nous avons bien noté, monsieur le président, que, selon vous, ce qui est générateur de chômage aujourd'hui ce sont les délégués syndicaux, le code du travail, voire le SMIC.
M. Jean Chérioux. C'est l'excès de rigidité.
M. Jean-Luc Mélenchon. Le Journal officiel attestera que telle est bien la pensée du président Fourcade. D'ailleurs, il ne s'en est jamais caché.
M. Jean Chérioux. Il n'a pas dit cela !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il n'a jamais caché sa tendance à se situer dans ce registre réactionnaire, au sens littéral du terme, consistant à revenir sur ce qui était acquis.
Permettez-moi de vous dire, monsieur le président, que, en lisant vos propos, les salariés, qui représentent 85 p. 100 de la population active du pays, comprendront que le surréalisme est de votre côté et non dans les propositions des socialistes.
Au demeurant, vous semblez mal connaître ces dernières car elles ne se limitent pas à un simple abaissement des seuils à partir desquels pourront être élus des délégués. Je vous invite à lire l'excellent document qui a été adopté par la dernière convention de mon parti et à vous préparer à lire le suivant, qui sera d'une aussi bonne facture. Dans l'un et l'autre, vous retrouverez, j'ai l'immodestie de le signaler, la trace des propos que je tiens ici.
M. le ministre a soulevé hier, et aujourd'hui encore, une question qui en effet se pose : celle des rapports entre le contrat et la loi. Vous avez raison, monsieur le ministre, d'aborder ce problème. Il se pose d'une manière générale, mais plus particulièrement dans le cas qui nous occupe.
A cette heure, les longues explications n'étant plus possibles, je résumerai mon propos. Ainsi, un accord est intervenu entre les partenaires. Nous avons objecté que ces derniers ne l'avaient pas tous signé mais, quand bien même l'auraient-ils fait, le législateur garderait toute sa capacité d'initiative et de décision à moins que vous ne soyez devenus, mes chers collègues, partisans du mandat impératif !
La convention collective de la restauration, qui est l'une des plus mauvaises que je connaisse, a été signée par les syndicats représentatifs. Eh bien, vous ne me ferez jamais voter une loi qui en étendrait les conclusions aux autres professions. Entre la souplesse du contrat et la rigueur de la norme universelle, il y a la liberté d'appréciation du législateur, porteur de l'intérêt général, lequel relève de l'analyse politique. En démocratie, c'est ainsi que les choses se passent.
Nous sommes donc tout à fait fondés à dire que nous n'approuvons pas un accord que nous estimons mauvais.
En l'occurrence, il est mauvais parce qu'il s'inspire directement de la loi quinquennale qui a été adoptée sur l'initiative de M. Balladur.
M. Jean Chérioux. Mais il est conforme à la loi.
M. Jean-Luc Mélenchon. Qu'il se soit trouvé des syndicats pour malheureusement approuver cet accord de leur propre initiative, nous le déplorons. Il faut que la chose soit dite.
Ne nous abritons pas derrière l'argument selon lequel, les partenaires ayant signés, nous n'aurions plus qu'à lever la main en cadence. Non, nous devons garder en permanence notre liberté d'appréciation.
Monsieur le ministre, les nouvelles avancées ne sont jamais illégales. Seules les reculades le sont, et c'est bien le coeur de l'affaire. Les libertés nouvelles qui, sous le prétexte d'expérimentation, sont offertes dans le contexte que nous savons, ne sont destinées qu'à une seule et unique chose : permettre des reculades. Il suffit de se rendre devant les téléscripteurs de l'AFP pour en avoir une démonstration.
Les syndicats pensaient que l'accord du 31 octobre 1995 allait ouvrir des possibilités, dès lors que les partenaires sociaux seraient d'accord, dans les entreprises financières, branche dans laquelle la discussion avait commencé, en matière d'abaissement du temps de travail et d'organisation des horaires. Evidemment, l'ensemble du patronat s'y est opposé car cet accord a été signé pour permettre non pas des dérogations progressistes, mais des dérogations rétrogrades.
M. le président. Mon cher collègue, je vous demande de conclure, car vous avez largement dépassé votre temps de parole.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vous remercie de votre bienveillance, monsieur le président.
Ainsi, cet accord - et sa transcription dans la loi - est uniquement destiné à faire un petit pas supplémentaire vers la déréglementation. Or, messieurs, je vous mets au défi de nous citer une seule expérience réalisée en dehors des normes du code du travail qui ait pu donner la moindre satisfaction aux groupes politiques de gauche. En revanche, je pourrais en citer des dizaines allant dans le sens contraire, montrant comment ont été utilisées toutes les possibilités pour faire reculer les avantages acquis des salariés. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. C'est un langage conservateur et rétrograde !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 25 et 82, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant l'une du groupe socialiste, l'autre du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 5:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 93
Contre 221

Par amendement n° 83, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du paragraphe I de l'article 6, de remplacer les mots : « dépourvues de délégués syndicaux » par les mots : « où des délégués syndicaux ne peuvent être désignés ».
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Préserver le rôle des organisations syndicales implique de faire en sorte que des délégués syndicaux puissent être présents dans les entreprises. Cela relève, vous en conviendrez, du simple bon sens.
Dès lors, il apparaît nécessaire d'apporter une précision qui n'est pas de pure forme à la rédaction du premier alinéa de cet article 6.
Notre amendement a pour objet de faire en sorte que les dispositifs envisagés ne concernent que les entreprises où ne peuvent être désignés des délégués syndicaux et non les entreprises « dépourvues de délégués syndicaux ».
En effet, de nombreuses entreprises où la désignation d'un ou plusieurs délégués syndicaux est possible ne disposent pas de cette représentation.
Les raisons de cette absence de représentants syndicaux sont multiples : si le manque de motivation des salariés au sein même de l'entreprise est l'un des éléments explicatifs, l'absence d'information quant à l'existence, l'objet, ou même tout simplement l'adresse d'un syndicat est à prendre en compte.
Mais ce qui est, à notre sens, l'élément déterminant, c'est la difficulté de faire face aux pressions patronales visant à éviter que les salariés ne s'organisent et fassent valoir leurs droits. Dans un contexte de crise économique profonde où le chantage à l'emploi n'est pas uniquement formel, s'investir dans son entreprise en tant que délégué syndical ou simplement de représentant du personnel relève trop souvent d'un action de résistance à très haut risque.
Savez-vous ce que signifie le harcèlement exercé par le patronat à longueur d'année, de manière ouverte ou lancinante, sur ces hommes et ces femmes qui se dévouent pour défendre les droits de leurs camarades de travail et, bien souvent, la survie de l'entreprise et du potentiel économique de notre nation ? Les contentieux portés devant les juridictions prud'homales témoignent de cette situation.
Depuis dix ans, dix mille élus en moyenne sont licenciés chaque année. A ce propos, on ne peut pas dire que le ministère du travail se distingue dans la défense du dialogue social.
En 1992, 14 345 salariés dits « protégés » ont été licenciés.
Ces chiffres confirment, s'il en était besoin, la virulence de l'attaque menée par le patronat contre les syndicats et contre l'idée même de syndicalisme alors que ce dernier constitue un élément essentiel de la démocratie.
Vous le savez, permettre la désignation de délégués syndicaux constitue indéniablement une assurance quant à la qualité de la représentation. L'initiative de la négociation, du dialogue social ne doit pas être laissée au seul patronat, sauf à vouloir transformer la négociation entre partenaires sociaux en un véritable diktat.
Offrir aux travailleurs une meilleure connaissance de leurs droits, c'est contribuer indéniablement à oeuvrer pour un dialogue social équilibré.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous invitons la Haute Assemblée à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 83, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 84, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du paragraphe I de l'article 6, après les mots : « accords de branche », d'insérer les mots : « étendus après consultation de la commission nationale de la convention collective ».
Cet amendement est-il soutenu ?...
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 86, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier aliéna du paragraphe I de l'article 6, de remplacer les mots : « pourront déroger aux articles L. 132-2, L. 132-19 et L. 132-20 » par les mots : « pourront être conclus en application des dispositions de l'article L. 132-30 ».
Par amendement n° 85, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du paragraphe I de l'article 6, après les mots : « pourront déroger », d'insérer les mots : « dans un sens plus favorable aux salariés ».
La parole est à M. Billard, pour défendre ces deux amendements.
M. Claude Billard. A l'heure actuelle, les articles L. 132-2, L. 132-19 et L. 132-20 du code du travail organisent la négociation collective dans l'entreprise.
Seules les organisations syndicales sont habilitées à signer un accord d'entreprise avec l'employeur.
En l'absence d'organisation syndicale dans l'entreprise, un employeur ne peut donc, sans tomber sous le coup de la loi, déroger aux dispositions légales en matière de durée du travail.
L'accord du 31 octobre 1995, que le projet de loi, en son article 6, veut rendre applicable, bouleverse cette conception de la négociation collective.
Sous prétexte de « renforcer le dialogue social » dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, les entreprises et établissements - quelle que soit leur taille - seront autorisés à négocier et conclure avec les seuls élus du personnel ou par l'intermédiaire d'un salarié mandaté, des dispositions dérogatoires aux règles d'ordre public existantes et donc à favoriser la réduction négociée entreprise par entreprise des avantages acquis par les salariés.
Il s'agit de fait de désarmer les salariés en supprimant ce qui les unit et qui exprime une solidarité de fait, à savoir les organisations syndicales, les conventions collectives, le code du travail.
L'objet même de la négociation collective est ainsi modifié. Elle sera dès lors non plus un droit reconnu aux salariés pour améliorer leurs conditions d'emploi et leurs garanties sociales dans un cadre défini par la loi, mais bien un instrument au service du patronat pour imposer aux salariés les plus faiblement représentés ou les plus menacés dans leur emploi de nouvelles flexibilités dérogatoires aux avantages contenus dans les anciennes conventions collectives de branches, la loi venant ensuite légaliser ce qui pourrait, dans ce cadre, être illégal.
Vous le comprendrez, mes chers collègues, nous ne saurions accepter une telle remise en cause du code du travail, qui, sous couvert de relance du dialogue social dans les petites et moyennes entreprises, risque bien au contraire de déséquilibrer davantage encore les relations entre employeurs et salariés.
Il est, à cet égard, significatif que le ministre ait accepté un amendement excluant les entreprises de moins de dix salariés des dispositions de l'article 6, suivant en cela l'argumentation de l'UPA, qui indiquait que les chefs d'entreprise étaient très réservés quant à toute forme de négociation au sein de l'entreprise.
Votre projet de loi n'a donc pas pour objet d'améliorer le dialogue social. Sinon, pourquoi avoir accepté, et avec une telle argumentation, le principe de cet amendement ? Il tend au contraire à inverser la logique qui prévaut dans le code du travail, logique qui interdit toute dérogation défavorable aux salariés et permet aux organisations syndicales d'exercer un pouvoir de contrôle sur les accords passés.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons cet amendement, qui ferait de l'article 6 un véritable moyen de relancer le dialogue social là où il est pratiquement inexistant, à savoir dans les entreprises de moins de onze salariés.
Pour ce qui est des entreprises de plus grande taille, le code du travail, même s'il est imparfait - nous aurons d'ailleurs l'occasion, au cours du débat, de proposer quelques modifications - constitue un cadre essentiel pour que les négociations collectives s'effectuent dans les meilleures conditions.
Pour ce qui est de l'amendement n° 85, nous souhaitons qu'il soit expressément indiqué que les accords de branche visés par l'article 6 ne pourront déroger au code du travail que dans un sens plus favorable aux salariés.
Chacun l'aura compris, il s'agit de prendre à contre-pied la logique profonde de ce texte, que nous dénonçons depuis le début de la discussion. Nous refusons que soit ouverte la brèche qui permettrait de fouler aux pieds les acquis résultant de décennies d'action et de luttes.
Selon que vous voterez pour ou contre cet amendement, mes chers collègues, vous écarterez ou vous accepterez la possibilité de reculs sociaux majeurs.
La notion de négociation collective est pour nous synonyme de progrès. C'est l'atout de la solidarité contre l'individualisme.
La loi du 25 mars 1919 fut la première à concrétiser dans les textes une pratique gagnée dans certaines industries comme le livre, les mines, le textile, le bâtiment ou les ports.
Mais c'est en 1936 qu'un grand pas est accompli, avec l'obligation de conclusion par les syndicats les plus représentatifs instituée par la loi du 25 mars.
Selon M. Verdier, professeur émérite, cette loi « entraînera un développement prodigieux des conventions collectives ».
En 1946, c'est l'inscription dans le préambule de la Constitution du principe de la négociation collective.
De 1950 jusqu'à nos jours, en passant par les lois de 1971 et 1982, le progrès social a été étroitement lié aux principes de négociation collective et de représentativité syndicale.
A ce propos, je me permettrai de faire observer à M. Fourcade que, lorsqu'il a évoqué les délégués syndicaux et les lois Auroux, il a commis une erreur.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Oui, c'est vrai !
M. Louis Souvet, rapporteur. C'était la loi de 1968 !
M. Claude Billard. En effet, les délégués syndicaux datent non de 1982 mais de la loi du 27 décembre 1968. C'est celle-ci qui a établi pour la première fois dans notre législation sociale la reconnaissance de fait de l'organisation syndicale dans l'entreprise et, par là même, donné une valeur législative à l'existence de délégués syndicaux.
L'objectif de cet article 6 est clair : il s'agit de rompre avec le droit existant en provoquant l'isolement du salarié face au chef d'entreprise.
Notre collègue de la majorité sénatoriale M. Bernard Seillier ne cache d'ailleurs pas cette volonté, affirmant lors de l'examen du rapport en commission : « L'article constitue une révolution culturelle. Il ne s'agit pas de déréglementer, mais de confier aux partenaires sociaux l'élaboration de leur propre régime de protection. » Que faites-vous, mesdames, messieurs de la majorité, du chantage à l'emploi que subissent les salariés par ces temps de crise ?
Cette phrase de M. Bernard Seillier relève d'un cynisme froid ! (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean Chérioux. C'est du réalisme !
M. Claude Billard. Elle traduit la volonté du pouvoir de s'appuyer sur la crise effroyable qui frappe notre pays pour abattre des pans entiers de ce qui reste de la législation du travail.
Nous vous proposons d'adopter notre amendement afin de garantir la protection des droits des salariés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 86 et 85 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement se prononce également contre ces deux amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 86, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 85, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 87, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, au début du second alinéa du paragraphe I de l'article 6, après les mots : « ces accords » d'insérer les mots : « étendus après consultation de la Commission nationale de la convention collective ; »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement prévoit que les accords conclus à titre expérimental en vertu de l'accord du 31 octobre 1995 relatif aux négociations seront étendus après consultation de la commission nationale de la convention collective.
Ce n'est pas que nous acceptions la logique et les modalités de l'article, mais puisque le Sénat, en repoussant notre amendement de suppression de l'article 6, a refusé de nous suivre, nous proposons, par cet amendement, d'introduire un garde-fou qui permettait de réduire en grande partie les dangers que recèle à nos yeux le projet de loi.
En effet, la procédure d'extension offre une garantie quant à la légalité des accords et du déroulement de la négociation. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'y revenir au cours du débat.
Faute d'un tel garde-fou on risque d'aboutir à la situation que l'intersyndicale des inspecteurs du travail redoute de voir advenir : n'importe qui signant n'importe quoi.
Ainsi, qui empêchera que soient conclus des accords d'entreprise parfaitement illégaux, prévoyant, par exemple, que l'on ne puisse pas embaucher une femme enceinte ? Il ne s'agit pas d'un cas d'école : un tel fait a été observé dans les métiers du spectacle !
On risque, faute de vérification de légalité, une explosion des contentieux et un engorgement des prud'hommes.
Notre amendement, s'il était adopté, permettrait de limiter une telle dérive.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 87, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 88, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, au début du second alinéa du paragraphe I de l'article 6, après les mots : « Ces accords », d'insérer les mots : « qui ne pourront bénéficier des dispositions prévues au troisième, quatrième et cinquième alinéa de l'alinéa L. 212-5 du code du travail ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 42 de la loi quinquennale pour l'emploi stipule qu'une convention ou un accord collectif étendu, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement pourra prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires et des majorations afférentes par un repos compensateur équivalent.
Ainsi, les accords acceptés par une organisation syndicale « complaisante » peuvent priver les salariés de la juste rémunération de leur travail et la remplacer par du repos que le salarié sera tenu de prendre lorsque l'entreprise connaîtra une baisse conjoncturelle d'activité.
La rémunération du salarié est donc reportée à une date ultérieure non précisée, puis tout simplement réduite à un simple crédit-repos.
Le patron fait, de cette manière, une économie vraiment substantielle : cela ne lui coûte absolument rien ! C'est du travail totalement gratuit ! Karl Marx n'osait même pas l'imaginer quand il incluait dans le coût du travail la rétribution de la capacité de renouvellement de la force de travail des salariés.
Dès lors, on comprend, d'une part, le manque d'empressement des syndicats à conclure des accords aussi défavorables aux salariés et, d'autre part, la volonté du Gouvernement et de sa majorité de faire sauter, grâce au présent projet de loi, le verrou syndical mis à ces accords, préjudiciables aux salariés.
Notre amendement n° 88 tend donc à empêcher que des accords collectifs téléguidés par le patronat puissent être conclus en matière de rémunération sous le régime du texte qui nous est soumis.
En l'état, cet article introduirait une injustice supplémentaire pour les salariés concernés, et l'affaiblissement du pouvoir d'achat que cela implique accroîtrait de toute évidence la crise des débouchés que nos entreprises connaissent aujourd'hui.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable parce que cet amendement est beaucoup trop restrictif et contraire à l'accord négocié. Ce sont des accords de branche qui, le cas échéant, fixeront les limites.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Pour les mêmes raisons, monsieur le président, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 88, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 89, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second alinéa du paragraphe I de l'article 6, de remplacer la date : « 1998 » par la date : « 1997 ».
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Nous proposons que les accords de branche soient négociés et conclus non pas avant le 31 octobre 1998, mais avant le 31 octobre 1997.
En effet, ce dispositif est expérimental et doit, de ce fait, être conduit avec la plus grande prudence, d'autant que, comme le soulignait le représentant du CNPF lors de son audition devant la commission des affaires sociales l'objectif reste la modification progressive des conditions du dialogue social.
Autrement dit, il s'agit, par l'intermédiaire d'un texte à caractère expérimental, d'autoriser provisoirement, mais avec un objectif de généralisation, le démantèlement du code du travail en matière de négociations collectives.
Le texte actuel du second alinéa de l'article 6 précise que les accords de branche doivent être négociés et conclus avant le 31 octobre 1998 pour une durée ne pouvant excéder trois ans. Cela signifie que de tels accords pourront perdurer jusqu'en 2001.
L'expérimentation prend ainsi un caractère persistant puisque les accords interprofessionnels signés en 1995 prévoyaient un « galop d'essai » de trois ans et que nous instituons aujourd'hui une période d'expérimentation allant de 1995, date de signature des accords interprofessionnels, à 2001, dans l'hypothèse où certains d'entre eux pourraient être conclus en 1998.
L'imprécision de cet article quant à la durée de l'expérimentation autorisée sera inévitablement source de contentieux.
Qu'en serait-il des accords conclus pour une durée de trois ans en 1998, par exemple, si le Gouvernement et le Parlement mettaient un terme à cette expérimentation, après s'être rendus compte du caractère éminemment néfaste de leur contenu eu égard à la nécessaire résolution du problème de la représentation et de la négociation dans les entreprises ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement est contraire à l'accord, qui fixe une durée d'expérimentation beaucoup plus longue. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Une fois de plus, le Gouvernement s'incline devant les raisonnements imparables du rapporteur et émet donc un avis défavorable sur cet amendement. (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 89, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 90, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le second alinéa du paragraphe I de l'article 6, après les mots : « pour une durée ne pouvant excéder trois ans », d'insérer les mots : « et venant à expiration à cette date ».
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement, comme le précédent, vise à encadrer strictement la durée pendant laquelle pourront être appliqués les accords de branche mis en place par l'article 6.
Etant donné le caractère expérimental du texte, il est indispensable que les accords de branche qui seront conclus prennent fin à la même date.
Le Gouvernement remettant à la fin de l'année 1998 un rapport au Parlement sur l'application de l'article 6 du présent projet de loi, il serait bien plus cohérent que la phase d'expérimentation prenne également fin en 1998 puisque c'est à partir de ce rapport que sera décidée l'éventuelle généralisation des accords de branche dérogatoires.
L'absence de clarté du Gouvernement sur ce point est d'ailleurs significative d'une pratique contestable mais de plus en plus courante et qui vise, sous couvert d'expérimentation, à mettre en place des dispositifs pour le moins controversés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement est contraire à l'accord et la commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 90, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 91, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le second alinéa du paragraphe I de l'article 6, d'ajouter un alinéa ainsi rédigé :
« Ces accords ne pourront être conclus valablement que s'ils sont précédés de clauses satisfaisant en totalité aux alinéas du paragraphe 2-1 de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 relatif aux négociations collectives. »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'accord du 31 octobre 1995 sur la politique contractuelle vise à favoriser le dialogue social, en particulier dans les petites entreprises ne disposant pas de représentation syndicale, qui sont, il faut le souligner, les plus nombreuses.
Il se propose, comme l'indique le rapport de M. Souvet, de relancer le dialogue social sur la base de trois thèmes de négociation.
Il s'agit tout d'abord de la reconnaissance réciproque des interlocuteurs syndicaux et patronaux, notamment par la formulation de garanties sur le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales.
Il s'agit ensuite de la recherche des conditions d'une amélioration de la représentation du personnel dans les entreprises.
Il s'agit enfin du développement de la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, soit plus de la moitié des entreprises.
Le paragraphe 2-1 de l'accord porte sur le premier point et incite les négociateurs de branche « à définir un certain nombre "d'actions positives" destinées à donner une traduction concrète au principe, posé par le code du travail, de non-discrimination en raison de l'exercice d'activités syndicales ».
Vient ensuite l'énumération de différents thèmes de réflexion allant dans cette direction.
Cet accord, dont le principal artisan, côté syndical, paraît être la CFDT, est présenté comme un accord « équilibré ». Si, comme vous l'avez maintenant compris, nous pensons qu'il est davantage porteur de régressions sociales que d'avancées pour le monde du travail, il semble à tout le moins nécessaire de faire respecter les quelques dispositions allant dans le sens des intérêts des salariés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit ici de l'exercice des responsabilités syndicales. Cet amendement n° 91 étant contraire à l'accord du 31 octobre 1995, il n'a pas reçu l'avis favorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 91, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 92, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le second alinéa du paragraphe I de l'article 6, d'ajouter un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, les salariés bénéficient d'une heure mensuelle d'information syndicale organisée par un représentant mandaté d'une organisation syndicale représentative sur le plan national. Cette réunion a lieu dans un local approprié dans l'enceinte de l'entreprise ou dans un local mis à disposition par l'entreprise. Le temps de réunion est de plein droit considéré comme temps travaillé effectif. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Cet amendement prévoit de faire bénéficier d'une heure mensuelle d'information syndicale les salariés travaillant dans des entreprises dépourvues de délégué syndical.
L'insuffisante représentation des salariés dans les petites et moyennes entreprises a été rappelée à de multiples reprises par les députés lors du débat à l'Assemblée nationale.
Si le Gouvernement a lui aussi reconnu la nécessité de combattre cet état des choses, il n'apporte, hélas ! aucun remède.
Dans un contexte de crise de l'emploi, les salariés, en particulier ceux des petites entreprises, ne se sentent ni suffisamment forts ni assez bien protégés pour faire entendre leur voix face à leur employeur. Ils manquent pour cela cruellement d'information sur leurs droits.
Dans ces conditions, aucun dialogue social n'est possible, car un dialogue, c'est-à-dire un libre échange de points de vue, ne peut avoir lieu que si les interlocuteurs se situent sur un plan d'égalité. Dans le cas inverse, celui que connaissent de nombreux salariés, le dialogue se transforme tout simplement en ordre.
Pour encourager les salariés des petites entreprises à s'exprimer, il faut, d'une part, leur permettre d'affirmer leur point de vue et leurs revendications sans crainte, d'autre part, leur faire connaître le droit du travail et, plus encore, leurs droits.
Il s'agit là d'une question essentielle pour l'existence de la démocratie dans les entreprises. Pourtant, aucune mention n'est faite dans le présent article 6 d'un quelconque droit à l'information des salariés.
C'est pourquoi nous vous invitons à adopter cet amendement, qui crée un nouveau droit pour les salariés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 92 a reçu un avis défavorable de la commission. Il existe déjà un droit à l'information pour les délégués et les représentants des salariés, conformément aux articles L. 451-1 et suivants du code du travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 92, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amdement n° 93, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le second alinéa du paragraphe I de l'article 6, d'ajouter un alinéa ainsi rédigé :
« Tout accord conclu ne pourra entrer en vigueur qu'après un arrêté d'extension. Cet arrêté ne sera pris que si figurent dans l'accord des dispositions précises pour la mise en oeuvre du paragraphe 2-1 de l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995 et des dispositions accordant à chaque salarié occupé dans l'enceinte de l'entreprise des droits en matière d'information syndicale. »
La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Notre amendement a pour finalité de conditionner l'entrée en vigueur des accords conclus à leur extension. En effet, l'arrêté d'extension ne peut être pris que si et dans la mesure où ces accords contiennent les dispositions propres à respecter et à mettre en oeuvre le paragraphe 2-1 de l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995 ainsi que les dispositions accordant des droits en matière d'information syndicale dans l'entreprise.
Nous avons à coeur de faire en sorte que la procédure d'extension soit utilisée, car c'est un mécanisme destiné à garantir que l'accord soit conforme aux dispositions législatives existantes.
Cette procédure entraîne de plus, et nécessairement, la consultation de la commission nationale de la convention collective, qui est composée, je vous le rappelle, du ministre chargé du travail ou son représentant, du ministre chargé de l'agriculture ou son représentant, du ministre chargé de l'économie ou son représentant, du président de la section sociale du Conseil d'Etat ainsi que des représentants des organisations syndicales de salariés les plus représentatives à l'échelon national.
Ainsi, les accords de branche, s'ils étaient soumis à cette procédure d'extension, bénéficieraient à la fois d'une certaine publicité, ce qui ne saurait être préjudiciable aux salariés, et seraient contrôlés par les acteurs de la vie économique et sociale de notre pays.
Concernant le second point de notre amendement, et afin de ne pas être trop long, je vous invite à lire de nouveau le paragraphe 2-1 de l'accord que le projet de loi souhaite légaliser.
Certains de la volonté de la Haute Assemblée de contribuer véritablement à la relance du dialogue social ou à sa création, et convaincus, pour notre part, qu'il ne saurait se développer sans le « socle », pour reprendre l'expression du président de la commission, constitué par notre code du travail, nous vous proposons l'adoption de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement n° 93, qui traite de la procédure d'extension, est contraire à l'accord, tout comme les amendements n°s 84 et 87. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 93, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 94, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le second alinéa du paragraphe I de l'article 6, d'ajouter deux alinéas ainsi rédigés :
« Il appartient à l'employeur d'afficher dans chaque établissement, de manière lisible, sur des panneaux aisément accessibles aux salariés, dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l'embauchage, les adresses et numéros de téléphone des unions départementales et locales des organisations syndicales représentatives sur le plan national.
« Sera punie de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe toute infraction à cette disposition. »
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Il est aujourd'hui établi que la reconnaissance du fait syndical dans l'entreprise est l'objet de tant de controverses et d'entraves que l'on doit constater trop souvent une carence de la représentation des salariés dans les entreprises de droit privé.
Cette difficulté à faire admettre le fait syndical dans sa réalité et dans son originalité, dans ce qu'il peut apporter à la mise en oeuvre du nécessaire dialogue social est, pour ainsi dire, à l'origine des principes définis par l'article 6 du présent projet de loi.
On a un peu l'impression, dans les faits, que l'on nous appelle à accepter un statu quo, une situation donnée qui fait que, soixante ans après les accords de Matignon, cinquante ans après la naissance des comités d'entreprise, près de trente ans après la reconnaissance de la section syndicale dans l'entreprise dans le cadre des accords de Grenelle, il demeure dans notre pays des entreprises où il est quasiment interdit d'adhérer à une organisation syndicale confédérée et a fortiori de contribuer - quelle que soit cette organisation, d'ailleurs - à son existence et à son développement dans le cadre de l'entreprise où l'on exerce une activité rémunérée.
On nous appelle aujourd'hui à remettre en cause la représentativité syndicale, en arguant notamment des limites actuellement posées au développement de la négociation collective, limites dont il convient de rappeler qu'elles procèdent fondamentalement de la dénonciation régulière des garanties collectives accordées aux salariés dans le cadre des conventions collectives par les employeurs.
On donne un peu artificiellement une forme de compétence et de qualité aux représentants du personnel non élus ou élus sur des listes non syndicales en leur permettant, sans doute à de nombreuses reprises à leur corps défendant - l'isolement de ces élus n'étant pas le meilleur moyen pour leur permettre d'appréhender l'ensemble des tenants et aboutissants d'un accord collectif - d'être partie prenante dans la discussion d'accords.
Mais il importe, à défaut de pouvoir faire immédiatement reconnaître le fait syndical dans toutes les entreprises où il devrait être reconnu et où ce n'est pas le cas, de permettre aux salariés d'être pleinement informés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Le Gouvernement est, de même, défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 94, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 95, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le second alinéa du paragraphe I de l'article 6, d'ajouter un alinéa ainsi rédigé :
« L'article 39 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle est abrogé. »
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Par notre amendement n° 95, nous proposons l'abrogation de l'article 39 de la loi quinquennale pour l'emploi.
M. Jean Chérioux. Cela n'a rien à voir !
Mme Michelle Demessine. Ce n'est pas la première fois que nous demandons cette abrogation ; nous avions voté contre cet article 39 en 1993 et nous nous étions exprimés contre l'aggravation et la pérennisation de ce dispositif à l'occasion de la discussion, aux mois de février et de mai derniers, d'une proposition de loi allant dans ce sens.
Il nous semble, en effet, que l'addition du texte dont nous discutons et de cet article 39 serait très préjudiciable aux intérêts des salariés.
Je rappelle que, dans sa nouvelle rédaction, l'article 39 permet d'encourager financièrement les accords collectifs impliquant une annualisation du temps de travail subordonnée à sa réduction, accompagnée de quelques créations d'emplois.
Bien évidemment, nous sommes favorables tout à la fois à une réduction de la durée hebdomadaire du temps de travail et à la création d'emplois, mais pas à n'importe quel prix.
Nous pensons que c'est une exigence économique et sociale de notre temps, qui devrait être reconnue comme un droit nouveau pour les salariés, et non comme la simple contrepartie d'un marchandage coûteux pour le contribuable et reposant sur une annualisation du temps de travail qui permet au patronat de diminuer la rémunération des salariés et de les rendre corvéables à merci.
Tout cela reflète le timide état d'esprit de la majorité et du Gouvernement qu'elle soutient en matière de réduction du temps de travail.
Avec cet article 39, même modifié, vous avez réussi à faire d'une grande idée, d'une légitime aspiration des salariés, une véritable aubaine pour le patronat, qui peut, lorsque ce genre d'accord est conclu, compter sans contrôle ni véritable limite sur un apport financier disproportionné eu égard à l'effort qu'il a accompli.
Par notre amendement n° 95, nous voulons donc, d'une part, ne pas permettre l'extension du dispositif de cet article 39 aux entreprises dépourvues de représentation syndicale et, d'autre part, en abroger les dispositions pour les entreprises où elles s'appliquent.
Pour les remplacer, nous suggérons au Gouvernement de bien vouloir faire inscrire à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée notre proposition de loi tendant à abaisser la durée hebdomadaire du temps de travail à trente-cinq heures, sans réduction de salaire, qui est seule susceptible d'alléger la peine des salariés, de leur permettre de gagner du temps pour leurs loisirs et leur vie familiale et de créer des emplois nouveaux et durables, sans que le contribuable soit encore une fois mis financièrement à contribution.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable dans la mesure où, à l'évidence, cet amendement n'a pas de rapport avec l'objet du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?....
Je mets aux voix l'amendement n° 95, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des dispositions du paragraphe I de l'article 6.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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