M. le président. M. René Rouquet attire l'attention de M. le Premier ministre sur la situation hautement préoccupante du groupe scolaire Marie-Curie de Nogent-sur-Marne, construit sur le site contaminé d'une ancienne usine de radium et dont l'existence d'un taux anormalement élevé de radioactivité dans le sol, supérieur aux recommandations européennes, pose un grave problème de santé publique pour de nombreux riverains et écoliers.
Il lui demande, en conséquence, quelle mesure il compte prendre pour que toute la lumière soit faite sur cette question et qu'une solution véritablement satisfaisante puisse enfin répondre aux légitimes inquiétudes de nombreux concitoyens. (N° 405.)
La parole est à M. Rouquet. M. René Rouquet. A l'heure où l'examen du projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie vient d'éclairer le Parlement sur les conséquences avérées de la pollution sur la santé publique, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la sitaution hautement préoccupante de l'école Marie-Curie de Nogent-sur-Marne, érigée en 1969 sur le site d'une ancienne usine d'extraction de radium.
La construction de ce groupe scolaire s'est faite sans tenir compte des recommandations du service central de protection contre les rayonnements ionisants qui avait préconisé, à l'époque, l'enlèvement des déchets radioactifs et la décontamination en profondeur du terrain.
Or des analyses effectuées dans le sol et dans les locaux de l'école par l'Institut de protection et de sûreté nucléaire et l'Office de protection contre les rayonnements ionisants ont révélé l'existence d'un taux anormalement élevé de radioactivité, due au radon, gaz cancérigène.
Ces études ont provoqué les plus vives inquiétudes de nombreux parents d'élèves, qui ont obtenu la fermeture immédiate de l'école, durant laquelle la municipalité a consenti à y effectuer des travaux afin d'abaisser la radioactivité due au radon.
Mais le radon n'est pas le seul foyer de radioactivité. Des « particules chaudes », extrêmement actives et dangereuses, subsistent sur le site, comme l'ont d'ailleurs révélé les prélèvements effectués par la commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité et comme l'a confirmé un rapport de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, réclamant « une surveillance continue des niveaux de radon dans les classes ».
Face au statu quo observé durant de trop nombreuses années, les parents d'élèves et leurs organisations représentatives, soutenus par des élus du conseil municipal de Nogent-sur-Marne, ne cessent d'alerter l'opinion, par voie de presse, sur les risques qui continuent de peser sur la santé publique, révélant, par exemple, qu'un enfant ayant suivi un cycle complet en maternelle et en primaire subirait l'équivalent de cent soixante-dix radios des poumons, soit une radio toutes les deux semaines et demie !
Alors que cette école, qui n'aurait sans doute jamais dû exister, vient pourtant de réouvrir en mai dernier, de tels chiffres semblent prouver, quel que soit le niveau du risque évalué scientifiquement, qu'un danger existe, marquant désormais de manière inéluctable cet établissement du sceau de la radioactivité.
Dans ces conditions, il est particulièrement tragique d'obliger un père ou une mère à maintenir son enfant sur ce site et à vivre en permanence dans le doute.
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite que toute la lumière soit faite sur ce dossier, qui n'a sans doute pas bénéficié, jusqu'à présent, du sérieux et de la transparence dont il aurait dû faire l'objet, et dont l'ampleur dépasse, à l'évidence, les seules responsabilités communales.
L'Etat restant le garant de la santé des populations, il me paraît être du devoir des plus hautes instances nationales de répondre aux légitimes inquiétudes de la population, dont je me fais aujourd'hui le porte-parole, en garantissant désormais la santé des enfants et en statuant, sans plus tarder, sur l'avenir de cet établissement.
En l'occurrence, monsieur le ministre, l'Etat s'honorerait de désaffecter au plus tôt l'école Marie-Curie de tout usage scolaire ou public, et de dégager les moyens qui permettent sa reconstruction sur un autre site.
M. le président. Je demande aux intervenants d'être le plus brefs possible. Vingt-trois questions sont inscrites à l'ordre du jour et vous avez largement dépassé votre temps de parole, monsieur Rouquet.
La parole et à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, les écoles primaires relèvent de la responsabilité des communes et la sécurité de la responsabilité du préfet. Le sujet que vous évoquez ne relève donc pas de la responsabilité directe du ministre de l'éducation nationale. Cependant, il est clair que tout problème de sécurité nécessite une intervention des responsables, quel que soit leur degré de responsabilité ou leur compétence.
La situation de cette école est connue dans ses grandes lignes. Elle fut construite sur le site d'une ancienne usine qui traitait de l'uranium pour en extraire notamment du radium, du polonium et de l'actinium, soit différentes substances radioactives. A la fin des années quatre-vingt, fut mise en place une dalle de béton censée empêcher les rayonnements. Puis furent découvertes des émanations probables de gaz radioactif à cet endroit. Ensuite, selon des prescriptions de contamination et après consultation des familles, un certain nombre d'opérations de traitement furent menées durant la fermeture de l'école. Sa réouverture n'est intervenue qu'après que des mesures eurent démontré que les rayonnements n'étaient, semble-t-il, plus dangereux : ils étaient inférieurs de deux fois et demie aux maxima européens, donc très en deçà.
Cela dit, monsieur le sénateur, je suis complètement d'accord avec vous, et j'ai précisément mis en place l'instrument qui permet de traiter de manière totalement objective ce genre de problème.
Je suis donc tout à fait favorable à un examen du dossier de l'école Marie-Curie par l'Observatoire de la sécurité des établissements scolaires, présidé par M. Schléret, avec le concours de toutes les instances, des acteurs de l'école et des organisations syndicales, de manière à lever toutes inquiétudes.
Je suis également favorable à la conduite d'une enquête objective avec les garanties nécessaires, afin de rassurer les familles ou de prendre toutes les dispositions utiles.
Par conséquent, c'est très volontiers que je transmettrai ce dossier, pour que puissent être rassemblés tous les éléments susceptibles de tranquilliser ceux qui sont scolarisés dans cette école.
M. René Rouquet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais les parents d'élèves, les enseignants et les gens du quartier attendent une décision de fermeture dès maintenant. Il n'est pas possible de laisser subsister un climat de suspicion et d'angoisse chez les enfants, les familles, les riverains du site !
S'agissant de la protection en matière de radioactivité, la règle d'or consiste à ne jamais exposer inutilement quiconque à des rayonnements ionisants susceptibles de conduire à certaines déformations congénitales mais aussi à l'apparition de cancers de la thyroïde ou de formes de leucémie.
Monsieur le ministre, aujourd'hui, je m'adressais non pas au ministre de l'éducation nationale mais au représentant du Gouvernement. Ce dernier doit trouver des solutions, de façon que les parents puissent conduire leurs enfants à l'école sans éprouver aucun doute quant à la sécurité.
Ce dossier n'a pas fait l'objet de la transparence nécessaire, qui aurait permis de rassurer les parents. Voilà vingt-sept ans que l'école a été construite ! Aujourd'hui, il faut prendre une décision ! Hier encore, une réunion du conseil municipal a eu lieu. Aucune explication n'est donnée aux parents !
Vous venez de me dire, monsieur le ministre, que vous alliez transmettre ce dossier.
M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur Rouquet.
M. René Rouquet. Je conclus, monsieur le président.
Il s'agit d'une information importante. Même le maire de Nogent-sur-Marne n'est pas au courant ! Le flou qui entoure aujourd'hui ce dossier ne permet pas de rassurer les parents.
Evidemment, ceux qui en ont les moyens mettront leurs enfants dans des écoles privées ou essayeront de trouver des solutions dans les villes voisines. Mais les autres seront obligés de conduire leurs enfants dès l'année prochaine dans une école qu'ils jugent dangereuse, parce qu'ils n'ont pas les éléments pour discuter. J'ajoute que la concertation que vous demandez n'a pas eu lieu.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je ne veux pas être cruel ou polémique avec vous. Vous venez de dire que la situation que vous dénoncez durait depuis vingt-sept ans. Que ne vous en êtes-vous inquiété plus tôt ?
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les écoles primaires relèvent, je le répète, non pas de la responsabilité du ministère mais de celle des autorités locales.
M. René Rouquet. M. Nungesser, qui est maire depuis des années, aurait pu s'en inquiéter !
M. François Bayrou, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il me paraît très important d'avoir un regard indépendant, afin d'éviter toute utilisation polémique d'un côté ou de l'autre, et tout emploi d'éléments biaisés. Il faut que tout le monde puisse être tranquillisé. J'imagine que le préfet du département n'aurait pas accepté la réouverture de l'école s'il n'avait pas été complètement rassuré. Je vous rappelle que l'école a été fermée pendant plusieurs mois pour travaux.
En tout état de cause, je saisirai l'Observatoire de la sécurité des établissements scolaires, présidé par M. Schléret, dans les heures à venir, afin qu'il puisse rassembler tous les éléments objectifs et que les décisions nécessaires soient prises par les autorités compétentes, c'est-à-dire le maire ou le préfet, le plus rapidement possible.

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