M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Hamel, pour explication de vote.
M. Emmanuel Hamel. L'autisme est une épreuve pour ceux qui en sont atteints et pour leurs proches, leurs familles, leurs amis, une grande épreuve même. Notre collègue, M. Jacques Machet, dont la générosité est connue, exemplaire même, a rapporté avec conviction et talent la proposition de loi déjà adoptée par l'Assemblée nationale après les initiatives positives des députés MM. Jean-François Chossy et Laurent Fabius, dont nous nous souvenons tous qu'il fut Premier ministre.
Le groupe du Rassemblement pour la République, conscient des problèmes de la douleur, pour reprendre l'expression de M. de Villepin, votera cette proposition de loi tendant à améliorer la prise en charge de l'autisme, cet handicap qui appelle une politique de soutien beaucoup plus active au niveau de la solidarité nationale, ainsi que vous en avez exprimé le souhait et tracé la voie, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Le groupe du RPR vous fait confiance pour l'application de ce texte, une application active, généreuse et dynamique.
M. Xavier de Villepin. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aucun des amendements du groupe communiste républicain et citoyen, et d'autres qui allaient dans le même sens, n'a été retenu par la Haute Assemblée.
Pourtant, ils tendaient à revenir à une rédaction plus proche de celle du texte de l'Assemblée nationale qui, je vous le rappelle, avait été adopté à l'unanimité.
Certes, je ne sous-estime pas le travail de notre rapporteur, mais je crains que le maintien d'une formule comme « eu égard aux moyens disponibles » en matière de prise en charge ne réduise gravement, malheureusement comme nous l'avons dit abondamment, la portée de ce texte.
Je regrette également la nouvelle formulation de l'article 2, qui risque à mon sens de nuire à l'efficacité de la prise en charge pluridisciplinaire.
Nous espérons que la deuxième lecture qui aura lieu à l'Assemblée nationale permettra de revenir sur ces points.
Je voudrais, par ailleurs, insister sur le rôle de l'Etat, notamment en matière de coordination et de moyens financiers, mais aussi en matière de recherche. A cet égard, j'ai écouté avec intérêt les propos de M. le secrétaire d'Etat et j'espère qu'ils seront suivis d'effet.
C'est pourquoi, malgré ses réserves, le groupe communiste républicain et citoyen votera en faveur de cette proposition de loi tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme.
Des parents d'enfants autistes nous ont déclaré, peu avant le débat, que, malgré toutes les insuffisances du texte, le moment du vote sera pour eux et pour les enfants un moment historique.
Face à une telle attente et aux espoirs créés par cette proposition de loi, nous prendrons pleinement nos responsabilités en votant ce texte. Nous le devons, en particulier, à ces parents qui se battent dans des situations difficiles pour assurer un avenir à leurs enfants.
Permettez-moi, à l'occasion de ce débat, de vous faire part d'une expérience émouvante. Des musiciens de l'Orchestre national de Lille, dont notre collègue Ivan Renar est le président, faisaient l'autre jour ce que l'on appelle une « animation musicale » au service pédiatrie de l'hôpital de Lens. Un enfant autiste qui ne communiquait plus depuis des mois et des mois, entendant le violon solo interpréter des mesures d'une valse de Strauss, se mit à sourire et à battre des mains au milieu des larmes d'émotion que vous pouvez deviner du personnel médical de service, des musiciens et du chef d'orchestre, Jean-Claude Casadesus.
Est-il utopique de rêver que des moyens de toutes sortes soient mis en oeuvre pour que se multiplie et se généralise ce genre d'expérience ?
C'est vrai, il n'y a pas de miracle ! Mais il est vrai aussi que, dans la sensibilité artistique, dans l'affection, il y a des voies qu'il faut explorer.
Nous connaissons des centaines d'artistes qui y sont prêts.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. La discussion générale avait vu se dégager un large consensus en faveur de cette proposition de loi. En effet, comment ne pas approuver un texte qui répond à un triple objectif ?
Le premier était de faire sauter définitivement un verrou afin que des malades atteints d'autisme puissent désormais entrer dans des institutions. Ils ne pouvaient le faire jusqu'à maintenant, sous prétexte que leur syndrome - puisqu'il faut employer ce terme étant entouré d'imprécision -, et donc pas bien défini, ils ne pouvaient pas être considérés comme des handicapés. Nous adhérons totalement à ce premier objectif, qui, selon nous, est atteint avec ce texte.
Le deuxième objectif était de consacrer l'approche pluridisciplinaire de la prise en charge.
Le troisième objectif obligeait les collectivités responsables à intégrer cette nouvelle donne dans les budgets et dans les schémas départementaux de prise en charge des autistes.
Il restait à affiner le texte, à tenter de l'améliorer.
Je dois avouer que la discussion des articles a quelque peu entamé mon enthousiasme et me laisse perplexe.
En effet, s'agissant, tout d'abord, de l'approche pluridisciplinaire, nous avons proposé, pour l'article 2, une nouvelle rédaction qui levait toute ambiguïté dans la mesure où elle imposait quasiment, dans le cadre d'une prise en charge, une démarche pluridisciplinaire.
Je persiste à considérer que la rédaction actuelle de l'article 2 permet de choisir telle ou telle approche, sans rendre nécessaire une imbrication complète de toutes les composantes de la prise en charge. C'est ma première réserve.
Ma seconde réserve concerne, bien sûr, les moyens. Je répète que la formule : « eu égard aux moyens disponibles » offre à tous les financeurs potentiels une sorte de porte de sortie. Ils pourront toujours objecter le manque de moyens.
En incluant ces mots, on relativise considérablement la portée du texte. Il me semble que le législateur ne s'honore pas en procédant ainsi.
D'ailleurs, je vous laisse imaginer les dérives auxquelles pourrait donner lieu le recours à cette expression : « eu égard aux moyens disponibles ». Ainsi, à l'approche d'une élection, un gouvernement pourrait faire approuver par sa majorité des dispositions généreuses, relatives à la prise en charge des personnes âgées, par exemple, mais en les assortissant de cette restriction. Une fois l'élection passée, il serait toujours possible de dire : « Pour le moment, ce n'est pas possible, car les moyens sont insuffisants. »
Malgré tout, le groupe socialiste a perçu une volonté à travers les prises de position des uns et des autres. De surcroît, il est très sensible à l'attente des professionnels et des parents. C'est pourquoi il votera cette proposition de loi. Mais il restera extrêmement vigilant quant à son application.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Cette proposition de loi représente un réel progrès : pour la première fois, un texte reconnaît clairement que les conséquences du syndrome autistique constituent un handicap. C'est capital, car cela permet la prise en charge des enfants et des adultes concernés au titre de la loi de 1975.
Ce texte affirme, par ailleurs, la nécessité d'une prise en charge pluridisciplinaire, et c'est également fondamental.
Comme Mme Dieulangard, j'éprouve cependant des regrets et des craintes devant la limitation des moyens financiers.
En revanche, je suis satisfaite de l'apport de la commission concernant le rapport qui devra être élaboré en l'an 2000. Je souhaiterais, en espérant que l'Assemblée nationale conservera cette disposition, qu'il soit bien précisé que ce rapport devra présenter un bilan de la prise en charge des autistes, département par département, entre aujourd'hui et l'an 2000, de manière à faire apparaître clairement les évolutions.
Le groupe du RDSE, dans ses deux composantes, votera ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.)
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. S'agissant d'une proposition de loi, c'est-à-dire d'un texte d'origine parlementaire, il peut paraître singulier que celui qui représente le Gouvernement souhaite prendre la parole à l'issue du vote sur l'ensemble. Aussi bien, si vous le permettez, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, est-ce plus l'homme que le secrétaire d'Etat qui s'exprimera en cet instant.
Je n'oublierai jamais le jour où, voilà trois ans, à Grésy-sur-Isère, un chef-lieu de canton de ma circonscription, alors que je tenais ma permanence de député, le petit Nathanaël est venu me voir avec sa maman. C'est avec une émotion toute particulière que je pense à lui en cet instant parce que je considère que ce qui a été fait ici aujourd'hui est de la bonne législation.
Au-delà des contraintes de la vie publique, qui m'imposaient d'exprimer ici le point de vue du Gouvernement, j'ai éprouvé un vif bonheur à participer à ce débat et à constater le vote unanime du Sénat. (Applaudissements.)

6