M. le président. Par amendement n° 93, MM. Billard, Leyzour, Minetti, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer la seconde phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 33-2 du code des postes et télécommunications.
La parole est à M. Leyzour.
M. Félix Leyzour. Avec cet amendement, que nous soumettons à la réflexion de la Haute Assemblée, nous proposons de ne pas retenir la possibilité d'obtenir l'autorisation d'établir des réseaux indépendants sans décision expresse de l'autorité chargée de l'accorder. L'écoulement d'un délai de deux mois à compter de la demande ne doit pas valoir autorisation tacite.
Le premier alinéa de l'article L. 32-2 prévoit que ce n'est plus, comme dans le régime actuel, le ministre chargé des télécommunications qui délivrera l'autorisation, mais l'autorité de régulation des télécommunications.
Je ne reviendrai pas sur notre position concernant l'autorité de régulation. Nous nous sommes, je pense, largement exprimés sur ce point. Je rappelle toutefois que nous condamnons fermement le désengagement de l'Etat dans la décision d'autoriser l'établissement de réseaux indépendants.
En outre, comme l'indique M. Larcher, à la page 109 de son important rapport, « afin de renforcer la libéralisation du marché, le projet de loi prévoit, contrairement au cas de figure habituel où le silence de l'administration vaut décision de rejet, que le silence gardé pendant deux mois suivant une demande vaut autorisation ».
Nous voyons bien là l'intention réelle des auteurs de ce projet de loi, qui est de faciliter l'entrée de multiples opérateurs sur le marché des télécommunications au détriment du maintien d'un service public de qualité.
Nous ne saurions admettre une telle entorse à ce qui prévaut habituellement en droit administratif, d'autant moins qu'elle ne se justifie aucunement.
Le Gouvernement et la majorité tiennent absolument à donner tout pouvoir à une autorité de régulation indépendante dont les membres seront dégagés de toute responsabilité et de tout contrôle, mais subiront indéniablement la pression de certains lobbies comme ceux qui agissent pour les entreprises privées agissant dans ce secteur.
Au regard de la transparence et de la démocratie, un tel dispositif est proprement indéfendable.
Telle est la raison pour laquelle nous sommes certains que le Sénat va émettre un avis favorable sur l'amendement déposé par le groupe communiste républicain et citoyen, car il permettra sans doute d'étudier dans de meilleures conditions le cadre général de l'établissement et de l'exploitation des réseaux indépendants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je constate que M. Leyzour nous lit avec attention, mais je suis obligé de lui dire que la commission est défavorable à son amendement, parce qu'il alourdit les procédures.
La réflexion devrait sans doute être élargie s'agissant des rapports entre l'administration, les citoyens et les entreprises, afin d'éviter le syndrome huméro-cubital bien connu qui fait que des dossiers restent sous cette importante articulation pendant un délai qui excède, me semble-t-il, ce que l'on peut considérer comme un délai normal de réponse. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre délégué. Dans l'optique de la réforme de l'Etat, qui fait l'objet d'un débat depuis quelques semaines, M. le Premier ministre a souhaité que soient systématiquement supprimés les régimes d'autorisation, de manière à défendre le droit des usagers...
M. Gérard Larcher, rapporteur. Très bien !
M. François Fillon, ministre délégué. ... lorsqu'ils présentent telle ou telle demande à l'administration. En effet, il n'y a aucune raison que ceux-ci dépendent du bon vouloir d'un service administratif. (M. le rapporteur opine.)
Je ne vois pas de raison, s'agissant de ce texte, d'agir différemment. Il s'agit là, me semble-t-il, d'une évolution qui va dans le sens de la défense des droits des citoyens : l'administration doit répondre dans les délais et, quand elle ne le fait pas, c'est qu'elle donne son accord tacite à la demande qui lui a été adressée.
Si nous adoptons ce principe dans tous les domaines de notre organisation administrative, celle-ci connaîtra de véritables bouleversements.
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 93.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'avais pas déposé d'amendement sur cet article, son texte me paraissant suffisamment clair, précis et bienvenu, comme viennent de l'indiquer M. le rapporteur et M. le ministre.
Toutefois, l'amendement qui a été défendu à l'instant me donne l'occasion de demander quelques précisions, et vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, que je ne partage pas l'opinion de M. Leyzour. En effet, je crains que cette demande d'autorisation auprès de l'autorité de régulation des télécommunications ne soit trop contraignante pour ces réseaux indépendants et je souhaiterais, monsieur le ministre, obtenir quelques précisions sur l'état d'esprit dans lequel vous entendez traiter ce dossier.
Puisqu'il s'agit de confier à l'ART la responsabilité d'attribuer cette autorisation, je voudrais savoir si cette procédure ressemblera à ce qui se pratique dans des pays comparables à la France comme la Suède, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, où le même système que le nôtre a été adopté depuis déjà plusieurs années et où, pour les réseaux indépendants, l'autorisation était quasiment un acte déclaratif. Il n'y avait pas d'instruction particulière pour de tels dossiers.
Va-t-on, en France, dans cette direction ou, au contraire, va-t-on dans une direction nettement plus administrative et nettement plus contraignante, même si, effectivement, comme vous l'avez bien expliqué, l'absence de réponse au bout de deux mois vaut avis favorable, ce qui va déjà dans le bon sens ?
Serons-nous aussi libéraux et l'autorisation de l'ART se résumera-t-elle à un acte déclaratif pour les réseaux indépendants ?
M. François Fillon, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre délégué. Le régime d'autorisation des réseaux indépendants prévu dans cet article est bien un régime d'autorisation générale, avec approbation tacite. Il s'agit donc d'un système automatique dès lors que l'on remplit certaines conditions générales définies à l'avance, sauf dans le cas d'allocation de fréquences à l'opérateur.
M. Michel Pelchat. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 93, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 33-2 du code des postes et télécommunications.
M. Félix Leyzour. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 33-3 DU CODE
DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS