M. le président. « Art. 1er. - L'article L. 32 du code des postes et télécommunications est ainsi modifié :
« I. - Les 3°, 7° et 9° sont ainsi rédigés :
« 3° Réseau ouvert au public.
« On entend par réseau ouvert au public tout réseau de télécommunications établi ou utilisé pour la fourniture au public de services de télécommunications. » ;
« 7° Service téléphonique au public.
« On entend par service téléphonique au public l'exploitation commerciale pour le public du transfert direct de la voix en temps réel au départ et à destination de réseaux ouverts au public commutés, entre utilisateurs fixes ou mobiles. » ;
« 9° Interconnexion.
« On entend par interconnexion les prestations réciproques offertes par deux exploitants de réseaux ouverts au public qui permettent à l'ensemble des utilisateurs de communiquer librement entre eux, quels que soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les services qu'ils utilisent.
« On entend également par interconnexion les prestations d'accès au réseau offertes dans le même objet par un exploitant de réseau ouvert au public à un prestataire de service téléphonique au public. »
« II. - Après les mots : "équipements terminaux", la fin du deuxième alinéa du 12° est ainsi rédigée : ", la protection des données, la protection de l'environnement et la prise en compte des contraintes d'urbanisme et d'aménagement du territoire".
« III. - Il est ajouté un 15° ainsi rédigé :
« 15° Opérateur.
« On entend par opérateur toute personne physique ou morale exploitant un réseau de télécommunications ouvert au public ou fournissant au public un service de télécommunications. »
Sur l'article, la parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les temps changent. Le service public demeure et il évolue. C'est bien naturel !
C'est l'objet du projet de loi qui nous est soumis.
Entre une représentation devenue inactuelle des modalités de fonctionnement du service public et l'idéologie libérale à tout va, ce texte vise à concilier les intérêts des différentes catégories d'usagers, et ce de manière satisfaisante, bien que les situations soient multiples et les attentes souvent contradictoires, en combinant liberté d'entreprise et astreintes, dans un schéma qui traduit bien ce que peut être aujourd'hui l'intérêt général dans le domaine des télécommunications.
Les solutions apportées à ces problèmes sont conçues comme durables, sans quoi nous ne légiférerions pas, mais nous savons bien que le secteur est en pleine évolution, et même en pleine recomposition.
Les prochaines années seront marquées par la fusion de l'audiovisuel, de l'informatique et des télécommunications, sous l'influence des techniques numériques, qui permettent de traduire images et sons en données informatiques, de les stocker et de les transporter en quantité.
A terme, on doit s'attendre et se préparer à une utilisation indifférenciée des supports existants.
Depuis longtemps, les satellites de télécommunications sont utilisés à des fins de communication audiovisuelle, et voici que les opérateurs du câble vont pouvoir offrir à leurs abonnés des services de téléphonie vocale entre points fixes. Le moment viendra où les réseaux de télécommunications autorisés par le ministre chargé des télécommunications pourront proposer des services de communication audiovisuelle tels que la vidéo à la demande.
Le projet de loi que nous examinons repose largement sur cette séparation entre télécommunications et audiovisuel qui deviendra fictive à l'horizon de trois, cinq ou dix ans. Vous avez soigneusement préservé, monsieur le ministre, la délimitation du champ et du régime juridique respectifs des télécommunications et de la communication audiovisuelle opérée par la loi du 30 septembre 1986, comme si, devant les bouleversements difficiles à analyser, même par certains aspects, à prévoir, qui commencent pourtant à poindre, vous aviez retenu le souffle du législatif et de l'exécutif.
Or, quand les programmes de TF 1, de France 2 ou des bouquets de chaînes thématiques seront distribués sur le réseau téléphonique, qu'est-ce qui distinguera celui-ci des réseaux câblés ? Qu'est-ce qui justifiera d'appliquer, en matière d'autorisation d'établissement des réseaux, le régime juridique des télécommunications plutôt que celui de la communication audiovisuelle ?
Des questions graves se posent, en matière de contrôle des contenus particulièrement : les services de communication audiovisuelle actuellement diffusés sur le réseau téléphonique comme sur les réseaux de type Internet sont non pas contrôlés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel mais soumis au régime juridique de la télématique, qui est, disons, moins exigeant que le dispositif mis en place par la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication. Verra-t-on à terme un même service de communication audiovisuelle soumis à des régimes juridiques différents selon tel ou tel support exploité ?
D'ores et déjà se pose de façon aiguë le problème du contenu des services de communication audiovisuelle diffusée sur Internet. La faiblesse du régime actuel de la télématique a de très nombreuses implications en matière de promotion de la francophonie et de l'industrie française des contenus comme pour la préservation de certaines règles d'ordre public. Je pense à la protection de l'enfance et de l'adolescence, à celle des consommateurs, à celle de la vie privée, tout simplement à celle du citoyen.
Vous avez, monsieur le ministre - vous aussi, monsieur le rapporteur - déposé un amendement qui tend à instaurer un contrôle déontologique du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur ces services télématiques et qui permet de mettre en cause la responsabilité pénale des fournisseurs d'accès.
Cet amendement tranche de façon un peu impromptue une partie des problèmes que suscite l'évolution technologique.
Sa discussion permettra, je l'espère, de préciser les procédures qu'il met en place, les pouvoirs qu'il institue, les responsabilités qu'il crée.
J'ai dit qu'il tranchait de manière un peu impromptue. Permettez-moi d'y insister.
A de très nombreuses reprises, devant la commission des affaires culturelles, M. le ministre de la culture a été interrogé sur les problèmes que je viens de rappeler. Nous lui avons demandé quelles étaient ses intentions et celles du Gouvernement. Il nous a répondu qu'il allait engager une concertation à l'échelon européen. Fort bien !
Lorsque le projet de loi est arrivé sur le bureau du Sénat, nous nous sommes demandé si la commission des affaires culturelles ne devait pas se saisir pour avis. Nous y avons renoncé, considérant que la matière telle qu'elle était présentée ne ressortissait évidemment pas du domaine de la commission des affaires culturelles.
Or voilà qu'est déposé un amendement, de manière impromptue, disais-je, qui, de toute évidence, en ressortit, lui.
Je souhaite, monsieur le ministre, que la discussion de l'amendement éclaire notre assemblée et ne laisse pas dans l'ombre un certain nombre de questions qui se posent et que j'aurais souhaité énumérer au cours de cette intervention, forcément trop brève, puisque limitée par notre règlement.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je prends date en vous demandant de profiter de ce débat pour apporter les éclaircissements que, non seulement la commission des affaires culturelles du Sénat, les membres de la Haute Assemblée, mais le pays attendent sur un sujet qui est fondamental.
M. le président. La parole est à M. Billard.
M. Claude Billard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le premier article de ce projet de loi est essentiel. Il définit les procédures et les acteurs sur le marché des télécommunications dans le cadre choisi par le Gouvernement. Les concepts retenus tournent le dos au service public et traduisent une démarche fortement inégalitaire dont les usagers auraient, si ce texte entrait en application, à pâtir gravement.
Il ne faut pas hésiter à le dire, ce premier article est la pierre angulaire de la destruction du service public « à la française » dans le domaine des télécommunications. Et, l'on ne redira jamais assez combien les discours gouvernementaux tenus lors du mouvement de novembre et décembre sur le service public n'étaient en fait que des tentatives de désamorcer une volonté de préserver et rénover les atouts de la France.
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Claude Billard. L'article 1er est ouvertement défavorable à l'entreprise publique. Notre groupe y reviendra lors de la discussion des amendements de suppression qui seront l'occasion de souligner que ce que vous faites est un pillage du secteur public national au profit de grands groupes privés qui ne jurent que par les dividentes et la rentabilité financière à court terme.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont une tout autre conception du rôle et du devenir de la télécommunication. C'est une question primordiale, à l'heure où l'on parle de révolution informationnelle et où nombre d'activités professionnelles et domestiques sont parties prenantes de cette révolution.
L'enjeu est bien la maîtrise des réseaux de télécommunications qui, chacun le sait, seront les artères du développement économique et social de notre pays. Bien entendu, avec de telles transformations, le service public dans son ensemble, et qui plus est les télécommunications, doivent relever les défis qui leur sont posés. Il n'est donc nullement question, comme je l'ai dit hier soir, de préconiser un statu quo !
Mais rénover le public, ce n'est pas copier le privé ! Ce serait faire preuve d'un manque d'imagination qui, on le voit sans peine, aboutit dans notre pays à une déliquescence de nos atouts.
Une réelle rénovation du secteur public permettrait d'allier les intérêts des salariés, des usagers, de la nation à la réponse aux nouveau défis technologiques.
Pour rénover le secteur public, il faudrait commencer par développer ses critères et ses règles spécifiques. La France a une tradition originale de gestion publique. Elle a été capable, à chaque période où un nouveau développement du public s'imposait, de créer et de promouvoir une gestion originale.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Claude Billard. C'est aujourd'hui aux télécoms de trouver la meilleure réponse aux défis à venir. Mais quel gâchis ce serait d'abandonner les critères et les règles du service public à la française pour la solution paresseuse qui consiste à copier le privé !
Oui, une gestion plus autonome, plus décentralisée, avec l'intervention des salariés et des populations est nécessaire. C'est tout autre chose que d'avoir un service minimum dévolu au public car non rentable et une multitude d'acteurs sur les segments porteurs qui se font la guerre et donc gâchent des fonds et des possibilités de développement. Faire intervenir les salariés et les populations, c'est le gage de la démocratie et donc de l'efficacité.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 1er est liberticide pour l'avenir de France Télécom. Il organise le démantèlement de l'entreprise qui réalise le plus gros bénéfice de France, toutes entreprises confondues, ce dont nous sommes fiers. C'est le résultat d'une politique de développement public qui allie, depuis la Libération, l'égalité de traitement, l'unicité du service public à un travail remarquable des agents de l'Etat.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous confirmons notre opposition résolue à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je souhaiterais ajouter quelques mots aux propos tenus par M. Gouteyron.
M. le président de la commission des affaires culturelles a eu bien raison de dire que l'émergence du multimédia était en train de bouleverser les frontières, héritage technique et historique de nos pratiques, et que, entre l'autorité de contrôle de l'audiovisuel et, demain, l'autorité de régulation de télécommunications, il y avait sans doute à définir des frontières qui puissent, à la manière de ce qui s'est passé pour Schengen, être plus perméables et déterminer un secteur moins segmenté.
Certes, comme l'a dit M. Gouteyron, est intervenu un impromptu qui n'avait pas vocation à trancher mais à essayer de résoudre un certain nombre de problèmes que les réseaux nouveaux, que les fournisseurs d'accès à ces réseaux nouveaux et que le contenu de ces réseaux étaient en train de nous poser. En effet, l'actualité récente, au travers de l'inculpation de deux fournisseurs d'accès, nous a démontré qu'il nous manquait les outils permettant, à la fois, de limiter l'accès et de mettre en place une déontologie.
Je suis certain que la commission des affaires culturelles approfondira le chemin que nous avons souhaité tracer et que les faits imposeront d'apporter des réponses encore plus adaptées et plus larges que celles qui sont actuellement apportées.
En l'occurrence, nous n'avons pas voulu rester dans le vide quant au contrôle du contenu, vide que nous avons longtemps connu à propos du kiosque télématique, vide qui a motivé nombre d'interventions en vue de maîtriser et de contrôler tout ce qui était véhiculé en termes de négation de la dignité humaine.
M. le président. Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les cinq premiers sont présentés par MM. Billard, Leyzour, Minetti, Ralite, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 79 tend à supprimer l'article 1er.
L'amendement n° 80 vise à supprimer le paragraphe I de l'article 1er.
L'amendement n° 81 a pour objet :
A. - De supprimer les deuxième et troisième alinéas du paragraphe I de l'article 1er.
B. - En conséquence, dans le premier alinéa du paragraphe I de cet article, de supprimer la référence : « 3° ».
L'amendement n° 82 tend :
A. - A supprimer les quatrième et cinquième alinéas du paragraphe I de l'article 1er.
B. - En conséquence, à supprimer, dans le premier alinéa du paragraphe I de cet article, la référence : « 7° ».
L'amendement n° 83 vise :
A. - A supprimer les sixième, septième et huitième alinéas du paragraphe I de l'article 1er.
B. - En conséquence, dans le premier alinéa du paragraphe I de cet article, à supprimer la référence : « 9° ».
Enfin, par amendement n° 58 rectifié quater, MM. Cabanel, Laffitte, Rausch, Joly, Baudot et Bernadaux proposent de compléter le septième alinéa du paragraphe I de l'article 1er par une phrase ainsi rédigée : « A compter du 1er janvier 1988, l'interconnexion inclut l'itinérance entre les réseaux des opérateurs de radiocommunications mobiles, soumis par leur cahier des charges à des obligations de couverture à l'échelle nationale. »
La parole est à M. Pagès, pour présenter l'amendement n° 79.
M. Robert Pagès. Cet amendement tend à la suppression de l'article 1er.
L'ouverture du réseau au secteur privé est, bien entendu, le principal grief que nous ferons à cet article.
L'expérience prouve que la déréglementation des télécommunications est catastrophique pour les salariés comme pour les usagers.
En effet, sous la pression des grands groupes de la communication, la plupart des pays capitalistes se sont lancés dans une course effrénée à la déréglementation.
Le mouvement est parti, dès 1984, des Etats-Unis, qui ont démantelé le géant American Telegraph and Telephon, ATT, pour créer plusieurs sociétés, capables de partir à la conquête de marchés extérieurs, notamment de marchés européens.
Le résultat pour les consommateurs américains ne s'est pas fait attendre. En effet, les factures des ménages ont augmenté de quelque 60 p. 100. En revanche, les grandes entreprises ont bénéficié de baisses tarifaires.
L'autre conséquence concerne bien entendu l'emploi. Le secteur des télécommunications américaines a aussi connu une véritable saignée, d'abord chez ATT avec des suppressions d'emplois depuis 1984, puis chez les nouveaux opérateurs.
La Grande-Bretagne, puis le Japon ont emboîté le pas aux Américains dès la fin de l'année 1984, ces deux pays ayant inauguré la privatisation de leurs télécommunications. Cela a, bien entendu, été une affaire des plus juteuses pour les places financières de Londres et de Tokyo, qui ont mis sur le marché les plus grosses capitalisations boursières de l'histoire.
Comme aux Etats-Unis, les effets pour les personnels et les usagers ont été destructeurs. Des suppressions d'emplois ont été décidées chez BT et Nikon Telegraph and Telephon.
Les ménages ont, bien évidemment, dû subir une forte hausse des tarifs, notamment en Grande-Bretagne. Voilà qui démontre bien que la bourse est l'ennemie de l'emploi stable, et j'insiste sur cet adjectif.
Les conséquences de la privatisation et de la déréglementation de ce secteur sont toujours les mêmes. Je ne citerai que les deux principales.
La première est la suppression massive d'emplois stables dans les services, mais aussi dans l'industrie des télécommunications. Il faut savoir qu'en Grande-Bretagne cette industrie n'existe pratiquement plus.
La seconde conséquence est la mise des télécommunications entre les mains des multinationales - elles ne sont pas des philantropes - qui en deviennent actionnaires et maîtrisent ainsi directement les réseaux de communication, systèmes nerveux des sociétés contemporaines.
Pour toutes ces raisons, nous demandons à la Haute Assemblée d'adopter, par scrutin public, cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 80.
M. Guy Fischer. Par cet amendement de suppression du paragraphe I de l'article 1er, qui introduit dans le code des postes et télécommunications les nouvelles notions de réseaux ouverts au public, de service téléphonique au public et d'interconnexion, nous voulons exprimer notre totale opposition au texte du Gouvernement.
Ces trois notions sont en effet la clé de voûte du système concurrentiel que les partisans de la privatisation veulent mettre en place.
La notion de réseau ouvert au public ouvre en effet les vannes de la déréglementation et de la pénétration des opérateurs privés sur les créneaux d'activité jusqu'à présent réservés à France Télécom qui devait les occuper en appliquant tout ce que le service public peut apporter à tous les usagers.
L'article 5 du projet de loi prévoit certes que cette faculté d'ouvrir un réseau au public sera soumise à une autorisation ministérielle préalable, mais, dans le cadre de cette ouverture à la concurrence, il faut bien constater que les critères de cette autorisation favoriseront l'arrivée des poids lourds des privés du secteur.
France Télécom sera alors tenu de laisser ses concurrents utiliser à moindre frais le réseau construit à partir de l'argent des contribuables et des usagers de ses services, ce qui est, pour nous, totalement inacceptable.
La deuxième notion définie par le paragraphe I de l'article 1er qui est celle de service téléphonique au public ne signifie aucunement service public du téléphone.
C'est même tout le contraire, puisqu'elle permettrait de libéraliser l'accès des grands groupes nationaux et multinationaux aux services téléphoniques les plus immédiatement rentables dans notre pays, dans les gares et les aéroports notamment.
Au lieu de garantir les droits des usagers à un service téléphonique de qualité, cette notion ferait de l'usager un client dont la seule véritable information serait d'ordre publicitaire.
Il ne fait alors aucun doute que les nouveaux opérateurs privés qui investiraient ce nouveau marché ne le feraient que pour les lignes les plus rentables sans se soucier de l'aménagement du territoire ni de l'égalité d'accès au téléphone.
La troisième notion qui est celle d'interconnexion est tout aussi dangereuse puisqu'elle donne une définition technique aux dispositifs d'accès aux réseaux.
Attachés au service public des télécommunications que seule France Télécom peut assurer dans de bonnes conditions tarifaires pour tous, nous ne pouvons donc accepter aucune des trois définitions déclinées au paragraphe I de l'article 1er. Nous ne pouvons donc, par cet amendement n° 80, qu'en demander la suppression.
Mme Hélène Luc et M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet, pour défendre l'amendement n° 81.
Mme Danielle Bidard-Reydet. L'article 1er du projet de loi de réglementation des télécommunications est au coeur du dispositif de déréglementation de notre service public des télécommunications.
Au moment de l'arrivée massive de nouveaux outils de communication, au moment de l'explosion de nouveaux médias mêlant simultanément l'image et le son, en faisant appel aux technologies de la téléphonie, l'abandon du monopole de France Télécom est lourd de conséquences.
Une nouvelle fois, nous constatons que nous nous éloignons, chaque jour davantage, des promesses du candidat à la présidence de la République, Jacques Chirac, qui, durant la campagne électorale, soulignait l'importance de la spécificité du service public à la française.
Aujourd'hui, cette spécificité disparaît au bénéfice d'un service « public universel » d'inspiration libérale dont chacun s'accorde à reconnaître qu'il ne s'agit, au fond, que d'une importante modification du service public à la française.
Le secteur des télécommunications est un secteur clé de notre économie. Cette position, appelée à se renforcer et à se développer dans les années à venir, explique d'ailleurs que le président des Etats-Unis, Bill Clinton, fait figurer, dans sa campagne électorale, les autoroutes de l'information parmi les enjeux majeurs du développement économique des Etats-Unis.
La croissance du marché des télécommunications de 5 p. 100 à 7 p. 100 par an, selon les diverses estimations, devrait représenter 8 p. 100 du produit intérieur brut mondial, soit bien plus que l'industrie automobile.
Certains estiment que l'arrivée de ces nouvelles technologies et les contraintes techniques qu'elles engendrent justifient des modifications du service public français.
Il s'agit là, pour nous, de prétextes qui n'ont d'autre objet que de vouloir concéder à des intérêts privés le formidable enjeu économique de la révolution informationnelle qui est en cours.
Quant à la baisse des tarifs liée à l'ouverture de la concurrence, si l'on observe les différentes modifications de tarifs intervenues depuis la réforme de 1994, il apparaît que les baisses ne profitent pas de la même manière aux différentes catégories d'usagers. Les « clients affaires » sortent gagnants d'une diminution opérée à leur seul profit.
L'exemple de la Grande-Bretagne face à la concurrence et à la prétendue baisse des prix de son marché national de l'électricité est particulièrement inquiétant car il en résulte un affaiblissement du service rendu à la population.
En fait, l'ouverture à la concurrence n'a pour objectif que de soumettre le marché de l'information et de la communication en pleine expansion aux intérêts privés. Ce sont les capacités du service public à oeuvrer au développement de ces nouvelles technologies dans notre pays qui seront compromises. Pour y remédier, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° 81.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Luc, pour défendre l'amendement n° 82.
Mme Hélène Luc. Dans le droit-fil des propos que nous avons tenus en défendant l'amendement n° 80, nous proposons, par l'amendement n° 82, de supprimer les quatrième et cinquième alinéas du paragraphe I de l'article 1er.
Ces deux alinéas suggèrent une définition du service téléphonique au public qui n'a que peu de rapport avec l'actuel service public.
D'un point de vue technique, l'introduction dans le code des postes et télécommunications de cette nouvelle notion signifie la fin du monopole de France Télécom sur le téléphone filaire et aligne celui-ci sur ce qui existe dans le domaine des radiocommunications mobiles.
Ce régime laxiste n'a pourtant pas permis aux services de radiocommunications mobiles de se développer d'une manière aussi efficace et aussi peu onéreuse qu'il eût été souhaitable et surtout possible, si ce secteur d'activité avait été réservé à France Télécom.
Je rappelle que, si la France est à la traîne en matière de téléphonie sans fil, la déréglementation qui a permis la multiplicité des opérateurs que nous connaissons aujourd'hui n'y est pas pour rien.
La téléphonie sans fil française est l'une des plus chères parmi les pays développés comparables. Nous avons donc ici la preuve de l'inefficacité du système de liberté de la concurrence sur un créneau d'activité. Pourquoi faudrait-il alors le généraliser à la quasi-totalité des activités téléphoniques ?
Dans ces conditions, il nous a paru souhaitable de demander la suppression des dispositions qui organisent l'ouverture des services téléphoniques à la concurrence.
Tel est l'objet de l'amendement n° 82, que je vous demande, mes chers collègues, d'adopter.
M. Robert Pagès. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Leyzour, pour défendre l'amendement n° 83.
M. Félix Leyzour. Par cet amendement, nous demandons de ne pas retenir la notion et la définition de l'interconnexion qui est proposée car elle implique l'utilisation à des fins lucratives par des entreprises privées des réseaux qui ont été imaginés et construits à partir des investissements et de la contribution des usagers du service public des télécommunications.
M. le président. L'amendement n° 58 rectifié quater est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 79, 80, 81, 82 et 83 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'article 1er définit les principaux concepts juridiques institués ou modifiés par le projet de loi. La suppression de cet article viderait le projet de loi de sa substance. Nous sommes donc défavorables à ces amendements car ils sont contraires à la position adoptée par la commission en ce domaine.
Je ne relèverai pas les propos qui ont été tenus concernant les raisons du faible développement du téléphone mobile en France. Après l'analogique, il y a eu le numérique et l'on pourrait presque parler maintenant, à vous entendre, madame Luc, de « syllogique », terme un peu spécieux qui ferait croire que l'ouverture à une certaine concurrence aurait entraîné un retard dans le développement de la téléphonie mobile en France.
En revanche, je reviendrai sur les tarifs car beaucoup a été dit depuis le début de l'après-midi à ce sujet. Je prendrai pour exemples trois pays, et, pour commencer, les Etats-Unis. J'ai pu constater que le groupe communiste républicain et citoyen défendait avec beaucoup de conviction...
M. Félix Leyzour. De constance !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... le monopole privé américain antérieur à 1984, c'est-à-dire ATT. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
J'ai compris que c'était la loi de 1984 qui avait détruit ce monopole privé...
M. Robert Pagès. Ce n'est pas très sérieux !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... en introduisant la concurrence sur de longues distances et une organisation régionale.
M. Guy Fischer. C'est de la provocation !
M. Gérard Larcher, rapporteur. J'ai donc cru comprendre que le premier détonateur avait été la loi de 1984.
M. Félix Leyzour. Vous me decevez, monsieur le rapporteur !
Mme Hélène Luc. M. Larcher ne pense pas ce qu'il dit !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Prenons maintenant le montant de l'abonnement dans trois pays. Il s'élève à environ 52 francs pour France Télécom, à 63 francs pour BT et à 55 francs pour Nynex.
Les services proposés par l'abonnement sont identiques pour les trois opérateurs, mais s'y ajoute la facturation détaillée, gratuite pour BT et Nynex, et qui s'élève à 8 francs pour la France.
Maintenant, parlons du prix des communications. Pour trois minutes, le prix d'un appel urbain est de 0,613 franc en France, de 0,668 franc en Grande-Bretagne et de 0,326 franc aux Etats-Unis. Le coût d'un appel téléphonique interurbain pour trois minutes s'élève, en moyenne, à 5,10 francs en France, à 2,84 francs aux Etats-Unis et à 1,44 franc en Grande-Bretagne. Il s'agit de tarifs pour les particuliers : abonnements, appels urbain et interurbain.
J'en viens au coût des appels internationaux. Naturellement, ceux-ci profitent plus aux entreprises. Cependant, ne sommes-nous pas là pour les aider à être présentes et compétitives sur le marché international ? Pour une entreprise, le prix d'un appel international est de 13,06 francs en France, de 8,96 francs aux Etats-Unis et de 6,30 francs en Grande-Bretagne. Et on nous répète depuis des heures qu'un danger majeur pèse sur les tarifs, qui s'envoleraient,...
M. Gérard Delfau. Mais oui !
M. Gérard Larcher, rapporteur. ... et que les petits seraient spoliés. Voilà la réponse tarifaire à ces arguments et le panier moyen. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 79, 80, 81, 82 et 83 ?
M. François Fillon, ministre délégué. Le Gouvernement n'a rien à ajouter à une démonstration aussi brillante, qui vient appuyer les thèses qu'il s'efforce de démontrer au Sénat depuis près de deux jours. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 79, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 92:

Nombre de votants 307
Nombre de suffrages exprimés 307
Majorité absolue des suffrages 154
Pour l'adoption 93
Contre 214

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 80, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 81, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 82, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 83, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
M. Robert Pagès. Le groupe communiste républicain et citoyen votre contre.
(L'article 1er est adopté.)

Article 2