C. UN ACCOMPAGNEMENT INSUFFISANT PAR L'ÉTAT ET LES ACTEURS PUBLICS

1. Un effort d'accompagnement sans financement

Actuellement en mode « beta », le Portail RSE né d'une collaboration entre le Ministère de l'Économie et des Finances et l'incubateur des services numériques, offre aux entreprises la possibilité de se renseigner sur ses obligations et de s'y conformer directement sur la plateforme ou en étant redirigé vers les plateformes ministérielles adéquates. À terme, elle doit proposer aux entreprises un espace unique gratuit pour renseigner leurs indicateurs ESG (Environnement, Social, Gouvernance) et piloter leurs obligations extra-financières.

L'ADEME déploie la campagne « Épargnons l'avenir » afin d'accompagner les conseillers et les épargnants sur l'expression des préférences de durabilité, dans le cadre du projet européen Finance ClimAct. L'agence joue un rôle central pour aider les entreprises à classer les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans les scopes 1, 2 et 3 et d'établir le bilan carbone d'une entreprise ou d'un produit.  Elle propose des aides financières mais celles-ci sont mal connues. Bpifrance propose également un diagnostic de décarbonation.

Pour sa part, l'Autorité des normes comptables a publié en décembre 2023 un guide pédagogique pour aider au déploiement des ESRS, dont la lecture demeure toutefois encore complexe pour les PME, et CCI France a publié en avril 2023 un premier rapport. L'EFRAG a mis en consultation en février 2024 des guides d'interprétation, le premier sur l'analyse de matérialité, le second sur le traitement de la chaîne de valeur, le troisième recensant l'ensemble des points de données.

Aucun accompagnement public pour financer la pédagogie en direction des entreprises n'est pour l'instant prévu, les laissant seules face aux marchands de la complexité. L'accompagnement devrait cibler en priorité les ETI nouvellement concernées par la directive pour lesquelles celle-ci représente un « saut quantique » selon un dirigeant auditionné.

C'est la raison pour laquelle les initiatives privées lucratives ou non lucratives sont particulièrement utiles, notamment pour mesurer les performances environnementales des 4 millions de TPE et de PME qui ne savent pas le calculer. Cette situation constitue un handicap pour elles et pour la collectivité car elles risquent d'être prises à contre-pied par la transition carbone et les demandes croissante des clients.

La start-up La Société Nouvelle propose ainsi un calculateur original permettant à n'importe quelle entreprise de calculer son empreinte carbone. La communauté «  Carbones sur factures », propose gratuitement une mesure environnementale comptable qui : « mesure les performances carbone d'une entreprise (le poids en carbones de ses produits et sa contribution annuelle à la décarbonation collective) à partir de sources officielles. L'entreprise la répercute à ses partenaires sur ses factures et ses comptes, pour les aider à mesurer leurs propres performances. Facile à auditer, elle est comparable entre des produits ou des placements concurrents. La grande majorité des entreprises peuvent les obtenir gratuitement en répondant à une demi-douzaine de questions simples chaque année ». L'approche a été saluée positivement par le rapport Pisani-Ferry Mahfouz de France Stratégie sur le financement de la transition climatique et dans une publication de l'Insee de Sylvain Larrieu sur les statistiques qui accompagnent la transition climatique.

2. La commande publique comme outil d'incitation

Par ailleurs, suite à la loi sur l'industrie verte du 23 octobre 2023, un nouveau «  label triple E » (excellence environnementale européenne) est en cours de création par l'AFNOR afin d'accompagner les collectivités locales dans leur décision d'attribution de marchés.

Ce nouveau label devra démontrer une réelle valeur ajoutée et ne pas ajouter de la complexité inutile.

Il devrait en priorité faciliter l'accès à la commande publique des entreprises les plus vertueuses en matière de durabilité. La commande publique doit en effet constituer un levier pour diffuser plus largement les RSE comme l'avait préconisé la délégation aux Entreprises dès son rapport de juin 2020. Or, la commande publique ne peut que promouvoir un produit « vert » et non une entreprise « verte ». Il serait nécessaire de promouvoir l'écoéquivalence.

De trop nombreuses obligations, notamment déclaratives, existent déjà et participent de la complexité de la commande publique avec un effet d'éviction des PME.

Il conviendrait d'inciter les acheteurs publics à veiller à ce que les critères qu'ils adoptent soient alignés avec la CSRD et n'ajoutent pas de complexité pour les entreprises qui y sont déjà soumises.

La délégation recommande...

... d'obliger la commande publique à intégrer davantage la CSRD
dans les critères de choix, afin de récompenser les entreprises les plus vertueuses dans leur démarche RSE

3. Utiliser la CSRD pour simplifier ?

Paradoxalement, la directive CSRD pourrait devenir un outil de simplification au service des entreprises si l'administration a, demain, l'obligation de consulter les informations extra-financières contenues dans le rapport de durabilité avant de demander à l'entreprise les mêmes informations. Serait ainsi étendu aux entreprises le principe du « dites-le nous une fois », introduit en 2018 par la loi pour un État au service d'une société de confiance. Le Portail RSE, en construction, devrait ainsi être alimenté à partir de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés.

De même, les entreprises devraient être désormais protégées des demandes d'information abusives en excipant de la directive CSRD, puisque les ESRS constitueront un « guichet unique », offrant aux entreprises une solution unique qui répond aux besoins d'information des investisseurs et des autres parties prenantes.

Un éventuel projet de loi de simplification pourrait permettre de préciser la portée de cette simplification.

La délégation recommande...

... de simplifier en instaurant une obligation, pour l'administration, de consulter les informations extra-financières contenues dans le rapport de durabilité avant de demander à l'entreprise ces informations

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