EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 12 JUILLET 2023

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Nous vous avions présenté en juillet 2022 un rapport d'étape sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Nous vous soumettons aujourd'hui un rapport d'information définitif sur le sujet, qui s'inscrit assez bien dans l'actualité, le président de la République ayant annoncé un déplacement en Nouvelle-Calédonie à la fin du mois de juillet.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Je vais vous parler du bilan de l'accord de Nouméa, puis Philippe Bas traitera des conditions devant être remplies pour que les élections provinciales de 2024 aient lieu. Enfin, le président Buffet reprendra son propos pour parler du droit à l'autodétermination, de la décolonisation et des perspectives de réformes institutionnelles.

La nécessité de dresser le bilan du cycle politique ouvert en 1988 par la signature des accords de Matignon-Oudinot, et qui s'achève aujourd'hui, fait consensus. De même, tous s'accordent à reconnaître le besoin d'une nouvelle architecture institutionnelle pour la Nouvelle-Calédonie, doublée d'un renforcement des acquis, et la nécessité de s'interroger sur les échecs de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998.

Il a été décidé de mener un bilan de cet accord. Nous regrettons que cette mission stratégique ait été confiée à des cabinets de conseil alors que les ressources de l'État républicain auraient pu, en lien avec des forces locales, se charger de ce travail dans de meilleures conditions.

Dresser le bilan de l'accord de Nouméa passe en premier lieu par la reconnaissance des promesses tenues par chacune des parties signataires. L'État a continué de remplir ses missions tout en accompagnant les acteurs locaux dans leur autonomisation, comme il s'y était engagé. Il a transféré, de manière progressive, irréversible et effective, de nombreuses compétences au territoire, telles que l'enseignement primaire et secondaire, le commerce extérieur et les douanes, le droit du travail et la sécurité civile. Demeure la question du transfert optionnel des compétences mentionnées à l'article 27 de la loi du 19 mars 1999, relatives à l'administration, au contrôle de légalité des provinces et au régime comptable et financier des collectivités publiques.

En parallèle, l'État a continué de s'acquitter de manière satisfaisante de ses missions régaliennes sur l'ensemble du territoire. Corollaire des transferts qui ont eu lieu, l'État a maintenu des services déconcentrés dans de nombreux domaines, et ils ont assumé leurs tâches avec clarté.

L'État a également tenu sa promesse d'accompagner l'exercice du droit à l'autodétermination jusqu'au terme du processus politique défini par l'accord de Nouméa. Il a ainsi organisé trois consultations, qui ont produit le résultat que vous savez. Au-delà de la réforme institutionnelle, l'accord de Nouméa prévoyait une meilleure prise en compte de l'identité kanak dans l'organisation politique et sociale de la Nouvelle-Calédonie. En signant cet accord, l'État a reconnu « les ombres de la période coloniale » et s'est engagé à restituer au peuple Kanak son identité.

Concernant la gestion du nickel, l'État a également montré à de nombreuses reprises sa capacité à soutenir financièrement cette filière stratégique pour le développement économique de la Nouvelle-Calédonie.

Les représentants indépendantistes ont trouvé leur place dans la nouvelle architecture institutionnelle et concédé un partage limité du droit à l'autodétermination.

Le principal acquis des accords de Matignon et de Nouméa est la paix, et cela n'a pas de prix. Lors du voyage que Philippe Bas, François-Noël Buffet et moi-même avons effectué sur place, c'est avec beaucoup d'émotion que nous sommes allés nous recueillir sur les tombes des deux gendarmes et des dix-neuf Kanak qui ont péri à Ouvéa. Je crois d'ailleurs que cet acte a été très remarqué par les populations locales.

Les Kanak ont donc renoncé à l'action violente : dix ans après la fin de ces événements, les responsables indépendantistes ont non seulement accepté le retour à la paix, mais ils ont aussi participé pleinement aux processus politiques électoraux communaux, provinciaux et calédoniens définis dans le cadre de l'accord de Nouméa.

Les indépendantistes ont également consenti à partager le droit à l'autodétermination, au moyen d'un corps électoral partiellement ouvert. Les représentants loyalistes ou non indépendantistes ont accepté le principe de rééquilibrage et des dérogations au principe majoritaire, pour que toutes les forces politiques puissent s'exprimer. Il en a résulté un processus permettant aux uns et aux autres de vivre ensemble.

Il y a donc une reconnaissance, désormais préservée, de l'identité Kanak. Des alternances ont eu lieu, ce qui a montré que le jeu démocratique fonctionnait. Des difficultés sont toutefois apparues en cas de carence du pouvoir, ou de problème dans la mise en oeuvre des institutions. Le territoire de Nouvelle-Calédonie se compose en effet de trois provinces, auxquelles les populations locales sont attachées. Un congrès, élu par les provinces, se charge d'élire un gouvernement. Ce dernier ressemble donc à un parlement, avec toutes les difficultés que cela entraîne.

En dépit de ces difficultés, les choses ont avancé. Nous voyons aujourd'hui, toutefois, les limites du dispositif issu des accords de Nouméa. Une sorte de vacuité s'observe notamment à l'issue des trois référendums. Il faudrait construire une solution législative et constitutionnelle nouvelle, ce qui suppose un consensus local et de réunir une majorité dans chacune des assemblées parlementaires puis au Congrès.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Nous vous avons rendu compte de notre déplacement en Nouvelle-Calédonie il y a un an. À l'époque, la situation politique était mauvaise. L'impartialité de l'État était remise en cause et personne ne prenait le chemin de la négociation. Déjà se profilait la perspective des élections provinciales en mai ou juin 2024.

Un an après, nous constatons heureusement que la paix civile n'est pas entamée. La Nouvelle-Calédonie est calme. En revanche, son développement économique et social est suspendu à des négociations et à la recherche d'un accord, et ses collectivités se trouvent dans une situation financière critique.

Le Gouvernement a pris des mesures pour faciliter l'ouverture de négociations. Un « référendum de projet » avait été annoncé, dont le ministre de l'intérieur a acté devant nous le report sine die. Or ce « référendum de projet » était interprété par les indépendantistes comme un moyen pour l'État de « forcer le passage » pour tirer les bénéfices de la troisième consultation, et constituait donc un obstacle à l'ouverture de négociations.

Un dialogue bilatéral a été ouvert par l'État avec les forces indépendantistes, à l'image de celui qui existait avec les forces non indépendantistes, ce qu'il convient de saluer.

Plusieurs critiques avaient par ailleurs été formulées sur la nomination au Gouvernement, au sein du ministère de l'intérieur et des outre-mer, de la présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie, Sonia Backès. Le Gouvernement a toutefois pris soin de ne pas la faire participer aux délibérations relatives à la Nouvelle-Calédonie, et ses attributions ont été strictement définies.

Des préalables avaient été exigés par les indépendantistes, en lien avec les promesses gouvernementales. Des groupes de travail spécifiques ont donc été mis en place. Ils ne concernent pas seulement les problèmes statutaires et institutionnels, mais aussi des problèmes économiques, sociaux et culturels.

L'audit de la décolonisation promis par l'État a été réalisé - dans des conditions certes contestables, mais il y a eu une volonté de tenir cette promesse.

Ces points sont positifs dans l'ensemble, malgré les réserves que je viens d'émettre. Néanmoins, à ce jour, aucune négociation tripartite n'est en cours. Indépendantistes et non-indépendantistes ne se sont pas réunis à l'invitation de l'État. Or il faudra que cette rencontre ait lieu si nous voulons parvenir à un accord, chacun jouant pleinement son rôle, à commencer par l'État.

Nous considérons qu'un accord global doit être trouvé, embrassant toutes les questions déterminant l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, et non un simple accord institutionnel, encore moins un simple accord sur l'organisation du scrutin de 2024 et l'éventualité de son report.

Nous espérons que le prochain déplacement du président de la République à Nouméa sera utile pour franchir une nouvelle étape dans l'engagement de discussions tripartites.

Une difficulté importante se présente : peut-on tenir l'échéance de 2024 pour les élections provinciales qui déterminent la composition du gouvernement néo-calédonien, celui-ci étant constitué à la proportionnelle des groupes du congrès de Nouvelle-Calédonie ? L'absence d'accord avant ces élections les prive de sens, car le destin commun aux Néo-Calédoniens n'aurait pas été défini préalablement, mais pose en outre un problème pour l'organisation même de ces élections.

Il y a une liste électorale restreinte, tous les électeurs habitant la Nouvelle-Calédonie ne peuvent pas voter. Or ce système n'a été possible que pour deux raisons : une révision constitutionnelle approuvant les accords de Nouméa, et une décision du Conseil constitutionnel admettant que les accords de Nouméa étaient destinés, sur vingt ans, à permettre une transition vers un nouveau régime pour la Nouvelle-Calédonie. Une fois la mise en oeuvre de ces accords arrivée à son terme, la justification de la liste électorale restreinte disparaissait donc.

En conséquence, trois possibilités se présentent : organiser les élections de 2024 avec tous les électeurs de Nouvelle-Calédonie, et non seulement ceux qui ont eu accès à la citoyenneté calédonienne, conserver la liste électorale actuelle, ou rechercher une troisième voie intermédiaire. Cependant, seule la première voie n'impose pas de révision constitutionnelle. Le maintien de la liste électorale actuelle comme la création d'une nouvelle liste électorale demandent en effet une telle révision.

Pour tenir ces élections à la bonne date, il y a donc tout un compte à rebours à respecter. Quel que soit le choix qui sera fait, s'il ne consiste pas à reconnaître la qualité d'électeur pour les élections provinciales de tous les électeurs de Nouvelle-Calédonie, un travail considérable sera nécessaire au Parlement français : réunion des deux chambres, puis du Congrès en l'absence de référendum national, tout cela devant être précédé d'un accord local. En effet, mettre en avant l'unilatéralisme de la République pour déterminer la composition de la liste électorale pour les élections provinciales reviendrait à mettre le feu aux poudres.

Nous sommes donc à la croisée des chemins. Il est d'autant plus difficile d'imaginer de tenir ces élections à la bonne date qu'il faudra aussi prendre quelques mois pour établir la liste électorale compte tenu de son éventuel caractère dérogatoire aux principes d'universalité et d'égalité devant le scrutin. C'est un tour de force qui suppose un accord en septembre prochain !

Nous doutons que nous puissions parvenir à cet accord, d'autant que, s'il s'agissait d'un accord pour les seules élections, il empêcherait d'apporter des contreparties aux concessions que pourraient faire les indépendantistes en acceptant une ouverture plus grande de la liste électorale que la liste actuelle. Les indépendantistes réclameront naturellement que les modalités d'un futur exercice du droit à l'autodétermination soient définies dans l'accord, en échange de quoi il leur serait plus facile de consentir certaines concessions.

Démarrer des négociations sur les seules élections provinciales reviendrait donc à se priver de la possibilité, en reportant l'accord global, d'obtenir un accord partiel.

Nous vous rendons compte de nos interrogations en ce domaine. Après de longues délibérations, nous pensons qu'il faut inciter le Gouvernement à privilégier la réalisation d'un accord en temps utile pour pouvoir établir la liste électorale à temps et maintenir les élections à la date prévue, mais nous ne pouvons exclure la possibilité qu'il en aille autrement.

Je rappelle cependant que le report d'élections aussi importantes que celles-ci remet en cause une règle démocratique élémentaire, selon laquelle les élections doivent se tenir à date régulière. Il n'est pas démocratique de reporter indéfiniment des élections. S'il fallait reporter les élections de juin 2024, cela ne pourrait donc se faire que pour quelques mois.

Si les parties prenaient conscience de cette nécessité, il faudrait tout de même qu'elles aient conclu un accord de principe sur l'ensemble, doublé d'un accord précis sur les élections, pour qu'à tout le moins les élections, si elles sont reportées, puissent se tenir dans un délai proche. Il faudrait également que chacune des parties calédoniennes ait trouvé dans les négociations des motifs de satisfaction.

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - En dehors de l'horizon temporel et de la méthode de négociation que Philippe Bas vous a présentés, nous avons souhaité fixer les repères des négociations en identifiant, sur chaque thématique restant en discussion et intéressant l'avenir du territoire calédonien, le champ des possibles.

Que les choses soient claires : notre rôle n'est pas d'arriver à une solution toute faite et de préempter les débats locaux. C'est pourquoi, en nous inscrivant dans la lignée du positionnement du Sénat sur ce dossier, qui est celui d'être un tiers de confiance dans la négociation et de contrôler l'action du Gouvernement, nous avons simplement souhaité poser des repères sur trois champs principaux restant en négociation. Il appartiendra donc - et nous y tenons - aux acteurs locaux de prendre leurs responsabilités et de s'en saisir ensuite.

Premièrement, il est indispensable que la négociation en cours permette d'approfondir la réflexion sur les sujets matriciels que sont la place de la Nouvelle-Calédonie dans la République, le droit à l'autodétermination et le processus de décolonisation, sur lequel nous apporterons des précisions.

Sur ces trois sujets, nous sommes profondément attachés aux principes, protégés par le droit constitutionnel comme par le droit international, qui ont inspiré les accords de Matignon puis ceux de Nouméa : le maintien de la Nouvelle-Calédonie, moyennant un degré très élevé d'autonomie, dans la France tant que les Calédoniens le souhaiteront, la reconnaissance de leur droit à l'autodétermination selon des modalités déterminées d'un commun accord et la poursuite d'un processus de décolonisation culturelle en Nouvelle-Calédonie. La permanence des principes ne saurait cependant justifier un statu quo qui n'est désormais ni politiquement ni juridiquement viable.

Dès lors, si nous prenons acte du souhait majoritaire des Calédoniens, exprimé à trois reprises, de rester dans la République, ce maintien ne doit ni s'apparenter à une fin de non-recevoir définitive opposée aux revendications indépendantistes ni se traduire par un retour au statu quo ante. Dès lors, il nous paraît souhaitable que soit formulé un nouveau projet susceptible de susciter une adhésion raisonnée de l'ensemble des Calédoniens à un avenir commun. Ce projet devra donc, quels que soient les paramètres retenus, mieux reconnaître les spécificités calédoniennes.

Enfin, nous n'excluons pas, par principe, la conclusion d'un nouvel accord transitoire, sans pour autant privilégier cette option, car il est temps pour la Nouvelle-Calédonie de viser le long terme pour permettre son développement et sa stabilité. Ces éléments nous paraissent essentiels.

Par ailleurs, nous avons constaté qu'un consensus existait aujourd'hui, en Nouvelle-Calédonie, pour affirmer que le droit à l'autodétermination, qui s'est déjà juridiquement exercé par trois fois, devrait pouvoir s'exercer à l'avenir selon de nouvelles modalités.

J'ajouterai que le droit à l'autodétermination est expressément prévu à l'article 53 de la Constitution. Sa garantie résulte tant d'une jurisprudence constante du juge constitutionnel depuis 1975 que d'une intention claire du Constituant, telle qu'elle ressort des travaux parlementaires.

Aucun accord global n'interviendra sans que le sujet de la révision du corps électoral pour les élections provinciales de 2024 ne soit abordé. Les discussions sont, semble-t-il, ouvertes entre le Gouvernement et les autres parties prenantes. Je répète qu'il faut avancer rapidement dans la conduite des entretiens tripartites qui devront aborder cette question.

Un autre point doit être abordé, celui de la répartition des compétences entre les collectivités calédoniennes. Lors de notre déplacement sur place, nous nous sommes rendu compte de la nécessité de la clarifier pour plus d'efficacité. La compétence en matière d'emploi nous est, de ce point de vue, apparue comme révélatrice de certains dysfonctionnements actuels. Les provinces se partagent cette compétence et l'exercent individuellement, sans communiquer entre elles, sur un territoire qui compte pourtant moins de 300 000 habitants.

En revanche, les maires jouent pleinement leur rôle, les conseils municipaux sont des enceintes de collaboration étroite entre élus indépendamment de leurs convictions. Il importe d'accorder à cet échelon institutionnel davantage de reconnaissance et de moyens.

Au-delà des aspects institutionnels, de la question de l'autodétermination, de la stabilité absolument nécessaire à ce territoire et des perspectives politiques de long terme, les sujets relatifs au développement économique et démographique nous apparaissent fondamentaux. Nous sommes inquiets pour la Nouvelle-Calédonie qui a perdu beaucoup d'habitants en quelques années et voit son tissu économique se réduire. Le projet qui sortira des discussions ne saurait faire l'impasse sur la nécessité de redonner des perspectives de développement, et singulièrement de développement économique, à ce territoire.

Notre attachement particulier à la Nouvelle-Calédonie vient de ce que nous percevons les enjeux fondamentaux qui la traversent. L'effort actuel du Gouvernement a été rendu possible par le travail que le Sénat, et singulièrement la commission des lois, a effectué en 2022, au plus fort de la crise, pour retisser des liens. Aujourd'hui, nous ne vous proposons pas de solution miracle. Nous répétons les principes qui sont les nôtres, car, à notre niveau, nous voulons rester le tiers de confiance de ces négociations pour offrir le lieu d'une discussion toujours possible, en vue de faire aboutir sereinement et rapidement le processus en cours.

Notre conviction est qu'un accord doit nécessairement être local et venir du terrain si nous voulons obtenir une révision constitutionnelle rapidement qui permette ainsi l'organisation d'élections provinciales en 2024.

L'étape s'avère importante, certes pour la Nouvelle-Calédonie et ses habitants, mais aussi pour la France tout entière. Les nouvelles générations de Calédoniens aspirent, en grande majorité, à tourner la page de cet accord, sans pour autant en renier les principes, et à embrasser des perspectives d'avenir positives.

Mme Cécile Cukierman. - Je salue l'humilité de vos propos dans une situation qui demeure très compliquée. À la différence d'autres États, la France n'a peut-être pas parfaitement assuré sa transition de l'ère coloniale à l'ère moderne. Nous le constatons quotidiennement dans le rapport ambigu - entre domination, accompagnement et promotion des principes républicains - qu'elle entretient avec des territoires qui ont acquis leur indépendance.

Les enjeux de la Nouvelle-Calédonie sont aussi ceux de la région Pacifique. Il ne s'agit pas de savoir ce que la France gagnera ou perdra, mais ce que les Calédoniens auraient à gagner ou à perdre en quittant l'espace de la République française. Sans doute, la volonté d'autonomie et d'indépendance se comprend-elle et doit-elle être respectée. Mais, le risque existe que d'autres dominations économiques, à forte connotation capitaliste, se fassent jour, et des États ne cachent pas leur ambition dans cette région.

Avec pragmatisme, vous dites que l'échéance de 2024 n'est pas tenable. Jusqu'à quand pensez-vous possible de la reporter sans fragiliser la parole de la République à l'égard du peuple calédonien ?

Si, dans la décennie qui vient, la République se montre à la hauteur de la tâche qui lui incombe à l'égard de ce peuple, ne circonscrira-t-elle pas, par ce fait même, les aspirations indépendantistes qui s'y expriment ?

Ne faut-il enfin pas entreprendre de réincarner résolument les principes de la République dans ce territoire, ces principes étant susceptibles, peut-être plus sûrement que le choix de la rupture, de lui apporter les conditions d'une vie meilleure ?

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Nous avons pris acte de la fin du processus des accords de Matignon et de Nouméa et du résultat des trois consultations. La Nouvelle-Calédonie a majoritairement décidé de rester dans la République. Nous avons aussi pris acte du maintien des revendications indépendantistes dans une large minorité de la population, d'un discours local apaisé et de la volonté de reprendre les discussions avec l'Etat. La question d'un surcroît d'autonomie continue de se poser, mais elle se pose dans le cadre de la République.

Il n'est pas non plus question de remettre en cause le principe constitutionnel d'autodétermination. Pour l'heure, l'idée consiste à dire que nous ne savons pas quand le moment sera opportun. Il appartiendra aux habitants de Nouvelle-Calédonie d'en décider. Ce que nous constatons, c'est la nécessité de régler le problème de la fin des accords de Matignon et de Nouméa et de donner une perspective au territoire calédonien. Multifactorielle, la discussion portera tant sur la réaffirmation du principe de l'autodétermination que sur une modification du corps électoral en prévision des élections provinciales de 2024. Chacun devra consentir à des concessions, ce que je crois possible.

Reste l'aspect du développement économique du territoire, qui conditionne la suite des événements. Il est permis de s'interroger à son sujet, quand on voit à quel point l'État soutient financièrement la Nouvelle-Calédonie et son gouvernement en accordant des dotations et prêts importants, y compris dans le secteur du nickel. Incontestablement, il y a une dépendance financière très nette de la Nouvelle-Calédonie à l'égard de l'État. Nous lui ouvrirons difficilement de nouvelles perspectives sans au préalable résoudre cette difficulté. C'est pourquoi nous évoquons le développement économique de l'île, sa capacité à recréer de la richesse et à retrouver une dynamique démographique.

Nous pensons que l'hypothèse, même éloignée, du choix de l'autodétermination ne doit pas bloquer la recherche immédiate de solutions. Nous croyons à une volonté réelle des indépendantistes et des loyalistes d'y travailler ensemble. Chaque partie a besoin de l'autre et chacune doit ressortir avec des gains. Des pistes de solutions existent et il revient au Gouvernement d'aider à les dégager.

Enfin, quoiqu'on puisse en dire, que la République soit présente dans la région indopacifique revêt un intérêt majeur pour la France et l'Europe. Vous le voyez, les problématiques se conjuguent entre elles et nous devons néanmoins parvenir à définir un projet qui soit viable.

Nous proposons le titre suivant : Nouvelle-Calédonie : renouer avec la promesse d'un destin commun pour tous les Calédoniens.

La commission adopte à l'unanimité le rapport d'information et en autorise la publication.