B. LA PRÉSIDENCE BOLSONARO A CEPENDANT MARQUÉ UN COUP D'ARRÊT À CE PROCESSUS

Le Président Bolsonaro a, dès son discours d'investiture, promis de « sortir les relations internationales du Brésil du biais idéologique ». L'ancien Président s'est ainsi employé à retirer son pays des instances associant des gouvernements situés à gauche de l'échiquier politique tels que la CELAC et l'Unasur.

La priorité accordée par Brasilia au renforcement de sa relation avec Washington a en outre contribué à détourner le Brésil de l'Amérique latine.

Comme le relève Alejandro Frenkel24(*), « le retrait de l'Unasur et de la CELAC confirme l'aversion à toute structure régionale associant des gouvernements de gauche ou de centre gauche et surtout la priorité donnée aux liens avec les États-Unis. À cet égard, il convient de souligner que la CELAC a agi, à plusieurs reprises, comme un contrepoids à l'Organisation des États américains (OEA), une instance où Washington exerce le leadership [...] L'absence d'influence du Brésil dans la création du Prosur constitue un aspect inédit dans la tradition diplomatique brésilienne. Historiquement, toutes les initiatives visant à consolider l'Amérique latine, comme un espace politique et économique propre, étaient pilotées par le Brésil ».

C. LES ALTERNANCES POLITIQUES SUR LE CONTINENT ET LE VOLONTARISME AFFICHÉ DU PRÉSIDENT LULA CONSTITUENT UNE FENÊTRE D'OPPORTUNITÉ POUR UNE RELANCE DE L'INTÉGRATION RÉGIONALE

Au moins deux facteurs pourraient contribuer à une relance de l'intégration régionale sud-américaine dans les années à venir.

En premier lieu, l'existence d'un « axe progressiste » constitué de l'Argentine, du Chili25(*), de la Colombie26(*), de la Bolivie27(*) et, depuis la réélection de Lula, du Brésil.

En second lieu, s'inscrivant dans la continuité de ses deux premiers mandats, le Président Lula a clairement affirmé son souhait de relancer le processus d'intégration régionale. Son discours d'investiture est ainsi éclairant tant sur la volonté du Brésil de donner un nouvel élan aux organisations sud-américaines que sur le vecteur de puissance que celles-ci peuvent constituer pour le pays : « notre rôle se concrétisera par la reprise de l'intégration sud-américaine, à commencer par le Mercosur, la revitalisation de l'Unasur et d'autres instances de concertation souveraine dans la région. C'est sur cette base que nous pourrons reconstruire un dialogue fier et actif avec les États-Unis, l'Union européenne, la Chine, les pays de l'Est et les autres acteurs mondiaux ; renforcer les BRICS, la coopération avec les pays d'Afrique et rompre l'isolement dans lequel le pays a été relégué ».

L'une des premières décisions prises par le Président Lula a ainsi consisté à réintégrer la CELAC (Communauté d'États Latino-Américains et Caraïbes) le 5 janvier 2023. Dès le 23 janvier 2023, il se rend en outre en Argentine pour assister au VIIe sommet de la CELAC.

Enfin, le 30 mai 2023, un sommet des chefs d'État du continent sud-américain s'est réuni à Brasilia. Pour Christophe Ventura28(*), « son objectif fondamental était d'afficher le leadership consensuel régional du Brésil. Il s'agissait de montrer qu'il était le seul pays sud-américain capable de réunir tous les autres après neuf ans d'absence d'un tel moment commun du fait des crises et divisions politiques régionales, qu'il était le pays qui pouvait relancer le sujet de l'unité sud-américaine dans la période ».


* 24 Alejandro Frenkel, « Bolsonaro contre tous : la politique extérieure du Brésil », in « Le Brésil de Bolsonaro : le grand bond en arrière », Alternatives Sud, Centre Tricontinental, 2020.

* 25 Gabriel Boric.

* 26 Gustavo Petro.

* 27 Luis Arce.

* 28 Christophe Ventura, La Nouvelle politique étrangère du Brésil, Note d'analyse Iris/AFD, juin 2023.