B. LE DÉBAT INTITULÉ « SOUTENIR UNE PERSPECTIVE EUROPÉENNE POUR LES BALKANS OCCIDENTAUX »

1. L'intervention de Mme Liliana Tanguy, au nom du groupe ADLE

Monsieur le Président, Mes chers collègues,

Le groupe ADLE accueille favorablement le rapport et la proposition de résolution qui nous sont soumis au débat aujourd'hui.

Parce que les Balkans occidentaux font partie intégrante de l'Europe, parce qu'ils appartiennent à notre histoire et qu'ils partagent notre culture, notre sentiment d'appartenance et nos valeurs, le groupe ADLE soutiendra toujours les efforts allant dans le sens de leur rapprochement à l'Union européenne.

Depuis le sommet de Thessalonique en 2003, des avancées ont eu lieu mais nous déplorons la lenteur du processus d'intégration des pays des Balkans occidentaux à l'UE.

Conscient des difficultés que traverse cette partie de l'Europe, notre groupe salue toutes les initiatives visant à y maintenir la paix et la sécurité et à en éloigner le spectre de la violence. Nous n'ignorons pas qu'un certain nombre de conflits latents pourraient porter atteinte aux relations de bon voisinage et à la stabilité en Europe.

Nous partageons les préoccupations exprimées dans ce rapport quant aux manquements à l'État de droit et à la bonne gouvernance, aux atteintes aux droits des minorités, à la liberté de la presse et à l'indépendance de la justice, dont ces pays ne sont pas exempts. Nous avons conscience que les conflits bilatéraux y font souvent obstacle à une coopération régionale inclusive.

C'est pourquoi le groupe ADLE croit en la vertu de la coopération interparlementaire pour renforcer l'intégration régionale et la sécurité démocratique de la région.

Avec le retour de la guerre sur notre continent, il est devenu urgent de réagir et de protéger les Balkans occidentaux en facilitant le processus de leur intégration à l'UE.

Le groupe ADLE soutient la proposition visant à développer davantage les activités de coopération dans les domaines prioritaires tels que l'État de droit et la bonne gouvernance, ainsi qu'à appuyer les initiatives des sociétés civiles locales. Il entend également l'intérêt du Conseil de l'Europe à vouloir intensifier la dimension politique de son engagement dans les Balkans occidentaux.

Le groupe approuve également la recommandation adressée au Comité des Ministres de soutenir les forces démocratiques dans ces pays afin qu'il s'engage à améliorer leur fonctionnement administratif à tous les niveaux de gouvernance, à intensifier la lutte contre la corruption, à renforcer la place de la société civile et à s'abstenir à tout discours provocateur.

Le Conseil de l'Europe doit poursuivre son dialogue avec l'UE, en proposant son aide dans les domaines où ses compétences sont salutaires, tels que l'État de droit, la démocratie et les droits humains.

Notre groupe souhaite souligner l'intérêt porté à la création de la Communauté politique européenne qui a vu le jour le 6 octobre dernier en Conseil européen à l'initiative du Président français, Emmanuel Macron. Cette plateforme intergouvernementale est un espace de dialogue politique dont la priorité est de renforcer la coopération dans les domaines de la défense et de la sécurité, et d'améliorer l'interconnexion dans les secteurs des télécommunications, de la cybersécurité et des transports.

La création de la Communauté politique européenne répond à la nécessité de recréer une unité continentale à la suite de l'agression russe contre l'Ukraine. Elle n'a donc pas vocation à se substituer à l'UE ni au Conseil de l'Europe. Au contraire, elle aura pour mission de préparer les dirigeants, les élus et les citoyens des pays candidats à leur intégration dans l'UE.

Le groupe ADLE croit fortement à la complémentarité et aux synergies entre ces espaces de dialogue politique pour permettre l'accélération du processus d'intégration des pays des Balkans occidentaux dans l'UE.

Je vous remercie.

2. L'intervention de M. Claude Kern.

Merci, Madame la Présidente. Mes chers collègues,

Je veux remercier notre collègue, M. George Papandréou, pour son excellent rapport. Je reviens moi-même de Sarajevo où, avec d'autres collègues, j'ai participé à cette mission d'observation préélectorale puis électorale. Grâce aux échanges que nous avons pu avoir sur place, j'ai pu toucher du doigt certaines des problématiques évoquées dans ce rapport.

Prendre en compte de manière adéquate les situations et les besoins de l'Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Macédoine du Nord, de la Serbie et du Kosovo m'apparaît être une nécessité pour l'Union européenne tout comme pour les pays concernés. Ne nous le cachons pas : la marche vers l'intégration européenne est longue et ardue, tant la reprise de l'acquis communautaire suppose l'adaptation des législations et des pratiques.

La situation du Monténégro est à cet égard frappante. S'il a ouvert l'ensemble des plus de 30 chapitres de négociation, seuls trois sont aujourd'hui provisoirement clos. Je partage les préoccupations exprimées par notre collègue rapporteur sur l'évolution de la situation dans la région.

Le climat politique polarisé aboutit parfois à des conflits interinstitutionnels. Dans plusieurs États, on relève malheureusement de graves manquements à l'État de droit, de sérieuses difficultés de gouvernance et des failles dirimantes dans l'organisation et l'indépendance du système judiciaire. La liberté des médias reste un enjeu, tout comme le respect des minorités nationales. Ces problèmes sont encore aggravés par des reculs démocratiques que l'on observe dans certains de ces pays comme dans bien d'autres pays d'Europe.

Nier ces problèmes serait mentir. Dire qu'il sera facile de les résoudre aussi. Et pour autant, il nous faut avancer et donner des perspectives positives aux États des Balkans occidentaux, afin d'éviter qu'ils se tournent vers d'autres influences qui prêtent moins d'attention aux enjeux démocratiques.

Je crois que les pays en préadhésion devraient pouvoir tirer plus rapidement, et sans attendre leur adhésion complète, le bénéfice des efforts qu'ils consentent. Le fait d'avoir revu la méthodologie du processus d'intégration pour le rendre à la fois plus rapide et progressif, mais aussi réversible, me paraît être une mesure de bon sens.

Il nous faut réaffirmer avec force la perspective européenne des Balkans occidentaux, sans rien cacher des marches ardues qu'implique l'adhésion à l'Union européenne. Il en va d'ailleurs de même pour l'Ukraine et la République de Moldova - et peut-être, j'espère un jour, la Géorgie.

Mais la phase de préadhésion est une étape cruciale si l'on veut éviter d'importer des problèmes systémiques au sein de l'Union européenne. Merci.

3. L'intervention de M. Jacques Le Nay

Merci, Madame la Présidente.

Les Balkans occidentaux font intégralement partie de l'Europe. C'est une évidence géographique et culturelle, mais force est de constater que les soubresauts de l'Histoire et les tourments politiques n'ont pas encore permis à un certain nombre d'États de la région de rejoindre l'Union européenne, à laquelle ils aspirent d'adhérer.

Le rapport de notre collègue M. George PAPANDREOU souligne à juste titre les enjeux géopolitiques de cette région. Je partage son constat et ses inquiétudes, alors que la guerre lancée par la Fédération de Russie en Ukraine peut être un ferment de division.

L'enthousiasme initial du processus d'adhésion et l'envie d'adaptation ne doivent pas s'éroder. Or, malheureusement, certaines tendances contraires sont à l'oeuvre, sur fond de lassitude ou de résignation des populations qui se sentent laissées pour compte. Le rapport souligne que, selon plusieurs études, un nombre croissant de personnes, en particulier parmi les jeunes, pensent que la perspective de l'Union européenne ne se concrétisera jamais. C'est alors le nationalisme qui gagne en vigueur et l'on sait où cela peut mener dans une région inflammable.

L'enjeu politique est donc majeur pour les États des Balkans occidentaux. Il est majeur pour l'Union européenne, à la fois dans son rapport à un voisinage qu'elle a vocation à intégrer mais aussi pour son intégrité future. Car nous sommes confrontés, en réalité, à deux risques de déstabilisation que l'Union doit gérer. On ne peut en effet prendre le risque d'entériner une adhésion pour un seul motif politique si les prérequis, notamment en termes de démocratie et d'État de droit, ne sont pas remplis.

J'appuie donc l'appel de notre collègue pour que le Conseil de l'Europe, grâce à son large panel d'instruments, puisse accompagner les États des Balkans occidentaux dans leurs réformes nécessaires. Je considère également que la révision des modalités du processus d'adhésion, que la France avait appelée de ses voeux, était nécessaire afin de garantir à la fois une progressivité et une réactivité accrues, mais aussi une réversibilité lorsque cela est nécessaire.

Je me félicite aussi que plusieurs obstacles aient pu être levés, notamment par la levée de l'opposition de la Bulgarie à l'adhésion de la Macédoine du Nord ou encore par l'ouverture des négociations avec l'Albanie.

Dans une période troublée, l'Union européenne et le Conseil de l'Europe doivent travailler de concert afin de donner de perspectives d'avenir réelles et crédibles aux pays des Balkans occidentaux.

Je vous remercie.

4. L'intervention de M. Thibaut François

Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur,

Je vais faire mon introduction en anglais car c'est la première fois que je m'adresse à cette Assemblée.

C'est un honneur pour moi de représenter le Rassemblement National dans cette Assemblée. C'est la première fois dans la très longue histoire de mon parti, qui a fêté ses 50 ans la semaine dernière.

Le système électoral français très verrouillé n'a pas permis à mon parti d'avoir une représentation dans cette Assemblée puisque nous n'avons pas de scrutin proportionnel en France.

Avec mes collègues, nous allons donc porter un son de voix différent dans cette Assemblée, qui est parfois très heureuse de donner des leçons et de donner des leçons au monde entier. Nous représenterons dans cette Assemblée les 13,2 millions de personnes qui ont voté pour Mme Le Pen au second tour de l'élection présidentielle en France.

Et maintenant, je vais m'exprimer en français qui est ma langue maternelle.

Au sujet de l'intégration des Balkans et de ce rapport qui plaide évidemment pour une intégration sans condition dans l'Union européenne, ce rapport ignore pourtant un pan très important : c'est celui des différences économiques qui existent entre l'Europe occidentale - si je puis me permettre - et les Balkans.

Rappelons par exemple que les plans d'investissement de l'Union européenne ont dépassé plus de 30 milliards d'euros d'investissements, dont 9 milliards d'investissements directement liés aux aides de préadhésion.

Alors, quel objectif ? L'objectif de l'Union européenne était de moderniser les transports, les énergies vertes, la protection de l'environnement et la gouvernance. Mais à quel prix ? La France, mon pays, subit de plein fouet une crise économique, une crise énergétique et un chômage endémique desquels elle ne se remet pas. Notre autonomie énergétique est même menacée cet hiver : nous ne sommes pas sûrs d'avoir suffisamment de ressources pour pouvoir chauffer tout notre pays. Et ici, vous venez parler d'intégration de nouveaux pays dans l'Union européenne.

Je vais préciser mon propos sur les différences économiques qui sont, à mon sens, insoutenables entre ces pays. Pour rappel, le salaire minimum de l'Albanie est de 191 euros ; en Bosnie, c'est 204 euros ; en Serbie, 283 ; en Macédoine, 240 euros par mois ; et mon pays, la France, c'est 1 539 euros, soit près de six fois plus. Comment pouvez-vous estimer qu'il est possible d'intégrer les pays des Balkans avec de telles différences économiques au sein de l'Union européenne ? Ces différences sont évidemment insoutenables.

Alors, n'oubliez pas, si je puis me permettre, dans cette belle Assemblée, que nous sommes d'abord l'Assemblée, une Assemblée du peuple. Et je vous rappelle qu'en 2017, mon grand pays ainsi que les Pays-Bas ont voté contre l'intégration de plusieurs pays et de nouveaux pays au sein de l'Union européenne.

Alors, si vous êtes si sûrs, si convaincus de votre projet d'élargissement, n'ayez pas peur des peuples. Proposez aux États membres un référendum sur le sujet, sur l'établissement, sur l'intégration de ces pays dans l'Union européenne, et je peux vous garantir une chose : c'est que le résultat de ce référendum sera bien différent de l'ensemble des discours que j'ai pu entendre autour de cette table et dans cette Assemblée ce matin.

Je vous remercie.

5. L'intervention de M. Bernard Fournier

Monsieur le Président, Mes chers collègues,

Je veux remercier notre collègue George Papandreou pour la qualité de son rapport sur la perspective européenne des Balkans occidentaux. J'observe que ce débat intervient alors que la délégation du Kosovo, État qui n'est pas reconnu par tous les États membres mais a formulé une demande d'adhésion à notre Organisation, est autorisée pour la première fois à participer à nos échanges.

Le rapport de notre collègue aborde à la fois le processus d'adhésion des pays des Balkans occidentaux à l'Union européenne et l'action propre que peut mener le Conseil de l'Europe dans ce contexte.

Je voudrais pour ma part évoquer plus particulièrement ce second point car je crois profondément à la pertinence de l'action du Conseil de l'Europe pour accompagner le processus d'adhésion à l'Union européenne. Nous savons en effet qu'au-delà de la reprise de l'acquis communautaire, l'adhésion à l'Union européenne implique des actions fortes en matière de lutte contre la corruption, de défense de la liberté d'expression, de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ou encore de mise en place d'un système judiciaire efficace. Sur tous ces points, le Conseil de l'Europe, au travers de ses organismes spécialisés comme le GRECO ou le comité Moneyval, présente une plus-value incontestable.

La Facilité horizontale pour les Balkans Occidentaux et la Turquie, programme conjoint du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne complété par des programmes bilatéraux et régionaux conjoints, illustre également la complémentarité des actions du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne dans ces domaines clés.

Je partage l'inquiétude de notre collègue Papandréou sur les déceptions causées par la longueur du processus d'élargissement et sur les risques qu'il comporte, alors que de nombreuses influences sont à l'oeuvre dans la région.

Mais je crois parallèlement qu'il ne faut pas aller de l'avant pour le seul motif politique, en allégeant les procédures ou les exigences qui sont posées, car sinon nous aurons la déception demain, à l'intérieur de l'Union, et d'une manière probablement encore plus exacerbée.

C'est une forme de ligne de crête qu'il nous faut tenir, et nous aurons besoin pour y parvenir d'une bonne coopération entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, afin d'accompagner les États candidats dans leur programme de réforme qui, je le mesure pleinement, nécessite un engagement au plus haut niveau et dans la durée.

6. L'intervention de Mme Marietta Karamanli

Compte tenu de la clôture des débats, Mme Marietta Karamanli n'a pu prononcer son discours. Toutefois, étant présente dans l'hémicycle, celui-ci a pu être pu être publié au compte rendu officiel dans les conditions prévues par le Règlement de l'APCE.

Je souhaite tout d'abord remercier, notre collègue M Georges Papandréou, rapporteur pour ses constats et propositions s'agissant d'un sujet « sensible » comme l'est celui « d'une perspective européenne pour les Balkans occidentaux et les pays qui les composent à savoir l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie et le Kosovo».

Il inscrit ses recommandations dans une triple perspective :

- la solidarité historique et culturelle au sens large, la complémentarité économique et politique des pays concernés ;

- la perspective européenne qui a sa logique, ses critères et qui donne un sens au travail en commun ;

- l'État de droit, ses valeurs et pratiques.

Il rappelle les projets et accords de financements de travaux à mener en commun. Je partage cette triple préoccupation.

Je ferai trois observations complémentaires.

Premièrement, évidemment, et le rapport ne le cache pas, c'est une zone de concurrence marquée par la volonté de quelques appareils d'État extérieurs à l'Union d'imposer un leadership : par la contrainte, par la prise de contrôle économique ou par l'influence sur les communautés.

Je le pense sincèrement les États des Balkans occidentaux doivent être non seulement écoutés mais aussi entendus par l'Union européenne.

Le rapporteur a insisté sur la place et le rôle du droit dans la construction politique... je partage cet avis.

Deuxièmement, j'ajoute que la même Union européenne doit avoir une vision stratégique de ses relations avec ces États supportée par un large programme d'investissements communs, notamment en faveur d'infrastructures, de routes, de voies fluviales et ferroviaires qui rassemblent, désenclavent et facilitent le développement des échanges.

Troisièmement, la création d'une Union européenne comprenant « 30 ou 36 membres » avec une évolution du fonctionnement doit être considéré comme une hypothèse sérieuse.

Dans cette évolution le Conseil de l'Europe a un rôle crucial à jouer. Il ne peut y avoir de communauté politique européenne élargie sans Conseil de l'Europe ! Je pense que cette convergence de l'instance qui porte la démocratie, le Conseil de l'Europe, et de l'Union européenne qui peut porter la prospérité et la réponse aux défis du moment, je pense à l'énergie, la transition écologique, la santé et l'éducation et la recherche, constitue une opportunité.

Je fais voeu que notre assemblée porte ce message dans chacun de notre parlement respectif.

Je vous remercie de votre attention.

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