Rapport d'information n° 195 (2022-2023) de Mmes Gisèle JOURDA et Viviane MALET , fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, déposé le 8 décembre 2022

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N° 195

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 décembre 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur la gestion des déchets dans les outre-mer ,

Par Mmes Gisèle JOURDA et Viviane MALET,

Sénatrices

(1) Cette délégation est composée de : M. Stéphane Artano, président ; M. Maurice Antiste, Mmes Éliane Assassi, Nassimah Dindar, MM. Pierre Frogier, Guillaume Gontard, Mmes Micheline Jacques, Victoire Jasmin, M. Jean-Louis Lagourgue, Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, MM. Teva Rohfritsch, Dominique Théophile, vice-présidents ; M. Mathieu Darnaud, Mmes Vivette Lopez, Marie-Laure Phinera-Horth, M. Gérard Poadja, secrétaires ; Mme Viviane Artigalas, M. Philippe Bas, Mme Agnès Canayer, M. Guillaume Chevrollier, Mme Catherine Conconne, M. Michel Dennemont, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Daniel Gremillet, Mme Jocelyne Guidez, M. Abdallah Hassani, Mme Gisèle Jourda, MM. Mikaele Kulimoetoke, Dominique de Legge, Jean-François Longeot, Victorin Lurel, Mme Marie Mercier, MM. Serge Mérillou, Thani Mohamed Soilihi, Georges Patient, Mme Sophie Primas, MM. Jean-François Rapin, Michel Savin, Mme Lana Tetuanui.

L'ESSENTIEL

Après plus de six mois de travaux, trois déplacements à La Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, et près de 160 personnes auditionnées, la délégation a constaté le retard majeur des outre-mer en matière de gestion des déchets.

Cette situation place certains territoires en urgence sanitaire et environnementale . La cote d'alerte y est dépassée.

Des plans de rattrapage exceptionnels , voire des plans Marshall pour la Guyane et Mayotte, sont indispensables. Des financements et une gouvernance consolidés permettront de prendre le virage d'une économie circulaire réaliste et adaptée aux contraintes propres des territoires ultramarins.

1.  LE RETARD MAJEUR DES OUTRE-MER

Les outre-mer français accusent des lacunes et des retards majeurs en matière de gestion des déchets. Les départements et régions d'outre-mer (DROM) et collectivités d'outre-mer (COM) sont dans des situations semblables.

Quelques indicateurs rendent compte de ce décalage complet : taux d'enfouissement écrasant, taux de valorisation faible, valorisation énergétique quasi nulle.

Le taux d'enfouissement moyen des déchets ménagers est de

Le coût de gestion moyen des déchets ménagers est

La quantité moyenne d'emballages ménagers collectés par habitant et par an est de

contre 15 % au niveau national

plus élevé que dans l'Hexagone

dans les 5 DROM contre 51,5 kg pour la France entière

Taux d'enfouissement, d'incinération et de valorisation matière ou organique des déchets ménagers et assimilés en 2020 dans les DROM et COM

Données non disponibles pour Wallis et Futuna, mais le taux d'enfouissement y est aussi prédominant

Ces données restent imprécises. Des gisements importants échappent aux flux de collecte , en particulier les déchets des quartiers informels, des dépôts sauvages ou des décharges illégales.

Saint-Martin : le marché de la collecte sélective interrompu pendant 5 ans

Mayotte : 41 % de la population non desservis par la collecte à Mamoudzou

Guyane : 2 déchetteries pour un territoire grand comme le Portugal

De manière générale, les outre-mer souffrent d'un retard massif d'équipements . Hormis à La Réunion, dans les quatre autres DROM, le nombre de déchetteries par habitant est de 2 à 9 fois plus faible que dans l'Hexagone. À Mayotte, la première devrait ouvrir en 2023.

Néanmoins, la situation de chaque territoire est fortement différenciée :

- Mayotte et la Guyane ont presque tout à construire pour une population qui explose ;

- la Guadeloupe, la Martinique et la Polynésie française sont sur une ligne de crête avec des enjeux de gouvernance, de financement et d'investissement ;

- La Réunion et la Nouvelle-Calédonie sont sur des dynamiques positives, malgré leur retard ;

- Saint-Barthélemy valorise la quasi-intégralité de ses déchets, avec un modèle adapté, mais doit prendre le virage de la prévention ;

- Saint-Pierre-et-Miquelon , modèle de la collecte et de la prévention, doit fermer ses décharges littorales illégales qui brûlent à ciel ouvert ;

- Wallis-et-Futuna résorbe ses dépotoirs et la collecte sélective prend un nouvel essor ;

- Saint-Martin enfouit la quasi-totalité des déchets et doit coopérer avec la partie néerlandaise. Le cyclone Irma a profondément désorganisé le service.

Tous les déchets sont concernés par ce retard. BTP, véhicules hors d'usage (VHU)... Ainsi, seul un tiers du stock historique de VHU abandonnés, estimé à 65.000 en 2015, aurait été résorbé à ce jour . Mayotte et la Guyane ne comptent chacun qu'un centre VHU agréé.

2.  L'URGENCE SANITAIRE ET ENVIRONNEMENTALE

La collecte déficiente, en particulier dans les quartiers informels, le fléau des dépôts sauvages et le poison lent des anciennes décharges illégales sont autant de dangers pour des territoires fragilisés où des populations n'ont pas toujours accès à l'eau potable.

La mission a mis en évidence l'urgence sanitaire à laquelle doivent faire face ces territoires, et tout particulièrement Mayotte et la Guyane. Les maladies favorisées par cette situation sont en particulier la dengue, l'hépatite A, la typhoïde et la leptospirose.

À Mayotte et en Guyane , un taux de prévalence de la leptospirose 70 fois supérieur au taux national

À La Réunion , des cas de plombémie et de saturnisme infantile observés

L'urgence environnementale est forte. Des mangroves étouffées, un cadre de vie dégradé, des sols pollués, alors que les outre-mer abritent 80 % de la biodiversité française .

Mangrove à Mayotte

Décharge dans un quartier informel à Mayotte

3.  DES CAUSES IDENTIFIÉES

- Des financements insuffisants et une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui asphyxie les budgets de fonctionnement des EPCI ;

- Une taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) qui couvre en moyenne 80% des dépenses du service public des déchets, avec des écarts de 15 à 100% selon les communes, et de plus en plus de non-contributeurs dans les quartiers informels ;

- Des éco-organismes discrets , voire absents, qui ont longtemps tardé à s'implanter dans les outre-mer et qui commencent seulement à rattraper leur retard ;

- Des filières locales de recyclage très limitées en raison de l'étroitesse des marchés ;

- Une prévention quasi-inexistante ;

- Une gouvernance locale pas toujours adaptée, avec trop d'acteurs ;

- Une ingénierie souvent faible ;

- Des exportations de déchets , notamment dangereux, de plus en plus compliquées .

4.  LES 10 PRINCIPALES PROPOSITIONS

Une gouvernance à simplifier

- Vers un opérateur unique par territoire en charge du traitement des déchets ménagers

- Dans chaque région, faire de la commission consultative d'élaboration et de suivi (CCES) du plan régional de prévention et de gestion des déchets, une véritable instance de coordination et de pilotage

Financement : réinjecter près de 80 millions d'euros par an

- Des plans de rattrapage exceptionnels , voire des plans Marshall pour Mayotte et la Guyane : débloquer au minimum 250 millions d'euros sur 5 ans pour réaliser les équipements prioritaires et structurants, en plus des aides actuelles de l'État

- Exonération de TGAP pendant 5, 7 ou 10 ans, soit un gain annuel pour les dépenses de fonctionnement entre 17 et 30 millions d'euros par an

Filières REP : vers des obligations de résultat

- Expérimenter outre-mer un mécanisme incitatif de pénalités pour les éco-organismes n'atteignant pas des objectifs chiffrés par territoire

- Abaisser à une tonne , au lieu de 100, le seuil à partir duquel le coût du nettoiement d'un dépôt sauvage est pris en charge par les éco-organismes

La collecte : innover pour aller chercher les gisements de déchets

- Développer les dispositifs de gratification directe du tri pour encourager la collecte sélective dans les zones les plus défavorisées ou isolées

- Habiliter les DROM à adopter leurs propres normes en matière d'interdiction de mise sur le marché, de consigne ou de réemploi

Le traitement : priorité aux filières locales d'économie circulaire et soutien à la valorisation énergétique

- Faire application de l'article 349 du TFUE pour obtenir l'adaptation du règlement européen sur les transferts de déchets , en cours de révision, aux contraintes particulières des outre-mer pour leur permettre de développer des stratégies régionales et augmenter l'aide au fret dans l'environnement régional

- Soutenir la valorisation énergétique dans les outre-mer , notamment en obtenant de la commission de régulation de l'énergie (CRE) un cadre clair, pérenne et favorable au prix de rachat de l'électricité ainsi produite

AVANT-PROPOS

Depuis plusieurs années, « Urgence » est le substantif associé régulièrement aux outre-mer pour décrire leurs réalités et leurs défis. Malheureusement, ce terme n'est pas galvaudé et la gestion des déchets justifie encore son emploi : oui, il y a urgence à répondre au défi des déchets dans les outre-mer français.

En engageant ses travaux, la Délégation sénatoriale aux outre-mer avait connaissance du retard pris par plusieurs de ces territoires en matière d'économie circulaire, de tri des déchets ou encore de lutte contre les dépôts sauvages. Les données, bien que parfois lacunaires ou imprécises, sont connues.

Un indicateur suffit à offrir un aperçu du rattrapage nécessaire : au niveau national, 15 % des déchets ménagers sont enfouis, 85% étant valorisés. En outre-mer, le rapport est inversé . À l'exception de la Martinique qui a enfoui, en 2020, 40 % de ses déchets ménagers et de Saint-Barthélemy qui incinère la totalité des déchets non triés, tous les autres territoires affichent des taux d'enfouissement de 70 à 80 %, voire pratiquement 100 % à Mayotte ou en Guyane.

Toutefois, ce constat statistique ne rend pas compte de la réalité de certains de ces territoires qui sont confrontés à une vague de déchets qui ne cesse d'enfler. La cote d'alerte est atteinte et plonge des territoires face à une double urgence : une urgence environnementale et une urgence sanitaire.

Mayotte et la Guyane ont notamment besoin d'un plan Marshall pour simplement mettre un terme à certaines situations inadmissibles dans la République française : des enfants jouant au milieu d'une décharge sauvage d'un bidonville, comme la délégation peut en témoigner à l'issue de son déplacement à Mayotte.

Enjeu environnemental, enjeu sanitaire, la gestion des déchets revêt aussi un enjeu économique. Le développement touristique ne peut réussir si les plages sont polluées, les routes bordées d'épaves et le paysage abîmé.

En réalité, pour les outre-mer, les déchets sont l'autre service public de base au coeur du quotidien de chacun, au même titre que l'eau, l'assainissement ou l'électricité, sans lequel il ne peut y avoir un développement harmonieux et digne.

La prise de conscience est forte dans ces territoires. Au cours des travaux, il a été frappant de constater que la presse quotidienne ultra-marine consacrait presque chaque jour un article sur ce sujet. Que ce soit pour dénoncer des dépôts sauvages, mettre en avant des initiatives citoyennes ou des projets innovants, alerter sur l'engorgement des filières ou pointer des problèmes de gouvernance.

Le présent rapport tente donc de dresser un état des lieux par territoire, avec leurs faiblesses et leurs points forts. Le retard est inégal, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon étant proches des standards nationaux par plusieurs aspects.

Le champ du rapport ne s'est pas limité aux seuls déchets ménagers, bien qu'ils concentrent l'essentiel des réflexions et efforts des collectivités.

En revanche, ce rapport n'a pas pour ambition de décrire l'ensemble de la politique de gestion des déchets, de nombreuses problématiques demeurant analogues à celles rencontrées dans l'Hexagone. Il s'est concentré sur les spécificités des outre-mer, leurs contraintes propres et les adaptations nécessaires.

Cette situation de retard ne résulte pas d'un désengagement des autorités responsables. Au contraire, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que l'État, sont mobilisés et fournissent des efforts financiers importants depuis plusieurs années.

Pourtant, ces efforts ne suffisent plus et un nouvel élan est nécessaire.

En particulier, il paraît inévitable que l'État débloque des moyens supplémentaires pour des plans de rattrapage rapides, voire exceptionnels pour la Guyane et Mayotte. La solidarité nationale doit jouer pleinement pour les populations et ces territoires qui hébergent 80 % de la biodiversité française.

Le présent rapport formule donc une vingtaine de propositions précises dans tous les domaines : financements, coûts, gouvernance, ingénierie, coopération régionale, filières REP, modes de collecte et de traitement...

Enfin, votre délégation se félicite de la participation à nos auditions des membres du groupe d'études sur l'économie circulaire et de sa présidente Marta de Cidrac en particulier. Cette collaboration permettra de nourrir les prochains travaux législatifs du Sénat sur ces sujets.

I. UN RATTRAPAGE RATÉ : L'URGENCE D'AGIR POUR POSER LES BASES D'UNE NOUVELLE DYNAMIQUE

Le panorama de la gestion des déchets dans les outre-mer fait ressortir, à des degrés divers, le constat d'un retard général en comparaison de l'Hexagone. Le déploiement des collectes sélectives a démarré plus tard à partir des années 2000. Ce retard n'a jamais été rattrapé et tend à s'accentuer au moment où l'Hexagone et l'Europe prennent le virage de l'économie circulaire.

Dans les outre-mer, l'urgence est de poser les bases d'une gestion des déchets garante de la santé publique et de la préservation du cadre de vie, avant même d'évoquer l'économie circulaire. Plusieurs axes d'action doivent être rapidement mis en oeuvre pour initier une nouvelle dynamique, sur laquelle des stratégies plus ambitieuses et innovantes pourront s'appuyer.

A. DES PLANS D'URGENCE POUR ÉVITER LE PIRE

Une présentation synthétique de l'organisation, des performances, des faiblesses et des points forts de la gestion des déchets figure en annexe du présent rapport sous la forme de fiches par territoire . Les développements ci-dessous pointent les retards et manquements les plus importants pour lesquels des actions rapides doivent être mises en oeuvre.

1. Une urgence sanitaire autant qu'environnementale

Le défi des déchets dans de nombreux territoires ultramarins est environnemental, mais aussi et surtout sanitaire.

a) Des risques sanitaires multiples qui s'aggravent

Les auditions et les déplacements, en particulier à Mayotte, ont mis en évidence cette dure réalité sur des territoires de la République.

À Mayotte, la Délégation sénatoriale a constaté l'existence de décharges sauvages à ciel ouvert au coeur de bidonvilles au milieu desquelles des enfants jouent. Des batteries de voiture y servent de pierre de gué pour franchir des ruisseaux. Des femmes lavent leur linge dans des bassins alimentés par cette eau. Des tas de déchets y brûlent continuellement. Naturellement, lors de pluies violentes, une grande partie de ces déchets finissent dans le lagon et la mangrove. De telles décharges existent dans plusieurs quartiers de Mayotte.

Cette réalité ne peut pas être occultée ou édulcorée.

En Guyane, la situation y est assez similaire, à la seule différence que l'espace disponible permet de diluer cette sensation de débordements par les déchets.

Le cas paroxystique de Mayotte illustre les conséquences sanitaires qu'une gestion défaillante des déchets peut engendrer.

Pour aller au-delà du sentiment d'insécurité sanitaire, quelques données objectives permettent de mieux appréhender et évaluer ce risque dans les outre-mer.

Sans être nécessairement propres aux outre-mer, les risques sanitaires liés aux déchets y sont généralement exacerbés du fait du climat, de la densité de population et de la pauvreté.

Lors de son audition, la Direction générale de la santé (DGS) a souligné que l'abandon des déchets sur l'espace public ou privé, notamment les produits électroménagers ou les véhicules hors d'état d'usage (VHU) favorise la prolifération d'espèces nuisibles et de rongeurs, qui sont vecteurs de maladies transmissibles aux populations, comme la dengue, le paludisme, ou la leptospirose.

Les déchets abandonnés sont autant de gîtes larvaires propices à la prolifération des moustiques. Des épidémies régulières de dengue , mais aussi de zika ou de chikungunya, touchent régulièrement une grande partie de la population dans les Antilles, en Guyane, dans l'océan Indien et dans le Pacifique. Elles entraînent des arrêts maladies, de nombreuses hospitalisations et des décès.

Les rongeurs, et les rats en particulier, favorisent la transmission de la leptospirose qui est une maladie bactérienne grave pouvant conduire à l'insuffisance rénale, voire à la mort dans 5 à 20 % des cas. En Guyane, une centaine de cas est comptabilisée chaque année. Le taux est 70 fois supérieur à celui de la France hexagonale . À Mayotte, 71 cas de leptospirose ont été identifiés en 2020, 154 en 2021 et 152 sur les huit premiers mois de 2022. La tendance à une hausse quasi-exponentielle est très inquiétante, pour ne pas dire alarmante.

D'autres maladies encore peuvent être favorisées par une mauvaise gestion des déchets, comme la typhoïde ou l'hépatite A .

Il est naturellement impossible d'isoler précisément les facteurs concourant à la transmission de ces maladies ou de l'imputer aux seuls déchets. Mais il est certain que les déchets créent à tout le moins des conditions plus favorables.

Les déchets entraînent également une dégradation de l'environnement des populations. Les fluides toxiques contenus dans ces déchets se répandent dans les milieux naturels, les eaux de surface et les nappes phréatiques. À Wallis, par exemple, la lentille d'eau douce fait l'objet d'une surveillance régulière en raison de la présence ancienne d'un dépotoir.

Les batteries abandonnées ou le lixiviat des décharges illégales ou non contrôlées polluent gravement les sols. Or de nombreuses décharges de ce type, actuelles ou anciennes, demeurent dans les outre-mer. À La Réunion, des regroupements de cas de plombémie et de saturnisme infantile ont déjà été observés autour de zones de précarité dans lesquelles des batteries avaient été abandonnées. Les dépôts sauvages de batteries ont également pris des proportions importantes en milieu urbain, à La Réunion, à Mayotte et en Guyane. Des pollutions diffuses ultérieures sont à craindre.

Focus sur l'incidence à Mayotte des maladies vectorielles et hydriques
pouvant être favorisées par l'abandon de déchets

Maladies vectorielles

- Paludisme : le paludisme est une maladie causée par un parasite du genre Plasmodium, exclusivement transmis à l'humain par la piqûre d'un moustique. Des symptômes variés peuvent survenir avec la maladie (fièvre, vomissements, tremblements,...). Si Mayotte est entrée en 2014 dans une phase d'éradication de la maladie, 29 cas (dont 5 présumés autochtones) ont été recensés en 2020, 16 cas importés en 2021 et 23 cas sur les huit premiers mois de 2022 ;

- Dengue : la dengue est une maladie infectieuse présente dans toutes les régions tropicales. Elle est transmise par la piqûre d'un moustique diurne du genre Aedes. Le plus souvent bénigne bien qu'invalidante, la dengue peut toutefois se compliquer de formes hémorragiques. En 2020, une épidémie majeure a touché le territoire avec plus de 4 300 cas documentés. En 2022, 3 suspicions ont été identifiées.

Maladies zoonotiques

- Leptospirose : les rongeurs sont les principaux vecteurs de la maladie, qui peut se transmettre chez l'homme par contact avec les animaux infectés, ou par transmission indirecte dans un environnement contaminé (eau de baignade, de consommation,...). En l'absence de traitement, la maladie peut avoir des conséquences sévères. À Mayotte, 71 cas de leptospirose ont été identifiés en 2020, 154 en 2021 et 152 sur les huit premiers mois de 2022.

Maladies hydriques

- Typhoïde : la typhoïde ou salmonellose majeure est une maladie causée par l'ingestion d'une bactérie, la Salmonella typhi, qui persiste de nombreux mois dans l'environnement (en particulier dans l'eau) en conservant son potentiel infectant. La dispersion dans l'environnement de la bactérie à partir d'une personne infectée est la source des infections secondaires, y compris après consommation de l'eau contaminée par des déchets produits par une personne infectée contenant les bactéries. En 2021, 14 cas de typhoïde (dont un décès) ont été signalés. À ce jour, 100 cas ont déjà été documentés sur les huit premiers mois de 2022 ;

- Hépatite A : l'hépatite A est une pathologie virale hépatique classiquement bénigne causée par l'ingestion d'eau ou d'aliments contaminés par une personne infectée. Il n'existe pas de traitement. Comme pour la typhoïde, la contamination de l'environnement par l'intermédiaire des déchets produits par une personne infectée existe et concoure au risque d'infections secondaires. En 2021, 74 cas d'hépatite A ont été documentés. 18 cas ont été recensés sur les huit premiers mois de 2022.

Source : ARS de Mayotte

La qualité de l'air est également affectée 1 ( * ) , notamment par le brûlage des déchets verts, fréquents sous les climats tropicaux. Plus graves, les incendies des décharges sauvages ou non aux normes dégagent des fumées toxiques. De tels incendies sont réguliers, par exemple à la décharge de Céron en Martinique en 2021.

Enfin, les déchets industriels et miniers existent aussi en outre-mer. En Guyane française, les activités d'orpaillage illégales sont à l'origine d'une double pollution mercurielle liée aux expositions professionnelles via l'inhalation du mercure élémentaire (Hg) (brûlage des amalgames, raffinage de l'or), et à la contamination des poissons carnivores et piscivores 2 ( * ) . L'unité de traitement de minerai peut également générer d'importants volumes de stériles miniers, et des résidus miniers post-traitement chimique qui peuvent contenir des métaux lourds.

La Nouvelle-Calédonie est l'autre territoire marqué par une activité minière conséquente. Les compétences en matière de contrôle appartiennent aux provinces ou à la Nouvelle-Calédonie. Le traitement des déchets est effectué de manière industrielle, à travers des parcs à stériles miniers et des stockages de résidus miniers. Lors de son audition, Philippe Bodenez, chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) a indiqué que plusieurs initiatives ont été lancées pour évaluer l'impact sanitaire de ces déchets sur les populations locales.

Une initiative portée par la Direction des mines de Nouvelle-Calédonie (DIMENC), vise à mesurer le niveau d'imprégnation des populations locales à un certain nombre de polluants qui peuvent être émis par l'activité minière tels que le nickel, le chrome, le cobalt et le manganèse. Une surexposition éventuelle des populations riveraines est également recherchée. Des études sont menées pour déterminer si les rejets liés aux activités minières peuvent être à l'origine de pathologies.

Les déchets nucléaires en Polynésie française

Le mode de gestion des déchets issus des essais nucléaires

Entre 1966 et 1996, la France a effectué 193 essais nucléaires dans les atolls de Mururoa et de Fangataufa, en Polynésie française via l'implantation d'un centre d'expérimentation dans le Pacifique (CEP) : 41 tirs atmosphériques, 137 tirs souterrains, et 15 essais de sécurité ont été réalisés, afin de garantir la sécurité et la fiabilité de la force française de dissuasion.

À l'annonce de l'arrêt définitif de ces essais le 29 janvier 1996, les autorités ont procédé à la fermeture de ces bases, au démantèlement des installations, au rapatriement du matériel, ainsi qu'à des actions de nettoyage des deux atolls 3 ( * ) .

Afin de stocker les matières radioactives, deux puits d'une profondeur d'environ 1 200 mètres ont été creusés dans l'atoll de Mururoa : 570 tonnes de déchets radioactifs y sont stockées 4 ( * ) , tandis que 3 200 autres tonnes ont été immergées au large de Mururoa et de l'île de Hao. Un rapport du Sénat du 11 janvier 2012 de Roland Courteau, fait aussi état de 5 kilos de plutonium piégés au fond des lagons des deux atolls 5 ( * ) .

Auditionnée le 13 octobre par la délégation, la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) a indiqué que 4 192 m de déchets de haute activité ont été générés au moment de ces expérimentations, et dix fois plus de déchets de moyenne activité à vie longue.

Aussi, dans les éléments transmis à Roland Courteau, le ministère des armées a indiqué que l'essentiel des déchets sont stockés en profondeur, dans le socle basaltique des atolls, c'est-à-dire dans un ensemble composé de roches métamorphiques et granitiques. Il considère que les conditions de sécurité ont été respectées, et que les atolls sont désormais des lieux de stockages historiques 6 ( * ) .

De plus, en 1996, un rapport commandé par le Gouvernement à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a conclu à l'absence de risque, pour les populations ou la biosphère, du fait de la présence de matériaux radioactifs.

La surveillance radiologique et environnementale des sites, confiée au département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires (DSCEN), a été maintenue. Des rapports sont publiés annuellement et présentés en commission d'information. La dernière commission s'est réunie le 12 octobre, et les résultats publiés en 2022, évoquent la stabilité ou la légère diminution des traces de radioactivité présentes sur les deux atolls, ainsi que le niveau très faible des mouvements de la couronne corallienne 7 ( * ) .

Toutefois, des risques existent. Dans un rapport présenté en janvier 2011, le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour installations et les activités intéressant la défense (DSND) a alerté le ministère sur le risque d'effondrement d'une partie du récif de l'atoll de Mururoa. Un communiqué du commandement supérieur des forces armées en Polynésie française indiquait que les armées se préparaient à l'effondrement d'un bloc, ou au glissement d'une loupe de carbonates, jugé peu probable par les experts 8 ( * ) .

Aussi, si les archives sont majoritairement ouvertes à la consultation 9 ( * ) , le nucléaire militaire reste soustrait aux obligations de transparence, et ne relève ni de la responsabilité de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), ni du plan instauré par la loi du 28 juin 2006 10 ( * ) .

L'indemnisation des victimes des essais nucléaires

La question des déchets radioactifs est distincte de celle de l'indemnisation des victimes, qui résulte des conséquences des retombées des essais nucléaires, en particulier atmosphériques.

Le 5 janvier 2010, la loi dite « Morin » a reconnu et mis en place un Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN). Un régime d'indemnisation a été institué sous réserve de satisfaire les critères imposés.

Cependant, à l'instar de l'Association 123, très active, le seuil d'efficacité radioactive fixé 11 ( * ) , pour toute demande d'indemnisation, est contesté. En effet, si depuis 2018 le nombre d'indemnisations a triplé 12 ( * ) , entre 2010 et 2017, seulement 506 personnes ont été indemnisées, 80 % des demandes ayant été rejetées. Le rapport d'activité de 2021 fait état de 217 demandes 13 ( * ) , dont 91 réponses positives 14 ( * ) .

Le 4 octobre 2022, s'exprimant devant une commission des Nations Unies, l'Association 123 a de nouveau demandé une réparation « pleine et entière », ainsi qu'une étude sur les conséquences transgénérationnelles des essais nucléaires.

De plus, dans l'enquête « Toxique » 15 ( * ) publiée en 2021, les autorités sont accusées d'avoir sous-évalué les doses reçues par la population suite aux retombées radioactives des essais nucléaires. Pour y répondre, les autorités ont annoncé qu'un ouvrage de vulgarisation scientifique était en cours de rédaction.

Parallèlement, un rapport publié le 23 février 2021, de l'Institut français de la recherche médicale (Inserm) 16 ( * ) , met en évidence le manque de données pour établir ou exclure une corrélation entre les essais nucléaires, et le niveau élevé de cancers.

Source : DSOM

En novembre 2022, selon des conclusions d'une mission de l'Institut national du cancer (Inca) en Polynésie française, les données générales relatives au cancer devaient y être fiabilisées. Sur la base des données disponibles, les taux de cancer seraient dans la moyenne, voire inférieurs à ceux mesurés dans l'Hexagone. Toutefois, l'incidence du cancer de la thyroïde, en particulier chez les femmes, est sur l'ensemble de la période 1985-2010, beaucoup plus importante en Polynésie française que dans l'Hexagone et que dans les autres territoires du Pacifique à l'exception de la Nouvelle-Calédonie. Sur la période 1998-2002, elle est même la plus élevée au monde, avec celle de la Nouvelle-Calédonie, et fait l'objet de recherches spécifiques.

b) Une urgence environnementale à la hauteur de la richesse de la biodiversité des outre-mer

Il n'est pas nécessaire de rappeler les enjeux environnementaux associés à la gestion des déchets.

Il faut seulement souligner que pour la France, l'enjeu dans les outre-mer est encore plus fort du fait de la concentration exceptionnelle de biodiversité. Les territoires ultramarins concentrent ainsi 80 % de la biodiversité française.

C'est aussi à l'aune de cette réalité que l'urgence d'un rattrapage doit se mesurer et que l'État doit faire de la gestion des déchets dans les outre-mer une de ses priorités.

2. Diagnostic des territoires : entre l'urgence absolue et le rattrapage à portée de main
a) La Guyane et Mayotte : une situation dramatique

Ces deux territoires cumulent les handicaps et les retards : démarrage tardif ou absence des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), infrastructures de base manquantes, financements faibles, populations galopantes, zones difficiles d'accès.

À Mayotte, aucune déchetterie, aucun centre de tri 17 ( * ) , aucune unité de valorisation énergétique n'existe . Les anciennes décharges illégales ont en revanche fermé en 2014 et la nouvelle installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) de Dzoumogné, aux normes, accueille tous les déchets collectés de l'île. Conçue pour réceptionner 30 années de déchets, elle se remplit plus vite que prévu et pourrait être saturée dans 15 ans .

Compte tenu de la croissance de la population, de la croissance économique et de la part du gisement de déchets qui échappe encore à la collecte, l'hypothèse la moins favorable est crédible. Mayotte dispose donc de 10 à 15 années pour se doter des infrastructures essentielles permettant de ralentir ce flux de déchets.

En Guyane, un territoire grand comme le Portugal, on compte deux déchèteries en fonctionnement 18 ( * ) , une seule déchèterie pour les professionnels sur la commune de Kourou, deux ISDND aux normes, pas d'installation de stockage pour les déchets inertes, deux centres de tri . Aucune unité de valorisation énergétique, mais en revanche de nombreuses décharges à fermer et à réhabiliter. À la différence de Mayotte, les ISDND en activité sont proches de la saturation et il est urgent d'en ouvrir de nouvelles.

Si le traitement des déchets manque de tout, la collecte demeure aussi un défi .

À Mayotte, sur le seul territoire de la communauté d'agglomération de Dembéni-Mamoudzou (CADEMA) qui regroupe une population officielle d'environ 85 000 habitants, l'estimation basse des quartiers non desservis par un service de collecte représente 35 000 personnes.

En Guyane , les quartiers informels et les zones isolées ne sont pas desservis par le service de collecte. D'ailleurs, seules les communes desservies par la route déversent leurs déchets dans l'une des deux ISDND. Les autres communes doivent recourir à des installations de stockage illégales (7 répertoriées dans le projet de plan régional de prévention et gestions des déchets (PRPGD) en consultation), faute de mieux, ou à des « éco-carbets » 19 ( * ) .

Les performances de la gestion des déchets sont extrêmement mauvaises.

En Guyane, le taux de valorisation des déchets ménagers ne dépasse pas 18 %. 82 % des déchets ménagers et assimilés (DMA) sont enfouis. Dans les faits, une part importante des flux de déchets échappant à la collecte, le taux de valorisation est encore plus faible.

À Mayotte, le taux de valorisation est symbolique. 98 % des DMA sont enfouis . Surtout, les dépôts ou les décharges sauvages se multiplient. Houssamoudine Abdallah, maire de Sada et président du Syndicat intercommunal de valorisation et d'élimination des déchets de Mayotte (SIDEVAM), décrit la situation sans précaution oratoire : « Mayotte est devenue une décharge ».

Enfin, ultime défi, la population augmente très fortement dans ces deux territoires, et donc les volumes de déchets, sans que le nombre de contributeurs augmente au même rythme.

b) Saint-Martin et Wallis-et-Futuna : des dépôts sauvages mieux maîtrisés mais une valorisation très faible

Saint-Martin est dans une situation proche de la Guyane et Mayotte. Les infrastructures de base manquent. Une seule déchetterie pour plus de 35.000 habitants, un tri sélectif interrompu plusieurs années faute de marché public renouvelé et un taux d'enfouissement de près de 100%.

Le passage du cyclone Irma a profondément désorganisé la gestion des déchets , d'une part en détruisant certains équipements comme les bacs et les points d'apport volontaire, d'autre part en submergeant l'île de déchets nouveaux (VHU, navires, tôles, déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE)...).

En 2021, plusieurs marchés ont été passés, notamment la collecte des épaves de bateaux et celui des VHU. La déchetterie de Galisbay a également rouvert.

Le retour à la normale est donc lent. Des dépôts sauvages existent, mais principalement sur des terrains privés. Des projets existent néanmoins sur l'écosite actuel de Grandes Cayes. Un enjeu fort reste aussi la coopération avec la partie néerlandaise de l'île, car l'application stricte du droit européen est rendue compliquée.

À Wallis-et-Futuna , des progrès importants ont été réalisés depuis la fermeture des anciens dépotoirs et l'ouverture des centres d'enfouissement technique. Le tri sélectif a commencé à se développer depuis la mise en place de l'écotaxe . Il existe aussi plusieurs déchetteries.

En revanche, la valorisation des déchets localement demeure très limitée. L'étroitesse du gisement et les investissements insuffisants ne le permettent pas à ce jour. L'exportation, toujours compliquée avec l'isolement de ce territoire, est le seul exutoire.

c) La Guadeloupe, la Martinique et la Polynésie française sur la ligne de crête

La Martinique est sur une ligne de crête. Seul DROM à s'être doté tôt d'une unité d'incinération, la Martinique n'est pas parvenue à capitaliser sur cet acquis pour déployer une politique plus ambitieuse. Pire, l'incinérateur a vieilli faute d'investissement et connaît de nombreux arrêts techniques qui se répercutent sur l'ensemble de la chaîne de traitement des déchets. Les ISDND qui arrivent à saturation, quand certaines décharges ne sont pas carrément fermées comme celles de Céron pour mise en conformité, ne peuvent pas toujours accueillir le surplus dans de bonnes conditions.

Le graphique ci-dessous montre bien la marche en arrière de la Martinique . En 2016, l'enfouissement était le troisième mode de traitement. En 2020, il est devenu le premier.

Source : Collectivité territoriale de Martinique

Plusieurs anciennes décharges littorales, qui relâchent régulièrement en mer, sont également à résorber.

En Guadeloupe , la situation est assez proche de celle de la Martinique, à la différence que le territoire n'est pas doté d'unité de valorisation énergétique. Le réseau de déchetteries est encore fragile et les taux de valorisation dépassent tout juste 20 %. 77 % des déchets ménagers sont enfouis .

Le tri demeure insuffisant et les refus de tri sont massifs (près d'un tiers) . Côté prévention, on constate aussi que la production de déchets par habitant est supérieure à la moyenne nationale, qui est pourtant supérieure à la moyenne des départements et régions d'outre-mer (DROM) et des collectivité d'outre-mer (COM).

Les dépôts sauvages sont très nombreux. Rien que pour les VHU, 375 sites avaient été recensés en 2017.

En Polynésie française, le constat est celui d'un déséquilibre entre Tahiti et les archipels . Hormis Bora-Bora, les autres îles ne disposent pas de centre d'enfouissement technique aux normes. Le rapatriement des déchets valorisables vers Tahiti est très compliqué et coûteux.

À Tahiti même, le réseau de déchetteries est très insuffisant, même si pour 2021, le syndicat Fenua Ma annonce un taux de captage des déchets recyclables de 53 % et de près de 70 % pour la communauté de communes Havai (îles sous le vent).

Pour autant, le taux d'enfouissement demeure à des niveaux élevés, aux environs de 80-85 %. La valorisation matière ou organique représente moins de 20 % et les filières locales sont limitées.

Il en résulte un grand nombre de dépôts sauvages (une cartographie a été réalisée) et les risques associés, en particulier dans les îles isolées.

d) Les décharges illégales de Saint-Pierre-et Miquelon

Saint-Pierre-et-Miquelon est dans une situation paradoxale. Les résultats en matière de prévention, de collecte et de tri sont excellents , voire en avance sur les résultats nationaux. Par exemple, les biodéchets des particuliers sont collectés à part depuis 2018.

En revanche, le traitement des déchets résiduels se fait aujourd'hui dans des conditions totalement anormales . Les deux décharges municipales « historiques » du territoire sont en effet illégales et accueillent chaque année environ 6 000 tonnes de déchets (450 tonnes de déchets ménagers, le solde étant les déchets d'activité des entreprises).

Décharge de Miquelon-Langlade

Décharge de Saint-Pierre

Les déchets sont bennés directement sur les deux sites et sont éliminés par brûlage à l'air libre lorsque les conditions météo sont favorables (pas de pluie et orientation du vent).

Ces sites - l'un à Saint-Pierre, le second à quelques kilomètres de Miquelon - n'obéissent à aucune réglementation (pas de géo membrane, pas de mélanges). Pire ils sont tous les deux situés à proximité du littoral.

Le site de Miquelon est relativement protégé des assauts des vagues. En revanche, le site de Saint-Pierre, qui tend à déborder sur le domaine public maritime, est très exposé. À chaque tempête, les vagues happent des tonnes de déchets qui se retrouvent dispersées dans la baie de Saint-Pierre et sur l'île aux Marins en particulier.

À plus long terme, les effets sur le milieu sont inconnus, notamment ceux des écoulements des lixiviats dans le milieu naturel. À Miquelon, une première décharge historique a déjà été comblée et fermée à quelques centaines de mètres de l'actuelle et à 30 mètres du rivage.

Cette situation doit être la priorité de l'ensemble des acteurs du territoire, pas seulement des communes. Une enquête est en cours par le procureur, depuis que l'Office français de la biodiversité a déposé une plainte pour atteinte au domaine public maritime à Saint-Pierre.

Le problème de l'élimination des pièces anatomiques d'origine humaine (PAOH)

Le traitement de ces déchets est particulièrement sensible. Les enjeux sanitaires, mais aussi éthiques, sont importants.

Les PAOH doivent être normalement incinérés. Lorsqu'il n'existe pas d'incinérateur, un autre système doit être mis en place. En Guyane, ces déchets sont enfouis par des sociétés funéraires. Le préfet de Guyane a émis un arrêté pour permettre cet enfouissement dérogatoire.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, où aucun incinérateur n'est en fonctionnement, aucune solution légale n'a pu être trouvée jusqu'à présent. Lors de son déplacement, la délégation a constaté cette grave carence.

Plusieurs pistes existent néanmoins. L'enfouissement, dans des conditions contrôlées, comme en Guyane. Une seconde, qui fut proposée par un entrepreneur local, est l'aquamation .

L'aquamation est un néologisme désignant une pratique funéraire recourant au procédé physico-chimique d'hydrolyse alcaline mis en oeuvre en phase aqueuse. La matière des corps est réduite en ses composants organiques et minéraux essentiellement solubles. Ce procédé est couramment utilisé pour éliminer des déchets animaux, et récemment développé à usage funéraire pour les humains et les animaux de compagnie, dans une optique écologique se rattachant à d'autres pratiques funéraires d'inhumation en eau plus ou moins anciennes (source : Wikipédia). Ce procédé, autorisé dans certains pays, a été découverte par de nombreuses personnes à l'occasion des funérailles de l'archevêque Desmond Tutu en décembre 2021.

Cette solution pour Saint-Pierre-et-Miquelon a toutefois été écartée, la législation française ne l'autorisant pas.

Pourtant, il y a urgence à trouver une solution pour les PAOH , soit en accordant une dérogation pour l'enfouissement, soit en adaptant la législation pour autoriser à titre exceptionnel un procédé nouveau compte tenu des contraintes particulières de certains outre-mer.

Source : DSOM

e) Saint-Barthélemy : la prévention, axe d'avenir

Saint-Barthélemy a lourdement investi pour se doter d'un pôle « déchets » performant. Déchetteries pour les professionnels et les particuliers, centre VHU, unité de compostage et deux unités de valorisation énergétique 20 ( * ) sont réunis sur un seul site. Aucun déchet n'est enfoui. Les déchets dangereux, notamment les résidus d'épuration des fumées d'incinération des ordures ménagères (REFIOM) 21 ( * ) et les mâchefers, sont exportés vers l'Hexagone. Les matières valorisables le sont principalement vers l'Union européenne et les États-Unis. À noter que les plastiques ne sont pas triés et sont directement incinérés.

Il existe aussi deux centres privés de recyclage des déchets inertes du bâtiment.

Ce succès comporte aussi ses contraintes. En effet, la hausse de la population et l'économie dynamique axée sur le tourisme très haut de gamme génèrent un volume de déchets considérable par habitant. Cette tendance haussière sera de moins en moins tenable dans un espace très contraint. Les volumes de déchets atteignent des ratios similaires à ceux de la région PACA, très touristique.

La prévention et le réemploi doivent devenir un axe prioritaire dans les prochaines années pour inverser la courbe et maîtriser les coûts de plus en plus élevés à la tonne traitée.

f) La Réunion et la Nouvelle-Calédonie : encore du chemin à parcourir pour clore le rattrapage.

La Réunion est le département d'outre-mer le plus avancé dans la construction d'une politique globale de gestion des déchets, bien que son plan régional soit toujours en cours d'élaboration.

La collecte sélective tend à se rapprocher des standards nationaux. Le réseau de déchetteries est correct. Des centres de tri très performants sont opérationnels ou en cours de construction . Il en va de même pour des unités de production de combustibles solides de récupération (CSR). Les ISDND sont aux normes. Celui du nord est en revanche au bord de la saturation. Un nouveau site doit être trouvé en urgence.

Deux écueils restent à surmonter : la gestion des déchets dangereux, faute de filières locales, qui est à la merci des aléas du transport maritime et le démarrage d'une filière de valorisation énergétique.

Le syndicat mixte de traitement des déchets du nord et de l'est (SYDNE), qui gère le traitement des déchets dans le nord de l'île, a conclu avec Suez un marché de prestation de services pour la gestion de 170 000 tonnes de déchets par an, composées à 82 % de déchets ménagers.

C'est dans ce cadre que Suez a construit un centre de valorisation multifilières Inovest, situé à Sainte-Suzanne. Ce site le plus moderne du monde en milieu tropical doit atteindre un taux de valorisation record de 63 %. Ce site inclut la production de compost à parti des matières organiques extraites des ordures ménagères résiduels, un centre de tri et une unité de production de CSR, à partir des déchets non recyclables, en vue d'une valorisation énergétique.

Balle de CSR produite à l'usine Inovest

Toutefois, ce projet qui devait éviter de saturer l'ISDND de Sainte-Suzanne, promise depuis de nombreuses années à la fermeture, demeure incomplet.

En effet, pour diverses raisons de gouvernance et de pilotage qui n'entre pas dans le champ de ce rapport, aucune unité permettant l'incinération et la valorisation énergétique des CSR n'a encore vu le jour. Le CSR est donc enfoui, faute d'exutoire. L'ISDND de Sainte-Suzanne sera également saturé d'ici 5 ans. Il y a donc urgence, faute de solution de repli identifié à ce jour.

Simultanément, le projet Run'Eva a été lancé par le syndicat Ileva qui gère le traitement des déchets dans toute la moitié sud de l'île 22 ( * ) . Ce pôle multifilières en cours de construction intègre également un centre de tri, un méthaniseur, une unité de production de CSR, ainsi qu'une unité de valorisation énergétique (UVE) d'une puissance de 18 mégawatts.

Il prévoit également une ultime extension de l'ISDND du site de Pierrefonds, pour le stockage des fractions de déchets non valorisables qui seront produites entre 2025 et 2058. Cet investissement de 220 millions d'euros, dans le cadre d'un marché global de performance de dix ans, a reçu 37 millions d'euros de subventions de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et du Fonds européen de développement régional (Feder).

Toutefois, ce projet a pris du retard en raison de la défaillance du principal membre du groupement attributaire du marché. Cet aléa retarde le projet sans le remettre en cause.

Ces difficultés aussi bien au nord qu'au sud de l'île ne remettent pas en cause la trajectoire de La Réunion qui devrait franchir à l'horizon de quelques années un palier majeur dans sa gestion des déchets. Les équipements structurants sont là ou en construction. Leur mise en service réduira considérablement l'enfouissement et d'optimiser le tri.

Ce saut qualitatif et quantitatif permettra de retrouver des marges de manoeuvre et du temps et de passer à une nouvelle phase tournée vers la prévention et la valorisation matière.

En Nouvelle-Calédonie , les outils sont moins perfectionnés et technologique qu'à La Réunion, mais les principales infrastructures sont présentes, à l'exception d'une unité de valorisation énergétique .

Les tonnages collectés par habitant tendent à diminuer. Le réseau de déchetteries est satisfaisant et les ISDND aux normes ne sont pas saturés. De nombreux projets éclosent, comme celui d'Ecopole en province Sud qui sera financé à 80 % par l'État. La stratégie s'oriente de plus en plus vers le réemploi et le recyclage.

Les principaux défis demeurent la lutte contre les abandons de déchets et les dépôts sauvages, en particulier en province Nord et dans les îles Loyauté. Un projet d'incinérateur est aussi à l'étude, notamment pour les déchets dangereux.

La gestion des déchets dans les TAAF

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ne comptent aucun habitant permanent et la présence humaine se limite à quelques dizaines d'hivernants et estivants. Pourtant, chaque année, ce sont plus de 130 tonnes de déchets qu'il faut traiter en relevant le défi de l'isolement extrême de ces territoires.

La gestion des déchets s'organise autour d'un principe : aucun stockage ou enfouissement sur place, afin de faire de ces territoires des modèles de protection de l'environnement et de la biodiversité.

On rappellera que la Terre-Adélie est soumise au Traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement signé à Washington en 1959 qui impose l'évacuation de nombreux déchets. Quant aux Terres australes et aux îles Éparses, elles sont classées en réserve naturelle nationale, respectivement depuis 2006 et 2021. Cette politique d'évacuation s'applique également aux déchets qui s'échouent naturellement sur les côtes et qui sont systématiquement ramassés.

C'est ainsi qu'en 2006, l'objectif zéro déchet est fixé et un tri sélectif très strict a été mis en place. Enfin, par arrêté du 9 août 2022, en partenariat avec la Banque des territoires, un nouveau schéma directeur pour la gestion optimale des déchets est adopté, avec deux axes forts : la réduction à la source et une politique de réemploi des matériaux.

Les déchets sont triés et stockés provisoirement en attente de leur évacuation. De vastes hangars sont réservés à cet usage. Toutefois, certains déchets sont incinérés sur place, en particulier les déchets organiques, les cartons et certains débris de bois, ce qui génère des mâchefers qui doivent eux aussi être évacués.

Afin de réduire ce volume de mâchefers et privilégier la valorisation locale, le nouveau schéma directeur des déchets prévoit deux investissements : un composteur pour l'île d'Amsterdam et un digesteur pour l'archipel de Crozet.

L'évacuation des déchets finement triés est ensuite assurée par les navires des TAAF ou occasionnellement par des navires militaires en mission.

Le navire Marion Dufresne est le principal moyen de transport pour évacuer les déchets des Terres australes et des îles Éparses vers La Réunion, territoire final ou de transit des déchets vers les filières de traitement. En l'absence de quai de déchargement dans certaines îles, à l'instar des Crozet, le transfert des déchets à bord du Marion Dufresne se fait par rotation d'hélicoptère. Les déchets dangereux sont évacués depuis La Réunion vers l'Hexagone.

Le navire l'Astrolabe évacue les déchets de la Terre-Adélie (Antarctique) vers son port logistique d'Hobart en Australie.

Le coût total annuel de cette gestion des déchets est estimé à 150 000 euros.

Source : DSOM

3. Des plans d'urgence, territoire par territoire, au coeur des prochains contrats de convergence et de transformation

Ce diagnostic, déjà largement connu et documenté, exige l'adoption de plans d'urgence, pour ne pas dire d'un plan Marshall pour les territoires les plus en retard . Cette expression a été utilisée de nombreuses fois par les interlocuteurs de la délégation, en particulier à Mayotte. Elle n'est que la conclusion normale du constat dressé.

Les contrats de convergence et de transformation qui arrivaient à terme en 2022 ont été prorogés d'un an par le Gouvernement, afin de se donner le temps d'une remise à plat complète des politiques publiques.

Afin de ne pas multiplier les instruments contractuels, vos rapporteurs proposent que la politique des déchets figure au rang des priorités absolues des prochains contrats , sous réserve que leur durée soit compatible avec les délais de conception et de réalisation de certaines infrastructures critiques.

Ces plans, dans les DROM mais aussi dans les COM, ne produiront des effets rapides que s'ils sont combinés avec d'autres mesures, en particulier un renforcement de l'ingénierie (au travers par exemple des « plateformes de projet » proposées 23 ( * ) ), le moratoire sur la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour redonner des marges de manoeuvre aux budgets de fonctionnement et une mobilisation des éco-organismes.

Il ne revient pas à vos rapporteures de définir ici les contenus de ces plans d'urgence. Les territoires ont tous bien identifié les équipements manquants. C'est « le faire » qui pêche.

Ces plans d'urgence, ou plan Marshall pour les territoires les plus en retard, se focalisent sur quelques priorités structurantes et surtout des délais de réalisation ambitieux . Le but n'est surtout pas de dupliquer les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets ou leur équivalent. Le but est de faire sortir de terre les équipements les plus complexes qui permettront de changer d'échelle. Les déchetteries, les centres de tri et les unités de valorisation énergétique figurent au premier rang.

À titre d'illustration, à Mayotte , l'urgence est à la réalisation du réseau de déchetteries dont le budget est estimé à 15 millions d'euros La première devrait ouvrir fin 2023 comme l'a confirmé Chanoor Cassam, directeur général du SIDEVAM. Les deux autres investissements indispensables sont un centre de tri dimensionné pour l'île et une unité de valorisation énergétique. Des études ont été initiées par le SIDEVAM qui penche en faveur d'une concession. Si ces projets pouvaient voir le jour dans les cinq prochaines années, ce serait un progrès immense.

Sans ces équipements, les objectifs fixés par le SIDEVAM sont hors de portée (augmenter de 38 % la part des déchets non dangereux, non inertes, recyclés ou réutilisés d'ici 2033 ; réduire à 20 % les quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage en 2025 et valoriser énergétiquement 80 % des déchets résiduels par le biais de l'incinération).

En Guyane , le projet de PRPGD en cours d'élaboration estime à près de 400 millions d'euros les besoins financiers en investissement.

Sophie Charles, présidente de la communauté des communes de l'ouest guyanais (CCOG), relève par exemple que le programme opérationnel 2021-2027 est nettement sous-dimensionné, et ne prévoit que 10 millions d'euros pour toute la Guyane sur les projets liés à la gestion des déchets. La simple mise à niveau de la communauté de communes de l'ouest guyanais nécessite 56 millions d'euros d'investissement.

En Martinique , la seule création d'une troisième ligne au sein de l'unité d'incinération pour consommer des CSR et la mise aux normes des installations représenteraient un investissement de 80 millions d'euros. Au total, la réalisation d'ici 2031 des 25 installations prévues par le plan régional requiert environ 100 millions d'euros. En Guadeloupe, les besoins sont similaires.

Une estimation des crédits supplémentaires nécessaires pour tous les outre-mer sur cinq années est délicate compte tenu de l'absence de chiffrage précis de certains projets des territoires. Toutefois, compte tenu des crédits existants, y compris européens, qui ne sont pas toujours consommés, et des besoins de financement énormes pour des UVE aux normes, une hausse des crédits de 50 millions d'euros 24 ( * ) par an paraît nécessaire sur 5 ans. Cette hausse très forte des crédits, couplée avec un accompagnement fort en ingénierie, permettrait d'enclencher une dynamique forte et rapide et d'amorcer un cercle vertueux.

En deçà de ce niveau d'effort financier, les territoires continueront à courir après une situation sanitaire et environnementale qui dérape . Mayotte et la Guyane en particulier ne pourront pas relever le défi sans cet effort massif de la solidarité nationale.

Proposition n° 1 : Lancer des plans de rattrapage exceptionnels, voire des plans Marshall pour Mayotte et la Guyane : débloquer au minimum 250 millions d'euros sur 5 ans pour réaliser les équipements prioritaires et structurants, en plus des aides actuelles de l'Etat et en les inscrivant dans les prochains contrats de projet.

B. UNE GOUVERNANCE ÉCLATÉE ET EN MANQUE D'EXPERTISE

1. Une planification fragile
a) Des données très perfectibles

Le recueil des données, lors des auditions et des déplacements, a démontré qu'elles présentaient de nombreuses insuffisances, retards ou imprécisions.

(1) Une faiblesse qui n'est pas propre aux outre-mer...

Ce constat est aussi valable pour l'Hexagone. La Cour des comptes dresse un état des lieux critique sur la production des données en matière de gestion des déchets ménagers 25 ( * ) . La Cour relève que l'Ademe est « confrontée de façon générale à la faible qualité et au retard des comptes-rendus sur les déchets ménagers et assimilés que doivent élaborer chaque année les intercommunalités ».

La Cour des comptes souligne d'autres difficultés :

- des transmissions d'information par les syndicats et les exploitants des installations irrégulières, partielles et ne respectant pas la formalisation réglementaire ;

- des indicateurs trop nombreux, complexes et peu significatifs car rendant compte des moyens mis en oeuvre et non des résultats obtenus ;

- de longs délais de production des informations consolidées ;

- la loi aggrave cette situation en alourdissant le dispositif de production de données :

- obligation pour les collectivités de produire deux types de compte-rendu : les bilans des programmes locaux (PLPDMA) et les rapports annuels sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets (RPQS). La Cour préconise de ne conserver que le second ;

- des indicateurs pléthoriques pour suivre les objectifs nationaux : une quarantaine pour le service public de gestion des déchets (les collectivités territoriales) et 14 types d'indicateurs pour les éco-organismes.

La remontée des informations est donc excessivement longue et complexe, ce qui en retour ne permet pas à l'Ademe de produire des indicateurs consolidés sur des périodes longues significatives.

Ce brouillard de données complique le pilotage de la politique publique des déchets et prive les décideurs d'indicateurs éclairants pour orienter et prioriser les actions.

Dans son rapport, la Cour des comptes formule plusieurs recommandations pour remédier à ces difficultés, la principale étant de réduire le nombre d'indicateurs et de s'en tenir à un tableau de bord synthétique comptant une dizaine d'indicateurs clés, les plus significatifs.

Thèmes

Indicateurs du tableau de bord SPGD

Indicateurs du tableau de bord REP

1

Prévention

Dépenses de prévention /coût total du SPGPD (en %)

Dépenses de prévention/CA des éco-organismes (en %)

2

Financement incitatif

Population couverte par la fiscalité incitative (en million d'habitants)

Produits mis sur le marché soumis à une éco-modulation (en %)

3

Production

Volume de DMA par habitants (en kg)

Gisement de déchets calculé (en kt)

4

Collecte

Volume d'OMR par habitant (en kg)

Taux de collecte séparée (en %)

5

Valorisation

Quantité de déchets faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière (en Mt)

Taux de recyclage par rapport au gisement ou aux mises sur le marché (en %)

6

Élimination

Quantités de déchets admis en installation de stockage (en Mt)

Élimination (en kt)

Source : Cour des comptes

Dans le contexte des outre-mer, ces préconisations seraient encore plus pertinentes, compte tenu de leurs capacités administratives et techniques souvent plus réduites.

Des indicateurs moins nombreux, fiables, réguliers et harmonisés permettraient aux acteurs locaux de mieux comparer leurs performances relatives et d'identifier les priorités .

(2) ...mais qui y est exacerbée

Les raisons de cette imprécision accrue dans les outre-mer sont multiples.

En premier lieu, la population de certains territoires, en particulier la Guyane et Mayotte et, dans une moindre mesure, Saint-Martin, est mal connue, du fait de l' importance de l'immigration irrégulière . L'estimation des gisements de déchets ou le calcul du volume de déchets par habitant en est faussé. L' écart entre la population officielle et la population réelle est d'au moins 20 à 30 % .

En deuxième lieu, une part des gisements échappe à la collecte officielle. Le phénomène des dépôts sauvages, pas tous identifiés ou traités, détourne une part de déchets des flux réguliers et mesurés.

En troisième lieu, des flux de collecte ne font toujours pas l'objet de pesées. C'est le cas en Guyane dans certains secteurs.

En quatrième lieu, les administrations de l'État ne collaborent pas toujours. Plusieurs éco-organismes auditionnés, notamment Cyclevia et Ecosystem, se sont plaints de l' impossibilité d'obtenir des douanes les chiffres des importations pour estimer les gisements de leurs filières respectives. À La Réunion, cette même difficulté a été constatée par Dominique Vienne, président du CESER. L'Ademe et la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) se sont aussi vues opposer un refus en première intention 26 ( * ) .

Enfin, les capacités administratives pour produire les données requises au sein des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), syndicats ou autres acteurs privés ou publics des déchets, si elles sont déjà mises sous tension dans l'Hexagone, le sont encore plus dans les outre-mer.

Ces divers obstacles font que les opérateurs - collectivités ou éco-organisme - manquent d'outils de pilotage et d'évaluation .

Laurence Bouret, déléguée générale de l'éco-organisme Dastri, a déclaré lors de son audition avoir « mis dix ans pour obtenir des données par territoire » sur les gisements de référence.

En Guadeloupe, le plan régional de prévention et de gestion des déchets, adopté en 2020, a été construit sur la base des données fournies par l'Observatoire régional des déchets et de l'économie circulaire (Ordec) de 2016.

À Mayotte, le projet de PRPGD daté de 2020 note lui-même le caractère incertain et partiel des données.

Extrait du rapport de 2019 de l'Observatoire régional des déchets de Guyane
sur la période 2015-2017 (page 2)

Avertissement aux lecteurs : Les résultats présentés dans ce document proviennent des enquêtes et des données Comptacoût® collectées auprès du service public de gestion des déchets ménagers de la CACL, CCDS, CCEG, CCOG et des déclarations des éco-organismes.

L'exercice présenté comporte néanmoins certaines limites liées à l'absence de données sur la population non-recensée par l'INSEE, sur les filières informelles de gestion des déchets et l'absence d'instruments de pesée sur certaines installations de traitement des déchets conduisant à des estimations de poids. [...]

Cette faiblesse statistique est partagée avec les collectivités d'outre-mer.

Ainsi, à Saint-Pierre-et-Miquelon, l'Ademe dans un rapport de juin 2019 sur les déchets de la commune de Miquelon-Langlade pointe le caractère incertain et estimatif des données.

À Saint-Martin, il n'existe pas d'estimations quantitatives des gisements par types de déchets produits.

En Polynésie française, les données sont également lacunaires et certaines définitions des catégories de déchets ne sont pas clairement établies par la réglementation du pays, comme le souligne un rapport de la chambre territoriale des comptes de juillet 2021.

En Nouvelle-Calédonie, dans la province des îles Loyauté, les données sont seulement des estimations. Les trois ISDND n'y sont pas équipés d'outils de mesure (pas de pont-bascule, ni de pèse essieu sur les sites pour avoir les tonnages entrants).

(3) Consolider la statistique : les observatoires régionaux des déchets

La production de données fiables pour construire des indicateurs solides exigera du temps, compte tenu de certains biais statistiques difficiles à corriger (immigration irrégulière, dépôts sauvages, écobuage, incinération domestique de déchets...). Il faut aussi relever que ponctuellement, l'Ademe fournit ou finance des études permettant d'approfondir la connaissance des déchets sur un territoire et les pratiques des usagers 27 ( * ) . Mais ce travail ne peut remplacer une collecte régulière, harmonisée et sur des périodes longues.

Des améliorations nettes sont possibles .

À court terme, les douanes doivent communiquer les données relatives aux importations, afin d'évaluer les gisements de déchets par catégorie. Une instruction ministérielle devrait suffire en s'appuyant notamment sur les dispositions du code de l'environnement 28 ( * ) . Toutefois, en cas de résistance, une évolution législative ne doit pas être exclue. C'est un point essentiel, car les porteurs de projet sont aussi handicapés par ce flou . À La Réunion, comme le relève Éric Marguerite, vice-président du CESER, l'entreprise Sodeval qui recycle les pneus a dû se battre pour obtenir des importateurs une estimation du gisement, sans laquelle il est impossible d'évaluer la faisabilité économique du projet.

À moyen terme, il convient naturellement que les territoires les plus en retard achèvent d'équiper toutes leurs installations de moyens de pesée .

Enfin, la création d'observatoires régionaux des déchets doit se généraliser dans tous les territoires ultramarins. Ces observatoires existent en Guyane (l'Ademe assume cette mission dans l'attente de l'adoption du plan régional par la collectivité territoriale de Guyane), à la Guadeloupe et à La Réunion.

Hormis les outre-mer peu peuplés (moins de 40 000 habitants) dans lesquels le service en charge de l'environnement assume directement cette mission, chaque territoire devrait se doter d'une telle structure auprès de l'autorité en charge de la planification (les régions, le pays en Polynésie et le Gouvernement ou les provinces en Nouvelle-Calédonie). Cela suppose le recrutement de personnels compétents.

Les collectivités doivent y voir un investissement nécessaire pour bien évaluer les gisements de déchets, qui ont tous vocation à devenir des gisements de matière première, à mesure que des filières locales se développeront pour les valoriser. Au demeurant, vos rapporteures ont constaté que certaines initiatives privées de recyclage ou réemploi peinaient à se concrétiser ou à trouver des investisseurs faute de disposer d'estimation fiable des gisements potentiels. Il est indispensable de créer les conditions d'un cercle vertueux.

Proposition n° 2 : Produire des données fiables sur les déchets :

- en créant dans chaque outre-mer un observatoire régional des déchets adossé à l'autorité en charge de la planification ;

- en obtenant des douanes la transmission régulière des chiffres des importations pour mieux évaluer les gisements.

b) De trop rares outils de planification

Outre l'imprécision des données statistiques qui rend délicat et incertain l'exercice de planification, force est de constater que tous les territoires ultra-marins n'ont pas encore achevé le travail de diagnostic et de planification.

(1) Les territoires régis par la loi NOTRe

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (loi NOTRe) a précisé les modalités de planification de la politique des déchets en transférant cette compétence à l'échelon régional. Il revient en particulier à la région de réaliser le PRPGD.

Ce document clé concerne tous les déchets quels que soient leurs producteurs ou leurs types (hors déchets radioactifs et militaires). Le PRPGD est non prescriptif, mais opposable aux décisions de personnes morales de droit public, à toutes les décisions prises sur les territoires par des acteurs publics et leurs délégataires en matière de prévention et de gestion des déchets. Cela signifie que les décisions prises dans le domaine des déchets par les personnes morales de droit public et leurs concessionnaires doivent être compatibles avec le plan. La création d'une installation de traitement des déchets peut donc être refusée, si elle contrevient aux objectifs du plan.

Document clé, le PRPGD devait être adopté en 2020 au plus tard.

Cette obligation s'imposait à la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion, la Martinique et Mayotte. À ce jour, seules la Martinique (2019) et la Guadeloupe (2020) ont adopté leur plan, soit une minorité .

En Guyane, le projet de PRPGD a été soumis à la consultation du public. Il devrait donc être adopté prochainement.

À La Réunion, l'élaboration du projet était en bonne voie selon les autorités régionales rencontrées par vos rapporteures.

À Mayotte, un projet a été préparé en 2020, mais le processus ne semble plus avancer depuis.

(2) Des situations comparables dans les autres territoires

Les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie ne sont pas régies par la loi NOTRe. Pour autant, l'utilité d'un document de planification est identique.

Seule la Nouvelle-Calédonie s'est dotée d'outils analogues, mais à l'échelon de chacune des trois provinces 29 ( * ) qui exercent la compétence environnement. Au niveau du territoire calédonien, il n'existe pas de documents d'orientation ou de planification

En Polynésie française , un schéma territorial de prévention et de gestion des déchets, annoncé depuis 2017 par la collectivité, semble en cours de finalisation au niveau de la Direction de l'environnement (DIREN), du ministère de l'environnement de la Polynésie française.

À Saint-Pierre-et-Miquelon , le schéma territorial serait aussi en cours d'élaboration par la collectivité, mais vos rapporteures ont constaté lors de leurs entretiens que les échanges d'information demeuraient compliqués entre les deux communes et la collectivité territoriale.

À Saint-Martin , le PRPGD est aussi en cours d'élaboration et comprendra un Plan Territorial d'Actions pour l'Économie Circulaire, sur le modèle de la loi NOTRe.

Enfin, à Saint-Barthélemy , le code local de l'environnement ne prévoit pas de document de planification. L'échelle du territoire et son organisation administrative (une collectivité unique) rendent moins nécessaires un tel document. Néanmoins, dans un format allégé et adapté, il conserverait sa pertinence pour piloter à moyen ou long terme cette politique et fixer notamment des objectifs en matière de prévention.

(3) Un exercice de planification de plus en plus compliqué

À la décharge des outre-mer, et en particulier de ceux soumis à la loi NOTRe, il faut admettre que l'élaboration des plans régionaux est particulièrement complexe, voire impossible, pour satisfaire à tous les objectifs.

Les plans régionaux doivent en effet concourir « à l'atteinte des objectifs nationaux mentionnés à l'article L.541-1 du code de l'environnement » 30 ( * ) .

Or, compte tenu du retard pris dans les outre-mer, ces objectifs sont pour certains hors de portée, voire inadaptés aux contraintes de ces territoires 31 ( * ) .

La gageure est encore accrue par la modification régulière de ces objectifs, notamment à la suite de l'adoption en 2018 du Paquet Économie Circulaire (PEC) par l'Union européenne qui a été notamment transposé par la loi Agec en 2020.

Certains objectifs, notamment en matière de traitement, ont encore été durcis. S'agissant du tri à la source des bio-déchets, la date de mise en oeuvre a été avancée au 31 décembre 2023, et non plus en 2025.

Dans ces conditions, les plans régionaux sont vite obsolètes et demandent des mises à jour importantes.

D'ailleurs, le plan régional de la Martinique, premier territoire ultramarin à s'en être doté dès 2019, pointe ces contraintes et assume de ne pas pouvoir s'aligner sur les objectifs découlant du PEC. On imagine aisément que ce qui paraît hors d'atteinte pour la Martinique l'est encore plus pour Mayotte ou la Guyane .

Des objectifs hors de portée des outre-mer

Extraits du PRPGD de la Martinique (pages 19 à 22)

L'évolution de la réglementation européenne avec l'approbation mi 2018 du Paquet Économie Circulaire (PEC) par l'Union européenne a conduit à étudier deux scénarios afin de définir les capacités du territoire et les moyens à mobiliser pour respecter les objectifs :

- d'une part, de la réglementation concernant les déchets et l'économie circulaire en vigueur à l'approbation du Plan : scénario 1 ;

- d'autre part, du Paquet Économie Circulaire : scénario 2. [...].

La commission consultative d'élaboration et de suivi du 20 novembre 2018 a choisi de retenir le scénario 1 qui est très ambitieux pour le territoire et le seul réaliste pour respecter aux échéances du Plan, les objectifs réglementaires en vigueur à son approbation.

En effet, le scénario 2 montre que, même avec mise en place d'une tarification incitative et une collecte des biodéchets sur la totalité de la Martinique, il ne sera pas possible d'atteindre l'objectif de recyclage du Paquet Économie Circulaire Européen (en présumant des modalités de sa transcription en droit français).

Pour la Martinique, les taux de recyclages sont amoindris par rapport à ce qui est possible sur le reste du territoire français pour les raisons suivantes :

- de nombreux gisements recyclables dans l'Hexagone ne sont pas toujours mobilisables en Martinique (ex : Déchets d'éléments d'ameublement, ...), car certains Éco-Organismes disposent de clauses dans leurs agréments leur permettant d'effectuer de la valorisation énergétique au détriment du recyclage. Et le Plan ne peut pas juridiquement fixer des objectifs aux éco-organismes plus contraignants que leurs agréments ;

- le verre est actuellement valorisé par intégration dans des couches de voiries. Cette utilisation, approuvée par l'éco-organisme en charge des emballages ménagers, ne constitue pas du recyclage. À la vue du principe de proximité et des enjeux locaux, il semble difficilement envisageable de remettre en cause cette filière de valorisation locale pérenne pour un renvoi du verre vers l'Hexagone [...] ;

- les mâchefers ne peuvent être considérés comme étant recyclés que s'ils sont utilisés en sous-couche routière. Cependant, au vu des contraintes du territoire martiniquais qui présente des risques sismiques, des risques en termes d'inondation et de submersion, et la topographie du réseau routier avec de fortes déclivités, cette utilisation semble complexe. Leur maintien en couche de recouvrement intermédiaire de casier en ISDND semble la seule solution de valorisation, excluant les possibilités de recyclage. [...]

Une adaptation des objectifs européens et nationaux à la situation des outre-mer apparaît donc indispensable. Des plans régionaux incluant des objectifs en dehors des réalités n'ont pas d'intérêt pour ces territoires. Or, on constate qu'aussi bien le Paquet Économie Circulaire de l'Union européenne que la législation française ne tiennent pas compte des caractéristiques très spécifiques des outre-mer. Seul un portage politique puissant permettra d'exploiter tout le potentiel d'adaptation des textes européens aux réalités des régions ultrapériphériques (RUP), en application de l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le réflexe outre-mer doit être national et européen .

2. Trop d'acteurs en charge du traitement des déchets ménagers

Si la région est en charge de la planification en lien avec tous les acteurs du déchet 32 ( * ) (collectivités territoriales, éco-organismes, entreprises privées...), la compétence de la collecte et du traitement des déchets des ménages et assimilés appartient aux intercommunalités depuis la loi NOTRe de 2015 33 ( * ) , y compris dans les départements et régions d'outre-mer.

Dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, la répartition des compétences est hétérogène.

a) Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte : pour un opérateur unique du traitement des déchets
(1) Des choix différents dans chaque territoire

Transférés aux intercommunalités, les compétences « collecte » et « traitement » peuvent être exercées par la même collectivité ou par deux collectivités différentes.

Un EPCI peut donc, au choix, exercer lui-même les deux compétences ou bien conserver la collecte et transférer le traitement à un groupement de collectivités, ou encore transférer la collecte et le traitement à un groupement de collectivités, qui peut lui-même transférer ces compétences ou le traitement seulement à un autre groupement.

Il est fréquent que la compétence « traitement » soit notamment transféré à un syndicat, cette compétence exigeant des équipements complexes, des investissements lourds, des effets de masse et une ingénierie importante. Il faut également assumer des responsabilités et des risques plus élevés, notamment avec la gestion d'installations classées (ICPE) : ISDND, unité de valorisation énergétique, centre de tri ...

Dans les outre-mer, les choix opérés divergent selon les territoires.

Guadeloupe
32
communes

Guyane
22
communes

La Réunion
24
communes

Martinique
34
communes

Mayotte
17
communes

Collecte

6 EPCI

4 EPCI

5 EPCI

3 EPCI

1 SM 34 ( * )

1 EPCI

Traitement

1 SM 35 ( * )

2 EPCI

4 EPCI

2 SM 36 ( * )

1 SM 37 ( * )

1 SM

SM=Syndicat mixte

(2) Une dispersion des forces préjudiciable

On observe que la collecte demeure largement de la compétence des EPCI, seul Mayotte ayant fait le choix de confier cette compétence à un syndicat mixte (un EPCI y a toutefois conservé cette compétence, la CADEMA qui regroupe deux communes dont Mamoudzou la « capitale »).

Ces choix n'appellent pas d'observations particulières, la collecte exigeant une proximité avec les usagers.

En revanche, la compétence « traitement » a fait l'objet de choix de gestion très différents. Seuls deux territoires ont un opérateur : la Martinique et Mayotte. Dans les trois autres territoires, entre deux et quatre opérateurs se partagent le traitement des déchets sur des territoires contraints, isolés et aux moyens financiers limités .

Certes, les syndicats mixtes de Martinique et Mayotte ont connu d'importantes difficultés de gouvernance ces dernières années. Pour autant, cela ne peut suffire à en faire des contre-exemples et à invalider l'idée selon laquelle dans les outre-mer, les territoires ne peuvent se permettre de diviser leurs moyens pour structurer des filières performantes et innovantes de traitement des déchets.

Les capacités d'ingénierie, pourtant rares, s'en trouvent éclatées. Surtout, cela complexifie naturellement la coordination des acteurs, la planification et la massification des flux pour faire émerger des filières locales de recyclage rentables.

Dans chaque outre-mer, une seule entité devrait avoir la responsabilité du traitement des déchets ménagers et assimilés .

Proposition n° 3 : Simplifier la gouvernance dans chaque département et région d'outre-mer en transférant à un opérateur unique le traitement des déchets ménagers.

b) Dans les COM et en Nouvelle-Calédonie, des modèles de gouvernance contestés

Saint-Barthélemy, collectivité unique, jouit d'une gouvernance très simplifiée et unifiée qui n'appelle pas d'observations. En revanche, les autres collectivités rencontrent diverses difficultés.

(1) En Polynésie française, des communes dépassées

En Polynésie française, la compétence de la collecte et du traitement des déchets ménagers et des déchets végétaux appartient aux communes.

La gestion des déchets dangereux et des déchets ménagers spéciaux des ménages relève en revanche du pays. Quant aux déchets des professionnels, la responsabilité de trouver des filières de traitements agréées pour leurs déchets est à la charge des entreprises via le principe de pollueur/payeur.

Lors de son audition par la délégation, Cyril Tetuanui, président du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF), a très clairement affirmé que son souhait était que « la compétence [traitement] revienne au pays, comme c'était le cas avant 2004 » .

En effet, les communes polynésiennes ont très peu de ressources financières. Il n'existe pas de fiscalité communale. Surtout, pour de nombreuses communes ou EPCI regroupant des îles éloignées, peu habités, sur un territoire vaste comme l'Europe, le traitement des déchets représente un coût trop important et une expertise qui dépasse leurs capacités. Selon le président du SPCPF, « le pays possède les moyens financiers et fonciers pour construire des centres d'enfouissement techniques ».

Cette analyse est confirmée par un récent rapport de la Chambre territoriale des comptes de 2021 38 ( * ) . Il y est notamment expliqué que « le pays ne verse pas d'aides financières pour les Îles qui envoient leurs déchets recyclables pour traitement à Tahiti. Or ces communes supportent le coût du transport jusqu'au centre de recyclage et de transfert situé à Papeete, ainsi que le coût de traitement de ces déchets . »

Dans son rapport, la Chambre invite le pays à engager des réflexions sur la mise en place d'aides financières, par exemple la prise en charge d'une partie du coût de transport, pour inciter davantage de communes à envoyer leurs recyclables à Tahiti. Le rapport rappelle aussi que le Conseil économique social et culturel de la Polynésie française avait déjà suggéré de flécher une partie du produit de la taxe pour l'environnement, l'agriculture et la pêche (TEAP) 39 ( * ) pour la prise en charge du coût de rapatriement des déchets vers Tahiti.

Ces aides renforcées soulageraient financièrement les communes, mais ne résoudraient pas le problème de fond qui est la capacité des communes à appréhender une politique publique de plus en plus complexe et onéreuse. Le pays paraît l'échelon pertinent, en étroite coopération avec les communes. Une modification de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 serait nécessaire .

Proposition n° 4 : En Polynésie française, transférer au pays la compétence du traitement des déchets ménagers.

(2) En Nouvelle-Calédonie, réduire le millefeuille de compétences

En Nouvelle-Calédonie, de multiples autorités interviennent en matière de déchets.

L'État demeure compétent en ce qui concerne les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et radioactifs.

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie gère les déchets d'activités de soin à risques infectieux (DASRI), les médicaments non utilisés et les déchets d'amiante. Il perçoit également une taxe sur certains produits polluants qui alimente un fonds destiné à financer des actions de gestion des déchets dans les communes ou les provinces. Il intervient donc très peu.

Les trois provinces détiennent la compétence « environnement », chacune ayant son propre code, lequel réglemente notamment la collecte et le traitement des déchets. Les provinces arrêtent leurs politiques publiques relatives aux déchets, contrôlent les ICPE et structurent chaque filière des déchets, notamment les filières REP locales.

Dans le cadre défini par les provinces, les communes sont responsables de la collecte et du traitement des déchets ménagers. Certaines communes 40 ( * ) ont délégué leur compétence (soit en collecte, soit en traitement) à des syndicats intercommunaux 41 ( * ) .

Il existe enfin d'autres acteurs privés, notamment les éco-organismes.

Le schéma territorial de la province Sud relève que le mode de gouvernance est perfectible pour permettre d'évoluer vers une mutualisation et une rationalisation des moyens au regard de la configuration du territoire (superficie, population...). Il indique que si la compétence environnementale revient aux provinces conformément à l'article 20 de la loi organique (trois provinces, trois codes de l'environnement), la gestion des déchets concerne l'ensemble des institutions (municipalités, État, gouvernement de la Nouvelle Calédonie) et doit se gérer à l'échelle du territoire.

L'installation de stockage des déchets non dangereux qui se trouve dans la province Sud et qui accueille des déchets de toute la Calédonie, notamment de la province des îles Loyauté en est une illustration.

Dans ces conditions, pour les mêmes raisons que celles déjà évoquées pour les autres territoires ultramarins, une modification de la loi organique à l'occasion de la prochaine révision du statut de la Nouvelle-Calédonie devrait confier au gouvernement la compétence de réglementer et de planifier la gestion des déchets, en lieu et place des provinces, sans préjudice des autres matières relevant de la compétence « environnement » .

Par ailleurs, comme dans les départements et régions d'outre-mer, les communes et syndicats intercommunaux gagneraient à se regrouper pour confier à un syndicat unique le traitement des déchets ménagers.

Proposition n° 5 : En Nouvelle-Calédonie, transférer des provinces au territoire la compétence « gestion des déchets ».

(3) Saint-Pierre-et-Miquelon : deux communes désemparées face aux déchets

Lors de leur déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon, vos rapporteures ont pu s'entretenir avec les maires et responsables des deux communes de Saint-Pierre (environ 5.400 habitants) et de Miquelon-Langlade (environ 600 habitants).

Les deux communes gèrent la collecte et le traitement des déchets ménagers, conformément à la loi, mais également les autres déchets compte tenu de la faible implantation des éco-organismes sur ce territoire et de l'absence d'acteurs privés pour traiter les déchets des entreprises. Les communes, qui disposent de moyens financiers limités, gèrent tous les déchets du territoire.

Vos rapporteures ont ressenti le désarroi des maires pour assumer le traitement des déchets (élimination, recyclage, exportation). En revanche, la collecte des déchets ménagers est parfaitement assumée et obtient des résultats remarquables en matière de prévention et de tri, y compris des biodéchets des particuliers.

Yannick Cambray, maire de Saint-Pierre, considère que les déchets devraient être un « projet de territoire rassemblant les deux communes, la collectivité et la CACIMA 42 ( * ) ».

Cette logique de territoire est également soutenue par Franck Detcheverry, maire de Miquelon-Langlade, qui souligne la complémentarité des deux îles .

Le port et les filières d'exportation et de recyclage sont localisés à Saint-Pierre qui manque en revanche d'espace et a une géologie peu favorable à l'enfouissement. À l'inverse, Miquelon-Langlade est vaste et pourrait accueillir un site d'enfouissement aux normes pour les déchets non recyclables du territoire.

La collectivité territoriale n'a pas de compétences de gestion en matière de déchets. En revanche, en qualité d'autorité régionale, elle doit élaborer le plan territorial des déchets. Le dernier date de 2008. Le nouveau plan est en cours d'élaboration.

La collectivité intervient aussi en mettant du foncier à disposition des communes (la déchetterie et le centre de compostage de la commune de Saint-Pierre sont construits sur des terrains de la collectivité) ou en subventionnant l'investissement.

La configuration du territoire et son organisation institutionnelle resserrée autour de deux communes et une collectivité plaide pour engager une réflexion sur le transfert de la compétence « traitement des déchets » à la collectivité territoriale.

(4) Saint-Martin : une île, deux gouvernances

Lors de son audition par la délégation, José Carti, représentant de la direction « eau, énergie et environnement » de la collectivité de Saint-Martin, constatait que l'île est « soumise à deux réglementations différentes. La partie française est une région ultrapériphérique (RUP), la partie néerlandaise un PTOM. L'application uniforme du droit européen n'est donc pas possible. Nous demandons aujourd'hui que la gouvernance locale soit revue pour que les deux parties de l'île puissent mieux travailler ensemble sur cette problématique des déchets. »

Ce souhait rejoint plus largement celui d'un nouveau mode de gouvernance qui permettrait aux deux parties de l'île de coopérer, voire d'agir conjointement, sur diverses politiques publiques.

Lors de son audition par la délégation sur un autre thème, celui de l'évolution institutionnelle des outre-mer, Alex Richards, conseiller spécial du président de la collectivité territoriale de Saint-Martin, déclarait « qu'il serait judicieux de s'intéresser à la possibilité offerte par le droit européen de créer un groupement européen de coopération transfrontalière (GECT) 43 ( * ) , qui réunirait des représentants de la partie française et des représentants de la partie hollandaise pour gérer les problématiques communes à l'ensemble du territoire. À ce sujet, une demande sera prochainement formalisée pour que la France accompagne Saint-Martin dans une telle démarche auprès de Bruxelles afin d'en étudier la faisabilité . »

La gestion des déchets serait un terrain d'essai idéal pour un futur GECT .

3. Un défaut de coordination des acteurs

Dans le rapport précité de la Cour des comptes, l'insuffisante coordination des acteurs est pointée au niveau de la France entière. Les plans régionaux, souvent trop imprécis, ne fixent pas un cadre clair. Les plans locaux des EPCI, lorsqu'ils existent, ne sont pas toujours cohérents avec les plans régionaux. Les syndicats ne disposent pas tous de documents d'orientation propre.

La Cour des comptes souligne qu'« afin de contourner cette difficulté et permettre aux syndicats de disposer d'un plan, les EPCI membres peuvent leur confier l'élaboration de leur propre programme local. Le syndicat élabore alors un programme commun à tous les EPCI. Cette mise en commun des ressources de programmation facilite la bonne coordination entre la collecte pilotée par les EPCI et le traitement assuré par un ou des syndicats ».

Vos rapporteures partagent ces constats et cette préconisation. Les auditions et les déplacements ont mis en évidence ce défaut de coordination des acteurs de la gestion des déchets, qu'il s'agisse des collectivités entre elles ou bien des éco-organismes.

Deux exemples, à La Réunion, l'illustrent. Selon les EPCI, la couleur du bac réservé aux ordures ménagères résiduelles (hors tri) n'est pas la même (bleu ou grise). À côté de ce détail - mais qui n'est pas sans importance pour la bonne information des usagers, - des choix plus stratégiques pour des équipements structurants sont pris sans la recherche d'une harmonisation. Ainsi, les deux syndicats ILEVA et SYDNE ont décidé de se doter chacun d'une unité de production de CSR. Toutefois, les CSR devraient avoir des pouvoirs calorifiques différents, ce qui complique les possibilités de mutualisation ou d'échange de cette ressource entre les unités de valorisation énergétique futures des deux syndicats.

L'autorité en charge de fixer les grandes orientations et d'arrêter la planification (la région dans la plupart des outre-mer) est la plus à même de coordonner les acteurs et d'assurer le suivi des plans. Dès lors, la commission consultative d'élaboration et de suivi (CCES) du plan régional paraît être l'instance existante la plus adaptée . Cette commission réunit les acteurs publics et privés.

Il revient aux régions d'animer cette commission , afin qu'elle se réunisse régulièrement (plus d'une fois par an 44 ( * ) ), le cas échéant en format de travail plus réduit.

La CCES peut s'appuyer sur les observatoires régionaux des déchets pour renforcer son expertise et sa capacité de pilotage.

Proposition n° 6 : Faire de la commission consultative d'élaboration et de suivi (CCES) du plan régional de prévention et de gestion des déchets, une véritable instance de coordination et de pilotage de la politique des déchets sur chaque territoire.

4. Les récurrentes carences en matière d'ingénierie

La faiblesse de l'ingénierie dans les outre-mer est régulièrement pointée. L'ingénierie doit s'entendre largement : technique, administrative, financière.

Ce frein majeur à l'efficacité et à la performance des politiques publiques ultramarines n'est pas propre au secteur des déchets. Il est généralisé.

En mars 2022, la Cour des comptes a rendu un rapport sur les financements de l'État dans les outre-mer 45 ( * ) . Le constat y est éclairant : « Les faibles capacités administratives ou techniques des collectivités appelées à réaliser les investissements financés par l'État et, le cas échéant, par des fonds européens nécessitant une forte expertise administrative, peuvent expliquer, compte tenu de la complexité de certains investissements, la sous-exécution régulière des crédits affectés. [...]

Ces sous-exécutions récurrentes des crédits - les engagements financés par la mission Outre-mer n'atteignant que 32 % des montants des contrats de convergence et de transformation (CCT) aux trois quarts de leur calendrier de mise en oeuvre 46 ( * ) - doivent conduire à une réflexion portant sur l'adéquation entre le niveau d'investissement financier de l'État et son appui en matière d'ingénierie, au regard des capacités des territoires d'outre-mer à engager et liquider ces dépenses . »

La proposition n°4 du rapport de la Cour des comptes consiste à « généraliser les plateformes d'ingénierie dans les territoires ultramarins, en y consacrant les effectifs et les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement , et améliorer la coordination des dispositifs d'ingénierie au profit de ces territoires en faisant de ces plateformes l'interlocuteur unique des collectivités . »

Cette proposition est valable en matière de gestion des déchets .

Au demeurant, la Cour des comptes relève la multiplication du côté de l'État d'aides à l'ingénierie pour accompagner les collectivités, au travers des Deal, du secrétaire général pour les Affaires régionales (Sgar), de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou de l'Agence française du développement (AFD). Par ailleurs, comme l'a souligné Dominique Vienne, président du CESER de La Réunion, le Cerema est aussi autorisé depuis 2021 à intervenir au profit des collectivités ultramarines dans le cadre de prestations.

En matière de déchets, l'Ademe est bien sûr le premier partenaire. Outre-mer, son assistance financière s'accompagne d'une assistance technique aux collectivités. Elle finance et organise des formations, des animations de réseau ou d'observatoires des déchets, des partages de retour d'expérience ou des colloques réunissant les outre-mer. La dimension partenariale est très forte et tous les acteurs rencontrés ont salué ce travail d'accompagnement.

À Saint-Martin, la collectivité a par exemple lancé un appel à candidatures pour l'embauche d'un ingénieur dédié à la gestion des déchets, en partenariat avec l'Ademe.

En Martinique, les aides proposées par l'Ademe peuvent aller jusqu'à 70 % du coût de prestation et couvrent des domaines d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) qui vont au-delà du périmètre technique : juridique, économique...

Le ministère des outre-mer se félicite aussi d'avoir créé le « fonds outre-mer » géré par l'AFD . Comme l'a souligné Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques au sein de la Direction générale des outre-mer, lors de son audition par la délégation, « le Fonds outre-mer (FOM) permet d'accompagner les collectivités dans la mobilisation de l'ingénierie nécessaire à la réalisation d'infrastructures et dans la mise en oeuvre de politiques publiques. En 2020, les 17 millions d'euros en autorisation d'engagement ont été intégralement consommés. Dans le cadre du plan de relance, nous avons obtenu que ce fonds soit doté de 15 millions d'euros en 2021 et en 2022. En 2021, les crédits ont été complètement consommés, et ceux de 2022 le sont déjà aux deux tiers. Lors des arbitrages interministériels à venir, le Ministère chargé des outre-mer (MOM) soutiendra le maintien de ce fonds ».

Le FOM géré par l'AFD a par exemple permis d'apporter un appui à la communauté des communes de l'ouest guyanais pour la gestion des déchets (560 000 euros). Le FOM permet à l'AFD de prendre en charge la mise à disposition d'ingénieurs auprès des collectivités responsables 47 ( * ) .

La mobilisation de l'État pour combler cette carence est salutaire. Toutefois, il ne faut pas surestimer les moyens supplémentaires réels qui sont parfois derrière les dispositifs annoncés .

La Cour des comptes relève ainsi qu'à Mayotte, « une plateforme d'ingénierie territoriale a été créée en 2019 afin de disposer d'une structure intégrée pour accompagner les collectivités dans l'élaboration, le financement et le suivi de leurs projets ». Cette plateforme compte un effectif théorique de six agents. Dans les faits, de nombreux postes sont vacants en raison d'une rotation importante des équipes.

Enfin, les collectivités ultramarines n'ont pas toujours connaissance de la multiplicité des moyens en ingénierie mobilisables de l'État.

Vos rapporteurs n'ont pas de propositions propres au renforcement de l'ingénierie en matière de déchets.

En revanche, la demande qui est remontée régulièrement des auditions et des déplacements est celle d'un partenariat avec un État accompagnateur, plutôt qu'un État contrôleur .

Ce souhait est par exemple exprimé par la communauté d'agglomération des communes du littoral de Guyane qui milite « pour obtenir une forme d'ingénierie partagée avec nos collègues des EPCI, mais aussi avec les services de l'État et de l'Ademe. Il nous paraît important de nous diriger vers une ingénierie partagée pour gagner en efficacité . »

S'il paraît difficile d'imaginer une plateforme commune État-Collectivité mutualisant de manière permanente l'ingénierie disponible sur un territoire, on peut néanmoins proposer les pistes suivantes :

- un guichet unique dans les préfectures pour les collectivités requérant un appui en ingénierie, ce guichet unique se chargeant ensuite de mobiliser les acteurs pertinents et disponibles (Cerema, Deal, Sgar, Ademe, ANCT, AFD, cellule préfectorale ad hoc ...) ;

- sur des projets prioritaires identifiés en amont , dans le cadre des plans urgents de rattrapage proposés dans le présent rapport 48 ( * ) , contractualiser avec l'État pour partager l'ingénierie disponible avec celle des collectivités dans le cadre de « plateformes de projet » . Pour que cela fonctionne, il faudra faire des choix et retenir les projets les plus structurants et prioritaires, capables d'enclencher des dynamiques vertueuses.

Enfin, l'amélioration de la gouvernance, notamment avec le transfert de la compétence « traitement » à des opérateurs uniques sur chaque territoire 49 ( * ) , et des marges financières retrouvées, en particulier avec un moratoire sur la TGAP 50 ( * ) , les collectivités pourront muscler leur capacité en ingénierie pour monter les projets, aller chercher les crédits et assurer le suivi de la mise en oeuvre.

Proposition n° 7 : Lever le verrou de l'ingénierie :

- en augmentant fortement les crédits du fonds outre-mer ;

- en créant dans les préfectures un guichet unique pour les collectivités demanderesses d'un appui technique ;

- en mutualisant sur les projets structurants et prioritaires les ressources en ingénierie de l'État et des collectivités dans le cadre de « plateforme de projet ».

5. Les défis ultramarins trop peu audibles à Paris

Le retard chronique des outre-mer n'a pas fait l'objet d'une attention particulière jusqu'à récemment. Pourtant, les indicateurs étaient tous alarmants. Il faut attendre 2018 et surtout la loi Agec de 2020 pour que la situation particulière de ces territoires commence à être prise en compte à la hauteur des enjeux.

Afin de renforcer leur visibilité, la représentation des outre-mer au sein des instances consultatives nationales en matière de déchets doit être renforcée.

Ainsi, le Conseil national de l'économie circulaire et la commission inter-filières REP 51 ( * ) ne comptent à ce jour aucun représentant des outre-mer. Seule la Direction générale des outre-mer y siège, parmi les divers représentants de l'État, pour porter leur voix. Les articles D.541-2 et D.541-6-1 du code de l'environnement prévoient que les collectivités territoriales sont représentées au travers des associations nationales d'élus. Les outre-mer sont donc largement absents de ces instances.

Compte tenu de leurs très fortes spécificités et de l'urgence d'un rattrapage, la composition de ces deux organes doit être modifiée, afin de prévoir une représentation ad hoc des outre-mer.

Proposition n° 8 : Renforcer la représentation des outre-mer au sein des instances nationales des déchets, comme le conseil national de l'économie circulaire et la commission inter-filières REP.

C. UN FINANCEMENT TROP FRAGILE POUR PERMETTRE UN RATTRAPAGE RAPIDE

1. Un coût de gestion en moyenne plus élevé que dans l'Hexagone
a) Des coûts structurellement élevés ...

Les coûts de gestion du service public des déchets sont en moyenne 1,7 fois plus importants en outre-mer que ceux observés dans l'Hexagone (163 euros par habitant en outre-mer contre 93 euros par habitant dans l'Hexagone).

En 2020

France

Guadeloupe

Guyane

La Réunion

Martinique

Mayotte

Coût de gestion aidé/hab/HT

93

179

86

171

187

108 52 ( * )

Vos rapporteures relèvent que la connaissance des coûts de gestion a progressé en quelques années, grâce en particulier à la diffusion des études selon la méthodologie ComptaCoût® financées par l'Ademe.

Les raisons de ces surcoûts sont largement documentées : transport maritime, vie chère outre-mer, une collecte en porte à porte prépondérante, l'usure prématurée des matériels en raison du climat, le coût du foncier, parfois le manque de concurrence...

Par ailleurs, de nombreux déchets d'activités économiques se retrouvent dans les poubelles domestiques et sont de fait à la charge des agglomérations. Il convient de rediriger les flux, afin de mettre ces déchets à la charge des entreprises et des administrations qui les produisent. Cela suppose d'accroître le nombre de déchetteries professionnelles, mais aussi de mettre en place une taxe spécifique.

En Guyane, le coût de gestion est inférieur à la moyenne nationale en raison d'un niveau de service faible, une partie importante des déchets n'étant tout simplement pas prise en charge.

Ce constat sur les coûts est également partagé par les éco-organismes. Selon Cyclevia (huiles usagées), le coût à la tonne y est quatre à cinq fois supérieur . Pour Ecosystem (DEEE), le coût à la tonne est deux fois et demie plus élevé en outre-mer que dans l'Hexagone. Pour DASTRI, le coût est 1,5 fois plus élevé. Pour l'APER (bateaux de plaisance), en Martinique, il a été constaté des coûts trois fois supérieurs à ceux de l'Hexagone.

b) ... qui devraient le rester

Le principal facteur de hausse des coûts à moyen terme est l'immense besoin d'investissement en équipements structurants.

Dans une étude de 2017, le cabinet Adekwa chiffrait à environ 20 euros le coût par habitant et par an du déploiement d'un réseau robuste de déchetteries et son fonctionnement. Par ailleurs, une part important des flux échappe à ce jour à la collecte. Les outre-mer se trouvent dans une phase de transition avec simultanément une TGAP de plus en plus lourde qui pèse sur les dépenses de fonctionnement et des investissements nombreux qui ne produiront pas immédiatement leurs effets sur la TGAP. Enfin, les coûts du transport maritime ne devraient pas significativement baisser, malgré les variations importantes des tarifs (très élevés début 2022 et en net repli sur la fin de l'année).

Il existe néanmoins différents leviers pour réduire ou maîtriser les coûts. Le premier est de basculer une partie de la collecte en porte-à-porte vers des points d'apport volontaire, dont les déchetteries précisément. Un deuxième est la prévention. Un troisième, le développement de filières locales de recyclage ou de réemploi, afin de valoriser ces matières. La plus grande implication des éco-organismes est aussi nécessaire. Enfin, une gouvernance mieux structurée et resserrée peut réduire les coûts grâce à des effets d'échelle.

2. Des recettes insuffisantes

À côté des coûts, l'autre constat outre-mer est celui de recettes souvent insuffisantes. Le financement de cette politique est très fragile.

a) Une TEOM insuffisante pour équilibrer les budgets

La taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) est la principale source de financement du service public des déchets dans les cinq départements d'outre-mer. En moyenne, la TEOM couvre près de 80 % des coûts du service public. Mais le taux de couverture est très variable selon les collectivités .

En Martinique, un EPCI est à l'équilibre, le second autour de 75-80 % et le dernier à 50 %. En Guadeloupe, le taux moyen dépasse 85 %. À La Réunion, 91 % selon l'Ademe.

En Guyane, la situation est très dégradée. Selon Sophie Charles, présidente de la communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG), « la TEOM ne couvre que 25 % du coût de la compétence, ce qui est extrêmement préjudiciable. En effet, la TEOM est basée sur la valeur locative associée à la taxe foncière. Or, la valeur locative dans les communes de la CCOG, notamment celles qui sont proches du fleuve ou dans les communes enclavées, est extrêmement faible. Cette fiscalité rapporte donc très peu et nous devons supporter directement 75 % du coût de la compétence avec nos fonds dédiés au fonctionnement. Cette situation n'est pas tenable : au fur et à mesure que se développe la collecte de déchets, la compétence coûte de plus en plus cher et la TEOM n'augmente pas ».

Dans la communauté de communes de l'est guyanais, la TEOM ne couvre que 15 % des coûts de gestion des déchets. Le cas de la commune de Camopi est le plus extrême : aucune TEOM n'y est prélevée, car le foncier appartient à l'État .

La situation financière de la communauté de communes des Savanes (CCDS) est meilleure avec un taux de couverture de 58 % du coût de la gestion des déchets. La communauté d'agglomération du centre littoral (CACL), la plus urbanisée, est pratiquement à l'équilibre (95 %).

À Mayotte, le SIDEVAM avait un taux de couverture inférieur à 50 % ces dernières années (31 % en 2021), mais en 2022, ce taux devrait atteindre 52 %, le principal EPCI membre ayant adopté de nouveaux taux de TEOM.

b) Une TEOM au plafond

Pourtant, les taux de TEOM sont déjà très élevés , en particulier pour des territoires avec un taux de pauvreté important.

Taux moyen de la TEOM (en %)

2019

2020

2021

Guadeloupe

16,4

16,8

17,1

Guyane

14

14

14

Martinique

15,1

15,1

16

La Réunion

16,2

16,2

16,2

Mayotte

13,8

14,3

16,8

France entière

8,8

8,8

9

Source : Ministère de l'économie et des finances

En Guyane, le montant moyen de la TEOM est de 56 euros par habitant, sachant que seul 1 habitant sur 8 la paie. Dans les quartiers informels, une part grandissante de la population n'est pas imposable. Même constat à Mayotte.

Le recouvrement très imparfait, pour ne pas dire très dégradé, de la taxe foncière dans les outre-mer se répercute inévitablement sur celui de la TEOM à laquelle elle est adossée . Derrière cette difficulté majeure, il y a celle récurrente de la fiabilité du cadastre dans ces territoires, et tout particulièrement à Mayotte et en Guyane.

La responsabilité de l'État est donc directement engagée . Au niveau national, les EPCI décidant de passer à la TEOM incitative bénéficient de frais de gestion de l'État réduit (3 % au lieu de 8 % du produit de la TEOM sont prélevés par l'État). Compte tenu de la situation particulière des outre-mer et de l'impossibilité de mettre en oeuvre une TEOM incitative, ( voir ci-dessous ), et de la médiocrité du recouvrement, les outre-mer devraient bénéficier automatiquement de ce taux réduit.

Proposition n° 9 : Améliorer le taux de recouvrement de la taxe foncière dont dépend celui de la TEOM et baisser de 8 à 3 % les frais de gestion perçus par l'État sur la TEOM.

c) La TEOM incitative hors de portée

Aucun outre-mer n'a mis en place une taxation incitative (TEOMi). Seules des études sont en cours à La Réunion, sans qu'un éventuel calendrier de mise en oeuvre soit évoqué. Les raisons sont multiples.

La TEOM a un niveau d'impayé trop important, ce qui ne permet pas aux collectivités de s'orienter vers des modèles de redevance ou de taxation incitative. La taxe est concentrée sur un petit nombre de redevables.

Le niveau de pauvreté plus élevé dans les outre-mer est un autre frein. La TEOMi pénaliserait les familles pauvres et supposerait des aides sociales pour compenser.

Enfin, la crainte est qu'une telle taxe, dans un contexte où les pratiques de collecte sélective demeurent fragiles, ne pousse certains usagers à brûler leurs déchets ou à les abandonner dans la nature.

3. Des aides nationales et européennes importantes mais pas assez consommées
a) Le FEI, un outil salué par tous à renforcer

Depuis 2009, le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) est un outil de financement apprécié des collectivités en raison de sa souplesse et de sa simplicité. Les projets en matière de gestion des déchets en ont naturellement bénéficié.

FEI - Traitement des déchets

Montants pour la période de 2009 au 30 juin 2022 en millions d'euros (M€)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Guadeloupe

1,70

1,39

Martinique

6,99

4,40

Guyane

10,00

5,40

La Réunion

1,85

0,90

Saint-Pierre-et-Miquelon

4,10

3,17

Mayotte

0,60

0

TAAF

0,27

0,27

Wallis-et-Futuna

2,40

1,76

Nouvelle-Calédonie

1,25

0,90

TOTAL

29,16

18,19

Source : DGOM

L'exemple de Wallis-et-Futuna, qui dispose d'une faible ingénierie, montre la pertinence du FEI facilement accessible et mobilisable. Le fonds a notamment permis de financer :

- des camions de collectes pour 350 000 euros ;

- la distribution de bacs à déchets à tous les foyers pour 300 000 euros ;

- deux camions équipés de grue de levage pour la collecte des VHU pour 419 000 euros ;

- une chargeuse polyvalente pour la gestion du centre d'enfouissement technique (CET) de Peka pour 200 000 euros ;

- des broyeurs déchiqueteurs dans les deux CET pour 300 000 euros ;

- la modernisation du CET de Wallis pour 450 000 euros.

- Enfin, un projet de méthanisation est actuellement en cours grâce à un financement de 600 000 euros du FEI.

Pour autant, la part des projets liés aux déchets et à l'économie circulaire demeure modeste dans le total des crédits FEI (depuis 2009, 930 millions d'euros en autorisation d'engagement et 613 millions d'euros en crédits de paiement).

L'idée que le FEI soit maintenu et renforcé dans les prochaines années rejoint les recommandations du rapport de Georges Patient et Teva Rohfritsch 53 ( * ) . Les nouvelles orientations pour 2023 vont dans le bon sens, notamment en ouvrant la possibilité de financer 100 % d'un projet dans les collectivités les plus fragiles financièrement. À Mayotte et en Guyane, c'est une nécessité, car l'absence de capacité d'investissement rend inconcevable des projets, même avec des co-financements à 80 %.

Au-delà, une réforme de la TGAP (voir le I.C.4.c) ci-après) pourrait s'appuyer sur le FEI, afin de flécher le produit de cette taxe vers les territoires au profit des projets « déchets ».

Proposition n° 10 : Augmenter les crédits du FEI et flécher vers ce fonds le produit territorialisé de la TGAP.

b) La défiscalisation

Des données chiffrées sur l'importance de la défiscalisation dans le financement des acteurs privés du secteur des déchets n'ont pu être recueillies. Toutefois, les territoires interrogés ont tous plaidé pour son maintien, afin d'encourager les investisseurs privés.

L'idée de la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM) est interessante. Lors de son audition, Hervé Mariton, président de la FEDOM, relevait que la défiscalisation « a été très largement conçu, depuis longtemps, pour des objets neufs. Dès que l'on parle de réutilisation et d'économie circulaire pour des déchets, des biens industriels ou des machines-outils, et dès que l'on essaie de garder dans le circuit ce qui pourrait facilement en sortir, il est important de poser la question d'une évolution de la défiscalisation pour mieux prendre en compte les différentes formes de réutilisation, en particulier pour les biens d'investissements ». Cette proposition, bien que complexe à mettre en oeuvre (évaluation de la valeur des biens, amortissement, contrôle...), mériterait d'être approfondie.

c) Les aides de l'Ademe, un accompagnement financier et technique indispensable

L'action de l'Ademe est bien perçue dans les outre-mer, DROM ou COM. C'est un véritable partenaire qui apporte un soutien financier, mais aussi technique pour monter en compétences .

Les effectifs de l'Ademe consacrés aux outre-mer s'élèvent à 52 personnes, dont 27 à temps plein en CDI, 16 volontaires du service civil, et plus récemment, une dizaine d'intérimaires au titre du plan de relance. Au total, 8 % des moyens humains de l'action régionale de l'Ademe sont dédiés aux outre-mer.

En 2021, 39 millions d'euros d'aides ont été versés dans les outre-mer sur des projets liés à l'économie circulaire et aux déchets . L'effet de levier est important, car ces aides permettent la réalisation de projets représentants environ le triple d'investissement. Ces crédits sont attribués dans le cadre des contrats de convergence et de transformation 2019-2022 (CCT) et hors CCT (plan de relance notamment).

On observe néanmoins que le montant total des aides allouées outre-mer varie beaucoup d'une année sur l'autre, certains grands projets comme celui d'Ileva à La Réunion en mobilisant la moitié 54 ( * ) .

Nicolas Soudon, directeur exécutif des territoires de l'Ademe, a souligné que l'agence « s'efforce de conserver un réflexe outre-mer et de sanctuariser certains fonds » qui sont en concurrence directe avec des projets à financer dans l'Hexagone. Ce réflexe outre-mer se traduit par des taux de financement par projet supérieurs à ceux de l'Hexagone. Par ailleurs, des projets qui ne sont plus éligibles le demeure dans les outre-mer, comme les créations ou rénovations de déchetterie ou la réhabilitation d'anciennes décharges.

En revanche, le plan France Relance a eu un impact très marginal . Seuls 4 % des aides sont issus du budget du plan en 2021, soit 2 millions d'euros pour les outre-mer sur un total de 226 millions d'euros au titre du plan France Relance en faveur des investissements relatifs à l'économie circulaire. Moins de 1 % des crédits du plan. Selon Vincent Coissard, sous-directeur des déchets et de l'économie circulaire au sein de la DGPR, le plan de relance visait « plutôt des projets déjà dans les cartons et de taille industrielle ». Les outre-mer sont passés à côté.

Il en va de même pour le plan France 2030 . Les outre-mer ne satisfont pas aux critères d'éligibilité des deux appels à projets « Recyclage des plastiques » et « Innovation, Recyclabilité et Réincorporation ». La dimension des projets et leur complexité ne sont pas à l'échelle des outre-mer.

Enfin, il faut aussi citer les contrats d'objectif déchets et économie circulaire (CODEC) et les contrats d'objectifs déchets outre-mer (CODOM). Ces contrats consolident le partenariat des collectivités avec l'Ademe sur trois ans et favorisent des stratégies d'ensemble, plutôt que des actions au coup par coup. Toutefois, dans les faits, peu de contrats ont été conclus. Un CODEC avec La Réunion et un CODOM avec Mayotte en 2016. Un CODOM serait en cours de discussion avec la Martinique.

Les financements de l'Ademe sont donc indispensables aux outre-mer. Pour autant, les montants demeurent insuffisants face à l'ampleur des besoins d'investissement .

d) Les aides européennes : des inquiétudes sur leur pérennité

Dans les départements et régions d'outre-mer, les fonds européens revêtent une importance essentielle.

Ainsi, en Martinique, ces fonds sont primordiaux. Le montant de l'enveloppe 2014-2020 pour les opérations « déchets » était de 31 millions d'euros (gestion et prévention). L'enveloppe FEDER 2021-2027 est en attente de validation par la Commission.

En Guadeloupe, les taux de co-financement ont atteint jusqu'à 80 des investissements structurants réalisés par les maîtres d'ouvrage publics pour la programmation 2014-2020.

À La Réunion, le programme opérationnel FEDER 2014-2020 a financé pour un total de 30 millions d'euros :

- la réalisation d'unités de tri des déchets et de valorisation matière pour 18,9 millions d'euros (projet Run Eva) ;

- des projets de gestion et valorisation des déchets par les EPCI pour 5 millions d'euros ;

- des projets privés de biomasse et de biogaz pour 6 millions d'euros.

En Guyane et à Mayotte, les fonds européens disponibles sont également essentiels au financement des projets. Mais la consommation des crédits demeure faible, les projets ayant du mal à sortir de terre.

Sans surprise, les aides européennes en matière de déchets font l'objet des critiques habituelles à l'encontre des aides européennes de manière générale : absence d'avances, manque de capacités administratives et financières des porteurs de projets du territoire, difficultés de cautions bancaires, longueur du processus d'attribution (entre 6 mois à un an), délais de paiement, complexité du montage des dossiers... Pour les collectivités, ces obstacles rendent les fonds européens peu mobilisables. Beaucoup d'entre elles y renoncent.

Une autre inquiétude, cette fois propre à la politique des déchets, concerne la pérennité de ces aides .

En effet, l'Union européenne est désormais pleinement engagée vers une stratégie d'économie circulaire et promeut de préférence des projets innovants et structurants en faveur du réemploi, de l'écoconception, du recyclage et de la prévention des déchets.

C'est en ce sens que la Commission européenne a, par exemple, présenté le 30 mars 2022 un nouveau « Paquet Économie circulaire » qui vise à renforcer l'écoconception des produits, en élargissant la gamme des produits et en renforçant les exigences. Ce nouveau paquet fait suite à celui de 2018 et ses quatre directives qui ont défini de nouveaux objectifs, mais aussi de nouvelles contraintes pour plus de réemploi et de recyclage et pour réduire les mises en décharge.

Dans ces conditions, les investissements en faveur des équipements structurants de base comme les centres d'enfouissement des déchets, les incinérateurs ou les déchetteries, sans même parler des outils de collecte (camions, bacs...), ne sont plus prioritaires pour l'Union européenne. Pourtant, nos territoires ultramarins, et les régions ultrapériphériques en particulier, en ont cruellement besoin.

Le règlement FEDER a été récemment révisé le 24 juin 2021 pour la programmation 2021-2027. 55 ( * )

Grâce à la mobilisation des gouvernements français et espagnol, ainsi que du Parlement européen, les spécificités des RUP ont été prises en compte et ont encore fait l'objet d'adaptations comme le permet l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Ainsi, l'article 7 de ce règlement exclut normalement du champ du FEDER et du fonds de cohésion :

« f) les investissements dans l'élimination des déchets par la mise en décharge [...]

g) les investissements améliorant la capacité des installations de traitement des déchets résiduels [...] ».

Cet article dispose toutefois que ces exclusions ne sont pas applicables « dans les régions ultrapériphériques, uniquement dans des cas dûment justifiés ».

Si les fonds européens demeurent disponibles jusqu'en 2027, une inquiétude peut légitimement naître sur la prochaine période. La rédaction retenue suppose déjà de justifier la nécessité de financer de nouvelles installations de stockage ou la création d'unité de valorisation énergétique .

Une autre contrainte est celle de la « concentration thématique », c'est-à-dire l'obligation faite aux États membres et régions d'utiliser prioritairement les crédits européens sur l'objectif « transformation économique innovante et intelligente et de la connectivité régionale aux technologies de l'information et de la communication (TIC) ». Cette priorité n'est pas adaptée aux besoins de rattrapage structurel des RUP françaises .

Là encore, les RUP bénéficient encore d'une souplesse , en particulier sur les fonds issus de l'allocation spécifique supplémentaire destinée aux régions ultrapériphériques. Cette allocation de près de 2 milliards d'euros est utilisée pour compenser les surcoûts supportés dans ces régions du fait de leurs contraintes propres. La concentration thématique ne s'y applique pas. En revanche, sur les fonds de cohésion ordinaires, les RUP sont considérés comme relevant du groupe dit 3 (les régions moins développées) et doivent consommer au moins 25 % des crédits sur l'objectif « transformation économique innovante et intelligente et de la connectivité régionale aux TIC ».

Quant au taux de cofinancement maximum, qui est déterminant pour des collectivités qui n'ont pas les fonds propres nécessaires, il a également été remis en question, les propositions initiales de la commission européenne prévoyant de l'abaisser à 70 ou 75 %. Finalement, l'article 112 du règlement (UE) 2021/1060 du 24 juin 2021 56 ( * ) a maintenu un taux maximal de 85 % pour les RUP, y compris la Martinique qui risquait de basculer dans la catégorie des régions en transition.

L'essentiel a donc été préservé jusqu'en 2027, mais ces adaptations exigent d'âpres négociations et elles seront de plus en plus difficiles à reconduire.

Une autre inquiétude relative à l'accès au fonds européen naît de l'impossibilité dans laquelle se trouvent les RUP pour atteindre les objectifs européens de recyclage ou de valorisation fixés par le « Paquet Économie Circulaire » de 2018 .

Par exemple, la Martinique a élaboré tôt son plan régional de prévention et de gestion des déchets dès 2019. Mais il l'a été sur la base de la réglementation en vigueur en novembre 2019, donc avant la transposition du paquet européen « Économie circulaire » par la loi Agec en février 2020. L'Union européenne demande que les plans soient mis à jour pour intégrer ces nouveaux objectifs de performance qui ne sont pas atteignables par la Martinique.

Le versement des aides pourrait donc être fragilisé par l'absence d'adaptation des directives européennes « déchets » et « Économie circulaire » et ce qui vaut pour la Martinique vaut aussi pour la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte .

Pour rappel, les objectifs européens impliquent notamment :

- de réduire à 50 % la part des déchets non dangereux non inertes enfouis en 2025 et à 10% la part des déchets ménagers enfouis en 2035 ;

- de réduire de 15 % les déchets ménagers par habitant en 2030 par rapport à 2010 ;

- de porter à 55 % la part des déchets ménagers effectivement recyclés, 60 % en 2030 et 65 % en 2035.

Face à ces constats, qui dépassent la seule question des déchets, il convient de plaider, encore une fois, pour une application large et franche de l'article 349 du TFUE, pour adapter à la fois les objectifs de valorisation et de recyclage et les conditions d'attribution des aides européennes aux spécificités des RUP.

Proposition n° 11 : Faire du secteur des déchets et de l'économie circulaire un des champs prioritaires d'adaptations des normes et des aides européennes aux spécificités des RUP, conformément à l'article 349 du TFUE.

4. Libérer les territoires du fardeau de la TGAP
a) Une taxe présumée vertueuse

En application des articles 266 sexies et suivants du code des douanes, la TGAP sur les déchets est due par toutes les personnes stockant des déchets ou procédant à leur incinération. Les intercommunalités et les syndicats en charge du traitement des déchets ménagers ou assimilés en sont les principaux redevables.

Répondant au principe pollueur-payeur, cette taxe a été conçue pour inciter financièrement à réduire l'enfouissement des déchets, ainsi que leur incinération sans valorisation énergétique, au profit d'autres modes de traitement (réduction à la source, recyclage, réemploi...).

À cette fin, la TGAP a subi plusieurs réformes et prévoit désormais une forte hausse du barème à la tonne jusqu'en 2025. L'objectif est clair : accélérer le virage de l'économie circulaire en détournant les déchets de l'enfouissement et de l'incinération.

Le tableau ci-après donne un aperçu partiel des principaux barèmes applicables selon le type d'installations et le niveau de valorisation énergétique. Les barèmes sont en euros par tonne de déchets.

Les tarifs de la TGAP dans les outre-mer (en euros)

2020

2021

2022

2023

2024

À partir de 2025

Installations de stockage

Hexagone

42

54

58

61

63

65

Guyane Mayotte

10 57 ( * )

- 75%

La Réunion Martinique Guadeloupe

- 25%

- 35%

Installations de stockage avec valorisation du biogaz à 75 %

Hexagone

25

37

45

52

59

65

Guyane Mayotte

10

- 75%

La Réunion Martinique Guadeloupe

- 25%

- 35%

Unité de valorisation énergétique à rendement élevé supérieur ou égal à 0,65

Hexagone

9

14

14

14

14

15

Guyane Mayotte

- 60%

- 75%

La Réunion Martinique Guadeloupe

- 25%

- 35%

Source : DSOM et BOFIP

Le barème national croit progressivement jusqu'en 2025 pour atteindre 65 euros la tonne enfouie et 15 ou 25 euros la tonne incinérée, selon l'efficacité de la valorisation énergétique.

Les outre-mer bénéficient de réfactions importantes, en particulier Mayotte et la Guyane (- 75 %).

b) Des critiques unanimes

Un constat revient unanimement de la part de tous les acteurs territoriaux rencontrés : la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est injuste et inefficace.

Vertueuse sur le papier, cette taxe est de moins en moins comprise dans les outre-mer.

En effet, l'enfouissement y demeurant à ce jour le mode de traitement prédominant, voire unique, le poids de la TGAP est devenu écrasant. Il accable des acteurs territoriaux aux équilibres financiers déjà précaires .

Conscient de cette situation, le Parlement a dû réduire, à plusieurs reprises, les barèmes de la TGAP applicables outre-mer 58 ( * ) .

Pour autant, ces ajustements successifs - qui peuvent donner le sentiment d'un bricolage - demeurent insuffisants et les perspectives sont inquiétantes. La charge de la TGAP va s'aggraver du fait de la hausse programmée des barèmes et la pérennisation des réfactions accordées aux outre-mer est plus qu'incertaine 59 ( * ) .

À titre d'exemple, le SIDEVAM, qui gère le traitement de tous les déchets de Mayotte, enfouit actuellement près de 100 % des déchets collectés. En 2021, la TGAP s'est élevée à plus d'un million d'euros et son montant devrait rapidement augmenter pour doubler en 2026, dans l'hypothèse où la réfaction de 75 %, puis 70 % à partir de 2024, serait maintenue. Le SIDEVAM, qui parvient encore à dégager une épargne brute positive, devrait à l'horizon 2025 passer dans le rouge. La capacité d'investissement sera amputée, alors que les besoins sont énormes.

En Guyane, le constat est le même. Selon la communauté de communes des Savanes (CCDS), en 2025, à son taux maximum, la TGAP pourrait représenter 50 % du coût actuel de gestion des déchets.

Comme le disait Sophie Charles, « au fil des années, nos capacités d'investissement mais aussi de fonctionnement s'en trouvent fragilisées, au moment même où nous entamons une dynamique de rattrapage structurel. La TGAP représente pour nous une vraie problématique dans la mesure où ses paramètres sont déterminés pour l'Hexagone et ne tiennent pas compte des spécificités de notre territoire. »

En Martinique, selon Myriam Zapha, directrice de l'enfouissement du SMTVD qui gère le traitement des déchets pour toute l'île, la TGAP pèse déjà pour 17 % des dépenses de fonctionnement et la tendance va s'aggraver. En Guadeloupe, l'inquiétude est identique.

À La Réunion, en 2021, le syndicat Ileva s'est acquitté de 5,6 millions d'euros, soit déjà 16,5 % des dépenses de fonctionnement. En 2022, ce sont 6,7 millions d'euros et pour 2025, les prévisions sont de 10,2 millions d'euros. La trajectoire est difficilement tenable, sauf à sacrifier les investissements vitaux. 60 ( * )

Les vertus supposées de la TGAP ne peuvent fonctionner sur des acteurs trop fragiles financièrement et confrontés à l'urgence d'un rattrapage d'investissement. Au contraire, la TGAP déstabilise les acteurs du déchet outre-mer en gonflant des dépenses de fonctionnement déjà très lourdes compte-tenu des surcoûts constatés outre-mer. Certes, comme le rappelle la direction générale de la prévention des risques, l'État met en place des dispositifs d'aide significatifs, notamment au travers de l'Ademe. Mais ces aides à l'investissement, obéissant à une logique de guichet, ne sauraient compenser la ponction de la TGAP sur le budget de fonctionnement des collectivités.

Plus encore, cette taxe est incomprise, car elle n'est pas affectée au soutien de la politique des déchets, comme le principe pollueur-payeur le commanderait. Elle abonde désormais le budget général de l'État.

Enfin, ultime incompréhension, les acteurs territoriaux se voient sanctionnés pour ne pas avoir atteint des objectifs de tri et de réduction des déchets, alors que la plupart des éco-organismes sont défaillants dans les outre-mer sans être, eux, pénalisés.

c) Pour un moratoire sur la TGAP dès 2023

Ces constats appellent des mesures rapides, claires et fortes sur la TGAP pour soulager les collectivités responsables et leur offrir une visibilité, dans le cadre du plan prioritaire de rattrapage appelé de nos voeux.

Des moratoires de 5 ans pour La Réunion, 7 ans pour la Guadeloupe et la Martinique, 10 ans pour Mayotte et la Guyane rendraient des marges de manoeuvre immédiate sur les budgets de fonctionnement, sans alourdir la tuyauterie des aides existantes . Ils permettraient de planifier sur des horizons de temps réalistes les investissements nécessaires pour sortir du tout enfouissement. Au terme de ces moratoires, des relèvements par pallier convergeraient vers le barème national - à hauteur d'un dixième par an par exemple.

Il est essentiel de soulager les budgets de fonctionnement , et non de se limiter, comme actuellement, à attribuer des aides qui vont essentiellement à l'investissement.

Le coût exact de ce moratoire est incertain, compte tenu des projections et des données disponibles.

Produit de la TGAP perçu dans les outre-mer depuis 2017

2017

2018

2019

2020

2021

Montant en millions d'euros

23,79

24,28

21,31

13,12

16,99

Source : DGOM

Mais sur la base d'un produit de TGAP outre-mer d'environ 17 millions d'euros en 2021, le manque à gagner annuel pour le budget de l'État peut être estimé à 30 millions d'euros environ par an à partir de 2024. Ce manque à gagner doit être relativisé, car par construction, le produit de la TGAP est censé disparaître.

Dans le cadre d'un plan prioritaire de rattrapage, cette bouffée d'oxygène autoriserait les intercommunalités et les syndicats mixtes à muscler leur capacité d'ingénierie, à accélérer les investissements et à développer la prévention.

Si toutefois un tel moratoire était écarté, une solution a minima serait de flécher le produit de la TGAP vers les territoires pour soutenir des projets de prévention, de recyclage ou de valorisation. Le FEI, avec une enveloppe dédiée à la gestion des déchets, pourrait en être le véhicule.

Proposition n° 12 : Exonérer de TGAP La Réunion pour 5 ans, la Guadeloupe et la Martinique pour 7 ans et la Guyane et Mayotte pour 10 ans.

5. Imaginer d'autres financements dans les outre-mer

Le financement de la gestion des déchets outre-mer a peu de marges de manoeuvre. La TEOM atteint déjà des taux très élevés et pèse sur des populations en difficultés économiques. Certains éco-organismes sont encore peu présents. Quant aux aides diverses de l'État ou de l'Union européenne, elles ne peuvent pas faire office de source de financement pérenne. Une réflexion doit être engagée sur des financements complémentaires. Quelques exemples tirés des collectivités du Pacifique, qui exercent la compétence fiscale, peuvent servir d'inspiration.

a) L'exemple de la taxe « antipollution » en Nouvelle-Calédonie

Créée en 2003 par la Nouvelle-Calédonie, la taxe de soutien aux actions de lutte contre les pollutions (TAP) s'applique aux importations de biens et produits considérés comme polluants et difficiles à traiter en fin de vie. À ce jour, huit catégories de produits entrent dans le champ de la taxe, mais seules cinq d'entre elles ont été activés (les batteries, piles, accumulateurs, certaines huiles lubrifiantes, les pneumatiques) 61 ( * ) .

Le produit de cette taxe alimente un fonds géré par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, afin de financer les projets portés par les communes, les provinces ou le gouvernement en matière de déchets. Un comité représentant toutes ces parties prenantes émet un avis sur les demandes formulées.

Depuis 2013, la TAP rapporte environ 1,6 million d'euros par an et apporte des compléments de financement important sur certaines opérations, y compris des aides au transport des déchets. Elle demeure néanmoins limitée à un faible nombre de biens polluants et son produit reste modeste.

La TAP est perçue comme un outil simple et efficace de financement complémentaire par les collectivités calédoniennes , en particulier les communes. Elle peut être comparée à une forme de FEI local ciblé sur la gestion des déchets.

b) En Polynésie, des écotaxes inabouties

En Polynésie française, deux taxes sont aussi assimilables à des écotaxes.

La première est la taxe d'environnement pour le recyclage des véhicules (TERV). Cette taxe forfaitaire est prélevée lors de la première mise en circulation d'un véhicule, donc sur chaque véhicule importée. Pour une voiture particulière, la taxe est de 15 000 francs Pacifique CFP, soit 125 euros. Elle monte à 90 000 francs Pacifique CFP (754 euros), pour un camion. En 2019, elle a rapporté 245 millions de francs Pacifique CFP (2,05 millions d'euros).

La seconde est la taxe pour l'environnement, l'agriculture et la pêche (TEAP). Créée en 2001 pour participer, « en partenariat avec les communes, au financement de la filière de traitement des déchets », cette taxe frappe l'ensemble des produits importés au taux de 2 %. Elle rapporte chaque année environ 2,9 milliards francs Pacifique CFP, soit plus de 24 millions d'euros.

Ces deux taxes sont toutefois versées au budget général du pays, sans être fléchées vers la gestion des déchets ou redistribuées aux communes qui pourtant assume l'essentiel de la compétence « déchets ».

c) Le beau succès de l'écotaxe à Wallis-et-Futuna

Le code de l'environnement de Wallis-et-Futuna contient déjà plusieurs dispositifs fiscaux pour financer la collecte et le traitement des déchets : une taxe intérieure de 10 % sur les batteries, huiles lourdes et pesticides ainsi qu'une taxe parafiscale de propreté reversée aux circonscriptions 62 ( * ) en charge de la collecte des ordures ménagères. Toutefois, les résultats du tri sélectif étant médiocre, l'Assemblée territoriale a innové avec la création d'une écotaxe à compter du 1 er juillet 2017 .

Ce dispositif hybride combine écotaxe, consigne et gratification du tri.

Chaque cannette en aluminium ou petite bouteille en plastique ou en verre est taxée à hauteur de 5 francs Pacifique CFP (0,04 euro) l'unité. Les bouteilles de plus de 75 cl sont taxées de 10 francs Pacifique CFP (0,08 euro) par unité.

Le produit de cette éco-taxe alimente ensuite un mécanisme de gratification.

En effet, toute personne rapportant au centre d'enfouissement technique de l'île reçoit 5 francs Pacifique CFP ou 10 francs Pacifique CFP par unité, selon la taille d'une bouteille.

Les résultats ont été immédiats et les volumes collectés ne cessent de croître 63 ( * ) , malgré la crise du Covid qui a mis à l'arrêt la collecte pendant quelques mois. En 2021, plus d'1,3 million de contenants collectés sur l'année, contre 214 000 au cours du second semestre 2017.

Les avantages sont multiples : développement du tri, point d'apport volontaire préféré à la collecte en porte à porte, complément de revenus pour des familles, diminution des déchets abandonnés, perspectives pour des filières locales.

Les autorités wallisiennes réfléchissent à étendre l'écotaxe et à revoir la clé de reversement de l'éco-consigne. Actuellement, 100 % est reversée au collecteur. À l'avenir, une partie de l'éco-consigne pourrait être reversée aux actuelles ou futures filières de traitement ou de valorisation, ce qui permettrait de financer ces filières.

d) Une écotaxe sur les importations outre-mer ?

Dans les outre-mer, l'équation est presque parfaite : un produit importé est un déchet pour demain. Par ailleurs, les points d'entrée sur les territoires sont simples à contrôler et les productions locales limitées.

Le modèle wallisien pourrait ainsi être repris en Polynésie française qui exerce la double compétence fiscale et environnementale et qui est confrontée au défi du tri dans des archipels isolés. Les filières à responsabilité limitée n'étant pas implantées en Polynésie, la question de la cohabitation de l'écotaxe et de l'écoparticipation ne s'y pose pas. Saint-Martin pourrait aussi y trouver un intérêt, notamment lorsque la collectivité aura obtenu le transfert de la compétence environnement.

Dans les départements d'outre-mer, le modèle wallisien pourrait faire l'objet d'une expérimentation dans les territoires où le geste de tri est le moins développé, la pauvreté importante et la collecte en porte-à-porte difficile. Deux territoires s'y prêtent particulièrement : la Guyane et Mayotte .

Cela suppose néanmoins d'y articuler l'écotaxe avec les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) 64 ( * ) .

De manière plus modeste, l'écotaxe pourrait être expérimentée sur quelques produits particulièrement polluants, comme les batteries automobiles ou les pneus.

Dans un cadre plus large de réflexion, l'octroi de mer comme outil de prévention et de financement de la gestion des déchets est une autre piste à approfondir.

Lors de son audition devant la délégation le 7 octobre 2022, Jean-François Carenco, ministre délégué en charge des outre-mer, a affirmé que « l'enjeu principal de l'octroi de mer est de créer de la valeur économique et écologique . » Une réflexion sur la fiscalité dans les outre-mer est en cours.

Dans ce cadre, l'octroi de mer régional pourrait devenir le support d'une écotaxe , la région ayant vocation à amplifier ses missions d'impulsion et de pilotage de la politique des déchets. Les autorités européennes ne devraient pas s'y opposer, sous réserve d'une taxation identique des productions locales et des importations. La nomenclature détaillée de l'octroi de mer permettrait de cibler les biens générant les déchets les plus complexes ou dommageables, en particulier ceux ne relevant pas d'une filière REP.

L'octroi de mer jouerait en quelque sorte le rôle de la TGAP amont qu'a appelée de ses voeux Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, lors de son audition.

e) Le cas particulier des territoires touristiques

Le tourisme génère des quantités importantes de déchets supplémentaires et donc des coûts.

Comparaison des quantités de DMA et d'ordures ménagères résiduelles (OMR) en kg/hab/an selon l'intensité de l'activité touristique

Moyenne nationale

Communes touristiques

Communes très touristiques (ex : région PACA)

Collectivité de Saint-Barthélemy

DMA

529

669

713

684 65 ( * )

OMR

249

356

372

510 66 ( * )

Afin de diversifier les sources de financement du service public des déchets, la Cour des comptes dans son rapport précité de septembre 2022 sur les déchets ménagers propose la création d'une part additionnelle à la taxe de séjour qui serait perçue par les EPCI, et non aux offices du tourisme.

Proposition n° 13 : Créer une part additionnelle à la taxe de séjour au profit des EPCI en charge de la gestion des déchets.

D. DES ACTEURS DISCRETS, VOIRE ABSENTS : DES ÉCO-ORGANISMES FACE À LEURS OBLIGATIONS

1. Un bilan globalement médiocre

Depuis la création des premières filières à responsabilité élargie du producteur (REP), la législation s'applique de la même façon dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon 67 ( * ) qu'en métropole 68 ( * ) . En pratique, la réalité est différente, les filières REP ayant très longtemps négligé les outre-mer.

Rappel : définition et fonctionnement des filières REP

La responsabilité élargie du producteur (REP) étend les obligations du producteur ou metteur en marché (l'acteur économique mettant le produit sur le marché) jusqu'à l'élimination du bien ou produit en fin de vie, après son utilisation par le consommateur. La REP transfère donc des intercommunalités ou syndicats vers les producteurs de produits neufs, la responsabilité de l'élimination de certains déchets des ménages.

Il existe 22 filières REP actuellement en France (y compris celles créées par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire et qui se mettent en place progressivement).

Leurs conditions d'organisation ne sont pas toutes identiques, selon notamment qu'il s'agit d'une REP dite « financière » (les collectivités collectent les déchets auprès des ménages, les traitent et perçoivent des « soutiens » de la filière REP en contrepartie) ou « opérationnelle » (les collectivités acceptent, souvent en déchetteries, les déchets de la filière en question, par exemple les déchets d'équipements électriques et électroniques, mais ce sont les producteurs qui organisent eux-mêmes la logistique, le réemploi ou la réutilisation, le démantèlement, la dépollution, le recyclage et le traitement final).

Les REP sont mises en oeuvre grâce à des partenariats entre les collectivités et les représentants des producteurs, appelés éco-organismes. Ceux-ci, agréés par l'État, lèvent des contributions financières auprès des producteurs afin de financer les opérations de collecte, recyclage et traitement des déchets. Les relations entre les éco-organismes et les intercommunalités sont définies et organisées dans le cadre d'un contrat (document-type, applicable à toutes les collectivités françaises, non modifiable). Les contrats sont passés entre les éco-organismes et, généralement, les EPCI de traitement. Une partie des opérations à mettre en oeuvre concernant la collecte, l'EPCI de traitement doit nécessairement associer les EPCI de collecte à la gestion de ce contrat.

Source : Maires de France

Le tableau ci-dessous présente les performances de tri de quelques filières REP significatives. Il convient néanmoins de souligner qu'il n'est pas toujours aisé d'avoir des données consolidées pour chaque outre-mer. Une marge d'erreur significative peut exister.

Tableau comparatif : les performances de quelques filières REP
en 2020 (en kg/hab/an)

Emballages ménagers

D3E

Pneus

DEA

Piles

Huiles

France entière

51,5 69 ( * )

9,1

7,6

13,8

0,23

6,4

Guadeloupe

13,7 70 ( * )

16,5

9,4

0,3

0,1

3

Guyane 71 ( * )

12,8

1,3

2

0,29

0,065

1,5

Martinique

15,9

11

11,5

4,9

0,079

3,2

Mayotte 72 ( * )

2

3,2

NC

NC

NC

0,78

La Réunion 73 ( * )

25,9

10,3

7

0,16

0,086

2,4

Saint-Pierre-et-Miquelon

82,1

21

0,34

Saint-Martin

1,9

NC

NC

NC

NC

NC

Source : DSOM

Ce tableau montre que :

- en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion, certains filières se rapprochent des standards nationaux ;

- à Mayotte et en Guyane, le décrochage est complet.

Les raisons sont multiples et bien documentées.

En premier lieu, les filières REP ont démarré bien plus tard dans les outre-mer , alors que les écocontributions ont été versées dès le début des filières REP, notamment par les metteurs en marché situés en métropole et desservant les outre-mer. Pour prendre l'exemple des emballages ménagers, la collecte sélective a commencé dans l'Hexagone en 1992, à La Réunion en 2003, dans les Antilles en 2010, à Mayotte en 2013 et en Guyane en 2015... Pour la filière « Ameublement », l'implantation date de 2021 selon Sylvie Gustave-dit-Duflot, vice-président de la région Guadeloupe, contre 2012 dans l'Hexagone.

En deuxième lieu, l'incitation à faire outre-mer a manqué. Comme l'explique Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, « l'éco-organisme, mandataire du metteur sur le marché, qui n'est pas tenu par un objectif territorial, n'est pas incité à produire son effort, par exemple, en Guadeloupe, où il va payer plus cher pour un même résultat qu'en métropole, sachant qu'il n'y a de toute façon pas de véritable sanction s'il n'atteint pas son résultat global. L'éco-organisme va chercher en priorité à recycler la tonne du Grand Paris ou du Grand Lyon, ce qui lui permettra d'optimiser ses coûts. » Très clairement, les éco-organismes ont longtemps délaissé les outre-mer .

Les collectivités s'y sont souvent substituées. À Saint-Martin par exemple, la collectivité « a été obligée de lancer en 2021/2022 son propre marché d'enlèvement et de traitement des bateaux de plaisance hors d'usage (produits suite au passage du cyclone Irma en septembre 2017), car les appels d'offres lancés par l'éco-organisme APER, en charge de ces déchets, sont totalement inadaptés au contexte ultramarin. La filière Aliapur traîne depuis des années pour prendre en charge sa responsabilité de traitement des pneus ».

En troisième lieu, l'hétérogénéité des territoires n'a pas assez été prise en compte. Les stratégies sur-mesure ont peiné à sortir de terre . Ainsi, les cahiers des charges ne sont pas toujours adaptés aux outre-mer qui ont des gisements de déchets réduits. Ainsi, en Guyane, les seuils de déclenchement des interventions (collecte par les éco-organismes), inscrit dans les cahiers des charges, ne correspondent pas à la réalité du territoire. Les volumes minimaux exigés sont trop bas. En conséquence, certains gisements qui devraient être valorisés, finissent soit dans des dépôts sauvages, soit dans des décharges illégales, soit dans des ISDND.

Enfin, les contraintes communes aux outre-mer ont aussi pesé sur les éco-organismes : manque d'infrastructure de base comme des déchetteries, gisements faibles, exportations compliquées, foncier rare, prestataires peu nombreux ...

Un autre élément à prendre en considération est celui de l'effort financier des éco-organismes dans les outre-mer .

La plupart des éco-organismes interrogés ont tous souligné que leurs dépenses dans les outre-mer excédaient largement le montant des éco-contributions payées par les metteurs en marché dits « producteurs outre-mer ». Par exemple, selon Valdelia, les éco-contributions perçues s'élevaient globalement à 117 528 euros en 2021, quand les dépenses représentaient environ 250 000 euros. Même constat chez DASTRI ou encore Ecosystem qui cite un rapport de un à dix entre les éco-contributions et les dépenses dans les outre-mer.

Toutefois, ce déséquilibre financier doit être nuancé.

D'une part, les chiffres cités sont très récents et ne prennent pas en compte les années antérieures au cours desquelles les éco-contributions de certaines filières ont été perçues sans que des actions notables soient conduites. Il y a un effet de rattrapage normal et bienvenu.

D'autre part, le calcul des éco-contributions perçues ou à percevoir devrait faire l'objet d'investigations approfondies. Les importations hors Hexagone ou Union européenne échappent pour une part importante au paiement de l'éco-contribution. Par ailleurs, les chiffres avancés n'incluent pas nécessairement les éco-contributions acquittées dans l'Hexagone pour des produits consommés dans les outre-mer.

Ainsi, Citeo explique qu'en 2021, 111 metteurs en marché étaient situés dans les outre-mer. Ces metteurs en marché ont versé une contribution de 4,8 millions d'euros en 2021 (dont 16 clients qui en représentent 75 %).

En millions d'euros

2019

2020

2021

Contributions clients outre-mer

4,2

4,2

4,8

Source : Citéo

Toutefois, sur la même période, sur la base des contributions nationales et sur la base des données de population (en 2020/2021, 67,8 millions de Français, dont environ 2 millions dans les DROM), on peut estimer une fourchette de contributions entre 29 millions d'euros et 32 millions d'euros (en considérant que les emballages des metteurs en marché situés outre-mer sont en très grande majorité consommés dans les outre-mer et en intégrant à cette fourchette les 4,8 millions d'euros de contributions des metteurs en marché ultramarins). Les éco-contributions versées seraient donc 6 à 7 fois plus importantes que celles perçues outre-mer au sens strict.

2. Des premiers résultats encore trop timides

Cette carence des filières REP depuis 20 ans n'est pas une fatalité. De premiers signaux positifs sont à relever.

a) Les outre-mer sur le radar de la loi AGEC

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite AGEC a mis sous les projecteurs la carence des filières REP dans les outre-mer. Plusieurs dispositions ont été adoptées pour contraindre les éco-organismes à tenter de rattraper le retard.

La loi dispose ainsi que dans les outre-mer, chaque éco-organisme agréé postérieurement à son entrée en vigueur doit consulter les collectivités concernées afin de définir la meilleure stratégie pour chaque territoire 74 ( * ) . Cette disposition avait été introduite au Sénat en première lecture contre l'avis du Gouvernement. À cet égard, on notera que la plupart des amendements tendant à faire des outre-mer une priorité pour les éco-organismes ont reçu initialement un avis défavorable du Gouvernement.

Le même article dispose qu'à la demande des territoires ultramarins, les éco-organismes assurent directement la collecte, le tri ou le traitement des déchets dont ils ont la responsabilité, en lieu et place des collectivités. Cette substitution ne peut être que temporaire, la loi ne précisant pas de limites de temps.

Surtout, le texte contraint tout éco-organisme à élaborer et à mettre en oeuvre un plan de prévention et de gestion des déchets dans les collectivités ultramarines , de manière à améliorer les performances de collecte et de traitement des déchets dans ces territoires, afin qu'elles soient identiques à celles atteintes en moyenne sur le territoire métropolitain dans les trois ans qui suivent la mise en oeuvre du plan .

Enfin , le barème de prise en charge par les éco-organismes des coûts supportés par le service public de gestion de déchets est majoré . Dans le cas spécifique des emballages ménagers et des papiers, 100 % de ces coûts sont pris en charge par l'éco-organisme, contre respectivement 80 % ou 50 % sur le reste du territoire national. Le cahier des charges prévoit ainsi des majorations variant d'un facteur 1,5 à 2,2 selon les territoires.

b) Une REP qui marche normalement, c'est possible : le cas de DASTRI

L'éco-organisme DASTRI est sans doute celui dont les performances outre-mer sont les plus proches de l'Hexagone.

DASTRI collecte les déchets d'activités de soins à risque infectieux (Dasri) pour les patients en autotraitement. L'éco-organisme distribue des boîtes de collecte aux patients qui y mettent leurs déchets, puis les ramènent dans des points de collecte. Ces déchets sont ensuite détruits, par incinération ou banalisation (procédé qui consiste à détruire le risque infectieux par chauffage puis à broyer les déchets, avant leur enfouissement).

DASTRI existe depuis 10 ans et a démarré son activité simultanément en métropole et en outre-mer. Le taux moyen de collecte outre-mer est assez performant. Fin 2021, il s'établit à 75 % contre 82 % au niveau national.

Ce chiffre cache des disparités régionales. Le taux de collecte est ainsi de 200 % à Mayotte, où DASTRI collecte en plus des déchets de professionnels. De plus, l'écart entre la population officielle et la population officieuse de ce territoire a un impact sur les données de référence.

Inversement, en Guyane, le taux de collecte demeure insuffisant aux environs de 40 %. Un effort particulier y est nécessaire.

En volume, la collecte est passée de 400 kilogrammes en 2013 à 44 tonnes aujourd'hui pour l'ensemble des territoires ultramarins.

L'estimation des gisements est aujourd'hui fiable, même si DASTRI relève qu'il lui a fallu 10 ans pour obtenir des données fiables sur les gisements de référence par territoire de la part des caisses générales de sécurité sociale (CGSS).

Les coûts de traitement y sont beaucoup plus élevés. Alors que dans l'Hexagone, ils varient entre 500 et 600 euros la tonne, ils peuvent atteindre 4 600 euros à Saint-Martin. En moyenne, DASTRI dépense 150 % des contributions appelées pour les outre-mer. Pendant la période 2017-2022, les quantités de Dasri collectés ont évolué de + 51 % alors que, sur la même période, les coûts associés ont augmenté de + 25 %. La hausse des taux de collecte peut donc aller de pair avec une réduction des coûts à la tonne.

c) Les plateformes inter-filières : le début d'une mutualisation des moyens

Face aux difficultés et sous l'impulsion de l'Ademe et des collectivités, les filières REP tendent depuis 2017-2018 à se rapprocher et à mutualiser certains moyens dans les outre-mer.

Ainsi, l'ADEME accompagne le déploiement des filières REP en finançant à 50/50 (ADEME - éco-organismes) des plateformes d'animation allant au-delà des obligations des éco-organismes au travers de feuilles de route territoriales (animation) validées au niveau national. Environ 200 000 euros par an y sont consacrés pour l'ensemble des DROM.

En Guadeloupe, sous la pression de la région, les filières REP ont mis en place une plateforme interfilières ainsi qu'un comité technique. Tous les six mois, la région et les agglomérations rencontrent l'ensemble des filières REP déployées sur le territoire pour formuler leurs doléances et suivre l'évolution des dossiers en cours.

Ces plateformes d'animation, comme le Syndicat de l'Importation et du Commerce de La Réunion (SICR) à La Réunion et Maoré Territoires à Mayotte, permettent notamment :

- de mettre en oeuvre une communication multifilières auprès de la population ;

- de favoriser le déploiement de points d'apports volontaires multifilières, ainsi que l'offre d'enlèvement multi-flux dans les territoires ;

- de lutter contre les non contributeurs ;

- de favoriser le développement de solutions locales de valorisation, y compris énergétique.

Les éco-organismes sont également demandeurs de ces initiatives. Ainsi, l'éco-organisme Valdelia s'est prononcé lors de son audition en faveur des plateformes multifilières, afin de créer des synergies. En Guadeloupe, par exemple, pour rentabiliser un projet d'usine de recyclage du bois, la filière du mobilier ne suffit pas. Un rapprochement avec la filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) permettrait d'atteindre un volume suffisant.

Ecosystem pousse également en ce sens. Lors de leur audition, ses représentants ont plaidé pour le développement de plateformes interfilières pour « construire ensemble des unités industrielles fonctionnelles et performantes ».

Adivalor évoque aussi la création de plateformes de transit multi-déchets.

Dans les collectivités d'outre-mer où la législation nationale sur les filières REP ne s'applique pas, seule la Nouvelle-Calédonie a mis en place une législation locale similaire. La province Sud a par exemple créé une dizaines de filières REP, tout en conservant ce souci de mutualisation. L'éco-organisme Trecodec en gère à lui seul six. La gestion multifilières se fait donc naturellement.

Proposition n° 14 : Renforcer les plateformes multifilières REP dans les outre-mer en les imposant dans les cahiers des charges.

d) Remettre les compteurs à zéro : l'opportunité du renouvellement des agréments et du lancement de nouvelles filières REP

La loi Agec a créé de nouvelles filières REP. Par ailleurs, de nombreux agréments de filières REP existantes sont en cours de renouvellement. Autant d'opportunité de remettre à plat les cahiers des charges et les obligations pesant sur les éco-organismes dans les outre-mer.

Toutefois, à ce stade, le bilan reste très mitigé.

Avant 2020, les outre-mer étaient ignorés des cahiers des charges, voire étaient moins bien traités. Ainsi en est-il du cahier des charges de la filière « Bateaux de plaisance ».

L'arrêté du 5 mai 2017 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets issus des bateaux de plaisance ou de sport organise le déploiement décalé de la filière à La Réunion en 2020-2021 (au lieu de 2019 en métropole) et en 2023 en Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.

Depuis 2020, la situation ne s'est pas beaucoup améliorée.

Ainsi, l'arrêté du 23 novembre 2022 portant cahiers des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie du producteur des textiles, chaussures et linge de maison (TLC) ne contient aucune référence ou disposition particulière pour les outre-mer.

L'arrêté du 10 juin 2022 portant cahier des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment contient une seule référence aux outre-mer. Le maillage des points de reprise doit y être le même qu'en métropole 75 ( * ) .

Même constat encore pour la filière « Ameublement » 76 ( * ) .

Le seul exemple d'adaptation véritable des cahiers des charges est celui de la filière « emballages ménagers » . En effet, l'arrêté du 30 septembre 2022 portant modification de l'arrêté du 29 novembre 2016 modifié relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des emballages ménagers, contient des dispositions propres aux outre-mer, notamment la majoration des barèmes (1,7 fois les barèmes nationaux), les conditions de gestion en pourvoi ou l'obligation de programmes d'actions territorialisées avant le 1 er juillet 2023.

Toutefois, il faut relativiser le caractère vertueux de ce cahier des charges qui n'est en définitive que la traduction des obligations renforcées et précises que le législateur a imposé à la filière « Emballages ménagers » dans la loi Agec.

La meilleure solution serait de co-construire les cahiers des charges avec les territoires, et pas uniquement les plans territoriaux.

L'extension des consignes de tri (ECT) sur les emballages ménagers

Au 1 er janvier 2023, conformément à la loi AGEC et à l'arrêté du 15 mars 2022, le tri des emballages ménagers sera étendu obligatoirement à tous les emballages ménagers, en particulier plastiques (sachets, films...). Les collectivités territoriales qui ne respecteraient pas ces consignes de collecte verront le soutien financier unitaire diminué de 50%.

Pour les outre-mer, le calendrier est repoussé de trois ans, soit au 1 er janvier 2026, selon l'annexe à l'arrêté du 15 mars 2022 portant modification du cahier des charges des éco-organismes de la filière des emballages ménagers.

Outre la question de l'adaptation des lignes de tri et des consignes de collecte, se pose dans les outre-mer la question de la pertinence de cette extension, alors que les solutions de recyclage local sont encore très limitées, voire inexistantes. L'exportation, déjà de plus en plus complexe pour les plastiques collectées comme le PET, ne paraît pas une solution pertinente.

Par ailleurs, il faut rappeler que les briques alimentaires ne sont d'ores et déjà pas triées dans les Antilles ou à La Réunion, faute d'exutoire.

La date du 1 er janvier 2026 devra probablement faire l'objet d'un réexamen.

Source- : DSOM

Lorsque la loi est moins prescriptive, les cahiers des charges oublient la singularité des outre-mer .

Il reste donc à faire confiance aux plans territoriaux que les éco-organismes doivent conclure dans chaque outre-mer, après consultation des acteurs locaux.

3. Changer de méthode : vers des obligations de résultats

Si un effort récent est donc à noter, en particulier depuis l'adoption de la loi Agec en février 2020, force est de constater que des résultats significatifs tardent à venir près de trois ans après le vote de la loi .

À Mayotte, territoire prioritaire avec la Guyane, le ressenti des acteurs de terrain demeure très critique. Seuls 8 filières sont présentes et avec des résultats souvent faméliques . La loi Agec n'a pas produit de résultats tangibles à ce jour.

Malgré la création d'une plateforme locale qui commence à se structurer avec un animateur depuis un an, les taux de collecte demeurent très largement inconnus, faute de connaissance des gisements 77 ( * ) .

Seul Ecosystem semble avoir réellement accéléré son déploiement depuis 2020 en doublant en 2021 les tonnages collectés (1 000 tonnes). Citeo soutient des actions contre les déchets diffus et des expérimentations de gratification.

Ecomobilier n'a pas encore signé de convention, mais commence à appliquer le principe de la reprise de un pour un. Néanmoins, le travail de communication reste à faire.

Ce constat est à peu près le même dans tous les DROM : les choses évoluent, mais lentement.

a) Vers des obligations de résultats par territoire

De très nombreux acteurs de terrain rencontrés ont plaidé pour, d'une part, la définition de cahiers des charges pour chaque territoire avec des objectifs individualisés et, d'autre part, des mécanismes de sanctions ou de pénalités lorsque ces objectifs ne sont pas atteints.

Cette approche est soutenue par les collectivités et par l'association Amorce. Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, juge que « nous avons besoin de cahiers des charges plus contraignants, avec un véritable système de sanctions, et des objectifs fixés par DROM ».

Elle est aussi partagée par l'Ademe en Guyane. Ainsi, Muriel Degobert, ingénieur économie circulaire à l'Ademe en Guyane, a déclaré lors de son audition qu'il y avait « une réflexion à mener sur la mise en oeuvre de la réglementation nationale, notamment sur la mise en place de mécanismes de contrôle, voire de sanctions, des éco-organismes au niveau territorial, pour le nombre de points d'apport volontaire (PAV) non respecté par habitant, un taux de collecte trop bas, ou encore un seuil de déclenchement de collecte des PAV qui peut être trop élevé et qu'il faudrait adapter localement ».

Dans son rapport public de 2020, la Cour des comptes pointait déjà l'absence d'obligations de résultats et de sanctions.

Jacques Vernier, actuel président de la commission inter-filières REP, jugeait aussi dans un rapport de 2018 qu'il fallait donner plus de libertés aux éco-organismes, avec des objectifs de résultats, et les sanctionner s'ils n'atteignent pas leurs objectifs.

Cette orientation s'impose.

b) Un dispositif de sanctions non appliqué

La loi Agec de février 2020 a ouvert la voie à ce changement de stratégie avec des plans territoriaux de rattrapage sur trois ans et des dispositifs correctifs et de sanctions en cas d'échec.

Ainsi, des pénalités sont bien prévues par l'article 61 de la loi Agec qui a en particulier considérablement augmenté le montant des amendes encourues. L'article L. 541-9-6 du code de l'environnement dispose ainsi qu'en cas d'inobservation d'une prescription par un éco-organisme, « le ministre chargé de l'environnement avise l'éco-organisme ou le producteur concerné des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt [...]. Le ministre chargé de l'environnement peut ordonner le paiement d'une amende administrative déterminée en fonction de la gravité des manquements constatés, ne pouvant excéder soit 10 % du montant annuel total des charges relatives à la gestion des déchets [...] ».

Le ministre peut également ordonner le paiement d'une astreinte journalière au plus égale à 20 000 euros€ à compter d'une date fixée par la décision jusqu'à ce qu'il ait été satisfait aux mesures prescrites ou que les objectifs de prévention et de gestion des déchets aient été atteints. Enfin, il peut suspendre ou retirer son agrément à l'éco-organisme.

En pratique, aucune sanction aurait été prononcée outre-mer. Au demeurant, leur mise en oeuvre paraît très complexe.

c) Expérimenter un mécanisme de pénalités automatiques ou de taxes sur les REP

Ces constats plaident pour l'expérimentation dans les outre-mer d'un mécanisme de pénalités ou de taxes applicables aux filières REP qui échouent à atteindre des objectifs chiffrés (en tonnage ou en pourcentage des gisements estimés).

Actuellement, les EPCI et leurs groupements sont redevables de la TGAP pour chaque tonne enfouie ou incinérée. Cette taxe s'apparente à une pénalité incitative.

Compte tenu des retards accumulés et de la taille réduite des outre-mer, l'adoption d'un mécanisme de pénalités doit être envisagé. Les outre-mer seraient un bon terrain d'expérimentation d'un tel dispositif. Des objectifs chiffrés, ambitieux mais atteignables, seraient fixés pour chaque filière selon un calendrier prévisionnel. En cas d'échec (par exemple un écart de plus de 20% par rapport à la cible), une pénalité à la tonne selon un barème à définir serait due.

Proposition n° 15 : Expérimenter dans les outre-mer un mécanisme incitatif de pénalités pour les éco-organismes n'atteignant pas des objectifs chiffrés définis pour chaque territoire.

II. DES STRATÉGIES À BASCULER VERS UNE ÉCONOMIE CIRCULAIRE ADAPTÉE AUX TERRITOIRES ULTRAMARINS

Les auditions et les déplacements ont mis en exergue la forte volonté de tous les acteurs (collectivités, État, associations, porteurs de projets, chambres consulaires ...) de faire de la gestion des déchets une priorité et de prendre le virage de l'économie circulaire, mais en l'adaptant aux particularités des outre-mer.

A. LA PRÉVENTION, UN POTENTIEL INEXPLOITÉ

La prévention intervient à plusieurs niveaux : la conception des produits (quantité, types de matériau, durabilité), les comportements d'achat (lutte contre le gaspillage notamment) et l'autogestion des déchets (compost individuel, réparation...).

1. Le parent pauvre de la politique des déchets en outre-mer comme ailleurs

Dans son rapport précité de septembre 2022 sur les déchets ménagers, la Cour des comptes constate le décalage entre le code de l'environnement, qui affirme la priorité donnée à la prévention, et la réalité, qui relègue ce mode de traitement au second rang.

Pourtant, conformément à la loi Agec du 10 février 2020, l'objectif est de réduire de 15 % la production de déchets ménagers et assimilés en 2030 par rapport à 2010. Au niveau national, l'objectif paraît difficilement atteignable, la quantité de DMA par habitant étant pratiquement stable depuis 10 ans.

La prévention présente aussi l'avantage de réduire les coûts du service public des déchets, ce qui devrait constituer une forte incitation à faire, les outre-mer souffrant structurellement de coûts plus élevés. Selon l'Ademe, les « territoires pionniers » de la prévention des déchets auraient deux fois moins d'ordures ménagères résiduelles que la moyenne nationale et des coûts de gestion inférieurs de 22 %.

Pourtant, le constat est identique à celui de l'Hexagone. Les quantités par habitant n'évoluent pas ou peu et il est très difficile de chiffrer la part des financements et moyens consacrés à cet axe d'action .

Au niveau national, le rapport d'activité de l'Ademe pour 2021 chiffre à 9 % 78 ( * ) la part des dépenses du service public des déchets consacrée aux coûts de « structure, communication et prévention ». La part dédiée à la prévention est donc très faible, probablement autour de 2 %.

Pourtant, la prise de conscience existe et progresse. En Martinique, Belfort Birota, président du SMTVD, a notamment déclaré que « La politique qui consiste à enfouir n'est pas la bonne. On ne pourra pas indéfiniment creuser des trous. On doit mettre en place une vraie politique de réduction et de valorisation des déchets, avec les éco-organismes et les différents partenaires. C'est la priorité des priorités en matière de développement pour la Martinique et notamment de développement touristique » 79 ( * ) .

Le point d'étape réalisé en 2022 sur la mise en oeuvre du PRPGD de Martinique adopté en 2019 contient quelques indicateurs : 45 actions conduites pour un montant total de 1,2 million d'euros, 7 conventions entre les déchetteries et des structures de réemploi, une ressourcerie ouverte, 3 000 tonnes de DEEE réparées, 674 tonnes de pneus réemployés, 176 tonnes de textiles. Mais ces données restent fragiles et ne sont pas mises en perspective. On observe d'ailleurs que la quantité de DMA par habitant a augmenté entre 2016 et 2019. Les données disponibles ne permettent pas encore de savoir si le volet prévention aura permis d'inverser cette tendance depuis 2019.

En Guadeloupe, 15 % de la population régionale est couverte par un Programme local de prévention des déchets. Des projets sont en cours pour porter cette couverture à 100 %. L'évaluation des résultats obtenus par ces programmes n'existe pas encore.

À La Réunion, des initiatives ponctuelles existent également. Dans les lycées de l'île, un diagnostic a été réalisé en 2022 pour mesurer le taux de gaspillage. Il serait de 21 %. Il faudra voir si des actions dans la durée avec des résultats significatifs sont obtenues.

En Polynésie française, l'association Zéro Déchet Tahiti avait organisée le défi « Famille Zéro Déchet ».

Des dizaines d'initiatives peuvent ainsi être citées. Mais elles restent ponctuelle, peu évaluées et peinent à s'inscrire dans une stratégie et une trajectoire d'ensemble et pérenne .

2. L'exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon

Saint-Pierre-et-Miquelon est sans doute le territoire ultramarin où la prévention et la réduction des déchets ont été le plus au coeur de la stratégie de gestion des déchets. Avec des résultats très significatifs.

En 2014, la commune de Saint-Pierre, qui gère la quasi-intégralité des déchets de ce territoire, a en effet obtenu le label Zéro Déchet Zéro Gaspillage. Elle s'engageait ainsi à déployer un ensemble d'actions pour réduire le volume des déchets et développer la collecte sélective.

L'Ademe a mis à disposition un expert. Un chargé de mission fut recruté.

Les éco-organismes se sont regroupés, notamment pour organiser des expéditions groupées (des déchets non dangereux valorisables).

La collecte du verre fut la première étape et a été accompagnée par la création d'une filière en aval (broyeur et clause dans les marchés publics routiers pour réemploi). Puis ce fut les emballages plastiques, papiers et cartons. Enfin les biodéchets.

Le résultat a été spectaculaire. Entre 2015 et 2020, la quantité de déchets ménagers non valorisables mis en décharge a été divisée par 5. Les quantités d'ordures ménagères résiduelles (OMR) - le sac gris à Saint-Pierre-et-Miquelon - est d'environ 72 kg par habitant et par an. Le reste, l'immense majorité, est orienté vers la collecte sélective, y compris les biodéchets des particuliers depuis 2018.

Par ailleurs, chaque habitant de Saint-Pierre produit en moyenne 219 kg par an de déchets ménagers et assimilés contre environ 570 en moyenne nationale. Pourtant, le niveau de vie est élevé et la collecte est efficace. Peu de flux échappe au service public des déchets.

Pour obtenir ces résultats, la municipalité a développé des campagnes de communication permanentes et élaboré un guide Zéro Déchet, largement diffusé et mis à jour chaque année. L'étroitesse du territoire et la population réduite rendent plus aisées la mise en place de ce type de stratégie.

L'expérience démontre que la communication est essentielle. Elle doit être personnalisée, massive et permanente. Dès que l'effort de communication se relâche, les comportements se dégradent (nouveaux arrivants, négligence...).

Ces résultats - réduction globale du volume et tri sélectif performant - ont été obtenus sans la mise en place d'une TEOM incitative. Toutefois, la municipalité a instauré un système qui s'y apparente et envoie un signal fort aux particuliers. La municipalité attribue chaque année une dotation de 60 sacs gris par foyer. Il n'est pas possible d'utiliser d'autres sacs. Les foyers qui dépassent ce quota doivent racheter des sacs auprès de la mairie.

Ce cercle vertueux permet de limiter la fréquence de la collecte en porte-à-porte et donc les coûts (le bac gris est ramassé une fois par semaine, de même pour le bac des biodéchets). Le climat de Saint-Pierre-et Miquelon tolère plus facilement une fréquence hebdomadaire, mais la réduction du volume et la sécurisation des bacs sont aussi des éléments clefs.

3. Le décollage du réemploi

Les outre-mer connaissent des taux de pauvreté beaucoup plus élevés qu'au niveau national. Dans ce contexte, le réemploi, la réparation et la réutilisation devraient repondre aux besoins, en particulier dans la période actuelle de hausse des prix.

La mesure de ces pratiques est toutefois difficile, car une grande partie échappe aux circuits officiels. Les petites annonces, sites en ligne ou le bouche-à-oreille sont prédominants, tout particulièrement sur des territoires insulaires.

À côté des échanges directs entre particuliers ou entreprises, les structures se multiplient : ressourceries, écopoles, recycleries émergent un peu partout dans les outre-mer, comme en métropole.

Dans la province Sud en Nouvelle-Calédonie, le secteur du réemploi est en pleine expansion depuis deux ans avec notamment le développement et la structuration du secteur associatif (La Ressourcerie, AJMD, SSVP, Croix Rouge, Hanvie...) et de quelques entreprises (vêtements de seconde main ...). La province Sud a lancé depuis trois ans un appel à projets sur l'économie circulaire avec une montée en puissance des subventions attribuées au réemploi. Un projet de création d'une pépinière d'entreprises pour le réemploi (ECOPOLE) est en cours, avec un financement de l'État important.

En Polynésie française, des expériences très intéressantes sont actuellement menées concernant les recycleries et ressourceries, notamment sur l'île de Bora Bora.

À Mayotte, le conseil départemental a lancé une étude de faisabilité.

À La Réunion, la délégation a pu visiter une ressourcerie sur la commune du Tampon. Ce local accueille aussi des ateliers de réinsertion à travers la réparation de DEEE ou le réemploi de textiles.

Dans une démarche plus économique, voire industrielle, l'association REUTILIZ à La Réunion porte le projet REUNIVERRE, en développant une solution de réemploi des contenants en verre. L'objectif du projet repose sur la mise à disposition d'un service de collecte, de lavage et de redistribution de bouteilles, barquettes et pots en verre pour les producteurs, les cafés-hôtels-restaurants et les commerçants locaux. L'objectif est double : réduire l'utilisation des barquettes plastiques et ne pas gaspiller des tonnes de verre.

Ce projet est à mi-chemin du réemploi, de la consigne et de la prestation de service.

Ce secteur du réemploi et de la réparation devrait encore connaître un essor important, au rythme de l'entrée en vigueur progressive de la loi Agec. Les fonds de réparation, financés par les éco-organismes 80 ( * ) , se mettent en place cette année et vont financer les structures de l'économie sociale et solidaire orientées vers la réparation des biens. Les outre-mer devraient en profiter eux-aussi. L'enjeu est de construire un modèle économique moins dépendant des subventions.

4. L'insularité, une opportunité : adopter ses propres normes pour prévenir l'importation de produits polluants

Au niveau national, plusieurs lois ont récemment banni l'usage de certains usages ou matières. Les plastiques à usage unique en sont l'exemple le plus connu. La loi Agec proscrit progressivement certains usages du plastique.

Des territoires ultramarins non soumis au code de l'environnement ont adopté dans leur réglementation des dispositions analogues.

Ainsi, en Nouvelle-Calédonie, une loi de pays relative à l'interdiction de mise sur le marché de divers produits en matière plastique a été adoptée en 2019 ; une loi de pays avait précédemment interdit l'utilisation des ampoules à incandescence. Un projet d'interdiction de mise sur le marché des bouteilles de boisson en plastique et des piles salines est actuellement étudié. En Polynésie française et à Saint-Barthélemy, des dispositions proches sont aussi en vigueur.

Comme cela a déjà été développé à propos de la taxation de certains produits polluants (voir I.C.5.d), presque tous les biens de consommation étant importés dans les outre-mer, l'interdiction de mettre sur le marché certains produits, et donc de les importer, est une piste à approfondir.

Actuellement, c'est au Parlement et au Gouvernement qu'il appartient d'arrêter les types de produits ou usages prohibés. L'application est uniforme sur le territoire national. Toutefois, dans le cadre de l'adaptation des lois, voire d'habilitations législatives ou réglementaires accordées aux DROM 81 ( * ) , des dispositions spécifiques pourraient être prises.

Le domaine de la prévention des déchets, et en particulier de l'interdiction de certains matériaux polluants ou compliqués à recycler dans des milieux insulaires, se prêterait parfaitement à une habilitation .

Cette habilitation pourrait être sollicitée simultanément par tout ou partie des six territoires concernés (Guadeloupe, Martinique, Mayotte, Guyane, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon), chacun engageant une réflexion propre sur les matériaux et les usages qu'il souhaite interdire.

Ce travail commun, mais différencié, serait accompagné par une équipe juridique et technique dédiée au sein des ministères de la transition écologique et des outre-mer, afin de traduire dans la bonne forme juridique les souhaits exprimés.

L'usage des plastiques est le premier exemple cité. Mais certaines batteries ou piles pourraient aussi être concernées. Par ailleurs, la méthode consistant à habiliter de manière groupée plusieurs territoires sur un même sujet favoriserait les échanges entre territoires et mutualiserait les expertises. Elle permettrait aussi d'associer les entreprises des territoires à cet effort général de prévention des déchets et de changement des habitudes de consommation.

Proposition n° 16 : Habiliter les outre-mer à adopter leurs propres normes en matière d'interdiction de mise sur le marché , de consigne ou de réemploi.

B. DÉVELOPPER UNE COLLECTE MULTIFORME ET INNOVANTE

La collecte demeure perfectible. L'inaccessibilité de nombreuses zones (quartiers informels, reliefs compliqués) explique en grande partie ces difficultés. L'insécurité et les dégradations sont un autre facteur majeur. À Mayotte, les points d'apport volontaire sont régulièrement brûlés. Dans certains territoires, les bacs sont parfois volés pour servir de réserve d'eau.

Les difficultés d'entretien des parcs roulants sont aussi fréquemment invoquées, le climat provoquant une usure accélérée.

Enfin, le réseau insuffisant de déchetteries est un frein majeur à la collecte de certains types de déchets, comme le rappellent régulièrement les éco-organismes.

Sans passer en revue tous les modes de collecte et leurs difficultés, souvent identiques à celles rencontrées au niveau national, on peut pointer quelques particularités propres aux outre-mer.

1. Trop de porte-à-porte et des points d'apport volontaire inadaptés

Outre-mer, le constat d'ensemble est celui d'une part trop importante, pour ne pas dire prédominante, de la collecte en porte-à-porte par rapport à l'apport volontaire (75-25 %) pour les déchets ménagers. La moyenne nationale est d'environ 50-50 . Même les encombrants et les déchets verts font parfois l'objet d'une collecte en porte-à-porte régulière.

Au niveau national, les déchetteries collectent 38 % des déchets des ménages quand en Martinique, qui dispose pourtant d'un des meilleurs réseaux de déchetteries outre-mer, cette part s'élève à 12 %.

Ce constat se double de celui d'une fréquence de ramassage élevée. 4, 5, voire 6 passages hebdomadaires ne sont pas rares. Les conséquences sont un coût du service beaucoup plus élevé.

Pour autant, les résultats ne sont pas probants, puisque les dépôts sauvages ou les infractions au règlement de collecte sont plus nombreux qu'au niveau national.

Ce déséquilibre est notamment la conséquence du manque de déchetteries. Les points d'apport volontaire sont également trop rares ou dégradés rapidement quand ils existent.

Il n'est pas aisé de sortir de cette organisation. Les usagers s'habituent à ce service de proximité et il faut proposer des alternatives valables. Le déploiement d'un réseau dense de déchetteries et de points d'apport volontaire bien positionnés et dimensionnés doit être concomitant à la réduction du service en porte à porte. Une communication intense est aussi nécessaire.

Une approche plus territorialisée commence à voir le jour chez les éco-organismes .

Citéo a par exemple mis sur pied un Observatoire du geste de tri en outre-mer . Une enquête quantitative doublée d'une enquête qualitative a permis d'identifier, pour chacun des territoires, les leviers favorisant le geste de tri :

- l'information : connaissance et compréhension des consignes de tri, connaissance des étapes qui conduisent du geste de tri au recyclage ;

- les équipements de tri et la qualité du dispositif ;

- les opinions et les représentations sur le tri et le recyclage qui sous-tendent les pratiques.

C'est en travaillant sur ces freins et en jouant la carte des spécificités culturelles de chaque territoire que Citeo a conçu des campagnes de mobilisation au tri pour La Réunion, d'une part, et les Antilles et la Guyane d'autre part. Il reste désormais à mesurer les résultats obtenus.

Il n'y a pas de solutions toutes faites. Mais il est certain que les EPCI doivent engager des stratégies longues de réduction du service en porte-à-porte.

Quelques initiatives présentées ci-après peuvent y contribuer : les déchetteries mobiles et la gratification du tri

2. Le succès des déchetteries mobiles

Le réseau insuffisant de déchetteries, les coûts de moins en moins supportables de l'enlèvement des encombrants en porte-à-porte et parfois l'accompagnement insuffisant des filières REP (le principe de la reprise « un pour un » est appliqué de manière très inégale dans les outre-mer) ont conduit plusieurs territoires à développer des déchetteries mobiles.

À Mayotte, depuis 2020, des déchetteries mobiles ont été mises en place. Le dispositif « Déchets'tri mobile » tourne dans les communes pour récupérer les DEEE, les encombrants, les ferrailles ou les déchets verts.

À La Réunion, la communauté Intercommunale de La Réunion Est (CIREST) obtient les meilleurs résultats de l'île sur les apports en déchetterie. C'est en partie dû au système de déchetterie mobile mis en place. Régulièrement, des bennes sont installées à tour de rôle dans les quartiers pour récupérer les DEEE ou les encombrants. Ces opérations sont précédées d'une forte communication à l'échelle des quartiers (des zones de 500 foyers environ).

D'autres initiatives analogues existent.

Cette solution paraît particulièrement adaptée à des territoires en retard d'équipements. Elle favorise aussi la transition vers une collecte en point d'apport volontaire, plutôt qu'en porte-à-porte. Elle offre aussi un support efficace pour une communication positive de proximité. Enfin, son coût est relativement réduit et elle consomme peu de foncier.

Ces solutions doivent donc être encouragées et développées grâce aux dispositifs d'aide existants.

Proposition n° 17 : Soutenir et étendre les déchetteries mobiles dans tous les outre-mer.

3. Lever le tabou de la gratification

L'autre pratique originale à encourager dans les outre-mer est la gratification.

Cet aspect a été évoqué plus haut, notamment à propos de l'écotaxe à Wallis-et-Futuna (voir les développements au I.C.5.c) et d)).

À Mayotte, un projet innovant a été mis en place par la société LVD Environnement Mayotte, avec le soutien de Citéo.

L'idée part du constat que le tri sélectif ne fonctionne pas à Mayotte, en particulier dans les quartiers informels. Les points d'apport volontaire sont éloignés, insuffisants et très vite dégradés. Le geste du tri n'a pas été approprié par la population. Enfin, la collecte en porte-à-porte est limitée par les difficultés d'accès (pas ou peu de routes carrossables).

Une collecte alternative a donc été imaginée à titre expérimental.

Le principe est double :

- s'appuyer sur les commerces de proximité des quartiers, les doukas (épicerie de quartier offrant une diversité de services) ;

- gratifier le tri .

En dix mois, avec huit points de collecte seulement, 11 tonnes de déchets plastiques (les bouteilles en PET essentiellement) ont été récupérées. La récupération des déchets dans les doukas se fait une fois par semaine.

La gratification consiste à offrir des récompenses, en particulier des produits sanitaires (savons, couches, serviettes hygiéniques), aux apporteurs à partir de 5 kg. Des cartes de fidélité sont aussi distribuées, avec une gratification au bout de 15 passages.

L'objectif est d'étendre le réseau de collecte et d'atteindre une centaine de tonnes d'ici trois ans, sachant que le gisement est estimé à Mayotte à 1 200 tonnes par an et que le SIDEVAM n'en récupère à ce jour qu'une quarantaine.

Le modèle est à l'équilibre avec le soutien de la CADEMA (l'expérience ne s'est déployée que sur son territoire pour le moment) et une aide de 79 000 euros de Citéo.

À plus long terme, LVD Environnement travaille à développer une filière locale de valorisation avec l'entreprise Mayco pour fabriquer des préformes de bouteille à Mayotte. Le lancement de la première ligne de production pourrait démarrer courant 2023.

Cette expérience réussie à Mayotte met en lumière l'intérêt qu'il y aurait, dans les zones où la collecte sélective est la moins développée et qui cumulent les handicaps, d'instaurer des dispositifs analogues au plus près du terrain. Les systèmes classiques de collecte ne fonctionnent pas.

Ce principe de la gratification tend d'ailleurs à progresser, même dans l'Hexagone. Des applications mobiles, comme celle de Wetri, se développent et contournent les collectes sélectives classiques, en gratifiant directement les apporteurs.

Ces systèmes pourraient être heureusement déployés dans les zones compliquées outre-mer, non pas pour se substituer à la collecte sélective classique par les collectivités, mais pour habituer les populations au geste du tri.

Proposition n° 18 : Développer les dispositifs de gratification directe du tri pour développer la collecte sélective dans les zones les plus défavorisées ou éloignées, en partenariat avec les éco-organismes et les collectivités.

4. Le fléau des dépôts sauvages : une action qui doit aussi passer par la répression

Dans tous les territoires ultramarins, à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy, les dépôts sauvages et les déchets diffus sont un fléau. L'Hexagone n'est pas épargné, mais les outre-mer sont beaucoup plus affectés. L'étroitesse des territoires et la densité font aussi que l'impact de ces déchets abandonnés se fait immédiatement ressentir.

a) Une mobilisation citoyenne remarquable

La multiplication des dépôts sauvages ou des abandons diffus de déchets mobilisent régulièrement des bénévoles, volontaires, associations pour tenter de résorber les stigmates les plus dégradants de cette pollution du quotidien.

Il ne se passe pas une semaine sans que la presse locale de chaque territoire ne se fasse l'écho d'initiatives citoyennes ou associatives de ramassage des déchets sur les bords de route, sur les plages, dans les ports, les espaces naturels... Parfois, ce sont des milliers de personnes qui se mobilisent sur une journée ou un week-end, comme par exemple à la Martinique en octobre dernier pour l'opération Pays propre 82 ( * ) .

À Mayotte, l'association Nayma réalise un travail remarquable qui mêle action environnementale, insertion et éducation de la jeunesse 83 ( * ) . Il faut dire que les défis sont gigantesques. Lors du déplacement de la délégation sur un chantier de ramassage, la mangrove était entièrement engluée dans des déchets dévalant des collines à chaque pluie. Par exemple, sur le seul mois d'avril 2022, ce sont 200 000 litres de déchets qui ont été ramassés.

On peut ainsi énumérer une longue liste d'actions ou associations oeuvrant ponctuellement ou de manière permanente pour mettre un terme à cette destruction du paysage et du cadre de vie : Caledoclean en Nouvelle-Calédonie, Mayotte nature environnement, Saint-Barth Clean up, Clean Saint-Martin, l'association « Project Rescue Ocean » en Polynésie française, Caillou propre à Saint-Pierre-et Miquelon, Clean My Island en Guadeloupe ...

b) Un puits sans fond ?

La connaissance des dépôts sauvages a globalement progressé.

Le dénombrement et la cartographie de ces dépôts ont été réalisés dans certaines collectivités. Ainsi, la Martinique en recense 300 environ (décharges illégales comprises). La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont aussi fait ce travail. Une centaine de dépôts sauvages sont par exemple recensés en province Sud. À La Réunion, l'agence régionale de santé a recensé environ 1200 dépôts sauvages cartographiés d'importances inégales.

Parfois, ce sont des outils participatifs créés par des habitants ou des collectifs citoyens qui remplissent cet office. À La Réunion, l'application mobile Band Cochon est très populaire, chacun pouvant signaler et envoyer une photo de déchets abandonnés.

L'exemple de l'association Guyane Nature Environnement

En 2022, l'association a mis en place l'outil Sentinelles de la Nature. Il permet aux citoyens d'alerter en ligne sur les dégradations environnementales dont ils sont témoins. Il a révélé un nombre important de dépôts sauvages sur le territoire. Au fur et à mesure des signalements, l'association peut suivre l'évolution des dépôts présents. La localisation par points GPS, des photos et des informations complémentaires permettent d'évaluer et de cibler les dépôts de grande ampleur.

Selon l'association, le projet de plan régional fait un état des lieux des dépôts sauvages qui n'est pas exhaustif, et qui ne permet pas d'appréhender l'ampleur réelle du phénomène.

Les données récoltées via l'outil Sentinelles sont publiques (www.sentinellesdelanature.fr).

Source : DSOM

Les communes et les EPCI en particulier sont en première ligne pour éliminer et sanctionner le cas échéant les dépôts sauvages. Le coût est élevé, en particulier dans les terrains difficiles. Souvent, c'est un travail de Pénélope : il faut recommencer le lendemain, à peine après avoir fait place nette.

Exemple d'une action de nettoyage sur la commune de Salazie
par la CIREST à La Réunion

À la demande de la commune de Salazie, la CIREST a mené en 2021 une action exceptionnelle de résorption d'un dépôt sauvage sur un site difficile d'accès à Salazie. Ce dépôt aurait été alimenté quotidiennement depuis au moins trois décennies selon les riverains.

10 agents furent mobilisés ainsi qu'une entreprise spécialisée. En effet, au vu du terrain escarpé et pentu (+ 20 %), la CIREST a dû lancer une consultation pour recourir à une entreprise spécialisée en travaux sur cordes et manutentions de déchets en hauteur. La société retenue a déployé des cordistes expérimentés qui ont utilisés des techniques de récupération et de remontée des déchets, avec des équipements spécifiques (tyroliennes, poulies, bigbag). Les déchets avaient été déversés à 30 mètres de profondeur sur une épaisseur d'environ de 2 mètres.

Le gisement total était de 74 m 3 :

- encombrants : 60 m 3 (cadavres d'animaux, sacs d'engrais usagés (+ 1 000), poussettes, lits, canapés...) ;

- déchets métalliques : 11,5 m 3 (carcasses de voiture découpées, lits, vélos, caddies de supermarché...) ;

- DEEE : 47 unités (fers à repasser, plaques de cuisson, robots...) ;

- verre : 3 m 3 .

Au sein du gisement, il a été relevé la présence de plusieurs éléments permettant de retrouver les éventuels mis en cause. Un rapport d'information au parquet a été transmis.

Une communication a été faite auprès des usagers à la suite de cette opération.

Coût total : 11 000 euros (hors traitement des déchets et charge de personnel.

Source : CIREST

Malgré ces actions et cette mobilisation à la fois de la société civile et des collectivités, force est aussi de constater que la lutte contre les dépôts sauvages s'apparente à un puits sans fond.

c) Un dispositif légal renforcé, mais perfectible

Plusieurs lois ont récemment renforcé le dispositif répressif pour lutter contre les dépôts sauvages.

La loi AGEC offre désormais la possibilité de mettre sous séquestre les véhicules ayant servi à commettre l'infraction. Elle permet aussi d'utiliser des vidéos de caméras thermiques comme base d'une action en justice contre un contrevenant.

Les amendes pénales ont été renforcés et peuvent aller de 1 500 euros à 150 000 euros, avec des astreintes journalières jusqu'au nettoyage du site.

Par ailleurs, les sanctions administratives ont été renforcées.

La loi Agec a notamment clarifié la répartition des compétences entre le maire et l'intercommunalité , avec la possibilité de transférer à l'intercommunalité le pouvoir de police administrative spéciale de lutte contre les dépôts sauvages 84 ( * ) .

L'article L. 541-3 prévoit également que les amendes administratives payées par les auteurs de dépôts sauvages sont dorénavant perçues par la commune ou le groupement de collectivités, apportant ainsi un complément budgétaire, en contrepartie de leur mobilisation contre les dépôts sauvages. Enfin, la loi AGEC est venue renforcer les sanctions en cas de dépôts sauvages, notamment en permettant d'habiliter de nouveaux agents pour constater les infractions relatives aux déchets prévues par le code pénal, notamment les agents des groupements de collectivité.

L'objectif est de pousser à la création de polices municipales intercommunales 85 ( * ) pour lutter administrativement et pénalement contre les dépôts sauvages de déchets.

À côté des sanctions contre les contrevenants, la loi Agec a aussi accru la responsabilité des éco-organismes. Dès lors qu'un dépôt sauvage est principalement constitué de déchets relevant de la filière d'un éco-organisme (DEEE par exemple), la collectivité peut faire financer la résorption de ces dépôts par les filières REP correspondantes au prorata des types de déchets composant le dépôt. Les éco-organismes prennent en charge les coûts à 80 %, les 20 % restant demeurant à la charge des collectivités.

La portée de la loi a néanmoins été amoindrie par les textes d'application qui ont fixé un seuil élevé de déclenchement. Seuls les dépôts sauvages de plus de 100 tonnes contraignent les filières REP86 ( * ), ce qui les en exonère dans de nombreux cas . Par ailleurs, une filière REP ne participera à cette prise en charge que si les déchets qui relèvent de sa responsabilité pèsent au moins une tonne (100 kg s'il s'agit de déchets dangereux).

Pour reprendre les propos de Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, « en dépit de quelques avancées, les communes restent esseulées en matière de résorption des dépôts sauvages, laquelle représente pourtant un coût considérable ». Et c'est encore plus vrai dans les outre-mer.

L'association Amorce préconise d'abaisser le seuil de 100 tonnes à une tonne. En citant encore Nicolas Garnier « Tout dépôt sauvage constitué principalement de véhicules devrait être géré à terme par la REP véhicules hors d'usage (VHU), tout dépôt sauvage de pneus par Aliapur, tout dépôt sauvage d'ordures ménagères résiduelles par Citeo et tout dépôt sauvage de matériaux par Valobat (pour les produits du bâtiment) et Ecominero (pour les matériaux de construction d'origine minérale). Aujourd'hui, le scénario d'un contrevenant identifié et solvable qui financerait lui-même la résorption du dépôt sauvage dont il est l'auteur est extrêmement rare et illusoire ».

Une autre proposition émane de Stéphane Murignieux, président de l'Institut de la transition écologique des outre-mer, qui propose un fonds mutualisé entre tous les éco-organismes qui financerait la résorption des dépôts sauvages. Les éco-organismes cotiseraient à due proportion de la part moyenne de leurs déchets dans les dépôts sauvages.

Il est encore trop tôt pour faire un bilan rigoureux de l'application de ces dispositions entrées en vigueur le 1 er janvier 2021, aussi bien au niveau national qu'en outre-mer.

Toutefois, en pratique, on peut d'ores et déjà deviner que l'immense majorité des dépôts sauvages sera en dehors du champ de la prise en charge financière par les filières REP.

Les collectivités des outre-mer, qui sont les plus impactées par ces dépôts, continueront donc à supporter largement le coût de leur résorption.

Le seuil de 100 tonnes aboutit en réalité à faire payer deux fois les collectivités . En effet, ce seuil correspond au seuil au-delà duquel les collectivités ne sont pas redevables de la TGAP pour les tonnages mis en décharge en provenance de dépôts sauvages. Cela signifie donc qu'en deçà de 100 tonnes, les dépôts sauvages coûtent deux fois aux collectivités : le coût de leur résorption et le coût de la TGAP.

Il est donc proposé d'abaisser ce seuil de 100 à 1 tonne dans les outre-mer, compte tenu de l'étendu du fléau des dépôts sauvages dans ces territoires.

Proposition n° 19 : Dans les outre-mer, abaisser à une tonne le seuil à partir duquel le coût du nettoiement d'un dépôt sauvage est pris en charge par les éco-organismes.

Enfin, parmi les autres dispositions de la loi Agec qui devraient contribuer à lutter contre les dépôts sauvages, il faut citer la création de la filière REP sur les produits ou matériaux de construction du bâtiment. Elle débutera au 1 er janvier 2023, dans les outre-mer comme dans l'Hexagone. Les déchets du bâtiment, qui représentent la majeure partie des dépôts sauvages, devront être repris gratuitement, lorsqu'ils sont triés, par la filière REP. Un réseau de points de collecte qui ne doit laisser aucun territoire isolé à plus de 20 km de l'un d'entre eux, devrait voir le jour. Sa mise en oeuvre dans certains territoires d'outre-mer devra être suivi de très près.

On citera aussi l'obligation faite à certains éco-organismes de contribuer financièrement aux opérations de nettoiement de quatre catégories de déchets : les emballages ménagers, les mégots de cigarettes, les chewing-gums et les textiles sanitaires à usage unique. Le nettoiement concerne les déchets abandonnés dans les espaces publics et les espaces naturels. Un barème a été défini par chaque éco-organisme avec des majorations outre-mer.

Citéo a signé les premières conventions avec Saint-Denis de La Réunion et Mamoudzou. Citéo devra notamment réaliser une cartographie des sites les plus touchés sur cette commune et une aide financière de 500 000 euros lui a été versée. D'autres communes ultramarines devraient suivre. Des discussions sont aussi engagées avec les gestionnaires d'espaces naturels comme le parc amazonien de Guyane, le parc national de La Réunion et le parc national de la Guadeloupe.

d) La répression : passer aux actes

Les auditions et déplacements n'ont pas permis d'obtenir de données générales sur le nombre de procédures pénales ou administratives engagées à la suite de la constatation de dépôts sauvages.

Comme au niveau national, l'identification des auteurs demeure compliquée. Par ailleurs, priorité a longtemps été donnée à la sensibilisation et à l'information plutôt qu'à la répression, en particulier dans les zones où les solutions de collecte sont imparfaites ou partielles.

Toutefois, un changement d'attitude est perceptible. Les territoires ultramarins commencent à s'emparer de l'aspect répressif , les actions de sensibilisation et de prévention ayant manifestement échoué. Par ailleurs, la société civile est de moins en moins tolérante, comme le démontrent les multiples actions citoyennes de ramassage.

Des polices intercommunales commencent à se créer, tout particulièrement pour lutter contre les dépôts sauvages et les infractions environnementales.

Ainsi, la Communauté d'Agglomération des Communes du Littoral en Guyane a mis en place une police de l'environnement en 2022.

À Mayotte, la Communauté de Communes du Sud dispose également d'une police intercommunale très active.

À La Réunion, la CIREST dispose d'une brigade de l'environnement qui verbalise depuis 2020, notamment grâce aux nombreux signalements des riverains. Des caméras nomades sont posées en zone naturelle. Selon la CIREST, cette action résolue et d'autres mesures comme les déchetteries mobiles auraient permis de réduire le nombre de dépôts sauvages. La CASUD dispose aussi d'une brigade verte.

Les EPCI ultramarins doivent se saisir des nouvelles facultés offertes par les lois Agec et « Climat et résilience 87 ( * ) » pour déployer une politique de répression systématique des dépôts sauvages. Les EPCI exerçant les missions de collecte, la cohérence invite à transférer la lutte contre les dépôts sauvages à ces derniers, comme la loi y invite.

Proposition n° 20 : Créer des polices municipales intercommunales dans tous les EPCI outre-mer pour lutter contre les dépôts sauvages.

5. La résorption des anciennes décharges

Si tous les territoires, à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, disposent désormais d'ISDND aux normes, la situation reste imparfaite. En Guyane, les deux ISDND existantes ne suffisent pas à couvrir les besoins de ce territoire grand comme le Portugal. Plus généralement, les territoires isolés comme les archipels polynésiens ou les villages amazoniens en Guyane ne stockent pas leurs déchets dans les ISDND aux normes.

Enfin, il y a les décharges anciennes ou historiques, la plupart fermées, mais qui n'ont pas toutes été résorbées ou réhabilitées dans les règles de l'art. Il y a donc un stock historique de déchets à collecter, pour les orienter vers les filières de traitement actuelles.

a) Un plan national pour les décharges littorales

En février 2022, l'État a annoncé le lancement d'un plan national de résorption des décharges littorales présentant des risques de relargage des déchets en mer. La hausse du niveau de la mer et l'érosion du trait de côte ont rendu ces interventions encore plus urgentes.

Ce plan a identifié 55 décharges littorales à risque. 14 sont situées dans les DROM : 4 en Guadeloupe, 6 en Martinique, 1 en Guyane et 3 à La Réunion.

Dès 2022, le premier chantier de traitement doit démarrer à l'Anse Charpentier en Martinique (10 000 m 3 de déchets estimés). Le projet est porté par l'EPCI Cap Nord. L'objectif est de toutes les résorber en 10 ans.

Lorsque la maîtrise d'ouvrage appartient aux collectivités, le plan prévoit que le Cerema apporte gratuitement son expertise pour les assister dans la conception des projets de résorption. Côté financement, l'État apporte jusqu'à 50 % du coût via un fonds dédié porté par l'Ademe et doté de 30 millions d'euros pour 2022.

b) La réhabilitation des anciennes décharges

À Mayotte, les 5 anciennes décharges ont toutes fermées en 2014, lorsque l'ISDND de Dzoumogné est entrée en service. Un projet de réhabilitation, cofinancé par l'Ademe et l'État, a été validé en 2017 les travaux ont démarré en 2019 et 2020 sur les 5 sites.

À Wallis-et-Futuna, les autorités ont indiqué résorber progressivement les anciens cratères de lave qui servaient de dépotoirs.

En Guadeloupe aussi, un effort particulier est mené depuis 2008 pour réhabiliter les anciennes décharges comme celle de la commune de Morne-à-l'Eau pour un coût total de 2,2 millions d'euros.

Ce souci d'aller collecter les déchets historiques et de sécuriser les sites avec la pose de géomembrane est commun à tous les territoires ultramarins. Il est essentiel de ne pas laisser ces bombes à retardement tomber dans l'oubli.

L'effort doit naturellement être poursuivi, à commencer par la fermeture des décharges illégales encore en fonctionnement. C'est en particulier le cas en Guyane (7 décharges) et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

6. Le casse-tête des territoires très isolés

Certains territoires ultramarins se trouvent dans des situations d'isolement qui rendent quasi-impossible la création d'ISDND aux normes. Sont particulièrement concernés l'intérieur de la Guyane et les archipels de la Polynésie.

Cette particularité des zones très isolées est d'ailleurs prise en compte par les textes européens qui prévoient une dérogation aux règles d'enfouissement.

En Guyane, des solutions alternatives ont été testées pour collecter et regrouper les déchets dans les villages isolés. C'est en particulier le cas des infrastructures dénommées « éco-carbets » expérimentées à Trois-Sauts, village isolé de quelques centaines d'habitants situé à l'extrémité sud du territoire (accessible par 1 à 2 jours de pirogue sur le fleuve Oyapock).

Ce sont des solutions simplifiées à la fois de collecte et de stockage de déchets non dangereux, en site isolé. Implantés en 2004, une évaluation réalisée en 2017 a montré un retour d'expérience positif. En 2018, la règlementation a été adaptée pour permettre une instruction simplifiée de ces installations en site isolé.

Cette évolution était très attendue, car elle ouvre la porte à des solutions légales adaptées au contexte d'isolement et aux possibilités techniques et financières des collectivités (un « éco-carbet » coûte entre 20 et 30 000 euros contre plusieurs millions d'euros pour une ISDND aux normes). Cette solution pourrait être étendue à d'autres sites isolés de Guyane.

Les « éco-carbets » peuvent être combinés avec une autre expérimentation innovante de collecte.

Cette expérimentation, en lien avec les associations locales, Citéo, le parc amazonien et l'EPCI, consiste à utiliser des pirogues arrivées pleines de produits ou denrées et de les charger au retour de sacs de déchets recyclables. Des jeunes du village sont embauchés et formés pour sensibiliser et animer la collecte sélective. La démarche est prometteuse (les taux de collecte sélective sont parmi les meilleurs de Guyane) mais nécessite l'implication d'une association locale solidement implantée, qui n'a pas toujours la solidité financière pour gérer un projet d'une telle ampleur.

Une implication forte des éco-organismes est un enjeu essentiel pour pérenniser cette solution à Trois-Sauts et permettre son extension à d'autres sites et d'autres filières de déchets.

Cette expérimentation peut être rapprochée de celle de la société LVD Environnement Mayotte qui s'appuie sur les doukas (épiceries de quartier) pour amener les populations vers le geste du tri. Elle pourrait être complétée par une gratification comme à Mayotte.

En développant le tri dans ces zones isolées, les « éco-carbets » réceptionneraient des déchets moins polluants et en quantité réduite.

Ces expérimentations mériteraient d'être diffusées, notamment en Polynésie française .

Proposition n° 21 : Dans les zones très isolées, développer les « éco-carbets » et des méthodes innovantes de collecte sélective avec gratification du tri.

7. Le défi des biodéchets

Comme dans l'Hexagone, les DROM devront mettre en oeuvre au 1 er janvier 2024 le tri à la source des biodéchets des particuliers et des professionnels 88 ( * ) . Cela n'implique pas obligatoirement la collecte en porte-à-porte. L'obligation consiste à proposer une solution de tri.

Au niveau national, on observe d'ailleurs que depuis 2007, les putrescibles sont la composante des déchets ménagers qui a le plus diminué. La lutte contre le gaspillage alimentaire, le compostage domestique ou les apports volontaires expliquent cette tendance.

Pour autant, les putrescibles ou biodéchets représentent encore 38 % de la poubelle grise (déchets en mélange).

Cet objectif ambitieux suscite de nombreuses inquiétudes dans les outre-mer. La principale est liée au climat, souvent très chaud et humide, qui multiplie les risques d'odeurs et de prolifération des nuisibles. Dans les zones rurales d'habitat individuel, le compostage domestique est la solution privilégiée. Mais dans les habitats collectifs et en zone urbaine, les élus sont très inquiets.

On notera néanmoins que Saint-Pierre-et-Miquelon a été précurseur en mettant en place une collecte des biodéchets en porte-à-porte depuis 2018. Mais les conditions climatiques le permettent plus facilement que dans le centre de Cayenne.

Compte tenu des difficultés auxquelles les collectivités sont déjà confrontées avec le traitement des déchets, force est de reconnaître que l'échéance du 1 er janvier 2024 ne sera probablement pas tenue dans de nombreux territoires.

Pour prendre l'exemple de La Réunion, la CIREST a indiqué être en phase de sélection d'un assistant à maîtrise d'ouvrage. Un autre EPCI, le TCO a pris les devants. Son marché a déjà été lancé, ce qui est le délai minimum pour que les véhicules adaptés soient livrés en temps et en heure. En revanche, la CINOR - qui couvre Saint-Denis de La Réunion - est partie trop tôt. Les bacs ont été déployés dès 2021 sur l'agglomération de Saint-Denis, mais ils se sont révélés inadaptés et la communication a failli. Ils ont été retirés du service pour le moment. La stratégie est en train d'être remise à plat.

En Martinique, le SMTVD s'inquiète des conditions et de la fréquence de cette nouvelle collecte potentielle et de son coût qui ne pourra qu'aggraver les difficultés financières des EPCI. Le compostage individuel serait répandu dans 8 % de la population et 59 % de la population seraient desservis par un dispositif de tri à la source de biodéchets (par exemple un compostage en pied d'immeuble).

L'opportunité de solliciter un délai supplémentaire se pose. Le principe de réalité commanderait de repousser l'échéance. Toutefois, des dynamiques se mettent en place. Un report pourrait les casser , alors même que les biodéchets sont un gisement facilement mobilisable pour réduire le poids des déchets collectés. Il est plus aisé de gérer un composteur ou méthaniseur que de créer une filière industrielle de recyclage du plastique ou de déchets dangereux. Le besoin en capital est nettement plus faible.

Un compromis pourrait consister à maintenir l'échéance pour les professionnels et à la décaler de deux ans pour les particuliers .

C. UNE HIÉRARCHIE DES MODES DE TRAITEMENT À QUESTIONNER

1. La valorisation énergétique : un mode de traitement incontournable à soutenir
a) Les atouts de la valorisation énergétique outre-mer

En application des textes européens et du code de l'environnement, la valorisation énergétique est le moins bon mode de traitement, juste après l'enfouissement.

La TGAP sur les déchets tend d'ailleurs à taxer la valorisation énergétique, y compris les installations d'incinération des résidus de tri à haut rendement énergétique.

Cette hiérarchie peut se justifier dans le contexte national et européen où des filières nombreuses et rentables peuvent se mettre en place plus facilement et où une moindre part des produits consommés est importée.

Néanmoins, cette approche doit être questionnée pour les outre-mer . Lors des auditions, la valorisation énergétique a été très largement mise en avant par les représentants des territoires, mais aussi les éco-organismes. L'État accompagne d'ailleurs ce mouvement en accordant une aide importante à certains projets d'UVE (à La Réunion notamment). Le règlement du FEDER pour la période 2021-2027 a aussi acté cette spécificité en dérogeant pour les RUP à l'exclusion de financement d'installations de valorisation énergétique des déchets.

Les avantages de la valorisation énergétique outre-mer sont multiples.

Le manque de foncier rend de plus en plus compliqué l'extension des ISDND ou leur création. Il faut compacter les déchets produits, et l'incinération permet de réduire le volume d'un facteur 9.

Les outre-mer ont aussi un défi énergétique à remplir et l'incinération des déchets peut compléter le mix.

Surtout, à moyen terme, le réalisme oblige à constater qu'il ne sera pas aisé de pousser aussi loin l'économie circulaire outre-mer . Les filières locales de recyclage n'ont pas encore prouvé leur pérennité. Le modèle économique et technologique est fragile. Même dans l'Union européenne, la valorisation énergétique demeure indispensable , notamment dans les pays du nord de l'Europe. Les outre-mer ne font que rattraper le retard dans ce domaine aussi. À ce jour, l'incinération n'existe pas dans les outre-mer, à l'exception de la Martinique et de Saint-Barthélemy, alors qu'au niveau national, plus de 30 % des déchets ménagers sont brûlés .

Par ailleurs, le coût et les aléas du transport maritime depuis deux ans ont souligné la dépendance des outre-mer aux exportations de déchets, y compris les déchets non dangereux.

Au demeurant, dans son rapport de septembre 2022 sur la gestion des déchets ménagers en France, la Cour des comptes considère que la valorisation énergétique est un mode de traitement à assumer pour les déchets non recyclables, sans laquelle les objectifs ne pourront pas être atteints.

b) Quel mode de traitement privilégié pour les plastiques ?

La quasi-totalité des déchets plastiques sont exportés vers l'Europe. À ce stade, les projets de valorisation du plastique dans les outre-mer sont en phase d'étude. Le dernier appel à manifestation d'intérêt de Citéo a retenu plusieurs lauréats en mai 2022 qui doivent encore finaliser leur étude de faisabilité d'ici la fin de l'année. La phase industrielle est donc encore loin et hypothétique.

Or, la faculté d'exporter les déchets plastiques est remise en cause , en particulier pour La Réunion et Mayotte, depuis la fermeture des pays asiatiques au recyclage des plastiques importés depuis 2018-2019. Surtout, depuis mai 2022, l'exutoire vers l'Hexagone et l'Union européenne est à son tour menacé.

En effet, le 13 mai 2022, la compagnie maritime CMA-CGM annonçait sa décision de ne plus transporter de déchets plastiques à bord des navires du groupe, à compter du 1 er juin 2022. La compagnie précisait qu'une exception pourrait être accordée aux exportateurs des collectivités d'outre-mer, dans certaines conditions. Après concertation avec le Gouvernement, CMA-CGM est finalement revenue sur sa décision pour les outre-mer français.

Néanmoins, cette annonce a renchéri le coût du transport des déchets plastiques par les autres compagnies. Surtout, elle jette un froid sur les opportunités d'exportation des plastiques à long terme.

Plus incertaine et plus compliquée, l'exportation des déchets plastiques pour recyclage à l'autre bout du monde pose la question du bilan carbone de la filière. En l'absence de filières locales de recyclage à ce jour, la valorisation énergétique du plastique ou de certains plastiques est une alternative à envisager .

C'est par exemple le choix opéré par la collectivité de Saint-Barthélemy. Le tri sélectif ne s'étend pas aux plastiques qui sont collectés avec les ordures ménagères et incinérés.

De ce fait, il serait souhaitable que les déchets recyclables sur les territoires ne soient pas forcément destinés à l'export, pour respecter la hiérarchie classique des modes de traitement, mais puissent faire l'objet d'une valorisation énergétique qui soit reconnue dans les cahiers des charges des filières REP.

c) Soutenir la valorisation énergétique via le prix de rachat de l'électricité

Plusieurs territoires ont décidé ou envisagent sérieusement de se doter d'unités de valorisation énergétique, avec ou sans CSR : La Réunion, Mayotte, la Guadeloupe, la Guyane ou la Nouvelle-Calédonie. La Martinique doit mettre aux normes et augmenter la capacité des unités existantes.

Pour consolider l'équilibre économique de ces projets, outre les aides diverses de l'Ademe ou du FEDER, le prix de rachat de l'électricité produite est un point clef.

Or, le dernier exemple récent, celui du projet Run Eva porté par le syndicat mixte Ileva à La Réunion, a montré que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ne traitait pas rapidement ces dossiers complexes. Par ailleurs, les conditions de détermination du prix de rachat de l'électricité produite demeurent incertaines.

Les projets de valorisation énergétique, en particulier ceux à partir de CSR, sont complexes, requièrent des investissements lourds et ont une double dimension. Ils s'intègrent dans le mix énergétique. Mais surtout ils sont des équipements structurants de la politique des déchets. L'équilibre et la pérennité des projets de valorisation énergétique vont donc bien au-delà de la seule politique énergétique, en particulier dans des systèmes insulaires où les alternatives à l'incinération des déchets sont limitées.

La CRE joue donc un rôle central et ne doit pas traiter ces projets comme des projets classiques de production d'électricité à partir d'intrants extérieurs. Le prix de rachat de l'électricité devrait rémunérer favorablement l'impact environnemental et territorial de ce type de projets .

L'urgence pour les outre-mer devrait conduire la CRE à donner de la visibilité sur les prix de rachat et à se prononcer rapidement sur les demandes, afin de ne pas allonger le calendrier des nombreux projets attendus dans les prochaines années.

Proposition n° 22 : Soutenir la valorisation énergétique des déchets dans les outre-mer, notamment en obtenant de la commission de régulation de l'énergie (CRE) un cadre clair, pérenne et favorable au prix de rachat de l'électricité ainsi produite.

2. L'exportation des déchets dangereux vers l'Union européenne : Kafka et Ubu
a) La crise à La Réunion et à Mayotte : la prise de conscience

Depuis 2020, La Réunion et Mayotte font face à une crise de la gestion des déchets dangereux sans précédent.

La saturation du transport maritime international, conjuguée au durcissement de la réglementation sur le transport international des déchets dangereux et à son application extrêmement précautionneuse par les compagnies maritimes, ont fait que ces deux territoires se sont retrouvés face à un mur de déchets dangereux non exportables.

Les stocks se sont accumulés, au point que des dérogations ont dû être accordées pour relever les plafonds autorisés sur des sites saturés et qu'il a été demandé aux producteurs ou récupérateurs de ces déchets de les conserver. Certaines collectes ont même été interrompues, comme celle des piles.

Alors qu'habituellement les exportations se font au fil de l'eau, il a fallu stocker l'équivalent de plus d'une année de déchets dangereux (environ 5 000 tonnes pour La Réunion dont 2 500 tonnes de batteries, 900 tonnes d'huiles minérales usagées et 400 tonnes de boues chargées en hydrocarbures).

Après de longues négociations avec les compagnies maritimes 89 ( * ) , au niveau ministériel, des solutions ont été trouvées pour assouplir les procédures administratives excessives des compagnies acceptant encore de transporter des conteneurs de déchets dangereux. Toutefois, cette reprise des exportations au fil de l'eau à partir de la fin du premier semestre 2022, ne permettait pas de résorber les stocks accumulés.

C'est la raison pour laquelle l'idée d'une liaison directe exceptionnelle (bateau affrété uniquement pour cette mission) entre La Réunion-Mayotte (qui fait face aux mêmes difficultés) et la métropole pour apurer le stock, a émergé.

Le Syndicat de l'importation et du commerce de La Réunion (SICR) - qui gère la plateforme multifilières REP pour les deux îles - a été mandaté pour fédérer les producteurs de déchets pouvant potentiellement contribuer au chargement de ce navire.

Finalement, un bateau affrété spécialement est parti pour le Havre en direct fin octobre avec 5 00 tonnes de déchets à son bord provenant de Mayotte 90 ( * ) et de La Réunion. Le coût est très élevé : 2,6 millions d'euros. Un surcoût d'environ 800 000 euros par rapport au coût des exportations au fil de l'eau sur les lignes régulières 91 ( * ) . Ce surcoût a été pris en charge par la Région, en partie sur fonds FEDER.

Cette solution a permis d'apurer la situation, de mettre fin au sur-stockage qui posait des problèmes de sécurité et de reprendre des collectes mises à l'arrêt. Par exemple, pour les piles, consignes avaient été passées aux particuliers de les conserver chez eux.

Cette crise a contribué à la prise de conscience de la faible résilience de La Réunion et de Mayotte en matière de gestion des déchets dangereux : le seul exutoire est l'exportation vers l'Europe, soumise à la bonne volonté des compagnies maritimes qui prennent en charge ces déchets et des nombreux pays de transit.

À plus long terme, cette crise pose la question du développement d'outils locaux pour le traitement des déchets dangereux, en recyclage et valorisation ou en stockage .

Au-delà de ces deux îles, des questions identiques se posent pour les autres territoires ultramarins, quand bien même ils souffrent moins de liaisons maritimes erratiques et sont plus proches géographiquement de pays membres de l'OCDE 92 ( * ) .

Enfin, quelques territoires sont quasiment privés de moyens d'exportation des déchets dangereux. À Saint-Pierre-et-Miquelon, il faut parfois attendre l'escale d'un bateau militaire pour évacuer les piles usagées, les médicaments périmés...

b) Une règlementation internationale vertueuse, mais excessive pour les outre-mer

Parmi les causes de cette crise, outre la saturation des navires dans la phase de redémarrage post-covid de l'économie mondiale, il faut souligner la complexité de la réglementation internationale sur les exportations de déchets dangereux.

La convention de Bâle 93 ( * ) , ainsi que la réglementation européenne 94 ( * ) et de l'Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) 95 ( * ) , imposent des règles strictes pour s'assurer que les pays membres de l'OCDE exportent leurs déchets dangereux à des fins de traitement vers des pays de l'OCDE.

Les compagnies maritimes ont sur-interprété des textes déjà complexes, notamment :

- en ajoutant des pays de transit, pour faire face à l'hypothèse où les navires seraient déroutés (concrètement, le nombre d'autorités compétentes auprès desquelles les autorisations de transit des déchets dangereux doivent être demandées ont doublé) ;

- en exigeant des consentements explicites de certains pays hors OCDE (comme Madagascar, Île Maurice ou Afrique du Sud) pour éviter tout risque d'immobilisation de container dans ces pays de transit, alors que le consentement peut être considéré favorable tacitement (notamment par le dépassement du délai réglementaire de 60 jours de traitement des notifications par ces pays) ;

- en réduisant la durée de validité des consentements, du fait de la demande des compagnies de disposer de notifications encore valables au moins un mois après le départ des containers depuis La Réunion, et non au moment du départ du bateau.

La règlementation internationale et européenne a été conçue pour s'appliquer à de grandes économies développées fortement connectées : l'Union européenne, le Japon, les États-Unis, l'Australie...

Mais elle est inadaptée et surdimensionnée pour des petits territoires insulaires, éloignés des principales routes commerciales et produisant des quantités infinitésimales de déchets dangereux.

c) Les déchets non dangereux bientôt touchés ?

Si le chemin des exportations de déchets dangereux ressemble à un parcours du combattant, celui des exportations de déchets non dangereux n'est pas une promenade de santé.

En effet, l'exportation de certains déchets recyclables n'est pas forcément aisée. C'est en particulier le cas des plastiques. De nombreux pays, notamment asiatiques, les acceptent de moins en moins. Et la compagnie CMA-CGM a failli bannir les déchets plastiques de ces navires en juin dernier, avant d'accepter de continuer à les transporter pour les outre-mer français vers l'Union européenne.

Plus inquiétant encore, la Commission européenne travaille actuellement sur la révision du règlement sur les transferts de déchets qui tend à durcir, voire interdire les exportations de déchets hors de l'Union européenne, dangereux ou non. Les petits États membres « isolés » de l'Union européenne ont d'ailleurs manifesté leurs vives craintes face à ces projets (Malte, Chypre, l'Estonie notamment).

d) Faire usage de l'article 349 du TFUE

Les contraintes très particulières des outre-mer doivent conduire à adapter les textes européens, voire internationaux.

Le Gouvernement doit donc peser de tout son poids pour que, d'une part, les textes en cours de négociation n'alourdissent pas les règles actuelles pour les outre-mer et, d'autre part, les textes déjà en vigueur puissent faire l'objet d'un avenant ou d'un addendum pour permettre les exportations de déchets des outre-mer dans leur environnement régional.

Pour rappel, les textes et les déclarations politiques ouvrent la voie à de telles adaptations.

Suivant la convention de Bâle, des accords régionaux peuvent être signés entre États tant qu'ils sont compatibles avec la gestion écologiquement rationnelle des déchets (dangereux et autres).

L'article 209 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte dispose que « dans les départements et les collectivités d'outre-mer, [...], l'utilisation des matières premières recyclées issues des déchets est facilitée, en recourant notamment aux démarches de sortie du statut du déchet, mentionnées à l'article L. 541-4-3 du code de l'environnement. Celles-ci portent, en particulier, sur les déchets des ménages et sont élaborées de façon à faciliter la recherche de débouchés dans les pays limitrophes [...] ».

En mars 2017, le mémorandum conjoint des régions ultrapériphériques pour un nouvel élan dans la mise en oeuvre de l'article 349 du TFUE présenté lors de la 4 ème édition du Forum des RUP déclarait :

« Dans la mesure où la gestion des déchets dans les RUP s'avère plus complexe que sur le continent européen, en raison des contraintes liées à l'ultra périphérie, l'émergence d'une véritable économie circulaire représente un défi pour lequel elles ont besoin d'être soutenues. [...]

- En matière de déchets (exportation, transfert, importation), les textes à portée européenne et internationale (convention de Bâle, règlement CE N° 1013/2006, le code maritime international des marchandises dangereuses s'appliquent. Ces textes restent inadaptés à la réalité des RUP et génèrent des angles morts au niveau des accords commerciaux ;

- Concernant les déchets non dangereux, la problématique des petits gisements a été soulevée avec notamment l'absence de stratégie interrégionale pour les déchets valorisables [...] ;

- il est demandé que l'UE doit faciliter, par une réglementation adaptée, basée sur l'article 349 du TFUE, et un soutien financier suffisant, la mise en place de filières de gestion des déchets (collecte, transports, valorisation...), y compris avec les pays tiers environnants . »

Cette position de négociation n'est pas contradictoire avec la stratégie de développement de filières locales de traitement . Il serait irresponsable de fermer des exutoires potentiels pour les déchets des outre-mer. Des crises imprévues peuvent survenir à tout moment, qui exigeront d'exporter les déchets - sous réserve de s'assurer que les conditions de traitement dans les pays tiers satisfont à des conditions équivalentes à celle de l'Union européenne - au lieu de les conserver sur des territoires contraints.

Proposition n° 23 : Pour permettre de développer une stratégie régionale de gestion des déchets :

- Faire application de l'article 349 du TFUE pour obtenir l'adaptation du règlement européen sur les transferts de déchets, en cours de révision, aux contraintes particulières des outre-mer ;

- Ouvrir des discussions dans le cadre de la convention de Bâle afin de conclure des accords régionaux pour le traitement des déchets des outre-mer français.

3. Priorité aux filières locales de recyclage

Les initiatives locales de recyclage, quasi-inexistantes il y a quelques années 96 ( * ) , ne cessent de se multiplier et certaines passent à la phase industrielle.

Les avantages sont multiples :

- réduire les déchets enfouis ou incinérés ;

- relocaliser de la valeur ajoutée sur les territoires ;

- changer le regard sur les déchets, qui peuvent devenir des ressources ;

- créer de l'emploi ;

- diminuer la dépendance aux exportations.

a) Une floraison de projets dans tous les territoires

Les projets se multiplient avec le soutien de l'Ademe, des éco-organismes, des autorités régionales, des EPCI et des groupements.

Un éco-système se met progressivement en place avec des projets innovants.

À Mayotte , plusieurs porteurs de projets ont été rencontrés par la délégation. Certains sont encore au stade des études ou des prototypes. Le projet Ulalusa consiste ainsi à créer une fonderie aluminium pour valoriser les canettes et autres déchets de l'île sous forme de lingots afin de les exporter. Le prototype a permis d'estimer à 180 tonnes par an le volume minimum pour atteindre l'équilibre économique.

D'autres projets s'intéressent au plastique comme Habit'Ame ou celui de LVD Environnement Mayotte. Ce dernier projet combine à la fois un volet collecte innovant (voir le II.B.3) et un volet valorisation. Ce second volet doit à terme fournir la matière première plastique à l'industriel Mayco (producteur et distributeur de boissons en bouteille plastique localement), afin de fabriquer des préformes. L'objectif est de fournir jusqu'à 285 tonnes de préformes. Pour simplifier le process , l'industriel Mayco devrait réduire son offre au seul PET transparent et abandonner le PET foncé, ce qui facilitera aussi le tri.

L'éco-organisme Citéo a récemment lancé un appel à manifestations d'intérêts pour des projets de valorisation locale des déchets outre-mer. 17 lauréats , répartis dans les cinq DROM, bénéficieront d'un accompagnement technique et financier.

Cet appel à manifestations d'intérêts traduit assez bien l'impression de vos rapporteures d'un foisonnement de projets dans les outre-mer.

Un autre éco-organisme semble aussi vouloir réorienter sa stratégie vers la valorisation locale. Cyclevia , qui a été agréé en mars 2022, se substitue à l'Ademe qui assumait depuis 2012 la responsabilité de la filière des huiles et lubrifiants usagés dans les DROM. Conformément à la loi Agec, Cyclevia doit élaborer sur chaque territoire des plans de rattrapage en trois ans. Surtout, conformément au cahier des charges défini par arrêté du 27 octobre 2021, l'éco-organisme doit réaliser dans les trois ans de son agrément une étude sur des solutions de traitement local des huiles usagées dans les territoires d'outre-mer. Il faudra suivre les conclusions de cette étude et les suites concrètes.

Le recyclage du verre est très probablement la filière locale la plus mature dans les outre-mer 97 ( * ) . La phase industrielle est désormais aboutie. À La Réunion par exemple, la société STS 98 ( * ) traitera la totalité du gisement collecté 99 ( * ) par le syndicat Ileva (60 % de la population) pour fabriquer de la poudre de verre pour le béton ou du sable de filtration. Un projet similaire couvrira les besoins de l'autre partie de l'île.

Toujours à La Réunion, plusieurs unités de valorisation matière ont vu le jour :

- pneumatiques usagés (en chip's et granulats avec utilisation en local) ;

- plâtre (utilisation en substitut d'importation du gypse) ;

- déchets du BTP (utilisation locale) ;

- prochainement ouverture d'une unité de traitement des batteries au plomb et unité de valorisation des cartons (pulpe de pâte à papier)...

Même les territoires les plus petits commencent à monter des projets locaux. Ainsi à Wallis-et-Futuna , un projet-pilote de valorisation des déchets métalliques a été proposé par le Service Territorial de l'Environnement (STE) et sélectionné par le projet SWAP. Le projet SWAP est un projet régional financé par l'AFD à hauteur de 3 millions d'euros et mis en oeuvre dans le cadre du Programme Régional Océanien pour l'Environnement (PROE) qui couvre 7 pays et territoires du Pacifique : Fidji, Polynésie française, Samoa, îles Salomon, Tonga, Vanuatu et Wallis-et-Futuna.

Ce projet-pilote de valorisation des déchets métalliques consiste à produire localement des lingots de métaux, mieux valorisés pour l'exportation, en capitalisant sur le dispositif de l'écotaxe (voir I.C.5.c)).

b) Structurer et soutenir impérativement les solutions locales

Un mouvement fort est en train d'émerger dans les outre-mer autour d'une multitude de projets.

L'Ademe, l'AFD, les collectivités et certains éco-organismes soutiennent ces projets dans leur phase de conception et de démarrage. Les crédits sont là .

Quelques propositions pourraient être de nature à accélérer le passage à la phase industrielle, afin de traiter des gisements entiers, comme celui du verre à La Réunion pour prendre cet exemple.

En premier lieu, de nombreux projets similaires émergent dans plusieurs outre-mer, sans que des collaborations ou partages d'expérience s'organisent. Par exemple, les projets-pilotes Ulalusa à Mayotte et SWAP à Wallis-et-Futuna, qui consistent à fondre les métaux pour les valoriser sous forme de lingots à l'exportation, ont certainement beaucoup de choses en commun.

Il manque une plateforme de partage des expériences ultramarines qui permettraient aux porteurs de projet ou aux acteurs existants d'échanger rapidement et d'aller plus vite. L'Ademe pourrait facilement développer un outil dédié.

En deuxième lieu, tous les cahiers des charges des filières REP devraient comporter, à l'instar de celui relatif aux huiles usagées, une disposition obligeant l'éco-organisme à réaliser dans les trois ans de son agrément une étude sur des solutions de traitement local.

En troisième lieu, en prévision des discussions à venir sur une éventuelle réforme de la défiscalisation outre-mer , il paraît indispensable de prioriser les investissements dans ces filières locales de recyclage. Les projets locaux ont besoin d'investissements lourds en chaînes de traitement sur-mesure, dimensionnés à l'échelle des gisements des territoires.

En quatrième lieu, la région qui a la double casquette de responsable du développement économique et de planificateur de la gestion des déchets doit favoriser l'émergence d'écopoles qui rapprochent les entreprises de recyclage , idéalement à proximité des centres de tri. La société STS, à La Réunion, est ainsi implantée à quelques centaines de mètres du futur centre multifilière Run Eva.

En dernier lieu, comme le relevait Hervé Mariton, président de la FEDOM, un enjeu est le développement de filières de traitement ou d'outils de production miniaturisés , à l'échelle des gisements limités des outre-mer, tout en conservant une rentabilité économique.

Cet enjeu dépasse la seule question des déchets outre-mer. Il demande beaucoup d'innovation. Des appels à projet comme France 2030 devraient comporter un volet ultramarin, avec des seuils adaptés, afin de ne pas exclure de facto les projets émanant des outre-mer.

Proposition n° 24 : Accélérer sur la création de filières locales de valorisation :

- en créant une plateforme de partage des expériences ultramarines ;

- en renforçant la défiscalisation ;

- en structurant des écopoles de la valorisation à proximité des centres de tri multifilières ;

- en rendant obligatoire pour tous les éco-organismes agréés la réalisation d'études sur les solutions locales de traitement dans les outre-mer ;

- en soutenant la recherche et l'innovation en faveur de filières industrielles miniaturisées.

4. La coopération régionale est-elle une utopie ?

La quasi-totalité des acteurs de la gestion des déchets dans les outre-mer plaide pour le développement de la coopération régionale. Les avantages seraient multiples :

- massification des gisements permettant de mettre en oeuvre des solutions industrielles plus efficaces et rentables ;

- moindre dépendance aux exportations transocéaniennes ;

- maintien de la valeur ajoutée dans l'environnement régional ;

- bilan carbone améliorée ;

- dynamique régionale...

Cette coopération pourrait se développer d'abord entre les outre-mer français. Par exemple entre la Guadeloupe et la Martinique pour prendre l'exemple le plus fréquemment cité. Ensuite, au niveau de chaque bassin. Par exemple entre La Réunion, l'île Maurice, Madagascar et Mayotte. Ou bien les Antilles françaises avec la Dominique, Sainte-Lucie ...

La région Guadeloupe soutient l'idée d'un développement régional des filières de recyclage au sein du bassin des départements français d'Amérique. Par exemple, en répartissant « la gestion et le traitement du textile en Marinique, les ampoules en Guyane, les DEEE en Guadeloupe et pourquoi pas le mobilier à Saint-Martin ».

Toutefois, cette forme d'évidence n'a encore jamais pu se concrétiser. Quelques tentatives 100 ( * ) ont eu lieu, notamment entre la Guadeloupe et la Martinique, mais elles ont échoué, dissuadant par contrecoup de nouvelles initiatives 101 ( * ) .

a) Une coopération qui bute sur le coût du fret

Le principal obstacle avancé est celui du coût du transport maritime .

En effet, les tarifs du fret maritime intra-régional sont prohibitifs par rapport à ceux des lignes internationales. Le tarif d'une liaison Martinique-Guadeloupe est identique, si ce n'est supérieur, à une liaison entre Fort-de-France et Le Havre.

Unanimement, les acteurs plaident pour une augmentation des aides au fret et pour un portage politique fort du dossier . Certains évoquent même la création d'une compagnie maritime publique pour développer les échanges inter-îles. La question du transport inter-îles et des aides au fret excède la seule gestion des déchets.

Les aides au fret

L'article 71 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer a modifié le régime de l'aide au fret : « Une aide au fret au bénéfice des entreprises situées dans les départements d'outre-mer, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna, destinée à abaisser le coût du fret :

1° des matières premières ou produits [...] ;

3° des déchets importés dans ces départements et ces collectivités depuis l'Union européenne ou les pays tiers ou acheminés depuis ces départements et ces collectivités aux fins de traitement, en particulier de valorisation ;

4° des déchets expédiés vers l'Union européenne, y compris vers certains de ces départements ou collectivités, aux fins de traitement et en particulier de valorisation . »

Les déchets sont donc spécialement ciblés par l'aide au fret. Tous les outre-mer en bénéficient à l'exception de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit pour l'aide au fret (matières premières et déchets confondus) 8,3 millions d'euros en autorisation d'engagement (montant inchangé par rapport à la loi de finances pour 2022) et 5,85 millions en crédit de paiement (contre 7 millions en loi de finances pour 2022).

Cette aide nationale s'articule avec des aides européennes « jumelles » en provenance du fonds FEDER, lequel est géré par les régions (pour les RUP, les PTOM ne bénéficiant pas de ces fonds).

La base éligible de l'aide est égale au coût prévisionnel annuel hors taxes des dépenses de transport le plus économique, maritime ou aérien, incluant les assurances, les frais de manutention et de stockage temporaire avant enlèvement et, s'agissant des déchets, les coûts spécifiques de conditionnement, de contrôles de sûreté et de sécurité d'affrètement.

le montant des aides apporté par l'État varie en fonction des combinaisons :

- en l'absence d'aide additionnelle, le montant de l'aide apportée par l'État peut être porté à 50 % de la base éligible ;

- en présence d'une aide additionnelle, notamment de l'aide au titre du FEDER, le montant de l'aide apportée par l'État ne peut pas dépasser 25% de la base éligible.

L'ensemble des aides financières ne peut avoir pour effet de porter le niveau de compensation des coûts de transport au-delà de la base éligible.

Entre 2018 et 2022, la région Guadeloupe a par exemple programmé 8,7 millions d'euros au titre de l'aide au fret pour le transport des déchets, et 3,7 ont été payés.

Source : DSOM

Les acteurs ultramarins de la gestion des déchets ont tous plaidé pour une forte revalorisation de l'aide au fret national , d'autant plus que les aides au fret du FEDER sont extrêmement complexes à mobiliser. Certains bénéficiaires préféreraient renoncer à ces aides, ainsi qu'à l'aide nationale, devant la complexité administrative des dossiers.

Le syndicat martiniquais des déchets, le SMTVD, plaide pour une augmentation de la part État dans les dispositifs d'aide au fret, ainsi que pour une simplification des demandes d'aide, voire un appui au montage des dossiers pour les TPE et PME.

Quelques filières montrent qu'une coopération n'est pas un utopie .

Ainsi, les DEEE de Martinique sont actuellement regroupés et expédiés chez la société AER en Guadeloupe dans une installation agréée par les éco-organismes pour démantèlement et export des matières valorisables majoritairement vers l'Europe. Les coûts de transport inter-îles étant importants, de l'aide au fret avait été envisagée initialement sur ce projet. Cependant les territoires ne souhaitant pas mobiliser cette aide pour des transports relevant de la filière REP, ces coûts sont supportés par les éco-organismes. Par ailleurs, une nouvelle ligne maritime venant d'être mise en place entre la Guadeloupe et la Guyane, un flux de DEEE de Guyane pourrait être mis en place dans un futur proche.

b) Un déficit de financement et de gouvernance

Pour réussir, la coopération régionale doit donc tenir compte de très nombreux paramètres et les solutions valables dans la Caraïbe ne le sont pas forcément dans l'océan Indien ou Pacifique.

Il faut tenir compte des gisements disponibles, des marchés d'écoulement, des gains réciproques, de la volonté de maintenir les transports malgré le coût, des ressources des entreprises, de la diversité des cadres juridiques, de la stabilité politique et économique des territoires partenaires s'agissant de projets de long terme... La massification des flux n'est pas toujours la bonne réponse .

Outre un renforcement de l'aide au fret, il paraît indispensable d'insister sur la gouvernance de ces projets de coopération . Dans un premier temps, une coopération entre des territoires ultramarins français relativement proches permettrait d'initier des filières, sur lesquelles d'autres partenaires régionaux pourraient s'agréger dans un second temps. Les aides au fret pourraient être plus importantes pour le fret régional entre les outre-mer français.

Proposition n° 25 : Augmenter et simplifier l'aide au fret, en particulier pour les liaisons entre les outre-mer français.

5. Relancer la consigne

Comme évoqué précédemment en matière de financement (voir I.C.5.d)) ou de gratification du tri (II.B.3.), la consigne peut être une solution efficace pour améliorer la collecte de certains déchets bien identifiés.

La loi Agec a notamment mis sur la table l'idée d'une consigne sur les emballages de boissons en plastique avec une clause de revoyure en 2023 au niveau national. Dans ce contexte, la Guadeloupe avait été désignée comme territoire d'expérimentation d'un système de consigne sur ce type de déchet. Toutefois, à ce jour, il semblerait que rien de concret n'ait encore été lancé, malgré les annonces faites en 2021.

La consigne pourrait surtout se développer sur d'autres types de déchets.

À La Réunion, un système de consigne subsiste par exemple pour les bouteilles de la bière locale Dodo et fonctionne parfaitement bien. Il fournit un revenu complémentaire à certaines personnes et évite que des tonnes de bouteilles en verre finissent dans les bacs.

Ces initiatives pourraient être facilement dupliquées pour toutes les productions locales de boisson.

De manière générale, la promotion des contenants en verre devrait s'accompagner d'un essor simultané de la consigne. C'est notamment le sens du projet REUNIVERRE précité (II.A.3.).

Sur certains déchets particulièrement délicats, des dispositifs inspirés de la consigne pourraient aussi être testés.

À Mayotte, on estime à 35% 102 ( * ) la part des déchets dangereux traités et expédiés vers l'Hexagone. Les deux tiers du gisement échappent donc aux flux de collecte. C'est en particulier le cas des batteries usagées.

Pour rester sur cet exemple, la création d'une consigne sur les batteries pourrait inciter les usagers à rediriger les batteries vers les filières légales de traitement.

Pour enclencher un essor de la consigne et du réemploi, la proposition n° 17 tendant à habiliter les outre-mer à adopter leurs propres normes en matière d'interdiction de mise sur le marché de matériaux polluants ou difficiles à recycler est évidemment un levier important. Les territoires pourraient définir localement leur stratégie en matière de réemploi et accélérer leur transition.

D. DES FILIÈRES SPÉCIFIQUES QUI RESTENT EN DEVENIR

1. Les VHU outre-mer : une histoire ancienne proche de l'épilogue ?
a) Un bilan en demi-teinte, sept ans après le rapport Letchimy

Le problème des véhicules hors d'usage (VHU) dans les outre-mer est un problème ancien qui a déjà fait l'objet de nombreuses analyses et plans d'action.

En 2015, Serge Letchimy, député, remettait un rapport 103 ( * ) au nom du Gouvernement qui fit date. Selon ses estimations, un stock de 65 000 véhicules échappait aux centres VHU agréés avec de multiples conséquences : prolifération de nuisibles, pollution des sols et des eaux, dégradation du paysage, sentiment d'insécurité ... Le rapport formulait 26  propositions.

Certaines adaptations réglementaires ont été apportées. Surtout, les constructeurs automobiles ont été chargés par les pouvoirs publics de mettre en place un plan d'actions volontaire pour résorber le nombre élevé de véhicules hors d'usage abandonnés présents dans ces territoires, dans l'esprit d'une filière REP qui ne dirait pas son nom.

Ce plan d'actions, qui a ensuite fait l'objet d'une réglementation, vise à soutenir et à accompagner les collectivités territoriales d'outre-mer pour collecter et traiter les VHU abandonnés et éviter que le stock de ces véhicules se renouvelle.

Un accord-cadre a été signé en octobre 2018 réunissant les 22 plus grands constructeurs automobiles mondiaux pour permettre de collecter et de traiter dans les territoires d'outre-mer, près de 60 000 véhicules hors d'usage abandonnés en collaboration avec les acteurs locaux de la filière et les opérateurs économiques de la déconstruction automobile.

Ce plan est toujours en cours de déploiement.

Selon Philippe Bodenez, chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses à la DGPR, ce plan a permis de faire financer par les constructeurs la reprise de 21 437 véhicules hors d'usage, dont 9 000 en Martinique, 4 000 en Guadeloupe, 6 000 à La Réunion, 400 à Mayotte et 2 000 en Guyane.

Plus de quatre ans après son lancement, le plan de résorption du stock historique serait donc au tiers de son exécution.

Les VHU traités ont été récupérés dans l'espace public. Toutefois, de récentes dispositions issues de la loi Agec ont renforcé la prise en charge des VHU abandonnés sur les terrains privés. L'article L.541-3 du code de l'environnement permet, lorsque le propriétaire d'un véhicule hors d'usage ne satisfait pas à l'obligation de remettre son véhicule à une filière agréée, de se substituer à celui-ci et de venir faire enlever le véhicule, afin de le déposer au centre VHU.

b) Une filière REP pour un nouvel élan ?

La loi Agec de 2020 a créé une filière REP pour les VHU qui entrera en vigueur à compter du 1 er janvier 2023, généralisant en quelque sorte ce qui avait été ébauché avec le plan d'action pour les outre-mer en 2018 (pour le seul stock historique).

Le projet de décret portant diverses dispositions d'adaptation de la gestion des véhicules hors d'usage et instituant un régime de responsabilité élargie des producteurs de ces véhicules a été mis en consultation en mars 2022. Il prévoit en particulier pour les outre-mer que :

- la mise en oeuvre d'un plan d'action outre-mer spécifique. Ce plan comporte notamment le versement d'une prime au retour afin d'inciter les détenteurs à remettre leur véhicule à la filière légale. Il est activé dans un territoire dès lors que le taux d'abandon de véhicule est supérieur à 10 % 104 ( * ) (projet d'article R.543-165 du code de l'environnement) ;

- tout éco-organisme ou système individuel réalise une étude de gisement des véhicules abandonnées dans les territoires d'outre-mer dans les trois ans suivant leur agrément (projet d'article R.543-165-1 du même code) ;

- les principes du plan d'action VHU de 2018 sont repris. Il est ainsi prévu que les éco-organismes et les systèmes individuels se coordonnent afin d'assurer la prise en charge de tout véhicule abandonné sur la voie publique, sur le domaine public, sur un terrain privé ainsi que sur une « casse » illégale, dès lors qu'il aura été constaté que les procédures de police administrative ont échoué (projet d'articles R.543-166 à R.543-166-2 du même code).

La prime au retour est la proposition la plus forte. Elle devrait stopper la reconstitution d'un stock historique.

Cette mesure est naturellement la bienvenue.

Toutefois, elle ne fonctionnera que si les centres agréés sont en mesure de réceptionner et de traiter les VHU . Or, si le déstockage est important, toutes les filières ne pourront pas absorber la demande.

Certains territoires, comme la Martinique, en pointe sur ce problème, se déclarent prêts à traiter le volume de VHU. Le territoire a les capacités techniques et organisationnelles (capacités des centres agréés de 28 120 VHU) de traiter conjointement le flux annuel (environ 14 000 VHU) et le solde du stock historique (environ 12 500 VHU estimés).

En revanche, à Mayotte, un seul centre agréé subsiste . Lors de la visite des installations, la délégation a pu constater que la capacité de stockage était très limitée, faute de foncier disponible, sachant qu'outre le stock historique, il faut aussi traiter les nouveaux flux. Il y a donc un risque de saturation, ce qui serait un mauvais message envoyé aux usagers .

En Guyane, le constat est assez proche : les infrastructures sont trop fragiles pour monter rapidement en capacité. Un seul centre agréé pour tout le territoire. En 2017, en moyenne, 1,4 VHU pour 1 000 habitants était traité (moyenne nationale 17 VHU pour 1 000 habitants).

À Saint-Pierre-et-Miquelon, même chose, la filière reste à construire . Un container de dépollution a été livré cette année avec des co-financements de l'Ademe et n'était toujours pas opérationnel en septembre 2022 lors de la visite de la délégation.

À Wallis-et-Futuna, la filière se structure. Une plateforme d'accueil va être créée et grâce au FEI, une presse a été acquise, ainsi qu'un conteneur de dépollution des véhicules.

La prime au retour et la montée en charge des capacités de traitement doivent être coordonnées . 105 ( * )

Un bilan de cette nouvelle filière REP devra être fait avant d'envisager des mesures complémentaires.

Le traitement des VHU en Polynésie française

Le pays est compétent pour le traitement des VHU. Les opérations de traitement des VHU dans les archipels sont particulièrement complexes. Elles se font par campagne, lorsque le stock est suffisant.

Grâce à deux presses montées sur remorque, le pressage se fait localement après dépollution. Le transport est ensuite pris en charge par le pays. Les véhicules sont entreposés à Tahiti avant d'être exportés vers la Nouvelle-Zélande.

Le pays a désormais une capacité de traitement de 1 000 VHU par an dans les archipels.

À titre d'exemple, sur l'île de Moorea (l'île la plus proche de Tahiti et reliée quotidiennement par un ferry) en avril dernier, 300 VHU en attente depuis 2014 sur un terrain ont été traités. Mais le stock total est estimé à 800 VHU.

Source : DSOM

2. Les déchets du BTP : tout reste à faire

Les déchets du BTP forment la catégorie de déchets la moins bien connue et la moins bien prise en charge. Dans les outre-mer, les données sont extrêmement parcellaires. Plusieurs observatoires indiquent ne pas avoir de réelle connaissance du gisement.

À titre d'illustration, Fabrice Hoarau, conseiller régional en charge des déchets et de l'environnement, estime à 50% le flux non tracé à La Réunion, sur un total de 2 millions de tonnes par an.

La création d'une filière REP au 1 er janvier 2023 par la loi Agec devrait transformer la donne. Le cahier des charges impose notamment à la filière la création de centres de prise en charge des déchets triés. Le réseau de ces centres devra être dense (moins de 20 km à parcourir).

L'application qui en sera faite outre-mer devra être suivie attentivement. Il faut en attendre une résorption de nombreux dépôts sauvages.

3. Les déchets dangereux : surmonter les craintes d'un traitement local

En 2021 et 2022, l'évacuation des déchets dangereux de certains territoires ultramarins vers l'Hexagone ou l'Union européenne a viré au cauchemar (voir II.C.2.). Déjà habituellement complexe et onéreuse, cette évacuation est devenue quasi-impossible avec la désorganisation du fret maritime.

Cette crise, qui commence seulement à se résoudre depuis l'affrètement d'un navire en octobre dernier et l'accalmie sur le transport maritime mondial, a accéléré la prise de conscience de la grande dépendance des outre-mer pour gérer leurs déchets dangereux.

Cette prise de conscience est d'autant plus urgente que plusieurs territoires devraient se doter dans les prochaines années d'unités de valorisation énergétique qui produiront des quantités importantes de déchets ultimes dangereux . En particulier les résidus d'épuration des fumées d'incinération des ordures ménagères (REFIOM), voire certains mâchefers.

L'essor de la voiture électrique ne cesse aussi d'inquiéter les responsables ultramarins, qui craignent d'avoir à gérer dans quelques années des milliers de tonnes de batteries usagées, pas ou peu exportables 106 ( * ) .

Ces perspectives incertaines doivent conduire les territoires ultramarins à engager une réflexion et des études sur la création de centre de stockage de déchets dangereux sur leur territoire .

À cet égard, la région de La Réunion a lancé début 2022 une étude d'opportunité sur la création d'une Installation de Stockage de Déchets Dangereux (ISDD). L'objectif est d'apporter des éléments d'aides à la décision, afin d'alimenter les travaux du futur plan régional. Cette étude comprend plusieurs volets :

- état des lieux (gisements, filières, coûts, identification de nouvelles filières pouvant être créées localement...) ;

- éléments d'opportunités pour la création d'une ISDD à La Réunion (techniques, économiques, inter-régionaux et environnementaux, avantages et inconvénients, gisements qui pourraient être traités localement (filières existantes ou en projet) et ceux qui pourraient être orientés vers des filières d'exportation, dimensionnement de l'installation les cas échéant, critères de localisation) ;

- impacts (techniques, économiques, réglementaires et environnementaux).

Sans préjuger des résultats de cette étude et de la faisabilité d'une ISDD à La Réunion, des démarches similaires devraient être conduites dans chaque territoire.

En Guyane, le projet de PRPGD prévoit qu'une étude de faisabilité sur l'intérêt de disposer d'une installation de stockage dédiée aux déchets dangereux soit réalisée d'ici 2025.

En Martinique, le PRPGD ne prévoit pas d'installation de stockage des déchets dangereux. Toutefois, il ne limite pas les initiatives locales de création d'équipements de traitement (ex : possibilité de casier amiante sur carrière en réhabilitation, projet d'incinération des sous-produits animaux de catégorie 1).

Proposition n° 26 : Réaliser pour chaque territoire une étude d'opportunité et de faisabilité sur la création d'une installation de stockage de déchets dangereux (ISDD) ou d'équipements de traitement de ces déchets.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

1. Lancer des plans de rattrapage exceptionnels , voire des plans Marshall pour Mayotte et la Guyane : débloquer au minimum 250 millions d'euros sur 5 ans pour réaliser les équipements prioritaires et structurants, en plus des aides actuelles de l'État et en les inscrivant dans les prochains contrats de projet.

2. Produire des données fiables sur les déchets :

- en créant dans chaque outre-mer un observatoire régional des déchets adossé à l'autorité en charge de la planification ;

- en obtenant des douanes la transmission régulière des chiffres des importations pour mieux évaluer les gisements.

3. Simplifier la gouvernance dans chaque département et région d'outre-mer en transférant à un opérateur unique le traitement des déchets ménagers.

4. En Polynésie française, transférer au pays la compétence du traitement des déchets ménagers.

5. En Nouvelle-Calédonie, transférer des provinces au territoire la compétence de gestion des déchets.

6. Faire de la commission consultative d'élaboration et de suivi (CCES) du plan régional de prévention et de gestion des déchets, une véritable instance de coordination et de pilotage de la politique des déchets sur chaque territoire.

7. Lever le verrou de l'ingénierie :

- en augmentant fortement les crédits du fonds outre-mer ;

- en créant dans les préfectures un guichet unique pour les collectivités demanderesses d'un appui technique ;

- en mutualisant sur les projets structurants et prioritaires les ressources en ingénierie de l'État et des collectivités dans le cadre de « plateforme de projet ».

8. Renforcer la représentation des outre-mer au sein des instances nationales des déchets comme le conseil national de l'économie circulaire et la commission inter-filières REP.

9. Améliorer le taux de recouvrement de la taxe foncière dont dépend celui de la TEOM et baisser de 8 à 3 % les frais de gestion perçus par l'État sur la TEOM.

10. Augmenter les crédits du FEI et flécher vers ce fonds le produit territorialisé de la TGAP.

11. Faire du secteur des déchets et de l'économie circulaire un des champs prioritaires d'adaptations des normes et des aides européennes aux spécificités des RUP, conformément à l'article  349 du TFUE

12. Exonérer de TGAP La Réunion pour 5 ans, la Guadeloupe et la Martinique pour 7 ans et la Guyane et Mayotte pour 10 ans.

13. Créer une part additionnelle à la taxe de séjour au profit des EPCI en charge de la gestion des déchets.

14. Renforcer les plateformes multifilières REP dans les outre-mer en les imposant dans les cahiers des charges.

15. Expérimenter dans les outre-mer un mécanisme incitatif de pénalités pour les éco-organismes n'atteignant pas des objectifs chiffrés définis pour chaque territoire.

16. Habiliter les outre-mer à adopter leurs propres normes en matière d'interdiction de mise sur le marché, de consigne ou de réemploi.

17. Soutenir et étendre les déchetteries mobiles dans tous les outre-mer.

18. Développer les dispositifs de gratification directe du tri pour développer la collecte sélective dans les zones les plus défavorisées ou éloignées, en partenariat avec les éco-organismes et les collectivités.

19. Dans les outre-mer, abaisser à une tonne le seuil à partir duquel le coût du nettoiement d'un dépôt sauvage est pris en charge par les éco organismes.

20. Créer des polices municipales intercommunales dans tous les EPCI outre-mer pour lutter contre les dépôts sauvages.

21. Dans les zones très isolées, développer les « éco-carbets » et des méthodes innovantes de collecte sélective avec gratification du tri.

22. Soutenir la valorisation énergétique des déchets dans les outre-mer, notamment en obtenant de la commission de régulation de l'énergie (CRE) un cadre clair, pérenne et favorable au prix de rachat de l'électricité ainsi produite.

23. Pour permettre de développer une stratégie régionale de gestion des déchets :
- Faire application de l'article 349 du TFUE pour obtenir l'adaptation du règlement européen sur les transferts de déchets, en cours de révision, aux contraintes particulières des outre-mer ;
- Ouvrir des discussions dans le cadre de la convention de Bâle afin de conclure des accords régionaux pour le traitement des déchets des outre-mer français.

24. Accélérer sur la création de filières locales de valorisation :

- en créant une plateforme de partage des expériences ultramarines ;

- en renforçant la défiscalisation ;

- en structurant des éco pôles de la valorisation à proximité des centres de tri multifilières ;

- en rendant obligatoire pour tous les éco-organismes agréés la réalisation d'études sur les solutions locales de traitement dans les outre-mer ;

- en soutenant la recherche et l'innovation en faveur de filières industrielles miniaturisées.

25.  Augmenter et simplifier l'aide au fret , en particulier pour les liaisons entre les outre-mer français.

26. . Réaliser pour chaque territoire une étude d'opportunité et de faisabilité sur la création d'une installation de stockage de déchets dangereux (ISDD) ou d'équipements de traitement de ces déchets.

EXAMEN EN DÉLÉGATION

M. Stéphane Artano, président . - Mes chers collègues, nous examinons ce matin les conclusions de nos rapporteures Gisèle Jourda et Viviane Malet, sur la gestion des déchets dans les outre-mer.

Avant de leur céder la parole, je voudrais saluer l'ampleur et la qualité du travail accompli par nos collègues ainsi que les enjeux très importants de leur rapport. Je vous livre d'abord quelques éléments qui témoignent du sérieux de leurs travaux. Cette étude a donné lieu précisément à 58 auditions, soit plus de 92 heures d'auditions et 158 personnes entendues.

Elle a également occasionné trois déplacements - à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et Miquelon. L'état des lieux a été complété par des tables rondes géographiques sur la Guyane, les Antilles, le Pacifique et même les Terres australes et antarctiques françaises !

Pour le présent rapport, comme à l'accoutumée, tous les comptes rendus des auditions seront annexés au rapport d'information dont la retranscription représente quelque 200 pages, ce qui continuera à éclairer et enrichir ce dossier complexe et d'une grande acuité.

Je tiens en effet à insister sur les enjeux fondamentaux de cette étude.

Nous constatons tous la progression du fléau insidieux que représente l'accumulation sur nos territoires de déchets liés à l'évolution des modes de production et de consommation. Face à un flux croissant qui défigure les paysages, altère les conditions de vie et détruit la biodiversité, je crois que cette étude propose des moyens d'action réalistes aux acteurs publics et privés des différents territoires afin de faire face à l'urgence sanitaire et environnementale.

Pour suivre commodément les présentations de nos rapporteures, plusieurs supports vous ont été distribués : une note de synthèse du rapport sous forme d'un « Essentiel », la liste des recommandations, et pour la première fois pour notre délégation, un tableau de mise en oeuvre et de suivi. Ce dernier est l'application de l'une des recommandations du « groupe de travail Gruny », qui nous demande désormais de flécher l'autorité qui sera responsable de la mise en oeuvre de chaque recommandation qu'elle émane d'une commission ou d'une délégation ; de préciser le support juridique nécessaire (loi, règlement, décret, etc.) ; et le calendrier de réalisation souhaitable.

Dans l'esprit du groupe de travail Gruny qui a préconisé une meilleure coordination des travaux du Sénat, je tiens à saluer aussi la participation à nos auditions des membres du groupe d'études sur l'économie circulaire, et en particulier celle de sa présidente Marta de Cidrac, ainsi que sa contribution écrite au rapport final. Je suis convaincu que cette collaboration que nous inaugurons permettra de nourrir les prochains travaux législatifs du Sénat sur ce sujet.

Je vous propose sans plus tarder de céder la parole aux rapporteures et en premier lieu à notre collègue Viviane Malet.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Monsieur le président, mes chers collègues.

Nous parvenons au terme de cette mission très riche avec de nombreuses auditions, près de 160 personnes auditionnées ou rencontrées et trois territoires visités : Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte et La Réunion.

Ces travaux ont confirmé la pertinence de ce sujet. La gestion des déchets est en effet un service public essentiel, au coeur du quotidien des populations - au même titre que l'eau ou l'assainissement - et sans lequel il ne peut y avoir de développement harmonieux et digne. Cette réalité est vérifiée chaque jour. La question des déchets anime en permanence l'actualité des outre-mer. Il n'y a pratiquement pas un jour sans que la presse régionale ultramarine se fasse l'écho d'un dépôt sauvage, d'une initiative citoyenne, des projets innovants ou des problèmes de collecte ou de traitement des déchets.

De plus, la société civile est de moins en moins tolérante. La prise de conscience monte et les collectifs citoyens se mobilisent de plus en plus. Il y a une vraie crainte pour le cadre de vie, l'environnement. Le sentiment est que nous sommes en train d'abîmer nos territoires.

Le rapport s'est concentré sur les spécificités ultramarines, et non sur la politique des déchets en général, avec une attention particulière pour les déchets ménagers.

Le constat est simple. C'est celui d'un retard majeur des outre-mer en matière de gestion des déchets. Tous les territoires sont concernés, bien qu'à des degrés divers. Un chiffre pour illustrer ce décalage : en métropole, environ 15 % des déchets ménagers finissent dans les centres d'enfouissement, 85 % étant valorisés. Dans les outre-mer, le rapport est inversé. Le taux d'enfouissement est écrasant, le taux de valorisation faible et la valorisation énergétique quasi nulle. En Martinique qui est le territoire ultra-marin qui enfouit le moins, ce taux d'enfouissement est de 40 % environ en 2020, quand les autres se situent entre 60 et 80 %, voire près de 100 % à Mayotte. Sur la collecte sélective, les ratios sont aussi très faibles par rapport à l'Hexagone. Les emballages ménagers ont des taux 3 à 4 fois inférieurs, voire 20 fois comme à Mayotte.

D'autres filières REP sont même absentes de certains territoires ou viennent juste de s'y implanter, comme par exemple la filière « Ameublement » à Mayotte ou en Guyane. En Guadeloupe, elle est présente depuis 2021, contre 2012 dans l'Hexagone. Pour rappel, les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) ont démarré bien plus tard dans les outre-mer, alors que les écocontributions ont été versées dès leur mise en place, notamment par les metteurs en marché situés dans l'Hexagone et desservant les outre-mer. Pour prendre l'exemple des emballages ménagers, la collecte sélective a commencé dans l'Hexagone en 1992, à La Réunion en 2003, dans les Antilles en 2010, à Mayotte en 2013 et en Guyane en 2015.

Les éco-organismes ont longtemps négligé les outre-mer car cela coûtait trop cher et c'était compliqué. D'autres facteurs expliquent ce retard des filières REP. L'hétérogénéité des territoires n'a pas assez été prise en compte et les stratégies sur-mesure ont peiné à sortir de terre. Ainsi, les cahiers des charges ne sont pas toujours adaptés aux outre-mer qui ont des gisements de déchets réduits. Enfin, les contraintes communes aux outre-mer ont aussi pesé sur les éco-organismes : manque d'infrastructures de base comme des déchetteries, gisements faibles, exportations compliquées, foncier rare, prestataires peu nombreux ...

Ce n'est que depuis 3 ou 4 ans, et surtout depuis l'adoption de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire dite loi AGEC, largement amendée par le Sénat, que les éco-organismes se penchent sérieusement sur ces territoires. Une nouvelle dynamique est là, il faut le dire, même si elle peine encore à produire des effets marquants en matière de taux de collecte. Les éco-organismes commencent à travailler ensemble, grâce à des plateformes multifilières impulsées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

La loi AGEC contraint aussi tout éco-organisme à élaborer et à mettre en oeuvre un plan de prévention et de gestion des déchets dans chaque territoire, afin que les performances de collecte rejoignent la moyenne nationale dans les trois ans qui suivent la mise en oeuvre du plan. Enfin, le barème de prise en charge par les éco-organismes des coûts supportés par le service public de gestion de déchets est majoré. Le cahier des charges prévoit ainsi des majorations variant d'un facteur de 1,5 à 2,2 selon les territoires.

Un autre point saillant est la part importante des flux qui échappe à la collecte. Leur estimation est par définition difficile, d'autant plus que les données disponibles sont souvent imparfaites. Les douanes sont peu coopératives pour donner des chiffres sur les importations de certains produits. En Guyane et à Mayotte, les quartiers informels peuvent représenter jusqu'à 41 % de la population. Le service de collecte n'y va pas et les habitants ne contribuent pas au service public.

Enfin, il y a le fléau des dépôts sauvages. Jusqu'à 1 200 recensés à La Réunion par exemple par l'ARS. Plus de 300 en Martinique. Et pour les VHU abandonnés, le stock historique estimé à 65 000 en 2015 n'aurait diminué que d'un tiers sept ans après, malgré un plan spécial.

Ce tableau des défaillances et retards de la gestion des déchets outre-mer place ces territoires dans des situations d'urgence environnementale, mais aussi et surtout d'urgence sanitaire. Le constat est alarmant en Guyane et à Mayotte. À Mayotte, des enfants jouent dans les dépotoirs comme nous avons pu le constater avec Gisèle Jourda. Cela semble inimaginable dans la République française, et pourtant ce n'est que la stricte réalité. Cette situation exige d'en faire une cause nationale. Un exemple très concret de conséquences sanitaires graves: la leptospirose, qui peut être mortelle, est nettement favorisée par l'abandon de déchets et la prolifération des rats. En Guyane, son taux de prévalence est 70 fois supérieur à celui de la France hexagonale.

Il y a aussi le problème des anciennes décharges illégales qui peuvent polluer les sols et l'eau très longtemps après leur fermeture. Un suivi est nécessaire. À La Réunion, des cas de saturnisme auraient été détectés dans des habitats défavorisés situés à proximité d'anciennes zones de dépôt de batteries. Les anciennes décharges littorales qui présentent des risques de relargage en mer font en revanche l'objet d'un plan national de réhabilitation qui est à saluer. 14 de ces décharges sur 55 se situent outre-mer.

Sur le volet sanitaire, j'évoquerai aussi rapidement la situation particulière de Saint-Pierre-et-Miquelon à propos de l'élimination des pièces anatomiques d'origine humaine (PAOH). Les PAOH doivent être normalement incinérés. Lorsqu'il n'existe pas d'incinérateur, un autre système doit être mis en place. En Guyane, ces déchets sont enfouis par des sociétés funéraires. Le préfet de Guyane a émis un arrêté pour permettre cet enfouissement dérogatoire. Mais à Saint-Pierre-et-Miquelon, où aucun incinérateur n'est en fonctionnement, aucune solution légale n'a pu être trouvée jusqu'à présent. Lors du déplacement, nous avons constaté cette grave carence. Plusieurs pistes existent néanmoins. L'enfouissement, dans des conditions contrôlées, comme en Guyane. Une seconde piste, qui fut proposée par un entrepreneur local, est l'aquamation. C'est un nouveau procédé qui n'est pas autorisé en France. Dans tous les cas, il y a urgence à trouver une solution pour ces pièces anatomiques, le brûlage « sauvage » étant la pire.

Les enjeux environnementaux sont forts sans qu'il soit besoin d'en dire plus, tant ils sont évidents. Pour rappel, les outre-mer hébergent 80 % de la biodiversité française. Cela appelle un effort national à la hauteur de la responsabilité de la France pour défendre sa biodiversité. Mais c'est aussi un enjeu économique, notamment pour le développement touristique.

En conclusion, très clairement, la cote d'alerte est atteinte, voire dépassée dans certains territoires. Toutefois, ce panorama général ne doit pas masquer des différences importantes entre les outre-mer. Un état des lieux a été fait territoire par territoire. Les différences concernent aussi bien la gouvernance, les modes de financement, le cadre légal, les performances... La situation de chacun pourrait être résumée ainsi.

Mayotte et la Guyane sont en urgence absolue. Tout reste à construire. À titre d'exemple, il n'y a pas de déchetteries à Mayotte, et seulement deux en Guyane pour un territoire grand comme le Portugal. Les taux de collecte sont les plus faibles et la population croit à une vitesse affolante. L'habitat informel rend très difficile la collecte. À Mayotte, le seul point fort est l'existence d'une installation de stockage aux normes qui dispose d'une capacité de stockage pour encore une quinzaine d'années au rythme actuel, voire moins. Cela laisse un peu de temps pour déployer une politique qui inversera les tendances. En Guyane, les installations sont aussi très limitées et les installations de stockage sont proches de la saturation. La taille du territoire complique aussi l'organisation de la collecte.

La Guadeloupe, la Martinique et la Polynésie française sont sur une ligne de crête et ne parviennent pas à accélérer. L'urgence est gérée, pas au-delà. Le cas de la Martinique est particulier. Seul département et région d'outre-mer (DROM) à s'être doté tôt d'une unité d'incinération, la Martinique n'est pas parvenue à capitaliser sur cet acquis pour déployer une politique plus ambitieuse. Pire, l'incinérateur a vieilli faute d'investissement et connaît de nombreux arrêts techniques qui se répercutent sur l'ensemble de la chaîne de traitement des déchets. En 2016, l'enfouissement était le troisième mode de traitement. En 2020, il est devenu le premier, malgré un tonnage de déchets en baisse du fait du recul démographique.

Wallis-et-Futuna est en train de bouger avec un vrai essor du tri sélectif, grâce à l'écotaxe. Les dépotoirs sauvages sont en voie de résorption. L'éloignement complique naturellement la gestion, en particulier pour les exportations qui ne peuvent se faire au fil de l'eau.

La Réunion et la Nouvelle-Calédonie sont davantage engagées vers un changement de modèle, avec de meilleures infrastructures, en particulier à La Réunion avec de grands projets en construction. Pour La Réunion un des grands défis sera celui des déchets dangereux. L'arrêt complet de l'exportation de ces déchets pendant plus d'un an a embolisé le système de collecte. La prise de conscience de cette fragilité a été forte. À long terme, l'enjeu est de gérer localement une part croissante des déchets dangereux, soit en recyclage, soit en stockage.

Saint-Barthélemy est à part avec une gestion moderne, mais une absence de prévention et des volumes records par habitant.

Saint-Martin enfouit la quasi-totalité des déchets et doit coopérer avec la partie néerlandaise. Le cyclone Irma a également profondément désorganisé le service.

Saint-Pierre-et-Miquelon est le bon élève de la prévention et du tri, mais est complètement défaillant sur le traitement, avec des décharges littorales illégales qui brûlent à ciel ouvert. Pire, à chaque coup de mer, des tonnes de déchets partent dans la baie de Saint-Pierre.

De manière générale, il faut souligner la fragilité financière du service public des déchets. Le coût de gestion outre-mer est en moyenne 1,7 fois plus élevé qu'en métropole. Par ailleurs, les recettes rentrent mal. Les taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) sont déjà très élevés (près du double de la moyenne nationale). Surtout, la TEOM est perçue avec la taxe foncière, hors cette taxe est souvent très mal collectée, notamment en raison du cadastre défaillant. Beaucoup de syndicats mixtes sont financièrement exsangues. La TEOM incitative n'a encore été mise en oeuvre nulle part, même à La Réunion où des études ont été réalisées. Ma crainte principale est qu'elle incite surtout les usagers à se débarrasser de leurs déchets ou à les brûler au fond du jardin.

Je terminerai ce bilan en évoquant l'action de l'État. L'ADEME, qui en est le fer de lance, est appréciée et saluée. De vrais partenariats se nouent avec les territoires pour financer des équipements, élaborer et déployer des plans et monter en compétence. Côté financement, plusieurs dispositifs existent. Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) bien sûr qui est plébiscité en raison de sa souplesse. Il y a surtout les fonds gérés par l'ADEME, en particulier le fonds « économie circulaire ». En 2021, 39 millions d'euros d'aides ont été versés dans les outre-mer sur des projets liés à l'économie circulaire et aux déchets. L'effet de levier est important, car ces aides permettent la réalisation de projets représentant environ le triple d'investissements. Ces crédits sont attribués dans le cadre des contrats de convergence et de transformation.

On observe néanmoins que le montant total des aides allouées outre-mer varie beaucoup d'une année sur l'autre, certains grands projets comme celui d'Ileva à La Réunion en mobilisant la moitié. Sans ce projet, les montants d'aides sont plus proches de 20 millions d'euros par an.

Enfin, il y a les aides européennes, essentielles, mais dont la complexité est comme toujours pointée. Par ailleurs, une inquiétude monte à propos de la pérennité de ces aides. En effet, l'Union européenne est désormais pleinement engagée vers une stratégie d'économie circulaire et s'est fixée des objectifs très ambitieux, qui sont hors d'atteinte pour les outre-mer. La crainte est donc qu'à terme, le versement des aides puisse être remis en cause au motif que les plans et les résultats ne sont pas en ligne avec les objectifs européens de recyclage, de valorisation et de réduction.

Mes chers collègues, le défi pour les outre-mer est donc double. D'une part, gérer l'urgence avec des actions rapides et des investissements structurants « classiques ». D'autre part, s'engager sur la voie de l'économie circulaire, qui est souvent un chemin plus long, bien que plus durable.

L'équilibre est difficile à trouver. Les 26 propositions du rapport s'y efforcent.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Dans notre rapport, nous formulons pour répondre aux défis que Viviane Malet vient de vous exposer 26 propositions. Je les évoquerai toutes, en insistant sur une dizaine d'entre elles.

L'urgence donc, c'est d'abord des plans de rattrapage exceptionnels et un puissant ballon d'oxygène financier pour ces territoires. L'effort doit porter aussi bien sur l'investissement que sur le fonctionnement, trop souvent négligé par les dispositifs d'aides. Pour investir, nous proposons donc un plan exceptionnel de 250 millions d'euros sur 5 ans, en plus des financements existants. Un plan Marshall pour Mayotte et la Guyane, et même un « plan Marshall XXL » oserais-je dire. Très clairement, il s'agit de doter ces territoires d'un vrai réseau de déchetteries, de centres de tri et d'unité de valorisation énergétique. Les centres d'enfouissement seront aussi mis aux normes.

Autre mesure forte : l'exonération de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour 5 à 10 ans. Cette taxe est en effet injuste et inefficace outre-mer. Ma collègue Viviane Malet en parlerait mieux que moi, car elle en a fait son cheval de bataille. Encore cette année, elle a défendu et fait adopter des amendements pour alléger le poids de cette taxe qui plombe les budgets de fonctionnement. Cette taxe est quasi-unanimement contestée. Les auditions l'ont encore montré. Elle a été plusieurs fois rabotée pour soulager les outre-mer. Pourtant, malgré ces réfactions, la TGAP représente déjà 16 % de certains budgets de fonctionnement et si rien n'est fait, elle va doubler d'ici 4 ans.

Cette exonération pour 5, 7 ou 10 ans selon les territoires permettrait d'alléger massivement et immédiatement les dépenses de fonctionnement des syndicats mixtes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Cela permettra de renforcer l'ingénierie en recrutant, de renforcer la collecte, la prévention, la communication et de réinvestir. En 2020, la TGAP a coûté 17 millions d'euros. Sur 5 ans, c'est donc près de 100 millions d'euros réinjectés pour les déchets dans les seuls DROM.

En matière de financement, nous proposons aussi de baisser de 8 à 3% les frais de gestion perçus par l'État sur la TEOM dans les outre-mer. Nous estimons en effet que le recouvrement médiocre de la TEOM est en grande partie imputable à l'État qui ne modernise pas le cadastre. Dans les communes touristiques, une taxe additionnelle sur la taxe de séjour pourrait aussi compléter les recettes.

Dans les collectivités d'outre-mer, le modèle de l'écotaxe wallisienne, qui alimente un système de gratification du tri des déchets, est très intéressant et pourrait être repris par d'autres collectivités d'outre-mer. Dans les DROM, si l'octroi de mer devait être revu à moyen terme, l'intégration d'une forme d'écotaxe mériterait d'être étudiée.

Sur la gouvernance, il est ressorti des travaux un manque de vision globale dans certains territoires, avec plusieurs acteurs en charge du traitement. Aussi bien dans certains DROM que dans les collectivités d'outre-mer, même si les organisations diffèrent dans chaque territoire, il faut aller vers un opérateur unique pour assurer le traitement.

Dans les DROM, un seul syndicat mixte serait la bonne solution, comme cela existe en Martinique ou à Mayotte, indépendamment des difficultés propres de ces établissements. En Polynésie, le pays doit récupérer la compétence assumée par des communes dépourvues de moyens. En Nouvelle-Calédonie, il faut simplifier le millefeuille gouvernement-provinces-communes. Il manque aussi une meilleure coordination. Dans les DROM, la région est en charge d'élaborer le plan régional de prévention et de gestion des déchets. Mais ensuite, il n'y a pas de réel suivi, de coordination et de pilotage régulier, au plus près. Le comité de suivi du plan doit devenir une véritable instance de pilotage et de coordination, surtout sur des territoires insulaires.

Un autre aspect qui entrave une gouvernance efficace est la faiblesse des données. Cet état de fait n'est pas propre aux outre-mer, comme le relève un récent rapport de la Cour des comptes, mais il y est exacerbé. Deux propositions pourraient contribuer à améliorer la qualité des données :

- une meilleure coopération des douanes, qui refusent de transmettre des données clés sur les gisements ;

- et la création d'observatoires régionaux des déchets dans chaque territoire.

Reste enfin le problème de l'ingénierie et de l'expertise. Ce problème dépasse largement notre rapport. Les conséquences concrètes sont bien connues, comme l'a encore montré cette année le rapport de la Cour des comptes : sous-consommation des crédits, manque de projets... C'est pourquoi, afin que le plan exceptionnel de 250 millions d'euros sur 5 ans soit réellement consommé, nous proposons que dans chaque territoire, des « plateformes de projets » regroupant l'ingénierie de l'État et des collectivités soient créées. Pour que cela fonctionne, il faut que ces plateformes ciblent un nombre restreint de projets, les plus structurants et les plus complexes. D'autres mesures sont proposées comme un guichet unique pour les collectivités ou le renforcement du « fonds outre-mer », géré par l'Agence française du développement (AFD) et dédié à l'ingénierie, qui a montré son efficacité.

S'agissant des éco-organismes, comme l'a relevé Viviane Malet, ils commencent seulement à s'investir sérieusement dans nos territoires. Après tant de retard, le temps des obligations de résultat est venu. Nous proposons donc, si des résultats ne viennent pas cette année, d'expérimenter des pénalités automatiques pour les éco-organismes n'atteignant pas des objectifs chiffrés. Il faut également que les cahiers des charges des filières REP prennent mieux en compte les outre-mer. C'est encore insuffisant. Les éco-organismes doivent y mutualiser leurs moyens et non pas agir chacun dans leur couloir. Les cahiers des charges doivent l'imposer.

Les propositions que je viens de vous exposer visent à insuffler une nouvelle dynamique avec plus de financements, une meilleure gouvernance, de l'ingénierie et des éco-organismes investis. Elles doivent doter les acteurs du déchet des moyens d'agir.

La seconde série de propositions concerne plutôt les stratégies à déployer pour entamer un virage vers plus d'économie circulaire dans le contexte particulier des outre-mer.

Premier point important : il faut adapter la réglementation. Les objectifs de collecte et de traitement sont très largement calqués sur ceux de l'Hexagone et de l'Union européenne. De même pour les règles relatives au transfert des déchets. Or cette réglementation n'a pas été conçue pour des territoires insulaires, isolés, parfois très éloignés d'un État membre de l'OCDE. Elle ne tient pas compte non plus du retard pris par les outre-mer. Elle ne facilite pas la coopération régionale entre des îles très proches, mais au statut politique différent. Il faut donc adapter la législation dans tous ces domaines aux spécificités de nos outre-mer. L'impact pour l'Europe sera minime, mais pour nos territoires, il sera énorme. Cela implique une action résolue du Gouvernement à Bruxelles.

À cet égard, s'agissant des biodéchets, pour lesquels l'obligation de proposer une solution de tri à la source entrera en vigueur au 1 er janvier 2024, sa mise en oeuvre sera très compliquée, voire impossible dans ces délais. Sans compter que le climat tropical n'autorise pas des stockages longs en bac. Le principe de réalité commanderait donc de repousser l'échéance. Toutefois, des dynamiques se mettent en place sur les territoires. Un report pourrait les casser, alors même que les biodéchets sont un gisement facilement mobilisable pour réduire le poids des déchets collectés. Il est plus aisé de gérer un composteur ou un méthaniseur que de créer une filière industrielle de recyclage du plastique ou de déchets dangereux. Nous ne proposons donc pas de modifier les délais.

En revanche, pour adapter la réglementation aux territoires, une proposition serait d'habiliter les outre-mer, à titre expérimental, à fixer leurs propres normes en matière d'interdiction de mise sur le marché de certains produits, de réemploi ou de consigne. La consigne sur le verre peut ainsi avoir un grand avenir, comme à La Réunion. La réglementation est un levier à mieux exploiter. Elle doit soutenir la prévention en réduisant ou supprimant certains produits particulièrement difficiles à traiter sur ces territoires. Par exemple, des systèmes de consigne sur les batteries seraient intéressants à expérimenter pour qu'elles cessent de finir au bord des routes ou dans les ravines.

Lors des auditions, les cas des territoires isolés ou les plus défavorisés sont fréquemment revenus. Une piste prometteuse serait de développer les dispositifs de gratification du tri. Les expériences de Mayotte ou de Wallis-et-Futuna sont très encourageantes. À Mayotte, un projet innovant a en effet été mis en place par la société LVD Environnement Mayotte, avec le soutien de Citéo. L'idée part du constat que le tri sélectif ne fonctionne pas à Mayotte, en particulier dans les quartiers informels. Les points d'apport volontaire sont éloignés, insuffisants et très vite dégradés. Le geste du tri n'a pas été approprié par la population.

Enfin, la collecte en porte-à-porte est limitée par les difficultés d'accès (pas ou peu de routes carrossables). Une collecte alternative a donc été imaginée à titre expérimental. Le principe est double : s'appuyer sur les commerces de proximité des quartiers, les doukas (épicerie de quartier offrant une diversité de services) et gratifier le tri.

En dix mois, avec huit points de collecte seulement, 11 tonnes de déchets plastiques (les bouteilles en PET essentiellement) ont été récupérées. La récupération des déchets dans les doukas se fait une fois par semaine. La gratification consiste à offrir des récompenses, en particulier des produits sanitaires (savons, couches, serviettes hygiéniques), aux apporteurs à partir de 5 kg. Des cartes de fidélité sont aussi distribuées, avec une gratification au bout de 15 passages. L'objectif est d'étendre le réseau de collecte et d'atteindre une centaine de tonnes d'ici trois ans, sachant que le gisement est estimé à Mayotte à 1 200 tonnes par an et que le Syndicat intercommunal de valorisation et d'élimination des déchets de Mayotte (SIDEVAM) n'en récupère à ce jour qu'une quarantaine. À plus long terme, LVD Environnement travaille à développer une filière locale de valorisation avec l'entreprise Mayco pour fabriquer des préformes de bouteille à Mayotte. Le lancement de la première ligne de production pourrait démarrer courant 2023.

Les déchetteries mobiles fonctionnent très bien aussi et doivent être développées. De même, les éco-carbets, sorte de centre d'enfouissement simplifié, ont montré de bons résultats en Guyane dans les villages isolés. Cette expérience pourrait inspirer d'autres projets, par exemple dans les îles polynésiennes les moins accessibles.

Un autre sujet majeur est celui des dépôts sauvages qui sont un fléau. Sur ce point, le constat est que la répression est encore trop faible. La loi était complexe, mais depuis la loi AGEC de 2020, les moyens légaux ont été renforcés et clarifiés. Il est indispensable que tous les EPCI ultramarins se saisissent de ces nouveaux pouvoirs. Des polices municipales intercommunales concentrées sur la lutte contre les dépôts sauvages doivent être créées partout.

Un autre levier possible est celui des éco-organismes. La loi AGEC met à la charge des éco-organismes le coût du nettoiement des dépôts, à partir de 100 tonnes. Vu l'urgence outre-mer, il faut l'abaisser drastiquement, à une tonne par exemple. Le seuil exact peut être discuté.

J'en viens à présent à un point très important qui est celui de la priorité à donner aux filières locales de recyclage. Pendant nos travaux, nous avons constaté un foisonnement de projets. De premières réalisations d'envergure, comme le recyclage du verre et du plâtre à La Réunion, sont opérationnelles. Sur tous les territoires, des projets se développent. Même sur des petits territoires, comme à Wallis-et-Futuna, des projets naissent. Par exemple, pour fondre localement l'aluminium collecté et l'exporter avec cette valeur ajoutée. C'est l'axe majeur à soutenir dans les prochaines années pour sortir de la logique de l'exportation, de moins en moins tenable et durable, et faire des déchets une ressource. La crise de l'exportation des déchets dangereux à La Réunion et à Mayotte ces deux dernières années est un vrai signal d'alarme.

Il n'existe pas de solutions clés en main sur ce sujet qui demandera de la patience et une multitude d'actions, à commencer par un soutien financier aux projets. Mais quelques pistes se dégagent :

- mieux partager les expériences entre les outre-mer pour les dupliquer ;

- renforcer la défiscalisation et les aides à la recherche. Ces projets exigent la réalisation de prototypes, puis des investissements lourds ;

- structurer des éco-pôles autour des centres de tri multifilières, afin de favoriser les synergies et les mutualisations ;

- enfin, fixer aux éco-organismes des objectifs de recyclage local.

Dernier axe fort : les outre-mer ne pourront pas faire l'impasse sur une meilleure valorisation énergétique des déchets. À ce jour, seule la Martinique et Saint-Barthélemy y ont recours. Dans l'Hexagone, cela représente 30 % des déchets ménagers. Ce mode de traitement, qui n'est plus privilégié en Europe, paraît incontournable si on veut réduire rapidement l'enfouissement et valoriser des déchets qui aujourd'hui, en l'état des technologies et des capacités des territoires, ne peuvent pas encore être recyclés.

Pour cela, il faut que la commission de régulation de l'énergie définisse un cadre clair, pérenne et favorable au prix de rachat de l'électricité produite par l'incinération des déchets. L'équilibre économique de ces projets en dépend. Les déchets peuvent compléter le mix énergétique des outre-mer pour tendre vers l'autonomie.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Pour conclure, nos travaux ont mis en lumière l'extrême précarité de certains territoires, et l'urgence à agir pour endiguer la vague de déchets. Comme nous l'avons dit, c'est une cause nationale qui mérite que la solidarité nationale joue pleinement. Les 26 propositions sont aussi concrètes que possibles et appellent des traductions précises, par la loi, le règlement ou des mesures administratives.

Le travail avec le groupe d'études sur l'économie circulaire permettra de faire fructifier certaines d'entre elles, notamment lors des débats en séance publique.

Nous remercions le président Stéphane Artano qui nous a permis de réaliser ce rapport.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - J'aimerais encore insister sur l'urgence qu'il y a à se saisir de ces problématiques. L'urgence sanitaire notamment à Mayotte et en Guyane doit alerter l'État, afin qu'il se mobilise.

Mme Nassimah Dindar . - Je voulais vous remercier pour la qualité de votre travail. Ce rapport est attendu par tous les territoires et revêt une importance capitale, en particulier dans les îles et territoires les plus excentrés de la France métropolitaine. Je souhaiterais que ce rapport soit envoyé à l'ensemble des maires de nos communes, afin de montrer les pistes que nous proposons. Vous avez rencontré la totalité des acteurs concernés par le traitement des déchets, il est important de le faire savoir.

M. Michel Dennemont . - Je vous remercie également pour la qualité du travail que vous avez effectué. Je souhaiterais également que ce rapport soit transmis aux services de l'État, notamment aux directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement, afin de les alerter sur la problématique des déchets et la nécessité de faire aboutir des projets concrets et réalistes. Il y a trop d'idéologie sur ce sujet.

Mme Marta de Cidrac . - Je souhaiterais également pouvoir exprimer la satisfaction du groupe d'études « Économie circulaire » du Sénat, que j'ai l'honneur de présider. Je vous remercie pour l'implication très étroite du groupe d'étude aux travaux de la délégation aux outre-mer. Cette collaboration démontre, s'il en était besoin, la capacité de l'institution sénatoriale à mobiliser ses différentes structures de travail autour d'une thématique commune, dans un souci constant d'amélioration de nos politiques publiques.

Je souscris aux conclusions du rapport d'information, qui illustrent clairement la nécessité d'une approche spécifique aux outre-mer dans la prévention et la gestion des déchets. Le retard alarmant dans le déploiement des politiques d'économie circulaire y emporte des conséquences sanitaires et environnementales dont l'ampleur et la nature sont inconnues du reste du territoire national. Des solutions spécifiques doivent donc être apportées, pour remédier urgemment aux causes identifiées par le rapport d'information : financements insuffisants, carence d'action des éco-organismes, filières locales de recyclage très limitées en raison de l'étroitesse des marchés, prévention quasi-inexistante, gouvernance locale non adaptée, difficultés découlant des exportations de déchets, notamment dangereux...

L'adaptation de la réglementation européenne sur les transferts de déchets, proposée par le rapport, me semble à cet égard particulièrement pertinente. Cette proposition pourra utilement être relayée par la commission des affaires européennes du Sénat.

Je souscris également à la proposition tendant à instaurer un contrôle plus strict des éco-organismes, en activant si nécessaire le régime de sanctions que la loi AGEC a instauré pour améliorer la performance des filières de responsabilité élargie du producteur (REP). À titre expérimental, comme le propose le rapport, des pénalités quasi-automatiques pourraient même être instaurées en cas d'objectifs non atteints, si jamais le dispositif actuel issu de la loi AGEC ne produisait pas rapidement des résultats.

En y regardant de plus près, les outre-mer ont également beaucoup à nous apprendre sur les orientations que notre politique nationale de prévention et de gestion des déchets pourrait ou devrait prendre. Faire des territoires ultra-marins des laboratoires de l'économie circulaire : voilà une belle ambition, qui avait déjà irrigué les travaux sénatoriaux sur la loi AGEC !

La mise en place en outre-mer d'une « prime au retour » afin d'inciter les détenteurs de VHU à remettre leur véhicule à la filière légale - permise, à notre initiative, « si elle permet d'accompagner l'efficacité de la collecte » - constitue par exemple une innovation très intéressante qui pourra utilement être évaluée dans la perspective de son éventuelle extension à d'autres parties du territoire national.

Je forme le voeu que l'ensemble des propositions formulées par le rapport puisse trouver une traduction adéquate, le cas échéant législative. Engagé dans un travail régulier d'évaluation de la loi AGEC, le groupe d'études « Économie circulaire » s'appuiera à cet égard sur ces travaux pour préparer les prochaines échéances législatives qui mobiliseront, à plus ou moins brève échéance, le Parlement sur les thématiques relatives à la prévention et à la gestion des déchets.

Je vous remercie de nouveau de nous avoir associés à ces travaux.

CONTRIBUTION DE MARTA DE CIDRAC,
PRÉSIDENTE DU GROUPE D'ÉTUDES SÉNATORIAL « ÉCONOMIE CIRCULAIRE »

Le groupe d'études « Économie circulaire » du Sénat, que j'ai l'honneur de présider, se réjouit d'avoir pu participer étroitement aux travaux de la délégation aux outre-mer. Cette collaboration démontre, s'il en était besoin, la capacité de l'institution sénatoriale à mobiliser ses différentes structures de travail autour d'une thématique commune, dans un souci constant d'amélioration de nos politiques publiques.

Je souscris aux conclusions du rapport d'information, qui illustrent clairement la nécessité d'une approche spécifique aux outre-mer dans la prévention et de la gestion des déchets. Le retard alarmant dans le déploiement des politiques d'économie circulaire y emporte des conséquences sanitaires et environnementales dont l'ampleur et la nature sont inconnues au reste du territoire national. Des solutions spécifiques doivent donc être apportées, pour remédier urgemment aux causes identifiées par le rapport d'information : financements insuffisants ; carence d'action des éco-organismes ; filières locales de recyclage très limitées en raison de l'étroitesse des marchés ; prévention quasi-inexistante ; gouvernance locale non adaptée ; difficultés découlant des exportations de déchets, notamment dangereux...

L'adaptation de la réglementation européenne sur les transferts de déchets, proposée par le rapport, me semble à cet égard particulièrement pertinente. Cette proposition pourra utilement être relayée par la commission des affaires européennes du Sénat.

Je souscris également à la proposition tendant à instaurer un contrôle plus strict des éco-organismes, en activant si nécessaire le régime de sanctions que la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi « AGEC ») a instauré pour améliorer la performance des filières de responsabilité élargie du producteur (REP). À titre expérimental, comme le propose le rapport, des pénalités quasi-automatiques pourraient même être instaurées en cas d'objectifs non atteints, si jamais le dispositif actuel issu de la loi « AGEC » ne produisait pas rapidement des résultats.

En y regardant de plus près, les outre-mer ont également beaucoup à nous apprendre sur les orientations que notre politique nationale de prévention et de gestion des déchets pourrait ou devrait prendre. Faire des territoires ultra-marins des laboratoires de l'économie circulaire : voilà une belle ambition, qui avait déjà irrigué les travaux sénatoriaux sur la loi « AGEC » !

La mise en place en outre-mer d'une « prime au retour » afin d'inciter les détenteurs de véhicules hors d'usage (VHU) à remettre leur véhicule à la filière légale -- permise, à notre initiative, « si elle permet d'accompagner l'efficacité de la collecte » -- constitue par exemple une innovation très intéressante qui pourra utilement être évaluée dans la perspective de son éventuelle extension à d'autres parties du territoire national.

Je forme le voeu que l'ensemble des propositions formulées par le rapport puisse trouver une traduction adéquate, le cas échéant législative. Engagé dans un travail régulier d'évaluation de la loi « AGEC », le groupe d'études « Économie circulaire » s'appuiera à cet égard sur ces travaux pour préparer les prochaines échéances législatives qui mobiliseront, à plus ou moins brève échéance, le Parlement sur les thématiques relatives à la prévention et à la gestion des déchets.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

Objet (formulation synthétique)

Acteurs concernés

Support

Mise en application

1

Lancer des plans de rattrapage exceptionnels, voire des plans Marshall pour Mayotte et la Guyane : débloquer au minimum 250 millions d'euros sur 5 ans pour réaliser les équipements prioritaires et structurants, en plus des aides actuelles de l'État et en les inscrivant dans les prochains contrats de projet.

Gouvernement

Parlement

Loi de finances

Convention

2023-2028

2

Produire des données fiables sur les déchets :

- en créant dans chaque outre-mer un observatoire régional des déchets adossé à l'autorité en charge de la planification ;

- en obtenant des douanes la transmission régulière des chiffres des importations pour mieux évaluer les gisements

Régions

EPCI

syndicats mixtes

Ministère de l'économie et des finances

Mesures administratives
bonnes pratiques

Circulaires,

Si blocage modification réglementaire

2023-2024

3

Simplifier la gouvernance dans chaque département et région d'outre-mer en transférant à un opérateur unique le traitement des déchets ménagers.

EPCI

Syndicats mixtes

Mesure administrative

Délibération des EPCI

2024

4

En Polynésie française, transférer au pays la compétence « traitement des déchets ménagers ».

Gouvernement

Parlement

En accord avec le pays

Loi organique

2024

5

En Nouvelle-Calédonie, transférer des provinces au territoire la compétence de gestion des déchets.

Gouvernement

Parlement

En accord avec la Nouvelle-Calédonie

Loi organique

2024

6

Faire de la commission consultative d'élaboration et de suivi (CCES) du plan régional de prévention et de gestion des déchets, une véritable instance de coordination et de pilotage de la politique des déchets sur chaque territoire.

Régions

EPCI

Syndicats mixtes

Eco-organisme

Bonnes pratiques

2023

7

Lever le verrou de l'ingénierie :

- en augmentant fortement les crédits du fonds outre-mer ;

- en créant dans les préfectures un guichet unique pour les collectivités demanderesses d'un appui technique ;

- en mutualisant sur les projets structurants et prioritaires les ressources en ingénierie de l'État et des collectivités dans le cadre de « plateforme de projet ».

Gouvernement

Parlement

Gouvernement

Gouvernement, régions, EPCI, syndicats mixtes

Loi de finances

Mesures administratives
bonne pratique

Mesures administratives

2023

8

Renforcer la représentation des outre-mer au sein des instances nationales des déchets, comme le conseil national de l'économie circulaire et la commission inter-filières REP.

Gouvernement

Décret

2023

9

Améliorer le taux de recouvrement de la taxe foncière dont dépend celui de la TEOM et baisser de 8 à 3 % les frais de gestion perçus par l'État sur la TEOM.

Gouvernement

Parlement

Mesures administratives

Loi

2024

10

Augmenter les crédits du FEI et flécher vers ce fonds le produit territorialisé de la TGAP.

Gouvernement

Parlement

Décret

Loi de finances

2024

11

Faire du secteur des déchets et de l'économie circulaire un des champs prioritaires d'adaptations des normes et des aides européennes aux spécificités des RUP, conformément à l'article  349 du TFUE

Union européenne

Gouvernement

Règlements européens

Directives

2023-2024

12

Exonérer de TGAP La Réunion pour 5 ans, la Guadeloupe et la Martinique pour 7 ans et la Guyane et Mayotte pour 10 ans.

Gouvernement

Parlement

Loi de finances

2023-2024

13

Créer une part additionnelle à la taxe de séjour au profit des EPCI en charge de la gestion des déchets.

Gouvernement

Parlement

Loi

2023-2024

14

Renforcer les plateformes multi-filières REP dans les outre-mer en les imposant dans les cahiers des charges

Eco-organismes

Ademe

Mesures administratives

2023

15

Expérimenter dans les outre-mer un mécanisme incitatif de pénalités pour les éco-organismes n'atteignant pas des objectifs chiffrés définis pour chaque territoire.

Gouvernement

Parlement

Loi

2024

16

Habiliter les outre-mer à adopter leurs propres normes en matière d'interdiction de mise sur le marché, de consigne ou de réemploi.

Régions

Gouvernement

Délibérations

Loi d'habilitation

2023

17

Soutenir et étendre les déchetteries mobiles dans tous les outre-mer.

Ademe

EPCI, syndicats mixtes, régions

Eco-organismes

Mesures administratives

Bonnes pratiques

2023

18

Développer les dispositifs de gratification directe du tri pour développer la collecte sélective dans les zones les plus défavorisées ou éloignées, en partenariat avec les éco-organismes et les collectivités.

Eco-organismes

EPCI, syndicats mixtes

Mesures administratives

Bonnes pratiques

2023

19

Dans les outre-mer, abaisser à une tonne le seuil à partir duquel le coût du nettoiement d'un dépôt sauvage est pris en charge par les éco-organismes.

Gouvernement

Décret

2023

20

Créer des polices municipales intercommunales dans tous les EPCI outre-mer pour lutter contre les dépôts sauvages

EPCI

Mesures administratives

2023

21

Dans les zones très isolées, développer les « éco-carbets » et des méthodes innovantes de collecte sélective avec gratification du tri.

Ademe

EPCI

Eco-organismes

Mesures administratives

2023

22

Soutenir la valorisation énergétique des déchetsdans les outre-mer, notamment en obtenant de la commission de régulation de l'énergie (CRE) un cadre clair, pérenne et favorable au prix de rachat de l'électricité ainsi produite.

Gouvernement

Commission de régulation de l'énergie

Délibération

2023

23

Pour permettre de développer une stratégie régionale de gestion des déchets :

- Faire application de l'article 349 du TFUE pour obtenir l'adaptation du règlement européen sur les transferts de déchets, en cours de révision, aux contraintes particulières des outre-mer ;

- Ouvrir des discussions dans le cadre de la convention de Bâle afin de conclure des accords régionaux pour le traitement des déchets des outre-mer français.

Union européenne

Gouvernement

Gouvernement

Règlement européen

Convention internationale

2023

2023

24

Accélérer sur la création de filières locales de valorisation :

- en créant une plateforme de partage des expériences ultramarines ;

- en renforçant la défiscalisation ;

- en structurant des éco pôles de la valorisation à proximité des centres de tri multifilières ;

- en rendant obligatoire pour tous les éco-organismes agréés la réalisation d'études sur les solutions locales de traitement dans les outre-mer ;

- en soutenant la recherche et l'innovation en faveur de filières industrielles miniaturisées.

Ademe

Gouvernement

Parlement

EPCI, Régions

Gouvernement

Gouvernement

Bonnes pratiques

Loi de finances

Mesures administratives, bonnes pratiques

Décret

Mesures administratives

2023-2024

25

Augmenter et simplifier l'aide au fret, en particulier pour les liaisons entre les outre-mer français.

Gouvernement

Parlement

Décret

Loi de finances

2023-2024

26

Réaliser pour chaque territoire une étude d'opportunité et de faisabilité sur la création d'une installation de stockage de déchets dangereux (ISDD) ou d'équipements de traitement de ces déchets.

Régions

Mesures administratives

Bonnes pratiques

2023

FICHES DE SYNTHÈSE PAR TERRITOIRE

Guadeloupe

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Nombre de communes/EPCI

Plan régional adopté

Ratio déchetterie/hab

(France : 1 pour 14 000)

DMA/hab/an

(France : 570 kg)

DMA Taux de mise en décharge/val organique et matière

384 000 ?

236

32

6

en 2020

1 pour 42 500

604

77 %

21 %

Chiffres 2017 issus de l'Observatoire des déchets (2018), et chiffres 2016 issus du PRPGD (2020)

ÉTAT DES LIEUX

• Gouvernance : Les communes ont transféré leur compétence collecte et traitement aux EPCI ; le syndicat mixte SYVADE assure le traitement pour Cap Excellence, la CARL et certaines communes de la CANBT.

• Financement : les collectivités financent le SPGD avec la TEOM. Il n'y a à ce jour pas de tarification incitative. La TEOM (51 millions d'euros) couvre 80 % du coût aidé (64 millions d'euros TTC) des déchets en 2017. Le coût aidé par habitant HT est d'environ 170 euros (contre 92 euros pour la France entière).

• Objectifs : valorisation matière et organique de 68 % des déchets non dangereux non inertes en 2026; réduction de près de 90 % des déchets orientés en ISDND en 2026 par rapport à 2010.

• DMA : hausse record en 2017. Objectif 2026 - 10 % par rapport à 2010. Valorisation faible car le tri est insuffisant (collecte pas assez développée et un taux de refus de tri élevé à 39 %).

• Déchets dangereux : environ 32 000 tonnes chaque année. 32 % sont exportés hors du territoire. Ils devront baisser, par rapport à 2016, de 12 % en 2026 et de 16 % en 2032.

• Focus VHU : 375 sites de dépôts sauvages recensés en 2017. Valorisation hors territoire.

• Déchets BTP : Déchets très peu tracés (3 % du gisement estimé). Très peu de filières de traitement de ces déchets (ex : aucune filière pour le plâtre).

• DAE : 19 000 tonnes en 2017, en hausse par rapport à 2013 (+ 50 %). Les DAE accueillis en centres de tri se stabilisent en 2017 (- 1 %, après une hausse de 225 % de 2012 à 2016).

• Économie circulaire : la Guadeloupe a adopté un « Plan régional d'action en faveur de l'économie circulaire » (PRAEC) en 2020. Bilan encore incertain. Accent mis sur le compostage (distribution de 10 000 composteurs dans les 5 ans).

• Filières REP : Elles demeurent fragiles et partielles.

DÉFIS À RELEVER

• Développer la valorisation énergétique : Projet d'UVE pour fin 2023 (projet SINNOVAL). Financement européen à 80 %. Deux autres UVE à l'étude.

• Résorber le gaspillage alimentaire (au moins 10 000 tonnes par an) et mettre en place le tri à la source des biodéchets (obligation légale fin 2023).

• Créer des infrastructures de stockage dédiées aux déchets dangereux et amiantés: il n'y a pas de solution locale de stockage de ces déchets.

• 4 anciennes décharges littorales à résorber (Plan national).

• Le PRPGD insiste sur l'interconnexion des territoires des Antilles françaises , notamment pour le traitement des déchets dangereux (mutualisation).

Guyane

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Nombre de communes/EPCI

Plan régional adopté

Ratio déchetterie/hab

(France : 1 pour 14 000)

DMA/hab/an

(France 570 kg)

DMA taux stockage/

valorisation

282 000 ?

3.4

22

4

en cours

1 pour 141 000

389

82 %

18 %

Chiffres 2015-2017 issus de l'Observatoire des déchets de Guyane (2019 )

ÉTAT DES LIEUX

(chiffres de l'Observatoire des déchets sur 2015-2017, 2019) :

• Gouvernance : les 22 communes de Guyane ont transféré leurs «compétences déchets» à des EPCI (CACL, CCDS, CCEG, CCOG) qui exercent leurs compétences de collecte et de traitement quasi-exclusivement en faisant appel à des entreprises privées.

• Financement : le coût moyen aidé TTC (2015) en Guyane est de 90 euros TTC par habitant (proche moyenne nationale), mais en hausse. Le taux moyen de couverture du coût par le financement (TEOM et redevance spéciale pour certaines collectivités) en 2016 est de 73 %. Ce taux moyen masque des écarts entre collectivités, le taux de couverture variant entre 14 % et 92 %.

• Objectifs : les objectifs restent à préciser par un PRPGD en cours d'élaboration.

• DMA : niveau stable par habitant. Mais une partie du gisement échappe à la collecte et le tri est défaillant.

• DAE : quantité en hausse constante. Part très importante des déchets en Guyane, mais le gisement est mal connu.

• DEEE : 368 tonnes ont été collectées en 2017, soit une forte progression par rapport à 2015 (+ 39,4 %). Mais le taux de collecte est près de 10 fois inférieur au référentiel national.

• Économie circulaire : la collectivité ne dispose pas encore de plan d'action en faveur de l'économie circulaire.

• Pas d'incinération .

DÉFIS À RELEVER

• Trouver des stratégies de financement du service public de gestion des déchets : les perspectives sont « inquiétantes » au regard de l'ampleur des investissements à réaliser ( Observatoire des déchets, 2019).

• Créer un réseau de déchèteries : deux déchèteries opérationnelles sur le territoire.

• Deux ISDND sur le territoire, bientôt à saturation : de nouveaux sites d'enfouissement sont nécessaires, mais peinent à voir le jour. La création d'une UVE pour réduire la mise en décharge est aussi à l'étude.

• Déployer des filières REP performantes : l'Observatoire souligne la non-performance des principales filières REP (DEE, DEA). Collecte 3 à 5 fois moins performante que le référentiel national.

• Traiter les déchets dans les zones isolées à un coût maîtrisé.

• Lutter contre les déchets marins , en particulier les matériels de pêche laissés en mer. Résorber l'ancienne décharge littorale de Macouria (Plan national) et lutter contre les décharges sauvages, en particulier en bord de fleuves.

La Réunion

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Nombre de communes/EPCI

Plan régional adopté

Ratio déchetterie/hab

(France : 1 pour 14 000)

DMA/hab/an

(France 570 kg)

DMA taux mise en décharge/

val matière et organique

862 000 ?

345

24

5

Non

20 000

624

64 %

36 %

La Réunion est le département d'outre-mer le plus éloigné de la France hexagonale (9 300 km) et le plus peuplé. Elle peut être un laboratoire pour évaluer la faisabilité et la rentabilité de filières locales de recyclage, compte tenu des obstacles à l'exportation.

ÉTAT DES LIEUX

( chiffres de l'Observatoire réunionnais des déchets, 2020) :

• Gouvernance : 3 EPCI (ouest et sud) sont regroupés dans le syndicat mixte ILEVA. 2 EPCI (nord et est) dans le syndicat mixte SYDNE. Les EPCI gèrent la collecte, les syndicats le traitement des déchets.

• Financement : Le coût de gestion aidé est de 171 euros par habitant et par an HT contre 92 euros au plan national 107 ( * ) . Taux de couverture correct par les taxes et redevances : 92 %.

• DMA : Quantités stables sur 10 ans. Taux d'incinération quasi-nul contre 35 % au plan national

• DAE : 71 000 tonnes de DAE non dangereux en 2019, dont 64 % exportés pour recyclage ( chiffres approximatifs. Gisement annuel réel estimé à 150 000 tonnes par an soit 171 kg par habitant 108 ( * ) ).

• BTP (dont déchets inertes) : Gisement annuel estimé à 2,4 millions de tonnes en 2017. Seul 0,62 million de tonne sera tracé (transit par une installation de traitement).

• Filières REP : la plupart des filières sont opérationnelles. Tonnages en progression : en 2019, 9 000 tonnes de DEEE, 6 000 tonnes de pneumatiques, 2 300 tonnes de batteries...

• Le nouveau centre multi-filières RUN'EVA entrera en service en 2024. La valorisation énergétique mettra fin au tout enfouissement (couverture des besoins de 60 % de la population). Un autre projet de valorisation énergétique est en cours pour la partie nord et est de l'île.

DÉFIS À RELEVER

• Les déchets dangereux: Aucune exportation depuis un an faute de disponibilités maritimes. La convention de Bâle interdit toute exportation hors OCDE. Pas de centre local de stockage et les filières locales de recyclage sont parcellaires ou fragiles.

• Les 2 ISDND sont saturées et le coût de l'enfouissement va augmenter avec la réforme de la TGAP. En revanche, bon maillage des déchetteries (43).

• Lutter contre les dépôts sauvages et 3 anciennes décharges littorales à résorber.

• Mettre en oeuvre la collecte sélective des biodéchets (Obligation légale fin 2023).

Martinique

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Nombre de communes/EPCI

Plan régional adopté

Ratio déchetterie/hab

(France : 1 pour 14 000)

DMA/hab/an

(France 570 kg)

DMA taux mise en décharge/

val matière et organique

364 000 ?

323

34

3

Oui en 2019

28 000

548

29 %

20 %

Chiffres 2016 issus du PRPGD de 2019

ÉTAT DES LIEUX

( source : PPGDM 2019 ) :

• Gouvernance : le syndicat mixte SMTVD est responsable du traitement et de la valorisation pour toute l'île. Les EPCI gèrent la collecte. Le syndicat mixte connaît des mouvements de grève et des enquêtes ont été ouvertes.

• Financement : la TEOM couvrait en 2017 environ 70 % du coût aidé HT (en baisse). Le coût aidé HT, en hausse, était de 187 euros par habitant en 2016 contre 92 euros pour la France entière.

• Objectifs : atteindre 65 % de valorisation matière et organique des déchets non dangereux non inertes en 2025 (contre 41 % en 2016 et 40 % en 2019), planifier l'arrêt de l'incinération sans valorisation énergétique, réduire de 30 % les apports de déchets en stockage en 2030 et de 50 % en 2035 par rapport à 2010.

• DMA : quantité par habitant stable. Objectif 2025 dur à tenir (- 10 % par rapport à 2010).

• Déchets dangereux : 32 % traités localement (VHU et DASRI). Les D3E sont exportés vers la Guadeloupe, le reste vers la métropole. En 2019, 21 638 tonnes (0,059 tonne par habitant et par an), contre 6,5 millions au niveau national (0,1 tonne par habitant et par an).La collecte s'améliore mais reste imparfaite.

• Focus VHU : Forte hausse du taux de collecte. 96 % du gisement annuel estimé traités en 2020 contre 49 % en 2016.

• Déchets BTP : gisement estimé de 265 000 tonnes. Mais seulement 67 000 tonnes identifiées en 2019 (moins que les 81 000 tonnes en 2016). Problème de traçage de ces déchets. La valorisation stagne à 15 % du gisement estimé.

• DAE : En baisse de 21 % entre 2016 et 2019. Mais le taux de valorisation stagne à 54 %. Gisement mal maîtrisé.

• Économie circulaire : la collectivité a adopté en 2019 un « Plan d'Action en faveur de l'Économie Circulaire » (PAEC). Bilan encore incertain. CITEO a validé 4 projets pour développer le recyclage des emballages.

• Les filières REP montent en puissance ; la plupart sont opérationnelles et les volumes collectés croissent.

DÉFIS À RELEVER

• Saturation des décharges et des investissements vieillissants, en particulier l'incinérateur de Fort-de-France. S'y ajoutent les grèves au SMTVD, des incendies dans les décharges, des pannes fréquentes. L'UIOM de Fort-de-France n'est pas classée en valorisation énergétique (donc exposée au paiement de la TGAP).

• Sensibiliser au tri : constat d'un relâchement depuis les confinements.

• Six anciennes décharges littorales à résorber (dans le cadre d'un plan national).

• Mettre en place le tri à la source des bio-déchets (obligatoire fin 2023).

Mayotte

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Nombre de communes/EPCI

Plan régional adopté

Ratio déchetterie/hab

(France : 1 pour 14 000)

DMA/hab/an

(France 570 kg)

DMA taux mise en décharge/

val matière et organique

280 000?

690

17

5

NON

Aucune déchetterie

215

98 %

2 %

ÉTAT DES LIEUX
( source : projet de PRPGD, 2020. Le rapport note
le caractère partiel et incertain des données)

• La croissance de la population est très dynamique (+ 3,8 % par an en moyenne depuis 2012).

• Gouvernance : Le syndicat mixte SIDEVAM 976 assure la collecte et le traitement des déchets. La commune de Mamoudzou a toutefois conservé la compétence collecte (prestataire STAR Mayotte). Le département assume les compétences régionales en matière de déchet.

• Financement : la TEOM finance moins de la moitié du service public des déchets (30 % en 2017), malgré une hausse de son taux depuis 2016.

• Déchets ménagers et assimilés (DMA) : 53 000 tonnes en 2016 dont 51 000 tonnes d'ordures ménagères, soit une performance de 215 kg par habitant et par an (en deçà du référentiel national ADEME de 256 kg par habitant et par an pour les OMr). En hausse chaque année.

• DAE et BTP : données lacunaires, pas d'estimations fiables.

• Filières REP balbutiantes ou inexistantes . Exemple : en 2016, la collecte des emballages ménagers s'élève à 1,2 kg par habitant à Mayotte, 12 en Guadeloupe et 55 au plan national). De manière générale, le tri est très faible, y compris pour tous les encombrants, D3E...

• Une ISDND ouverte en 2014 à Dzoumogné (capacité théorique pour trente ans ). Pas de valorisation énergétique des déchets (à part un projet de récupération du biogaz en 2022) .

DÉFIS À RELEVER

• Doter l'île des infrastructures de base : projet d'un réseau de 8 déchetteries, finaliser les quais de transfert des déchets.

• Développer le tri et créer des filières officielles pour les déchets du BTP et les déchets dangereux.

• Revoir la gouvernance défaillante du SIDEVAM 976 : à la suite du rapport de la Chambre régionale des comptes (2021), une enquête du PNF pour favoritisme, recel et corruption est en cours. Gestion défaillante, déficit multiplié par 6 entre 2017 et 2019, investissement anémique. Les communes se plaignent d'une collecte défectueuse (pas de ramassage parfois, tri inexistant...).

• Collecter les déchets des quartiers « informels » : 4 habitats sur 10 y sont situés. Problème d'accessibilité des engins et réticence politique à y étendre les services publics.

• La multiplication de décharges sauvages : le risque sanitaire est important (insalubrité, dengue), ainsi que le péril écologique, les déchets dévalant dans les lagons et mangroves.

• Des objectifs réglementaires européens et nationaux hors de portée ou inadaptés.

• Exportation compliquée comme à La Réunion.

Nouvelle-Calédonie

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Nombre de communes/provinces

Plan régional adopté ou équivalent

Ratio déchetterie/hab

(France : 1 pour 14 000)

DMA/hab

(France 570 kg)

DND taux de stockage / val organique et matière

271 000 ?

14 (28 Sud,

9 Loyauté,

5 Nord)

33

3

Non soumis au droit national et européen

1 pour 18 000 (Sud), 1 pour 6 000 (Loyauté), 1 pour 17 000 (Nord)

410

78 %

22 %

Chiffres 2017 issu du Schéma provincial de prévention & gestion des déchets 2018-2022 de la province Sud (2018)

ÉTAT DES LIEUX

• Gouvernance : les provinces sont en charge de la structuration des filières de déchets (adoption de Schémas provinciaux). Les communes sont responsables des déchets ménagers. Sur les 33 communes, 25 ont confié la gestion des déchets à des syndicats intercommunaux (4 sur le territoire). Les répartitions de compétences sont différemment selon les provinces. Le Gouvernement de NC gère quelques déchets, notamment l'amiante et les DASRI. La gouvernance est donc complexe.

• Financement : il n'y a pas de fiscalité propre (pas de TEOM). Les communes prélèvent des redevances (taux de couverture compris entre 7 et 95 % selon les communes), le reste du financement provenant du budget général ou de subventions. À noter le fonds TAP (alimenté par la taxe antipollution sur les produits importés), géré par le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, qui permet de financer des infrastructures de déchets des provinces et des communes. Les coûts de gestion sont très impactés par les distances et les liaisons maritimes.

• Infrastructures : bon réseau de déchetteries, bonne capacité des ISDND, réduction du nombre de dépotoirs bien qu'encore nombreux. La province Nord est la moins équipée. Sur le territoire, les investissements doivent porter sur le traitement.

• Déchets dangereux en province Sud : gisement estimé de 22 100 tonnes (?). Le schéma de gestion prévoyait de traiter 50 % des DD d'ici 2022 (aucun bilan). Progression soutenue de l'exportation des DD hors du territoire : 5 330 tonnes en 2017 (+ 400 % entre 2009 et 2017).

• Économie circulaire : Le Schéma provincial Sud 2018-2022 se donne pour objectif n°3 le développement de l'économie circulaire  (diminuer de 15 % les tonnages de déchets enfouis en ISD d'ici 2022 (par rapport à 2016). Un appel à projet a été lancé en 2021 pour créer un Ecopôle dédié aux activités de recyclage et de réemploi.

DÉFIS À RELEVER

• Améliorer la valorisation : créer de nouvelles filières et développer des projets sur tout le territoire, pas seulement dans la région de Nouméa, tout en maîtrisant les coûts.

• Endiguer le phénomène des décharges sauvages en province Nord et dans les Iles Loyautés, et réhabiliter les anciens dépotoirs.

• Un projet contesté d'incinérateur pour les déchets dangereux à Dumbéa.

• Maîtriser les coûts : l'habitat diffus hors Nouméa entraîne des coûts unitaires importants. La prévention et la valorisation à la source doit être accentuée.

Polynésie française

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Nombre de communes/archipels

Plan régional adopté

Ratio déchetterie/hab

(France : 1 pour 14 000)

Déchets /hab

Déchets Taux de mise en décharge/ val organique et matière

276 000 ?

68

48

5

Non soumis au droit national et européen

1 pour 138 000 (bientôt 92 000)

544 (2012)

80-85 %

15-20 %

Données 2019 issues du rapport de la Chambre territoriale des comptes (2021), et chiffres 2012 de la DIREN.

Les données sont souvent manquantes et les définitions des catégories de déchets pas toujours harmonisées

ÉTAT DES LIEUX

• Gouvernance : les communes gèrent la collecte. Le syndicat mixte Fenua Ma assure le traitement des déchets ménagers pour les Iles du Vent (hors Faaa). Les autres archipels ne bénéficient pas de syndicats. Compétence du Pays uniquement pour les déchets dangereux (D3E compris) et VHU (le Pays prend en charge leur transport des iles isolées vers Tahiti).

• Financement : le coût de la gestion n'est pas évalué. Pas d'aide aux communes. Les redevances sont complétées par des subventions des budgets principaux. Les recettes fiscales de la TEAP (taxe sur les activités polluantes) et de la TERV (taxe pour le recyclage des véhicules) ne sont pas affectées au financement des dépenses liées à la gestion des déchets.

• Infrastructures : CET et centre de tri sont présents dans les îles du Vent et quelques îles touristiques comme Bora Bora. Dans les autres îles, pas ou peu d'organisation des déchets.

• Exportation : en 2019, 114 tonnes de déchets ont été rapatriées des îles vers Tahiti. Source de coût pour les îles éloignées (sauf pour les déchets dangereux pris en charge par le Pays).

• DEEE : leur volume précis n'est pas connu, mais évolue à la hausse.

• Enfouissement : le volume de déchets enfouis ne diminue pas, car la progression du volume de déchets inertes compense la baisse des déchets de catégorie 2 (ordures ménagères, déchets verts, papiers et carton).

• Filières REP : Non mis en oeuvre (selon la Chambre territoriale des comptes).

DÉFIS À RELEVER

• Territoire actif en matière de prévention : « Défi Famille zéro déchet » organisé en 2019 et 2020 par l'association Zéro Déchet Tahiti, un « exemple » pour la « trajectoire 5.0 » selon Annick Girardin. À développer, en particulier sur les îles éloignées.

• Valider un schéma territorial de gestion des déchets : l'absence de validation d'un schéma au niveau du territoire n'incite pas les communes à élaborer leurs plans municipaux de gestion des déchets, et donc à rationaliser cette dernière. Manque de suivi. Des actions au coup par coup sans plan d'ensemble. Les difficultés de rapatriement des déchets valorisables vers Tahiti n'incitent pas toujours au tri.

• Développer le recyclage : en 2012, moins de 6 % des déchets étaient recyclés.

• Multiplier les déchèteries et centres d'enfouissement techniques. En dehors de Tahiti, seule la commune de Bora-Bora disposait d'un CET en 2015. Réhabiliter aussi les décharges.

Saint-Barthélemy

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Plan régional adopté

Ratio déchetterie/hab

(France : 1 pour 14 000)

OMr/hab/an

(France 354 kg)

DMA Taux de mise en décharge/ val organique et matière

10 000?

429

Non soumis au droit national et européen

1 pour 10 000

557

0 (sauf résidus d'incinération et déchets cycloniques exceptionnels)

ÉTAT DES LIEUX

(source : Tiru-Paprec, 2021)

• Gouvernance : la gestion des déchets est de la compétence de la collectivité. La collecte est géré par des prestataires de service (marchés publics allotis par secteurs de l'île). Le traitement des déchets est confié en DSP à l'entreprise Tiru qui vient d'être rachetée par le groupe PAPREC.

• Financement : le financement s'opère par des redevances de la COM (49 % du CA d'Ouanalao), les recettes des apporteurs en déchetteries (21 %), et la taxe enlèvement des déchets (TED, 17 %). Ces ratios ne prennent pas en compte la collecte.

• Ordures ménagères : en 2021, 5 579 tonnes incinérées, soit 557 kg par habitant pour les seules ordures ménagères. Près du double du référentiel national. Ce chiffre illustre l'intensité de l'activité touristique de luxe.

Tri performant : 1 centre de tri sélectif. Sur 1 781 tonnes collectées, 116 tonnes ont été refusées. Un centre de compostage ayant reçu 2 310 tonnes en 2021.

• Déchets inertes du BTP : il existe deux centres de concassage gérés par des entreprises privées.

• VHU : 1 000 véhicules collectés sur le site de Tiru en 2021.

DÉFIS À RELEVER

• Valorisation énergétique maximisée : l'UVE a été doublée en 2022, notamment pour faire face à de nouveaux évènements cycloniques et absorber le surplus de déchets, au lieu de les exporter pour enfouissement. La vapeur produite sert à produire de l'eau potable par désalinisation depuis 2001. Une étude est en cours pour produire de l'énergie électrique via la vapeur de la nouvelle ligne.

• Développer la valorisation matière en locale : le tri est entièrement exporté à ce jour.

• Développer le compostage des biodéchets (hors déchets verts)

• Développer la prévention des déchets : le tourisme de luxe génère une masse croissante de déchets de plus en plus difficile à gérer, malgré les investissements.

Saint-Martin

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Plan régional adopté

Ratio CET/hab

(France : 1 pour 14 000)

Déchets/an (tonnes)

DMA Taux de mise en décharge/ val organique et matière

32 000 ?

611

Non

1 pour 32 000

38 000

Près de 100% en décharge

ÉTAT DES LIEUX

• Gouvernance : la collecte est de la compétence de la collectivité. L'entreprise Verde SXM assure le traitement et la valorisation des déchets de Saint-Martin dans le cadre d'un contrat d'exploitation de l'écosite des Grandes Cayes.

• Financement : il n'existe pour l'heure pas de documentation sur les modalités de financement du service de gestion des déchets.

• Débris de l'ouragan Irma : l'ouragan Irma a complètement ravagé l'île en 2017, détruisant 95 % des bâtiments des Saint-Martin. Au lendemain de la catastrophe, 300 camions pénétraient l'écosite des Grandes-Cayes (contre 60  avant le désastre), avec des milliers de tonnes de déchets verts et des restes de construction à traiter. L'écosite a repris aujourd'hui un fonctionnement normal.

• DMA, DEEE, BTP ... : il n'existe pas d'estimations quantitatives des gisements par types de déchets produits.

• Valorisation et économie circulaire : Verde SXM va mettre en place sur le site de Grandes Cayes, un nouveau projet de traitement et d'optimisation des déchets. Ce projet, d'un coût de 30 millions d'euros, s'inscrit dans une logique d'économie circulaire, avec la collecte, le recyclage et la production d'énergie électrique. Ce sont 25 000 tonnes de déchets qui seront traitées, chaque année, grâce à cette solution, et 13 400 MWh d'électricité seront produits.

• Initiatives citoyennes : au lendemain d'Irma, s'est constituée l'association Clean Saint-Martin, qui a assuré le nettoyage de 25 à 30 lieux différents. Elle continue d'assurer le nettoyage de certains secteurs de l'île.

DÉFIS À RELEVER

• Réduire la part de l'enfouissement quasi exclusif aujourd'hui

• Plusieurs marchés publics liés à la propreté du territoire ont été lancés en 2021 : réouverture de la déchèterie de Galisbay, collecte des déchets ménagers et encombrants 7j/7, collecte des VHU, collecte des épaves de bateau (achevée), renouvellement de 3 000  bacs-poubelles.

• Réactiver les services de tri : depuis octobre 2019, avec la fin du contrat de recyclage, la collectivité ne trie pas ses déchets en carton et en plastique qui finissent enfouis. Fin 2022, les marchés devraient être réattribués.

Saint-Pierre-et-Miquelon

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Nombre de communes

Plan régional adopté

Ratio déchèterie/hab

(France : 1 pour 14 000)

DMA/hab/an

(France 570 kg)

DMA Taux de mise en décharge/ val organique et matière

5 974 ?

25

2

Non

1 pour 5 974

219 kg à Saint-Pierre

33

66

Chiffres 2019 issus d'un rapport de l'ADEME, « Déchets de la commune Miquelon-Langlade », juin 2019.

Le rapport pointe le caractère incertain et estimatif des données pour Miquelon Langlade

ÉTAT DES LIEUX

• Gouvernance : la gestion revient aux deux communes. La collectivité n'a pas de compétences en matière de déchets. La CACIMA (chambre consulaire du territoire) anime un comité de gestion des déchets pour faire remonter les difficultés rencontrées par les entreprises en lien avec les collectivités.

• Financement : d'après un rapport de Zero Waste France (2016), Saint-Pierre songerait à la tarification incitative. Peu de données sur le financement du service.

• Estimation de la production totale de déchets en 2019 : 6 287 tonnes à Saint-Pierre (1 161 kg par habitant et par an), et 861 tonnes à Miquelon (1 440 kg par habitant et par an).

• Infrastructures : investissements de la commune de Saint-Pierre depuis dix ans (déchetterie en 2016, centre de tri en 2019, déploiement de la collecte sélective).

• Déchets ménagers : en 2019, on estime 387 tonnes d'OMR à Saint-Pierre, et 43 tonnes à Miquelon, ce qui est faible (72 kg par habitant après tri). Évolution interannuelle non connue.

• Prévention : Saint-Pierre a obtenu le label Zéro déchet Zéro Gaspillage depuis 2014. Approche partenariale avec la population, les associations et les acteurs publics.

• Économie circulaire : tri développé. 30 familles de déchets sont aujourd'hui triées. La quantité de déchets non valorisables mis en décharge a été divisée par 5 entre 2015 et 2020 depuis la création du centre de tri, passant de 2 500 tonnes à 500 tonnes annuelles. Le tri à la source des biodéchets des professionnels devrait être prochainement opérationnel.

• Filières REP : Implantation de la plupart des filières REP en partenariat avec les éco-organismes. Développement de la filière VHU conventionnée avec l'ADEME pour 2022. Le niveau d'engagement des éco-organismes pourrait être renforcé.

DÉFIS À RELEVER

• Mettre fin au brûlage épisodique des déchets à l'air libre dans les décharges et au risque de débordement dans la mer : une convention a été signée en 2021 avec l'ADEME pour atteindre cet objectif. Études pour la création d'une ISDND aux normes ou la mise en place d'une filière CSR (combustible solide de récupération).

• Etudier la création d'un centre de stockage aux normes sur Miquelon

• Centre de tri : matériel souvent en panne. Tri manuel par défaut.

Wallis-et-Futuna

Population

(Tendance 10 ans)

Densité

Nombre de villages/

royaumes

Plan régional adopté

Ratio déchèterie/hab

(France : 1 pour 14 000)

DMA/hab/an

(France 570 kg)

DMA Taux de mise en décharge/ val organique et matière

11 500 ?

93

36

3

Non

1 pour 5 750

?

?

?

ÉTAT DES LIEUX

• Gouvernance : le service de l'environnement du Territoire est le principal gestionnaire. Il assure en particulier la gestion des centres d'enfouissements techniques. La collecte est de la compétence des circonscriptions (correspondant aux Royaumes).

• Financement : le territoire cofinance la collecte par le biais d'une subvention aux Royaumes. L'Assemblée territoriale a mis en place en 2017 une écotaxe à l'import des emballages. Son bilan très positif a conduit à étendre l'écotaxe à tous les contenants rigides en 2020. Aussi, le territoire a bénéficié de 2013 à 2017 du programme « INTEGRE », qui avait pour objectif d'accompagner l'installation d'infrastructures de traitement des déchets et leur exportation. Ce projet a été financé par l'UE sur l'enveloppe du 10 ème Fonds européen de développement (FED) pour un montant de 12 millions d'euros pour les 4 PTOM du Pacifique. Ce programme est prolongé par le programme PROTEGE au titre du 11 ème FED.

• Stockage : 2 centres d'enfouissement techniques (1 à Wallis, 1 à Futuna).

• Valorisation : un pôle de valorisation et de traitement a été mis en place à Wallis, qui accueille diverses unités de tri et de traitement pour de nombreux flux de déchets.

DMA : il n'existe pas de données précises concernant le gisement des DMA produits. En 2008, le volume des DMA était estimé à 460 m (étude INTEGRE, 2015).

• Déchets dangereux : dans le cadre du programme « INTEGRE », le territoire a exporté de 2016 à 2017 ses stocks historiques d'huiles usagées et de batteries vers la Nouvelle-Zélande.

• Économie circulaire et filières REP : il n'existe pas de plan d'action relatif à l'économie circulaire ou au développement des filières REP.

DÉFIS À RELEVER

• Renforcer la valorisation localement (problématique commune aux territoires ultramarins du Pacifique).

• Sensibiliser au tri : le tri est encore trop peu exploité, une partie de la population continuant de jeter les déchets concernés dans les ordures ménagères.

• Mettre en place une filière durable de collecte et d'évacuation des déchets dangereux pour éviter l'accumulation de stocks.

• Lutter contre les petites décharges sauvages à proximité des habitations.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Réunions plénières de la délégation

Jeudi 19 mai 2022

Direction générale des outre-mer (DGOM)

Stanislas ALFONSI , adjoint à la sous-directrice des politiques publiques

Bureau de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durable (BELDAD)

Clément MÉDÉE , adjoint au chef de bureau, Camille VIONNET , chargée de mission

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

Vincent COISSARD , sous-directeur des déchets et de l'économie circulaire, Jean-François OSSOLA , adjoint à la cheffe du bureau de la planification et de la gestion des déchets (BPGD)

Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

Nicolas SOUDON , directeur exécutif des territoires

Jeudi 2 juin 2022 : Tables rondes avec les associations environnementales et les opérateurs économiques

Zero Waste France

Alice ELFASSI , Responsable des affaires juridiques

France nature environnement (FNE)

Johann LECONTE , membre du réseau gestion et prévention des déchets, Michel CHARPENTIER , membre et président de l'association Les Naturalistes de Mayotte

Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM)

Hervé MARITON , président, Françoise DE PALMAS , secrétaire générale

Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (FEDEREC)

Manuel BURNAND , directeur général

Syndicat national des entrepreneurs de la filière déchet (SNEFiD)

Guénola GASCOIN , secrétaire générale

Jeudi 16 juin 2022

CITEO

Jean HORNAIN , directeur général, Philippe MOCCAND , directeur de la collecte et du tri, Thibault BOUCHER , conseiller affaires publiques

Association AMORCE

Nicolas GARNIER , délégué général

Jeudi 23 juin 2022 : Table ronde sur les filières REP

DASTRI

Yannick JEGOU , président, Laurence BOURET , déléguée générale

Agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles (A.D.I.VALOR)

Pierre DE LÉPINAU , directeur général

Valdelia

Arnaud HUMBERT-DROZ , président exécutif

Association pour la plaisance éco-responsable (APER)

Guillaume ARNAULD DES LIONS , délégué général

Cyclevia

André ZAFFIRO , directeur général

Institut de la transition écologique des outre-mer (ITEDOM)

Stéphane MURIGNIEUX , président

Ecosystem

Alexis BLANC , responsable des opérations outre-mer, Chloé BRUMEL-JOUAN , directrice relations institutionnelles, juridique et audit interne

Mardi 12 juillet 2022 : Table ronde avec les collectivités des Antilles et de Guyane

Collectivité territoriale de Guyane

Sherly ALCIN , conseillère déléguée au climat et de l'éducation à l'environnement chargée du protocole, Laurent LABARTHE , directeur général adjoint, en charge du pôle aménagement, transports et développement durable des territoires

Communauté d'agglomération du Centre Littoral (CACL) de Guyane

Mylène MAZIA , directrice de cabinet, Alain CYRILLE , directeur de l'hydraulique et de l'environnement

Guyane Nature Environnement

Anar VALIMAHAMED , chargée de projet « Sentinelles de la nature »

ADEME Guyane

Muriel DEGOBERT , ingénieure économie circulaire,

Communauté de communes des Savanes (CCDS) de Guyane

François RINGUET , président, Aurélie BILLARD , directrice du service environnement

Communauté de communes de l'Est guyanais

Georges ELFORT , président, Kevin WILLIAM , chargé de mission déchets, Bastien TARIN NGUYEN VAN DANH , directeur général des services

Communauté de communes de l'Ouest guyanais

Sophie CHARLES , présidente

Conseil régional de la Guadeloupe

Sylvie GUSTAVE-DIT-DUFLO , vice-présidente

Communauté de communes de Marie-Galante

Jean-Marc PASBEAU , responsable du pôle environnement et cadre de vie

Syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe (SYVADE)

Kate CIPOLIN , directrice générale adjointe en charge des services techniques

Collectivité territoriale de Martinique

Valérie MARINE-POLETTI , directrice de l'environnement et de l'énergie

ADEME Martinique

Jean-François MAURO , directeur régional

Syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD)

Maryse DUBRÉAS , directrice générale des services, Myriam ZAPHA , directrice de l'enfouissement, Manuel VADIUS , directeur tri-valorisation, Benoît GUILON , directeur des moyens

Collectivité de Saint-Barthélemy

Sophie DURAND OLIVAUD , directrice des services techniques, Fred QUESTEL , directeur d'exploitation, Stéphane BERTRAND , directeur du développement

Collectivité de Saint-Martin

Bernadette DAVIS , conseillère territoriale, présidente de la commission des affaires économiques, José CARTI , directeur de l'aménagement du territoire et l'urbanisation

Jeudi 21 juillet 2022 : Table ronde avec les collectivités du Pacifique

Association française des maires de Nouvelle-Calédonie

Pierre-Olivier CASTEX , chef du service environnement de la commune du Mont-Dore, Emmanuel RÉCAMIER , chef de la division de la performance des services délégués de la direction de l'espace public de la commune de Nouméa, Frédéric MALAVAL , responsable du pôle environnement à la direction des services techniques de la commune de Paita

Province des îles Loyauté - Nouvelle-Calédonie

Chérifa LINOSSIER , chargée de mission dévelopement économique et relations extérieures au secrétariat général

Province Nord - Nouvelle-Calédonie

Victor TUTUGORO , Vice-président, Nathaniel CORNUET , directeur du développement économique et de l'environnement, Lady POUYE , cheffe du service du développement durable

Province Sud - Nouvelle-Calédonie

Françoise SUVE , rapporteur de la commission provinciale de l'environnement

Syndicat pour la promotion des communes - Polynésie française (SPCPF)

Cyril TETUANUI , président et maire de la commune de Tumaraa, Ivana SURDACKI , directrice générale adjointe, Teva GUILLAIN , directeur général de la communauté de communes de Havai

Ministère de la culture, de l'environnement et des ressources marines de la Polynésie française

Jerry BIRET , conseiller technique

Cédric PONSONNET , directeur des ressources marines

Ryan LEOU , chargé d'affaires à la direction de l'environnement

Fédération des associations de protection de l'environnement (FAPE) de la Polynésie française

Jason MAN SANG , Vice-président, bénévole de Zéro déchets Tahiti

MEDEF Polynésie française (MEDEF Pf)

Thierry CHANSIN , membre du MEDEF et président de la chambre syndicale des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics (CSEBTP), Marc STUHLFAUTH , président de la Commission Développement Durable (COMIDD) du MEDEF Pf, Ella CAMART , Charles EGRETAUD et Cyril REBOUILLAT , membre de la COMIDD du MEDEF Pf, Cyrille BACHELERY , Membre du MEDEF et directeur de la société TECHNIVAL, Benoît SYLVESTRE , membre du MEDEF et directeur de la société ENVIROPOL

Commission du développement, des affaires économiques et du tourisme de Wallis-et-Futuna

Paino VANAI , président

Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

Charles GIUSTI , préfet et administrateur supérieur des TAAF, Christophe-André FRASSA , sénateur représentant les Français établis hors de France et président du groupe d'étude Arctique, Antarctique et Terres australes du Sénat

Jeudi 13 octobre 2022 : Table ronde sur les aspects sanitaires

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

Philippe BODENEZ , chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses, Jean-François OSSOLA , adjoint à la cheffe du bureau de la planification et de la gestion des déchets (BPGD)

Direction générale de la santé

Caroline PAUL , cheffe du bureau environnement extérieur et produits chimiques, François KLEIN , chef de la mission pour les outre-mer

Direction générale des outre-mer (DGOM)

Stanislas ALFONSI , adjoint à la sous-directrice des politiques publiques, Delphine COLLE , cheffe du bureau de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables

Jeudi 20 octobre 2022 : Table ronde sur les aspects fiscaux

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

Jean-François OSSOLA , adjoint à la cheffe du bureau de la planification et de la gestion des déchets (BPGD)

Interco' Outre-mer

Maurice GIRONCEL , président et président de la Communauté Intercommunale du Nord de La Réunion

Syndicat intercommunal d'élimination et de valorisation des déchets de Mayotte (Sidevam 976)

Chanoor CASSAM , directeur général des services

Direction générale des outre-mer (DGOM)

Stanislas ALFONSI , adjoint à la sous-directrice des politiques publiques, Tony CHESNEAU , chef du bureau de la réglementation économique et fiscale

Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Thibaut FIEVET , chef du bureau en charge de la fiscalité énergétique et environnemental

Audition rapporteure

Mardi 29 novembre 2022

Société 3Wayste

Fabien CHARREYRE , président, Michèle PAPPALARDO, Jean LEVIOL

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Déplacement à La Réunion et à Mayotte
(du lundi 27 juin au samedi 2 juillet 2022)

Lundi 27 juin 2022 (La Réunion)

Visite du chantier du pôle multifilières Run'Eva (à Pierrefonds)

Michel FONTAINE , président du syndicat mixte ILEVA

Mohammad OMARJEE , 3ème vice président du syndicat mixte ILEVA

Mireille MAILLOT , directrice générale

Eddy LEBON , chef de projet Run'Eva

André M'VOULAMA , 1er vice président du syndicat mixte SYDNE

Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Frédéric GUILLOT , directeur régional

Mardi 28 juin 2022 (La Réunion)

Visite d'un centre de compostage à la plaine des Cafres

Pascal HOARAU , DGA de la CASUD

Visite d'une ressourcerie (commune du Tampon)

Augustine ROMANO , 4ème adjointe à la commune du Tampon

Béatrice NUGUES , coordinatrice

Pascal HOARAU , DGA de la CASUD

Mairie du Tampon (déjeuner)

Augustine ROMANO , 4ème adjointe à la commune du Tampon

Philippe GUÉZELOT , DGS

CIREST (à Saint Benoit)

Fabrice GRONDIN , directeur de cabinet du président

Jean MASSIP , directeur des services techniques

Mme ARCHAMBAULT , responsable du service Environnement

Mercredi 29 juin 2022 (La Réunion)

Territoire de la Côte Ouest (TCO)

Emmanuel SÉRAPHIN , président

Vanessa MIRANVILLE , vice-présidente, déléguée au développement durable

Philippe LUCAS , vice-président, délégué à l'environnement

Jean-François APAYA, DGS

Nicolas GUÉRIN, directeur « gestion des déchets »

Visite du centre de tri Cycléa (commune de Le Port)

Laurent BLÉRIOT , directeur général

Conseil régional de La Réunion

Fabrice HOARAU , conseiller en charge des déchets et de l'environnement,

Idriss OMARJEE , directeur de cabinet de la présidente

Didier AUBRY , DGA Développement durable

Agence régionale de santé (ARS) de La Réunion

Xavier DEPARIS , directeur veille sécurité sanitaire

Boris DUMAS, coordinateur de la cellule Environnement extérieur

CESER La Réunion

Dominique VIENNE , président

Eric MARGUERITE , vice-président

Préfecture de La Réunion

Jacques BILLANT , préfet de La Réunion

Jean-Paul NORMAND , sous-préfet de l'arrondissement de Saint-Pierre

Régine PAM , secrétaire générale

Philippe GRAMMONT, directeur de la DEAL

Jeudi 30 juin 2022 (La Réunion et Mayotte)

Syndicat de l'importation et du commerce de La Réunion (SICR)

Fabrice HANNI , président

Valérie CHOW PING MO , secrétaire générale

Sandrine SINAPAYEL , responsable filières REP

Christiane ALBERT , ancienne responsable

Visite du centre de valorisation multifilières Suez Inovest (Sainte Suzanne)

Hervé MADIEC , directeur régional

André M'VOULAMA , 1er vice-président du syndicat mixte SYDNE

Franck PEREZ , directeur d'exploitation

Préfecture de Mayotte

Thierry SUQUET , préfet de Mayotte, délégué du Gouvernement,

Maxime AHRWEILLER ADOUSSO , secrétaire générale aux affaires régionales

Saïd Omar OILI , président de la communauté de communes de Petite Terre

Houssamoudine ABDALLAH , président du SIDEVAM, maire de Sada

Assani Saindou BAMCOLO , président de l'intercommunalité du Nord, maire de Koungou

Olivier KREMER , directeur de la DEAL

Vendredi 1 er juillet 2022 (Mayotte)

DEAL

Ophélie SEUILLOT, chargée de mission Déchets et filières REP

ENZO TECHNIC RECYCLAGE

Andrian TOILIBO, directeur d'exploitation

Visite de l'Ecopôle Star Mayotte - Suez (Longoni)

Sébastien SUCHY, directeur général

Anaïs JULLIEN, directrice d'exploitation

Visite de l'ISDND Star Urahafu (Dzoumogné)

Sébastien SUCHY, directeur général

Adrien FABAS , directeur d'exploitation

Marie-Anissa ABDOULMADJIDI, directrice Traitement des déchets au SIDEVAM

Visite de l'ancienne décharge de Dzoumogné

Franck TOY, Maoré Territoires, facilitateur local pour Ecosystem

CADEMA

Emmanuelle MARTIN, DGA Aménagement et Environnement

Visite d'un chantier de nettoyage d'une mangrove à Majicavo et d'une décharge sauvage dans le quartier de Massimoni avec l'Association NAYMA

Hidahya MAHAFIDHOU , présidente

Emmanuelle MARTIN, vice-présidente

Roukia LAHADJI , directrice

Galiane LAVISSE, coordinatrice

Bastien MORVAN , directeur de cabinet de l'ARS Mayotte

Syndicat de Traitement des Déchets Ménagers et Assimilés (SIDEVAM 976)

Houssamoudine ABDALLAH , président du SIDEVAM, maire de Sada

Chanoor CASSAM , directeur général

Marie-Anissa ABDOULMADJIDI, directrice Traitement des déchets

Samedi 2 juillet 2022 (Mayotte)

Caza Pièces Autos

Boina MOOS , gérant

Présentation du projet ULALUSA de fonderie aluminium

Pédro GARCIA

Laurent PINEL

Présentation du projet de LVD Mayotte Environnement (collecte plastique et recyclage)

William ADOUSSO , directeur

Anne-Sophie DUROISIN, coordinatrice

Présentation du projet Habit'Âme

Hannah DOMINIQUE, gérante

Projet dans le secteur du BTP

Éric BUGNA, gérant

Conseil départemental de Mayotte

El Anrif HASSANI, conseiller départemental

Déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon
(du lundi 19 septembre au jeudi 22 septembre 2022)

Lundi 19 septembre 2022 (Saint-Pierre)

Mairie de Saint-Pierre et visite des installations de traitement des déchets de la commune et de la décharge municipale

Yannick CAMBRAY , maire

Maïté LEGASSE , 3ème adjoint, chargée de la transition écologique

Yvon KOELSCH , directeur des services techniques

Vickie GIRARDIN , directrice générale des services

Stéphane GASTON , chargé de mission

Direction des territoires, de l'Alimentation et de la Mer de Saint-Pierre-et-Miquelon

Patricia BOURGEOIS , directrice

Préfecture

Christian POUGET , préfet

Stéphane LENORMAND , député de Saint-Pierre-et-Miquelon

Précédente majorité municipale

Karine CLAIREAUX , ancienne sénatrice et maire honoraire de Saint-Pierre

Patrick LEBAILLY , ancien premier adjoint de Saint-Pierre

Martin DETCHEVERRY , ancien adjoint de Saint-Pierre, en charge des déchets

Collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon

Yannick ABRAHAM , 1er vice-président

Vicky CORMIER , adjointe au directeur général des services.

Mardi 20 septembre 2022 (Miquelon-Langlade)

Mairie de Miquelon-Langlade et visite de la décharge municipale et du site de stockage des VHU

Franck DETCHEVERRY , maire

Collectivité territoriale de Saint--Pierre-et-Miquelon

Yannis COSTE , 3ème vice-président, Michel DETCHEVERRY , Conseiller territorial

Mercredi 21 septembre 2022 (Saint-Pierre)

Service de l'Éducation nationale de Saint-Pierre-et-Miquelon

Jean-Pierre TÉGON , chef du service

Office français de la biodiversité

Bruno LETOURNEL , inspecteur de l'environnement

Centre hospitalier François Dunan

Patrick LAMBRUSCHINI , directeur

Vincent MONTECOT , ingénieur biomédical, en charge de la gestion des déchets

Collectif caillou tout prop'

Marion LETOURNEL ET Jacqueline FOUCHARD , membres du collectif

Jeudi 22 septembre 2022 (Saint-Pierre)

CACIMA (présentation de projets privés de recyclage)

Janick CORMIER , directrice

Adrien RUAULT , dirigeant Impermembranes

Yves LUCAS , dirigeant Autochrome

Mike LUCAS , directeur adjoint Autochrome

Érika SIMON , dirigeante Chéri'K.

MEDEF de Saint-Pierre-et-Miquelon; Fédération du BTP

Roger HÉLÈNE , président

CARNET DES DÉPLACEMENTS

Du 27 juin au 2 juillet 2022

À La Réunion et à Mayotte

Lundi 27 juin - commune de Pierrefonds

Arrivée en fin de matinée, la délégation descend vers le sud de l'île, afin de visiter le chantier du futur pôle multifilières Run'Eva conduit par le syndicat mixte Ileva qui a la charge de gérer le traitement des déchets des trois EPCI du sud de l'île, soit environ 60 % de la population.

La délégation est accompagnée par Nassimah Dindar, sénatrice de La Réunion.

Cette visite a été précédée par une présentation générale des enjeux et défis pour la gestion des déchets dans cette partie de l'île. Le 1 er vice-président de l'autre syndicat mixte de l'île, le SYDNE, est également présent, témoignant ainsi de la nécessité à terme de faire travailler ensemble tous les acteurs du territoire.

Le projet Run'Eva réunira sur un même site : le tri, l'enfouissement, la production de combustibles solides de récupération (CSR), la valorisation énergétique des CSR et une unité de méthanisation. L'objectif est de réduire massivement le taux d'enfouissement (divisé par 5) et de développer la valorisation. Des parcelles ont été réservées pour des projets de recyclage futurs.

Un marché public global de performance a été lancé en 2016 et attribué en 2018. Les travaux ont démarré en août 2021. En juillet 2022, le gros oeuvre est bien avancé. Toutefois, le titulaire du marché rencontrant d'importantes difficultés financières, la poursuite des travaux est difficile. Le calendrier pourrait être décalé. Le marché prévoit une durée d'exploitation de 10 ans.

La délégation visite ensuite le chantier, ce qui permet de saisir l'importance de ce projet structurant majeur de plus de 200 millions d'euros. Il permettra au traitement des déchets de faire un bond qualitatif et quantitatif dans toute la région.

À la suite de cette visite, la délégation a pu échanger avec le directeur régional de l'ADEME, Frédéric Guillot. Il fait le constat d'une vraie dynamique à La Réunion, avec un basculement de la valorisation à l'horizon de 3-4 ans. Les filières REP devraient accompagner ce mouvement en payant mieux le traitement en local. Les éco-organismes demeurent encore timides. Sur les biodéchets, des dérogations seraient utiles. À Mayotte, tout reste à faire.

Mardi 28 juin - communes du Tampon et de Saint-Benoît

Départ de Saint-Pierre pour se rendre tôt le matin sur la commune du Tampon, et plus particulièrement à la plaine des Cafres (1 600 mètres d'altitude), qui est un des plateaux des Hauts de l'île situé entre le massif du piton des Neiges et celui du piton de la Fournaise.

La délégation visite le pôle Déchets verts géré par une société publique locale détenue par le syndicat Ileva. 30 000 tonnes de déchets verts ont été recueillies depuis le début de l'année, contre 26 000 sur l'ensemble de l'année 2021, en raison de deux cyclones. Une collecte en porte-à-porte est réalisée deux fois par mois. Les déchets sont traités en broyat pour les éleveurs ou en compost. Un projet d'ensachage pour revente directe aux particuliers et une meilleure valorisation est à l'étude. Un projet de méthanisation (4-5 millions d'euros) est aussi à l'étude avec le lisier (nombreux éleveurs à la plaine des Cafres).

La délégation visite ensuite une ressourcerie située sur le territoire du Tampon. Un travail d'insertion est mené conjointement. Cette ressourcerie travaille en partenariat avec des déchetteries.

La délégation a ensuite déjeuné à l'invitation du conseil municipal de la mairie du Tampon, et en présence d'élus de la CASUD.

Direction la côte est de l'île en repassant par la plaine des Cafres, puis la plaine des Palmistes. Les contraintes de transport sont importantes sur l'île, entre une route littorale souvent saturée et des routes intérieures de montagne.

La délégation échange longuement avec l'équipe administrative et le directeur de cabinet du président de la CIREST, communauté de communes de l'est de l'île et membre de l'autre syndicat de traitement des déchets SYDNE. La lutte contre les dépôts sauvages est évoquée, et notamment l'importance de la répression. La réglementation est un outil pas assez utilisée pour transformer les modes de consommation. La TGAP devrait être supprimée. Pour les biodéchets, une assistance à maîtrise d'ouvrage est en cours de recrutement.

La délégation rentre vers Saint-Pierre par la route littorale du sud.

Mercredi 29 juin 2022 - communes de Saint-Paul, Le Port et Saint-Denis

Au départ de Saint-Pierre, la délégation remonte vers le nord de l'île avec une première rencontre avec Emmanuel Séraphin, président du TCO, EPCI membre d'Ileva, et son équipe.

Le TCO est un des poumons économiques de l'île avec le port. Depuis 2009, le projet d'écocité a été lancé. Le TCO gère aussi la collecte dans le cirque de Mafate, inaccessible aux véhicules. La collecte se fait par hélicoptère pour un coût annuel d'environ 400 000 euros par an. Le territoire dispose de bonnes infrastructures : 13 déchetteries, des centres de tri... La consigne du verre pourrait être encore plus importante. Le nettoiement des dépôts sauvages coûte 3 millions d'euros par an. La verbalisation s'est nettement durcie depuis la mise en place de la brigade intercommunale. Pour les déchets dangereux, la question d'un centre d'enfouissement se pose de plus en plus face au coût de l'exportation. La coopération régionale est un enjeu fort également.

La délégation a ensuite visité le centre de tri de Cyclea, SEM délégataire pour le tri sur le territoire du TCO depuis 2013. Cyclea assume d'autres missions. Elle suit et accompagne notamment 15 000 foyers pour le compostage individuel. La réglementation pourrait interdire le PET foncé. Un projet de recyclage par fabrication de préforme existe. Cyclea exporte 31 000 tonnes par an de matières valorisables. Il faut raisonner au niveau du bassin et ne pas se disperser avec plusieurs acteurs sur une même filière.

La délégation a ensuite invité à déjeuner Fabrice Hoarau, conseiller régional en charge des déchets et de l'environnement. Le projet de PRPGD est longuement évoqué, avec un objectif de finalisation fin 2022. L'objectif est de créer des filières locales pour tous les gisements. La crise des déchets dangereux oblige à réfléchir à court terme à l'affrètement d'un navire dédié, à plus long terme à un centre d'enfouissement.

En début d'après-midi, une rencontre avec l'ARS de La Réunion permet d'évoquer les risques sanitaires induits par les déchets. La difficulté à établir une causalité au plan épidémiologique et légal est soulevé sur ce type de risques qui se caractérisent par des expositions faibles, multiples et sur de très longues périodes. La méthodologie est encore fragile.

La délégation a ensuite échangé avec le CESER de La Réunion. Le problème de l'ingénierie est pointé, ainsi que celui de la faiblesse de la gouvernance avec peu de coopération entre les acteurs.

Enfin, la délégation est conviée à dîner à la résidence préfectorale, à l'invitation de M. le préfet de région. La saturation de l'ISDND de Sainte-Suzanne et la prolongation de l'arrêté autorisant son exploitation pour quelques années sont évoquées, ainsi que l'impérieuse nécessité de trouver de nouvelles solutions à échéance de 5 ans maximum, pour à la fois traiter les CSR de l'usine Inovest et ouvrir une nouvelle ISDND.

Jeudi 30 juin 2022 - commune de Sainte-Suzanne et Mayotte

Lors d'un petit-déjeuner de travail, la délégation rencontre le syndicat de l'importation et du commerce de La Réunion (SICR) qui représente la plateforme multifilières REP sur l'île. La mutualisation des moyens des filières REP est un point de progrès à approfondir encore. Le casse-tête de l'exportation des déchets dangereux est aussi au centre des attentions.

La délégation se dirige ensuite vers Sainte-Suzanne pour visiter l'ISDND en cours d'agrandissement, ainsi que le centre de valorisation Suez Inovest. Ce centre privé est le prestataire du SYDNE entre autres. L'objectif est de valoriser 72 % des déchets du nord-est de l'île. Ce centre atteindrait le taux de valorisation le plus élevé de l'Union européenne et serait le plus moderne en milieu tropical. À cet égard, les débuts de l'exploitation ont fait apparaître un problème non anticipé : le fléau des mouches. Des actions ont permis de réduire la nuisance, y compris pour le voisinage. Des études scientifiques ont été lancées pour mieux comprendre et lutter contre ce phénomène.

Le tri optique permet de séparer les matières avec une extrême précision. La production de CSR est très performante, toutefois l'écueil majeur est l'absence complète, à ce jour, d'utilisation de ces CSR. Au lieu d'être brulés pour produire de l'électricité, ils sont enfouis. Cette absurdité est liée à un manque de planification et à de mauvaises anticipations. Deux solutions sont sur la table : construire une chaudière CSR dans l'usine électrique voisine de Bois-Rouge qui brûle notamment de la bagasse ou s'associer au projet Run'Eva dans le sud de l'île.

La délégation se dirige ensuite vers l'aéroport Roland Garros pour prendre le vol vers Mayotte.

Arrivée en début de soirée à Mayotte, la délégation se rend directement à la résidence préfectorale à l'invitation de M. le préfet. Sont également conviés plusieurs maires et présidents d'EPCI, ainsi que le président du SIDEVAM, unique syndicat en charge du traitement des déchets sur l'île, et des deux sénateurs Abdallah Hassani et Thani Mohamed-Soilihi. Le dîner met en lumière les défis majeurs de l'île sur ce dossier aussi.

Vendredi 1 er juillet 2022 - communes de Mamoudzou, Koungou et Dzoumogné

La délégation débute son déplacement sur le terrain par une visite du centre de recyclage des métaux de la société Enzo Technic Recyclage. En présence du sénateur Abdallah Hassani, les difficultés du recyclage et du respect de la réglementation (déchets en mélange) sont soulevés par le représentant de la DEAL. Cette entreprise privée est le seul acteur sur ce marché.

La délégation se rend ensuite à l'éco-pôle Star Mayotte. Cette filiale de Suez gère le seul centre de tri de l'île, ainsi que les déchets dangereux. Le problème de la saturation des espaces de stockage est prégnant et pose de vrais risques pour la sécurité. Les batteries au lithium ne sont pas acceptées pour le moment. L'exportation est de plus en plus compliquée, voire impossible.

Direction ensuite, l'ISDND de Dzoumogné qui accueille depuis 2014 tous les déchets de l'île voués à l'enfouissement. L'installation est également gérée par Star Mayotte (Suez). Les problèmes d'insécurité sont soulignés avec le caillassage régulier des personnels, des véhicules ou le vol de géomembranes. L'ISDND a été conçue pour accueillir 30 années de déchets, mais la tendance actuelle est préoccupante et raccourcirait ce délai à 25 ans. La production de biogaz devrait démarrer en août 2022.

En raison des problèmes de sécurité, la visite du site n'est pas possible. En revanche, la délégation se rend sur le site de l'ancienne décharge fermée et réhabilitée depuis 2014, à quelques centaines de mètres de l'actuelle. En réalité, cette ancienne décharge s'est depuis transformée en site de stockage plus ou moins encadré des DEEE. C'est en effet un site de regroupement des DEEE pour l'éco-organisme Ecosystem dans l'attente de l'exportation vers La Réunion. Cette semi-réouverture du site l'a transformé en cimetière pour DEEE dans des conditions pas toujours contrôlées. La filière commence à décoller néanmoins, avec le début de la reprise 1 pour 1 depuis 2021. Seuls les DEEE « intègres » partent. Les autres restent sur l'île pour le moment sans aucune solution. Sur site, la délégation échange avec le représentant local de Maoré territoires, référent des filières REP sur l'île.

La délégation déjeune ensuite avec la responsable administrative de la gestion des déchets de la CADEMA, avant de se rendre sur un chantier de nettoyage de la mangrove par l'association Nayma. En présence de la presse locale, la délégation découvre l'ampleur de la pollution du littoral et le risque d'étouffement de la mangrove. Citéo soutient cette association qui occupe près de 200 salariés en insertion. Cette visite est suivie par celle d'un quartier informel sur les hauteurs, dans le quartier de Massimoni. C'est le choc d'une décharge sauvage au coeur d'un quartier et des populations.

En fin d'après-midi, la délégation se rend au siège du SIDEVAM, en présence du sénateur Thani Mohamed-Soilihi. Le président situe le basculement à partir de 2008 : jusque-là la situation était à peu près contrôlée ; mais l'explosion de l'immigration a bouleversé la gestion des déchets. En 2020, des erreurs de gestion et de gouvernance ont conduit à une désorganisation complète du syndicat. Le redressement est entamé avec une nouvelle direction. La question financière est importante, la TGAP entravant les efforts qui ne pourront produire des effets qu'à long terme. Le sentiment est celui d'une urgence majeure, mais l'État ne semble pas partager ce ressenti.

Samedi 2 juillet 2022 - commune de Mamoudzou

La délégation débute la matinée par la visite du seul centre VHU agréé de l'île. C'est le constat d'un manque de moyen et d'espace pour gérer le flux. La résorption du stock paraît encore plus difficile. La création d'une filière rentable est compliquée. L'acquisition d'une presse par le centre devrait prochainement débloquer une partie des difficultés.

La délégation se rend ensuite au siège de la DEAL pour rencontrer plusieurs porteurs de projets de recyclage local. Le projet de LVD Mayotte Environnement s'appuie en particulier sur une collecte innovante (gratification du tri pour récupérer des plastiques) et un projet de production de préforme plastique.

En début d'après-midi, la délégation rencontre le conseil départemental, pour évoquer notamment le projet de PRPGD, en présence du sénateur Thani Mohamed-Soilihi.

Retour sur Paris le lendemain matin.

Visite d'une ressourcerie sur la commune du Tampon (La Réunion)

Rencontre au TCO (La Réunion)

Décharge sauvage à Mayotte (sur les hauteurs de Majicavo Dubaï)

Visite du chantier du projet Run'Eva (La Réunion)

Décharges « provisoires » de DEEE à Dzoumogné (Mayotte)

Centre multifilières Inovest Suez à Sainte-Suzanne (La Réunion)

Surélévation en cours de l'ISDND de Sainte-Suzanne (La Réunion)

Du 18 au 22 septembre 2022

À Saint-Pierre-et-Miquelon

Dimanche 18 septembre - commune de Saint-Pierre

Arrivée la veille à 23 h 45, la délégation composée de Gisèle Jourda et Viviane Malet, rapporteures, ainsi que de Guillaume Chevrollier, sénateur de la Mayenne, découvre l'île, son histoire, sa géographie, ses infrastructures et son développement. La délégation est rejointe par Stéphane Artano, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon et président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, pour dresser un premier état des lieux de la situation sur l'archipel. Le président Stéphane Artano a participé à l'ensemble des rencontres et visites au cours de ce déplacement.

Lundi 19 septembre - commune de Saint-Pierre

La délégation débute ses rencontres avec la commune de Saint-Pierre qui rassemble près de 90 % de la population de l'archipel. Un long échange avec le maire et son équipe pointe les avancées marquantes en matière de réduction et de tri des déchets. Mais il met aussi en lumière le désarroi de la commune face à la situation de la décharge historique. Cette décharge à ciel ouvert est située sur le littoral, en partie sur le domaine public maritime. Elle accueille tous les déchets de l'île, pas uniquement les déchets ménagers qui relèvent de la compétence de la commune. La commune a le sentiment d'être seule à devoir gérer une politique publique qui excède ses compétences et ses moyens.

Cet échange se poursuit par un déplacement sur site. La déchetterie, le centre de tri et le centre de compostage sont visités. Mitoyenne de ces installations, en contrebas du phare et en dévalant vers la mer, se trouve la décharge municipale. La délégation constate que tous les déchets non triés et les encombrants y finissent en vrac. Au premier plan, des montagnes de sacs verts en provenance de l'hôpital public. Une partie des déchets accumulés a brûlé au cours des derniers jours, les vents étant bien orientés en cette saison. La veille encore, on pouvait apercevoir les fumées. Lors des tempêtes, ce sont des tonnes de déchets qui sont emportées par les lames. La décharge occuperait une partie du domaine public maritime, ce qui motive une plainte de l'OFB actuellement devant le procureur de la République.

Juste sous le phare, ce sont des VHU non dépollués qui forment une muraille. La filière n'est pas encore opérationnelle, bien qu'un container de décontamination ait été livré quelques semaines auparavant. La presse est toujours en attente de livraison.

La délégation se rend ensuite au siège de la direction des territoires, de l'alimentation et de la mer de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce service de l'État couvre de nombreux domaines correspondant à ceux des DEAL, directions des affaires maritimes, services vétérinaires, direction des routes et les affaires portuaires. Sa directrice, Mme Patricia Bourgeois, a aussi la casquette de référente de l'ADEME sur le territoire. C'est l'occasion d'un tour d'horizon des enjeux du territoire, notamment les études à mener pour créer une filière de valorisation énergétique. Le secteur du BTP, en retard sur le tri des déchets, est également évoqué.

La délégation est ensuite invité à déjeuner par M. le préfet, Christian Pouget, à la résidence préfectorale, en présence du député de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce bâtiment a notamment hébergé le général de Gaulle lors de sa visite historique le 20 juillet 1967. La question de la décharge municipale est soulevée. Une piste serait de bénéficier des crédits du plan national de réhabilitation des anciennes décharges littorales, sous réserve d'obtenir une dérogation, celle de Saint-Pierre-et-Miquelon étant encore en activité.

La délégation a ensuite rencontré Karine Claireaux, ancienne maire de Saint-Pierre, accompagnée de son premier adjoint et de son adjoint en charge des déchets. En effet, c'est sous sa mandature, à partir de 2014 jusqu'en 2020, qu'une politique ambitieuse de prévention et de tri des déchets a été initiée, notamment dans le cadre du label « Zéro Déchet Zéro Gaspillage ». La politique des déchets partait pratiquement de rien. Une excellente collaboration avec l'ADEME a permis de monter en compétence. La stratégie suivie a été très pragmatique et progressive en la construisant brique par brique : d'abord, le verre, puis les autres emballages, enfin les biodéchets. Un principe a guidé les choix : faire simple et utiliser des solutions robustes, faute de moyens financiers importants. La population a été associée pas à pas et a adhéré en voyant les résultats très concrets obtenus.

Puis la délégation a rencontré à l'hôtel de la Collectivité Yannick Abraham, premier vice-président de la collectivité d'outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il a été évoqué l'appui de la collectivité à l'action des communes, notamment la mise à disposition de terrains ou les financements. Le plan territorial d'élimination des déchets serait en cours d'élaboration. Le recueil des données demeure compliqué. La collectivité souligne que le problème des décharges peut être un obstacle au développement du tourisme vert.

Mardi 20 septembre - commune de Miquelon-Langlade

La délégation se rend en ferry sur l'île de Miquelon-Langlade au départ de Saint-Pierre. La traversée dure environ 1 h 30.

La matinée débute par une rencontre avec Yannis Coste, 3 ème vice-président de la collectivité, pour retracer l'historique de la gestion des déchets sur la commune de Miquelon-Langlade où vit environ 10 % de la  population de l'archipel. Le territoire est en revanche beaucoup plus vaste que Saint-Pierre.

La délégation a ensuite longuement échangé avec le maire de Miquelon-Langlade Franck Detcheverry, accompagné de son adjointe en charge de l'environnement. Il regrette un manque de coopération avec l'État et la collectivité et juge la commune seule pour gérer cette problématique. Les besoins financiers sont trop lourds, le projet de déchetterie étant un bon exemple. L'ADEME suggérait un site ouvert, or les conditions climatiques imposent un site fermé, ce qui coûte naturellement plus cher. La question des VHU est prioritaire, avec l'idée d'une consigne à l'entrée des véhicules sur l'île. L'idée d'une meilleure coopération et d'un partage des rôles entre les deux communes émerge, Miquelon-Langlade disposant de plus d'espace pour accueillir un site de stockage aux normes.

Cette rencontre est suivie d'une visite de la décharge municipale. Non conforme aux normes, les déchets non triés y sont brûlés régulièrement à l'air libre sur le littoral. Quelques centaines de mètres plus loin, la délégation se rend sur le site de l'ancienne décharge qui a été comblée, sans réhabilitation dans les règles. La délégation visite ensuite le site de stockage des VHU non dépollués. Les VHU, au moins une centaine, attendent une opération de déstockage éventuelle.

La délégation découvre ensuite l'île et ses enjeux environnementaux, notamment en visitant la Maison territoriale de l'environnement.

Retour à Saint-Pierre par le ferry du soir.

Mercredi 21 septembre - commune de Saint-Pierre

La délégation a d'abord rencontré le responsable du service de l'éducation nationale, afin d'évoquer les actions de sensibilisation développées auprès des élèves (1 050 sur l'archipel). S'agissant des déchets produits par les établissements, une particularité de l'archipel est l'absence de restauration scolaire, faute de demande.

L'office français de la biodiversité (OFB) a ensuite présenté ses actions sur le territoire. La situation de la décharge de Saint-Pierre, depuis la plainte déposée, a été abordée.

La délégation a ensuite rencontré le directeur de l'hôpital, accompagné du responsable de la gestion des déchets à risque infectieux. La présence de nombreux sacs de l'hôpital non triés à la décharge de Saint-Pierre a été pointée. La direction précise qu'il s'agit des déchets ménagers, notamment ceux des chambres des patients. En revanche, tous les DASRI sont traités conformément à la réglementation. Un banaliseur acquis en 2015 permet de les décontaminer et de les broyer, avant élimination. Un nouveau plan de gestion des déchets est en cours d'élaboration pour mieux trier les déchets ménagers.

Un point délicat est soulevé : celui des pièces anatomiques d'origine humaine (PAOH). Il n'existe pas de filières pour les éliminer. Elles sont actuellement brûlées ponctuellement, sous surveillance, sur le site de la décharge municipale, puis recouvertes de chaux. La solution d'une sorte d'ossuaire au cimetière n'a pas été validée. Le procédé de l'aquamation a été proposé, mais il n'est pas autorisé en France. Il est urgent de trouver une solution, le brûlage à la décharge étant indigne. S'agissant des médicaments périmés et des produits cytotoxiques, ils sont stockés, puis évacués vers le CHU de Brest lorsqu'un bateau militaire est disponible. Le stock actuel date de 1 à 2 ans.

Enfin, la délégation échange avec des représentants du collectif Caillou propre, qui organise des opérations régulières de nettoyage du littoral à proximité de la décharge municipale de Saint-Pierre qui relargue en mer des tonnes de déchets. Leur sentiment est que les autorités se rejettent la responsabilité en permanence et que leur action citoyenne n'est pas réellement soutenue.

Jeudi 22 septembre - commune de Saint-Pierre

La délégation débute la dernière matinée au siège de la Chambre d'agriculture, de commerce, d'industrie, de métiers et de l'artisanat de Saint-Pierre-et-Miquelon. La directrice de la CACIMA expose le rôle du comité de gestion des déchets, afin de mieux coordonner les entreprises de l'île avec la stratégie de la commune en matière de déchets. Les avancées demeurent limitées. La crainte des entreprises est celui d'une fermeture du site de la décharge municipale aux déchets d'activité économique. Le BTP accuse un retard important.

La CACIMA présente ensuite plusieurs chefs d'entreprise qui ont dans le passé porté des projets de valorisation des déchets et qui souhaitent en développer. Les obstacles techniques et économiques sont nombreux. Une meilleure coopération avec les communes, l'État et la collectivité paraît nécessaire, par exemple pour le traitement des VHU.

Le déplacement à Saint-Pierre-et-Miquelon s'achève par un entretien avec le président du Medef de Saint-Pierre-et-Miquelon, également chef d'entreprise dans le BTP et le tourisme. Le problème des déchets d'amiante est notamment pointé. Le bateau militaire vers l'Hexagone est le seul vecteur, le Canada refusant de traiter ce type de déchets.

Retour vers Paris en début d'après-midi.

Les abris individuels pour les sacs gris des ordures ménagères

Les ferrys pour se rendre à Miquelon

Visite du centre de tri de Saint-Pierre

Rencontre à la maire de Saint Pierre

Du compost stocké

Les VHU non dépollués stockés juste au-dessus de la décharge, sous le phare

Arrivée sur le site de décharge municipale non autorisée de Saint-Pierre. Au premier plan en vert, des sacs de l'hôpital

La délégation devant la résidence préfectorale avec le maire de Saint-Pierre et le député de Saint-Pierre-et-Miquelon

Arrivée du ferry à Miquelon

La décharge municipale non autorisée de Miquelon

Rencontre à la mairie de Miquelon

Une petite partie du site de stockage des VHU non dépollués à Miquelon

Rencontre avec le collectif Caillou propre

Rencontre avec la CACIMA et des chefs d'entreprise

LISTE DES ABRÉVIATIONS

• ACC'DOM : Association des communes et collectivités d'outre-mer

• ADEME : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

• AFD : Agence française du développement

• AGEC : Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire

• AIEA : Agence internationale de l'énergie atomique

• AMO : Assistance à maîtrise d'ouvrage

• ANCT : Agence nationale de la cohésion des territoires

• Andra : Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs

• APER : Association pour la plaisance éco-responsable

• BTP : Bâtiments et travaux publics

• CACL : Communauté d'agglomération du Centre Littoral

• CADEMA : Communauté d'agglomération de Dembéni-Mamoudzou

• CCDS : Communauté de communes des savanes

• CCES : Commission consultative d'élaboration et de suivi

• CCOG : Communauté des Communes de l'Ouest Guyanais

• CCT : Contrats de convergence et de transformation

• CET : Centre d'enfouissement technique

• CGSS : Caisses générales de sécurité sociale

• CIREST : Communauté intercommunale de La Réunion Est

• CIVEN : Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires

• CODEC : Contrats d'objectifs déchets et économie circulaire

• CODOM : Contrats d'objectifs déchets outre-mer

• COM : Collectivité d'outre-mer

• CRC, CTC : Chambre régionale des comptes, Chambre territoriale des comptes

• CSR : Combustibles solides de récupération

• DAE : Déchets d'activités économiques

• DASRI : Déchets d'activités de soins à risques infectieux

• DD : Déchets dangereux

• DDS : Déchets dangereux spécifiques

• DEA : Déchets d'éléments d'ameublement

• DEAL : Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement

• DEEE (ou D3E) : Déchets d'équipements électriques et électroniques

• DGPR : Direction générale de la prévention des risques

• DGS : Direction générale de la santé

• DI : Déchets inertes

• DIMENC : Direction des mines de Nouvelle-Calédonie

• DIREN : Direction régionale de l'environnement

• DMA : Déchets ménagers et assimilés

• DND : Déchets non dangereux

• DNDNI : Déchets non dangereux non inertes

• DSCEN : Département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires

• DROM : Département et région d'outre-mer

• DSND : Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense

• EPCI : Établissement public de coopération intercommunale

• FED : Fonds européen de développement

• Feder : Fonds européen de développement régional

• FEDOM : Fédération des entreprises d'outre-mer

• FEI : Fonds exceptionnel d'investissement

• FOM : Fonds outre-mer

• GECT : Groupement européen de coopération transfrontalière

• ICPE : Installation classée pour la protection de l'environnement

• Inserm : Institut français de la recherche médicale

• INTEGRE : Initiative des territoires pour la gestion régionale de l'environnement

• ISD : Installation de stockage des déchets

• ISDD : Installation de stockage de déchets dangereux

• ISDND : Installation de stockage de déchets non dangereux

• Loi NOTRe : Loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République

• MNU : Médicaments non utilisés

• MOM : Ministère chargé des outre-mer

• OCDE : Organisation de coopération et développement économiques

• OMr : Ordures ménagères résiduelles

• Ordec : Observatoire régional des déchets et de l'économie circulaire

• P(R)AEC : Plan (régional) d'action en faveur de l'économie circulaire

• PAOH : Pièces anatomiques d'origine humaine

• PAP : Porte-à-porte

• PAV : Point d'apport volontaire

• PEC : Paquet Économie Circulaire

• PEDMA : Plan d'élimination des déchets ménagers et assimilés

• PLPDMA : Programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés

• PMCB : Produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment

• PNTTD : Pôle national des transferts transfrontaliers de déchets

• PPGDM : Plan de prévention et de gestion des déchets de Martinique

• PRPGD : Plan régional de prévention et gestions des déchets

• PTOM : Pays et territoires d'outre-mer

• REFIOM : Résidus d'épuration des fumées d'incinération des ordures ménagères

• REOM : Redevance d'enlèvement des ordures ménagères

• REP : Responsabilité élargie du producteur

• RPQS : Rapports annuels sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets

• RUP : Régions ultrapériphériques

• SGAR : Secrétaire général pour les affaires régionales

• SICR : Syndicat de l'importation et du commerce de La Réunion

• SIDEVAM : Syndicat intercommunal de valorisation et d'élimination des déchets de Mayotte

• SMTVD : Syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets

• SPCPF : Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française

• SPGD : Service public de gestion des déchets

• SYDNE : Syndicat mixte de traitement des déchets du nord et de l'est de La Réunion

• SYVADE : Syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe

• TAAF : Terres australes et antarctiques françaises

• TAP : Taxe de soutien aux actions de lutte contre la pollution

• TEAP : Taxe pour l'environnement, l'agriculture et la pêche

• TEOM : Taxe d'enlèvement des ordures ménagères

• TERV : Taxe d'environnement pour le recyclage des véhicules

• TFUE : Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

• TGAP : Taxe générale sur les activités polluantes

• TI : Tarification incitative

• TIC : Technologies de l'information et de la communication

• UIOM : Unité d'incinération d'ordures ménagères

• UVE : Unité de valorisation énergétique

• VHU : Véhicules hors d'usage

COMPTES RENDUS DES TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

• Jeudi 19 mai 2022 - Audition de la direction générale des outre-mer (DGOM) et de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) 193

• Jeudi 19 mai 2022 - Audition de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) 203

• Jeudi 2 juin 2022 - Table ronde avec des organisations non gouvernementales 213

• Jeudi 2 juin 2022 - Table ronde avec des opérateurs économiques 227

• Jeudi 16 juin 2022 - Audition de M. Jean Hornain, directeur général de Citeo 241

• Jeudi 16 juin 2022 - Audition de M. Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce 253

• Jeudi 23 juin 2022 - Table ronde sur la responsabilité élargie des producteurs (REP) 265

• Mardi 12 juillet 2022 - Table ronde Guyane 287

• Mardi 12 juillet 2022 - Table ronde Antilles 299

• Jeudi 21 juillet 2022 - Table ronde Pacifique 311

• Jeudi 21 juillet 2022 - Table ronde Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) 335

• Jeudi 13 octobre 2022 - Table ronde sur les aspects sanitaires de la gestion des déchets dans les outre-mer 343

• Jeudi 20 octobre 2022 - Table ronde sur les aspects fiscaux de la gestion des déchets dans les outre-mer 357

Jeudi 19 mai 2022

Audition de la direction générale des outre-mer (DGOM) et de la direction générale de la prévention des risques (DGPR)

Mme Victoire Jasmin, présidente . - Mes chers collègues, nous reprenons ce matin les activités de la Délégation sénatoriale aux outre-mer après plusieurs semaines d'interruption due à la période électorale. J'ai l'honneur de remplacer le président Stéphane Artano, actuellement à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui participe à nos travaux en visioconférence.

Lors de notre réunion du 17 février dernier, la délégation a décidé d'inscrire dans son programme de travail de 2022 une étude sur la gestion des déchets dans les territoires ultramarins. Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, et Viviane Malet, sénatrice de La Réunion, en ont été désignées rapporteures.

Nous engageons donc ce matin une série d'auditions consacrées à ce sujet, qui nous conduira à dresser un état des lieux de la situation dans les outre-mer et à faire des propositions, afin de relever les nombreux défis auxquels nos territoires sont confrontés dans ce domaine.

Nous accueillons ce matin, pour la direction générale des outre-mer (DGOM), Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques, et Clément Médée, adjoint à la cheffe du bureau de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables (BELDAD), responsable de la section environnement et développement durable, ainsi que Camille Vionnet, chargée de mission « Eau, Climat, Déchets » au sein du même bureau.

La direction générale de la prévention des risques (DGPR) est pour sa part représentée par Vincent Coissard, sous-directeur des déchets et de l'économie circulaire, et Jean-François Ossola, adjoint à la cheffe du bureau de la planification et de la gestion des déchets.

Je donnerai successivement la parole au président Stéphane Artano, à la présidente du groupe d'études sur l'économie circulaire, Marta de Cidrac, aux deux rapporteures et aux représentants de la DGOM et de la DGPR. Nos autres collègues qui souhaitent intervenir pourront ensuite le faire à leur tour.

M. Stéphane Artano, président . - Je tiens à remercier vivement Victoire Jasmin d'avoir bien voulu me remplacer pour le lancement de notre nouvelle étude consacrée à la gestion des déchets dans les territoires ultramarins.

Je laisserai à nos rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, toutes deux très impliquées dans ces problématiques, le soin de vous en exposer les enjeux.

Pour ma part, je me félicite de ce choix, car il s'agit d'un sujet majeur pour l'environnement, le cadre de vie et la santé de nos concitoyens.

Nos rapporteures ont prévu d'aborder les situations locales en organisant, comme nous en avons l'habitude, plusieurs tables rondes géographiques par bassin océanique, mais également en se rendant à La Réunion, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, où j'aurai le plaisir de les accueillir.

Certes, les territoires ultramarins connaissent des spécificités, mais nos défis sont fondamentalement les mêmes : la limitation des espaces de stockage en raison de nos géographies insulaires, des moyens économiques et budgétaires contraints, le handicap de l'isolement et la question de l'export des déchets dangereux, l'importance des « encombrants » liés à des modèles de consommation inadaptés, la surexposition aux risques naturels, source potentielle de déchets et de pollution considérable... Tous ces phénomènes ont un impact très important sur les coûts de gestion, qui sont bien plus élevés dans les outre-mer que dans l'Hexagone.

Si la question environnementale est annoncée comme la priorité du nouveau quinquennat, quelle sera concrètement la place réservée aux outre-mer dans ce domaine ? La lutte contre les déchets, avec ses enjeux sanitaires, économiques et sociaux, est à nos yeux un aspect fondamental de toute politique écologique.

Je me félicite tout particulièrement de la participation des membres du groupe d'études sur l'économie circulaire et de sa présidente, Marta de Cidrac. Nous sommes réellement heureux de cette collaboration autour de la situation des outre-mer, qui constituent aussi de véritables laboratoires d'innovations.

Enfin, je voudrais dire à nos collègues de la délégation qu'après cette longue période électorale, nous allons progressivement renouer avec notre rythme de réunion hebdomadaire.

Le mercredi 29 juin, nous accueillerons des représentants de l'Association des juristes en droit des outre-mer (AJDOM) pour un échange sur le thème des outre-mer dans la Constitution, afin d'approfondir la réflexion initiée par le président Michel Magras en 2020 dans son rapport sur la différenciation territoriale outre-mer.

Le jeudi 7 juillet, je vous propose de participer à un déjeuner de travail afin d'échanger sur notre programme d'activités, notamment en vue de l'audition du prochain ministre des outre-mer.

Mme Marta de Cidrac, présidente du groupe d'études sur l'économie circulaire au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre souhait d'associer le groupe d'études économie circulaire à ce travail sur la gestion des déchets dans les outre-mer.

Il s'agit d'un sujet essentiel que nous avons déjà eu l'occasion d'aborder lors des débats à l'occasion de l'examen de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite AGEC, qui a souhaité adapter le régime juridique national aux contraintes et opportunités des territoires ultramarins. La loi permet ainsi, pour chaque filière de responsabilité élargie du producteur (REP), une consultation des collectivités pour un déploiement adapté à chaque territoire de la prévention, de la collecte, du traitement et de la valorisation des déchets. Il est également prévu que les éco-organismes puissent pourvoir temporairement à la collecte, au tri ou au traitement des déchets soumis au principe de REP dans les collectivités territoriales qui en font la demande. De surcroît, le texte contraint tout éco-organisme à élaborer et à mettre en oeuvre un plan de prévention et de gestion des déchets dans les collectivités ultramarines, de manière à améliorer les performances de collecte et de traitement des déchets dans ces territoires, afin qu'elles soient identiques à celles atteintes en moyenne sur le territoire métropolitain.

Enfin, et surtout, le barème de prise en charge par les éco-organismes des coûts supportés par le service public de gestion de déchets est majoré. Dans le cas spécifique des emballages ménagers et des papiers, 100 % de ces coûts sont pris en charge par l'éco-organisme, contre respectivement 80 % ou 50 % sur le reste du territoire national.

Les territoires ultramarins sont également envisagés comme des espaces d'expérimentation et d'innovation dans nos politiques publiques de prévention et de gestion des déchets.

La loi AGEC a tout d'abord permis aux collectivités territoriales volontaires, notamment dans les outre-mer, d'expérimenter le déploiement de la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique avant 2023. Par ailleurs, dans la récente loi Climat et résilience, le Sénat a prévu une reprise sans frais des véhicules hors d'usage auprès des particuliers, qui pourra s'accompagner d'une prime au retour si celle-ci permet d'améliorer l'efficacité de la collecte.

Dans un projet de décret publié en mars, le pouvoir réglementaire a saisi cette opportunité pour introduire une prime au retour dans les territoires ultramarins afin d'inciter les détenteurs à remettre leur véhicule à la filière légale.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure - Le sujet de notre groupe de travail figure au coeur de la transition écologique. Nous nous devons d'agir en synergie pour dresser un état des lieux, mettre en place des dispositifs et envisager des perspectives d'amélioration, en particulier dans les territoires ultramarins.

Mais, avant tout, la gestion des déchets est un service public de base, élémentaire, au même titre que l'eau ou l'assainissement. Or, dans les territoires ultramarins, ces services ne sont pas toujours rendus de façon satisfaisante. Dans la presse ultramarine, des articles sont publiés tous les jours sur le sujet, ici pour dénoncer des dépôts sauvages, là pour mettre en avant des initiatives positives, alerter sur l'engorgement des filières ou pointer des problèmes de gouvernance.

J'attends tout particulièrement de ces premières auditions un état des lieux le plus précis et le plus complet possible, afin d'identifier les points communs, mais aussi les différences entre l'outre-mer et l'Hexagone. Nous avons notamment besoin de chiffres-clés sur les quantités de déchets à traiter, leur typologie et leur évolution depuis cinq ou dix ans. Les données publiques n'ont souvent pas été actualisées depuis quatre ou cinq ans.

J'ouvre d'ailleurs une parenthèse. Lorsque j'ai été précédemment amenée à travailler sur le grave problème de la pollution des sols, pollution qui peut être due à des décharges sauvages notamment, ce problème des données avait déjà été souligné. L'absence d'inventaire complet est parfois une façon de mettre la poussière sous le tapis. Pendant nos travaux, nous devrons donc être vigilants et exigeants sur l'état des lieux.

Il faut aussi mesurer les résultats obtenus. Les ambitions sont grandes, mais sont-elles à la portée de tous ces territoires ? Par exemple, le tri à la source des biodéchets doit être effectif fin 2023. Cette obligation est-elle réaliste ? De même, quels sont les premiers résultats tangibles et mesurables des stratégies « zéro déchet » ?

Nous aimerions également disposer d'un bilan des aides directes ou indirectes de l'État en faveur de la gestion des déchets outre-mer et de l'effort national consenti pour combler les retards. Ce panorama est essentiel pour nos travaux.

Se pose enfin la question des fonds européens mobilisables et mobilisés pour nos territoires, et plus encore celle de la différenciation et de l'adaptation des règles européennes aux régions ultrapériphériques (RUP). Une première analyse indique que les textes européens sur les déchets et l'économie circulaire ne tiennent pas ou peu compte des spécificités de ces régions. Ne faudrait-il pas une démarche beaucoup plus proactive d'adaptation des règles ? La situation des déchets dangereux bloqués à La Réunion depuis des mois en fournit un bon exemple : ne pourrait-on pas déroger à l'obligation d'exporter ces déchets vers les seuls pays de l'OCDE ? Ne faudrait-il pas passer tous les textes européens sur les déchets au crible des réalités des RUP françaises ? Une telle démarche a-t-elle été engagée au niveau des ministères ?

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Mes chers collègues, en ma qualité de sénatrice de La Réunion, je constate chaque jour les défis de gestion des déchets à relever sur mon territoire. Les volumes ne cessent de croître, malgré les efforts déployés, et les contraintes propres aux outre-mer sont autant de complications.

Sur les déchets, nous sommes, me semble-t-il, en alerte rouge. Des stratégies fortes doivent être mises en oeuvre. Mes principales interrogations portent sur la gouvernance et la fiscalité. Sur des territoires aussi intégrés que les nôtres, la gouvernance classique région-intercommunalités-communes, combinée à des syndicats mixtes plus ou moins étendus, vous paraît-elle satisfaisante ? Il nous semble que ce schéma nous prive à la fois d'une vision d'ensemble et d'un niveau de proximité.

En matière de fiscalité, le point majeur est le montant de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), qui augmente chaque année jusqu'en 2025. Pour nos territoires, où l'enfouissement demeure le principal mode de traitement, la TGAP s'apparente à une entrave pénalisante plus qu'à une incitation à faire, car elle nous prive de recettes pour financer l'indispensable plan de rattrapage des infrastructures.

Une réflexion est-elle engagée au niveau du ministère pour corriger ce biais ? J'irais même jusqu'à proposer que les recettes de la TGAP restent sur le territoire pour financer la modernisation du service public des déchets : j'aimerais recueillir votre avis sur une telle suggestion.

Sur la question du recyclage, je souhaiterais avoir votre éclairage sur les filières REP (Responsabilité élargie des producteurs). Existe-t-il un bilan global du coût environnemental des filières actuelles de recyclage, notamment celle des plastiques, très largement dépendante de l'export maritime ?

Par ailleurs, comment inciter les professionnels du recyclage à s'affranchir des limites du seuil industriel fréquemment avancé, la fameuse massification, pour ne pas implanter des filières de recyclage ? La massification est-elle vraiment hors de portée des outre-mer ? Si oui, la coopération régionale est-elle une voie à explorer ?

Enfin, comment contrôler et limiter la situation monopolistique dans les territoires insulaires, où le manque de concurrence lié à l'éloignement peut créer des situations de domination économique, notamment dans les secteurs de la gestion des déchets et de l'énergie ? Comment concilier ce risque concurrentiel avec le défi de la massification des flux précédemment évoqué ?

M. Vincent Coissard, sous-directeur des déchets et de l'économie circulaire au sein de la direction générale de la prévention des risques . - Mesdames, messieurs les sénateurs, les territoires ultramarins font en effet face à de nombreux défis, que l'on retrouve également dans une moindre mesure sur le territoire métropolitain. On relève des points communs, mais aussi des différences assez importantes d'un territoire à l'autre.

La production de déchets est ainsi beaucoup plus faible par habitant en Guyane qu'au niveau national, mais plus élevée à La Réunion. Autre différence assez générale par rapport à l'Hexagone : le fort recours à la mise en décharge outre-mer.

On peut souligner le rôle important de l'Ademe dans la gestion des déchets, celle-ci apportant un soutien technique pour adapter les technologies aux spécificités des territoires, et jouant un rôle spécifique dans le développement des filières à responsabilité élargie des producteurs prévu par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). Je pense en particulier aux filières des déchets du bâtiment, des emballages, des véhicules hors d'usage, des huiles minérales et des pneumatiques. L'enjeu de la couverture des coûts est particulièrement important, ces derniers pouvant être plus élevés outre-mer, pour de nombreuses raisons.

La loi AGEC prévoit explicitement une majoration de la couverture des coûts pour la filière REP des emballages. L'Ademe et les filières REP ont un rôle à jouer pour faire remonter les données et améliorer les informations à disposition. Les filières REP ont une obligation légale de transmission des données, via les éco-organismes. En revanche, quand les filières REP sont encore inexistantes, comme pour les déchets du bâtiment, il est très compliqué d'avoir des données, ne serait-ce qu'à l'échelle nationale. De nombreuses régions ont toutefois mis en place des observatoires des déchets, qui peuvent aussi contribuer au recueil d'informations, et la loi AGEC fixe une obligation de traçabilité pour la mise en décharge et l'incinération. Faudrait-il élargir le champ de ces obligations ? On peut se poser la question.

S'agissant de l'export des déchets, certaines filières peuvent se développer localement, dans le cas de déchets facilement recyclables, sans doute dans un cadre de coopération régionale pour mutualiser les coûts. Mais, pour certains déchets particulièrement complexes à recycler, il faudra envisager soit un traitement dégradé, par exemple dans un but de valorisation énergétique, soit un système d'export aux fins de traitement. En revanche, tout le processus de tri peut être effectué sur place.

La situation de l'export s'est par ailleurs fortement dégradée depuis la crise de la Covid en 2020, qui a complètement désorganisé le trafic international. Les bateaux ont tout d'abord été bloqués, puis, lors de la reprise économique, la très forte demande a entraîné un engorgement des ports et du trafic maritime. Certaines compagnies ont alors cherché à minimiser au maximum les risques.

En matière d'export de déchets, c'est avant tout la convention de Bâle qui s'applique. Chaque pays par lequel transite un conteneur pouvant se trouver en charge de celui-ci, certains pays de transit n'ont plus donné explicitement leur accord, et certaines compagnies ont imposé une réduction de la durée d'autorisation pour le transport des déchets. Plusieurs réunions se sont tenues entre la DGPR et les deux principales compagnies qui effectuent ces transferts (MSC et CMA-CGM) pour tenter d'identifier tous les leviers de simplification du droit international. Nous portons actuellement des amendements à la convention de Bâle dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), mais le processus est très lourd. Certains pays ont malheureusement un intérêt à ne pas se montrer très diligents dans la gestion de ces containers conteneur de transit, qui viennent encombrer leurs ports sans leur apporter une réelle plus-value économique, même si certains pays appliquent une taxe au transit de déchets.

S'agissant du soutien majoré au développement des filières REP dans les territoires ultramarins, la loi AGEC a prévu un calendrier jusqu'en 2023. Le traitement des dépôts sauvages de véhicules outre-mer fait par ailleurs l'objet de dispositions spécifiques, avec une prime au retour et un plan d'action spécifique, et le développement de la filière REP des huiles minérales est considéré comme prioritaire. Nous veillons par ailleurs à ce que les territoires ultramarins soient traités en priorité par les éco-organismes et que les objectifs définis par la loi s'y appliquent pleinement.

La TGAP a en effet commencé à augmenter en 2021, l'objectif étant celui d'un niveau économique cohérent avec le coût du recyclage. Il revenait en effet moins cher de mettre en décharge des déchets que de les recycler. Cette augmentation doit toutefois être mise en balance avec d'autres mesures, notamment la baisse de la TVA sur le recyclage et celle des frais de gestion pour toutes les collectivités s'engageant dans une démarche de tarification incitative des déchets. La mise en place des filières REP devrait par ailleurs fortement contribuer à la réduction des coûts, notamment pour les déchets du bâtiment.

La question se pose ensuite de savoir comment les recettes de la TGAP supplémentaires peuvent bénéficier à l'économie circulaire. L'idée de taxe affectée n'est pas à la mode, ni nécessairement pertinente, mais il faudra néanmoins faire le bilan de ces différentes actions, notamment du développement des filières REP, principal axe d'un potentiel transfert de charges des collectivités territoriales ultramarines vers les émetteurs de déchets sur le marché.

Le niveau du Fonds pour l'économie circulaire, mis en place par l'Ademe, est-il suffisant ? En 2021 et 2022, il a été abondé de 500 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Mais quid en 2023 ?

Des réformes par petites touches ont été engagées pour adapter la TGAP aux territoires ultramarins, afin d'obtenir une réfaction du coût de la taxe de 35 % pour la Guadeloupe, La Réunion et la Martinique, et de 75 % pour la Guyane et Mayotte, pour s'adapter au niveau de vie des différents territoires.

On constate plutôt une baisse des recettes de TGAP dans les territoires ultramarins, au moins sur la composante « déchets » de cette taxe : elles sont passées de 23 millions d'euros en 2017 à 21 millions en 2019 et 13 millions en 2020. Cette dernière année était certes particulière, avec la Covid, mais la baisse a été plus forte dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone. Est-ce conjoncturel ou structurel ? On attend les chiffres pour 2021, qui seront connus d'ici juillet.

S'agissant des aides spécifiques à l'économie circulaire, sur la période 2017-2021, on avoisine les 130 millions d'euros d'aides émanant du fonds spécifique à l'économie circulaire de l'Ademe, qui est bien utilisé dans les territoires ultramarins. En revanche, on constate une moindre consommation des crédits du Plan de relance, qui visent plutôt des projets déjà dans les cartons et de taille industrielle.

M. Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques au sein de la direction générale des outre-mer . - J'aborderai les trois points suivants : la prise en compte des RUP par l'Union européenne, la consommation des crédits alloués dans le cadre des contrats de convergence et de transformation (CCT) 2019-2022 et les questions relatives aux compétences et à la fiscalité.

S'agissant du premier point, la stratégie d'accompagnement mise en oeuvre par l'Union européenne vis-à-vis des neuf régions ultrapériphériques a été mise à jour début mai 2022 autour de priorités telles que le développement de l'économie circulaire, la gestion durable des ressources, la réduction des déchets, le développement des filières locales, le transport des déchets et la mutualisation entre les territoires et les filières.

Cette prise en compte normative se traduit par un effort financier dont le véhicule est le Fonds européen de développement régional (Feder). La programmation 2021-2027 de ce fonds est marquée par une nette augmentation, à hauteur de 40 euros, de l'effort consenti par habitant, et par le rétablissement historique du taux d'intervention à 85 %. De plus, le règlement encadrant le Feder prévoit des assouplissements spécifiques pour les RUP afin de faciliter les investissements en lien avec le traitement des déchets, notamment pour le démantèlement, la mise en sécurité et la reconversion des décharges.

On peut évidemment regretter que le cas particulier des RUP ne soit pas pris en compte dans l'ensemble des textes européens, mais de nombreuses dérogations existent. À titre d'exemple, certaines dispositions de la directive 2019/904 relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement ne sont pas applicables à des régions comme la Guyane, dont le territoire impose l'implantation de lieux de recueil et de traitement des déchets isolés. De même, en droit français, le code de l'environnement prévoit des délais plus longs pour la mise en oeuvre de certaines dispositions dans les territoires ultramarins.

Ce travail d'adaptation et de prise en compte des spécificités locales doit être poursuivi et, à notre niveau, nous pourrons nous faire l'écho des observations de la représentation nationale auprès des instances européennes.

J'en viens à mon deuxième point. En matière de gestion des déchets, les CCT font l'objet d'un co-financement de la part de l'État via le ministère des outre-mer (MOM) et l'Ademe. Sur la période 2019-2022, les contributions de l'Ademe et du MOM se sont élevées respectivement à 34 et 7 millions d'euros, soit 41 millions d'euros en autorisations d'engagement. Or, on constate que ces crédits n'ont pas été consommés en totalité - l'Ademe a engagé un peu moins de 19 millions d'euros pour un décaissement de 3 millions d'euros à ce jour, et le MOM a octroyé 3 millions d'euros pour 1 million d'euros effectivement payé - ce qui pose la question de leur éventuelle prolongation qui sera tranchée par la nouvelle équipe gouvernementale.

Cela montre que la question n'est pas tant celle du financement que de la consommation des crédits. De manière générale, les collectivités ultramarines ont parfois besoin d'un soutien spécifique pour exploiter les moyens budgétaires mis à leur disposition.

En Guyane, le Fonds outre-mer (FOM) permet d'accompagner les collectivités dans la mobilisation de l'ingénierie nécessaire à la réalisation d'infrastructures et dans la mise en oeuvre de politiques publiques. En 2020, les 17 millions d'euros en autorisation d'engagement ont été intégralement consommés. Dans le cadre du plan de relance, nous avons obtenu que ce fonds soit doté de 15 millions d'euros en 2021 et en 2022. En 2021, les crédits ont été complètement consommés, et ceux de 2022 le sont déjà aux deux tiers. Lors des arbitrages interministériels à venir, le MOM soutiendra le maintien de ce fonds.

Le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) permet également de financer des projets relatifs à la gestion des déchets. Entre  2009 et 2021, 32 projets ont ainsi été financés en outre-mer pour un total de 28 millions d'euros en autorisation d'engagement, dont 16 consommés à ce jour. Le bilan est donc positif. Des discussions sont en cours avec la direction du budget pour prolonger le FEI au-delà de 2022.

Je terminerai en évoquant les questions relatives aux compétences et à la fiscalité. L'État définit les grandes orientations de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets. Le plan national qu'il établit sert de cadre aux régions, qui sont chargées de la coordination et de la planification à l'échelle du territoire, mais qui ne sont pas dotées de compétences opérationnelles, celles-ci relevant du bloc communal.

La question de la pertinence de cette répartition est éminemment politique. Il ne m'appartient évidemment pas de la trancher, mais ce que je peux dire, depuis le point de vue administratif qui est le mien, c'est qu'une autre répartition ne permettrait nécessairement de gagner en efficacité, car le bloc communal est celui qui connaît le mieux le territoire.

Le régime fiscal, qui découle de la répartition des compétences, est le même qu'en métropole : en fonction des communes, c'est une taxe ou une redevance d'enlèvement des ordures ménagères qui est perçue (TEOM ou REOM). Le code général des collectivités territoriales permet déjà un certain nombre d'évolutions, comme une modulation de cette fiscalité en fonction des déchets produits. Il appartient au bloc communal de se saisir de ces possibilités s'il le souhaite.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - En Guyane, deux des quatre établissements publics de coopération intercommunale qui ont la double compétence de la collecte et du traitement des déchets ménagers rencontrent de grandes difficultés du fait de l'éloignement et de l'enclavement de certaines communes situées sur le Maroni ou l'Oyapock. Ces difficultés, conjuguées à une importante immigration de populations qui ne sont pas sensibilisées à la problématique des déchets, se traduisent par la multiplication de décharges sauvages sur le littoral et dans les terres. Quels accompagnements supplémentaires peut-on apporter à ces communautés de communes ?

M. Gérard Poadja . - Je souhaite évoquer les déchets miniers. S'est-on penché sur les risques qu'ils représentent ? En Nouvelle-Calédonie, qui détient la compétence de leur gestion ? Quelle est la ligne budgétaire prévue pour le financement de ces opérations ? Pour l'instant, tout cela est assez flou.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Le tri à la source des biodéchets doit être effectif à horizon 2023. Cette date butoir vous semble-t-elle raisonnable ?

M. Stanislas Alfonsi . - Certaines communes de l'Ouest guyanais connaissent un fort dynamisme démographique, avec une croissance de 4 à 5 % par an. L'explosion des besoins, conjuguée au retard de développement des infrastructures, entraîne une distorsion dans la capacité à répondre à cette situation unique sur le territoire national. Sous l'impulsion de Sophie Brocas, directrice générale des outre-mer, nous avons lancé des études afin d'apporter des réponses à la communauté de communes de l'Ouest guyanais (CCOG) et nous espérons que les choses bougent rapidement.

À l'intérieur des terres, la situation est encore plus singulière, car l'isolement de certaines communes impose la production de solutions techniques peu connues et difficiles à mettre en oeuvre. Nous travaillons à leur développement et à leur déploiement, en lien avec le ministère de la transition écologique et avec l'appui de la direction générale de la police nationale (DGPN).

S'agissant des déchets miniers en Nouvelle-Calédonie, je ne me risquerai pas à me prononcer sur l'attribution de cette compétence. En revanche, et bien que ce territoire ne relève pas de l'article 73 de la Constitution, un certain nombre de moyens que j'ai cités sont à la disposition de la Nouvelle-Calédonie, puisque la contractualisation est possible et le FOM, parfaitement mobilisable - le Haut-commissaire le mobilise d'ailleurs régulièrement. Je me tiens à votre disposition si vous souhaitez poursuivre nos échanges à ce sujet.

M. Vincent Coissard . - S'agissant du traitement des déchets miniers, je ne peux vous apporter de réponse globale, car tout dépend de la situation de la mine. Si celle-ci est active, c'est l'exploitant qui est responsable de la gestion des déchets produits. Les équipes de la DGPR compétentes sur ce sujet pourront toutefois vous fournir des informations plus précises.

J'en viens à la question des biodéchets. L'échéance de 2023 est ambitieuse, mais elle est tenable, car le traitement des biodéchets est simple à mettre en oeuvre. Des moyens importants ont été alloués dans le cadre du plan de relance et du Fonds économie circulaire pour faire de cette échéance une opportunité. Il y aura sans doute des décalages, mais j'espère qu'ils n'excéderont pas un ou deux ans, car les biodéchets représentent 20 % des déchets ménagers et assimilés outre-mer. Une meilleure gestion pourrait faire une grande différence.

Mme Victoire Jasmin, présidente . - Je voudrais conclure sur une lueur d'espoir. Je vous invite, mes chers collègues, à relayer l'initiative de jeunes qui, avec le soutien de l'Ademe et un certain nombre de partenaires privés, organiseront au mois de juin un événement autour de la question des emballages. Je crois fermement que nous ne pourrons changer réellement les choses qu'avec l'aide des jeunes.

Je vous remercie de vos interventions.

Jeudi 19 mai 2022

Audition de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe)

Mme Victoire Jasmin, présidente . - Après la Direction générale des outre-mer (DGOM) et la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), nous accueillons l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) représentée par Nicolas Soudon, directeur exécutif des territoires, qui remplace le président Arnaud Leroy malheureusement empêché.

J'ai l'honneur de remplacer le président Stéphane Artano, actuellement à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il participe à nos travaux en visioconférence.

M. Stéphane Artano, président . - Je tiens à vous remercier pour votre participation. Nos rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, ont préparé de nombreuses questions sur le thème de notre étude qui constitue à nos yeux un défi majeur pour l'environnement, le cadre de vie et la santé dans nos outre-mer.

Nous savons que l'Ademe s'est dotée dès 2019 d'une stratégie outre-mer couvrant la période 2019-2023, avec pour objectif de faire de la transition écologique un levier d'innovation et de développement endogène et durable face au changement climatique.

Nous sommes naturellement très intéressés par l'état des lieux par territoire que vous pourrez nous dresser et par votre diagnostic sur l'évolution de la situation, pour savoir en particulier si elle s'améliore ou si elle a plutôt tendance à se détériorer.

Nous nous interrogeons aussi sur la prise en compte de ces problématiques spécifiques dans la politique nationale qui est censée donner la priorité aux défis environnementaux.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - L'Ademe est naturellement l'opérateur clef de l'État dans les outre-mer pour accompagner et renforcer le service public des déchets. C'est un partenaire précieux pour toutes les collectivités et les acteurs de cette politique. En effet, les principales aides financières sont attribuées par l'Ademe, sans laquelle les projets majeurs et structurants ne peuvent voir le jour.

Peut-on disposer d'un état des lieux le plus exact possible, afin de discerner les points communs mais aussi les différences entre les territoires ? Nous avons besoin de chiffres clés pour comparer les situations, à la fois sur les quantités de déchets à traiter, leur typologie, leur évolution depuis 5 ou 10 ans. Les données publiques remontent malheureusement souvent à 4 ou 5 ans.

L'état des lieux doit aussi porter sur les résultats obtenus. Les ambitions sont grandes, mais sont-elles à la portée de tous ces territoires ? À titre d'exemple, le tri à la source des biodéchets doit être effectif fin 2023. Cette obligation est-elle réaliste ? De même, quels sont les premiers résultats tangibles et mesurables des stratégies « zéro déchet » ?

Pouvez-vous aussi nous dresser le bilan des contrats de convergence et de transformation 2019-2022 qui arrivent à terme ?

S'agissant du plan de relance, l'Ademe a reçu 226 millions d'euros au titre de l'économie circulaire. Quels montants iront à des projets outre-mer ?

Je m'interroge également sur l'aspect européen de ces questions. Une mise en perspective serait la bienvenue, notamment au regard des aides et de l'accompagnement.

Enfin, auriez-vous des exemples de territoires isolés ou insulaires étrangers, comparables à nos outre-mer, qui obtiendraient de meilleurs résultats ?

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Nous sommes face à une situation d'urgence, comme souvent dans les outre-mer. Nous sommes en alerte rouge avant le débordement et, trop souvent, les actions conduites ne visent qu'à ne pas aggraver le retard pris, sans le combler. Des stratégies fortes doivent donc être déployées.

Mes principales interrogations portent sur la gouvernance et la fiscalité.

Sur des territoires aussi intégrés que les nôtres, la gouvernance classique région-intercommunalités-communes, combinée à des syndicats mixtes plus ou moins étendus vous paraît-elle satisfaisante ? Le sentiment est que, avec ce schéma, nous manquons à la fois d'une vision d'ensemble et de proximité. Avez-vous sur ce point conduit des études ou une assistance technique ?

Par ailleurs, l'Ademe accorde de nombreuses subventions et accompagne des projets dans tous les territoires ultramarins. Avez-vous mis en place un process d'évaluation de la performance des projets aidés ? Si oui, sur quels critères ou indicateurs ? Quels sont notamment les types de projets qui produisent les effets les plus efficaces sur la prévention des déchets ?

Je souhaiterais aussi avoir votre éclairage sur les filières de recyclage, notamment les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) qui ont du mal à prendre leur essor.

Existe-t-il un bilan global du coût environnemental des filières de recyclage actuelles (pour les plastiques notamment), très largement dépendantes de l'export maritime ? Par ailleurs, comment inciter les professionnels du recyclage à s'affranchir des limites de seuil industriel fréquemment avancées (la fameuse massification) pour ne pas implanter de filière de recyclage ? La massification est-elle hors de portée des outre-mer ? Et, si oui, la coopération régionale est-elle une voie réaliste à explorer, par exemple dans les Antilles ou entre La Réunion et Maurice ?

En résumé, vous semble-t-il réaliste, dans nos territoires, de concevoir des stratégies de recyclage aussi ambitieuses que dans l'Hexagone ?

Un autre point important est celui de l'éducation. En effet, je constate que nos modes de consommation, malgré les discours ambiants, demeurent trop souvent identiques, voire pires qu'auparavant. Pour prendre l'exemple de La Réunion, cette année nous allons battre le record de tonnes mises en décharge. L'Ademe a-t-elle accompagné des actions en matière d'éducation à la gestion et à la réduction des déchets ? Des résultats mesurables et significatifs ont-ils été obtenus ? Et si oui, quels sont les freins à leur généralisation ou systématisation ?

M. Nicolas Soudon, directeur exécutif des territoires de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) . - Je vous prie d'excuser l'absence d'Arnaud Leroy qui m'a demandé de le remplacer. Je suis accompagné également par Ingrid Hermiteau, notre directrice régionale de l'Ademe en Guyane, qui suit particulièrement la question de l'économie circulaire, et de Lilian Carpenè, notre coordinateur outre-mer chargé de la coordination transversale à la Direction des territoires.

Dans un premier temps, je vous apporterai des éléments de diagnostic sur la situation des déchets en outre-mer, puis, dans un second temps, je vous présenterai la manière dont l'Ademe se positionne par rapport à ces différents enjeux.

En ce qui concerne les déchets en outre-mer, une première remarque préalable : cela fait maintenant plusieurs années à l'Ademe que nous essayons de changer de vocabulaire pour davantage parler d'économie circulaire que de gestion des déchets, non pas par pudeur, mais simplement parce qu'il nous semble que la question des déchets s'inscrit dans une problématique bien plus large, qui va de l'extraction de matières jusqu'à l'enfouissement éventuel. Celle-ci inclut aussi toutes les solutions alternatives qui permettent d'allonger la durée de vie des produits, d'être économe en ressources au moment de leur conception et au moment de leur transport, puis de prendre toutes les mesures possibles pour réparer, réemployer et recycler ces produits pour éviter le plus possible leur arrivée au stade de déchets. Il s'agit de sortir de la logique pure de déchets pour entrer dans la logique d'économie circulaire, qui présente aussi l'avantage d'avoir des impacts positifs en termes d'empreinte carbone et donc de lier les enjeux climatiques avec les enjeux de déchets et de matières.

La gestion des déchets en outre-mer est évidemment un enjeu majeur et un défi particulier à relever du fait d'abord de la situation des territoires d'outre-mer, de l'insularité pour une partie d'entre eux, mais également de l'isolement pour la quasi-totalité d'entre eux. La masse critique est souvent trop limitée pour rentabiliser des investissements importants, notamment en matière de recyclage. C'est un problème considérable puisque, lorsqu'on essaye de procéder à des mutualisations ou à de la gestion « internationale » des déchets, on se trouve confronté à un coût rédhibitoire du transport, qui s'accentue encore ces derniers temps avec la hausse des prix du pétrole. S'ajoute à cela la décision récente de la compagnie CMA-CGM de ne plus transporter de déchets plastiques à partir du 1 er juin 2022 : cette décision entraîne un risque important pour une grande partie des territoires d'outre-mer, CMA-CGM étant un acteur dominant sur le marché. Je crois que les discussions sont en cours avec cette société pour assouplir leur vision des choses, et surtout ne pas mettre en péril la gestion des déchets dans les outre-mer. Et en même temps, il faut voir cette décision comme une alerte importante qui nous pousse à agir pour une gestion locale ou mutualisée.

Troisième élément, du fait de l'insularité et de l'isolement des territoires ultramarins, les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) peinent à trouver leur place et à se développer, alors même que le législateur a décidé d'étendre ces filières à de nouveaux domaines. Autre élément important de la vulnérabilité des territoires d'outre-mer, une grande partie d'entre eux sont des « hot spots » de la biodiversité, ce qui signifie qu'une gestion éventuellement défaillante des déchets peut avoir des conséquences dramatiques sur les écosystèmes et la biodiversité. Cela appelle une exigence de résultat plus élevée. Une autre difficulté est la rareté du foncier pour la plupart de ces territoires. Et même pour ceux qui ont des territoires importants, les contraintes demeurent fortes compte tenu, par exemple, de la place de la forêt en Guyane, ou de la situation géographique de la Nouvelle-Calédonie. La rareté du foncier nous oblige à trouver le plus de solutions alternatives à l'enfouissement qui est très demandeur d'espace. Il faut également souligner, dans ces territoires, les enjeux particuliers des déchets du BTP, qui nécessitent des mesures et des investissements lourds, d'autant plus que les exportations par voie maritime ne sont pas envisageables compte tenu des volumes et du poids des déchets.

Parmi les défis à relever, il y a en effet la question du retard structurel, car il est vrai que, pendant de nombreuses années, on a mené des politiques de rattrapage dont l'enjeu consistait surtout à ne pas aggraver la situation. Il y a également la problématique de la gouvernance locale des déchets, et celle de la faiblesse structurelle de bon nombre de collectivités aux capacités financières réduites et souffrant d'un déficit d'ingénierie. Tous ces éléments aboutissent à des coûts de gestion des déchets qui sont en moyenne 1,7 fois plus importants dans les outre-mer que dans l'Hexagone, à hauteur de 163 euros contre 93 euros par habitant/an en métropole, avec, en outre, une difficulté à lever la taxe ou les taxes, quand elles existent et quand elles sont mises en oeuvre. À titre d'exemple, en Guyane, seul un habitant sur huit est assujetti à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), laquelle ne couvre pas les coûts de gestion des déchets. Ainsi, en Guadeloupe, 80 % des coûts sont couverts par les taxes. Dans bien des cas, c'est le budget général des collectivités locales qui comble la différence. La redevance spéciale se met en oeuvre dans certaines collectivités, mais le recours à ce dispositif n'est pas toujours bien réparti, ce qui fait peser sur l'ensemble de la population le traitement des déchets issus d'activités économiques.

Autre élément important lié à cette question de la gouvernance, c'est la difficulté à impliquer la population dans des changements de comportement. Il y a là un enjeu très important de politique publique. Cela suppose une animation, de la pédagogie, du partage d'informations, une montée en compétence collective sur le sujet, et peut-être aussi l'engagement d'une réflexion sur le poids de la collecte à domicile par rapport aux points d'apports volontaires. Le recours plus important à des systèmes de points d'apports volontaires permettrait en effet de baisser le coût de gestion des déchets et d'inciter les populations à trier, le taux de tri dans les outre-mer étant assez faible.

Dernier élément de ce portrait rapidement brossé, on peut faire le constat collectif d'une forte dépendance des territoires d'outre-mer à l'importation de biens de consommation, ce qui induit une faible maîtrise sur la nature des biens, leur emballage, leur structuration et l'impact qu'ils peuvent avoir en termes de gestion des déchets en aval.

Quelques chiffres clés sur les déchets relativement récents, issus notamment du site sinoe.org , géré par l'Ademe, dans lequel on trouve toute une série d'indicateurs, y compris sur les outre-mer.

Les outre-mer produisent 563 kilos de déchets ménagers et assimilés par habitant et par an, 86 kilos de déchets collectés en déchetterie, 33 kilos de déchets d'emballage, papier et verres triés, contre 82 kilos au niveau national : on voit bien la difficulté au stade du tri. Le nombre de déchetteries est en moyenne de 4 pour 100 000 habitants, contre une moyenne de sept dans l'hexagone, mais on peut signaler quelques performances particulièrement significatives, notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon où, avec 70 kilos par an et par habitant d'ordures ménagères, les performances sont extrêmement satisfaisantes. Certes, ce territoire a un nombre d'habitants beaucoup plus limité, mais les enjeux de gestion des déchets y sont tout aussi aigus qu'ailleurs.

Peut-être à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, une des autres caractéristiques des déchets en outre-mer est la très forte production de déchets verts, liée aux caractéristiques climatiques, avec des problématiques d'engorgement, et puis une production importante d'encombrants avec des enjeux de salubrité qui peuvent se poser, ces déchets pouvant devenir des gîtes larvaires potentiels pour des moustiques, et provoquer des épidémies de chikungunya ou de dengue. La responsabilité des filières REP dans ce domaine est importante, notamment pour les véhicules hors d'usage. Enfin, soulignons une production d'ordures ménagères résiduelles supérieure à celle de l'Hexagone, due notamment à la moindre performance des collectes séparées.

Quel est le positionnement de l'Ademe vis-à-vis de ces différents enjeux ?

Notre stratégie outre-mer a été élaborée en 2019, avec pour enjeu majeur la clarification du positionnement de l'Ademe vis-à-vis des outre-mer, et la formalisation de notre engagement particulier pour ces territoires, tant en termes financiers et techniques qu'humains. Enfin, notre objectif est de créer un esprit collectif entre nos différentes directions régionales ultramarines et entre les différents sites.

Cette stratégie s'est fondée sur un diagnostic approfondi qui a été réalisé avec un grand nombre d'acteurs. On a alors constaté qu'au titre de la transition écologique au sens large, les territoires d'outre-mer étaient aux avant-postes en termes d'enjeux, et parfois en termes de politiques publiques, d'un grand nombre de problématiques. Le système ultramarin est extrêmement complexe et spécifique, avec des caractéristiques particulières pour une partie des territoires au titre du droit européen. Certains d'entre eux connaissent une croissance démographique, d'autres, un repli. L'explosion urbaine ne concerne certes pas tous les territoires. En revanche, ils sont dans l'ensemble confrontés à des difficultés liées à la formation et à l'accès à l'emploi des jeunes, à une forte dépendance aux énergies fossiles, à des transports en commun qui sont peu développés et au poids de la mobilité en général dans la consommation énergétique, et à des vulnérabilités naturelles très importantes.

Ce tableau nous a amené à essayer de définir à la fois des priorités managériales en interne, et un positionnement à l'externe. Nous concevons l'Ademe comme l'ensemblier de la transition énergétique et écologique pour les outre-mer, notre regard étant transversal sur l'ensemble des problématiques. Notre fil rouge consiste à faire de la transition écologique un levier pour l'innovation et le développement endogène et durable des outre-mer face au changement climatique. Ceci revient à faire d'une contrainte plus forte que dans l'Hexagone une opportunité pour identifier des gisements de développement, d'activité économique et d'innovation au sens large.

Nous sommes présents au travers de quatre directions régionales : Martinique, Guadeloupe, Guyane et une nouvelle direction, « Océan Indien », qui regroupe le site de La Réunion et le site de Mayotte. Désormais, nous avons un directeur régional délégué à Mayotte. À ces quatre directions régionales, s'ajoutent trois représentations territoriales en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces petites unités sont étroitement liées aux services de l'État.

Au total, les effectifs de l'Ademe consacrés aux outre-mer s'élèvent à 52 personnes, dont 27 à temps plein en CDI, 16 volontaires du service civil, et puis plus récemment, une dizaine d'intérimaires au titre du plan de relance. Au total, 8 % des moyens humains de l'action régionale de l'Ademe sont dédiés aux outre-mer, ce qui est supérieur à la part des Ultramarins dans la population française totale.

En 2021, nous avons accordé 44 millions d'euros d'aides, dont 80 % sur des projets liés à l'économie circulaire et aux déchets. La problématique est donc tout à fait saillante dans les politiques de l'Ademe. Nous avons également réalisé des accords contractuels avec les collectivités, en particulier dans le cadre des « contrats de convergence et de transformation ». Au total, nous avons soutenu en 2021 296 projets, pas uniquement liés à l'économie circulaire et aux déchets, pour un total d'investissement de 127 millions d'euros. Pour 44 millions investis par l'Ademe, il y a une assiette d'investissement de 127 millions d'euros, on a donc un effet de levier qui est intéressant.

Dans le cadre du plan de relance, 107 projets ont été soutenus, soit un montant total de 3 millions d'aides pour 7 millions d'investissements.

Au niveau budgétaire, il faut signaler que bon nombre des aides classiques de l'Ademe sont bonifiées à hauteur de 15 % supplémentaires pour les outre-mer. Certains systèmes d'aide qui ne sont plus en vigueur en métropole sont maintenus dans les outre-mer au titre du rattrapage structurel : c'est notamment le cas du régime d'aide aux déchetteries.

Nos priorités en termes de politique publique sur la gestion des déchets en outre-mer sont d'abord la question de l'appropriation des enjeux par la population, c'est-à-dire le changement des comportements et l'amélioration du geste de tri. Ce point est significatif, car une bonne partie de la responsabilité en termes de gestion des déchets incombe à nos concitoyens. C'est un sujet qui doit être travaillé, peut-être avec l'appui des sciences humaines et sociales. Par ailleurs, il y a un déficit en ingénierie. Deux dispositifs de l'Ademe permettent d'y répondre et ont été déployés dans la plupart des outre-mer : les contrats d'objectifs en outre-mer (CODOM), d'une part, attribuent des moyens de fonctionnement, notamment à des syndicats de collecte des déchets ou à des collectivités, et financent des postes d'ingénierie ; d'autre part, la méthode MODECOM, qui permet de caractériser les flux de déchets pour avoir des éléments chiffrés précis.

Nous avons conscience des difficultés rencontrées par les filières REP et, depuis plusieurs années, nous avons mis en place des plateformes pour essayer de lever certains verrous, et introduire davantage de transparence, avec une gouvernance partagée avec l'ensemble des acteurs. Par ailleurs, nous développons des partenariats importants avec d'autres acteurs, État ou autre, notamment l'Agence française de développement (AFD), qui peut intervenir de manière complémentaire à l'Ademe, les aides de l'Ademe étant plutôt des aides à l'investissement, l'appui de l'AFD visant le fonctionnement. Il nous semble important aussi de travailler à l'échelle régionale des territoires d'outre-mer pour favoriser les collaborations avec les États voisins ou les régions voisines, ce qu'on a fait notamment à l'occasion de la crise des sargasses, qui est un enjeu « déchets » mais pas seulement. Nous avons travaillé sur le sujet en forte intelligence avec les régions Guadeloupe et Martinique ainsi qu'avec les États de la Caraïbe. L'enjeu pour nous est aussi de favoriser l'innovation et l'expérimentation parce qu'une partie des réponses en outre-mer ne sont pas forcément des réponses à calquer depuis l'Hexagone : il y a souvent des solutions spécifiques à trouver pour ces territoires.

Dans le cadre des contrats de convergence et de transformation, nous essayons de changer les modèles sur les coûts et de transformer les handicaps des outre-mer en avantages. Peut-être faut-il également sortir des modèles métropolitains des filières REP, car les équilibres économiques et la masse critique à atteindre les rendent peu applicables en outre-mer. Souvent, nous nous interdisons, pour des raisons économiques, d'aller vers certaines solutions qui seraient nécessaires pour progresser sur les questions de recyclage et de valorisation sur place. La décision de CMA-CGM devrait pourtant nous amener collectivement à chercher des solutions spécifiques aux outre-mer. Au titre de France 2030, une mesure importante vise à soutenir des industriels pour la réincorporation de matière plastique et le recyclage plastique, notamment chimique. Les infrastructures concernées sont extrêmement lourdes, et le dispositif ne s'adresse pas pour l'instant aux outre-mer, compte tenu de la masse insuffisante et des investissements financiers à réaliser. Pour autant, nous militons pour que les mesures de France 2030 puissent avoir des déclinaisons plus facilement applicables dans ces territoires. Comme le transport coûte de plus en plus cher, il est très important de travailler sur la valorisation sur place des déchets. Des solutions ont été envisagées, certaines ont même été initiées ici et là, afin notamment d'améliorer les gestes de tri ou de pousser nos concitoyens à changer de comportement en matière de gestion du tri. Je signalerai notamment l'expérimentation de la consigne en Guadeloupe, des expérimentations de gratification lorsque les gens rapportent leurs bouteilles en plastique ou autres emballages dans des points d'apports volontaires à Mayotte, des gratifications avec des partenaires privés, par exemple le projet Solarcube en Martinique, qui s'étend à la Guadeloupe.

Sur la question des déchets du BTP, il y a certainement un modèle à proposer au monde de l'artisanat. La solution unique est-elle de déposer les déchets du bâtiment en déchetterie ? Peut-on envisager des dépôts en boutique ? Ou encore, le développement de la solution qui a été largement déployée, les combustibles solides de récupération (CSR), qui permettent de produire des matériaux qui sont ensuite à la fois facilement transportables et utilisables pour produire de la chaleur ou de l'électricité ? La production des CSR est néanmoins un investissement lourd qui n'est valable que sur des territoires avec un nombre important d'habitants, et qui connaît par ailleurs quelques difficultés autour de la gouvernance. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il restera toujours autour de 20 % de déchets en enfouissement.

Il y a aussi la solution des unités de valorisation énergétique, privilégiée par exemple en Guyane, mais, dans tous les cas, il y a des difficultés communes autour du plan de financement, de la capacité de la maîtrise d'ouvrage à porter des projets complexes de cette taille, de maintenance, et des problèmes de gouvernance au niveau des syndicats qui ne sont pas toujours équipés pour suivre dans le temps ces projets.

Pour autant, les solutions de stockage et d'enfouissement ne sont certainement pas durables, et il va falloir trouver des solutions alternatives. Il est donc probable que la valorisation énergétique soit de toute manière nécessaire, ce qui pose aussi la question des tarifs de rachat pour les CSR par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), qui se fonde aujourd'hui sur la production électrique classique.

Se pose la question de l'adaptation réglementaire pour des sites isolés, notamment en Guyane ou en Polynésie française, où la question de l'enfouissement est parfois en partie inévitable. La mise en place en Guyane d'écocarbets constitue une piste intéressante.

Une question centrale est celle de l'observation. J'ai cité le site sinoe.org , mais c'est surtout la constitution d'observatoires régionaux autour des questions de déchets et d'économie circulaire qui est essentielle, parce qu'une politique publique cohérente doit pouvoir s'appuyer sur des chiffres fiables et être évaluée au fil de l'eau. Aujourd'hui, l'observatoire des déchets en Guyane est en voie de pérennisation, avec un passage de relais de l'Ademe vers la collectivité territoriale de Guyane ; l'observatoire de Guadeloupe est géré par l'association Synergîles et s'appuie notamment sur les dispositifs ComptaCoût et MODECOM mis à disposition par l'Ademe ; un observatoire des déchets est naissant en Martinique, avec une structure tierce qui est en préparation pour porter ce dispositif ; à La Réunion, c'est l'agence d'urbanisme qui porte l'observatoire qui, je crois, donne satisfaction aujourd'hui dans son fonctionnement et enfin, à Mayotte, une étude de préfiguration est en cours pour un portage de cet observatoire par le département.

Il est de plus en plus compliqué de boucler les plans de financement des projets en matière de gestion des déchets en outre-mer. Si nous constatons avec plaisir que beaucoup de territoires d'outre-mer connaissent aujourd'hui une nouvelle dynamique sur les projets en matière de gestion des déchets, nous sommes malheureusement confrontés à des financements européens qui ne sont pas toujours pérennes et, du côté de l'Ademe, nous avons une problématique non pas de budget, mais de consommation des budgets : cette année 2022, le fonds économie circulaire est en tension considérable puisqu'au mois de mai, nous avons déjà consommé une grande partie des crédits. Heureusement, nous avons l'appui du Plan de relance, mais sur des dispositifs qui ne sont pas toujours aussi généralistes que ceux du fonds économie circulaire. Dans ce contexte, l'Ademe s'efforce de conserver un réflexe outre-mer et de sanctuariser certains fonds, mais je ne vous cache pas que c'est parfois compliqué parce qu'il y a aussi de très beaux projets à financer dans l'Hexagone. Nous espérons obtenir l'année prochaine un fonds économie circulaire plus important pour répondre au portefeuille croissant de projets.

Enfin, s'agissant des modes de vie, nous avons rendu public il y a quelques mois « Transition 2050 », un exercice de prospective incluant les problématiques autour de l'énergie, des matières et de tous les enjeux d'économie circulaire, dont vous pouvez prendre connaissance sur le site https://transitions2050.ademe.fr. Nous envisageons d'en faire prochainement une déclinaison spécifique pour les outre-mer.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - L'Ademe milite pour la valorisation énergétique des déchets. S'agissant de la Guyane, un rapport a fixé un objectif de production de 13 mégawatts à partir de déchets en 2030. Compte tenu du besoin croissant d'électricité en Guyane, j'aimerais connaître l'état d'avancement de ce projet.

Mme Ingrid Hermiteau, directrice régionale de l'Ademe, Guyane . - Les travaux de ce projet d'unité de valorisation énergétique seront engagés en 2027. Actuellement, nous sommes dans la phase d'études, qui vise à déterminer le bon montage administratif et financier pour la collectivité et, sur des aspects plus techniques, la bonne localisation du site pour optimiser la valorisation énergétique de la future installation. Au-delà de l'électricité, il y a un enjeu de valorisation de la chaleur - je précise que lorsqu'on parle de chaleur en Guyane et dans d'autres sites d'outre-mer, on parle essentiellement de la production de froid à partir de la chaleur. C'est une façon d'optimiser le rendement énergétique de ces sites, et donc leur rétribution financière.

La mise en place d'une gouvernance partagée constitue également un des enjeux phares du projet. Actuellement géré par l'agglomération de Cayenne, il doit à terme offrir un débouché à trois EPCI de Guyane.

M. Nicolas Soudon . - La valorisation énergétique est une solution sans doute inévitable, en tout cas complémentaire à l'amélioration du tri, et à un résidu d'enfouissement qui demeurera nécessaire.

Mme Victoire Jasmin, présidente . - Il faut beaucoup plus de pédagogie et de prévention sur nos différents territoires. Beaucoup d'initiatives sont prises par les associations et il arrive qu'elles nous sollicitent. Malheureusement, faute de réserve parlementaire, nous n'avons plus les moyens de les soutenir. Certaines sont accompagnées par l'Ademe : un festival va se tenir prochainement sur mon territoire, au Moule, dans lequel son rôle est essentiel auprès des jeunes. Il est important d'impliquer les jeunes, car ce sont eux qui assureront la relève, là où notre génération a peut-être failli. Il y a le West Indies Green Festival qu'il faudrait soutenir également.

Concernant les annonces de CMA-CGM, le changement de stratégie est urgent et tout doit être mis en oeuvre pour changer les pratiques de traitement et de valorisation des déchets. Des réactions de nos décideurs locaux, sur l'ensemble de nos territoires, sont probables.

Au nom de la délégation, je vous remercie tous de votre participation.

Jeudi 2 juin 2022

Table ronde avec des organisations non gouvernementales

Mme Victoire Jasmin, présidente . - Nous poursuivons ce matin les auditions pour l'étude relative à la gestion des déchets dans les territoires ultramarins. Les rapporteures en sont Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, et Viviane Malet, sénatrice de La Réunion.

J'ai l'honneur de remplacer aujourd'hui notre président, Stéphane Artano, qui vous prie de l'excuser : il est actuellement à Saint-Pierre-et-Miquelon et participe à nos travaux en visioconférence.

Dans le cadre de notre première table ronde, nous accueillons les représentants d'organisations reconnues pour leurs actions remarquables dans ce domaine : France nature environnement (FNE), Zero Waste France et, pour une approche plus spécifique, l'association Les Naturalistes de Mayotte.

Pour le bon déroulement de nos travaux, je donnerai tout d'abord la parole au président Stéphane Artano. Je demanderai ensuite aux deux rapporteures de bien vouloir formuler leurs questions. Puis, ce sera le tour des représentants des associations, qui disposeront chacun d'environ dix minutes : Johann Leconte, pilote du réseau prévention et gestion des déchets de FNE, en visioconférence ; Michel Charpentier, président de l'association Les Naturalistes de Mayotte, lui aussi membre de FNE, également en visioconférence ; et Alice Elfassi, responsable des affaires juridiques de Zero Waste France.

Après cet exposé, les rapporteures pourront reprendre la parole pour obtenir davantage de précisions. Enfin, nos collègues pourront intervenir à leur tour, qu'ils soient présents dans cette salle ou en visioconférence.

M. Stéphane Artano . - Étant à Saint-Pierre-et-Miquelon, je participe à cette réunion en visioconférence et vous prie de m'en excuser.

Je renouvelle mes remerciements à Victoire Jasmin, qui a accepté de présider cette table ronde consacrée à la gestion des déchets dans les territoires ultramarins du point de vue des associations environnementales.

Après la direction générale des outre-mer, les services de l'environnement et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), nous sommes particulièrement heureux d'entendre des acteurs de terrain, qui nous permettront d'établir un diagnostic à la fois général et géographique de la situation dans nos outre-mer en la matière.

Madame, messieurs, nous sommes convaincus que les associations comme les vôtres sont des acteurs-clefs. En effet, vos interventions viennent compléter celles des pouvoirs publics, que ce soit pour la collecte et l'analyse de données de terrain, dans les instances de concertation, pour le signalement de dysfonctionnements ou de manquements à la réglementation, ou encore en faveur de la valorisation d'initiatives exemplaires - cette liste n'est évidemment pas exhaustive.

Pour vous éclairer, nous comptons sur le travail approfondi de nos rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, toutes deux particulièrement impliquées dans ces problématiques.

Je me félicite également de la participation de membres du groupe d'études « Économie circulaire », dont celle de mon collègue Éric Gold, membre du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE).

Ce groupe d'études, rattaché à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, témoigne de la bonne coordination des travaux et de l'importance des réflexions du Sénat sur ce sujet.

Je remercie nos intervenants de s'être rendus disponibles et vous souhaite à tous une bonne réunion.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Je le soulignais dès nos premières auditions : depuis plusieurs mois, je consulte la revue de presse ultramarine, et je suis frappée de constater qu'il ne se passe pratiquement pas un jour sans que la question des déchets fasse l'objet d'un article, de prises de position ou de commentaires. Cette observation vaut pour tous les territoires ultramarins.

Bien souvent, c'est l'action de telle ou telle association qui est décrite et mise en valeur. Les champs d'intervention sont larges : signalement de dépôts sauvages, opérations de nettoyage, sensibilisation au tri ou à la réduction des déchets, création de ressourceries, etc. Dans ce domaine, vos associations sont en effet les relais de préoccupations majeures. Au-delà des spécificités locales, elles jouent un rôle d'aiguillon pour la prise en compte globale des différentes problématiques.

Cette table ronde a notamment pour but de mettre en avant ces initiatives. Nous souhaitons également connaître votre perception de la question des déchets dans les outre-mer.

Vos associations ont été retenues car elles possèdent une dimension nationale tout en ayant des ancrages dans différents territoires ultramarins. C'est ce double regard, national et local, qui nous intéresse.

Pour cette audition, un questionnaire exhaustif vous a été transmis afin de guider votre exposé.

Je souhaite en particulier entendre votre avis sur le phénomène des dépôts sauvages et sur les meilleurs moyens de lutter contre celui-ci ou, du moins, de l'endiguer.

De plus, quel regard portez-vous sur les dispositifs tendant à rémunérer le geste citoyen ? Je pense notamment aux primes de retour des véhicules hors d'usage (VHU), que le décret permet de créer outre-mer, et au retour de la consigne. Est-ce une voie à approfondir ? Quel est votre sentiment à cet égard ?

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Comme sénatrice de La Réunion et comme élue locale, je constate chaque jour le défi que les déchets représentent dans mon territoire. Nous ne sommes pas encore parvenus à une situation satisfaisante, malgré les efforts des collectivités territoriales et des usagers, et malgré l'intense activité des associations, que j'observe moi-même sur le terrain.

Il s'agit souvent d'associations de quartier, très locales, auxquelles s'ajoutent des initiatives citoyennes. Pour ce qui concerne La Réunion, je pense par exemple à un site participatif assez populaire, qui s'appelle Band Cochon , où chacun peut signaler un dépôt sauvage photographié et géolocalisé.

Comme l'a relevé Gisèle Jourda, dans tous nos territoires ultramarins, la mobilisation associative est très forte. Mais, paradoxalement, le bilan est très mitigé pour ce qui concerne l'éducation au tri ou, tout simplement, à la propreté. Les dépôts sauvages en sont une illustration. Le manque d'infrastructures de gestion des déchets dans certains secteurs ne peut pas tout expliquer ; et je ne parle même pas du fléau des véhicules abandonnés. Non seulement les pneus et les batteries entraînent de graves pollutions, mais les larves de moustiques prolifèrent dans ces épaves avant de propager le chikungunya ou encore la dengue.

C'est donc sur le sujet de l'éducation au tri et au bon geste que je souhaite particulièrement vous entendre. Avez-vous des exemples de démarches ou de projets ayant produit des résultats significatifs ? Faut-il développer une autre approche dans nos territoires ultramarins, ou bien est-ce seulement la traduction d'un retard ?

Cette question me conduit à ma deuxième interrogation, portant sur les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP). Pour diverses raisons, les éco-organismes sont peu présents outre-mer, voire n'y existent tout simplement pas. Vos associations ont-elles développé des partenariats pour accompagner ces organismes ou s'en faire les relais ?

Au titre des stratégies « zéro déchet », pouvez-vous nous citer des mesures ou des initiatives locales ayant obtenu des résultats durables et significatifs ? Je pense notamment au compostage individuel ou collectif. Il s'agit là d'un enjeu fort, notamment pour les professionnels de la restauration, dans des îles très touristiques. Pour rappel, le tri à la source des biodéchets doit être mis en oeuvre fin 2023.

Enfin, je souhaite savoir si les ressourceries ou d'autres initiatives en faveur du réemploi connaissent un écho particulier dans les outre-mer, territoires globalement moins riches que la métropole. Il s'agit là d'un sujet d'actualité, à l'heure où la crise inflationniste rogne le pouvoir d'achat.

M. Johann Leconte, pilote du réseau prévention et gestion des déchets de France nature environnement (FNE) . - Avant tout, je tiens à remercier la délégation sénatoriale aux outre-mer de son invitation. Michel Charpentier étant, comme moi, membre de l'association FNE, nous vous proposerons une intervention à deux voix.

Créée en 1968, FNE est la fédération française des associations de protection de l'environnement. Il s'agit du premier mouvement citoyen de protection de la nature et de l'environnement en France. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : nous dénombrons plus de 9 000 associations affiliées, en métropole et outre-mer, et près de 900 000 militants partout en France.

Outre-mer, nous avons fédéré les associations locales dans plusieurs territoires : la Guyane, Mayotte, La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et Saint-Pierre-et-Miquelon. Né d'une demande de soutien des associations locales autour de grands projets d'aménagement ou d'atteintes majeures à l'environnement, cet ancrage s'est formalisé dans les années 2010. Aujourd'hui, le rôle de FNE est d'aider ces associations à renforcer leur action locale et, in fine , d'accompagner l'émergence de la société civile organisée pour la défense de l'environnement et l'éducation à l'environnement.

Parmi nos associations adhérentes figurent ainsi : FNE Guadeloupe, l'Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais (Assaupamar), la société réunionnaise pour l'étude et la protection de l'environnement (SREPEN), Les Naturalistes de Mayotte et Mayotte Nature Environnement, Guyane Nature Environnement et FNE Saint-Pierre-et-Miquelon.

À titre d'illustration, je tiens à mentionner le Modecom réalisé à La Réunion - il s'agit d'une technique mise au point par l'Ademe pour étudier la composition moyenne des poubelles d'ordures ménagères d'un foyer.

Les déchets valorisables organiquement représentent la masse principale : en développant les compostages individuel et collectif, notamment pour les personnes vivant en appartement, l'on résoudra donc une grande partie du problème.

Viennent ensuite les déchets recyclables - papier, métaux, verre et plastique -, pour lesquels l'extension des consignes de tri de plastique est une autre solution. Les emballages des liquides alimentaires (ELA), en particulier les bouteilles de lait et de jus de fruits, présentent une complexité particulière, encore exacerbée outre-mer. Restent, enfin, les déchets dangereux diffus et résiduels.

Pour FNE, la priorité des priorités, c'est la prévention de la production de déchets, non seulement dans le monde industriel, mais aussi chez les consommateurs. Cet effort supposera sans doute de rendre du sens à la responsabilité individuelle.

À mon sens, c'est un enjeu d'ampleur nationale : aujourd'hui, certains d'entre nous ne mesurent pas la portée de leurs gestes, notamment en matière de tri. Cette perte de valeurs explique en partie la persistance des dépôts sauvages.

En parallèle, certains professionnels négligent les effets induits de la conception de tel ou tel produit. Alors que nous venons d'obtenir, au terme de longues luttes, la suppression de certains objets à usage unique, on voit apparaître des vaporettes jetables équipées d'une batterie : je ne comprends même pas comment les industriels peuvent développer de tels produits.

L'éducation à l'environnement est tout à fait prioritaire, pour les plus jeunes comme pour les moins jeunes. Nous avons tous besoin d'un éclairage nous permettant de comprendre la portée de nos gestes. Un mégot jeté dans le caniveau finit dans la mer ; il pollue environ 500 litres d'eau et affecte la biodiversité en conséquence.

Cette éducation est indispensable, dans l'Hexagone comme outre-mer où, peut-être plus qu'ailleurs, il faut redéployer des équipes dédiées. Lors de la mise en place du tri sélectif, on avait ainsi institué « les ambassadeurs du tri ». Au-delà, ces équipes doivent avoir des missions de sensibilisation sur tous les enjeux d'environnement - gestion des déchets, prévention, consommation responsable, etc. Tôt ou tard, il faudra bien parler de sobriété, même si cela choque encore beaucoup de gens. Il faut arrêter de consommer n'importe quoi n'importe comment, si l'on veut laisser à nos enfants une planète respirable.

Évidemment, nous sommes très favorables au développement de la consigne qui a encore plus de sens pour les circuits courts.

Outre-mer, compte tenu des difficultés inhérentes au transport des marchandises, la consigne est très certainement une solution pertinente. Elle l'est également dans l'Hexagone. Des travaux ont d'ailleurs été entrepris pour développer de nouveaux standards d'emballages : c'est indispensable pour donner de la pertinence à la consigne. Des initiatives très sérieuses ont été engagées en ce sens à La Réunion.

D'ailleurs, plutôt que de consigne, il faudrait parler de réemploi, terme plus large et plus pertinent désignant l'utilisation d'un emballage pour un emploi équivalent - par exemple une canette de bière.

En revanche, il me semble extrêmement dangereux d'intéresser le geste citoyen, car ce choix risquerait de renchérir considérablement le coût des dispositifs de recyclage. De mon point de vue, le geste de tri est par définition désintéressé. C'est un réflexe civique.

Nous avons, nous aussi, développé un logiciel, intitulé « Sentinelles de la nature », permettant de signaler des dépôts sauvages et de les résorber le plus vite possible. Il s'agit là d'un enjeu considérable : on le sait, un dépôt sauvage a tendance à grossir très vite pour devenir une petite décharge sauvage.

M. Michel Charpentier, président de l'association Les Naturalistes de Mayotte . - Mayotte connaît déjà une très forte croissance démographique et, dans son scénario le moins favorable, l'Insee prévoit même le doublement de sa population d'ici à 2030. En parallèle, s'il reste le plus pauvre de France, ce département a tout de même connu une élévation de son produit intérieur brut (PIB).

Ce double phénomène entraîne la multiplication des déchets, que vient encore aggraver l'immigration illégale : elle conduit au développement de zones d'habitat informel, où ce sont, en quelque sorte, les grandes pluies qui se chargent de la collecte des déchets.

En outre, au moins à Mayotte, on déplore l'absence de certaines filières de collecte. Je pense notamment aux déchets non organiques et hors emballages, qui sont dès lors jetés dans la nature, qu'il s'agisse des pneus, des batteries, des piles ou des huiles usagées. Les organismes compétents en ont stocké une partie, mais, désormais, toute collecte a cessé. Face à ce problème considérable, on ne voit pas se profiler de solution rapide.

Enfin, Mayotte a la particularité géographique d'être entourée d'un lagon : tous les déchets non collectés s'y retrouvent avant de finir sur les plages. Les quantités peuvent se révéler importantes, notamment à l'aval des villages : les déchets sont piégés dans les mangroves ou jonchent des plages plus dégagées. C'est aussi un facteur de désamour des visiteurs pour Mayotte.

Mme Victoire Jasmin, présidente . - N'oublions pas non plus les conséquences sur la santé publique. Je pense notamment à la lutte antivectorielle, qu'il s'agisse de la dengue, du chikungunya ou du zika, pour ne citer qu'eux.

Mme Alice Elfassi, responsable des affaires juridiques de Zero Waste France . - Organisation non gouvernementale (ONG) nationale basée à Paris, Zero Waste France lutte pour la réduction des déchets et contre le gaspillage des ressources.

Nous disposons de quatre groupes locaux outre-mer : à la Martinique, à La Réunion, à Tahiti et en Nouvelle-Calédonie. J'ai eu à coeur de recueillir les commentaires et les remarques de leurs représentants, mais n'ai toutefois pas pu obtenir de réponse de Tahiti.

Le réseau de groupes locaux de Zero Waste France a été formalisé assez récemment : voilà cinq ans que des associations locales se rattachent à notre organisation en signant une charte pour devenir groupe local. Ces structures, préexistantes et assez diverses, ne faisaient pas forcément précédemment partie d'un réseau. Le groupe local de Nouvelle-Calédonie a été constitué en 2018, celui de la Martinique en 2019. Celui de La Réunion a une histoire différente : il s'agit d'un ancien collectif de lutte contre l'incinérateur de Saint-Pierre, qui s'est ensuite élargi à d'autres thématiques, en particulier la réduction des déchets.

Tous ces groupes locaux sont axés sur la sensibilisation. Ils déploient leurs actions en faveur de la réduction des déchets lors d'événements culturels et sportifs ; sur les marchés, notamment pour le tri des déchets organiques ; mais aussi dans les écoles, car l'on constate un véritable besoin d'éducation à l'environnement. Il serait d'ailleurs indispensable d'élargir cet effort à d'autres publics, plus âgés.

Ils mettent en place des « défis familles », destinés à accompagner les foyers dans la réduction des déchets. S'y ajoutent des actions dans les commerces, notamment à la suite de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, afin de faciliter l'acceptation des contenants apportés par les consommateurs dans les commerces et de veiller à l'interdiction de certains plastiques à usage unique.

Nos différents groupes locaux constatent, sans surprise, une baisse de mobilisation des bénévoles depuis la Covid et une difficulté à répondre à toutes les sollicitations. Les pouvoirs publics, notamment les collectivités territoriales, veulent agir plus, mettre en oeuvre des prestations d'accompagnement, mais les associations manquent de moyens financiers et humains. Souvent, elles ne peuvent compter que sur leurs bénévoles.

Pour ce qui concerne le diagnostic d'ensemble outre-mer, Johann Leconte le souligne avec raison : il faut donner la priorité à la prévention. Certes, la population maîtrise mal le geste de tri et les dépôts sauvages constituent un véritable enjeu, mais on ne peut pas se contenter de dire que les particuliers ne savent pas trier. Ce qui manque surtout, c'est une éducation à l'environnement et une sensibilisation de la part des pouvoirs publics.

Les collectivités mènent de nombreuses actions pour lutter contre les dépôts sauvages, une fois qu'ils existent ; elles font moins en amont, au titre de l'éducation. À cet égard, on compte sur les associations sans leur donner suffisamment de moyens.

Au-delà, nous souhaitons que la prévention soit, à l'avenir, l'objet du discours prioritaire outre-mer.

Selon nous, deux actions sont essentielles à cet égard.

La première, c'est le tri des déchets organiques à la source, qui sera d'ailleurs obligatoire à compter du 31 décembre 2023. Certaines collectivités territoriales ne sont même pas informées de cette échéance. De plus, il ne suffit pas d'ajouter un onglet sur le site internet de la mairie pour informer les administrés de la mise à disposition de composteurs individuels. J'y insiste, il faut développer une véritable éducation à l'environnement, car le compostage à la maison n'est pas du tout inné. Dans les zones urbanisées, où la grande majorité des personnes vivent en appartement, il faut également développer le compostage collectif.

La seconde, c'est la tarification incitative, sujet que nous suivons de près à l'échelle nationale. Facturer la collecte des ordures ménagères résiduelles en fonction de leur volume, c'est inciter à trier le verre, le papier, le carton ou encore le plastique.

Ce « combo » nous semble être la clef pour mobiliser les populations en vue d'une réduction du volume d'ordures ménagères résiduelles. Toutefois, les associations ont du mal à se mobiliser à cette fin, faute de moyens, et à attirer l'attention des collectivités territoriales sur ce sujet.

De même, il nous paraît indispensable de réinstaurer la consigne, tout particulièrement outre-mer, du fait des enjeux d'insularité, donc d'isolement, et du manque d'infrastructures de recyclage. Dans 99 % des cas, on exporte les déchets en Asie ou en Afrique du Sud, ce qui n'est pas vertueux. Ainsi, aucun déchet n'est réellement recyclé sur le territoire de La Réunion. Soyons clairs : nous nous débarrassons de nos déchets aux dépens de pays qui n'ont ni les infrastructures ni les réglementations environnementales permettant de les recycler dans de bonnes conditions.

Nous devons mettre l'accent sur la prévention et le réemploi, et la consigne est une des solutions à privilégier. Toutefois, là encore, les moyens financiers manquent, comme le montre l'exemple du projet de consigne alimentaire qui a émergé en Nouvelle-Calédonie pour les services de restauration à emporter. Les investissements de départ étaient trois fois plus élevés que pour le système de plastique jetable. Alors que la demande d'aide était de 38 millions d'euros, la subvention de l'Ademe et des autres organismes publics n'a pas dépassé 10 millions d'euros, de sorte que le projet a dû s'arrêter, alors même que les investissements de départ auraient pu être rapidement rentabilisés.

Certains opérateurs continuent de pratiquer la consigne, malgré un manque de soutien évident, comme la brasserie Bourbon, à La Réunion, qui maintient le réemploi des canettes de verre en l'absence de tout réseau formel constitué. Il faudrait que les pouvoirs publics apportent davantage de soutien à ces opérateurs.

Pour ce qui est des décharges sauvages et de l'application de la réglementation sur les plastiques à usage unique, on ne peut que regretter le manque de contrôle des pouvoirs publics et l'absence de verbalisation. On trouve encore partout des sacs, des gobelets et des bouteilles en plastique. Les associations tentent de sensibiliser les entreprises et les commerçants, mais elles se heurtent au manque de contrôle des pouvoirs publics.

Parmi les opérations exemplaires qui ont été menées, il faut citer l'île Rodrigues dans l'Océan indien, où l'on a interdit les bouteilles à usage unique avant même que la mesure ne figure dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC), et où la consigne pour réemploi a été généralisée, de sorte que la production de déchets a été considérablement réduite.

Il faut également saluer l'opération conduite sur l'île indonésienne Gili Trawangan, grâce à une forte coopération de l'industrie du tourisme, pour développer des actions de réduction de la production des déchets.

Le groupe local de Nouvelle-Calédonie considère Saint-Pierre-et-Miquelon comme un territoire exemplaire en matière d'action et de sensibilisation visant à réduire la production des déchets. La démarche très vertueuse qui s'y est développée a abouti à une prise de conscience de la part des entreprises et des associations, mais elle se heurte encore à un manque de moyens pour que des prestations d'accompagnement puissent être mises en place.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - En milieu urbain, les associations travaillent-elles avec les bailleurs sociaux ? Nous avons mentionné cette collaboration pour le tri à la source. D'autres actions sont-elles développées dans un cadre similaire ?

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Vous avez donné des exemples pertinents, en particulier le projet de consigne qui n'a pas pu aboutir en Nouvelle-Calédonie, faute de moyens financiers. C'est sans doute là que le bât blesse. Les collectivités doivent être accompagnées. J'ai dirigé une collectivité territoriale et je sais combien la mise en place d'une déchetterie pour lutter contre les dépôts sauvages peut prendre du temps. En plus du vecteur éducatif, essentiel, il faut un accompagnement des élus ainsi que des fonds d'amorçage. La lourdeur du dispositif tient à la nécessité d'étayer les perspectives et de les soutenir financièrement. A-t-on des exemples d'un accompagnement qui se serait traduit dans les faits ?

Il faut aussi prendre en compte l'impact sur la santé. J'ai été rapporteure de la commission d'enquête sur les pollutions industrielles et minières des sols, dont les travaux ont montré qu'elles pouvaient avoir des conséquences sur la santé à long terme. Vous avez mentionné que la pollution liée aux déchets touchait les lagons, les plages et les mangroves de Mayotte. A-t-on étudié la qualité de l'air qu'on y respire ainsi que les infiltrations possibles dans les sols ? D'autant que des phénomènes importants de migration se superposent à ces difficultés. La question de l'accompagnement des collectivités en matière de santé publique est essentielle. Quel rôle jouent les associations ?

M. Johann Leconte . - Le dispositif de responsabilité élargie du producteur (REP) en matière d'éco-organismes est insuffisamment développé dans les outre-mer, alors qu'il devrait l'être au même niveau que dans l'Hexagone. En effet, compte tenu de l'insularité des territoires d'outre-mer, il est d'autant plus difficile d'y recycler les déchets. Hormis celles des emballages et des journaux, les filières ne sont pas forcément développées. On peut regretter l'absence de représentation locale des éco-organismes, liée au fait que chacun d'eux gère ses propres équipes à cinq ans de projection. Toutefois, il faudrait les encourager à développer leur présence dans les territoires ultramarins, car celle-ci rendrait leur action d'autant plus pertinente.

La question du recyclage reste essentielle. Une fois les produits consommés, les matières premières doivent être recyclées, mais les dispositifs n'existent pas sur place, pour des raisons liées aux bassins de population. Il faut donc exporter les déchets, sans forcément maîtriser les conditions de recyclage en matière de protection de l'environnement ou de droit social des salariés dans le pays d'exportation. Les départements ultramarins seraient donc en droit de demander une attention particulière aux éco-organismes et à l'État pour développer des projets de recyclage différenciés. Par exemple, même si l'on ne peut pas construire de verrerie dans les départements d'outre-mer, faute d'un bassin de population suffisant pour assurer le fonctionnement de l'usine, on peut trouver des usages dérivés du verre, en particulier pour en faire du sable de filtration à destination des piscines, en substitution du sable très coûteux que l'on fait venir de loin. Il faudrait favoriser la collaboration entre l'État et les industriels pour développer ces filières alternatives.

Enfin, il n'est pas acceptable que les éco-organismes ne soient pas tous en obligation de développer la collecte, le tri et le recyclage des produits dont ils sont responsables dans chacun des territoires ultramarins. Le concept de la responsabilité élargie du producteur a été inventé pour répondre à ce problème d'internalisation. Il faut le rendre efficient.

Mme Nassimah Dindar . - À La Réunion, il faut saluer l'implication des pouvoirs publics. Les communautés d'agglomération ont réalisé un travail extraordinaire, en particulier sur la communication concernant le tri et sur la fourniture des bacs. J'ai moi-même constaté l'ampleur de ce travail mené dans un temps resserré.

Cependant, les enjeux de santé et ceux liés aux pratiques culturelles sur la consigne et le tri restent à approfondir. Je suis favorable à une rémunération, même symbolique, de ceux qui rapportent leur bouteille ou leur canette de bière à la consigne. Cette pratique culturelle qui perdure à La Réunion peut donner lieu à une émulation positive.

Les biens de consommation que l'on commande sur internet arrivent souvent dans des emballages en carton, et il n'est pas rare qu'il faille jusqu'à quatre cartons pour emballer un seul vêtement. Ne pourrait-on pas prévoir une réglementation plus stricte en la matière ?

Monsieur Leconte, je ne crois pas qu'il soit plus difficile de retraiter à La Réunion qu'ailleurs. Toutes les bouteilles de l'île Rodrigues sont traitées dans la verrerie de l'île Maurice. Il faudrait aider les éco-organismes à s'installer et soutenir les collectivités afin qu'elles développent des partenariats public-privé pour favoriser un retraitement sur place, en particulier pour le papier, le carton et le verre. Pourquoi ne pas non plus exonérer les entreprises qui s'installent dès lors que leur activité concerne le traitement des déchets ?

À La Réunion, les associations et les collectivités ont fourni des efforts considérables en matière de tri, de prévention et de communication auprès de la population.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - Madame Elfassi, votre association n'existe pas en Guyane. Participez-vous quand même à certaines actions favorisant la réduction des déchets sur ce territoire ?

Monsieur Leconte, l'ADN de votre structure est de concilier l'équilibre naturel et l'activité humaine et de proposer des pistes pour adapter notre planète aux changements climatiques et les atténuer. Pourtant, j'ai la fâcheuse impression qu'en Guyane, France Nature Environnement s'évertue surtout à annihiler tout projet de développement, qu'il s'agisse de la Montagne d'or ou de la centrale du Larivot. Dans le cadre de ce dernier projet, les terrassements ont été réalisés et les chefs d'entreprise qui avaient investi dans des camions se retrouvent en difficulté.

L'association Guyane Nature Environnement est bien informée des difficultés rencontrées par les communes enclavées. En effet, les communes de l'intérieur peinent à traiter les déchets, faute de routes et de décharges. Certaines d'entre elles sont reliées par des fleuves, comme les villages de Twenké, Él ahé et Antécume-Pata, où les habitants ne savent pas quoi faire de leurs déchets. Peut-on compter sur votre expertise pour résoudre ces problèmes ? Que peut faire Guyane Nature Environnement, qui dépend de votre association ?

M. Guillaume Gontard . - Je partage vos propos sur l'implantation des éco-organismes. En tant que rapporteur de la mission d'information sur la politique du logement dans les outre-mer, je me suis particulièrement intéressé à la relocalisation des matériaux de construction. Il faudrait envisager des actions fortes sur la réutilisation et le recyclage de ces matériaux. J'ai constaté, dans mon territoire, qu'il était possible de réutiliser directement la plupart d'entre eux, bac acier, menuiseries ou isolants, ce qui pourrait être très intéressant dans les outre-mer. Une réflexion est-elle en cours sur ce genre d'initiatives que la puissance publique pourrait facilement lancer ?

M. Johann Leconte . - Je n'ai pas d'informations assez précises pour vous répondre au sujet de la Guyane.

Pour ce qui est de la responsabilité élargie des producteurs, il est essentiel d'aller jusqu'au bout de la garantie de reprise et je regrette que cela n'ait pas été le cas dans le cadre de la loi AGEC. En effet, les éco-organismes devraient être en responsabilité totale sur la fin de vie de leurs produits et se charger d'en assurer le débouché. Ils auraient ainsi à coeur de trouver les moyens industriels nécessaires pour favoriser le recyclage, en créant par exemple une verrerie. Il faut que la garantie de reprise soit pleine et entière, c'est-à-dire qu'elle ne repose pas uniquement sur l'existence d'un marché potentiel, qui a du mal à exister outre-mer.

Sur la question spécifique du bâtiment, une REP est en train de voir le jour. L'enjeu du réemploi des matériaux dans le bâtiment, essentiel, reste en effet insuffisamment traité. Nous avions souhaité que des objectifs plus importants en matière de réemploi des matériaux soient inscrits dans cette REP, sans obtenir le niveau d'exigence que nous souhaitions. Toutefois, elle a le mérite d'exister et le système doit trouver son rythme avant de pouvoir augmenter sa capacité. Je reste optimiste sur le développement du réemploi dans cette filière. Autrefois, il n'y avait rien de perdu quand on détruisait un bâtiment pour en construire un autre, car nos anciens réutilisaient tous les matériaux.

Nous considérons que les collectivités locales peuvent trouver dans les associations un partenaire efficace pour l'éducation à l'environnement. Pourquoi est-ce difficile dans la pratique ? Sans doute parce que les associations ont souvent été créées dans un contexte de contestation de certains projets. Toutefois, nous devrions travailler en bonne intelligence dans l'intérêt collectif. Cela s'est fait dans certaines communes ultramarines et les résultats sont positifs. Il faut promouvoir cette collaboration entre les collectivités et les associations pour favoriser la sensibilisation des acteurs.

Celle-ci a effectivement été particulièrement efficace à La Réunion au moment de la mise en place du tri sélectif, ce qui n'a pas forcément été le cas dans tous les outre-mer. Sans doute a-t-on privilégié les investissements matériels en laissant de côté la sensibilisation, pourtant nécessaire à la bonne compréhension de la démarche.

En matière de santé, tous les déchets qui arrivent en mer viennent de la terre. Ils ont forcément des conséquences sur la biodiversité et, par effet rebond, sur l'homme. Des difficultés particulières, liées à l'habitat, caractérisent le territoire de Mayotte. Il faut tout faire pour trouver des solutions.

Mme Alice Elfassi . - La coopération entre les collectivités et les associations reste difficile dans certains territoires. À La Réunion, par exemple, le projet d'incinérateur a crispé la relation partenariale pourtant essentielle en matière d'éducation à l'environnement et de sensibilisation. Même si notre association se concentre sur les impacts environnementaux, elle prend de plus en plus en compte ceux qui concernent la santé publique. En outre-mer, les décharges restent nombreuses, même si les incinérateurs posent des problèmes environnementaux et sanitaires.

Faut-il adapter les objectifs de recyclage et développer la valorisation énergétique ? Nous mettons surtout l'accent sur la prévention et le réemploi, car la réglementation incite, quoi qu'il en soit, à réduire l'enfouissement au profit d'autres modes de traitement. Nous ne souhaitons pas que les investissements dans l'incinération prennent le pas sur des financements publics qui pourraient servir à développer des dispositifs de consigne, de tri des biodéchets ou d'éducation à l'environnement. Le projet d'unité de valorisation énergétique (UVE) à Saint-Pierre de La Réunion est un exemple significatif.

De même, en Martinique, la valorisation énergétique des déchets existe grâce à l'implantation d'une usine Albioma destinée à traiter les déchets de la canne à sucre pour produire de l'énergie. Toutefois, la récolte de la canne à sucre étant saisonnière, l'usine a fini par devoir importer des ressources depuis le Brésil et le Canada durant le reste de l'année. On a donc construit une infrastructure peu flexible et très coûteuse dont l'alimentation a nécessité que l'on importe des déchets. La démarche ne nous paraît pas vertueuse.

En outre-mer, les besoins en chauffage urbain ne sont pas identiques à ceux de l'Hexagone, car les habitations sont souvent équipées de chauffe-eau solaires efficaces. Il est donc difficile de justifier ainsi les investissements massifs sur la valorisation énergétique des déchets.

Quant aux filières REP, il faut effectivement que les éco-organismes soient implantés en outre-mer tout comme dans l'Hexagone. Nous restons toutefois critiques sur leur mode de fonctionnement actuel. L'exemple de la filière REP bâtiment est un bon exemple, dans la mesure où la loi AGEC a posé les bases solides d'un soutien à la prévention et au réemploi, pour faire comprendre que les éco-organismes n'ont pas pour seule mission de développer le tri et le recyclage. Or, le cahier des charges que l'on nous a présenté reste décevant en ce qui concerne les objectifs de réemploi, alors que l'industrie du bâtiment est responsable de 75 % des déchets produits en France. C'est donc tout le système de la REP qu'il faudrait refondre pour mettre l'accent sur la prévention et le réemploi plutôt que sur le tri et le recyclage, en contraignant davantage les éco-modulations et les bonus-malus qui sont imposés aux producteurs de déchets. La filière du bâtiment, toute nouvelle, devrait être en pointe.

Peu de relations ont été établies entre les éco-organismes et les groupes locaux. Il existe toutefois une exception en Nouvelle-Calédonie où le groupe local m'a indiqué être en relation avec Trécodec, éco-organisme qui traite les piles, batteries et pneus. Cette relation fonctionne bien.

Des actions en commun ont été menées à La Réunion avec les bailleurs locaux, même si elles se sont essoufflées au cours des deux dernières années. Ce type de partenariat est essentiel pour l'éducation à l'environnement et la sensibilisation.

Pour lutter contre les dépôts sauvages et favoriser la sensibilisation des usagers, nous envisagions d'organiser des visites de décharges par des groupes scolaires. Les associations pourraient s'en charger en se concentrant sur les impacts environnementaux et sanitaires de ce type d'installation. Un partenariat avec la collectivité territoriale concernée serait intéressant.

Mme Victoire Jasmin, présidente . - Des efforts sont menés en Guadeloupe, comme la mise à disposition de composteurs individuels ou des ressourceries. Les moyens manquent, mais j'espère que ces problématiques continueront d'être prises en compte. Dans l'archipel de la Guadeloupe, les habitants sont parfois soumis à une double ou à une triple insularité, ce qui rend la situation d'autant plus difficile à traiter pour les collectivités locales.

En matière de santé, la prolifération des rongeurs sur les dépôts sauvages favorise la leptospirose. Nous devons continuer de développer de bonnes pratiques, mais les moyens manquent.

Je vous remercie pour vos interventions. Vous pourrez nous faire parvenir par écrit des compléments d'information.

Jeudi 2 juin 2022

Table ronde avec des opérateurs économiques

Mme Victoire Jasmin, présidente . - Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions pour l'étude relative à la gestion des déchets dans les territoires ultramarins, dont les rapporteures sont Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, et Viviane Malet, sénatrice de La Réunion.

J'ai l'honneur de remplacer aujourd'hui le président Stéphane Artano, qui vous prie de l'excuser, car il participe à nos travaux en visioconférence.

Dans le cadre de cette seconde table ronde, nous accueillons les représentants de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom), de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (Federec), et du Syndicat national des entrepreneurs de la filière déchet (Snefid), que nous remercions de leur disponibilité.

Après avoir donné la parole au président Stéphane Artano afin qu'il vous adresse quelques mots, je demanderai ensuite aux deux rapporteures de bien vouloir formuler leurs questions, puis ce sera au tour des représentants des associations de faire leur exposé, dans l'ordre suivant : Hervé Mariton, président de la Fedom ; Manuel Burnand, directeur général de la Federec ; et Guénola Gascoin, secrétaire générale du Snefid. Les rapporteures pourront alors reprendre la parole pour demander davantage de précisions si elles le souhaitent, et je donnerai enfin à nos collègues la possibilité d'intervenir.

M. Stéphane Artano . - Je remercie Victoire Jasmin d'avoir accepté de me remplacer. Je salue nos deux rapporteures Gisèle Jourda et Viviane Malet, ainsi que les membres du groupe d'études sur l'économie circulaire du Sénat, qui portent nos sujets de préoccupation.

Nous souhaitons dresser un état des lieux aussi exhaustif que possible et proposer des recommandations adaptées aux territoires ultramarins. Nous voulons que les problématiques spécifiques à la gestion des déchets dans les territoires d'outre-mer soient mieux prises en compte dans la politique nationale, censée donner la priorité aux défis environnementaux.

Nous vous remercions donc vivement de nous éclairer dans le cadre de cette étude, à la lumière de l'expertise reconnue que vous avez acquise.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Mes chers collègues, mesdames et messieurs les représentants des opérateurs économiques, je voudrais tout d'abord excuser les représentants de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade) qui, ne pouvant être présents avec nous ce matin, ont transmis une contribution écrite étayée en réponse à notre questionnaire.

Notre sujet intéresse la transition écologique et le quotidien de tout un chacun. La gestion des déchets constitue un service public élémentaire, au même titre que l'eau ou l'assainissement. Or, nous savons que dans les territoires ultramarins, ces services de base ne sont pas toujours rendus dans des conditions satisfaisantes.

Les entreprises sont évidemment au coeur de cet enjeu, en tant que producteurs de déchets, mais aussi en qualité de prestataires et d'industriels du déchet. Ce champ d'activité économique ne cesse de croître et de se perfectionner, à mesure que les défis du recyclage et du réemploi s'imposent.

Cette table ronde doit notamment mettre en avant ces deux aspects, et nous devons comprendre pourquoi certaines filières ne parviennent pas à décoller dans les outre-mer. Les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) sont en effet très en retard, quand elles ne sont pas inexistantes, alors que les entreprises ultramarines y contribuent bien souvent.

Pour cette audition, je souhaite en particulier recueillir votre avis sur les récents bouleversements législatifs et réglementaires : ces textes prennent-ils en compte les spécificités des entreprises et des marchés ultramarins ? Observez-vous une dynamique nouvelle dans les outre-mer à la suite de l'adoption de ces textes ?

Par ailleurs, les différents dispositifs d'aide ouverts aux entreprises en matière de déchet sont-ils adaptés aux besoins des entreprises ? Je pense par exemple à la défiscalisation, ou encore aux appels à projets outre-mer, en particulier ceux de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ou de Citeo pour innover en matière de recyclage.

Enfin, je souhaiterais recueillir votre avis sur la viabilité économique de la mutualisation de certains équipements entre territoires ultramarins, par exemple entre la Martinique et la Guadeloupe, ou dans l'océan Indien, entre La Réunion, Mayotte ou des États insulaires voisins. Cela peut-il avoir du sens, en dépit du coût des transports maritimes ?

Mme Viviane Malet, rapporteure . - En qualité d'élue locale et de sénatrice de La Réunion, je constate chaque jour au coin de la rue le défi représenté par la gestion des déchets dans mon territoire. Nous sommes en alerte rouge.

La gestion des déchets est un secteur d'activité en plein essor, d'une technicité croissante. Votre partage d'expérience est donc important.

J'aimerais notamment avoir votre retour sur l'organisation des filières REP outre-mer. Le bilan est globalement assez médiocre. Selon vous, quelles en sont les raisons ? Les entreprises des DROM cotisent auprès des éco-organismes depuis des années, mais le service rendu est très faible. Avez-vous des discussions avec des éco-organismes, en particulier avec Citeo ? Percevez-vous un changement depuis l'adoption de la loi AGEC ?

Mon autre interrogation porte sur la remise au goût du jour de la consigne, tant pour le verre que pour le plastique, chantier à propos duquel les territoires d'outre-mer sont perçus comme un possible laboratoire. La Guadeloupe s'est notamment portée candidate pour devenir un territoire d'expérimentations. Quel regard les entreprises ultramarines portent-elles sur ce retour de la consigne ? Êtes-vous associés à ces projets ? Les conditions pour une activité économiquement viable sont-elles réunies ?

Le problème de l'exportation des déchets est de plus en plus complexe, et la crise du transport maritime ne fait qu'empirer la situation. L'annonce par CMA-CGM de l'arrêt prochain du transport des déchets plastiques ne va certainement pas améliorer les choses. Avez-vous des propositions pour obtenir un aménagement des règles d'exportation des déchets depuis les outre-mer ? Sur l'aide au fret, qui permet de réduire le coût de l'export, considérez-vous que les différents dispositifs existants sont satisfaisants ?

Une dernière interrogation porte enfin sur l'ingénierie et l'expertise dans les outre-mer. Il y a deux semaines, les auditions de la délégation ont fait apparaître que les crédits existaient pour des projets concernant les déchets dans les outre-mer, mais qu'ils étaient sous-consommés. Ce problème est d'ailleurs plus général, comme l'a récemment relevé la Cour des comptes, sur une saisine de la commission des finances du Sénat.

L'insuffisance de l'ingénierie technique et administrative des collectivités ultramarines est l'une des principales explications avancées. Quel est votre regard sur cette difficulté majeure, les entreprises étant parties prenantes dans la préparation et la co-construction des projets ? Quels sont les dispositifs les plus efficaces pour accompagner les collectivités et les entreprises lorsqu'elles sont à l'initiative de projets privés ?

M. Hervé Mariton, président de la Fédération des entreprises des outre-mer . - En tant que président de la Fédération des entreprises des outre-mer, j'apporterai un certain nombre de réponses générales, les acteurs plus spécialisés pouvant apporter sur certains points des précisions supplémentaires.

Dans les outre-mer, les enjeux de transition écologique et d'économie circulaire sont essentiels, en particulier pour des raisons physiques : dans ces espaces insulaires ou quasi insulaires pour la Guyane, la notion d'économie circulaire revêt des enjeux importants, notamment en ce qui concerne l'évacuation des déchets. La notion de cercle, pouvant sembler un peu théorique dans une approche nationale, est très concrète en situation insulaire.

Les enjeux de la transition écologique et énergétique sont, pour les outre-mer, à la fois une contrainte et une opportunité. Alors que les schémas économiques font trop souvent du sur-place, il y a probablement là une occasion de franchir des étapes, si nous pouvons résoudre certains problèmes.

Viviane Malet a posé des questions d'ingénierie, et Gisèle Jourda a souligné la dimension de service public de la gestion des déchets. Deux ordres de difficultés sont ainsi soulevés. Les contextes économiques sont compliqués outre-mer, et les structurations d'entreprises sont parfois fragiles. Pour autant, si je puis le dire devant les sénateurs, l'organisation des collectivités locales est parfois également fragile. Il n'est pas plus aisé de résoudre les questions d'ingénierie en outre-mer que dans l'Hexagone. Il n'y a pas le potentiel d'entreprises permettant de répondre à la totalité des questions concernant les déchets, et il faut réaliser des progrès importants. Mais par ailleurs, et sans insolence, je me hasarde à dire que la prise en charge de ces questions par les collectivités locales n'est pas toujours à la hauteur des défis soulevés.

Autour du thème de l'économie circulaire, Gisèle Jourda évoquait la défiscalisation. Or, cet outil a été très largement conçu, depuis longtemps, pour des objets neufs. Dès que l'on parle de réutilisation et d'économie circulaire pour des déchets, des biens industriels ou des machines-outils, et dès que l'on essaie de garder dans le circuit ce qui pourrait facilement en sortir, il est important de poser la question d'une évolution de la défiscalisation pour mieux prendre en compte les différentes formes de réutilisation, en particulier pour les biens d'investissements.

Il en va du domaine des déchets comme d'autres domaines : les spécificités des outre-mer sont globalement insuffisamment prises en compte. Observe-t-on une dynamique nouvelle ? Oui et non : nous ne sommes pas à la hauteur de la situation. Comme Viviane Malet l'évoquait, l'interruption de l'évacuation des déchets plastiques constitue une menace. Mais en réponse à cette contrainte violente, une dynamique de réflexion est enclenchée, même si les actions restent insuffisantes, tout comme le travail de mutualisation.

Le transport des déchets a récemment émis un signal d'alerte important. Une bonne partie du traitement des déchets outre-mer passe par leur évacuation sous une forme plus ou moins traitée. Récemment, cette évacuation a été fortement perturbée par tous les problèmes de transport maritime que connaissent les outre-mer : saturation des zones de stockage et difficultés d'organisation des plateformes portuaires, perturbation de l'offre de transport tant en quantité qu'en qualité, avec des modifications des routes maritimes, et incertitude des prix contractuels comme des prix spot. Tout ceci affecte le transport des déchets.

Sur la question de l'aide au fret, ces dernières années, l'évolution a été défavorable. Dans une précédente programmation européenne, les territoires d'outre-mer pouvaient bénéficier de l'aide européenne à l'exportation de déchets vers l'Europe, ce qui n'est malheureusement plus le cas dans la dernière programmation européenne.

L'aide nationale au fret reste en théorie ouverte, mais la plupart des collectivités ont décidé d'adosser les dispositifs nationaux sur ceux du Fonds européen de développement régional (Feder). La disparition de l'aide européenne au fret des déchets a le plus souvent entraîné de facto une disparition de l'aide nationale au fret, ce qui constitue, de manière concrète et précise, un sujet majeur de préoccupation.

La situation est cependant un peu plus favorable que ce qu'a craint Viviane Malet. Après le signal d'alerte qui justifie votre propos, CMA-CGM s'est plus récemment exprimée par voie de communiqué. Par la suite, vous avez probablement vu que la direction générale de la prévention des risques au ministère de l'écologie et la direction générale des outre-mer au ministère des outre-mer ont adressé conjointement un courrier à CMA-CGM, actant la possibilité de couvrir administrativement le transport des matières plastiques vers l'Union européenne et la France métropolitaine. Même si cela ne répond pas totalement aux problématiques de transport de matières plastiques issues de La Réunion, la réponse de CMA-CGM à cette alerte est rassurante.

Avec le délégué général de la Fedom, nous étions il y a quelques semaines en Martinique. Le « coup de semonce » CMA-CGM a incité les acteurs locaux à réfléchir sur la collecte et le recyclage des déchets plastiques. Historiquement, il y a un certain temps, des bouteilles plastiques étaient recyclées en Martinique. Du fait d'une insuffisante organisation de la collecte, cette unité de traitement s'était arrêtée - ce qui nous ramène à la question de l'organisation du service public. Aujourd'hui, la question prend une dimension nouvelle. Vu de la Martinique, le sujet est complexe : sous-jacentes à la mutualisation, des initiatives récentes se sont fait jour en Guadeloupe, et les acteurs ont conscience qu'il n'y a pas de place pour deux unités industrielles et deux opérateurs en même temps dans les Antilles.

La mutualisation n'est pas là aujourd'hui, mais c'est un défi que nous devons relever pour ne pas dépendre de la bienveillance de CMA-CGM concernant les trajets des matières plastiques. Les acteurs des départements français des Antilles et d'autres collectivités comme  Saint-Martin et  Saint-Barthélemy sont concernés par cette donnée.

Au-delà des matières plastiques, dont l'interruption du transport constitue une menace, je voudrais souligner le problème de la collecte, du stockage et du transport des déchets dangereux. Il s'agit d'une préoccupation grave. Sous le contrôle de Viviane Malet, je comprends qu'à La Réunion aujourd'hui, la filière est en carence à tous les niveaux : l'évacuation des piles n'est pas possible, le stockage et la collecte ne se font plus.

La réduction des déchets à la source constitue une autre dimension du travail de la délégation. Le sujet est difficile vu des outre-mer, compte tenu de l'importance de la part des produits importés dans les économies ultramarines, qui représentent souvent une part modeste de la production globale de ces produits. Les metteurs en marché ultramarins, souvent minoritaires dans leurs filières d'approvisionnement, peuvent difficilement maîtriser la conception des produits ou la réduction potentielle des emballages et des suremballages.

La Fedom soutient la production locale, qui se pose ces questions, mais il y a une difficulté liée à la faible marge réalisée par les distributeurs d'outre-mer sur les produits importés. Demain, des évolutions du type de la taxe carbone pourraient affecter les frais d'approche, et la réduction à la source des déchets pourrait ainsi prendre une nouvelle dimension.

Concernant le recyclage et la réutilisation, nous réfléchissons à faciliter la miniaturisation des filières de production, afin d'encourager une meilleure maîtrise de la réduction à la source des déchets, en prenant le problème très en amont. Cela ne répond pas vraiment à l'urgence immédiate, mais il faut tout de même avoir cette dimension en tête. S'agissant des filières de recyclage, comme je l'évoquais avec l'exemple des bouteilles en plastique en Martinique, l'échec connu par le passé s'explique peut-être par la taille peu adaptée des outils de production.

Il n'est pas absurde de relier les démarches de miniaturisation et celles d'économie circulaire. Si des efforts doivent être menés, y compris dans les politiques publiques, comme nous souhaitons le plaider auprès de la direction générale des entreprises, ces efforts peuvent porter sur le recyclage et passer par la miniaturisation des outils de production, quitte à mettre prioritairement des moyens dans les économies insulaires, où les problèmes ne se posent pas de la même manière que dans l'Hexagone - je lance cette proposition.

Des évolutions nationales sont favorables, et les outre-mer doivent pouvoir en tirer profit. L'assouplissement du classement ICPE (installation classée pour la protection de l'environnement) et de l'encadrement environnemental des combustibles solides de récupération (CSR), vu des outre-mer, ouvre des perspectives favorables, car ils constituent une manière de traiter des déchets et de produire de l'énergie. Des réflexions sont en cours à La Réunion, sous l'égide de l'entreprise d'énergie Albioma.

J'ai rapidement évoqué la question de la mutualisation, en mentionnant les difficultés concernant les plastiques en Martinique et en Guadeloupe. Le sujet est évidemment important.

Concernant la valorisation et le recyclage, il faut faire attention à la taille de nos marchés, qui sont souvent de petite dimension. Des efforts sont faits sur la politique des déchets, y compris dans les collectivités du Pacifique. Des cadres législatifs ont été adoptés. Le gouvernement de la Polynésie française a pris des lois de pays, et le code de l'environnement polynésien prévoit un certain nombre de dispositions. Selon les parties du territoire, que l'on soit à Tahiti ou dans des archipels éloignés, les conditions d'application ne sont pas les mêmes.

Le constat, en Polynésie française comme dans d'autres collectivités d'outre-mer, est celui d'une augmentation très significative de la production de déchets ces dernières années. Un certain nombre de collectivités d'outre-mer connaissent un déclin démographique, mais les problèmes de déchets ne sont pas résolus pour autant ; dans d'autres, la croissance démographique les aggrave.

En Nouvelle-Calédonie, par exemple, plus de 100 000 tonnes de déchets ménagers sont produites annuellement, alors que les enjeux de préservation et de valorisation de l'environnement sont importants. Les politiques concernant les déchets sont d'autant plus importantes. Il faut avoir en tête la complexité de l'organisation administrative : une partie des compétences relève de l'État, une autre est liée à la compétence forte des provinces en matière d'environnement, une partie revient cependant au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur la gestion des déchets de soins à risque infectieux, des médicaments et des déchets d'amiante, et une autre partie revient aux communes ou aux regroupements de communes. Je veux souligner l'implication de la Chambre de commerce et d'industrie de la Nouvelle-Calédonie (CCI-NC), qui a mis en place un observatoire des déchets des entreprises, sur un modèle inspiré des Côtes-d'Armor, pour bien suivre l'ensemble de ces questions.

Je voudrais aussi mentionner les difficultés réelles observées dans la troisième collectivité du Pacifique, à Wallis-et-Futuna, concernant la gestion de cette filière.

M. Manuel Burnand, directeur général de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage . - La Federec est une vieille dame de plus de 70 ans : la fédération est née avec différents syndicats régionaux. Dans le cas particulier des DROM-COM, nos adhérents sont suivis par la région parisienne, cette couverture territoriale étant répartie selon le découpage de la loi NOTRe.

La Federec est caractérisée par une compétence par métiers : nous sommes la seule fédération à rassembler des compétences techniques sur l'ensemble des matériaux, le textile, le plastique, le papier-carton, le bois, les métaux, des branches annexes étant chargées de la régénération de solvants et de la valorisation des combustibles solides de récupération --je suis heureux de voir ce sujet évoqué. Nous suivons également les produits complexes comme les véhicules hors d'usage (VHU), les déchets d'équipements électriques et électroniques, les déchets d'ameublement et les déchets du bâtiment.

Sur toutes ces questions, nous sommes impliqués en amont, puisque notre confédération européenne EuRIC siège à Bruxelles. À l'échelle mondiale, nous jouons un rôle concernant les sujets relevant de la convention de Bâle.

J'ai apprécié vos questionnements sur l'ingénierie, car il s'agit d'un des atouts de notre fédération. Une forte compétence technique, technologique et commerciale est portée par nos entreprises comme par notre club de partenaires. La Federec réunit des entreprises dotées d'ICPE pour recycler et transformer les déchets en ressources, en matières ou en énergie. Une soixantaine d'entreprises nous accompagnent dans l'ingénierie, tant financière que technique - par exemple en ce qui concerne le traitement des pneumatiques par pyrolyse, qui peut se faire dans de très petites unités, ces questions d'échelle étant importantes dans les DROM-COM.

Un point nouveau est l'ingénierie de formation. Nous avons identifié ce besoin depuis de nombreuses années, et il est porté par notre président François Escoffier. Avec l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), nous sommes en train de lancer l'école nationale du recyclage et de la ressource, en prenant en compte certains aspects très pratiques de la formation à la gestion des déchets. Nous montons ce travail avec nos partenaires, afin de leur présenter notre fonctionnement.

Un élément important est le diagnostic de compétences. J'ai été frappé par certains entretiens que j'ai récemment faits avec nos adhérents. Dans certains cas, des gens ayant travaillé dans l'Hexagone pour de grandes enseignes de recyclage ont de très bonnes compétences et une réelle volonté d'aller de l'avant. Nous devons muscler ce volet de la compétence pour changer notre manière de penser : trop longtemps, on a considéré que les déchets des DROM-COM devaient être rapatriés sur le territoire hexagonal. Or nous devons désormais considérer le déchet comme une ressource et une opportunité pour les territoires, en ce qui concerne la création de valeur ou la création d'emplois.

Il faut regarder les choses de manière précise. Pour le plastique par exemple, j'ai été frappé par la surconsommation de bouteilles d'eau en plastique liée à la qualité de l'eau dans les outre-mer. Nous avons parlé de l'exemple un peu triste de la Martinique. Ce genre d'initiatives peut être relancé, les éco-organismes pouvant constituer des leviers d'accélération du développement dans ces écosystèmes économiques particuliers.

L'export des déchets représente un vrai sujet, en particulier en ce qui concerne les piles et les accumulateurs. Vous avez entendu parler à Paris des départs de feu dans des bus électriques. Aujourd'hui, c'est la terreur des sociétés de transport, d'autant plus lorsque les accumulateurs sont dans des porte-conteneurs. Le sujet est extrêmement complexe, car il y a environ deux cents types de batteries mis sur le marché. Cela soulève certaines questions auxquelles nous n'avons pas forcément pensé. En tant que fédération, nous réalisons le danger posé par ces accumulateurs, qui sont des « bombes incendiaires » disséminées sans beaucoup de prudence dans de nombreux objets de consommation, comme nos brosses à dents. Le secteur des déchets en est la première victime.

Pourquoi la filière déchet ne décolle-t-elle pas ? Il faut unir nos forces et décloisonner nos compétences comme nos visions, au moment historique que nous vivons. Les territoires sont essentiels, et nous devons travailler ensemble.

Les récents bouleversements concernent nos entreprises qui portent, de manière historique, l'emploi, les outils industriels et la compétence. Contrairement à ce que j'ai entendu, les éco-organismes ne vont pas résoudre tous les problèmes : dans les faits, les entreprises assument cette responsabilité, et un équilibre doit être trouvé entre les entreprises et les éco-organismes.

La filière déchet a la chance de bénéficier d'un comité stratégique de filière rattaché au Premier ministre. La question de l'articulation entre les opérateurs du déchet et les éco-organismes est en cours d'étude.

Du reste, nous avons porté collectivement un recours contre l'arrêté du 15 mars 2022 qui nous inquiète beaucoup, car il change fondamentalement les choses. Par exemple, alors que les entreprises et les collectivités locales ont pu créer des boucles locales en bonne intelligence, le risque est qu'on impose dogmatiquement certaines choses venues d'en haut, en pensant par exemple que le recyclage chimique va tout résoudre.

Ces travaux sont en cours, mais il s'agit d'un point de vigilance. Une dynamique nouvelle est engagée, mais il faut s'y atteler.

Le Programme investissement d'avenir (PIA4) lance des éléments que nous devons objectiver sur l'innovation, mais, là encore, il faut définir le partage de valeur entre les entreprises et les éco-organismes.

Je ne reviendrai pas sur la question de la mutualisation, qui a déjà été évoquée, mais je donnerai juste une anecdote : nos adhérents sont principalement situés en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Clairement, les sujets n'ont rien à voir. À La Réunion, nos adhérents nous disent échanger régulièrement avec CMA-CGM. Les conteneurs passent par plusieurs pays, y séjournent parfois, et la complexité administrative est considérable. Cela n'a rien à voir avec la situation de la Guadeloupe ou de la Martinique, où des circuits courts sont possibles. On ne peut pas généraliser, il faut regarder ces sujets de manière précise et individualisée.

Nous souscrivons entièrement au besoin que représente l'aide au fret. Je m'en tiendrai là, avant de répondre plus précisément à vos questions.

Mme Guénola Gascoin, secrétaire générale du Syndicat national de la filière déchet (Snefid) . - Le Snefid est un syndicat patronal représentatif des entreprises de la filière du déchet, actif depuis cinq ans, notamment dans le domaine de la formation. Il rassemble des entreprises indépendantes, de petites tailles - très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME), entreprises de taille intermédiaire (ETI) - fortement implantées dans les territoires. Ses adhérents sont répartis entre La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane.

Les entreprises de la filière du recyclage et de la valorisation des déchets créent de l'emploi, et sont très proches des territoires compte tenu de l'ancrage de leurs métiers, pour beaucoup opérationnels.

Le sujet de la gestion des déchets dans les territoires ultramarins est essentiel. Nos adhérents se sont d'ailleurs félicités de voir votre délégation s'en emparer.

Des problèmes se présentent en matière de répartition du marché. Si la collecte des déchets ménagers ou professionnels revient majoritairement à des opérateurs privés, leur traitement est assuré principalement par des acteurs publics.

La santé financière du secteur est plutôt bonne, quoiqu'en stagnation. Il faut signaler néanmoins certaines difficultés, à commencer par les problèmes de transport qui ont été précédemment cités, liés à la diminution du nombre de dessertes. De manière générale, la gestion du transport a un coût certain. L'aide au fret est à cet égard essentielle.

Nous devons conduire une réflexion, collégialement, sur l'import de produits. Les industriels disposent en la matière d'une faible marge de manoeuvre sur place. Or, il faudrait réfléchir davantage en amont au potentiel de déchets générés par les produits importés, ainsi qu'à la façon dont ils seront traités - pour les produits de couverture dans le secteur du bâtiment, par exemple. En parallèle, une réflexion est aussi à mener sur l'export des déchets plastiques, à l'aune des problèmes posés par son récent blocage.

Il est important de rappeler que, même s'il s'agit d'un déchet, le plastique est composé souvent de matières premières préparées pour le recyclage. Or nous avons encore trop tendance à considérer les déchets comme de simples déchets, à l'aune d'une vision guidée par l'idée de salubrité. Un travail de vulgarisation est à mener sur ce point.

Compte tenu de la répartition des marchés, la santé économique de nos entreprises se heurte par ailleurs à des difficultés récurrentes liées notamment à la longueur des délais de paiement, singulièrement dans le cadre des contrats publics. Ces délais compromettent les achats de matériels, ou l'approvisionnement en pièces détachées et, en définitive, le bon fonctionnement des collectes. Ces tensions se sont aggravées du fait du contexte de crise que nous connaissons, mais elles existaient déjà depuis plusieurs années.

Les entreprises souffrent également de difficultés de recrutement, pour certains métiers comme celui de chauffeur, par exemple, mais également dans l'encadrement intermédiaire. Malgré les formations internes mises en oeuvre, le turn-over reste important. Une réflexion collégiale doit aussi être menée sur ce sujet.

En matière de REP, la nécessité de développer les éco-organismes dans les territoires ultramarins apparaît clairement. Il en existe déjà quelques-uns, mais cette dynamique reste à développer, dans la ligne de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), qui a mis en avant l'importance de la gestion des déchets dans les territoires ultramarins.

Nos entreprises, installées depuis plusieurs dizaines d'années, sont non seulement spécialistes de la gestion des déchets ménagers et professionnels, mais aussi capables de porter des projets. Un lien gagnerait donc à être noué avec les organismes comme Bpifrance, qui les connaît peut-être mal. Le seul facteur limitant est celui du foncier. En effet, toute installation -  pour la préparation, comme pour le déconditionnement ou le tri - a besoin de foncier. C'est un point sur lequel il faudra travailler.

Les problèmes qui peuvent apparaître sur certains outils de traitement - pour les piles, par exemple - ont été évoqués précédemment. Ces problèmes engendrent des difficultés de stockage, notamment dans les installations classées protection de l'environnement (ICPE), qui perturbent l'organisation des collectes, ce qui est dommageable pour l'ensemble de la filière. Cette difficulté s'est présentée par exemple en Martinique. Il est important d'accompagner les collectivités sur ce sujet.

En réponse à la question de savoir quels seraient les modèles de filière REP à développer, nos adhérents ont insisté sur l'importance de ne pas calquer dans les outre-mer ce qui se fait dans l'Hexagone. Il faut en effet tenir compte des spécificités locales. Nous avons besoin de travailler avec les opérateurs économiques locaux pour envisager des solutions de traitement différentes. Des projets sont ainsi en cours à La Réunion et à la Martinique autour des combustibles solides de récupération (CSR). Le comité stratégique de filière (CSF) a lancé un appel à projets sur le sujet, tout comme l'Ademe. Ces solutions ne doivent pas être écartées, car nous avons besoin de plusieurs outils. Les CSR pourraient en outre constituer une solution de sortie en cas de refus de tri par les entreprises.

Les entreprises que je représente estiment par ailleurs que la question de la gestion des biodéchets, liée à celle de l'autonomie alimentaire, doit constituer une priorité. L'agriculture ultramarine nécessite en effet de nombreux intrants. Des outils structurants doivent être mis en oeuvre pour le retour au sol des matières organiques et des déchets verts. Il faut privilégier cet axe, notamment à La Réunion.

Nos entreprises font preuve en outre d'une grande pédagogie pour expliquer aux producteurs de déchets leurs obligations en matière de tri. Cette démarche porte plus ou moins ses fruits selon les territoires, mais nous constatons une progression, dont il y a lieu de se féliciter. Il faut accompagner les entreprises dans ce mouvement. Une pédagogie doit également être déployée sur la question du budget de la gestion des déchets.

Enfin, il faudra suivre de près les enseignements de l'expérimentation de consigne menée par Citeo en Guadeloupe, l'objectif étant de récupérer davantage de matière plastique à préparer pour un meilleur recyclage.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Serait-il possible d'affréter un bateau assurant une ligne directe entre La Réunion et l'Hexagone pour le transport des déchets dangereux ?

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Le foncier constitue effectivement un enjeu fondamental outre-mer. Notre délégation s'était d'ailleurs emparée de cette question il y a plusieurs années.

Se pose également la question de l'impact des dispositifs législatifs nationaux et européens sur les territoires ultramarins. Il faut notamment garder à l'esprit les objectifs fixés en matière de transition écologique pour les horizons 2023 et 2027 en matière de gestion des sols et de traitement des pollutions.

Par ailleurs, selon vous, comment pourrions-nous favoriser l'émergence de filières locales de recyclage dans les outre-mer, sachant que des situations différentes peuvent se présenter au sein d'un même territoire ultramarin ? Créer des dispositifs de support et d'accompagnement pour les entreprises et les collectivités vous semblerait-il pertinent pour y parvenir ? Les collectivités locales ont à coeur de faire évoluer ces questions. Des dispositifs d'aides différenciés seraient à cet égard bienvenus. De manière générale, une bonne communication entre les élus et le monde de l'entreprise est essentielle.

Enfin, lorsque des difficultés se présentent pour le traitement des déchets en cas de risques naturels, comment mieux accompagner - avec des dispositifs adéquats - les collectivités locales, les entreprises, mais aussi les populations ? En effet, ces situations ont un impact sur les zones naturelles, d'un point de vue écologique, mais aussi sur la santé de nos concitoyens - par exemple, lorsqu'ils habitent à proximité d'une décharge.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth . - La Guyane est confrontée à un important problème d'élimination des VHU. Nous en avons recensé environ 15 000 à une certaine période. Quelles sont vos relations avec l'Association pour le recyclage des déchets de l'automobile en Guyane (Ardag) ? Quelles seraient selon vous les mesures à prendre pour accélérer le traitement de ces VHU ?

Mme Victoire Jasmin, présidente . - La question du traitement des déchets des activités de soins a été peu évoquée.

La longueur des délais de paiement appliqués dans le cadre des contrats publics constitue par ailleurs effectivement un véritable frein.

S'agissant des difficultés de recrutement que vous avez évoquées, notamment pour les chauffeurs, un travail est à mener par les entreprises avec les collectivités pour mieux anticiper les besoins. Vous avez notamment la possibilité, par le biais de vos formations, d'ouvrir davantage de débouchés pour les jeunes et de leur donner ainsi la possibilité de rester dans les territoires.

M. Hervé Mariton . - L'optimisation du tri est un sujet crucial pour la qualité de la collecte, qui implique tant les collectivités que les entreprises et les citoyens.

Pour favoriser l'émergence de filières locales de recyclage, la formulation des appels à projets pourrait être améliorée afin d'augmenter la capacité des territoires ultramarins à y répondre. La méthode des appels à projets est en effet souvent peu adaptée à la réalité de ces territoires, ou s'y adapte avec un temps de retard.

Les déchets plastiques de La Réunion sont destinés désormais à l'Europe et non plus au reste du monde, ce qui a augmenté les coûts de transport associés.

La question de l'élimination des VHU est par ailleurs effectivement très importante, non seulement pour des raisons écologiques, mais également pour le développement de la filière du tourisme. Cela m'a frappé sur l'île de Lifou, en Nouvelle-Calédonie, où je me suis rendu récemment et où le nombre de véhicules hors d'usage, notamment d'autocars, est très important. Cette situation ne sert pas l'attractivité touristique de l'endroit. Un travail est à mener sur ce point.

M. Manuel Burnand . - Nous nous renseignerons sur la possibilité d'affréter un bateau spécifique pour acheminer les déchets dangereux de La Réunion vers l'Hexagone.

S'agissant de la question du foncier, nous pourrions nous inspirer de certaines méthodes de construction verticale - et non plus horizontale - d'outils de recyclage en vigueur en Suisse ou en région parisienne, sachant qu'il faut tenir compte de la nécessaire rapidité d'évacuation requise par ces installations.

Il faut par ailleurs que la région coordonne la vision globale des plans régionaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), en impliquant tous les acteurs concernés. De manière générale, le partage des connaissances est essentiel.

Enfin, en application des dispositions de la loi « climat et résilience », les constructeurs devront désormais financer la collecte des VHU, ce qui modifiera l'intégralité de la chaîne. Cela implique néanmoins le déploiement d'un marché de pièces de réemploi ou, à défaut, un soutien financier important.

Mme Guénola Gascoin . - La collecte et le traitement des déchets d'activités de soins relèvent des compétences de nos adhérents et obéissent à une réglementation spécifique. Aucune difficulté ne m'a été signalée sur ce point. Je me renseignerai néanmoins.

Le métier de chauffeur est par ailleurs en tension également dans l'Hexagone, tout comme les métiers du secteur de la maintenance. Nous devons trouver des solutions, collégialement, pour remédier à ces difficultés de recrutement.

Mme Victoire Jasmin, présidente . - Merci à tous. Vous pourrez nous transmettre des compléments d'information par écrit.

En Guadeloupe, Sita Verde mène des actions de valorisation des déchets verts. Cette démarche n'est cependant pas optimisée sur l'ensemble de l'archipel.

Mme Guénola Gascoin . - Cela nous a été dit. Il faut optimiser les initiatives mises en oeuvre pour développer le retour au sol et la production circulaire.

M. Stéphane Artano . - Merci à nos intervenants pour leurs réponses. Sur les petits territoires insulaires, nous avons intérêt à réfléchir à des mutualisations entre le secteur public et les acteurs privés. Il faut continuer de manière générale à creuser les pistes proposées par nos territoires sur tous les types de déchets. Merci aussi à nos deux rapporteures pour leurs travaux.

Jeudi 16 juin 2022

Audition de M. Jean Hornain, directeur général de Citeo

M. Stéphane Artano, président . - Nous poursuivons ce matin les auditions pour l'étude relative à la gestion des déchets dans les territoires ultramarins, dont les rapporteures sont Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, et Viviane Malet, sénatrice de La Réunion.

Nous entendrons Jean Hornain, directeur général de l'entreprise Citeo, qui est un acteur majeur du recyclage et de la valorisation des déchets. Cette société s'engage fortement pour réduire l'impact environnemental des emballages et papiers utilisés en les transformant en de nouvelles ressources, et nous sommes curieux de découvrir ses actions dans les outre-mer compte tenu de son expertise reconnue.

Cette valorisation locale des déchets constitue en effet l'une de nos préoccupations principales, comme l'ont montré les précédentes auditions que nous avons organisées avec la direction générale des outre-mer (DGOM), la direction générale de la prévention des risques (DGPR) et l'Agence de la transition écologique dite « Ademe », ainsi que nos tables rondes avec les associations environnementales et les acteurs économiques.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Nos premières auditions ont mis en évidence le retard pris par les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) dans les outre-mer. C'est un constat global très largement partagé, dont les facteurs sont divers, même si les éco-organismes ont évidemment une grande part de responsabilité.

Citeo bénéficie d'une expérience importante, compte tenu de l'ancienneté des filières emballages et papiers et de la part de ces déchets dans nos poubelles.

Pourriez-vous faire un point précis sur la mise en oeuvre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite « loi AGEC », du 10  février 2020 ? Le texte prévoit, en effet, que les éco-organismes ont l'obligation de prioriser leurs actions dans les outre-mer, dans le but de rattraper le retard accumulé. Où en sommes-nous, en particulier du développement des plans ad hoc de rattrapage en trois ans ? Le calendrier et les obligations sont-ils tenus ?

Qu'en est-il également du nouveau cahier des charges de la filière REP des emballages ménagers ? Alors qu'il a été révisé il y a quelques semaines, il fait l'objet d'un recours devant le juge administratif, car les missions accordées à Citeo soulèvent de nombreuses craintes, notamment de la part des collectivités territoriales. Ce cahier des charges prend-il en compte les spécificités des outre-mer ? Vous paraît-il adapté à leur situation particulière ?

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Monsieur le président, nous sommes heureux que vous puissiez assister à cette réunion en présentiel. Je salue également la présence du directeur général, qui pourra nous éclairer sur le retard pris par les filières REP dans les outre-mer. Lors des précédentes auditions, il est apparu qu'il restait difficile de faire émerger des filières locales de recyclage, rentables et bien dimensionnées.

Je souhaiterais que vous nous apportiez votre éclairage sur ce point qui est fondamental si l'on veut que nos outre-mer sortent de leur dépendance extérieure en matière de recyclage. Cet objectif mobilise toute l'attention de notre mission.

La question est-elle celle du financement ou relève-t-elle de l'ingénierie ? Quelles actions Citeo a-t-elle engagées pour développer des filières locales ? Nous avons noté qu'un appel à manifestation d'intérêt avait sélectionné dix-sept projets dans les départements et régions d'outre-mer (DROM). Quelle est la nature et l'ampleur du soutien, aussi bien financier que technique, apporté à ces projets par Citeo ?

Je m'interroge aussi sur la possibilité pour Citeo d'apporter un soutien financier au transport inter-îles des déchets. En effet, à l'échelon régional, la massification des volumes représente un enjeu considérable et le transport inter-îles un défi qui surenchérit largement les coûts de traitement.

L'entreprise Citeo a-t-elle envisagé cette solution, comme semble l'y inviter l'article 64 de la loi AGEC, qui dispose que « les éco-organismes exerçant leurs activités au sein de la collectivité de la Guadeloupe prennent en charge, le cas échéant, les coûts de transport des îles de Marie-Galante, la Désirade, Terre-de-haut et Terre-de-bas vers la Guadeloupe dite "continentale" » ?

À ce sujet, je tiens à insister sur la situation particulière de la Guadeloupe. Les trajets entre Marie-Galante ou La Désirade et l'île principale, considérée comme le continent par les jeunes, sont très longs avec des effets de courants maritimes impressionnants. Mes collègues Victoire Jasmin et Victorin Lurel pourraient en témoigner. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. Jean Hornain, directeur général de l'entreprise Citeo . - Je suis accompagné de Thibault Boucher, conseiller aux affaires publiques, qui gère notamment les relations avec les élus, et de Philippe Moccand, directeur outre-mer de Citeo chargé des schémas des collectes et de tri.

Citeo est une entreprise à mission dont l'objectif est de réduire l'impact environnemental des emballages ménagers et des papiers graphiques. Nous exerçons cette mission depuis trente ans dans le cadre de la REP, qui oblige les entreprises mettant sur le marché des produits dotés d'un emballage à assurer la fin de vie de celui-ci par la réduction, par le recours au réemploi et par le recyclage. Citeo compte 30 000 entreprises réparties sur l'ensemble du territoire français. Ces dernières contribuent à cette mission quel que soit le matériau traité - le verre, l'acier, l'aluminium, le carton, les papiers, les résines plastiques -, et apportent un financement pour réaliser de l'éco-conception et de la mobilisation. Citeo passe des accords avec les collectivités territoriales, soit un peu moins de 700 avec des communautés de communes et des communautés d'agglomération. Notre spécificité est que nous intervenons financièrement auprès de ces acteurs. Notre activité est encadrée par un cahier des charges et, au sein de ces partenariats, les collectivités territoriales mettent en place les dispositifs qui permettent de collecter, trier et recycler les emballages ménagers.

S'agissant des outre-mer, nous intervenons à La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Mayotte, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, territoires qui représentent environ 1,8 million d'habitants. Nous avons passé un accord avec dix-huit établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et nous sommes « en pourvoi », c'est-à-dire directement acteurs, dans trois territoires plus difficiles - deux en Guyane et un à Mayotte.

Viviane Malet a souligné, à juste titre, que les filières REP connaissaient des retards dans les départements et collectivités d'outre-mer (DOM-COM), comme le montrent leurs performances de collecte et de tri, elles-mêmes très disparates. Ainsi, la France collecte et trie en moyenne 50 kilogrammes d'emballages par an et par habitant, mais La Réunion seulement 25, la Martinique ou la Guadeloupe environ 15 et Mayotte 2, soit globalement le tiers de la performance de l'Hexagone.

Plusieurs facteurs d'explication peuvent être dégagés.

Tout d'abord, les filières REP ont été développées plus tard dans les outre-mer. Pour la filière REP emballages ménagers, La Réunion a commencé la première en 2003 et réalise d'ailleurs les meilleures performances, les Antilles ont commencé en 2010, la Guyane et Mayotte en 2015, contre le début des années 1990 pour le reste du territoire.

Ensuite, s'agissant de la mise en oeuvre de ces filières dans les DOM-COM, c'est le modèle appliqué dans l'Hexagone qui a été repris. Or celui-ci ne prenait pas nécessairement en compte les spécificités locales, insulaires ou territoriales, comme les cirques à La Réunion, les forêts immenses de la Guyane, et les différences de niveau de population - 800 000 habitants à La Réunion, 6 000 ou 7 000 à Saint-Pierre-et-Miquelon, peut-être 30 000 habitants à Saint-Martin.

Néanmoins, en ce qui nous concerne, des modalités particulières d'intervention ont toujours existé, notamment pour le soutien aux collectivités territoriales, différentes de celles qui sont en vigueur dans l'Hexagone.

Quels sont nos modes d'intervention ?

Le premier est le soutien à la tonne. Un EPCI collecte et trie des tonnes d'emballages ménagers et de papiers que nous payons ensuite selon un barème déplafonné, équivalant au double de celui de l'Hexagone. Nous incitons ainsi les collectivités territoriales à développer la collecte.

Le deuxième mode d'intervention est la reprise des matériaux, y compris en Guadeloupe continentale, dont vous avez souligné la spécificité. Nous assurons la reprise des matériaux et nous les envoyons dans l'Hexagone ou ailleurs.

Les plans d'actions territoriaux (PAT) sont un autre mode d'action que nous avons lancé en 2018. Ces PAT sont discutés et négociés avec les collectivités territoriales, l'Ademe et l'État. On en compte soixante, qui représentent une vingtaine de millions d'euros d'investissement. Ce sont des plans spécifiques de densification des points de collecte et de mobilisation des citoyens, auxquels les collectivités territoriales peuvent participer. En plus des soutiens à la tonne déjà évoqués, nous payons un montant par habitant, définis selon un barème standard, pour accompagner ces plans spécifiques.

Nous prenons aussi en charge des actions de communication spécifiques et nous bâtissons des plans de communication. Celui que nous venons de réaliser en Guadeloupe comporte une affiche publicitaire rédigée en créole. À La Réunion, nous avons passé un accord avec l'humoriste Titi le comik, que j'ai rencontré récemment. L'objectif est de réaliser des supports adaptés aux territoires.

Comme autre moyen d'action, nous lançons des appels à projets et des appels à manifestation d'intérêt (AMI), qui concernent la métropole et les DOM-COM. On peut citer celui sur le développement du réemploi du verre, pour lequel un acteur de La Réunion s'est porté candidat, ou celui sur la collecte solidaire et innovante, réalisé en partenariat avec l'Ademe, pour lequel quatre ou cinq projets viennent des DOM-COM.

Vous avez cité les appels à manifestation d'intérêt dédiés à la valorisation locale, sujet qui gagne en importance. En effet, y a-t-il encore un sens à collecter 12 000 tonnes de verre à La Réunion pour les stocker dans des conteneurs et les expédier ensuite en Afrique du Sud afin qu'elles y soient recyclées, ou bien à envoyer des cartons d'emballage depuis les Antilles ou la Guyane jusqu'en métropole ? Le bon sens voudrait que l'on reconnaisse l'existence de solutions de valorisation locale, qui ne sont pas toujours ce que l'on appelle du recyclage.

Prenons l'exemple du verre. Il y a quelques semaines, j'étais à La Réunion et, parmi les lauréats de notre appel à projets, figurait la société Sud Traitement Services (STS), qui produit un additif servant à la fabrication du béton à partir du verre réduit préalablement en poudre par ses soins. Dans la mesure où il existe un marché local, cette solution de valorisation du verre apporte une valeur ajoutée tout en évitant un bilan économique et environnemental médiocre, et cela par l'intermédiaire d'une entreprise locale prête à développer cette activité.

Les dix-sept lauréats de notre appel à manifestation d'intérêt, dont vous avez parlé, proposent des projets comparables, qui ont trait au carton, au verre ou aux plastiques. Il peut aussi s'agir de valorisation des combustibles solides de récupération (CSR). Certes, il existe une hiérarchie générale des modes de traitement des déchets, mais, dans les îles, si l'on tient compte de l'impact environnemental et de la valorisation énergétique, il n'y a guère de sens à mettre des emballages - même plastiques - sur des bateaux pour les envoyer vers l'Hexagone.

Nous voudrions encourager, dans ces territoires, les projets de valorisation énergétique CSR et éviter ainsi d'importer du charbon. Pour revenir à l'exemple de La Réunion, il existe un projet dans le sud de l'île.

Il faut un projet dans le nord de l'île : une unité de traitement de Suez gère les emballages et fabrique du CSR, mais l'envoie ensuite à l'enfouissement, dans une décharge déjà pleine, à des coûts prohibitifs ; j'aurai l'occasion d'évoquer par la suite la difficulté supplémentaire posée par la TGAP. Développer des unités de valorisation énergétique prend dès lors tout son sens.

Un dernier mode d'intervention, issu de la loi AGEC et des dispositions européennes, a trait aux déchets abandonnés. Notre responsabilité est d'aider les collectivités territoriales à développer des plans de prévention et de contribuer aux coûts de nettoiement, conformément à la loi qui s'appliquera sur l'ensemble du territoire en 2023 et qui s'applique déjà de manière rétroactive depuis 2021 dans les DOM-COM.

Afin de mobiliser les territoires d'outre-mer, j'ai signé, il y a quelques semaines, un projet avec Saint-Denis de La Réunion ; un autre est en cours de signature à Mamoudzou, à Mayotte, et d'autres sont en gestation pour les parcs naturels de Guadeloupe et de Guyane. Nous avons proposé par écrit aux maires et aux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'intervenir pour collecter les déchets abandonnés via une convention-cadre.

Vous m'avez interrogé sur le bilan de la loi AGEC. Du fait de l'augmentation du soutien à la tonne, nous couvrons 100 % du coût de collecte et de tri, ce qui n'était pas le cas auparavant. La modification du cahier des charges de la filière responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les emballages ménagers est-elle adaptée à la situation des COM ? Les résines plastiques pour lesquelles nous ne disposons pas de solution de recyclage représentent un tiers du total, soit environ 100 000 tonnes ; les collectivités locales pourraient confier ces déchets aux entreprises agréées, afin d'accélérer le développement des filières de recyclage.

Les nouvelles dispositions n'ont pas de conséquence majeure pour les collectivités que nous soutenons toujours financièrement et dont nous reprenons les déchets. Les opérateurs de collecte et de tri, à l'inverse, via le recours qu'ils ont déposé, souhaitent que nous nous limitions à l'aspect financier. J'estime pour ma part que notre rôle est de soutenir les collectivités et de les inciter à développer des projets. Toutefois, les solutions n'adviennent pas par magie, par le seul marché, sans notre financement. Nous ne sommes pas un opérateur de tri et de recyclage.

Vous m'avez également interrogé sur les filières locales de recyclage. Il s'agit pour nous d'un élément majeur, comme j'ai pu l'illustrer avec les PAT et les AMI. Le soutien que nous apportons est non pas seulement financier, mais aussi technique. Nous facilitons la mise en oeuvre de projets au sein des collectivités, notamment en leur proposant un accompagnement à l'investissement.

En matière de financement et d'ingénierie, le cadre réglementaire et législatif prend en compte la spécificité des DOM-COM. Des améliorations sont sans doute possibles, mais la volonté politique est là. De fait, les moyens financiers ont été multipliés par trois.

La capacité d'exécution est cruciale ; les collectivités locales doivent être en mesure de mener les projets, grâce aux PAT, aux AMI et aux dispositifs de collecte des déchets abandonnés. Des difficultés d'organisation demeurent, par exemple lorsque plusieurs syndicats de traitement interviennent sur un territoire restreint, alors que leur mutualisation permettrait d'aller plus vite, même si cela peut être compliqué politiquement.

Nous avons sollicité les collectivités au sujet des déchets abandonnés : pour l'instant, malgré l'existence de financements et une indéniable volonté d'avancer, relativement peu de projets sont menés.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Quel accompagnement envisagez-vous pour éliminer les décharges sauvages, problème réel dans nos départements ultramarins ?

M. Jean Hornain . - Pour éviter l'abandon des déchets, nos premiers axes de travail sont la réduction à la source, voire la suppression des emballages et le développement de l'écoconception. Nous y oeuvrons en lien avec les entreprises.

Le second axe est le développement de la collecte. Il s'agit, avec le tri, du meilleur rempart. Nous menons un travail majeur avec les élus, qui sont responsables des dispositifs de collecte, que ce soit au travers des PAT ou des soixante projets de densification que nous conduisons.

Cela n'a pas uniquement trait au soutien à la tonne. Il faut créer dans nos territoires d'outre-mer le réflexe du tri, qui n'est pas encore constitué, pour des raisons diverses. À La Réunion, beaucoup d'habitants trient, mais leurs erreurs sont problématiques. Dans les Antilles, la motivation tout comme le dispositif demeurent absents.

Enfin, s'agissant des décharges sauvages, nous proposons aux collectivités qui ont un projet de prévention une convention type qui prévoit un soutien en euros par habitant. La mise en oeuvre est relativement simple.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Dans les décharges sauvages, tout est mélangé, or vous intervenez sur les emballages. Comment votre intervention peut-elle être efficace ?

M. Jean Hornain . - Les dépôts sauvages concernent rarement les emballages, mais plutôt des déchets du bâtiment ou de l'électroménager.

Nous avons visité les quartiers de Saint-Denis de La Réunion avec la maire de la ville, Ericka Bareigts, pour réfléchir à l'installation de poubelles, à la sensibilisation des employés municipaux aux sujets relatifs à la prévention et au repérage des lieux d'abandon de déchets. Si les emballages de la vie quotidienne sont notre spécialité, nous pouvons apporter notre expertise aux élus sur d'autres problématiques.

Au-delà de la propreté, les déchets abandonnés sont un enjeu sanitaire, en particulier à La Réunion et en Guadeloupe.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - J'habite à Saint-Pierre de La Réunion. Trois boutiques se trouvent en face de chez moi : le lundi matin, entre les morceaux de verres, les bouteilles en plastique et les bouts de papier, le trottoir est couvert de déchets. Les collectivités pourraient-elles, à l'échelle du quartier, mettre en place des chantiers d'insertion, créateurs d'emploi et de formation, que vous pourriez financer ?

M. Jean Hornain . - Nous pouvons tout à fait mettre en place une telle convention type avec la collectivité.

Plus généralement, l'éducation à l'éco-citoyenneté est un vrai sujet : dans certains pays, l'abandon de déchets est sanctionné de manière plus appuyée. Nous intervenons dans les écoles via des associations : chaque année, 1,5 million d'enfants sont concernés sur l'ensemble du territoire. Nos opérations de sensibilisation sont notamment menées avec l'association Expédition 7 e continent et le WWF. Le moindre déchet, y compris un mégot de cigarette qui se retrouve dans la nature, est un véritable drame pour l'environnement, dans les DOM-COM ou ailleurs.

Nous réfléchissons, avec l'éducation nationale, aux manières de renforcer les leviers d'éducation à l'éco-citoyenneté, pour en faire un sujet central au quotidien.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Travaillez-vous aussi les bailleurs ?

M. Philippe Moccand, directeur de la collecte et du tri chez Citeo . - Nous travaillons avec l'ensemble des bailleurs, sur tout le territoire. Nos partenariats prennent la forme d'un triptyque : Citeo, collectivités locales, bailleurs sociaux.

M. Jean Hornain . - Nous sommes implantés localement, et chaque territoire est confié à un spécialiste. Un lien direct est ainsi entretenu avec les élus et le terrain. Nous avons parlé d'impulsion politique : il faut parvenir à une mobilisation générale. Les leviers existent, il faut s'en saisir.

M. Stéphane Artano, président . - Je salue les membres du groupe d'études « Économie circulaire », notamment sa présidente, Marta de Cidrac et son vice-président Didier Mandelli, présents en visioconférence, ainsi qu'Yves Détraigne, en présentiel.

Qu'en est-il du fléchage de la TGAP ?

M. Jean Hornain . - Je vais être direct. Il m'a été expliqué en long, en large et en travers qu'il était impossible de flécher la TGAP. Or, j'estime que cela devrait être possible, en particulier dans les territoires ultramarins.

Je suis plutôt favorable à l'augmentation de la TGAP, malgré les protestations que cela provoque. L'enfouissement doit être arrêté d'ici à une décennie ; or, dans nos territoires ultramarins, il demeure un mode majeur de traitement des déchets. Il faut développer des solutions de valorisation locale, en acceptant que le tout recyclage n'est pas une solution mais que la valorisation en est une, car elle permet d'éviter l'importation de charbon ou d'autres énergies fossiles. Selon les territoires, la hiérarchie de traitement des déchets doit être différente. Il faut accepter que la TGAP, dont le montant s'élève à plusieurs millions d'euros, puisse soutenir des solutions locales. Je suis conscient que c'est un sujet délicat, mais il serait logique que la fiscalité environnementale puisse servir à la transition écologique.

La tarification incitative permettrait d'encourager nos concitoyens à réduire la quantité de déchets ménagers. Cela fonctionne dans un certain nombre de collectivités, et je suis favorable à ce que ce soit appliqué dans les DOM-COM.

Il me semble que le Sénat est favorable au fléchage de la TGAP...

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Nous avons baissé son taux. À La Réunion, où règne le tout enfouissement, nous finaliserons l'année prochaine un projet d'unité de valorisation énergétique (UVE), mais l'augmentation de la TGAP nous semble peu incitative : nous souhaiterions la flécher vers les filières de recyclage sur le territoire. Pour l'instant, faute de solution de rechange, nous trouvons injuste l'augmentation de la TGAP.

M. Jean Hornain . - Je connais votre projet dans le sud de La Réunion : il en faut également un dans le Nord. L'usine de Suez, qui produit du CSR, l'envoie à enfouissement alors que celui-ci peut être valorisé. Il est difficile de monter une UVE dans le Nord alors que la TGAP augmente et que les décharges sont pleines, ce qui induit des coûts supplémentaires. Votre projet est un modèle : si vous pouviez exercer votre influence pour le dupliquer...

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Je pense qu'il n'y a plus qu'un projet en cours ; il devrait être mutualisé, afin de servir pour toute l'île. Il me semble qu'un accord en ce sens a été passé il y a quelques mois.

M. Jean Hornain . - C'est d'autant plus important que, en 2026, il sera demandé à tous les habitants de nos territoires ultramarins de mettre l'intégralité de leurs emballages dans le bac de tri. Cela intervient en décalage avec l'Hexagone, où le processus se terminera en 2023, et doit mener à la valorisation des éléments triés. Il ne s'agit pas seulement de recyclage, mais de réemploi local : j'ai cité l'exemple du verre, mais beaucoup d'autres ont émergé dans le cadre de l'appel à manifestations d'intérêt. Certains vont ainsi fabriquer de la paillette pour alimenter des unités de fabrication d'emballages plastiques.

M. Philippe Moccand . - L'objectif pour Citeo est de reproduire cet appel à manifestations, afin de faire émerger de nouvelles filières. Nous avons la chance que, parmi les 17 premiers lauréats, tous les territoires soient représentés et tous les matériaux concernés.

Comme Jean Hornain l'a expliqué, le plastique peut servir à faire de la paillette, mais également des films pour les filières locales, en particulier à La Réunion. Le carton sert surtout à fabriquer des boîtes alvéolées - boîtes d'oeufs - pour la filière alimentaire en Guyane, à Mayotte et à La Réunion, mais aussi à produire de la pâte à carton en vue de l'export et peut même être utilisé comme combustible dans des unités de CSR ou de valorisation énergétique.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Sur ce type de projets, quel accompagnement pouvez-vous apporter ?

M. Philippe Moccand . - Pour ce projet, nous avons défini deux types de parcours. Le premier : le parcours « développement », destiné à ceux qui nécessitent un accompagnement technique et une mise en relation avec des experts. Les premiers lauréats sont en ce moment même à Paris, où on les fait « phosphorer » pendant trois jours dans un incubateur avec des groupes d'experts. Ils sont formés sur le plan technique, mais aussi financier, afin de développer un business model qui puisse fonctionner à terme.

Second parcours, destiné à l'ensemble des candidats : l'étude de faisabilité, au cours de laquelle nous identifions les projets les plus viables pour les territoires. Nous accompagnons ensuite financièrement ceux qui ont été sélectionnés.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Les contenants de certaines boissons ne pourraient-ils pas être standardisés ?

M. Philippe Moccand . - Votre question entre pleinement dans le champ de notre action pour le réemploi. Nous travaillons à La Réunion avec l'entreprise Réutiliz sur la réutilisation des petits flaconnages, mais aussi avec cette fameuse marque de bière Dodo, afin de densifier le réemploi et d'augmenter les capacités captées. On sait qu'un verre bien collecté, trié et nettoyé peut être recyclé pratiquement à l'infini : c'est notre objectif. Par ailleurs, le travail avec les metteurs en marché pour standardiser les contenants doit se développer.

M. Jean Hornain . - Revenons à l'exemple de la Dodo, dont le système de gratification est intéressant : en donnant quelques centimes aux personnes qui rapportent les bouteilles vides, ils parviennent à en collecter environ 70 %. Mais, spécificité de l'outre-mer, énormément de produits sont importés, de marques très diversifiées ; cela pose une limite à la standardisation.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Mais ne serait-il pas envisageable, pour les boissons fabriquées localement - jus de fruits, limonade -, de développer les mêmes contenants que pour la bière Dodo ?

M. Philippe Moccand . - Pour vous répondre, je vais prendre l'exemple d'une autre boisson alcoolisée : dans les Antilles, nous avons travaillé avec plusieurs rhumiers pour standardiser les bouteilles, mais nous nous sommes heurtés à l'attachement des marques à leurs modèles bien spécifiques, car ils valorisent les produits sur le plan du marketing. L'idéal serait d'avoir un seul modèle de bouteille, mais la logique commerciale rend malheureusement la chose compliquée.

Au-delà de cela, il faut créer des unités de lavage et de réutilisation dans tous les territoires : seule La Réunion est actuellement dotée d'une unité en fonctionnement.

M. Jean Hornain . - Pour avancer sur la question du réemploi, il va falloir standardiser. Nous menons un travail à l'échelle nationale pour la standardisation des emballages de boissons, de produits frais et de restauration rapide. Nous n'obtiendrons pas l'instauration généralisée d'emballages uniques - je pense à des produits un peu iconiques -, mais ce sera le cas pour certains produits.

M. Thibault Boucher, conseiller aux affaires publiques de l'entreprise Citeo . - Nous jouons également un rôle d'accompagnement réglementaire des entreprises, pour lesquelles les lois AGEC et Climat et résilience ont créé un certain nombre d'obligations et d'interdictions. Nous proposons ainsi aux entreprises des formations sous forme de webinaires, à des horaires adaptés aux outre-mer. Certaines, sur des sujets spécifiques, sont réalisées en partenariat avec des acteurs locaux, comme l'Association pour le développement industriel de La Réunion (ADIR).

Par ailleurs, nous essayons de créer d'autres liens locaux, par exemple avec la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de Guadeloupe, afin de renforcer notre offre de formation et de mieux nous faire connaître.

M. Stéphane Artano, président . - Monsieur Hornain, vous avez parlé de tarification incitative ; pensiez-vous à une taxe à l'entrée des produits sur le territoire ? Le cas échéant, ce dispositif risque d'alimenter le fort niveau d'inflation en outre-mer. Quels types de produits et d'emballages pourraient être concernés ?

M. Jean Hornain . - Non, je pensais seulement aux modèles que je connais et qui se développent, dans lesquels l'habitant va par exemple payer son bac d'ordures ménagères en fonction du nombre de levers de bac.

Mme Gisèle Jourda . - Pouvez-vous nous dire où vous en êtes sur la question de la consigne ?

M. Jean Hornain . - Cela a fait l'objet de beaucoup de débats en 2019. Sur l'ensemble du territoire, environ 60 % des bouteilles en plastique jetées sont actuellement collectées ; les objectifs fixés par la loi AGEC sont de 77 % en 2025 et de 90 % en 2030. Pour les atteindre, la consigne est un outil indispensable.

En Allemagne, 25 centimes sont restitués lorsque la bouteille ou canette consignée est déposée dans un point de vente quelconque. Cela a un effet incitatif colossal sur le taux de collecte : même si une bouteille est abandonnée, elle sera récupérée par quelqu'un pour la déconsigner.

Une question d'équilibre économique sous-tend ce système, qui demande des investissements, comme la mise en place de gros bacs jaunes. Mais, en tout état de cause, le sujet reviendra en 2023 sur le plan national pour décider si la consigne sera systématisée, en particulier sur les bouteilles plastiques et les canettes.

Grâce à l'initiative de la vice-présidente de région Sylvie Gustave-Dit-Duflo, la Guadeloupe part avec une légère avance, car nous avons mené pendant plusieurs mois des travaux avec les metteurs en marché - ce sont eux qui doivent assurer le paiement et l'opérationnalité du système -, pour définir les conditions d'organisation d'un système de consigne. Mais, compte tenu de l'échéance, la Guadeloupe pourrait finalement se rattacher au calendrier de la décision nationale.

Nous avons donc bien étudié, avec les partenaires locaux et en liaison avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le cas, assez particulier je dois dire, de la Guadeloupe : il nous a fallu tenir compte de la quantité, propre à une île, de produits importés, qui nécessitent un dispositif de contrôle pour éviter une fraude massive.

Mme Jocelyne Guidez . - Vous occupez-vous seulement de traiter les emballages ou construisez-vous aussi des déchetteries ? J'habite la Martinique, notamment le Diamant, où sont brûlés des plastiques et autres déchets dans des déchetteries ouvertes, ce qui pose des questions d'hygiène : n'y a-t-il pas un risque de maladies ?

M. Jean Hornain . - Notre domaine d'intervention est l'emballage ménager, c'est-à-dire celui qui arrive entre les mains du consommateur. Certains de nos collègues s'occupent des déchetteries et sont opérationnels, mais ce n'est pas notre rôle. En ce qui nous concerne, nous payons les collectivités territoriales et, surtout, les EPCI, qui ont la maîtrise d'ouvrage et sont chargées des bacs de collectes. Nos emballages ne terminent pas dans les déchetteries, car ils passent dans des points de collecte, chez les particuliers ou dans l'espace public.

Mme Marta de Cidrac . - Vous arrive-t-il de trouver des déchets dangereux parmi les déchets ménagers ? Lors d'un récent déplacement en Mayenne sur l'initiative de notre collègue Guillaume Chevrollier, des représentants de l'entreprise Séché, spécialisée dans le traitement des déchets, nous ont alertés sur cette question qui a, semble-t-il, des incidences sur l'ensemble de la chaîne de tri.

M. Jean Hornain . - Oui, nous retrouvons régulièrement, dans les centres de tri, un peu de tout dans les déchets, y compris des seringues ou même des bonbonnes de gaz... Ce qui a une incidence à la fois sur la qualité des matières et sur la sécurité des opérateurs.

Nous nous trouvons à un moment particulier où nous disons aux habitants de mettre tous leurs emballages dans leur bac de tri, ce qui est parfois interprété comme « mettez tout dans le bac de tri ». Cela entraîne ce que nous appelons des « refus » en centre de tri, dont le taux est d'environ 20 %, parmi lesquels se trouvent effectivement quelques déchets dangereux.

M. Stéphane Artano, président . - Nous vous remercions pour vos réponses qui pourront être utilement complétées par les documents écrits que vous voudrez bien transmettre à nos rapporteures.

Jeudi 16 juin 2022

Audition de M. Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce

M. Stéphane Artano, président . - Nous poursuivons nos auditions pour l'étude relative à la gestion des déchets des territoires ultramarins.

Nous entendons à présent Nicolas Garnier, délégué général de l'association Amorce, qui accompagne les collectivités sur l'ensemble de leur compétence pour la gestion des déchets ménagers. Son réseau d'information, de partage d'expériences et d'accompagnement des collectivités et des acteurs locaux en matière de gestion territoriale des déchets en fait l'un des experts de ce sujet.

Monsieur le délégué, vous avez reçu une trame pour préparer cette audition.

Je cède sans plus tarder la parole à nos rapporteures, Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, et Viviane Malet, sénatrice de La Réunion, afin qu'elles précisent leurs questions. Puis vous aurez le temps de leur répondre, avant de traiter les questions de nos autres collègues.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Nous venons d'entendre Jean Hornain de Citeo. Nous entendrons la semaine prochaine les représentants de plusieurs filières REP lors d'une table ronde, mais, d'ores et déjà, le constat d'un retard important des filières REP dans les outre-mer, lorsqu'elles existent, s'impose.

Je souhaiterais avoir vos retours et votre analyse sur cet enjeu particulier de l'action des éco-organismes dans les territoires ultramarins.

Parmi les nombreuses questions qui vous ont été adressées, j'attends que vous fassiez un point précis sur la mise en oeuvre de la loi anti-gaspillage et économie circulaire (AGEC) de 2020.

En effet, cette loi fait obligation aux éco-organismes de prioriser leurs actions dans les outre-mer, afin de rattraper le retard accumulé. Ma question principale porte donc sur le premier bilan de mise en oeuvre de cette loi dans les outre-mer. Où en sommes-nous, en particulier pour développer des plans ad hoc de rattrapage en trois ans ? Le calendrier et les obligations sont-ils tenus ? Les éco-organismes vous paraissent-ils au rendez-vous de cette loi ?

Je souhaiterais aussi évoquer le nouveau cahier des charges de la filière REP Emballages. Ce dernier a été révisé voilà quelques semaines et fait l'objet de recours devant le juge administratif, notamment de la part d'Amorce. Pourriez-vous nous faire un point sur les raisons de ce recours contre ce cahier des charges, qui inquiète de nombreuses collectivités territoriales? Par ailleurs, ce cahier des charges vous paraît-il mieux adapté aux outre-mer ?

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le délégué général, l'association Amorce est en prise directe avec les collectivités territoriales et leurs groupements pour faire remonter les bonnes pratiques et identifier les difficultés communes. La gestion des déchets, qui est au coeur des services publics du quotidien, figure au premier rang de vos préoccupations, alors même que cette politique publique se transforme à marche forcée depuis quelques années.

Un questionnaire vous a été transmis pour guider votre exposé sur notre sujet.

Sans reprendre toutes nos interrogations, je souhaite insister sur quelques points.

En premier lieu, j'aimerais avoir votre avis sur la gouvernance locale de la gestion des déchets. Avez-vous des retours montrant des difficultés de coordination des acteurs pour développer des filières complètes ? La répartition actuelle entre la région, les EPCI, les syndicats mixtes et le pouvoir de police du maire vous paraît-elle perfectible ? Avez-vous des observations ou des propositions émanant des acteurs locaux des DROM-COM ?

En second lieu, je désire avoir votre retour sur les dépôts sauvages, qui constituent un fléau dans de nombreux outre-mer. La réglementation administrative et pénale vous paraît-elle adaptée pour lutter contre les dépôts sauvages ? En outre-mer, comment les éco-organismes pourraient-ils prendre en charge financièrement l'élimination des dépôts sauvages, dont le coût pèse actuellement sur les finances des collectivités territoriales ?

M. Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce . - Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation. Il faut savoir que les outre-mer ont toujours été perçus comme la dernière roue du carrosse en matière de REP. Depuis la création des éco-emballages en 1992, l'histoire des REP va s'accélérer grâce ou à cause d'Amorce, puisque nous sommes à l'origine de la quasi-totalité des dispositifs de REP en France qui ne viennent pas de directives européennes. Trois ont été imposés par des règles européennes : emballages, déchets électroniques, piles et accumulateurs. Les autres sont des dispositifs nationaux, qui ont été créés par amendements parlementaires.

À cet égard, je tiens à rendre hommage au Sénat, qui a joué un rôle prépondérant depuis quinze ans pour créer, notamment, la REP textile ou la REP mobilier. Certaines REP sont actuellement en cours de mise en place, comme la REP chewing-gum ou la REP textiles sanitaires, que nous avons arrachée grâce à l'apport du Sénat, voilà maintenant trois ans. Il faut savoir que ces derniers représentent 40 à 50 kilogrammes par an par habitant en France, à peu près au même niveau que le gisement des emballages.

Aujourd'hui, un Français produit chaque année à peu près 600 kilogrammes de déchets, avec des disparités très importantes entre le monde urbain et le monde rural : on est plutôt autour de 800 kilogrammes par habitant dans le monde urbain dense et autour de 450 kilogrammes dans le monde rural. On peut dire qu'à peu près un tiers de la production de déchets des Français, métropole et DROM, est soumis à des dispositifs de REP. J'ai oublié en introduction de mentionner la REP bateaux, avec les fusées de détresse, qui concernent particulièrement les DROM.

Il faut savoir que le système de REP à la française est un système extrêmement peu contraignant. La seule contrainte, c'est l'obligation de contribuer sous la forme d'une éco-contribution sur le barème, ce que l'on appelle le barème amont, pour tout metteur sur le marché d'un produit. Cette éco-contribution est levée sur le consommateur, et le niveau est discuté par les éco-organismes. On peut dire que c'est une délégation du service public de l'État. Mais, entre ce qu'il y a dans la loi et le cahier des charges, il y a souvent un gouffre au sortir des négociations, car l'État a tendance à assouplir sa position.

Par ailleurs, les objectifs environnementaux sont, d'une part, souvent flous, et, d'autre part, rarement ambitieux.

Enfin, l'État ne fixe pas d'objectifs par territoire. C'est ce qui est le plus problématique pour les outre-mer, où le développement des filières coûte plus cher, notamment en raison de l'insularité.

En somme, l'éco-organisme, mandataire du metteur sur le marché, qui n'est pas tenu par un objectif territorial, n'est pas incité à produire son effort, par exemple, en Guadeloupe, où il va payer plus cher pour un même résultat qu'en métropole, sachant qu'il n'y a de toute façon pas de véritable sanction s'il n'atteint pas son résultat global. L'éco-organisme va chercher en priorité à recycler la tonne du Grand Paris ou du Grand Lyon, ce qui lui permettra d'optimiser ses coûts.

Nous avons donc besoin de cahiers des charges plus contraignants, avec un véritable système de sanctions, et des objectifs fixés par DROM.

Les objectifs par DROM mériteraient certes d'être différenciés : on ne peut exiger de Mayotte, qui commence à peine à recycler, une performance semblable à celle d'un territoire métropolitain qui recycle depuis 1992.

Cela étant, le seul fait de fixer un objectif aurait pour effet de contraindre l'éco-organisme à se donner les moyens de l'atteindre. Nous créerions alors, en quelque sorte, une obligation de faire dans ces territoires. Le fait qu'un certain nombre d'entre eux n'aient jamais pratiqué la collecte sélective avant 2020 s'explique par le fait que les éco-organismes n'ont jamais ressenti d'obligation de généraliser la collecte ni d'atteindre le moindre objectif dans les DROM.

Malgré le dispositif d'accompagnement spécifique prévu par la loi AGEC pour les outre-mer, je doute fort qu'un acteur comme Citeo mobilise aujourd'hui les moyens suffisants pour atteindre 75 % de recyclage en Guyane, en Guadeloupe ou en Martinique. Au contraire, selon nos calculs, le taux de prise en charge financière de la collecte sélective et du tri des emballages dans les DROM est inférieur à 20 % du coût réel. La loi française prévoit pourtant un financement, par l'éco-organisme, des coûts optimisés à hauteur de 80 %, mais ces coûts s'entendent selon le référentiel national qui n'est pas représentatif des coûts dans les outre-mer. Il conviendrait, selon nous, de prendre comme référence 80 % des coûts optimisés par DROM ou dans la moyenne dans les DROM, ce qui serait déjà un moindre mal.

Nous savons bien que les conditions logistiques et environnementales sont totalement différentes dans les DROM, et j'espère que les représentants des éco-organismes que vous avez auditionnés n'ont pas tenu de propos peu amènes à l'égard des DROM. Pour notre part, nous avons fait la preuve que le niveau élevé des coûts dans les DROM s'expliquait par les spécificités de ces territoires, aucunement par un quelconque surdimensionnement ou par une mauvaise gestion publique : on ne monte pas un centre de tri dans un DROM comme on le fait en région parisienne.

Vous m'interrogez ensuite sur les raisons qui nous ont conduits à déposer un recours sur le cahier des charges.

La REP emballages a été conçue comme une REP « financière » : à quelques exceptions près, la responsabilité légale de la collecte sélective et du tri incombe aux collectivités locales. Si je voulais être caustique, je dirais que cet accord initial convenait à tout le monde : déjà responsables de la collecte classique, les collectivités locales se considéraient comme légitimes pour réaliser la collecte sélective qui, de surcroît, conférait une ambition environnementale à un service public ; de l'autre, l'éco-organisme se satisfaisait du fait que le prestataire public ne lui facturait qu'une très faible part du coût de la prestation.

Cet accord tacite a volé en éclat à l'occasion de la loi Grenelle, quand l'amendement soutenu par Amorce tendant à porter le niveau de prise en charge des coûts par l'éco-organisme à 80 % a été adopté. Nous avons échoué, en revanche, à faire adopter un amendement plus précis, qui visait à prévoir une prise en charge à hauteur de 80 % des coûts rééls optimisés dans les DROM.

Aujourd'hui, nous sommes entrés dans une phase où certains gisements d'emballage ne représentent plus un coût, mais une valeur. Cela explique notamment l'intérêt croissant pour les canettes en aluminium. Prenons à présent l'exemple du Polyéthylène Téréphtalate (PET) - à cet égard, nous suivons de très près la tentative de mise en place d'une consigne pour les bouteilles d'eau en plastique en Guadeloupe, une fausse bonne idée que le Sénat a su brillamment et vaillamment rejeter - sachant que la valeur de cette matière est de 2 000 euros la tonne, dès lors que le coût de la collecte sélective tombe à 700 euros, des acteurs privés se portent naturellement candidats pour prendre en charge la collecte.

C'est là que réside l'enjeu quasiment philosophique du service public des déchets. Tant que cette mission représente un coût, la charge en revient aux collectivités locales, mais dès qu'elle recèle de la valeur, alors le marché s'en empare, généralement au travers de son éco-organisme. Dans un premier temps, l'idée d'une consigne sur les bouteilles en plastique a été reçue très positivement : nous allions collecter de nombreuses bouteilles, cesser de polluer les océans et améliorer le geste de tri. Mais si l'idée est si bonne, pourquoi ne pas l'élargir au pot de yaourt ou au blister de chips, qui ne valent rien ?

Telle est la question que nous avons posée au Gouvernement. Et la réponse est simple : l'acteur privé ne s'intéresse qu'aux gisements rémunérateurs. Il laisse au service public et aux contribuables locaux le coût de ce qui n'a pas de valeur. Voilà l'enjeu de la consigne : une privatisation de ce qui a de la valeur et le maintien dans le champ public de ce qui coûte. Le jour où le pot de yaourt aura une valeur supérieure à son coût de collecte sélective et de tri, une consigne sera peut-être envisagée. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Nous contestons le cahier des charges pour la simple et bonne raison que celui-ci apporte une nouveauté qui pose question. Quand nous demandons une modification du cahier des charges, par exemple pour créer un barème DROM, on nous oppose que cela n'est pas possible en cours d'agrément. Mais quand Citeo demande une modification pour prendre le contrôle du flux des nouveaux plastiques, alors on s'exécute immédiatement. Il y a là deux poids deux mesures !

Surtout, ce cahier des charges n'impose plus aux collectivités locales de trier les nouveaux plastiques. Les centres de tri que nous construisons actuellement deviendront donc en grande partie obsolètes. Il nous sera en effet demandé de les simplifier, dans la mesure où Citeo se chargera du surtri, et, par voie de conséquence, prendra le contrôle de la matière. Tout l'enjeu réside donc dans le contrôle des matières plastiques, dont certaines ont une valeur, quand d'autres sont en train d'en acquérir une.

Le groupe Citeo aurait pu adopter une démarche consistant à créer des filières et des installations de recyclage. Étonnamment, quand on creuse la question du recyclage chimique et que l'on demande aux principaux acteurs, Eastman ou Loop, ce qu'ils projettent de recycler dans leurs usines, ces derniers répondent qu'ils entendent recycler non pas le pot de yaourt ou le blister de chips, mais des bouteilles d'eau ! Il n'y a pourtant pas de besoin en la matière. Nous disposons depuis longtemps de ce savoir-faire. Faute de cahier des charges contraignant, nous savons que Citeo n'atteindra pas un taux de recyclage élevé pour ses pots de yaourt ou ses blisters de chips, mais que le groupe aura, in fine , récupéré le contrôle de la matière.

L'évolution du cahier des charges est donc un jeu de dupes consistant à laisser croire que l'on confie à Citeo la responsabilité de recycler les nouveaux plastiques, alors qu'en réalité, nous obtiendrons probablement dans trois ans le résultat suivant : Citeo, passé maître dans l'accumulation d'objectifs qu'il n'atteint jamais sans jamais être sanctionné, maîtrisera ce flux sans pour autant recycler davantage.

Aussi, nous craignons de voir interrogée, demain, la pertinence des milliards d'euros de dépenses consacrées par les collectivités locales à la modernisation ou à la création de centres de tri sophistiqués. En effet, si la consigne est mise en place, ces derniers ne verront plus une seule bouteille. Les canettes et les boîtes de conserve se font déjà de plus en plus rares. Le verre ne passe pas par les centres de tri et le flux des nouveaux plastiques ne devra plus être trié, Citeo entendant se charger d'une forme de surtri. Dans ces conditions, la Cour des comptes risque, à raison, de nous montrer du doigt pour mauvais usage de l'argent public.

S'agissant de la coordination des compétences territoriales, la loi AGEC a permis quelques belles avancées, en particulier sur la police des dépôts sauvages. Elle offre désormais la possibilité de mettre les véhicules sous séquestre et d'utiliser des vidéos de caméras thermiques comme base d'une action en justice contre un contrevenant. Nous manquons toutefois d'une cartographie des dépôts sauvages qui permettrait un suivi de leur résorption.

Nous regrettons également que le texte de loi, qui, dans l'esprit, devait permettre, dès lors que le dépôt sauvage serait principalement constitué de déchets du bâtiment par exemple, de faire financer la résorption de ces dépôts par la REP correspondante, ne déclenche finalement ce processus que pour les dépôts sauvages de plus de 200 tonnes. Ce faisant, la loi exclut du financement par les éco-organismes la résorption de la quasi-totalité des dépôts sauvages de métropole et d'outre-mer. En dépit de quelques avancées, les communes restent esseulées en matière de résorption des dépôts sauvages, laquelle représente pourtant un coût considérable.

Aussi, nous préconisons d'abaisser le seuil du dépôt sauvage financé par la REP à une tonne. Tout dépôt sauvage constitué principalement de véhicules devrait être géré à terme par la REP véhicules hors d'usage (VHU), tout dépôt sauvage de pneus par Aliapur, tout dépôt sauvage d'ordures ménagères résiduelles par Citeo et tout dépôt sauvage de matériaux par Valobat (pour les produits du bâtiment) et Ecominero (pour les matériaux de construction d'origine minérale). Aujourd'hui, le scénario d'un contrevenant identifié et solvable qui financerait lui-même la résorption du dépôt sauvage dont il est l'auteur est extrêmement rare et illusoire.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Pouvez-vous préciser vos propositions en matière de sanctions en cas de non-atteinte des objectifs par les filières REP ?

M. Nicolas Garnier . - J'établirai un parallèle avec les deux dispositifs assez proches que sont les certificats économies d'énergie (CEE) et les quotas de CO 2 . En cas de non-atteinte de son objectif d'économie d'énergie en TWh, EDF est sanctionnée à hauteur d'un coût du TWh manquant plus élevé que celui du marché. Il a donc non pas obligation, mais intérêt à réaliser des économies d'énergie. De la même manière, les entreprises soumises au dispositif d'échange de quotas d'émission (ETS) s'exposent, faute d'atteindre leurs quotas, à de très lourdes pénalités. Tous les acteurs économiques privés concernés ont ici intérêt à respecter leurs objectifs environnementaux.

À l'inverse, chaque tonne supplémentaire collectée représente, pour les éco-organismes, un coût supplémentaire, et la non-atteinte des objectifs n'emporte aucune conséquence. La loi AGEC a bien tenté de contraindre davantage les éco-organismes, mais de façon très légère. Elle prévoit que si l'on constate, en cours d'agrément, qu'un éco-organisme s'écarte de la trajectoire d'atteinte de son objectif environnemental, l'État peut lui demander un rapport établissant les conditions de correction de son dispositif. Si ces corrections ne suffisent pas à remettre l'éco-organisme sur sa trajectoire environnementale, l'État a la possibilité, en fin d'agrément, de sanctuariser les sommes que l'éco-organisme aurait dépensées pour atteindre ses objectifs. Dans le pire des cas, l'éco-organisme devra payer les sommes qu'il aurait payées s'il avait atteint son objectif environnemental. Il n'est donc pas très incité à l'atteindre.

Dans ce contexte, nous proposons de mettre en place un dispositif contraignant chaque année l'éco-organisme, qui s'écarterait de la trajectoire de son cahier des charges d'agrément, à payer des tonnes « malussées » - c'est-à-dire soumise à un malus - à l'État ou aux collectivités locales. Cela constituerait une ressource financière pour Bercy - une sorte de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) - et pour les collectivités locales.

En effet, les nombreuses tonnes qui ne font pas l'objet d'une collecte collective se retrouvent, en bout de chaîne, dans les centres d'élimination. Or, nous connaissons les difficultés qu'éprouvent les collectivités des DROM pour installer de tels centres et pour gérer les ordures ménagères résiduelles. Leurs difficultés seraient moindres si l'on ne comptait pas, dans ces ordures ménagères résiduelles, les tonnes d'emballages que Citeo devrait traiter au titre de ses objectifs de recyclage par DROM.

Le dispositif imaginé changerait complètement les règles du jeu : plutôt que de payer une tonne manquante « malussée », l'éco-organisme aurait intérêt à aller chercher la tonne manquante. Il atteindrait ses objectifs, comme EDF atteint ses objectifs de CEE ou Dalkia ses objectifs de quotas de CO 2 .

Mme Gisèle Jourda, rapporteure - Le dispositif que vous proposez pourrait permettre une sorte de rééquilibrage. Nous n'avons pas encore abordé la question de la TGAP, mais il semblerait que, pour l'heure, la quasi-totalité des taxes repose de fait sur les collectivités locales et sur les contribuables...

M. Nicolas Garnier . - La TGAP est un autre sujet qui nous tient particulièrement à coeur, et les DROM pourraient être largement bénéficiaires de la proposition que nous faisons à ce sujet depuis plusieurs années.

Pour en revenir à votre question, un tiers des 600 kilogrammes de déchets annuels produits en moyenne en France par habitant est soumis à une REP, mais avec un financement insuffisant qui s'élève à 50 % du coût global réel, voire à 20 % dans les DROM pour ce qui est des emballages. En d'autres termes, dans les DROM, le contribuable finance jusqu'à 80 % du coût du traitement de ces déchets.

Un deuxième tiers de la poubelle des Français est constitué de matière organique, pour laquelle il n'existe pas de dispositif de REP. De temps en temps, il me vient à l'esprit de créer une REP sur les choux-fleurs et sur les pommes de terre. En effet, les industries agricole et agroalimentaire ne participent pas encore à la fin de vie de leurs produits, et il y a là peut-être quelque chose à inventer...

Afin de développer la collecte sélective des biodéchets, qui repose actuellement sur les seules aides de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), donc sur la ressource de TGAP, nous proposons d'affecter davantage la TGAP à l'économie circulaire. Pour rappel, la TGAP rapporte de 500 à 600 millions d'euros, dont seuls 150 millions d'euros reviennent à l'Ademe au titre de l'accompagnement de l'économie circulaire. Cela fait selon nous de la TGAP une taxe partiellement faussement environnementale. Nous considérons en effet qu'une véritable taxe environnementale doit envoyer un « signal prix », mais aussi affecter, sinon intégralement, du moins majoritairement, sa recette à son objet.

Sans refaire l'histoire des Gilets jaunes, la taxe carbone n'ayant pas été conçue pour produire des recettes destinées à l'accompagnement de la transition écologique, un certain nombre de personnes ont estimé que sous couvert de contribuer à la protection de l'environnement, cette taxe avait surtout des motivations budgétaires. Toutes proportions gardées, il en est de même de la TGAP : le contribuable pourrait ne pas comprendre pourquoi 80 % des 600 millions d'euros de TGAP qu'il paye au nom d'une meilleure gestion des déchets ne sont pas affectés à cet objectif.

Le troisième gisement dont personne ne parle est celui des « abandonnés de l'économie circulaire » : la litière pour chat, le CD, les ustensiles de cuisine, le briquet en plastique... Amorce a ainsi recensé vingt-huit pages d'objets vendus dans le commerce, qui ne bénéficient d'aucune solution de recyclage et qui ne sont soumis à aucune écocontribution. À titre d'exemple, un briquet Bic terminera inéluctablement sa vie dans un centre d'enfouissement ou dans un incinérateur. En l'absence de signal prix, de REP et de TGAP, pourquoi la société Bic ferait-elle évoluer son plastique pour le rendre recyclable ? Pourquoi se rapprocherait-elle d'un éco-organisme pour intégrer son produit dans la collecte sélective des emballages ?

C'est la raison pour laquelle - et le Sénat nous a souvent soutenus dans cette démarche - nous défendons la mise en place d'une TGAP amont sur les produits non recyclables. Cette taxe ne serait exigible qu'en l'absence de solution de recyclage - le cas échéant, le produit serait soumis à une REP ; elle viendrait soulager les collectivités locales des coûts d'élimination. Car reconnaissons-le : la collectivité n'est pas responsable du fait que le briquet n'est pas recyclable et n'est pas recyclé.

C'est là toute l'injustice de la TGAP aval : elle taxe en partie le mauvais acteur. Selon nous, le dispositif fiscal global n'est donc pas cohérent. Certains metteurs sur le marché s'étonnent d'être soumis à une REP et de devoir contribuer à l'environnement quand certains produits, non recyclables, échappent à de telles obligations. Il y a là une forme de prime au cancre qui n'incite pas véritablement à recycler.

Mme Nassimah Dindar . - Vous relevez à juste titre que, dans les DROM, la TGAP est plus un pensum qu'une aide pour les collectivités territoriales. À ce titre, seuls 150 millions d'euros sont destinés à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Pour tous les produits non recyclables que vous avez recensés, ne pourrait-on pas réduire la TGAP des territoires ultramarins ?

M. Nicolas Garnier . - C'est effectivement l'autre option qui s'offre à nous : a minima , il faudrait créer une franchise de TGAP pour la part des ordures ménagères résiduelles (OMR) que personne ne sait recycler et pour lesquelles une sanction fiscale n'a, dès lors, aucun sens.

De mémoire, le Sénat a adopté un amendement visant à créer une telle franchise. Ce dispositif permet de lever une injustice sans résoudre le problème du non-recyclable. En revanche, la TGAP amont serait à même d'entraîner une forme de responsabilisation des metteurs sur le marché.

À titre d'anecdote, sur la base d'une proposition d'amendement du réseau Amorce, le Sénat avait voté la REP « meubles ». Le lendemain, le directeur général adjoint d'Ikea me téléphonait pour me dire : « Il paraît que vous êtes à l'origine de cette mesure. Qu'est-ce qu'on vous a fait ? » Je lui ai répondu : « Rien ; simplement, nos déchetteries débordent de vos étagères en aggloméré dont personne ne sait quoi faire. »

Nombre d'industriels ne se sont jamais posé la question de la fin de vie de leurs produits. Les responsables de Decathlon ne savaient pas en quelle matière étaient faits leurs palmes, leurs combinaisons et leurs maillots de bain. Grâce au vote de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), qui a instauré la REP « sport », c'est désormais le cas.

L'attelage d'une TGAP amont et d'une franchise de TGAP aval sur le même gisement serait probablement la meilleure solution.

Mme Marta de Cidrac . - Vous connaissez ma position au sujet des éco-organismes, qu'il s'agisse de leur structuration actuelle ou de leur mode de financement. En somme, ils ont tout intérêt à ce qu'il y ait le plus de pollueurs possible, car c'est ce qui leur assure des recettes - je le dis de manière délibérément caricaturale.

Vous insistez avec raison sur les nombreux objets ne disposant d'aucune filière de traitement. Un grand travail attend le législateur à ce titre, car la situation actuelle revient en quelque sorte à accorder une prime au pollueur.

Enfin, étendez-vous votre réflexion à l'ensemble de la filière ? Il faut considérer à la fois les éco-organismes, les collectivités territoriales et le choix des exutoires. La destinée de ces objets mérite bel et bien une réflexion de fond. On ne pourra pas créer une REP pour chacun d'eux, d'autant que de nouveaux produits sortent chaque jour sur le marché et qu'il y aura de plus en plus de déchets.

M. Nicolas Garnier . - Il s'agit effectivement d'une question fondamentale.

Faut-il des REP partout ? Il n'y a aucune raison qu'une responsabilité élargie du producteur soit imposée pour les emballages et non pour les briquets. La notion de responsabilité est universelle.

En revanche, la REP peut être mise en oeuvre de différentes manières. La TGAP amont que nous proposons est une forme de REP. On ne va évidemment pas remuer ciel et terre pour créer une collecte sélective des briquets. Cela étant, il est juste que les industriels financent le coût d'élimination des briquets jetables en fin de vie. C'est une REP triviale, mais, généralement, quand ils commencent à payer, les producteurs réagissent très vite. De même, avec la REP « textiles sanitaires », qui arrive, les fabricants de couches pour bébés seront bientôt pointés du doigt.

Il faut donc l'établir une bonne fois pour toutes : il existe une responsabilité universelle du producteur quant à la fin de vie de ses produits.

Au passage, je précise que les éco-organismes devraient se voir assigner des objectifs de prévention, ce qui n'a jamais été le cas jusqu'à ce jour. Je pense notamment au cas des emballages jetables.

J'insiste, il faut distinguer le principe de la REP et les formes de sa mise en oeuvre : une REP, ce n'est pas nécessairement un éco-organisme finançant la collecte sélective. Dans cette logique, nous réfléchissons à une REP de l'agroalimentaire sous la forme d'une obligation de reprendre les composts aux normes : ce serait, en somme, une responsabilité de retour au sol de la matière organique. On commence à s'inquiéter de la capacité à utiliser les composts issus de nos collectes sélectives de biodéchets. Dans cette logique, Bonduelle serait obligé d'accepter des composts de qualité pour boucler la boucle de l'économie circulaire.

N'oublions pas non plus les formes de REP dites « opérationnelles », qui complètent les REP « écosystèmes ». La REP « mégots » doit avant tout assurer la collecte des mégots. En la matière, la question du recyclage est presque anecdotique. L'enjeu, c'est avant tout le financement de la communication et de la coercition. Il s'agit pour ainsi dire d'une REP de financement du nettoiement.

On observe aujourd'hui une très forte tendance au rapprochement des REP : Éco-mobilier se propose ainsi d'être l'éco-organisme pour les jouets ou, à titre partiel, pour les matériaux, qu'il s'agisse du bois ou du plastique. On commence à créer des bennes destinées aux plastiques rigides dans les déchetteries françaises, pour les meubles, les jouets, le matériel de sport ou de bricolage. On pourrait demain y ajouter les disques compacts.

On ne va pas multiplier à l'infini les collectes sélectives et les éco-organismes. En revanche, on peut placer sous REP des gisements qui n'y sont pas, comme certains plastiques, même si ce sera tout sauf simple ; et, là où l'avenir n'est pas le recyclage, les producteurs doivent payer la TGAP en lieu et place de la collectivité.

Mme Marta de Cidrac . - La loi AGEC contient un certain nombre de dispositions spécifiques aux outre-mer. En la matière, pourrait-on confier des opérations pilotes à tel ou tel territoire avant d'étendre éventuellement ces mesures à l'ensemble du pays ? Ne pourrait-on pas aller plus loin dans la décentralisation des solutions, non seulement outre-mer, mais dans l'Hexagone ?

M. Nicolas Garnier . - La loi AGEC a effectivement défini des enjeux spécifiques aux outre-mer pour les REP : c'était une première, même si les initiatives actuelles ne sont pas encore à la hauteur des enjeux. D'ailleurs, pour ce qui concerne les DROM, on a encore beaucoup de mal à obtenir des chiffres au sujet de la collecte sélective.

De plus, il aurait fallu pousser la logique à son terme en fixant des objectifs environnementaux contraignants par DROM et par REP.

Néanmoins, établir des filières de débouchés de recyclage dans ces territoires n'est pas une mince affaire : on ne va pas créer de grandes papeteries à Mayotte ou de grandes verreries dans les territoires ultramarins producteurs de rhum - les verres qui y sont employés viennent majoritairement du Brésil.

Il faudrait une stratégie de l'économie circulaire pour la Caraïbe, l'Amazonie et une partie de l'océan Indien : à ce titre, il est grand temps de construire une dynamique internationale. Aujourd'hui, pour recycler quelques tonnes, soit on invente des filières de recyclage un peu baroques, soit on transporte les déchets sur des milliers de kilomètres - il fut un temps où une partie de la collecte sélective de la Martinique se retrouvait à Fos-sur-Mer - une partie va maintenant au Brésil -, ce qui n'a pas de sens.

L'opération pilote menée en Guadeloupe, à savoir la consigne de bouteilles en plastique, a fait l'objet de luttes presque homériques dans les deux assemblées parlementaires. Je précise qu'il ne s'agit pas d'une consigne stricto sensu , car les bouteilles collectées sont broyées : c'est une simple collecte sélective non professionnelle.

Au terme de négociations difficiles avec la ministre de l'époque, Élisabeth Borne, on a décidé d'attendre trois ans. Sur ce sujet, le Sénat a joué un rôle majeur. Mais depuis lors, il ne s'est presque rien passé : la collecte sélective n'a pas été développée hors foyer, notamment dans la restauration. Vous connaissez donc d'ores et déjà mon opinion sur le sujet.

En parallèle, avec l'expérimentation assez avancée menée en Guadeloupe, on obtient le pire de la privatisation d'une collecte sélective, à savoir la discontinuité territoriale.

La collecte sélective payante des bouteilles est assurée dans les supermarchés de Pointe-à-Pitre et, peut-être, dans deux ou trois villes relativement étendues de Guadeloupe ; mais les petits commerces de proximité, les « lolos », n'auront pas d'automates de consigne. Comment pourraient-ils se charger d'alimenter les automates des supermarchés des villes guadeloupéennes ? Cette simple suggestion a provoqué un tollé.

Non seulement l'expérimentation de la consigne ne donne pas des résultats exceptionnels, mais elle va coûter très cher. De plus, elle ne vise pas les objets qui polluent majoritairement la mer - barquettes de frites, paquets de chips, emballages unitaires de gâteaux, etc. Les bouteilles représentent moins de 10 % de la pollution plastique des mers.

Enfin, il est intéressant d'imaginer d'autres formes de gouvernance. Dans nos rêves les plus fous, ce n'est pas l'État, mais la région, voire l'intercommunalité, qui donne l'agrément en établissant le cahier des charges de Citeo. L'État, lui, est juge et partie. Sauf exception, la Direction générale des collectivités locales (DGCL) ne nous défend pas et, in fine , les cahiers des charges ne sont pas assez contraignants. Le Sénat aura peut-être l'audace et la force de mener cette réforme sensationnelle ?

Mme Nassimah Dindar . - À La Réunion, la consigne des bouteilles est devenue quasiment culturelle, et cela marche très bien. Peut-on envisager qu'Amorce ou un autre organisme finance une collecte de ce type, en passant par les communes ou les intercommunalités ?

M. Nicolas Garnier . - Depuis quatre ans, nous parlons non pas d'une consigne pour réemploi sur les bouteilles de verre, telle que celle qui est mise en place pour la Dodo ou le rhum à La Réunion, mais d'une consigne pour recyclage sur les bouteilles plastiques, concurrençant les collectes sélectives des collectivités locales.

La crise entre le Gouvernement et le Sénat sur ce sujet vient de là - Marta de Cidrac peut en parler plus précisément. Il faut faire de la consigne pour réemploi. L'idée initiale du Gouvernement était que les metteurs sur le marché reprennent le contrôle de leurs émissions de plastique ; le texte a été transformé au Sénat pour favoriser une consigne en vue du réemploi.

Depuis lors, nous avons tous cheminé, et nous nous sommes rendu compte qu'au lieu de généraliser les consignes pour réemploi il fallait regarder au cas par cas, en prenant en compte les études d'impact sur l'environnement. Le réemploi sous-tend un réseau de collecte, une proximité des unités de lavage et une uniformité des contenants qui n'est pas sans conséquence.

Nous continuons d'être très favorables à la consigne pour réemploi, mais sa mise en oeuvre demande de la finesse : les producteurs de champagne n'ont pas envie que leurs bouteilles soient remplies de vin de Bordeaux. La collecte, le lavage et la réutilisation des bouteilles représentent un coût.

M. Stéphane Artano, président . - Au nom de la délégation, je vous remercie de la qualité de vos interventions. La table ronde de jeudi prochain sera consacrée aux filières REP, et nous soumettrons à leurs représentants les idées que vous avez proposées.

M. Nicolas Garnier . - Je me permets de vous faire une suggestion : parlez-leur de chiffres. Quels sont les gisements ? Combien cela vous rapporte-t-il, dans chaque DROM ? Quels sont les taux de collecte sélective, les taux de recyclage ? Combien cela vous coûte-t-il dans chaque DROM ?

C'est parce que l'on n'a pas assez parlé de chiffres dans les DROM que la REP est dans cet état. Il faut imposer aux producteurs une culture du résultat chiffré : ils en sont capables, car ils viennent du monde de l'entreprise.

M. Stéphane Artano, président . - Merci de cette suggestion.

Jeudi 23 juin 2022

Table ronde sur la responsabilité élargie des producteurs (REP)

Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente . - Au nom du président Stéphane Artano, qui vous prie de l'excuser - il est actuellement à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais il s'associe à nos travaux en visioconférence -, j'ai le plaisir d'accueillir ce matin les participants à cette table ronde consacrée aux filières à responsabilité élargie des producteurs (REP).

Cette table ronde s'inscrit dans le cadre de l'étude de la Délégation sénatoriale aux outre-mer sur la gestion des déchets dans les territoires ultramarins, dont les rapporteures sont Gisèle Jourda et Viviane Malet. Je salue également la présence de nos collègues membres du groupe d'études du Sénat sur l'économie circulaire, présidé par Marta de Cidrac.

Comme vous le savez, les filières REP sont des dispositifs fondés sur le principe selon lequel les producteurs, c'est-à-dire les personnes responsables de la mise sur le marché de certains produits, doivent financer ou organiser la prévention et la gestion des déchets issus de ces produits en fin de vie.

On considère souvent que la France est l'un des pays ayant le plus recours à ce dispositif. Pourtant, on ne peut que constater l'absence ou la faiblesse de ces filières dans nos outre-mer. Comment expliquer ce décalage ? Quelles sont les conséquences en matière de tri et de recyclage ? Comment accélérer la mise en place de telles filières, en tenant compte de nos spécificités territoriales ?

Pour répondre à toutes nos interrogations et surtout à celles de nos deux rapporteures, nous allons entendre successivement Arnaud Humbert-Droz, président exécutif de Valdelia ; Maxime Vesselinoff, directeur conseil d'Ecosystem, accompagné d'Alexis Blanc, responsable des opérations outre-mer, ainsi que de Chloé Brumel-Jouan, directrice des relations institutionnelles ; sur la valorisation des déchets agricoles, Pierre de Lépinau, directeur général d'Agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles (Adivalor) ; Guillaume Arnauld des Lions, délégué général de l'association pour la plaisance éco-responsable (APER) ; André Zaffiro, directeur général de Cyclevia et Yannick Jegou, président de Dastri, accompagné de Laurence Bouret, déléguée générale. Enfin, nous achèverons ce premier tour de table avec Stéphane Murignieux, président de l'Institut de la transition écologique des outre-mer (Itedom).

Je demanderai d'abord aux deux rapporteures de bien vouloir formuler leurs questions, sachant qu'une trame a été adressée aux intervenants afin de leur permettre de préparer cette réunion. Puis, les représentants des éco-organismes auront la parole, dans l'ordre que je viens d'énumérer et chacun pendant environ cinq minutes, pour un premier tour de table. Enfin, je donnerai la possibilité à ceux de nos collègues qui voudront intervenir de le faire à leur tour, y compris en visioconférence.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Cette table ronde réunit de nombreux acteurs de la filière REP, ainsi que Stéphane Murignieux, de l'Itedom, qui pourra nous apporter un regard transversal sur ce sujet.

Avec ma collègue, nous avons souhaité entendre des filières REP très diverses, aussi bien par leur ancienneté ou leur taille que par la nature de leurs déchets. Au préalable, je prie les filières qui n'ont pas été conviées de bien vouloir nous excuser : la France compte trop de filières pour pouvoir les réunir toutes autour d'une même table ; nous avons dû faire des choix.

Ce matin, l'objectif de l'audition n'est donc pas de dresser un panorama exhaustif des REP outre-mer, mais de dégager quelques constats et enseignements à partir des expériences diverses de vos filières. D'ailleurs, certains d'entre vous en gèrent plusieurs.

Un questionnaire vous a été transmis, qui vous donne la trame de nos principales interrogations, afin de guider votre exposé.

La semaine dernière, nous avons auditionné Citeo, l'éco-organisme historique en quelque sorte, et l'association Amorce. Ces deux auditions ont été très riches et ont mis en évidence des visions très contrastées et critiques sur le bilan et l'efficacité des REP dans les outre-mer. Nous souhaitons donc, avec l'audition de ce jour, aller plus loin dans l'exploration de certaines pistes esquissées la semaine dernière.

Toutefois, en premier lieu, je souhaiterais obtenir des réponses précises sur le niveau d'engagement financier de vos filières dans les outre-mer, ainsi que des données sur l'importance des gisements estimés, le taux de collecte et le taux de recyclage ou de valorisation, en comparaison des chiffres hexagonaux.

Je souhaiterais également connaître le montant des contributions versées par les metteurs sur le marché ultramarin depuis plusieurs années, du moins pour ceux d'entre vous qui ont une certaine ancienneté.

Je souhaiterais enfin que vous dressiez un premier bilan de la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite « loi Agec », qui fait peser des contraintes renforcées sur les filières REP dans les outre-mer. En résumé, le rattrapage est-il en cours ? Quels moyens nouveaux ont été concrètement déployés par vos organismes ?

Mme Viviane Malet, rapporteure . - À la suite de ma collègue Gisèle Jourda, je relève que les auditions de Citeo et de l'association Amorce la semaine dernière ont été particulièrement instructives. Le retard, pour ne pas dire l'échec, des REP dans les outre-mer est flagrant, à tel point que l'on peut s'interroger sur le modèle même des REP à la française, du moins dans les outre-mer. Je souhaiterais donc avoir votre avis sur plusieurs propositions chocs, afin de faire avancer les filières REP dans nos territoires ultramarins.

En premier lieu, que pensez-vous de l'idée consistant à expérimenter dans les outre-mer des cahiers des charges comportant des objectifs chiffrés contraignants de collecte, de recyclage, voire de prévention ? Ces objectifs seraient assortis de pénalités très incitatives, à définir. Naturellement, ils seraient adaptés à la réalité de chaque territoire.

En second lieu, afin de lutter contre les dépôts sauvages ou les décharges illégales, quel système proposeriez-vous pour prendre en charge leur coût d'élimination ? Ce coût pèse actuellement quasi-intégralement sur les collectivités, et il est très rare de retrouver le responsable. Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, a suggéré par exemple lors de son audition de baisser à une tonne, au lieu de 200 tonnes actuellement, le seuil à partir duquel la filière REP, principalement en cause, doit prendre en charge le coût d'élimination d'un dépôt sauvage. Qu'en pensez-vous ? Avez-vous d'autres propositions à formuler pour une responsabilisation accrue des filières REP outre-mer ?

M. Arnaud Humbert-Droz, président exécutif de Valdelia . - Merci de votre accueil.

Depuis 2013 et la mise en place de la filière REP, nous sommes confrontés à des performances faibles ou négatives sur les territoires ultramarins. Quels dispositifs pourrions-nous mettre en oeuvre, conjointement avec les collectivités locales, l'État et les éco- organismes, pour faire en sorte que les territoires ultramarins deviennent un enjeu pour les filières REP ? Pour nous, chez Valdelia, les territoires ultramarins font partie du territoire national. Nous y avons donc une ambition tout aussi importante que dans l'Hexagone. La preuve : depuis 2013, nous investissons régulièrement dans ces territoires, mais avec des résultats assez médiocres, dont nous sommes extrêmement insatisfaits.

Nous constatons régulièrement que le sujet est principalement abordé sous l'angle de la rémunération et de l'investissement des éco-organismes. Pour notre part, nous investissons plus sur les territoires ultramarins que ce que nous percevons en éco-contributions. Le problème ne réside donc pas dans la capacité financière d'investissement, mais dans la philosophie, que nous devons faire évoluer ensemble.

L'objectif d'une filière REP, c'est bien de développer une économie circulaire territorialisée. Je me rends une fois par an outre-mer pour juger de l'avancement des travaux et m'assurer que les acteurs politiques et nos facilitateurs locaux, qui sont en place depuis 2015, sont bien dans une démarche constructive. Je constate que nous sommes confrontés dans chaque territoire à un manque probant de dispositifs et de capacités de collecte, mais aussi et surtout de traitement. Partout, nous sommes confrontés à une politique qui ne nous permet pas de développer localement des dispositifs de traitement durables.

Par exemple, en Martinique, le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) nous empêche régulièrement de déployer des dispositifs de collecte, tout simplement parce que nous faisons face à des grèves à répétition. Vous pourriez objecter que, d'un point de vue financier, nous pourrions charger des conteneurss et les ramener dans l'Hexagone. Mais la philosophie des filières REP est de développer une économie circulaire locale. En effet, le déchet a la capacité de créer des emplois locaux, non délocalisables, avec à la clef un dispositif de formation pour les personnes les plus éloignées de l'emploi.

Nous souhaitons construire l'avenir des territoires autour de quatre sujets qui nous importent.

Tout d'abord, il faut un changement de regard. L'État, les collectivités territoriales et les éco-organismes doivent construire ensemble des plans pour disposer d'outils de traitement adaptés aux territoires. Ces outils seront situés sur place et leur taille sera adaptée à celle de chaque territoire. L'État dispose d'un certain nombre de dispositifs pouvant nous permettre d'atteindre la rentabilité avec de tels outils, notamment la dotation générale de décentralisation. Par exemple, Valdelia souhaite atteindre un taux de recyclage important dans l'ensemble des territoires, et nous n'y arrivons pas, parce que nous ne disposons pas des outils idoines. Nous pourrions changer l'orientation de notre visibilité en passant d'un objectif de recyclage important à un objectif de valorisation énergétique...

À La Réunion, une usine de fabrication de combustibles solides de récupération (CSR) a été construite, mais nous n'avons pas de consommateurs ! Aussi, le CSR ne trouve pas de débouchés, parce que nous n'avons pas été jusqu'à la fin du parcours politique - alors que l'usine a été cofinancée par les collectivités territoriales et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Un deuxième sujet qui nous importe est la mutualisation. L'idée de multi-REP est une philosophie que Valdelia souhaite développer dans les territoires ultramarins. En Guadeloupe, par exemple, nous avons un projet d'usine de recyclage du bois. La filière du mobilier ne suffit pas, et nous nous positionnons donc sur la filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) pour atteindre un volume suffisant.

Une question plus difficile est celle de l'implication des collectivités locales. La loi Agec donne la possibilité d'élaborer des plans régionaux ambitieux. Les collectivités territoriales doivent nous permettre de construire avec elles, avec l'Ademe, avec les services de l'État, des outils de traitements locaux et durables.

Le dernier axe est un axe majeur sociétal. Il s'agit du réemploi et de la réutilisation, qui permettent d'accompagner les personnes éloignées de l'emploi vers des métiers de menuisier, chaudronnier, tapissier... Les plans régionaux d'économie circulaire doivent comporter systématiquement des dispositifs d'aide au réemploi. Par exemple, à La Réunion, nous accompagnons une association, que nous formons ici en métropole, pour qu'elle puisse déployer sur le terrain des dispositifs de réemploi et de réutilisation. Nous travaillons d'ailleurs avec la collectivité territoriale, qui met à la disposition de cette association un local de bonne qualité.

Mme Chloé Brumel-Jouan, directrice des relations institutionnelles d'Ecosystem . - Merci de nous recevoir.

Ecosystem est le plus vieil éco-organisme collectant des équipements électriques et électroniques, ménagers comme professionnels. Voilà de nombreuses années que nous intervenons outre-mer, puisque nous y sommes depuis 2008. Notre éco-organisme opère dans la totalité du territoire, sans se limiter à l'Hexagone. Nous assurons la continuité de service absolument partout. La question financière nous semble moins cruciale que la partie opérationnelle de nos collectes.

Nous collectons 13 000 tonnes de déchets d'équipements électriques et électroniques sur l'ensemble des territoires. Nous sommes très proches outre-mer des ratios métropolitains, et nous y organisons un fort développement du réemploi, qui est très encouragé depuis longtemps, notamment sur l'île de La Réunion et en Martinique. La transformation de la filière est donc déjà en cours.

Les problématiques que nous rencontrons sur les territoires sont plutôt celles de l'acheminement. Outre les problématiques techniques sur le terrain, comme les grèves, nous sommes confrontés au traitement de volumes parfois insuffisants pour alimenter un outil industriel. C'est là qu'interviennent les transports maritimes, souvent retardés par la question des notifications, qu'il faut parfois six ou neuf mois pour obtenir, ce qui conduit à augmenter les capacités de stockage sur place et pose le problème de l'évacuation des déchets. De plus en plus de compagnies maritimes refusent d'embarquer les déchets et pratiquent des tarifs parfois exorbitants.

Vous avez évoqué la planification. Les plans stratégiques et les plans d'action de collecte d'Ecosystem alimentent les plans de prévention et de gestion des déchets. Le dernier en date a reçu en 2021, conformément à la loi Agec, un avis favorable de notre comité des parties prenantes.

M. Alexis Blanc, responsable des opérations outre-mer d'Ecosystem . - Ecosystem est opérationnel depuis 2008 dans les territoires ultramarins. Notre politique a toujours été de développer des filières locales de traitement et de valorisation des déchets. C'est pourquoi nous avons construit à La Réunion et en Guadeloupe deux unités de traitement avec des opérateurs locaux, qui nous permettent aujourd'hui de traiter une partie de nos flux sur ces territoires.

Pour les autres territoires, nous n'avions pas suffisamment de volume pour créer des unités de traitement ; nous avons donc fait le choix de ramener l'ensemble des produits sur l'Hexagone afin de nous assurer de la qualité et du suivi du traitement jusqu'au produit final. Il est vrai qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, par exemple, nous aurions très bien pu envoyer les produits au Canada, en Guyane ou au Brésil. Nous n'avons pas fait ce choix, car nous voulons nous assurer que la filière soit respectée jusqu'au bout.

Nous avons mis en place différentes actions adaptées aux territoires locaux. C'est ainsi que, à La Réunion, nous collectons les déchets de Mafate par hélicoptère, ou qu'en Guyane, nous organisons des collectes par pirogue dans les zones isolées. Nous déployons donc des moyens spécifiques à chaque territoire. C'est encore certainement insuffisant sur certains territoires très isolés. Mais nous atteignons quasiment les mêmes chiffres de collecte sur les territoires ultramarins que dans l'Hexagone. Les deux exceptions sont Mayotte et la Guyane, où les infrastructures locales sont moins développées et les conditions de collecte plus compliquées.

À Mayotte, par exemple, nous n'avons aucune installation classée protection de l'environnement (ICPE) digne de ce nom. Nous travaillons donc étroitement avec la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) à la création d'une plateforme multifilières, dont l'objectif serait de disposer d'une solution de regroupement et de traitement de déchets sur Mayotte.

Sur chaque territoire, nous cherchons à être proactifs et à trouver des solutions locales avec des opérateurs locaux afin de valoriser et de maximiser recyclage et valorisation des déchets.

Mme Chloé Brumel-Jouan . - Nous sommes extrêmement investis sur le réemploi et la création d'emplois locaux non délocalisables. Il n'y a pas que la partie relative à la gestion des déchets, il y a aussi le réemploi. Nous soutenons des activités d'Emmaüs depuis longtemps à La Réunion et nous avons des projets de collecte de téléphones mobiles à la Martinique, ainsi que plusieurs zones de réemploi en déchetterie avec de nouvelles conventions en cours.

Il n'y a pas de contribution spécifique aux territoires ultramarins. Les éco-contributions sont les mêmes, quels que soient les territoires concernés. Pourtant, les investissements que nous réalisons sont largement supérieurs à nos coûts dans l'Hexagone. Nous accomplissons des missions d'intérêt général, nous sommes agréés par l'État et nous déployons toute notre énergie à faire en sorte que chaque Français puisse bénéficier de la même qualité de service quel que soit son lieu et d'habitation.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Nous comprenons bien que l'aspect financier n'est pas le coeur du sujet et que vous êtes des organismes à but non lucratif. Pour avoir présidé une association à but non lucratif pendant des années, je sais que cela n'empêche pas de construire des indicateurs financiers, pour donner une idée des budgets et de ce à quoi ils correspondent.

Pouvez-vous nous donner une idée des engagements financiers dont vous parlez et de leur retour sur investissement ? Dans les finances d'une association, cela compte.

Mme Chloé Brumel-Jouan . - Le coût à la tonne est deux fois et demie plus élevé en outre-mer qu'en métropole. Il n'y a pas lieu de s'interroger sur les coefficients de majoration : on y consacre l'argent nécessaire ; plutôt qu'une pénalité, ce sont des solutions adaptées aux territoires qui vont améliorer la collecte. Il faut développer des plateformes interfilières et construire ensemble des unités industrielles fonctionnelles et performantes. Ces territoires nous imposent de fortes contraintes géographiques, ne serait-ce que pour trouver un emplacement adéquat à proximité des ports.

Financièrement, il est très difficile de chiffrer et flécher les contributions : on peut évaluer les mises en marché des producteurs d'outre-mer, mais c'est plus compliqué pour les produits importés. Nous vous donnerons par écrit les éléments chiffrés dont nous disposons.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - J'aimerais aussi connaître le montant des sommes versées à votre organisme depuis le début de son activité.

Mme Chloé Brumel-Jouan . - Je répondrai à cette question dans la suite de notre discussion.

M. Pierre de Lépinau, directeur général d'Agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles (Adivalor) . - Vous me donnez l'occasion de vous présenter l'état d'avancement de la filière française de gestion des déchets d'agrofourniture dans les départements d'outre-mer. Cette filière, mise en place dans l'Hexagone dès 2001, repose sur l'engagement des agriculteurs, qui trient à la ferme, des distributeurs, qui collectent, et des metteurs en marché, qui financent le système. Nous sommes l'écosystème agricole le plus performant au monde en matière de gestion des déchets : plus de 90 % des déchets collectés sont recyclés.

Nous intervenons outre-mer depuis 2005. Il s'est d'abord agi d'appuis ponctuels à des opérations pilotes. Ensuite, avec le soutien du ministère de la transition écologique et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), des études ont été menées dans chaque collectivité pour mettre en place des opérations pérennes de collecte. Cela a abouti, il y a quatre ans, à l'instauration d'organisations mutualisées de collectes. À la différence de l'Hexagone, il existe en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion un organisme juridique local unique chargé de mutualiser ce travail, ce qui offre une visibilité accrue à notre action.

Aujourd'hui, nous sommes dans une dynamique de progrès. Une comparaison globale entre outre-mer et Hexagone n'est pas pertinente, car cette dernière connaît de grandes disparités de performances : certains départements d'outre-mer n'ont pas à rougir de la comparaison avec certains départements métropolitains.

Nous sommes la dernière filière REP non réglementée, reposant sur un principe de responsabilité partagée. Dans les outre-mer comme dans l'Hexagone, aux acteurs locaux l'organisation de la collecte, à l'organisme national la prise en charge des déchets jusqu'à leur traitement final.

La dynamique récente la plus notable outre-mer est la réduction de la consommation, notamment de produits phytosanitaires : le plan Écophyto donne des résultats spectaculaires. L'usage de plastiques se réduit également, notamment pour l'empaillage des cultures maraîchères, où ils sont largement remplacés par du papier ou des films biodégradables. Cela entre dans le cadre du plan stratégique national de la nouvelle Politique agricole commune (PAC), avec des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) spécifiques pour les outre-mer, permettant d'accompagner la transition vers des pratiques moins génératrices de déchets.

Nous assistons à un développement important de la collecte en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, où les taux de collecte dépassent 50 %. La situation reste compliquée en Guyane et à Mayotte, où l'agriculture est moins professionnelle et où les volumes de déchets restent trop modestes pour une démarche spécifique. Comme nos collègues, nous appelons donc à une collecte totalement mutualisée, avec des plateformes de transit multi-déchets.

Par ailleurs, jusqu'à présent, le recyclage était impératif ; or pour recycler, il fallait rapatrier en métropole. Cette exigence est amenée à évoluer. Nous sommes inquiets quant à la pérennité des transports maritimes entre outre-mer et Hexagone : la CMA-CGM a récemment annoncé un arrêt total des transports de déchets plastiques. Or les territoires d'outre-mer ne produisent pas les volumes de déchets suffisants pour rendre viable une unité industrielle de recyclage.

Dès lors, soit l'État accepte de réquisitionner les compagnies pour imposer la continuité territoriale en la matière, soit il faudra rechercher des solutions locales, en revenant sur la politique du tout-recyclage au profit d'une valorisation énergétique des déchets sur place, comme cela se fait déjà à Saint-Barthélemy. Cela requiert du courage politique, mais c'est du bon sens : ces déchets peuvent représenter une importante source d'énergie pour des territoires qui en manquent cruellement. Ajoutons que le coût et l'impact écologique du transport maritime sont énormes !

M. Guillaume Arnauld des Lions, délégué général de l'Association pour la plaisance éco-responsable (APER) . - Notre éco-organisme est jeune : la filière REP des bateaux de plaisance et de sport n'est agréée que depuis mars 2019. Cette filière est aussi de taille modeste : ce marché représente en France un volume de 10 000 unités par an. Les entreprises adhérentes à notre organisme représentent entre 86 % et 92 % des mises sur le marché. C'est aussi la première filière REP au monde pour les bateaux de plaisance. Elle a un fonctionnement très spécifique du fait de la nature des produits traités - les bateaux de plaisance - et de leur environnement réglementaire et fiscal : chaque déchet est traité individuellement, sans possibilité de massification. Le coût de traitement à la tonne est donc bien plus élevé que dans d'autres filières. À l'échelle nationale, un peu plus de 5 000 bateaux ont été déconstruits depuis fin 2019, soit environ 6 000 tonnes de déchets.

Aujourd'hui, 26 centres sont opérationnels en France, dont un seul dans les outre-mer, situé en Martinique etactif depuis juillet 2020. Notre développement outre-mer est freiné par nos difficultés à identifier des acteurs locaux capables de répondre à nos besoins.

Deux dossiers sont en cours d'étude en Guadeloupe ; en Guyane, un centre a reçu l'autorisation nécessaire au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ; l'obtention de cette autorisation spécifique pour la déconstruction des bateaux de plaisance requiert entre six et dix-huit mois, ce qui constitue un frein majeur pour le déploiement de notre filière ; ce centre devrait commencer son activité à la fin de l'année.

À Saint-Martin, nous discutons avec l'unique acteur local de traitement des déchets.

À La Réunion, un centre devrait commencer son activité au début de 2023 ; il négocie actuellement une utilisation périodique des terrains nécessaires à cette activité au vu du faible volume prévu.

À Mayotte, des discussions sont engagées, mais nous rencontrons une difficulté spécifique : les besoins sont faibles en matière de bateaux de plaisance, mais il y a en revanche beaucoup de bateaux abandonnés parmi ceux qui servent au transport de migrants clandestins ; seulement, ces bateaux ne sont pas éligibles à notre filière.

Enfin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, nous échangeons avec l'État et le conseil territorial pour identifier un acteur capable d'assurer le démantèlement et la dépollution des bateaux, avant évacuation pour un traitement dans l'Hexagone ou ailleurs.

Il apparaît donc que la difficulté majeure outre-mer pour notre jeune filière est d'identifier des acteurs locaux capables de répondre à notre cahier des charges, puis de les convaincre de participer à cette démarche malgré des volumes assez faibles de bateaux à traiter.

M. André Zaffiro, directeur général de Cyclevia . - Cyclevia est un très jeune éco-organisme : son agrément a été obtenu le 24 février dernier. La filière que nous organisons est plus ancienne : les huiles usagées étaient déjà évacuées et traitées dans l'Hexagone depuis des années, sous la houlette de l'Ademe, d'une manière aussi efficiente que possible. Pour ces produits dangereux, les problèmes que nous rencontrons outre-mer sont plus organisationnels que financiers. Comme dans d'autres filières, notre orientation est la régénération, via un rapatriement vers l'Hexagone. L'essentiel des acteurs de notre filière sont privés - les collectivités locales sont ici marginales ; les garages représentent plus de la moitié des volumes collectés, d'autant qu'ils récupèrent les vidanges effectuées par les ménages.

Le volume collecté outre-mer représente à peine 5 % de l'ensemble des volumes traités sur le territoire national ; le coût à la tonne y est quatre à cinq fois supérieur. Nous avons toutes les peines du monde à connaître le potentiel de ces marchés : les services des douanes locaux ne donnent plus les chiffres de mise en marché, le volume des importations est très mal connu sur ce marché très diffus.

Quant au traitement, nous cherchons à développer des solutions locales. La valorisation énergétique sur place est l'une des solutions que l'on pourrait développer, d'autant que la régénération exigée jusqu'à présent requiert un rapatriement dans l'Hexagone très coûteux et écologiquement dispendieux. Cette évacuation suscite des problèmes très importants : les compagnies maritimes sont soumises à des contraintes administratives croissantes, et des stocks s'accumulent sur place dans des conditions détériorées.

M. Yannick Jegou, président de Dastri . - J'espère pouvoir vous démontrer l'équité du traitement des déchets par notre filière entre collectivités d'outre-mer et métropole. Notre éco-organisme, Dastri, collecte des déchets d'activités de soins à risque infectieux (Dasri) pour les patients en autotraitement : nous leur distribuons des boîtes de collecte, ils y mettent leurs déchets, puis les ramènent dans des points de collecte, pour que nous puissions les incinérer. Nous existons depuis dix ans ; notre activité a commencé dans les outre-mer, qui connaissent un plus fort taux de diabète - maladie fort génératrice de tels déchets - que la métropole.

Mme Laurence Bouret, déléguée générale de Dastri . - En 2017, les outre-mer représentaient 2 % des déchets collectés par nos soins, contre 5 % en 2021. En valeur, nos adhérents déclarent un peu plus de 1,3 milliard d'unités de dispositifs médicaux commercialisés, dont 66 000 unités outre-mer. J'ajoute que ces dernières sont généralement utilisées, car nous n'avons pas de délai entre la mise en marché et l'utilisation dans ces territoires.

Nous avons commencé à distribuer nos boîtes outre-mer pour prendre en compte les délais d'acheminement. Dans la même logique de discrimination positive, nous avons décidé que toutes les pharmacies d'outre-mer entreraient dans le réseau dès la mise en oeuvre du dispositif, ce qui n'était pas le cas dans l'Hexagone. Le but était de prendre en compte différentes spécificités, notamment les difficultés de déplacement.

Conformément au code de la santé, nous sommes également opérationnels à Saint-Barthélemy, où notre activité a commencé un peu plus tard qu'ailleurs, en 2018. Dans les autres territoires, elle remonte à 2013.

Sur la période du second agrément, le budget de notre éco-organisme oscille entre 8,5 et 9,8 millions d'euros. Les contributions financières demandées à nos adhérents outre-mer sont de l'ordre de 2 % et 3 %, soit 200 000 à 300 000 euros pour l'ensemble des territoires ultramarins. Nous y dépensons 150 % dudit budget. Cette charge est compensée par les territoires de l'Hexagone qui fonctionnent mieux et ont, en conséquence, besoin de moins d'actions. Nous dépensons ainsi 300 000 à 400 000 euros dans l'ensemble des outre-mer.

Notre taux moyen de collecte outre-mer est assez performant. Il s'établit à 75 %, mais ce chiffre cache de fortes disparités régionales. Notre taux de collecte est ainsi de 200 % à Mayotte, où nous collectons beaucoup de déchets de professionnels. De plus, l'écart entre la population officielle et la population officieuse de ce territoire a certainement un impact sur les données de référence.

En volume, nous sommes passés de 400 kilogrammes en 2013 à 44 tonnes aujourd'hui pour l'ensemble des territoires ultramarins-. Évidemment, les quantités sont très variables, par exemple entre Saint-Pierre-et-Miquelon et la Martinique. De même, pour les déchets dangereux, les coûts de traitement, qui varient entre 500 et 600 euros la tonne dans l'Hexagone, peuvent atteindre 4 600 euros la tonne à Saint-Martin.

Nous avons la chance de disposer d'installations de traitement dans l'ensemble des territoires. En effet, les deux modes de traitement des Dasri sont l'incinération - nous disposons d'une unité de valorisation énergétique à Fort-de-France ainsi qu'à Saint-Barthélemy - et le pré-traitement par désinfection. À ce titre, nous passons par des installations industrielles de plus petite taille, qui, schématiquement, broient et chauffent. Dès lors, nous n'avons plus à gérer le risque infectieux. Ensuite, la matière broyée est enfouie, dans des conditions qui, bien sûr, ne sont pas toujours idéales. Cette solution a du moins le mérite d'être mise en oeuvre localement.

Comme certains de nos collègues, nous avons été confrontés à des appels d'offres infructueux, notamment à Mayotte. Dès lors, nous avons dû opter pour le fret aérien en direction de La Réunion. L'opérateur local dispose d'un équipement sur place, mais il n'a pas répondu à nos sollicitations. Au plus fort de la crise sanitaire, nous avons donc dû demander au préfet de le réquisitionner. Les déchets s'accumulaient dans les pharmacies et il fallait les éliminer rapidement.

Les spécificités géographiques ont elles aussi toute leur importance. Nous assurons des transports de Dasri en pirogue sur le Maroni. À La Réunion, pour le cirque de Mafate, nous procédons par hélicoptère, voire à pied.

Récemment encore, à Mayotte, certains villages étaient bloqués et les services de l'État ne nous ont pas permis d'accéder aux pharmacies de ces localités pour assurer la collecte.

N'oublions pas non plus les problématiques climatiques. Après le passage de la tempête Irma, il n'y avait plus une pharmacie debout à Saint-Martin. Nous avons dû repartir de zéro.

Nous avons travaillé avec les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) pour obtenir le gisement de références le plus précis possible. Nous avons mis dix ans pour obtenir des données par territoire. À présent, nous voulons disposer de données par habitant, afin d'affiner les actions à mettre en oeuvre.

Enfin, on nous a refusé la possibilité d'expérimenter outre-mer la séparation pour recyclage d'un nouveau type de dispositif médical, à savoir une petite pompe patch à insuline, fonctionnant à l'aide d'une carte électronique et de piles. Nous sommes aujourd'hui obligés de rapatrier ces dispositifs par avion, et c'est dommage. Cette activité est certes d'une ampleur modeste, mais, dans les Antilles comme dans l'océan Indien, elle permettrait d'éviter des transports vers l'Hexagone.

M. Stéphane Murignieux, président de l'Institut de la transition écologique des outre-mer . - Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de saluer chaleureusement nos partenaires représentants des éco-organismes. Vous avez devant vous les premiers de la classe : ce sont eux qui font le travail et je tiens à leur rendre hommage.

J'ai suivi l'ensemble de vos auditions et j'observe que beaucoup de points s'éclairent d'ores et déjà. Sur ce sujet, le Sénat est « à la manoeuvre », et je tiens aussi à saluer son action, notamment législative.

Le problème des déchets est non seulement esthétique, mais aussi sanitaire. Outre-mer, ces derniers sont des foyers de dengue, de chikungunya et d'autres maladies encore.

La gestion efficiente des déchets est donc une impérieuse nécessité, et elle va de pair avec l'économie circulaire. C'est à la fois un moyen de préserver la ressource et une formidable chance de création d'emplois, un relais de croissance pour nos territoires ultramarins.

À ce titre, la coopération régionale est nécessaire, tant dans l'océan Indien que dans la Caraïbe, mais nous nous heurtons à un problème majeur : celui du transport. Aujourd'hui, il est plus coûteux d'envoyer un conteneur de pneus usagés de Martinique en Guadeloupe que de Martinique en métropole.

J'insiste, la coopération régionale est la solution, qu'il s'agisse de la massification, de la gestion des transports ou du développement d'unités locales de recyclage, dont la technologie nous permet aujourd'hui d'abaisser le seuil, du moins pour certains déchets. En effet, tous les plastiques ne sont pas de même nature. À cet égard, je salue l'expérimentation menée par Adivalor au sujet des plastiques biodégradables, tant à La Réunion, dans les plantations d'ananas, qu'en Guadeloupe.

Je salue également la direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui, après douze jours de négociations avec nos partenaires européens, vient d'obtenir un accord pour l'aménagement de la convention de Bâle. Nous allons enfin pouvoir assouplir les règles encadrant le transport des déchets dangereux. C'était là un véritable problème dans l'océan Indien, pour ne pas dire un point de blocage, et ce, depuis de nombreuses années.

Évidemment, nous devrons aller vers des cahiers des charges adaptés et territorialisés, car les collectivités territoriales sont les mieux à même de porter un regard aiguisé sur ces dispositions. Dans cette perspective, les uns et les autres doivent continuer à travailler avec ces partenaires incontournables.

La plateforme interfilières, qui regroupe les éco-organismes, a déjà fait une partie du travail qui lui avait été confié. Le moment est venu d'aller plus loin dans le cadre de son second cahier des charges.

Nous avons nous aussi beaucoup de mal à obtenir des données relatives aux filières REP, du fait de la structure même du marché. En France métropolitaine, c'est possible, car nous disposons de producteurs. En revanche, outre-mer, nous ne disposons que de distributeurs. Or, suivant le choix du législateur, c'est le producteur, et non le distributeur, qui verse l'éco-contribution aux éco-organismes.

Ce constat nous conduit à une question structurelle : qui doit payer l'éco-contribution ? Par exemple, le grand export en est exonéré, du moins sur un certain nombre de produits.

Il s'agit là d'un sujet partenarial, car les éco-organismes opérationnels sont les premiers désireux d'y voir plus clair. Je ne reviendrai pas sur les éco-organismes financiers, comme Citeo, qui n'est pas encore un opérateur technique. Son travail consiste à financer les collectivités territoriales. Il intervient à titre subsidiaire dans le domaine de la recherche et du développement. Au reste, nombre de ses actions sont tout à fait intéressantes.

Par ailleurs, ce qui a été souligné s'agissant des jeunes filières est très instructif. Nous allons voir arriver de nombreuses autres filières : mégots, chewing-gums, etc.

Nous avons un problème structurel dans nos outre-mer : nous n'avons pas d'opérateurs efficients, ou nous en avons peu. Les bateaux de plaisance sont traités chez celui qui déjà a du mal à gérer les flux des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) et qui voit arriver nos flux de véhicules hors d'usage (VHU). Je ne sais pas comment l'on peut fonctionner ainsi. Il y a de grandes difficultés à faire traiter localement, et ce n'est pas en allant embouteiller les microstructures que l'on va pouvoir aller de l'avant. S'il doit y avoir de nouvelles filières, il faut aussi des investissements et de la création pure de structures de traitement. L'investissement sera la clé du traitement local : il faut en passer par là. Mais rassurez-vous : il existe des soutiens, des fonds de la région et de l'Europe.

Je voudrais évoquer le stock et le passif. Nous parlons des filières à venir. On va créer une filière pneus, une filière VHU. La filière DEEE fonctionne bien, de même que la filière de mobilier professionnel. On a réussi à purger le passif, c'est-à-dire tous ces déchets qui s'étaient accumulés et qui n'avaient pas été traités.

Nous le savons, il y a aujourd'hui de 10 000 à 12 000 VHU qui sont stockés, par exemple sur des terrains privés ou sous la végétation en Guyane, et qui n'ont pas été traités. Cela appelle un débat sur les dépôts sauvages et les déchets abandonnés. Il va falloir trouver un moyen de s'attaquer à ce passif.

Je vous soumets une idée. Dans la loi Agec, nous avons obtenu qu'il y ait une part budgétaire émanant des éco-organismes pour travailler sur la problématique des dépôts sauvages et des déchets abandonnés. Peut-on imaginer un fonds mutualisé de tous les éco-organismes pour traiter cela ensemble ? Il y a quatre familles de déchets abandonnés : des pneus, les VHU, certains DEEE et des déchets verts.

J'appelle les éco-organismes à faire des déplacements, à venir sur place - je salue ceux qui le font déjà régulièrement - et à ne pas attendre des années pour découvrir des situations qui leur ont échappé. J'ai voyagé avec certains responsables. Mais il y en a d'autres que l'on n'a jamais vus...

Avez-vous des administrateurs ultramarins dans vos conseils d'administration ? Comment sont-ils représentés ? Ne serait-il pas nécessaire qu'il y ait des représentants soit de la distribution ultramarine, soit des producteurs ultramarins ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, allez-vous organiser une autre table ronde, cette fois avec les représentants de la filière pneus, de la filière textile et de la filière mobilier ?

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Je tiens à remercier les intervenants pour la qualité de leurs exposés, qui montre la pertinence du sujet. Ils ont à la fois dressé un constat et évoqué des pistes.

La problématique des dépôts sauvages et des déchets abandonnés dans les territoires ultramarins est au coeur de nos préoccupations. Il s'agit d'articuler les questions d'environnement et de pollution des sols et de l'eau avec celles de santé, ainsi que - on l'oublie trop souvent - d'agriculture. Nous sommes à l'intersection de ces différentes thématiques. Nous devons avancer sur l'ensemble des sujets en même temps, afin de n'avoir aucun angle mort. Et il faut nous inscrire dans une perspective européenne.

Tous ces dossiers sont sur la table de l'Union européenne. La piste d'un fonds mutualisé, que vous avez évoquée, est intéressante. La collectivité nationale doit être au rendez-vous, mais il faut aussi une volonté européenne. Le rôle des échelons locaux, notamment départementaux, a été mis en lumière ce matin.

Les problèmes les plus prégnants qui ont été soulignés sont liés à l'insularité, voire à la double ou à la triple insularité. Le fait qu'il soit moins cher et plus pratique de faire envoyer des déchets vers l'Hexagone soulève des questionnements de fond.

Je précise à l'intention de nos différents intervenants que notre délégation est paritaire : elle se compose de sénateurs à la fois de l'Hexagone et des territoires ultramarins. Lorsque nous produisons des rapports, et il y a systématiquement un rapporteur élu de l'Hexagone qui y contribue. Cela permet de montrer que le territoire national n'est pas exclusivement continental ou métropolitain. Telle est la philosophie de la Délégation sénatoriale aux outre-mer.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Je remercie à mon tour les différents intervenants de la qualité de leurs propos. Ils ont souligné la nécessité d'innover dans les méthodes, de travailler main dans la main avec les collectivités. Pour recycler, il faut déjà faire du tri, et ce n'est pas toujours évident.

Il faut évidemment aborder le transport. Je m'étonne qu'il soit plus cher d'aller de la Martinique à la Guadeloupe que vers la métropole. Comment font les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ? Tout est acheminé à La Réunion, et cela ne pose pas de problème. C'est peut-être aussi parce qu'il s'agit d'un transport à taille humaine. Mais je pense que c'est possible.

Ne pourrait-on pas envisager une mutualisation, pour avoir des plateformes qui puissent travailler entre Mayotte et La Réunion ? Idem dans les Caraïbes. Ne peut-on imaginer, dans un souci de rentabilité, de créer des mains-d'oeuvre spécialisées sur nos territoires ?

Je m'étonne également de ce qui a été indiqué à propos des téléphones portables et des piles. Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'autorisation ?

Mme Nassimah Dindar . - Je salue le travail de nos deux rapporteures. Les questions que mes collègues ont posées rejoignent les miennes.

J'ai bien noté que la filière devait être assurée jusqu'au traitement final. Quasiment tous les intervenants ont fait allusion à la prégnance de la problématique de l'acheminement. Que pensez-vous de l'axe de la coopération régionale ?

À La Réunion, les citoyens envoient à titre privé des containers de pneus et de carcasses de voitures à Madagascar. Comment se fait-il que les éco-organismes n'arrivent pas à organiser cela d'un point de vue institutionnel ?

Le fait que le transport soit plus cher entre territoires ultramarins que d'un territoire ultramarin à la métropole pose une vraie question. Pourtant, il y a de fortes potentialités, par exemple dans l'océan Indien ; je reviens d'une visite avec des sénateurs dans la première usine textile française à Antsirabé (Madagascar).

Il faudrait que les élus et les services de l'État fassent preuve de bon sens en articulant l'action européenne et la coopération régionale, comme cela se fait dans les pays voisins.

M. Dominique Théophile . - Le groupe CMA-CGM vient d'annoncer ce matin la reprise du transport des déchets plastiques dans les outre-mer.

Les représentants d'Adivalor ont cité l'exemple de Saint-Barthélemy pour la valorisation énergétique des déchets plastiques. Savez-vous si d'autres projets ont été ou sont à l'étude dans les territoires d'outre-mer ?

Ma dernière question s'adresse au responsable de l'Association de plaisance éco-responsable (APER) : vous avez annoncé, en juin, l'ouverture d'un centre de construction de bateaux de plaisance en Martinique. C'est aujourd'hui la société Metal Dom, basée à Fort-de-France, qui en a la charge. Si mes informations sont bonnes, des candidatures sont également à l'étude en Guadeloupe et à Saint-Martin, où vous espériez ouvrir des centres avant la fin de l'année 2020, et des discussions sont engagées à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le blocage est-il dû à des raisons conjoncturelles liées à la crise sanitaire, ou y a-t-il un problème du côté des candidatures ?

Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente- . -

Lorsque j'étais présidente de la Communauté d'agglomération du Centre littoral de Guyane (CACL), mes services ont beaucoup travaillé sur la question des huiles usagées. Malgré notre collaboration avec l'Ademe - chaque année, plusieurs tonnes d'huile étaient collectées dans les six communes du territoire -, il reste encore beaucoup à faire.

Ma question s'adresse à André Zaffiro : quelles sont vos propositions pour structurer cette filière sur le territoire guyanais ? Les garagistes y sont de plus en nombreux, et les marchands ambulants déversent leurs huiles au pied des palmiers. Ce n'est pas normal...

M. Arnaud Humbert-Droz . - En réponse à Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, je souligne que l'Occitanie est également un territoire d'expérimentation pour Valdelia. En effet, nous souhaitons développer dans l'Hexagone des actions semblables à celles que nous réalisons dans les DROM-COM.

La question financière est importante. Elle revient continuellement lors de chacun de mes déplacements. Pour ce qui concerne Valdelia, la perception des éco-contributions dans les territoires ultra-marins s'élève globalement à 117 528 euros par an. En 2021, les dépenses représentaient environ 250 000 euros, dont 150 000 euros de coûts de collecte et de traitement, qui sont complétés par des frais de recherche et développement.

Comme d'autres éco-organismes, nous avons tenté en effet de mettre en place, depuis 2015, un dispositif de facilitation, qui consiste à s'appuyer sur des opérateurs locaux pour développer la collecte. La facilitation doit nous permettre d'accéder à des gisements que, toutefois - je le répète -, nous avons du mal à traiter.

Nassimah Dindar, sénatrice de La Réunion, me demandait pour quelle raison des opérateurs privés parvenaient, contrairement à nous, à transporter des déchets vers des territoires voisins comme Madagascar. C'est un véritable problème. Stéphane Murignieux nous apprend ce matin que la convention de Bâle sera aménagée. Tant mieux ! Un certain nombre de questions se posent néanmoins, en termes non seulement de réglementation, mais aussi de légalité de l'enlèvement et du traitement.

Le cas des véhicules hors d'usage, c'est-à-dire des produits ferreux et non ferreux, a été traité dans l'Hexagone. Nous pouvons nous poser la question de la valeur des produits transportés et de notre responsabilité. L'exemple de l'arc Caraïbes me semble plus intéressant. Il existe sur l'île de la Dominique un incinérateur qui pourrait intéresser la filière mobilier. Or, aux termes de la convention de Bâle, ce territoire ne nous est pas accessible.

Nous devons donc travailler sur notre capacité à proposer nos produits à des pays non-membres de l'Union européenne. La société Ecosystem indiquait souhaiter rapatrier ses produits vers l'Hexagone pour une meilleure gestion. Ce n'est pas notre souhait. Compte tenu des quantités à traiter, il est peu probable que nous puissions développer un dispositif de traitement. Or il en existe à proximité, au Québec, mais nous ne pouvons y accéder, car le Canada n'est pas membre de l'Union européenne.

La création d'un fonds global est-elle une bonne idée ? Ce n'est pas la question. L'interfilière, dont je deviens le représentant, a pour objectif de développer dans les trois prochaines années la coopération territoriale pour mettre en place des dispositifs plus performants. Ne parlons pas forcément d'argent. Les exemples que nous vous avons apportés démontrent que notre implication financière est importante, voire dépasse les perceptions dans les territoires. Nos sujets sont politiques et portent sur la planification à long terme.

Pour chacun des territoires, je pourrais vous donner un exemple concret des difficultés que nous rencontrons pour développer des dispositifs de traitement locaux. En Guadeloupe, un site de traitement du combustible solide de récupération (CSR) est attendu depuis cinq à dix ans. Or le problème énergétique y est important. Essayons de mailler la question énergétique et celle de la gestion des produits en fin de vie.

La Martinique, ensuite, fait face à un énorme problème de traitement. La fameuse troisième ligne qui doit arriver au Syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) n'arrive toujours pas. Cela fait dix ans que l'on en parle. D'autres structures ont été ouvertes, qui ne fonctionnent pas.

À La Réunion, une installation doit permettre de produire du CSR. Malheureusement, nous n'avons pas d'usine en capacité de consommer le CSR, si bien que l'opérateur continue à enfouir et, pis, monte un piton. C'est anecdotique, mais, entre parenthèses, cela coûte beaucoup plus cher à la collectivité.

Notre objectif commun doit donc être la planification à long terme et l'utilisation de la totalité des fonds, pas uniquement celui des éco-organismes.

M. André Zaffiro . - Je rappelle la jeunesse de notre éco-organisme, qui n'est agréé que depuis trois mois. Nous avons effectué plusieurs visites à La Réunion, une autre est programmée en Guadeloupe en juillet prochain, mais nous n'avons pas pu jusqu'ici nous rendre en Guyane.

À ma connaissance, deux opérateurs sont sur place, une filiale de E-Compagnie, basée à la Martinique, et une filiale de Veolia, qui se trouve en Guadeloupe. Ces collecteurs, qui poursuivront leur mission dans un futur proche, sont en cours d'adhésion à notre éco-organisme.

Notre investissement en Guyane comme dans l'ensemble des territoires est au moins égal à celui de l'Ademe auparavant, puisque nous consacrons plus de 50 euros par tonne à la communication envers les collectivités territoriales et que l'ensemble des moyens de collecte - hélicoptère, pirogue - sont maintenus dans les relations avec l'éco-organisme.

M. Guillaume Arnauld des Lions . - En réponse au sénateur Dominique Théophile, je confirme que le centre opérationnel de notre filière est aujourd'hui Metal Dom, qui traite des bateaux en Martinique depuis juillet 2020.

Les difficultés que nous rencontrons dans les discussions et les études que nous menons avec les autres territoires sont de trois ordres.

Premièrement, il est très difficile d'identifier et de mobiliser des opérateurs locaux qui soient capables de répondre au cahier des charges. En Guadeloupe, par exemple, aucun des deux dossiers présentés n'émane de sociétés spécialisées dans le traitement et le recyclage des déchets. Il s'agit d'entreprises du secteur nautique qui cherchent à se positionner sur cette activité, qui est très spécifique et très encadrée.

Deuxièmement, les modélisations économiques auxquelles se livrent ces entreprises aboutissent souvent à des coûts de traitement prohibitifs. Ainsi, le coût de traitement des bateaux en Martinique est actuellement trois fois supérieur au coût métropolitain, même si l'éco-organisme est prêt à l'assumer.

Enfin, troisième difficulté, une fois que les opérateurs sont identifiés et disposés à s'impliquer dans la filière, ils se heurtent aux délais d'obtention de la fameuse autorisation installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) particulière, qui retarde considérablement les choses.

Mme Laurence Bouret . - Madame la sénatrice, vous me demandez pourquoi nous n'avons pas obtenu l'autorisation de mener notre expérimentation. Le ministère de la santé nous l'a refusée du fait de la nécessité, pour les personnes impliquées, de séparer manuellement les piles des dispositifs médicaux. Ces piles sont utilisées à 15 % et remplacées tous les trois ou quatre jours, alors qu'elles sont quasiment neuves. Nous avions objecté que les patients procédaient déjà eux-mêmes à cette opération, et il nous semblait pertinent de la mener dans un cadre plus structuré, mais nous n'avons pas été entendus.

Mme Jocelyne Guidez . - Personne ne parle des sargasses. Considérez-vous, comme moi, qu'elles constituent des déchets ? Autrefois, on les étalait sur des terrains que les paysans mettaient spécialement à disposition. Aujourd'hui, on les enfouit dans le sable, si bien que les plages sont envahies de monticules de sargasses qui dégagent une odeur insupportable. Que faites-vous des sargasses et avez-vous l'intention de les traiter ?

M. Arnaud Humbert-Droz . - Malheureusement, les sargasses, qui sont des déchets verts, ne sont pas concernées par un dispositif REP. Il y a toutefois des actions à mener conjointement. J'insiste de nouveau sur la nécessité d'une planification territoriale de moyen et long terme, ainsi que sur l'implication de l'Europe pour nous permettre de développer des dispositifs locaux pertinents.

Mme Chloé Brumel-Jouan . - Je n'ai aucune idée du pouvoir méthanogène des sargasses, mais il existe de nombreuses pistes de méthanisation des biodéchets qui permettent d'alimenter les réseaux des concessionnaires gaziers ou de produire du gaz vert.

Aujourd'hui, nous sommes en capacité de vous indiquer le montant des éco-contributions payées par les metteurs en marché dits « producteurs outre-mer ». Cela ne veut pas dire que les tonnages en question sont restés sur le territoire : ils ont pu être exportés et on ne peut pas non plus obtenir, sans l'aide des douanes, un cumul des importations.

Néanmoins ces producteurs ont éco-contribué, en 2020, à hauteur de 1,5 million d'euros environ, c'est-à-dire un dixième de ce que nous dépensons chaque année dans les territoires outre-mer. En effet, pour cette même année 2020, la partie collecte et traitement de toute la filière, hors transport maritime, représente 12,5 millions d'euros. En d'autres termes, ce qui est mis en oeuvre dans les outre-mer est l'équivalent de dix années d'éco-contribution. Dans ces conditions, heureusement que nous procédons à une sorte de péréquation, que nous assurons une continuité de service et qu'on ne raisonne pas sur la seule base de l'éco-contribution fléchée des producteurs locaux, mais sur la base du service rendu à l'ensemble.

Enfin, je doute que les conteneurs à destination de Madagascar qui ont été évoqués soient fléchés avec des codes déchets. Ils relèvent probablement de ce que nous assimilons à la filière illégale. La prédation sur les déchets d'équipement électriques et électroniques (DEEE), qui contiennent des terres rares, des métaux précieux ou simplement de la ferraille, est très importante. Le fait que des opérateurs privés réussissent à envoyer des conteneurs à Madagascar nous inquiète beaucoup. Nous luttons avec vigueur contre les filières illégales, notre objectif premier étant de dépolluer et de traiter. C'est pour ces raisons que les très faibles tonnages de Saint-Pierre-et-Miquelon reviennent en métropole pour être traités.

M. Alexis Blanc . - Dans les territoires insulaires, il semble simple, de prime abord, de récupérer et de traiter sur place l'ensemble des déchets : soit ces déchets reviennent dans les filières, soit ils vont dans les décharges, soit ils restent chez l'habitant. Pourtant, l'étude que nous menons actuellement sur le gisement de La Réunion montre que la moitié seulement des produits de la filière DEEE mis sur le marché sont collectés et recyclés. Il reste donc beaucoup à faire.

Surtout, nous constatons effectivement des exportations illégales. Recherchés pour leur valeur financière, les déchets DEEE sont avant tout dangereux pour la santé humaine comme pour l'environnement. Afin de combattre les exportations illégales, une réflexion doit être menée avec les services douaniers en vue de resserrer les contrôles. Nous avons le devoir éthique de faire en sorte que les déchets envoyés vers Madagascar n'y arrivent pas, tant ils y sont traités dans des conditions insupportables.

J'ajouterai qu'il existe, dans chaque territoire ultramarin, des sites de traitement illégaux qui ne sont pas référencés au sein de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) par une installation ICPE. Or le traitement qui y est réalisé échappe complètement à la réglementation. Il constitue un danger pour l'environnement, pour le personnel qui y travaille, mais aussi pour les filières, puisque les déchets sont ensuite exportés en Afrique ou en Asie. L'État doit mettre à la disposition des DEAL et des services des douanes les moyens nécessaires pour mieux contrôler ces filières illégales.

Les départements d'outre-mer ont un besoin impérieux de coopération. C'est pour maximiser les volumes, mais aussi favoriser l'emploi local, que nous faisons ainsi traiter les déchets de Mayotte à La Réunion, ceux de Guyane et de Martinique à la Guadeloupe. Cependant, le transport maritime est problématique. Ainsi, à Mayotte, où les importations dépassent de très loin les exportations, les ports sont remplis de conteneurs vides. Nous en arrivons à cette situation ubuesque où des compagnies maritimes refusent, pour des raisons financières, de transporter des déchets.

Le besoin d'établir des lignes maritimes à coûts maîtrisés entre les différents territoires est patent. Il est tout de même incroyable de devoir envoyer les déchets produits à Mayotte vers la métropole, faute de pouvoir les expédier à La Réunion. De la même façon, il arrive que l'on renvoie dans l'Hexagone des déchets de Guyane destinés initialement à la Guadeloupe...

Je reviendrai, pour terminer, sur le manque d'infrastructures des opérateurs locaux. Ces derniers se heurtent au coût très élevé du foncier dans les outre-mer. Vous savez la difficulté de trouver des terrains. Compte tenu des faibles tonnages, les retours sur investissement sont très faibles pour les opérateurs, qui préfèrent ne pas investir, d'où le manque d'installations respectant la réglementation.

C'est la raison pour laquelle nous travaillons, à La Réunion, avec le syndicat intercommunal de gestion des déchets, au regroupement des éco-organismes au sein d'une plateforme multifilière en vue de créer ces infrastructures. Si nous ne mettons pas les moyens nécessaires pour les créer, les opérateurs locaux ne le feront pas. L'idée est qu'ils exploitent ensuite ces installations pour traiter les déchets.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente. - Puis-je savoir si l'un des organismes ici présents s'occupe, en Guyane, des pièces anatomiques d'origine humaine (PAOH) ?

Mme Laurence Bouret . - Ces déchets font partie de ceux qui ne sont pas soumis au principe de la responsabilité élargie du producteur (REP). Ils sont gérés par l'hôpital lui-même et, souvent, sont rapportés dans l'Hexagone - ce fut le cas, avec l'aide des militaires, pour les déchets de Saint-Pierre-et-Miquelon -, faute d'installations permettant de les traiter localement.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente . - Il fut un temps où on les enterrait dans les cimetières...

Mme Laurence Bouret . - Ces déchets peuvent être également incinérés. Cela dépend des territoires, de leurs coutumes et pratiques religieuses.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente . - En Guyane, la majorité de la population est catholique. Quand les gens apprennent qu'on enterre des boîtes contenant des PAOH, vous imaginez que les maires ont du souci à se faire...

Mme Nassimah Dindar . - Je suis totalement favorable au renforcement de la lutte contre le transport illégal de déchets, mais moins convaincue que cela passe par un renforcement des moyens de contrôle.

Peut-on lutter contre la survie humaine ? On peut consacrer 70 millions d'euros à la surveillance de nos côtes ou au rapatriement des Comoriens qui débarquent à Mayotte. Mais nous n'empêcherons jamais les 30 millions de Malgaches de vouloir trouver les moyens de survivre et de nourrir leurs enfants. Il n'est pas étonnant, dès lors, que des conteneurs privés de matières premières soient expédiés vers Madagascar. L'île devient un dépotoir où se développent des maladies émergentes que nous devrons affronter plus tard.

Qu'on le veuille ou non, ces îles de l'océan Indien ont un destin commun. Quelles que soient les réglementations, les vies des Malgaches, des Réunionnais, des Mahorais, des Comoriens et des Mauriciens sont liées. La coopération régionale, au sens le plus large du terme, doit être pensée de manière quasiment holistique.

M. Stéphane Artano. - Merci d'avoir assuré la présidence de cette réunion, à laquelle j'ai participé à distance. Je salue la qualité des échanges intervenus : j'ai beaucoup appris ! N'hésitez pas à nous renvoyer le questionnaire que nous vous avions adressé. La semaine prochaine, notre mission d'information ira à Mayotte et à La Réunion pour une visite de terrain. Mardi, le Sénat accueillera une délégation de l'Assemblée des maires de France, qui va constituer une délégation outre-mer.

M. Stéphane Murignieux . - Nous n'avons pas évoqué les futures REP, en particulier celle qui concerne les PMCB (produits matériaux construction pour le secteur du bâtiment). Nous devons tirer les leçons du passé pour aller vers une REP opérationnelle et efficace, avec des cahiers des charges vraiment adaptés à nos territoires ultramarins, car la PMCB concernera des volumes considérables.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente . - Merci à tous.

Mardi 12 juillet 2022

Table ronde Guyane

M. Stéphane Artano, président . - Nous poursuivons nos travaux sur la gestion des déchets dans les territoires ultramarins avec une table ronde consacrée à la situation en Guyane. En réponse au questionnaire écrit envoyé par nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, la collectivité territoriale de Guyane a déjà fourni beaucoup d'éléments. Je tiens à remercier ses représentants et à saluer leur travail. La présente audition doit permettre de mettre en avant les priorités dans ce territoire si spécifique. Merci à tous pour votre participation et votre engagement car les défis sont évidemment immenses.

Mme Sherly Alcin, conseillère territoriale, en charge du climat et de l'éducation à l'environnement . - Le plan régional de prévention et de gestion des déchets de la Guyane qui doit voir le jour est en cours d'élaboration. Les enjeux sont criants : chaque habitant produit annuellement 467 kilos de déchets, et notre gisement de déchets est évalué à environ 220 000 tonnes. En l'absence de système de pesée, ces estimations sont aléatoires.

A ce stade, nous souhaitons mettre l'accent sur les véhicules hors d'usage (VHU), et notamment sur des procédures d'appel à manifestation d'intérêt pour des projets de centres de traitement de ce type de déchets. Sur notre territoire, nous n'avons que deux déchetteries. Notre territoire est directement impacté par les dépôts sauvages, les décharges dangereuses et autres décharges illégales.

La CTG est engagée en tant qu'autorité de tutelle s'agissant des fonds européens, et des centres de tri qui doivent être créés pour amorcer le tournant dans la dynamique d'aménagement de notre territoire lequel constitue une partie du poumon de la planète avec, l'Amazonie.

Pour plus de développements techniques, je cède la parole à Monsieur Labarthe.

M. Laurent Labarthe, directeur général adjoint, en charge du pôle aménagement, transports et développement durable des territoires de la collectivité territoriale de Guyane . - Comme l'a indiqué Sherly Alcin, la Guyane élabore actuellement son plan régional de prévention et de gestion des déchets. Elle se dote enfin d'un outil qui réalise un diagnostic récent de la problématique des déchets à l'échelle de l'ensemble du territoire.

Notre vaste territoire se heurte à des problématiques de transport dans l'acheminement des déchets. En outre, sa population n'est pas entièrement desservie par les services publics, ce qui fait que tous les volumes de déchets ne sont pas enregistrés.

Nous avons un retard structurel, puisqu'il n'y a que deux déchetteries, ce qui ne permet pas aux éco-organismes d'intervenir comme ils le devraient - en tout cas, ils se retranchent derrière cet argument pour ne pas intervenir sur l'ensemble des déchets et surtout sur l'ensemble du territoire, notamment les communes de l'intérieur, 7 communes sur 22 n'étant pas accessibles par la route.

Nos besoins financiers sont très importants, puisque le PGTD estime à près de 400 millions d'euros tout compris les besoins en matière de stockage, notamment avec les problématiques des décharges sauvages sur le Maroni et l'Oyapock, mais aussi concernant la valorisation, avec un projet d'unité de valorisation énergétique sur le territoire de la Communauté d'agglomération du centre littoral (CACL).

Nous avons également des besoins en ingénierie dans les communes et les EPCI, et même dans les services de l'État qui n'ont pas toujours le personnel pour effectuer une police de l'environnement aussi prégnante qu'on le souhaiterait, ce qui a pour résultat le développement de décharges sauvages.

Concernant la création de nouvelles unités, nous avons une problématique de foncier qui peut surprendre compte tenu de la taille de la Guyane, mais qui constitue une réalité parce qu'on ne peut pas construire dans une forêt primaire, ou dans des savanes. Nous avons un réel besoin de foncier pour créer ces nouvelles unités de traitement et de valorisation des déchets.

Mme Sophie Charles, présidente de la communauté de communes de l'Ouest guyanais . - La communauté de communes de l'ouest guyanais (CCOG) représente une superficie de 40 000 kilomètres carrés et comprend un certain nombre de communes totalement enclavées, c'est-à-dire non reliées par la route : soit au total, huit communes, dont quatre littorales et quatre non reliées par la route. La collecte des déchets est donc extrêmement problématique.

Il y a plusieurs sujets. D'abord, il y a un déficit d'infrastructures. Le problème n'est pas un problème de réhabilitation mais de non-réalisation d'un certain nombre d'entre elles. Il faut des financements par les fonds européens, et que ceux-ci soient sanctuarisés. Aujourd'hui, on nous demande d'améliorer ce qui n'existe pas !

Par ailleurs, au niveau de l'Etat, les agents sont davantage axés sur le contrôle plutôt que sur l'aide des collectivités, et en particulier s'agissant de la CCOG. Le plan d' «urgence» en faveur du Maroni date de 2011 et nous en sommes à peine, en 2022, à sa réception !

Notre territoire a des difficultés spécifiques, à la fois physiques, d'enclavement, mais aussi financières, car collecter les déchets d'une commune littorale reliée par la route, n'a rien à voir avec le fait de collecter sur un périmètre de plusieurs centaines de kilomètres. Le territoire de la Guyane est très étendu, et dans les zones qui ne sont pas répertoriées comme zones urbanisées, les dépôts sauvages se multiplient.

S'ajoute à cela une faiblesse de la fiscalité puisque la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) collectée sur le territoire de la CCOG ne couvre que 25 % du coût de la compétence, ce qui est extrêmement préjudiciable. En effet, la TEOM est basée sur la valeur locative associée à la taxe foncière. Or, la valeur locative dans les communes de la CCOG, notamment celles qui sont proches du fleuve ou dans les communes enclavées, est extrêmement faible. Cette fiscalité rapporte donc très peu et nous devons supporter directement 75 % du coût de la compétence avec nos fonds dédiés au fonctionnement. Cette situation n'est pas tenable : au fur et à mesure que se développe la collecte de déchets, la compétence coûte de plus en plus cher et la TEOM n'augmente pas. Il est primordial que nous puissions bénéficier soit d'une subvention d'équilibre, soit d'une partie de la péréquation spécifiquement dédiée aux déchets, de manière à ce que l'on ne puisse pas nous opposer : « on a augmenté la péréquation pour l'intercommunalité et puis ça suffit ».

S'agissant de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), la Guyane et Mayotte bénéficient aujourd'hui d'un régime dérogatoire. Il est vital que ce régime puisse être prolongé de quinze ans, ce qui correspond à la durée des investissements à réaliser pour mettre à niveau nos infrastructures de collecte et de traitement des déchets.

Par ailleurs, les modalités de paiement de la TGAP ont changé. Auparavant, nous payions la TGAP annuellement. Aujourd'hui, on nous demande un acompte sur la TGAP de l'année suivante, ce qui fait que sur une année, on paye l'année en cours, plus l'acompte de l'année suivante. Or, normalement, dans les collectivités, nous payons sur service fait, et j'ai du mal à comprendre cette logique du paiement de la TGAP.

S'agissant de l'aide financière aux investissements, le programme opérationnel est nettement sous-dimensionné, et ne prévoit que 10 millions d'euros pour toute la Guyane sur les projets liés à la gestion des déchets. La simple mise à niveau de la CCOG nécessite 56 millions d'euros d'investissement. On fait avec ce qu'on a, mais on ne pourra pas faire avec ce qu'on n'a pas !

Nous avons en outre des difficultés de recrutement en ingénierie très prégnantes en Guyane, en raison notamment du manque d'attractivité du territoire.

Autre point, la coopération régionale avec le Surinam dont nous partageons la frontière et qui ne possède pas les même normes que nous. Nous récupérons des plastiques et nombre de déchets qui viennent de l'extérieur, car les gens traversent le bassin de vie du Maroni qui est un lieu de commerce. Un travail particulier de coopération internationale serait donc nécessaire pour traiter la question des déchets de part et d'autre.

Concernant les éco-organismes , c'est facile de dire : « on ne peut pas faire parce qu'on n'a pas les structures ». Citeo récupère une part du tri. Aujourd'hui, la tonne de tri coûte 6 520 euros à la CCOG, et la tonne de tri collectée par Citeo ne correspond qu'à 1,5 % du total de ce qu'on aurait à traiter, soit une partie infinitésimale par rapport à la gestion globale, et le coût est extrêmement élevé, parce que je rappelle que ces déchets qui sont collectées repartent en métropole par le bateau. Il y a une réglementation à revoir, parce qu'on ne peut pas collecter des déchets pour les ramener dans l'Hexagone avec l'impact carbone que cela implique. Les bouteilles d'eau et les canettes viennent de l'Hexagone et repartent vides dans l'Hexagone ! Je rappelle qu'on ne collecte pas le papier, on ne collecte que le verre, les canettes et le plastique.

Tout ce qui concerne le tri et l'économie circulaire n'est à mon avis pas du tout opérationnel. On peut peut-être tout simplement, quand les choses ne sont pas en place, obliger les grandes enseignes qui vendent de l'électroménager à récupérer l'électroménager avant de revendre du neuf. Pour l'électroménager qui vient du Surinam, nous ne pourrons pas faire grand chose.

Nous envisageons également de recruter une personne dédiée à l'économie circulaire, parce que c'est une stratégie qui, à mon sens, a un avenir.

M. François Ringuet, président de la communauté de communes des savanes (CCDS) . - J'ai écouté attentivement la présentation de notre collègue Sophie Charles dont je rejoins à 100 % les propos. Elle a parfaitement résumé la situation. J'ai l'impression que, sur un certain nombre de sujets, nous tournons malheureusement en rond. Je laisse donc la parole à la directrice des déchets qui vous donnera quelques chiffres.

Mme Aurélie Billard, directrice des déchets, communauté de communes des savanes (CCDS) . - La communauté de communes des savanes (CCDS) comprend 4 communes sur environ 12 000 kilomètres carrés. S'agissant du coût de gestion des déchets, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères permet de couvrir à peu près 58 % du coût de la gestion des déchets, le reste étant assuré par le budget général de la collectivité. Nous bénéficiions auparavant d'une TGAP réduite, mais depuis cette année, malheureusement, elle augmente progressivement. Comme le disait Sylvie Charles, au fil des années, nos capacités d'investissement mais aussi de fonctionnement s'en trouvent fragilisées, au moment même où nous entamons une dynamique de rattrapage structurel. La TGAP représente pour nous une vraie problématique dans la mesure où ses paramètres sont déterminés pour l'Hexagone et ne tiennent pas compte des spécificités de notre territoire. Nous espérons donc fortement qu'une réflexion sera menée pour prolonger la dérogation de notre TGAP et nous permettre de poursuivre notre rattrapage, car nous avons entrepris un certain nombre d'infrastructures et serions fortement pénalisés par un retour à une TGAP classique. En effet, d'ici 5 ans, une fois que la TGAP sera à son taux maximum, elle représentera 50 % du coût actuel de gestion des déchets, ce qui est loin d'être négligeable.

Nous sommes aidés financièrement par l'Ademe et le Feder à hauteur de 70 %, mais aujourd'hui les régimes d'aide tendent à être orientés sur une dynamique nationale d'économie circulaire qui ne correspond pas à nos besoins : nous avons notamment deux sites de traitement des déchets à réhabiliter et, malheureusement, aucun régime d'aide n'est prévu. Faute d'accompagnement de l'État ou de l'Ademe, le coût à supporter par la collectivité s'élève à 3 millions d'euros.

Concernant la capacité des filières REP, il y a une évolution depuis quelques années dans la prise en charge des flux par les éco-organismes. Une part significative des emballages demeure dans nos poubelles, ce qui fait que la gestion est toujours assurée par la collectivité. La question se pose donc de la récupération éventuelle des éco-contributions par la collectivité qui assure de fait ce service de gestion des déchets. Comment ventiler ces éco-contributions ? Comment faire en sorte que les éco-organismes augmentent leur participation ? Certaines filières sont en effet conditionnées à la mise en place de déchetteries. Nous sommes en plein rattrapage mais en attendant, nous devons trouver des leviers financiers pour assumer le coût de la gestion des déchets et, comme le soulignait la présidente de la CCOG, aujourd'hui, seule une personne sur sept contribue à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Dans les quartiers informels, une part grandissante de la population n'est pas imposable mais elle consomme du service et nous devons maintenir le même niveau de services.

En ce qui concerne la gouvernance (et la coopération), nous sommes structurés en EPCI mais, comme le prévoit le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), il est nécessaire que nous puissions travailler avec les syndicats de traitement des déchets pour aider les collectivités à se structurer sur le volet traitement et, de plus en plus, sur le volet valorisation énergétique.

Concernant le volet réglementaire, dans la pyramide de hiérarchisation des modes de traitement, il y a d'abord la prévention, la « valorisation matière », puis la valorisation énergétique et le stockage, et la modulation de la TGAP tient compte de cette hiérarchisation. Or, chez nous, la valorisation énergétique prend le pas sur la « valorisation matière », qu'il n'est pas toujours possible de mettre en oeuvre immédiatement. Il faudrait donc réfléchir à cette particularité de notre territoire pour que la valorisation énergétique soit mieux ou aussi bien considérée que la valorisation matière dans le calcul de la TGAP, même de façon progressive et provisoire.

Enfin, concernant la coopération, il y avait des régimes des aides, notamment d'aide au fret, qu'il faudrait sans doute poursuivre aussi bien au niveau des Antilles que de la métropole, mais aussi, vice-versa, pour soutenir le développement de filières de traitement des déchets sur notre territoire.

M. Stéphane Artano, président . - Je vous remercie pour la qualité de ces interventions et remarque d'ores et déjà une problématique récurrente dans vos interventions s'agissant des éco-organismes, c'est assez frappant et intéressant à noter.

Mme Mylène Mazia, directrice de cabinet, communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) . - Le président de la communauté d'agglomération du centre littoral (CACL), Serge Smock, vous prie de l'excuser de ne pouvoir être présent avec nous aujourd'hui, et me charge de participer à cette table ronde afin d'apporter notre contribution.

Alain Cyrille, directeur de l'hydraulique et de l'environnement va vous rendre compte de nos actions sur cette thématique.

M. Alain Cyrille, directeur de l'hydraulique et de l'environnement, communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) . - Les évolutions démographiques et les mutations de l'aménagement du territoire en Guyane induisent de fortes responsabilités, dont certaines sortent très clairement du champ de compétences de nos collectivités locales et des EPCI, en particulier les questions cruciales liées à la TEOM et à la TGAP.

Le budget pour la gestion des collectes de la CACL représente 15 millions d'euros, et, dans les prochaines années, il se trouvera certainement en déséquilibre sans ajustement, soit via un élargissement de l'assiette fiscale, soit via une augmentation du taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

S'agissant de la gouvernance, les interactions entre les acteurs du territoire sont primordiales mais elles sont insuffisantes compte tenu de nos responsabilités respectives et de nos charges opérationnelles. Un certain nombre de difficultés proviennent notamment de ce que de nombreux quartiers informels échappent largement à la compétence de nos collectivités. Il est primordial que des coordinations soient mises en oeuvre, soit dans le cadre de conventions de soutien financier, soit dans le cadre de conventions opérationnelles. En effet, les collaborations actuelles entre la CACL et la CCDS trouvent leurs limites lorsqu'il s'agit de la gestion des dépôts sauvages ou de la question de la salubrité publique.

S'agissant des ressources fiscales, Aurélie Billard l'a souligné, la question de la TGAP est cruciale : nous bénéficions encore d'un abattement de 75 %, et une valeur nominale normale de la TGAP serait catastrophique pour nos territoires. Nous avons besoin d'une bonne attractivité économique et financière, sans laquelle des débordements sont à prévoir, notamment le développement de décharges sauvages. Nous avons réussi ces dernières années à les contenir, avec d'importants efforts de nos collectivités, notamment une augmentation très forte des collectes dédiées.

Les autres aides financières, notamment en faveur de l'investissement, sont largement insuffisantes. Les besoins d'équipement du territoire suivent l'évolution démographique et sont grandissants, mais les assiettes fiscales ne nous permettent pas d'avoir des ressources financières fortement dédiées à l'investissement. Qu'elles proviennent de fonds européens, de l'Etat, notamment via l'Ademe, ou encore de prêts aidés, les aides ne sont pas à la hauteur des ambitions du territoire et des efforts à mener pour assurer une bonne gestion des déchets.

S'agissant des capacités d'ingénierie, là encore, nous militons pour obtenir une forme d'ingénierie partagée avec nos collègues des EPCI mais aussi avec les services de l'État et de l'Ademe. Il nous paraît important de nous diriger vers une ingénierie partagée pour gagner en efficacité, mieux structurer les services et les prestations relatifs aux déchets en Guyane. Il y a 10 ans, nous n'avions pas moins d'une demi-douzaine d'opérateurs de collecte des déchets, aujourd'hui ces opérateurs sont réduits à trois/trois et demi, et ce, en comptant de tout petits opérateurs. Le dynamisme de la filière a été fortement réduit et dans ce contexte,il me semble important de retrouver du partage, de la réflexion et de la concertation entre nous, acteurs des déchets.

M. Georges Elfort, président, communauté de communes de l'Est guyanais (CCEG) . - Je regrette que vous ne soyez pas venus vous rendre compte sur place de la façon dont le territoire est composé. La communauté de communes de l'est guyanais (CCEG) s'étend sur vingt-cinq mille km² et comporte quatre communes : deux d'entre elles sont reliées par la route, les deux autres sont uniquement reliées par le fleuve. Sophie Charles a à peu près tout dit sur nos problématiques : nous avons deux communes enclavées distantes de cent kilomètres et 75 % de nos capacités financières sont affectées aux déchets, ce qui est très compliqué à gérer.

Nous avons une commune de 30 à 35 000 habitants qui est frontalière avec le Brésil. Le tourisme engendre de nombreux déchets qui finissent soit à même le sol, soit dans les bacs poubelles de la communauté de commune de Saint-Georges d'Oyapock.

Nous avions lancé une étude sur l'implantation de nouvelles installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) qui a abouti, mais l'État, ou plutôt l'ONF, qui a plus de pouvoirs qu'un maire dans sa commune, a refusé le lieu qui a été choisi sur place. Nous sommes donc obligés de transporter nos déchets jusqu'au centre de Cayenne, ce qui coûte extrêmement cher.

J'ai parcouru vos questions, tout cela me semble très bien, mais nous en sommes au démarrage, et sans argent nous ne pourrons rien faire. La loi est très avancée, mais elle est faite pour la France hexagonale, et ne tient pas compte de notre retard structurel. Si nous ne le comblons pas, nous ne pourrons jamais le rattraper. Nous ne pouvons compter sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), puisque notre population n'est pas nombreuse. Dans ces conditions, comment envisager un rattrapage, alors même que nous rencontrons plus de difficultés que l'Hexagone pour effectuer le ramassage des déchets ?

On fera ce qu'on peut, on gère la pénurie, mais on ne pourra jamais faire une vraie politique de ramassage et d'élimination des déchets avec les fonds dont nous disposons. En réalité, il faudrait un véritable plan Marshall en Guyane, qui aille au delà des déchets, d'ailleurs. Mais je laisse la parole à mon responsable qui va expliquer les difficultés qu'il rencontre.

M. Kevin William, chargé de mission déchets et environnement, communauté de communes de l'est guyanais (CCEG) . - Je rebondirai sur les différents niveaux d'évolution entre les collectivités de Guyane et celles de l'Hexagone. C'est particulièrement le cas de la CCEG, qui se trouve dans une étape de structuration. La politique environnementale qui est appliquée à la France hexagonale doit être appliquée également en Guyane, mais la CCEG n'a ni d'installations de stockage, ni de déchetteries : il lui est donc difficile de mener correctement une politique de réduction des déchets.

Mon président a insisté sur les distances à parcourir et a évoqué l'ISDND. Nous avions obtenu des fonds pour ce dossier mais l'étude a défini un lieu qui se trouvait sur le domaine forestier permanent de l'État. On nous a demandé de rechercher un nouveau site, mais cela suppose de chercher à nouveau des fonds. On a reporté l'effort sur le littoral, mais cela engendre un surcoût sur le marché de collecte et de transfert qui, à son tour, met à mal les finances de la CCEG et touche également ses autres activités, le développement économique notamment. On pourrait ici proposer des solutions compensatoires, comme par exemple une compensation de ce surcoût à la hauteur du transfert effectué, ou simplement la levée des blocages qui permettrait à la CCEG de construire son ISDND.

J'ajoute que la TEOM ne couvre que 15 % des coûts de gestion des déchets, et qu'il faut prendre en compte le cas de la commune de Camopi où aucune TEOM n'est prélevé, bien que le même service doive y être rendu. Comme le foncier appartient à l'État, nous réfléchissons à une compensation de la non-participation de Camopi à la TEOM.

Mme Anar Valimahamed, chargée de projet "Sentinelles de la nature", Guyane Nature Environnement . - Guyane Nature Environnement (GNE) est une association loi 1901 agréée de protection de la nature et de l'environnement. C'est une fédération de trois associations : Kwata, Sepanguy et Gepog. Notre rôle est d'exercer une veille environnementale, de participer au débat public, et, le cas échéant, d'agir en justice en cas d'atteinte aux missions statutaires. GNE fait également partie du réseau d'associations France Nature Environnement, qui a été auditionné par votre délégation en juin lors de la table ronde « ONG et gestion des déchets dans les outre-mer ».

Au début de l'année 2022, nous avons lancé l'outil « Sentinelles de la nature » en Guyane. C'est un outil participatif qui, via un site internet et une application smartphone, permet à chaque citoyen d'alerter sur les dégradations environnementales et de partager les initiatives positives sur le territoire. A ce jour, nous avons reçu 215 signalements dont plus de 70 % concernent les déchets, avec deux catégories principales : les dépôts de déchets sauvages et les véhicules hors d'usage. La préoccupation majeure des citoyens ne fait aucun doute.

« Sentinelles de la nature » rassemble ainsi des informations qui peuvent être mises à disposition de tous les acteurs sur le territoire et qui sont également visibles sur une cartographie publique.

La Guyane fait face à plusieurs défis et le PRGPD, qui est en cours de consultation, essaie de répondre à plusieurs sujets. Nous aimerions attirer votre attention sur quelques points.

S'agissant de la réglementation en vigueur, il nous paraît primordial de poser la question de l'adaptation de la réglementation nationale, mais aussi celle de son application. La sensibilisation et la prévention sont très importants, ainsi que le contrôle : on voit par exemple que la réglementation sur le plastique à usage unique est très partiellement appliquée sur le territoire, et on aimerait soulever la question des leviers, ressources humaines et financières, pour accompagner l'application de cette réglementation.

Concernant le mode de gouvernance, on observe un certain flou qui est dû notamment à la diversité des cas de figure : beaucoup de dépôts sauvages sont liés à des problèmes de dimensionnement des points de collecte, des infrastructures de collecte et de traitement, mais il y a aussi des dépôts plus importants qui relèvent plutôt de la responsabilité des mairies, qui, elles, manquent cruellement de moyens. Le lien entre les acteurs existe mais l'action concrète est assez difficile.

Sur « Sentinelle de la nature » on constate notamment des dépôts récurrents qui sont ramassés par les communautés de communes, en plus de leur collecte, auxquels s'ajoute un important stock historique à résorber.

Plusieurs options sont envisageables : prévoir une enveloppe spécifique pour les dépôts, et même pour les dépôts sauvages, pour chaque communauté de commune ; appuyer les mairies pour créer un service environnement qui ait une application concrète et bien sûr impliquer les éco-organismes.

Autre point d'attention, de nombreux dépôts sauvages sont retrouvés dans les espaces naturels. On retrouve sur les plages des dépôts un peu diffus venant des usagers, mais aussi des rejets de la mer et des dépôts en lien avec la pêche en mer, et même des batteries. Il y a aussi beaucoup de dépôts sauvages dans les criques. Pour pallier à ces dépôts récurrents, les associations font un travail de ramassage de déchets sur ces zones, mais il est temps d'essayer de faire quelque chose de pérenne et régulier pour éviter que ces dépôts ne persistent dans des espaces remarquables.

Il y aurait beaucoup à dire sur la chaîne de traitement et je répondrai sur ce point dans ma réponse au questionnaire.

Pour nous, il est important d'avoir des modes d'action visibles et clairs pour chaque type de déchets, ainsi que des solutions alternatives en attendant la mise en conformité des structures. On comprend bien qu'il y a un manque de financement, qu'il faut du temps pour mettre en place les structures, mais il faut des solutions d'attente. Lors d'un échange avec la collectivité territoriale de Guyane, on avait évoqué la possibilité de mettre en place des déchetteries mobiles : ce genre de solution nous donnerait un exutoire clair et rapide en attendant que le retard structurel soit comblé.

Les véhicules hors d'usage représentent 30 % de nos signalements. On travaille avec les polices municipales, avec un éco-organisme, l'association pour le recyclage des déchets automobiles en Guyane (ARDAG), (et c'est très long, il y a encore énormément de travail. La prime au retour permettrait peut-être d'éviter l'abandon des VHU mais il faudrait vraiment faire un lien entre cette prime et la distance à parcourir pour accéder au seul centre agréé du territoire qui se trouve à Kourou.

Par ailleurs, il n'existe pas de solution pour certains types de déchets, par exemple les poids lourds. On nous signale parfois des bus ou des tracteurs hors d'usage, mais il n'existe aucune structure pour les accueillir.

Pour conclure, les éléments incitatifs et de prévention nous paraissent primordiaux. Les acteurs lancent de nombreuses initiatives intéressantes et le travail avec les associations montre que la population est motivée dans l'application des solutions existantes. Le souci est de pérenniser ces solutions. Les associations sont à votre disposition pour travailler avec vous : n'hésitez pas à revenir vers nous, et bien sûr l'outil « Sentinelles de la nature » vous donnera des informations sur les différents territoires.

Mme Muriel Degobert, ingénieur économie circulaire, Ademe Guyane . - Je représente l'Ademe Guyane, et tiens à excuser l'absence de Mme Hermiteau, actuellement en déplacement sur la commune de Camopi. Trois points sont à souligner : les filières REP, la gouvernance, et le financement.

Concernant les filières REP, le problème récurrent est celui du manque d'implication des éco-organismes sur le territoire. Pour reparler de Citeo, pourtant le plus impliqué, on atteint à peine un taux de collecte de trois kilos par habitant et par an et il y a même des zones blanches sans collecte : cela vous donne une idée de ce qui se passe pour les autres filières. Beaucoup d'enseignes ne jouent pas le jeu de la reprise des D3E (déchets d'équipement électrique et électronique). Il y a donc une réflexion à mener sur la mise en oeuvre de la réglementation nationale, notamment sur la mise en place de mécanismes de contrôle, voire de sanctions, des éco-organismes au niveau territorial, pour le nombre de points d'apport volontaire (PAV) non respecté par habitant, un taux de collecte trop bas, ou encore un seuil de déclenchement de collecte des PAV qui peut être trop élevé et qu'il faudrait adapter localement.

Les raisons souvent mises en avant par les éco-organismes ont été citées : il est vrai qu'il n'y a que deux déchetteries en Guyane, d'où l'importance de continuer leur déploiement, ainsi que les éco-carbets. Au niveau de l'Ademe, nous avons besoin que soit maintenue la dérogation qui permet de soutenir le déploiement des éco-carbets et des déchetteries.

Autre raison mise en avant, le manque d'installations de traitement local dû aux faibles gisements, qui renvoie à la problématique du transport inter-territoires pour consolider les gisements. Là aussi, il faudrait continuer le soutien, voire mettre en place une subvention pour maintenir le fret entre les Drom-Com afin de mutualiser les gisements et de développer des solutions plus régionales qui permettraient peut-être aux éco-organismes de s'impliquer davantage.

Concernant les problématiques de gouvernance, Aurélie Billard a évoqué la réflexion menée pour la mise en place d'un syndicat intercommunal du littoral, cela me semble effectivement un sujet important. Nous pensons aussi qu'il faut maintenir et renforcer la coordination entre l'État et les collectivités sur des sujets majeurs du territoire. Aujourd'hui, les EPCI rencontrent les services de l'État un par un ; il serait plus intéressant de nous asseoir autour de la même table pour réfléchir ensemble à une animation territoriale renforcée et des solutions collectives pour l'ensemble du territoire pour mieux accompagner les EPCI.

Enfin, concernant le financement, il faudrait mener une réflexion sur le maintien et la mise en place de dispositifs spéciaux pour Mayotte et pour la Guyane, deux territoires qui nécessitent encore un rattrapage structurel important. De même, il faut s'interroger sur l'accompagnement des EPCI dans la réduction de leurs coûts et l'augmentation de leurs ressources dans leur problématique de gestion de déchets.

Enfin, la question de la TGAP a été maintes fois abordée et nous abondons sur la nécessité de maintenir une TGAP spécifique aux outre-mer. Comme le mentionnait Aurélie Billard, la question de la priorité donnée à la valorisation énergétique par rapport à la valorisation matière, et donc, de l'impact de la TGAP par rapport à la valorisation énergétique, mérite également d'être posée.

Mme Gisèle Jourda . - Je remercie l'ensemble des participants pour la clarté et la précision de leurs propos, notamment par rapport au questionnaire qui leur a été adressé.

De nombreux points ont été abordés : la TGAP, une problématique qui nous est chère et pour laquelle ma collègue Viviane Malet a beaucoup oeuvré au Sénat, afin de soutenir les problématiques liés aux déchets. La gouvernance, autre grande thématique abordée, sur laquelle je ne reviendrai pas.

En revanche, j'insisterai sur les disparités des territoires et le manque d'infrastructures. Dans cette mission, nous serons sensibles à ces deux aspects : on ne peut pas comparer un territoire à un autre, celui qui est dépourvu d'infrastructures et celui qui a des infrastructures développées.

S'agissant des quartiers informels, une question qui n'a pas été évoquée me préoccupe, c'est celle de l'impact sur la salubrité publique de toutes ces décharges, dépôts, VHU, des ramassages qui ne se font pas... J'aimerais avoir, dans les réponses aux questionnaires que vous nous ferez parvenir, des éléments sur la façon dont vous percevez cette problématique car je ne serais pas étonnée qu'il y ait là un enjeu fort de salubrité publique et de santé à mettre en avant.

M. Stéphane Artano, président . - Sans transition, je vous propose d'aborder à présent notre seconde table ronde consacrée à la gestion des déchets aux Antilles.

Mardi 12 juillet 2022

Table ronde Antilles

M. Stéphane Artano, président . - Sans transition, je vous propose d'aborder à présent notre seconde table ronde consacrée à la gestion des déchets aux Antilles, en passant successivement en revue la situation dans quatre territoires : Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Je tiens d'abord à vous remercier pour toutes les réponses au questionnaire écrit envoyé par nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, qui ont déjà été transmises. Il en sera tenu le plus grand compte dans notre rapport.

Nous entendons d'abord les représentants de la Martinique.

M. Jean-François Mauro, directeur régional de l'Ademe en Martinique . - Depuis 2014, trois établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont chargés de la collecte des déchets en Martinique, en lien avec le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) qui s'occupe du traitement. Ce syndicat fait face à une forte ambition territoriale alors que les ressources ne couvrent pas les besoins d'investissement. Une étude récente de l'Agence française de développement (AFD) sur l'optimisation de la filière déchets en Martinique fait ainsi état d'un déficit de 10 millions d'euros et de problèmes de gouvernance du SMTVD.

La Martinique n'est plus en rattrapage structurel mais reste au milieu du gué par rapport à l'Hexagone. C'est le grand écart entre une unité d'incinération d'ordures ménagères (UIOM) et une collecte en porte-à-porte des emballages et de biodéchets pour la valorisation organique : ces deux modèles ont du mal à coexister. En outre, le maillage des déchetteries est déficient et ne permet pas de diminuer le porte-à-porte.

En termes de ressources, la situation est contrastée : la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) couvre le coût du service sur certains EPCI seulement, et la filière déchets est, comme je vous le disais, en déficit structurel de 10 millions d'euros par an. Une baisse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), ou du moins une modulation de celle-ci pour soulager le syndicat, serait souhaitable pour redonner un second souffle à l'ensemble du service public. Nous devons quoi qu'il en soit éviter l'enfouissement et l'incinération. Cependant, l'exonération de la TGAP ferait courir le risque de transférer la capacité d'investissement des EPCI vers le SMTVD.

Les dispositifs financiers sont plutôt disponibles : Fonds européen de développement régional (Feder), Fonds européen d'investissement (FEI) ou encore défiscalisation et aides de l'Ademe. Attention toutefois, les aides européennes seront plus difficiles à mobiliser si la Martinique ne se conforme pas aux exigences de l'Union européenne (UE) en matière de valorisation et de recyclage. Cette conformité réglementaire est un véritable enjeu.

La coopération régionale est abordée sous des angles divers. Nous souhaiterions à terme voir émerger une offre de transport inter-îles bon marché, sujet plus global et structurant pour la zone des Antilles.

Mme Valérie Marine-Poletti, directrice de l'environnement et de l'énergie de la collectivité de Martinique . - Jean-François Mauro a déjà fait l'état des problématiques de notre collectivité. La gestion des déchets est un enjeu primordial compte tenu de ses conséquences sanitaires et sur l'attractivité. Les élus de cette nouvelle mandature prennent les choses à bras-le-corps. La planification et la coordination sont dans notre champ de compétences : notre plan de prévention et de gestion des déchets de Martinique (PPGDM) est en vigueur depuis 2019, avec des échéances à 6 et à 12 ans. Nous l'avons co-construit, main dans la main, avec tous les acteurs de Martinique et le comité de suivi se réunit régulièrement.

À cela s'ajoute le programme territorial de maîtrise des déchets (PTMD), que nous avons mis en place avec l'État et l'Ademe. Il permet d'apporter un soutien technique et financier aux porteurs de projets sur le territoire, en particulier pour l'accès aux fonds européens.

La collectivité a aussi pris l'initiative d'une stratégie territoriale d'économie circulaire (STEC), qui devrait aboutir d'ici à la fin de l'année. Jean-Francois Mauro l'a rappelé, le territoire est en transition, et la collectivité en est bien consciente. Elle a d'ailleurs pris d'autres mesures, puisqu'elle élabore un programme contre les véhicules hors d'usage, dit « zéro VHU », en amont de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) dans ce domaine. Je rejoins ce qui a été dit sur la TGAP : les recettes doivent être mieux fléchées vers les investissements locaux.

Sur la gouvernance, le renouvellement des instances devrait répondre à certains dysfonctionnements du SMTVD, avec de nouveaux statuts pour relancer les investissements. Un travail de coopération et de transparence est à mener entre le SMTVD et les EPCI. Il faut aussi une meilleure synergie entre collecte et traitement, qui passera par la communication et la coordination.

Le transport transfrontalier de déchets doit être simplifié et la part de l'État dans le dispositif d'aide au fret des déchets doit augmenter. Il faut faciliter les demandes d'aides et apporter de l'ingénierie financière aux TPE, PME et éco-organismes locaux en cours de structuration. Enfin, il faut optimiser la ligne maritime entre l'Hexagone et les îles de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO).

Sur les décharges sauvages, l'application « Arété sa » permet aux citoyens de signaler des dépôts sauvages avec géolocalisation.

Ensuite, les aides financières sont nombreuses et présentes, mais il faut mieux prendre en compte les coûts de fonctionnement et les problématiques d'autofinancement des collectivités pour optimiser les taux de consommation. Cela passe par une facilitation des procédures et des conditions d'éligibilité.

J'alerte aussi sur les fonds européens, primordiaux pour l'investissement, mais dont les conditions d'obtention sont défavorables aux territoires : notre PPGDM est en effet basé sur la réglementation en vigueur en novembre 2019, c'est-à-dire avant la transposition du paquet économie circulaire de février 2020, ce qui nous place dans des conditions défavorables. Les performances de valorisation fixées par l'UE ne sont pas atteignables à ce jour.

Je précise que les acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) sont largement mobilisés : boutiques solidaires, cafés de recyclage, ateliers de réparation qui permettent le réemploi, etc.

Enfin, sur la filière REP, les problématiques sont mieux connues et les échanges améliorés, avec la plateforme REP Caraïbe en place depuis 2017. Il faut inscrire dans les cahiers des charges et agréments des filières REP des objectifs régionaux de collecte et de valorisation cohérents avec les normes imposées par l'UE. Le tout doit aller de pair avec le renforcement d'une communication répétitive avec des messages adaptés.

Mme Myriam Zapha, directrice de l'enfouissement du SMTVD . - Le SMTVD est composé des trois EPCI. Créé en 2014, il a un nouveau président depuis février 2022.

La valorisation des déchets, action à la portée de tous, reste trop peu appliquée. La TGAP, qui a pour objet d'inciter les entreprises à trier leurs déchets, nous semble également excessive. Il serait opportun que nous en soyons exonérés, car elle représente 17 % de nos dépenses. De plus, l'évolution prévue dans les cinq prochaines années grèvera encore davantage nos dépenses.

Les aides nous paraissent aussi insuffisantes : tous les investissements n'y sont pas éligibles et, s'agissant du Feder, la collectivité ne peut être financée qu'à hauteur de 70 %, alors qu'elle est déjà en difficulté. Nous avons besoin d'aides prenant mieux en compte les spécificités locales.

La capacité d'ingénierie doit être renforcée eu égard aux nombreux et ambitieux investissements que nous aurons à réaliser. Il faut pour cela renforcer les équipes avec des personnes expérimentées dans ce domaine.

M. Benoît Guilon, directeur des moyens du SMTVD . - Sur la mutualisation, nous souhaitons renforcer nos liens avec les territoires limitrophes de la Martinique, voire avec l'Amérique du Sud. Il faudrait pour cela limiter l'octroi de mer.

Par ailleurs, sur les décharges sauvages, les EPCI identifient les zones problématiques. Le territoire est sillonné pour pénaliser les contrevenants. Il n'y a pas encore de cartographie, mais une forme de police environnementale assure déjà la protection de la nature.

M. Manuel Vadius, directeur tri-valorisation du SMTVD . - Les déchets de type batteries, lithium et certains plastiques sont issus de produits dont nous ne pouvons-nous passer. Il ne faut donc pas les interdire, mais bien trouver la meilleure solution de traitement, en lien avec nos partenaires régionaux et internationaux.

Concernant le tri, nous souhaitons plus de mesures incitatives financières, voire un concours avec une médaille décernée au meilleur trieur. Cela permettrait d'enfouir moins de déchets, nous permettant de faire perdurer notre installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) le plus longtemps possible, tout cela au bénéfice de l'environnement.

Sur la collecte à la source des biodéchets, nous ne nous sommes que peu penchés sur la question et l'Ademe aura sans doute plus d'information, tout comme les EPCI.

Mme Myriam Zapha . - Le SMTVD connaît de fortes difficultés financières alors que d'importants investissements sont prévus, notamment l'installation de la troisième ligne de fours CSR (combustibles solides de récupération), les travaux sur l'unité de traitement et de valorisation des déchets (UTVD) et sur l'unité de stérilisation des sous-produits des animaux, ou encore la mise aux normes du traitement des fumées. Je pense aussi à la création des alvéoles A4 de stockage des déchets dangereux.

Mme Maryse Dubréas, directrice générale des services du SMTVD . - La Martinique est victime d'avoir voulu investir dans le traitement des déchets. Le SMTVD est un outil déterminant : il émane des trois EPCI chargés de la collecte et sa mission est de valoriser les déchets. Parce qu'il a beaucoup investi, sa capacité de désendettement est extrêmement basse. Il subit aussi des difficultés de fonctionnement par rapport à la TGAP, dont le caractère incitatif n'est plus à prouver, mais qui plombe nos finances et nous prive d'autofinancement.

Les investissements à faire sont pourtant déterminants : il faut faire des travaux sur l'UTVD, créer une troisième ligne CSR et, comme le demande l'UE, améliorer les normes de rejet des fumées. Rien que cela représente 80 millions d'euros ! Si la collectivité ne peut plus emprunter, elle a besoin de subventions, à hauteur de 100 % de l'investissement. Le SMTVD a été pionnier, mais fait face à des difficultés phénoménales aujourd'hui.

Nous avons parlé des alvéoles A4 et A5 : notre insularité devrait inciter à éviter l'enfouissement, mais celui-ci reste nécessaire faute de traitement en amont, ce qui nous impose de payer la TGAP. Il faudra un moratoire pour le SMTVD, les moyens dont il pourra disposer seront déterminants pour la Martinique.

M. Stéphane Artano, président . - Le sujet de la TGAP revient effectivement en boucle. Nous en venons aux intervenants de Saint-Martin.

Mme Bernadette Davis, conseillère territoriale de Saint-Martin, présidente de la commission des affaires économiques . - Je vous remercie de nous donner cette opportunité de nous exprimer sur cette problématique majeure, à laquelle nous sommes confrontés depuis que notre territoire est passé d'une commune rurale de 8 000 habitants à une destination touristique leader de la Caraïbe de 35 000 habitants hors visiteurs en deux décennies seulement.

Cette période, de 1980 à 2000, représente un temps très court pour passer d'une gestion de déchets produits par une population réduite et peu consumériste à des volumes autrement plus conséquents produits par une société moderne, aggravés par des événements climatiques désastreux tels que le cyclone Irma.

Les problématiques spécifiques à notre territoire méritent des réponses adaptées, reposant sur une volonté politique locale forte, mais aussi sur une prise de conscience nationale de notre situation, avec un accès aux fonds nationaux et européens. On ne peut appréhender la gestion des déchets sur un territoire insulaire de 52 kilomètres carrés, privé des potentialités offertes par la création d'EPCI, comme sur un autre territoire.

La valorisation et la lutte contre la prolifération des déchets doivent faire l'objet d'un véritable rattrapage face à notre surpeuplement. Il doit passer par l'excellence et par l'implantation d'outils nouveaux, par exemple en valorisant les déchets comme source d'énergie alors que le dérèglement climatique et la crise du gaz et du pétrole imposent une transition rapide vers un éloignement du fossile et plus d'autonomie énergétique.

Je ne saurais trop vous dire à quel point cela représente une opportunité pour notre jeunesse en termes d'emplois qualifiés, alors que notre taux de chômage atteint des records à l'échelle de la nation.

M. José Carti, représentant la direction "eau, énergie et environnement" de la collectivité de Saint-Martin . - Notre île est soumise à deux réglementations différentes. La partie française est une région ultrapériphérique (RUP), la partie néerlandaise un pays associé. L'application uniforme du droit européen n'est donc pas possible. Nous demandons aujourd'hui que la gouvernance locale soit revue pour que les deux parties de l'île puissent mieux travailler ensemble sur cette problématique des déchets.

Saint-Martin n'est pas assujettie à la TGAP, car nous avons notre propre compétence fiscale. Nous voudrions mettre en place à l'échelle de l'île une green tax sur les produits importés, dont 90 % transitent par la partie hollandaise.

Nous sollicitons régulièrement des aides financières : l'Ademe nous assiste sur le territoire, mais nous souhaiterions qu'elle s'investisse davantage et que des subventions soient fléchées vers Saint-Martin. Aujourd'hui, notre budget est compris dans celui de la Guadeloupe. Nous préférerions disposer d'un budget affecté, ce qui faciliterait la gestion.

Pour renforcer notre capacité d'ingénierie, un appel à candidatures pour l'embauche d'un ingénieur dédié à la gestion des déchets est en cours, en partenariat avec l'Ademe.

S'agissant de coopération régionale, nous travaillons avec la partie hollandaise, mais aussi avec l'ensemble de la Caraïbe, même si nous souhaiterions pouvoir approfondir encore nos partenariats avec les îles qui ne sont pas soumises aux mêmes réglementations que nous.

Les décharges sauvages ont prospéré aux Antilles depuis 1992. La collectivité vient de lancer un appel d'offres pour essayer de les localiser précisément et de s'en débarrasser, même si ces dépôts se trouvent souvent sur des terrains privés dont les propriétaires sont parfois difficiles à identifier. Nous voudrions aussi sensibiliser les entrepreneurs, qui sont le plus souvent à l'origine de ces dépôts, soit au moyen d'une taxation spécifique, soit en les encourageant à déposer leurs déchets en décharge.

Il est par ailleurs évident que le pouvoir de police n'est pas assez présent.

M. Stéphane Artano, président . - Je précise que la délégation avait également invité l'association Clean Saint-Martin, dont le vice-président est Sébastien Terrien, et qui s'est excusé de ne pouvoir participer à cette table ronde. Je vous propose maintenant de passer à la collectivité de Saint-Barthélemy.

Mme Sophie Durand Olivaud, directrice des services techniques de la collectivité de Saint-Barthélemy . - La question des déchets est un sujet crucial pour notre petit territoire insulaire de 25 kilomètres carrés.

La collectivité assume pleinement sa compétence de collecte et de traitement des déchets à travers son délégataire de service, Ouanalao Environnement.

Elle a fait depuis longtemps le choix de l'incinération, mais dans un but de valorisation énergétique. Dans les années 2000, la collectivité a construit une première unité de valorisation qui permettait la production d'eau potable en utilisant la vapeur produite par la combustion. Nous travaillons actuellement sur une autre forme de valorisation, pour produire cette fois de l'électricité, sur laquelle nous voudrions aboutir d'ici la fin de cette année ou début 2023.

On ne peut toutefois pas tout valoriser sur le territoire, et le point le plus pénalisant reste le transport de tous les déchets que l'on doit exporter vers des filières de valorisation situées en Guadeloupe, mais surtout en métropole ou aux États-Unis. Le développement de filières sur la zone inter-îles caraïbe permettrait évidemment de réaliser des économies d'échelle.

M. Stéphane Bertrand, directeur du développement de Ouanalao Environnement, délégataire de la collectivité de Saint-Barthélemy . - En effet, la solidarité inter-îles est indispensable. Saint-Barthélemy doit encore gérer des déchets qui datent du passage de l'ouragan Irma. Un petit territoire comme le nôtre ne peut pas tout traiter à son niveau.

L'incinération associée à une valorisation énergétique génère des sous-produits - mâchefer, résidus de filtration des fumées. Les normes relatives au traitement des fumées ayant été récemment renforcées, cela va augmenter la quantité de sous-produits que nous devrons exporter vers des centres d'enfouissement de classe 1 en métropole, avec à la clé un impact financier et environnemental.

La collectivité nous demande également de trouver des solutions pour traiter les sargasses. Or, en tant que prestataire privé, je ne vois pas comment nous pourrions, seuls, à l'échelle de notre petit territoire, résoudre le problème s'il devait encore s'aggraver...

M. Fred Questel, directeur d'exploitation de Ouanalao Environnement, délégataire de la collectivité de Saint-Barthélemy . - J'ajoute que la situation locale est rendue plus complexe en raison des dossiers administratifs à remplir pour certains types de déchets.

Je pense notamment aux piles au lithium, aux aérosols ou aux peintures. Faute de flux très importants, nous éprouvons des difficultés pour exporter ce type de déchets, qui sont donc souvent stockés.

Il y a peut-être des solutions de simplification à trouver dans le cadre de la solidarité inter-îles.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - On constate en effet des différences importantes d'un territoire à l'autre.

Le problème de la TGAP remonte à chaque audition. Considère-t-on cette taxe comme une amende ou faut-il flécher son produit vers les territoires pour mettre en place les outils qui s'imposent ?

Au regard du manque de déchetteries sur certains territoires, il conviendrait peut-être d'envisager l'installation de déchetteries itinérantes, qui seraient sans doute plus adaptées dans certains cas.

La plupart des territoires se plaignent de ne pas pouvoir lancer de projets, faute d'argent. Mais, de son côté, la direction générale des outre-mer (DGOM) affirme qu'il y a encore des fonds disponibles qui ne sont pas utilisés.

Quoi qu'il en soit, je remercie tous les intervenants pour la clarté de leurs propos.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Je veux remercier à mon tour les différents intervenants.

Nous avons parlé des transports, mais pas vraiment du problème des délais. Quand j'entends qu'il reste encore des déchets datant de l'ouragan Irma, cela m'interpelle.

Nous ne devrons pas occulter cette question de la réactivité dans notre rapport. Comment l'État pourrait-il intervenir pour éviter ces stocks et les conséquences sanitaires qui en découlent ?

M. Stéphane Artano, président . - Nous terminons notre table ronde cet après-midi avec la Guadeloupe.

Mme Kate Cipolin, directrice générale adjointe des services techniques du Syvade . - Le syndicat de valorisation des déchets de la Guadeloupe (Syvade) est compétent en matière de traitement des déchets ménagers et assimilés pour la communauté d'agglomération Cap Excellence, qui produit une quantité de déchets importante en raison de son attractivité économique, la communauté de communes de Marie-Galante et la communauté d'agglomération Nord Basse-Terre, soit au total 37 % de la population guadeloupéenne.

Il n'existe pas en Guadeloupe de structure unique compétente pour le traitement des déchets. L'enjeu est d'obtenir une autonomie maximale pour pouvoir assurer ce service public, quels que soient les événements climatiques ou le niveau de présence industrielle sur le territoire.

Les équipements sont importants, même si la Guadeloupe accuse toujours un important retard en termes d'infrastructures.

Le traitement des déchets est pour le moment principalement axé sur l'enfouissement des déchets non dangereux et le compostage des déchets verts. Nous sommes en retard sur la collecte sélective et les biodéchets.

Le Syvade souhaite un accompagnement financier maximal sur tous les dispositifs existants. Nous préconisons notamment un renforcement du taux d'aide au fret et une exonération de la TGAP, dont le taux a doublé entre 2009 et 2021. Y compris avec la réduction actuelle de 35 %, cette taxe devrait atteindre 44 euros, ce qui serait difficilement supportable pour les membres du Syvade.

Nous aimerions aussi que l'enveloppe des subventions soit considérablement augmentée. Les 143 millions d'euros du programme opérationnel (PO) 2014-2020 ont en effet été utilisés pour traiter à la fois les problématiques des déchets, de l'eau et de la biodiversité. Or il y a beaucoup à faire en matière de traitement des déchets. Il nous manque des déchetteries et certains mécanismes de collecte sélective sont défaillants.

S'agissant des biodéchets, nous avons surtout un problème d'exutoire pour les déchets verts, dont la production est importante. Les prestataires nous disent qu'ils ont des difficultés à produire un compost normé. De plus, l'une des deux unités de compostage autorisées sur le territoire rencontre d'importants problèmes de conformité avec la réglementation.

Pour les déchets alimentaires, l'organisation de la collecte séparative va exiger de gros efforts structurels au niveau des EPCI : il faut équiper les ménages, les professionnels et organiser la collecte - un ramassage par semaine serait sans doute insuffisant sur notre territoire pour des raisons sanitaires.

S'agissant des filières REP, nous disposons d'interlocuteurs locaux pour les principaux éco-organismes, mais ces derniers restent assez effacés, l'organisation des dispositifs opérationnels reposant essentiellement sur les collectivités. Nous voudrions donc que ces dernières soient indemnisées à la hauteur de leurs efforts.

Enfin, sur l'ingénierie territoriale, je souligne les difficultés de formation des cadres de catégorie A et B, notre éloignement rendant difficile l'accès aux cycles de formation poussés de l'Institut national des études territoriales (INET).

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - J'imagine que la Guadeloupe rencontre aussi des problèmes liés à la double ou triple insularité...

Mme Kate Cipolin . - À Marie-Galante, les déchets sont collectés par la communauté de communes et déposés dans différentes bennes sur un quai de transfert, puis chargés sur une barge direction Pointe-à-Pitre. Les bennes sont ensuite récupérées par l'un de nos prestataires et transmises aux différents exutoires.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Marie-Galante n'est pas la seule île. Quid des îles du sud ? Et comment traitez-vous le problème des sargasses ?

Mme Kate Cipolin . - Le traitement des déchets des Saintes relève de la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe. Quant à ceux de la Désirade, ils sont traités par la communauté d'agglomération La Riviera du Levant.

Nous ne connaissons pas de difficultés d'évacuation des sargasses pour Marie-Galante, mais le problème se pose en revanche pour la Désirade. L'évacuation des bennes de déchets est affectée par la présence ou non d'algues dans la baie.

M. Dominique Théophile . - Les produits phytosanitaires et pharmaceutiques polluent les eaux potables, mais leur décontamination reste à la charge des collectivités. Faudrait-il dès lors mettre en place une REP pour l'eau ?

Comment par ailleurs améliorer la gestion des filières REP outre-mer ? Faut-il substituer au cahier des charges national des cahiers des charges spécifiques à chaque territoire ?

Mme Kate Cipolin . - L'une de nos propositions est d'adapter le cahier des charges des filières REP aux territoires d'outre-mer. Pour certaines filières, les quantités sont très faibles, d'où la réticence des éco-organismes.

Il faudrait surtout réfléchir à une solution cohérente en termes de coût ou de bilan carbone. Il est dommage de devoir faire partir vers la métropole deux tonnes de déchets par an seulement alors que l'on pourrait potentiellement envisager sur place ou dans la zone caraïbe d'autres solutions.

Mme Sylvie Gustave-dit-Duflo, vice-présidente de la région Guadeloupe . - La question des filières REP est fondamentale. Ces filières peinent à se déployer outre-mer, en dépit de leur agrément national.

Ainsi, la filière REP pour l'immobilier, mise en place dans l'Hexagone dès 2012, ne s'est déployée outre-mer qu'à partir de septembre 2021. Nous nous acquittons pourtant de l'éco-taxe.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) de 2020 prévoit un suivi par l'Ademe des objectifs contenus dans le cahier des charges.

Dans le domaine agricole, l'éco-organisme Agrivalor refuse de venir sur le sol ultra-marin, en dépit des enjeux, notamment l'élimination des produits phytosanitaires et des plastiques utilisés dans le cadre de la culture de la banane. Les collectivités ont dû financer elles-mêmes la mise en place de solutions pour les agriculteurs.

L'Ademe devrait constituer un groupe de contrôle avec les élus locaux pour s'assurer que les filières REP exercent effectivement leurs services sur les territoires ultramarins, conformément à leur agrément.

Pour le citoyen usager, c'est la double peine, puisqu'il paye deux fois pour le même service.

M. Stéphane Artano, président . - Je vous remercie de cette réponse, madame la vice-présidente. Je vous laisse à présent la parole pour un propos plus général.

Mme Sylvie Gustave-dit-Duflo . - La gestion des déchets est rendue complexe par les contraintes relatives à la double insularité. En Guadeloupe, les coûts de gestion des déchets s'élèvent à 179 euros par an et par habitant, alors qu'ils ne sont que de 90 euros par habitant et par an dans l'Hexagone.

Il reste toutefois possible de diminuer ces coûts par une rationalisation de la gestion des déchets. Bien qu'elle ne détienne pas la compétence collecte et traitement des déchets, la collectivité régionale s'y emploie, notamment au travers du plan régional de prévention et de gestion des déchets que nous élaborons et animons.

Il faut d'abord que les déchets d'activités économiques, que l'on retrouve dans les poubelles domestiques et qui sont de fait à la charge des agglomérations, soient à la charge des entreprises et des administrations qui les produisent. Cela suppose d'accroître le nombre de déchetteries professionnelles, mais aussi de mettre en place une taxe spécifique.

Il faut ensuite doter le territoire d'infrastructures plus nombreuses, car 70 % des coûts de gestion des déchets sont des coûts de transport. Nous devons notamment réduire la part de collecte effectuée en porte-à-porte en incitant les citoyens à se rendre à la déchetterie.

La région travaille à la construction de huit déchetteries et à la rénovation de celle de Capesterre-Belle-Eau. Elle souhaite également la création de trois unités de revalorisation des déchets susceptibles de produire du combustible solide de récupération. L'objectif est de passer de 75 % à 25 % d'enfouissement, et ainsi de faire face à l'augmentation de la TGAP pour l'enfouissement. Deux de ces usines verront le jour en 2025-2026.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Envisagez-vous de mettre en place des transports séparés pour les déchets dangereux ?

Vous efforcez-vous d'encourager l'installation de composteurs individuels ?

Y a-t-il des décharges sauvages en Guadeloupe ? Si oui, comment traitez-vous cette difficulté ?

Mme Sylvie Gustave-dit-Duflo . - Les agglomérations développent des solutions de compostage domestiques et collectives. Nous sommes conscients que les biodéchets, qui représentent 30 % des déchets domestiques, doivent être triés en amont des unités de revalorisation.

Les dépôts sauvages sont le fait d'un manque d'information et de sensibilisation auquel nous nous efforçons de remédier, mais ils sont aussi la conséquence de l'absence de solutions de recyclage. Avant septembre 2021, c'était notamment le cas de tous les déchets mobiliers.

J'estime qu'une part de l'éco-contribution devrait être reversée aux agglomérations qui évacuent ces dépôts sauvages, et à l'Office national de la biodiversité qui restaure les sites.

Par ailleurs, il nous faut mettre en place une filière REP de l'eau. Le chlordécone a pollué nos sols pour 700 ans, et à ce jour, nous ne mesurons pas les effets de l'utilisation du glyphosate sur notre population. La décontamination de l'eau du robinet par l'installation de filtres à charbon, procédé très coûteux, ne doit pas être à la charge des agglomérations, qui n'y sont pour rien.

La dégradation de la qualité des eaux est telle que nous avons besoin d'une loi sur l'eau.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Vous n'avez pas répondu à ma question relative à l'évacuation des déchets dangereux.

Par ailleurs, la mise en place d'une instance de concertation entre les différentes collectivités concernées par la gestion des déchets vous semblerait-elle opportune ?

Mme Sylvie Gustave-dit-Duflo . - Les déchets dangereux sont du ressort des éco-organismes. Les déchets médicaux ou les déchets phytosanitaires, par exemple, sont entièrement pris en charge dans le cadre de procédures étroitement contrôlées. De fait, on ne les retrouve qu'en quantités infimes dans les déchets domestiques.

Le plan régional de prévention et de gestion des déchets est élaboré par la commission consultative d'élaboration et de suivi. Il est possible de réactiver cette commission en tant que de besoin pour le suivi du déploiement du plan.

Par ailleurs, l'Observatoire régional des déchets publie chaque année des chiffres clés qui sont de précieux indicateurs.

Enfin, nous avons tellement râlé après les filières REP que ces dernières ont mis en place une plateforme interfilières ainsi qu'un comité technique. Tous les six mois, la région et les agglomérations rencontrent l'ensemble des filières REP déployées sur le territoire pour formuler leurs doléances et suivre l'évolution des dossiers en cours.

Ces trois outils nous permettent d'effectuer un suivi efficace. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire, à mon avis, de créer une nouvelle instance.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Qu'en est-il des véhicules hors d'usage (VHU) ? Quelle est la stratégie pour résorber le stock historique de véhicules abandonnés ?

Rencontrez-vous des difficultés pour stocker et évacuer les batteries au lithium ?

Mme Sylvie Gustave-dit-Duflo . - Lorsque la région était chargée de collecter les VHU, elle en récoltait environ 4 000 tonnes par an. Depuis que l'éco-organisme de traitement des déchets automobiles (TDA) est chargé de cette collecte, celle-ci n'est plus que de 2 000 tonnes par an. Il nous semble pourtant que le tonnage aurait dû augmenter.

TDA rejette la faute sur les communes, indiquant qu'à défaut d'acte administratif d'abandon du véhicule, il ne peut le collecter. Or les maires ne veulent pas perdre leurs électeurs...

Le prix de collecte d'un véhicule est estimé par TDA entre 400 et 600 euros. J'ai donc proposé que TDA verse 300 euros aux citoyens qui ramèneraient un VHU, mais l'éco-organisme s'y refuse.

Ne disposant pas de moyen de pression, nous voyons le stock se reconstituer...

S'agissant du recyclage des batteries usagées, nous avons demandé à l'Ademe de mener une étude, que nous attendons.

M. Jean-Marc Pasbeau, responsable du pôle environnement et cadre de vie de la communauté de communes de Marie-Galante . - La communauté de communes de Marie-Galante rencontre des difficultés dues à son éloignement de la Guadeloupe continentale.

Depuis la fermeture de notre décharge, nous procédons au transfert de nos déchets au moyen de bennes de 30 mètres cubes. Comme nous ne disposons que d'une barge qui sert aussi à d'autres activités, celle-ci est en très forte tension, d'autant que les périodes cycloniques empêchent une rotation en continu.

Ces différentes difficultés entraînent un surcoût important et peuvent occasionner des arrêts de la collecte des ordures ménagères.

Malgré la solidarité qui s'exerce entre les collectivités du Syvade, le coût reste trop lourd pour les 10 000 habitants de Marie-Galante.

Nous poursuivons nos efforts pour réduire le tonnage enfoui, qui représente actuellement 80 % des déchets collectés. Si seulement 5 % de nos déchets sont valorisés, nos déchets verts sont tous broyés sur place puis distribués aux agriculteurs, et nous projetons la création d'une plateforme de co-compostage des déchets verts et des sargasses.

Enfin, lorsque nos administrés font des achats en Guadeloupe continentale, ils ne peuvent pas bénéficier de la reprise des articles qu'ils remplacent, ce qui engendre un surcoût pour la communauté de communes...

M. Stéphane Artano, président . - Il semble que la communication avec Jean-Marc Pasbeau ait été interrompue...

Je remercie tous nos intervenants, et j'invite ceux qui ne l'ont pas encore fait à répondre au questionnaire que nous leur avons adressé.

Jeudi 21 juillet 2022

Table ronde Pacifique

M. Stéphane Artano, président . - Mesdames, messieurs, chers collègues. Après un déplacement dans le bassin Indien ainsi que des tables rondes consacrées à la Guyane et aux Antilles, nous abordons ce matin les rivages du Pacifique dans le cadre de notre étude sur la gestion des déchets dans les territoires ultramarins.

Nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, qui effectuent un travail d'investigation considérable, ont déjà collecté beaucoup de données grâce aux questionnaires que les collectivités nous ont retournés. Soyez sûrs qu'il en sera tenu le plus grand compte et nous sommes très reconnaissants pour le temps et l'attention que les responsables locaux y ont consacrés.

Pour compléter ces informations et donner la parole aux autres acteurs de terrain, nous allons nous tourner ce matin successivement vers Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, et la Nouvelle-Calédonie.

Je tiens à saluer chaleureusement tous nos intervenants, en présentiel et en distanciel, pour avoir répondu à notre invitation et accepté ce format élargi qui a l'avantage de croiser les expériences et de permettre d'identifier à la fois les points communs et les spécificités.

La présente audition doit vous permettre de mettre en avant de manière synthétique vos difficultés et vos priorités sur votre territoire.

Compte tenu du décalage horaire, nous allons commencer par Wallis-et-Futuna, représenté par M. Paino Vanai, président de la commission du développement, des affaires économiques et du tourisme de l'Assemblée territoriale.

M. Paino Vanai, président de la commission du développement, des affaires économiques et du tourisme de l'assemblée territoriale . - Monsieur le président, mesdames, messieurs. Le traitement des déchets est assuré par les circonscriptions de Wallis-et-Futuna et le territoire, par le biais du service de l'environnement. Nous n'envisageons pas de confier cette mission à une entreprise privée puisque nous ne disposons pas des moyens nous permettant d'assumer une concession. En outre, le privé ne dispose pas de toutes les compétences nécessaires pour assurer convenablement le traitement des déchets.

Les ressources de la collectivité sont insuffisantes. Nous proposons de réaliser des économies à la source pour réduire le coût du traitement des déchets.

À Wallis-et-Futuna, nous avons mis en place un système appelé écotaxe qui permet de collecter tous les contenants supérieurs à 200 millilitres de volume. Ce dispositif mis en place en 2017 semble assez efficace puisqu'il nous a permis de récolter une enveloppe de 53 millions de francs CFP en 2021. Nous pouvons solliciter la population afin d'obtenir une collecte efficace des déchets.

En plus de cette taxe locale, nous souhaitons également développer le secteur du recyclage.

Concernant les dispositifs d'aide financière nationaux et européens, nous bénéficions de l'intervention de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui nous aide dans certains volets du traitement des déchets, et de l'aide du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) qui permet de nous équiper en matériel de collecte et de traitement, d'améliorer nos centres d'enfouissement technique et d'initier quelques opérations de recyclage. Nous souhaitons que ce dispositif soit pérennisé dans le temps afin que nous puissions finaliser les projets de valorisation de nos déchets.

Nos capacités d'ingénierie restent limitées car nous sommes un petit territoire. Nous sollicitons donc l'aide de l'Ademe pour recruter une assistance technique extérieure pour nous aider à finaliser nos projets.

La coopération régionale et la mutualisation des territoires du Pacifique existent déjà grâce au Programme régional océanien de l'environnement (PROE), mettant en place des programmes régionaux de partenariats, notamment par le biais de l'Agence française de développement (AFD), qui aide les territoires du Pacifique à améliorer la collecte et le traitement des déchets. À Wallis-et-Futuna, nous n'aurons pas les moyens de rentabiliser une installation pour la valorisation.

Wallis-et-Futuna compte des dépôts et décharges sauvages, surtout sur l'île de Wallis où la collecte des déchets a débuté tardivement et où les habitants utilisaient les lacs de cratère pour jeter leurs déchets. Depuis, des petits centres d'enfouissement ont été construits et permettent de traiter ces déchets. Peu à peu, nous réalisons un travail de récupération et de nettoyage de ces nombreuses décharges sauvages.

Depuis une dizaine d'années, nous avons mis en place une taxe sur les produits dangereux. Toutefois, le produit issu de cette taxe n'est pas suffisant pour assurer la collecte et le traitement convenable de ces déchets. Ainsi, le territoire complète le coût car ces déchets sont exportés en Nouvelle-Calédonie, qui gère la suite du traitement, sans doute en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Les huiles usagées, les batteries et les piles sont généralement exportées une fois par an, en fonction des quantités récoltées.

Concernant les mesures incitatives, le dispositif d'écotaxe permet la récupération des contenants de plus de 200 millilitres. Nous souhaitons étendre ce dispositif à l'ensemble des produits importés, afin d'encourager les populations à rapporter les emballages de ces produits.

Nous élaborons une stratégie de gestion des déchets 2025-2035, qui vise à limiter la pollution à la source, dans le cadre de la « Trajectoire outre-mer 5.0 » et de ses objectifs concernant le « zéro déchet ». Nous espérons finaliser cette stratégie dans les délais.

La mise en place d'un petit centre d'enfouissement a permis d'effectuer un tri, notamment des véhicules, des morceaux de ferraille et des objets électroménagers comme les réfrigérateurs ou les congélateurs. En effet, depuis peu, ces objets sont mis à la disposition dans les centres d'enfouissement technique pour qu'il soit possible de récupérer certaines pièces dans le cadre de la réparation d'équipement. Cette démarche débute et nous ne sommes pas encore pleinement opérationnels. Nous souhaitons mettre en place une petite déchetterie pour rassembler l'ensemble des éléments pouvant encore être utilisés. Le territoire doit s'équiper afin d'offrir aux populations des endroits pour récupérer ces pièces.

Un appel d'offres est publié chaque année pour l'exportation des déchets dangereux, auquel répondent généralement des sociétés de Nouvelle-Calédonie. Les huiles, batteries et piles sont exportées, dans le respect de la Convention de Bâle.

Nous disposons d'un incinérateur permettant de traiter les déchets hospitaliers contaminants.

À Wallis-et-Futuna, grâce à l'écotaxe, nous ne voyons plus d'habitants jeter des canettes au bord des routes. Le dispositif a permis de nettoyer l'île. En outre, nous constatons un effet sanitaire car les contenants jetés dans la nature pouvaient favoriser le développement des larves, notamment de moustiques à l'origine de la dengue. Le bilan de l'écotaxe est donc extrêmement positif. Nous souhaitons l'étendre à l'ensemble des produits importés afin de disposer de ressources et sensibiliser la population au traitement des déchets.

M. Stéphane Artano, président . - Je vous remercie de ces précisions. Je cède la parole à nos deux rapporteures Gisèle Jourda et Viviane Malet.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Cette opération d'écotaxe locale est à saluer. Toutefois, quels moyens mobilisez-vous pour agir contre les décharges sauvages ?

Par ailleurs, la piste de déchetterie permettant de récupérer des objets usagés semble intéressante.

Je vous remercie de vos réponses, qui nous permettront d'avancer sur ces thématiques plus spécifiques.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Je vous remercie de vos propos très clairs. Pouvez-vous nous donner quelques précisions supplémentaires sur la gestion des centres d'enfouissement ? Quel est leur nombre ? Connaissent-ils une saturation ? Envisagez-vous d'en construire d'autres ?

Par ailleurs, stockez-vous les véhicules hors d'usage (VHU) ? Si j'ai bien compris, vous avez mis en place un appel d'offres avec la Nouvelle-Calédonie afin de les éliminer. Avez-vous un grand nombre de VHU ? La plateforme de stockage nécessite-t-elle un impact foncier important ? Qu'en est-il du transport et des coûts ?

M. Paino Vanai . - La plupart des décharges sont anciennes, hormis quelques-unes récemment créées. Nous souhaitons effectuer beaucoup de sensibilisation, nécessaire dans notre pays, pour éviter que les habitants continuent à jeter leurs ordures n'importe où. Si le dépôt de déchets dans la nature se comprenait auparavant, nous avons aujourd'hui la possibilité de les envoyer dans les centres d'enfouissement technique.

Parmi les volumes envoyés au centre d'enfouissement, 53 % sont d'origine privée, ce qui vient compléter la collecte publique.

Nous essayons d'isoler les VHU dans un coin du centre d'enfouissement mais nous ne sommes pas encore tout à fait équipés et ils sont, pour le moment, disposés sur le sol. Nous souhaitons créer des plateformes d'accueil de ces VHU. Grâce au FEI, nous avons acquis une presse permettant de réduire les volumes. Nous disposons d'un conteneur de dépollution des véhicules qui permet d'enlever les polluants avant de passer à la phase de compression.

Avec l'AFD et le PROE, nous travaillons dans le cadre du programme Swap sur la valorisation de déchets métalliques. Nous avons été retenus grâce à notre système d'écotaxe pour expérimenter la valorisation, au niveau local, des déchets métalliques. Nous avons déjà quelques pistes pour valoriser, notamment localement, les produits aluminium, tels que les canettes, qui représentent un volume important. Si l'étude confirme la possibilité de valoriser ces déchets, nous pourrons le faire localement.

M. Stéphane Artano, président . - Je vous remercie de nous avoir apporté votre éclaircissement sur la gestion des déchets à Wallis-et-Futuna.

Pour l'état des lieux en Polynésie française, nous avons à présent le plaisir d'accueillir le président du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF) Cyril Tetuanui - également président de la communauté de communes de Havai (îles Sous-le-Vent), chargé de la gestion des déchets -, qui est accompagné d'Ivana Surdacki, directrice générale du SPCFP, et Teva Guillain, directeur général des services.

Pour le Gouvernement de la Polynésie, nous saluons Cédric Ponsonnet, directeur des ressources marines, Ryan Leou, chargé d'affaires à la direction de l'environnement et Jerry Biret, conseiller technique environnement du ministre de la culture, de l'environnement et des ressources marines.

Pour la Fédération des associations de protection de l'environnement (FAPE), nous avons le plaisir d'accueillir Jason Man, vice-président.

Enfin, le MEDEF Polynésie française (MEDEF PF) est représenté par Thierry Chansin, président de la Chambre syndicale des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics (CSEBTP) ; Marc Stuhlfauth, président, Ella Camart, Charles Egretaud et Cyril Rebouillat, membres de la COMIDD ; Cyrille Bachelery, directeur de la société Technival, et Benoît Sylvestre, directeur de la société Enviropol.

Je vous cède la parole pour des propos liminaires.

M. Cyril Tetuanui, président du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF) . - Monsieur le président, mesdames les rapporteures. Les déchets constituent un problème en Polynésie française. Avant 2004, les communes étaient compétentes pour la collecte des déchets et, depuis 2004, le traitement des déchets leur a également été transféré. Le transfert des seules compétences, et non des moyens, est vraiment problématique. Rappelons que la Polynésie est un territoire vaste comme l'Europe, qui compte plusieurs archipels.

Avant 2004, le pays a investi dans des centres d'enfouissement techniques, pour l'île principale de Tahiti. Cependant, dans les autres îles, le nombre de centres d'enfouissement techniques est insuffisant puisqu'on en dénombre deux dans les îles Australes et deux dans les îles Marquises. Sur le reste des îles des communes de la Polynésie française, aucun investissement n'a été effectué par le pays avant 2004.

En tant que président de la communauté de communes des îles Sous-le-Vent, je constate que nous rencontrons un problème de moyens concernant le traitement des déchets, contrairement à la collecte. Le souhait du président de la communauté de communes que je suis est de ramener cette compétence au pays. En effet, ce dernier possède les moyens financiers et fonciers pour construire des centres d'enfouissement techniques.

Concernant la partie technique, je laisserai M. Teva Guillain approfondir nos réponses au questionnaire que vous nous avez transmis.

M. Teva Guillain, directeur général des services du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF) . - Monsieur le président, mesdames, messieurs. La communauté de communes Havai est la troisième communauté de communes de la Polynésie française, après celle des Marquises et celle de Terehçamanu, nouvellement créée à Tahiti. Elle regroupe six communes, soit 25 000 habitants dont environ 7 000 usagers abonnés au service de la collecte de traitement des déchets. Quarante agents, répartis sur quatre îles, travaillent au service de la collecte à l'aide d'une dizaine de camions à ordures ménagères. La collecte ne constitue plus notre principal problème.

Nous remercions le pays et l'État d'avoir financé, à travers le contrat de projet, de nouveaux engins à la hauteur des problèmes de collecte que nous pouvions rencontrer.

Toutefois, nous sommes confrontés à une grande difficulté concernant le traitement des déchets. Depuis 2004, le pays nous a transféré la compétence à travers la modification de la loi organique, sans que cela s'accompagne d'un transfert de moyens. Surtout, concernant le stockage des déchets, nous avons hérité d'un transfert, de la part des communes, de dépotoirs sauvages historiques. Des déchets sont stockés à même le sol et polluent la nature, les lagons et les rivières. Malgré les efforts que nous avons pu fournir avec l'aide de nombreux bureaux d'études spécialisés dans la gestion des déchets en Polynésie et une instruction datant de 2018, nous n'avons toujours pas reçu l'autorisation d'exploitation et de construction d'un centre d'enfouissement technique à Raiatea.

Cette problématique a très récemment été complexifiée par la fermeture d'un dépotoir. Nous sommes en phase de recherche d'un autre dépotoir, en attendant que nous puissions disposer d'un centre d'enfouissement technique - a priori en 2026.

Ce dossier est tellement lourd en investissements, aussi bien sur le plan financier que technique, que le transfert de la compétence de traitement vers le pays constitue peut-être une bonne idée. Nous pourrions au moins être davantage accompagnés et autorisés à exploiter les centres d'enfouissement techniques.

Une enquête publique devrait débuter en août, et la population pourra y formuler ses doléances. La commission des installations classées se réunira pour donner son avis.

En outre, si un projet évalué à 1 milliard de francs CPF (soit 8,380 millions d'euros) est lancé, la communauté de communes ne dispose pas de moyens financiers proportionnels. Si elle peut bénéficier d'une aide de l'État et du pays à hauteur de 60 % par le biais du contrat de développement, ainsi que d'une prise en charge de 20 % par l'Ademe, 20 % seront encore à la charge de la communauté de communes, ceci avant l'emprunt de l'AFD.

M. Stéphane Artano, président . - Merci. Nous avons bien noté la demande des communes d'un transfert de cette compétence de traitement au pays.

Je vous propose de passer maintenant au gouvernement de Polynésie.

M. Jerry Biret, conseiller technique environnement du ministre de la culture, de l'environnement et des ressources marines . - Selon les derniers chiffres du syndicat Fenua Ma - qui regroupe toutes les communes de Tahiti et Moorea-Maiao, hormis une, et couvre environ 200 000 habitants -, en 2021, 301 kilos de déchets sont produits par habitant et par an, ce qui est trop pour nos îles mais peu par rapport aux quantités produites dans les pays continentaux.

Lorsque nous recherchons une méthodologie de traitement à l'étranger, la réponse est souvent : « vous ne produisez pas assez de déchets pour nous ». Cette faiblesse des gisements de déchets, notre dispersion et notre éloignement géographique constituent tous les ingrédients d'une gestion particulière et contraignante.

Nos 118 îles sont réparties sur un territoire aussi grand que l'Europe. Les contraintes de transport et de récupération de ces déchets, pour les ramener à Papeete, sont immenses.

En novembre 2021, l'assemblée de Polynésie a voté une déclaration sur la gestion des déchets en Polynésie française, plaçant le pays dans une démarche de « zéro gaspillage ». Nous travaillons depuis, avec l'ensemble des partenaires (les communes et les entreprises), pour essayer de trouver des solutions fiables, viables, pérennes et supportables pour traiter l'ensemble de nos déchets.

Concernant le mode de gouvernance, la répartition des compétences est issue de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et du Code général des collectivités territoriales tel qu'il est applicable en Polynésie. Les communautés de communes rencontrent des difficultés pour prendre ces dépenses en charge. Toutefois, cette répartition est inscrite dans une loi organique.

Nous sommes bien accompagnés par tous les dispositifs existants, notamment en matière d'investissements. Néanmoins, la question du coût de la collecte et du traitement des déchets devient très prégnante pour les communes du fenua. Par exemple, nous avons l'obligation d'exporter nos déchets à l'étranger une fois qu'ils sont traités à Papeete. Or nous constatons une augmentation très importante du coût des transports internationaux, ce qui est aujourd'hui problématique pour un territoire qui reste malgré tout isolé et dépendant des liaisons maritimes.

Par ailleurs, la faiblesse des gisements de déchets que nous produisons nous empêche de mettre en place des technologies de traitement fiables, viables, pérennes et supportables pour les administrés.

Nous aurons toujours besoin de ces dispositifs d'aide financière, justement pour tenter de trouver les meilleures solutions de traitement de ces déchets et, éventuellement, d'aider les communes et le pays sur toute la partie fonctionnement, qui devient très importante.

Le renforcement des capacités d'ingénierie est toujours utile et indispensable puisque les techniques et les difficultés évoluent.

Concernant la chaîne de traitement, le tri des déchets a été lancé dans les années 2000 en Polynésie française, avec le syndicat Fenua Ma. Depuis 22 ans, les populations, notamment de Tahiti et Moorea, trient leurs déchets recyclables alors qu'il n'existe pas de texte réglementaire sur le sujet. En 2021, le taux de captage des déchets recyclables, pour le syndicat Fenua Ma, était de 53 % et près de 70 % pour la communauté de communes Havai.

Dans le cadre de la mise en place du tri des déchets dans les années 2000, des infrastructures ont été construites, parmi lesquelles un centre d'enfouissement technique et un centre de recyclage et de tri, pour le syndicat Fenua Ma, dans l'île principale de Tahiti. Ces infrastructures aident les plus grosses communes à traiter les déchets. En outre, quelques centres d'enfouissement techniques sont répartis dans les îles.

En revanche, nous ne pouvons pas construire de centre d'enfouissement technique dans toutes nos îles car ces infrastructures coûtent extrêmement cher en investissement et, surtout, en maintenance et en utilisation.

Le pays prépare un schéma directeur de gestion des déchets en Polynésie française, actuellement étudié par les services techniques de la direction de l'environnement. Lorsque ce texte sera finalisé au niveau technique, il sera partagé avec l'ensemble de nos partenaires, parmi lesquels le SPCPF, les entreprises et les associations. Nous travaillerons donc tous ensemble sur ce schéma directeur pour fixer notre stratégie de gestion des déchets durant les années à venir. Des stratégies d'économie circulaire et des créations de recycleries et ressourceries seront envisagées dans ce texte, qui devrait être publié assez rapidement.

Nous envisageons également d'interdire certains produits à l'importation, tels que les batteries au lithium, extrêmement difficiles à recycler. Je ne dis pas que l'interdiction d'importation de ce type de produit sera décidée mais nous envisageons toutes les solutions possibles pour les entreprises et pour le traitement des déchets particulièrement difficiles à traiter en Polynésie française.

Dans le cadre de ce schéma directeur, nous travaillerons également sur les filières à Responsabilité élargie du producteur (REP). La réglementation de la Polynésie française prévoit déjà la responsabilité élargie des producteurs. Il nous reste à mettre en place toutes ces filières REP, parmi lesquelles certaines nous semblent très intéressantes et ont déjà fait l'objet d'un travail, qui se poursuivra avec les partenaires afin de rédiger un texte acceptable et applicable par tous, le plus facilement possible.

M. Stéphane Artano, président . - Merci. Je cède désormais la parole aux représentants du MEDEF Polynésie.

M. Charles Egretaud, membre de la Commission Développement Durable. ( COMIDD) du MEDEF . - En tant qu'entreprise, nous devons faire face à la gestion des déchets. Les exutoires dont nous disposons dans l'exercice de nos métiers sont extrêmement hétérogènes. Certaines îles sont bien équipées, avec une bonne collecte et des exutoires, tandis que d'autres îles ne permettent pas de gérer les déchets, si ce n'est de les exporter vers Tahiti tel que nous y sommes obligés.

En Polynésie française, les modes de gouvernance et la répartition des compétences sont parfois incompréhensibles car les acteurs institutionnels sont multiples. Je suis également directeur d'un bureau d'études qui travaille beaucoup sur la gestion des déchets, les schémas, les systèmes d'interdictions ou encore les filières REP. Je dirais même qu'il est caricatural qu'un seul groupe industriel tente de faire face à la production de déchets. De plus, plusieurs institutions - de l'État, du pays ou des communes - sont donneurs d'ordre et décideurs, rendant parfois la compréhension difficile.

L'existence de dispositifs d'aide financière est incontestable puisqu'en dix ans, je ne me souviens pas d'avoir travaillé sur une étude sans cofinancement de l'Ademe ou encore de l'AFD. Toutefois, je ne sais pas si ces financements sont suffisants et répondent à tous les besoins.

Concernant le renforcement de la capacité d'ingénierie, nous rencontrons des problèmes basiques, parmi lesquels la très grande difficulté à disposer d'exutoires sur un territoire très vaste qui abrite des communautés variant d'une trentaine de personnes à une centaine de milliers de personnes sur l'île de Tahiti. Nous connaissons donc un panel de problématiques excessivement large et très complexe. Certaines îles sont facilement reliées par des bateaux tandis que d'autres sont toujours desservies par baleinières ou par des quais extérieurs à une fréquence mensuelle.

La Direction Régionale de l'Environnement (DIREN) a produit des inventaires des décharges illégales, malheureusement très nombreuses en Polynésie française. La plupart des dépotoirs municipaux sont illégaux car non contrôlés et gérés en fonction du bon vouloir des habitants d'une île.

La qualité de vie et l'économie sont satisfaisantes à l'échelle du Pacifique, ce qui nous conduit à produire en grand nombre des biens de consommation très variés, et donc des déchets de nature tout aussi variée, difficiles à traiter.

Le pays a d'ailleurs lancé quelques études sur l'interdiction de certains objets superflus, comme les sacs plastiques cabas, les pailles ou la vaisselle à usage unique. Il existe une réelle volonté d'agir à la source afin de soulager des filières ayant beaucoup de difficultés à exister.

Un très vaste débat existe sur les mesures incitatives en faveur du tri. Au-delà des problèmes techniques, la gouvernance et le consentement de ce coût posent également question. Le consentement à payer et le recouvrement me semblent manquer dans ce qui est exposé. En effet, la gestion des déchets coûte très cher dans les communes. En outre, la plupart des communes n'assurent pas un recouvrement complet. Les études que nous avons conduites montrent que les chiffres varient entre 10 et 70 % de recouvrement. Une incitation économique au niveau des communes et des opérateurs manque donc complètement.

Les dispositifs d'incitation pour les entreprises sont inefficaces car il est trop facile pour ces dernières de se débarrasser gratuitement des déchets de façon illégale, ce qui est malheureusement aussi le cas de certains opérateurs publics, comme les communes.

Des expériences très intéressantes sont actuellement menées concernant les recycleries et ressourceries, notamment sur l'île de Bora Bora avec laquelle nous travaillons sur une déchetterie dont la première vocation est la mise en place de ressourceries, de réparation, de recyclage et de remise en état des biens. Ces expériences restent encore malheureusement un épiphénomène et un échantillon de ce qui pourrait être fait en Polynésie française, ce qui est foncièrement regrettable.

Le débat a été ouvert concernant les filières REP. Il a également été ouvert au MEDEF puisque les entreprises seront bien sûr les premières concernées. S'inscrire dans ce dispositif et être responsabilisé constitue une volonté très forte de la part des entreprises. Dans le sigle REP, la responsabilisation est la notion qui plaît le plus aux entreprises.

M. Stéphane Artano, président . - Je cède maintenant la parole aux représentants de la Fédération des associations de protection de l'environnement (FAPE).

M. Jason Man, représentant de la Fédération des associations de protection de l'environnement (FAPE) . - Je représente une fédération regroupant des associations de protection de l'environnement, plus ou moins spécialisées sur la question des déchets. Nous effectuons surtout de la sensibilisation sur la réduction des déchets auprès de la population, dans les écoles ou lors d'événements durant lesquels nous tenons des stands. En outre, nous sensibilisons les entreprises privées ou le gouvernement sur ce même thème.

Nous expliquons que la quantité de déchets que nous produisons est liée à la très grande part de nourriture importée, qui engendre des déchets difficiles de traiter. Notre axe stratégique est donc d'encourager à limiter l'importation et à produire localement notre nourriture.

Nous agissons et accompagnons le gouvernement autant que nous pouvons sur ces leviers de sobriété. Nous l'avons notamment accompagné concernant l'acceptation, par la population, de la fameuse loi d'interdiction des sacs plastiques.

Mme Lana Tetuanui . - Cette table ronde porte sur les déchets au sens large du terme et concerne donc à la fois les déchets sur terre et les déchets dans les océans. Une grande campagne a notamment été lancée concernant la perliculture marine.

Je ne me gênerai pas pour évoquer devant mes collègues rapporteures les déchets dits « toxiques », pour ne pas dire « polémiques ». Parler de la Polynésie française nécessite de parler de la dépollution des atolls de Hao et de Moruroa. Mesdames les rapporteures, je tiens à ce que ce sujet figure dans le rapport. Outre les déchets ménagers, qui relèvent des compétences communales, nous devons évoquer les déchets dits « toxiques » dont la gestion revient à l'État. Les déchets contaminés par les essais nucléaires nous collent à la peau et constituent l'épine dans les chaussures des Polynésiens que nous sommes.

M. Stéphane Artano, président . - Merci. Je cède la parole aux deux rapporteures.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Chacun connaît ma sensibilité sur ce qui est lié aux pollutions. Sur ces territoires, les essais nucléaires ont laissé des traces. Cette question ne sera ni éconduite ni évitée dans le rapport car elle est beaucoup trop importante et engendre des répercussions tant sur les sites que sur les populations. Il nous faudra aborder ce sujet sans lunettes opaques.

Quelques intervenants nous ont parlé d'un territoire aussi vaste que l'Europe et, surtout, d'une archipélisation très dense, pouvant à mon sens produire des problématiques d'insularités différentes au sein d'une même zone. Concernant la collecte et le traitement des déchets, j'aimerais que nous puissions disposer d'une cartographie de ces problématiques, ce qui nous permettrait de bien cibler et de personnaliser nos préconisations par rapport aux territoires.

S'agissant de la gouvernance, nous avons entendu un appel, lié au traitement et à ce qui pèse sur les communes, avec le souhait que la compétence du traitement soit transférée au pays. J'aimerais entendre l'opinion du conseiller technique du ministère quant à ce souhait.

Nous n'avons pas parlé du traitement des déchets hospitaliers et médicaux. Tout type de pollution a une incidence sur la salubrité et la santé publique.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Merci à tous pour vos propos.

Je souhaite savoir si le schéma directeur évoqué par le président Cyril Tetuanui impliquera les municipalités et si un plan municipal de gestion sera mis en place avec le pays sur la question des déchets. J'ai l'impression que la vision est parcellaire, avec le pays d'un côté et les communes de l'autre. Les communes semblent se débrouiller tant bien que mal. Les taxes sont mal ou très peu récoltées, notamment en raison du pouvoir d'achat de la population. Un plan vraiment global ne serait-il pas plus efficace pour capter les subventions ?

Par ailleurs, ce plan ne devrait-il pas être l'occasion de mettre en place des mesures incitatives en faveur du tri ? Une écotaxe pourrait-elle être utile et a-t-elle été envisagée ?

Enfin, qu'en est-il des VHU, retrouvés dans tous les territoires, qui polluent et constituent des nids de moustiques et de larves ? Comment sont-ils traités, ramassés et acheminés ?

M. Stéphane Artano, président . - Je cède la parole à Cyril Tetuanui.

M. Cyril Tetuanui . - Je vous remercie de vos questions.

Concernant le traitement des déchets, le souhait du président des maires de Polynésie est que la compétence revienne au pays, comme c'était le cas avant 2004. Malheureusement, en Polynésie, un seul homme a décidé de transférer cette compétence aux communes sans consulter les élus locaux.

L'idéal est que le pays mette en place le schéma directeur en associant les communes, les collectivités, l'État et les entreprises privées. J'espère que ce schéma sera bientôt publié car nous l'attendons depuis quinze ans.

Une taxe existe en effet mais c'est le pays qui la récolte, sans répartition pour les communes.

Par ailleurs, les ordures ménagères et les encombrants sont récoltés par la commune tandis que les déchets toxiques et hospitaliers relèvent de la compétence du pays. Toutes ces compétences sont assumées dans nos petits territoires insulaires, sans moyens alloués par le pays. Établir un plan général pour l'ensemble de la Polynésie serait idéal car les moyens des communes sont trop limités.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Les taxes perçues par le pays font-elles l'objet d'un reversement aux communes ?

M. Cyril Tetuanui . - Non.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Vous assumez donc la collecte sur le budget principal de la commune.

M. Cyril Tetuanui . - Nous assumons nous-mêmes la collecte, de même que le traitement. Nous demandons des financements par le biais du contrat de projets mis en place entre l'État et le pays. Ces contrats constituent de bons financements mais l'enveloppe est insuffisante. Six milliards de francs CPF nous sont alloués chaque année alors que nous sommes six collectivités, devant gérer un grand nombre de compétences telles que le traitement des eaux usées et des déchets ou encore l'assainissement. Nous souhaitons donc que l'enveloppe soit plus importante par rapport à ces compétences.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - S'agit-il d'une enveloppe générale ?

M. Cyril Tetuanui . - En effet. Cette enveloppe concerne les compétences environnementales et n'est pas fléchée seulement pour la gestion des déchets.

M. Stéphane Artano, président . - Quel est le nombre de taxes en matière de traitement des déchets et de collecte ?

M. Cyril Tetuanui . - Je laisserai Lana Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française, répondre à cette question car elle siège à l'Assemblée de Polynésie, où les taxes sont votées.

Mme Lana Tetuanui . - Je souhaite préciser que la fiscalité est une compétence de la collectivité de Polynésie. La taxe pour l'environnement, l'agriculture et la pêche (TEAP) est prélevée par la collectivité et inscrite aux recettes du pays. En revanche, le pays, la collectivité et l'État interviennent via la délégation pour le développement des communes (DDC) afin d'aider les communes à acheter des camions, des véhicules et du matériel technique. Je reconnais que cette aide n'est pas suffisante.

M. Stéphane Artano, président . - Cela signifie que les communes ne reçoivent aucune recette de taxes qui viennent financer le fonctionnement de leurs services.

Mme Lana Tetuanui . - En effet. J'avais demandé que les recettes des amendes émises par les agents de police judiciaire adjoints (APJA) concernant les déchets soient reversées aux communes.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Cette idée peut constituer une piste puisque nous utilisons ce procédé concernant la lutte contre les infractions routières. En effet, les amendes émises par les policiers sont redistribuées à certaines collectivités afin de servir à la réfection des routes.

Mme Lana Tetuanui . - Concernant les VHU, la récolte et le traitement relèvent de la collectivité. Des campagnes - qui, j'espère, se poursuivront - ont eu lieu sur l'ensemble du territoire de la Polynésie via un financement de l'Ademe. Le pays a prolongé une autre convention avec l'Ademe qui permet d'aider la collectivité. Le pays peut se charger de la gestion des VHU sur l'île de Tahiti. Néanmoins, dans les autres îles, ce sont les services communaux et les élus locaux sur place qui font office de collectivité, financés par l'Ademe.

M. Stéphane Artano, président . - Je cède la parole aux intervenants en visioconférence afin qu'ils répondent aux questions.

M. Jerry Biret . - Nous ne disposons pas d'une cartographie de la gestion des déchets mais il pourrait être possible de la réaliser. Nous essayerons de vous l'envoyer le plus rapidement possible pour que vous puissiez avoir une visibilité sur ces problématiques.

Vous avez raison en soulignant que la problématique liée aux déchets n'est pas forcément la même d'une île à une autre, même au sein d'un même archipel, en fonction de la distance et de l'accessibilité de certaines communes via les liaisons aériennes ou maritimes.

En tant que technicien, vous comprendrez que je ne puisse pas répondre à la question sur le transfert de compétence.

Concernant le traitement des déchets médicaux, le service public de santé en Polynésie a un réseau de collecte et de traitement spécifique. Il existe une réglementation pour la gestion de ces déchets, pris en charge par la collectivité de la Polynésie française pour tous les centres de santé dans les îles.

Le schéma territorial de gestion des déchets vise à fixer des objectifs et une stratégie au niveau territorial. Une fois que ce document sera finalisé par nos techniciens, nous souhaitons le partager avec les communes, les entreprises et les associations afin que cette stratégie territoriale puisse s'étendre à toutes les questions que chacun peut se poser. L'objectif est ensuite la rédaction de plans municipaux par les différentes communautés, pouvant s'intégrer dans ce schéma territorial de gestion des déchets.

La réalisation du schéma territorial prend du temps car ce document est difficile à rédiger et à imaginer. Toutefois, nous espérons pouvoir l'achever et le partager avec nos partenaires très rapidement.

Concernant l'écotaxe et les recettes fiscales affectées au traitement des déchets, certaines taxes sont prélevées au titre de la protection de l'environnement, telles que la TEAP et la taxe pour l'environnement et le recyclage des véhicules (TERV), censée permettre la prise en charge du traitement des VHU. Ces taxes sont prélevées par le pays et entrent directement dans le budget général de la Polynésie française. Cette taxe n'est pas affectée à la Direction de l'environnement ou fléchée vers des opérations de traitement des déchets. En fonction des objectifs et de la stratégie budgétaire du gouvernement, le produit de cette taxe est réparti sur des opérations qui, souvent, n'ont pas de lien avec l'environnement.

J'ai parlé de problématique de financement du fonctionnement, notamment pour les communes. Concernant les investissements, nous sommes largement aidés. Toutefois, nous ne recevons pas forcément beaucoup d'aide pour le fonctionnement. Surtout, le Code général des collectivités territoriales indique que les communes doivent équilibrer leurs budgets annexes consacrés au traitement des déchets par les redevances payées par les administrés. Évidemment, ce n'est jamais suffisant pour payer le coût du traitement de ces déchets. Cette problématique est donc extrêmement importante pour l'ensemble des communes. Charles Egretaud a rappelé que certaines communautés ne regroupent que quelques dizaines de personnes. Dans le cadre de ces communautés, il est impossible d'envisager la construction d'infrastructures qui pourraient traiter les déchets alors même qu'elles doivent gérer le traitement.

Concernant les VHU, les opérations sont prises en charge par la collectivité. Le syndicat Fenua Ma possède deux presses à carcasses en Polynésie française. Régulièrement, nous lançons des opérations de récupération de ces carcasses. Nous sollicitons les communes souhaitant s'en débarrasser afin qu'elles en répertorient le nombre sur leur territoire. Ensuite, le syndicat se déplace dans la commune pour traiter toutes ces carcasses, qui sont ensuite dépolluées et compressées avant d'être exportées à l'étranger, à la charge du pays. Notons que le syndicat Fenua Ma ne couvre en principe que les communes de Tahiti et de Moorea (hormis une) mais intervient de temps en temps, lorsque c'est possible, dans d'autres communes, et notamment les îles Sous-le-Vent.

Cette opération coûte extrêmement cher puisque le coût du transport de ces carcasses vers Papeete, auquel s'ajoute le coût du transport vers l'étranger, est extrêmement onéreux. Plus la distance est grande, plus les coûts augmentent. Entre 2017 et 2021, nous traitions entre 1 000 et 1 300 carcasses chaque année, sachant que ces opérations ne sont jamais suffisantes pour traiter l'ensemble des carcasses présentes dans les différentes communes où les délais d'attente sont parfois de plusieurs mois. Le syndicat peine à répondre à toutes les demandes compte tenu des moyens de déplacement et surtout des spécificités de cette problématique.

Nous réfléchissons à l'idée d'investir dans des découpes afin de traiter les carcasses sur les îles et à les réexpédier à Papeete où elles seront compressées.

Nous travaillons avec la direction des ressources marines sur les déchets perlicoles. Nous voudrions profiter du passage du bateau qui collecte les déchets perlicoles pour récupérer d'autres déchets également, y compris les carcasses de voitures. Cette opération nécessite, elle aussi, beaucoup de logistique car certaines îles ne possèdent pas de quai ou de quai protégé de la houle. Nous rencontrons donc encore de grandes difficultés de logistiques à résoudre.

M. Teva Guillain, directeur général des services du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF) . - Les budgets annexes consacrés à la collecte des ordures ménagères sont déficitaires pour la plupart des communes de Polynésie française. La mise en place de redevance vise à équilibrer le budget mais n'y parvient pas. Par exemple, la loi autorise la communauté de communes Havai à récupérer une subvention d'équilibre venant du budget général pour équilibrer le budget annexe car aucune commune ne compte plus de 10 000 habitants. La redevance s'élève à 9 000 francs CPF alors que, si nous voulions vraiment utiliser le budget, nous devrions établir une redevance à 36 000 francs CPF, ce qui est hors de portée des usagers.

Avec le fonctionnement actuel et sans que nous puissions encore prendre en charge le centre d'enfouissement technique, nous sommes déjà déficitaires. Nous appelons donc à l'aide afin d'obtenir un soutien financier pour l'investissement mais aussi l'exploitation du futur centre d'enfouissement technique.

Concernant la politique de traitement des déchets par incinération et gazéification, la communauté de communes a lancé, à deux reprises, des appels à projets, dont le dernier a malheureusement été trop coûteux alors que l'offre technique était tout à fait raisonnable. Il serait intéressant de voir si le pays pourrait prendre en charge le traitement des déchets par incinération, qui coûte très cher à la collectivité.

M. Cyril Tetuanui . - Le rapport devrait également évoquer les déchets liés à l'amiante car le désamiantage est très onéreux.

M. Stéphane Artano, président . - Merci. Je propose de passer maintenant à la Nouvelle-Calédonie.

Pour la province Nord, nous entendrons Nathaniel Cornuet, directeur du développement économique et de l'environnement ; pour la province Sud, Françoise Suve, rapporteure de la commission de l'environnement, accompagnée d'un représentant de la direction du développement durable des territoires (DDDT) ; et pour la province des îles Loyauté, Chérifa Linossier, chargée de mission « développement économique et relations extérieures » au secrétariat général.

Enfin, nous écouterons les représentants de l'Association française des maires de Nouvelle-Calédonie : Pierre-Olivier Castex, chef du service environnement de la ville du Mont-Dore et Emmanuel Récamier, chef de la division de la performance des services délégués de la direction de l'espace public de la ville de Nouméa.

M. Nathaniel Cornuet, directeur du développement économique et de l'environnement de la province Nord . - La province Nord est effectivement dotée d'un schéma provincial de gestion de déchets, voté en 2012 et réactualisé après une évaluation en 2018. La période du plan de gestion actuel s'étend de 2020 à 2023. Ce plan prévoit des dépenses d'investissements à hauteur de 25 millions d'euros et fixe les objectifs stratégiques et opérationnels de modernisation de la gestion des déchets. Il constitue la base des orientations commerciales en la matière pour assurer une mise à niveau coordonnée des infrastructures de gestion dans les 17 communes que compte la province Nord.

Cela comprend par exemple la mise en place d'un réseau d'infrastructures de type installations de stockage des déchets (ISD) et centres de transfert et de tri (CTT) aux normes ainsi que la réhabilitation des nombreux dépotoirs.

En outre, des objectifs de réduction d'enfouissement des déchets, de tri et de valorisation ont été votés par la province Nord dans le cadre de ce plan.

Malgré un contexte budgétaire très contraint, les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre effective de ce plan sont votés chaque année, ce qui confirme la priorité donnée à cette problématique par l'ensemble des élus de la province Nord.

Notre collectivité peut également compter sur l'appui technique et financier de l'Ademe dans le cadre d'un partenariat efficace établi depuis plus de dix ans maintenant. Nous pouvons également compter sur l'appui de l'État au travers des contrats de développement.

Enfin, la dispersion des populations sur le territoire provincial, les difficultés à bénéficier de ressources humaines compétentes dans un domaine en évolution constante et les évolutions sociétales à accompagner font du sujet de la gestion des déchets une thématique complexe pour laquelle l'urgence à agir impose de développer de nouveaux partenariats.

Mme Françoise Suve, rapporteure de la commission de l'environnement de la province Sud . - Le sujet des déchets et, plus largement celui de l'économie circulaire, sont au coeur de la politique provinciale de la province Sud. La gouvernance et la répartition des compétences sont compliquées en raison d'un millefeuille institutionnel.

Le gouvernement ne dispose pas de schéma territorial ni d'une politique globale en matière de gestion des déchets s'agissant de ses propres compétences. Cette compétence reste actuellement confiée aux provinces, ainsi qu'aux communes concernant la collecte et le traitement. Le cadre réglementaire de cette compétence et les mesures incitatives relèvent des provinces, à travers un schéma provincial de gestion de prévention et de traitement des déchets pour permettre de régler ce problème.

Je laisserai aux communes le soin de développer la partie collecte et traitement, qui est aujourd'hui de leur ressort.

Concernant les dispositifs d'aide financière, le contrat de développement concerne surtout des investissements dans des infrastructures, ce qui nous permet, en majeure partie, de financer des installations de stockage des déchets (ISD), des déchetteries, des points d'apport volontaire et de réhabiliter des dépotoirs, qui posent de vrais problèmes pour l'environnement et la santé.

Nous bénéficions également d'un dispositif de financement à travers un accord-cadre passé avec l'Ademe, qui devait s'achever en 2021 mais qui a fait l'objet d'un avenant car la province est aussi en discussion sur les futurs contrats de développement. Cette enveloppe d'environ 5 millions d'euros est lissée sur cinq ans.

Par ailleurs, nous recevons des aides financières plus ponctuelles, liées à des fonds sur des thématiques précises, tels que le fonds « Territoires d'innovation » et les partenariats particuliers avec l'Agence calédonienne de l'Énergie (ACE), sachant que nous bénéficions d'un financement de l'État à travers l'Ademe et d'un financement territorial.

Ensuite, nous pouvons contracter différents prêts auprès des deux bailleurs de fonds principaux qui sont l'AFD et la Banque des territoires.

Enfin, l'autre financement de taille permettant de gérer la collecte et le traitement des déchets ménagers est la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM).

Nous appelons de nos voeux la création de cette passerelle avec les autres territoires du Pacifique car nous n'avons pas de véritable schéma régional de prévention et de gestion des déchets - pas forcément sur la totalité mais sur des déchets bien particuliers qui impactent nos activités et l'attractivité de nos territoires. Nous souhaiterions en outre bénéficier de fonds dédiés, qui pourraient dynamiser notre politique en matière de gestion des déchets, et bénéficier d'une continuité territoriale en matière d'ingénierie sur l'accompagnement technique qui est aujourd'hui à la disposition des différentes collectivités en métropole. Nous voudrions également accéder aux différents appels à projets nationaux concernant le traitement et les dispositifs permettant de collecter les déchets plus facilement et rapidement.

Nous menons actuellement une opération de collecte et de valorisation des navires hors d'usage. Une expérience pilote de six mois a été menée en début d'année, montrant qu'il s'agit d'une filière viable économiquement et porteuse de création d'emplois de proximité non délocalisables. Pour passer à une échelle supérieure, nous aurions peut-être besoin de recevoir l'accompagnement de l'Association pour la Plaisance Eco-Responsable (APER) et du ministère de la Transition écologique.

La Nouvelle-Calédonie représente environ 27 000 bateaux, parmi lesquels 6 000 bateaux qui seront en fin de vie dans les dix années à venir. Ce constat nécessite de l'anticipation.

Nous agissons sur les filières problématiques par rapport au Code de l'environnement, que nous n'hésitons pas à modifier et faire évoluer autant de fois que nécessaire pour nous permettre de nous adapter aux différents contextes rencontrés en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, il serait intéressant qu'un volet dédié aux ultramarins de l'autre bout du monde soit développé lors des Assises - qui concernent à la fois la gestion de l'eau, l'assainissement, les déchets ou encore l'énergie - car nous ne disposons pas forcément des moyens qui existent en métropole. C'est d'ailleurs peut-être parce que nous ne disposons pas de beaucoup de moyens que nous devenons plus créatifs et que l'utilisation de l'argent dont nous bénéficions est optimale.

Mme Chérifa Linossier, chargée de mission « développement économique et relations extérieures » au secrétariat général de la province des îles Loyauté . - Le millefeuille administratif est effectivement très complexe, entre les acteurs en Nouvelle-Calédonie que sont les communes, les provinces, le gouvernement et une partie étatique concernant les mouvements transfrontaliers des déchets et régionaux pour les déchets radioactifs.

Nous avons mis un certain nombre d'actions en place.

Toutefois, nous avons essayé de modifier notre Code de l'environnement et, nos délibérations ayant été retoquées au tribunal administratif, elles ont dû passer en Cour administrative d'appel. Finalement, le Conseil d'État nous a donné raison sur les délibérations que nous voulions mettre en oeuvre pour protéger l'environnement. Ce millefeuille administratif constitue donc aussi un frein du point de vue de la veille réglementaire.

Nous pourrions essayer de travailler ensemble sur une meilleure transversalité au niveau de la réglementation. La partie judiciaire et juridique ne sait pas forcément que nous pouvons faire nos propres délibérations en la matière.

L'Ademe nous apporte un très bon soutien technique et financier. En outre, des acteurs du privé, des éco-organismes, voire des associations, interviennent sur la province des îles Loyauté.

Concernant le fonds européen et la défiscalisation, nous aimerions plutôt renforcer les capacités d'ingénierie des collectivités par le biais de cofinancements, avec, notamment, l'accompagnement de nos agents administratifs provinciaux ou communaux.

Concernant la partie coopération régionale, nous aimerions qu'un état des lieux ou un diagnostic plutôt régional des territoires du Pacifique soit mené. Nous avons l'obligation de sourcing au niveau des entreprises. Un état des lieux pourrait nous permettre de trouver, dans notre région, des acteurs économiques pouvant intervenir, voire des éléments pouvant faire l'objet d'un travail bilatéral entre les pays de la région.

Un tel état des lieux manque car, si nous menons un certain nombre de travaux au Forum des îles du Pacifique, les données sont très peu partagées. La Communauté du Pacifique (CPS) mène également des études, sur lesquels nous n'avons pas forcément un accès libre pour partager nos retours d'expérience.

Les trois îles comptent beaucoup de décharges sauvages, que nous avons identifiées grâce à une cartographie. J'aime souvent dire que nous vivons la double insularité puisqu'envoyer nos déchets hors de la Nouvelle-Calédonie nécessite tout d'abord d'exporter les déchets de nos quatre îles vers la Grande Terre.

Si, jusqu'à présent, nous réalisions de l'enfouissement, nous avons constaté un impact important au niveau de nos lentilles d'eau, sachant que les Loyaltiens utilisent l'eau par captage, dans les puits ou les lentilles d'eau douce. Il devient donc urgent de disposer d'une meilleure stratégie d'évacuation de ces déchets.

Concernant la chaîne de traitement, une loi du pays interdisant l'importation de plastiques à usage unique a été votée. Nous essayons de trouver des alternatives plus environnementales à ces objets pour pallier le faible respect de cette loi, en tentant de trouver des petites niches pour travailler le bambou ou d'autres matières organiques.

L'idée que le meilleur déchet est celui qu'on ne produit pas est la philosophie que nous essayons d'adopter. Nous avons initié, en partenariat avec un grand nombre d'associations, certaines démarches en ce sens.

Concernant l'économie circulaire, nous avons mis en place des partenariats avec la ressourcerie de Nouméa, très active sur le reconditionnement des vêtements. Nous essayons là encore de nous greffer à des associations présentes sur la Grande Terre. Le coût du fret maritime ou aérien est assez important et nous aimerions travailler avec les acteurs afin de trouver des solutions.

Six filières REP sont mises en route et nous suivons le programme de l'éco-organisme Trecodec localement pour les piles et les accumulateurs usagés.

Par ailleurs, la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) a mis en place une « charte Chantier Vert » qui n'est pas accessible alors que de nombreux travaux du BTP sont effectués sur notre territoire, générant des déchets, notamment liés à l'amiante.

Nous n'avons pas encore vraiment de solution sur cette thématique. Or, malgré les recommandations réglementaires, nous ne pouvons pas nous contenter d'une charte, qui repose sur la bonne volonté des acteurs, concernant les sanctions. Aujourd'hui, il n'existe pas vraiment d'organisme de contrôle et de sanction concernant le respect d'une bonne gestion des déchets dans nos îles. L'aspect comportemental est pourtant un axe majeur pour que les populations se rendent compte de l'intérêt de mutualiser et de protéger nos îles.

M. Emmanuel Récamier, chef de la division de la performance des services délégués de la direction de l'espace public de la ville de Nouméa . - Concernant la gestion des déchets en Nouvelle-Calédonie, la compétence est moins clairement définie que dans le Code général des collectivités territoriales métropolitain. La réglementation demande simplement aux communes de s'occuper de la salubrité. De fait, les communes se sont tout de même saisies de la collecte et du traitement des déchets en s'insérant dans les réglementations provinciales mises en place, qui donnent de grandes orientations.

En Nouvelle-Calédonie, deux secteurs sont très différents. Le secteur de Nouméa et de son agglomération a une gestion de type urbain tandis que tout le secteur plus rural connaît une dispersion et utilise des services plus petits. Dans l'agglomération du Grand Nouméa, nous sommes déjà relativement avancés en matière de gestion des déchets.

Concernant la gouvernance, des communes ont conservé la compétence liée à la collecte. Des syndicats ont été créés, notamment pour l'installation de stockage des déchets non dangereux et pour la collecte dans les communes rurales. Nous retrouverons, au sein de la gouvernance, les difficultés et les avantages de l'intercommunalité, qui permet de mutualiser de nombreux éléments mais demande aussi tout un travail de convergence des objectifs.

Une installation de stockage des déchets non dangereux se trouve dans la province Sud, et fonctionne aussi pour la province des îles Loyauté et toute la Calédonie. Nous sommes chanceux car cette installation aux normes n'est pas encore saturée et sera a priori efficace durant une dizaine d'années encore.

Nos objectifs sont la réduction de la production de déchets, qui s'inscrit dans la stratégie provinciale, et la création d'une stratégie pour gérer mieux les déchets dangereux et améliorer la valorisation, ce qui nécessite encore de nombreux progrès. En outre, une démarche de responsabilité élargie des producteurs se développe actuellement dans la province Sud et apporte un financement différent pour notre filière des déchets - ce qui n'empêche pas que les contribuables et usagers doivent aussi financer leur part et que nous ayons besoin de tous les financements externes, notamment pour tous les grands investissements.

L'agglomération de Nouméa a la chance d'avoir un budget équilibré, ce qui n'est pas le cas de toutes les communes de Nouvelle-Calédonie. D'après l'étude menée en 2019 par l'AFD, une majorité a encore besoin de la contribution des contribuables, et non pas des usagers, pour financer le service mais nous sommes globalement dans la bonne direction. Des actions sont menées mais de nombreux progrès doivent encore être réalisés en termes de valorisation. D'un point de vue technique, le Grand Nouméa se situe à la croisée des chemins. La question est de savoir si nous souhaitons continuer à développer et renforcer ce qui a déjà été initié en matière de valorisation, après un tri effectué par les usagers en porte-à-porte, ou si nous nous dirigeons vers d'autres solutions, en essayant de minimiser au maximum l'enfouissement.

Un schéma directeur intercommunal est en cours, pour lequel nous espérons voir les résultats prochainement. Ce schéma nous permet de définir des orientations pour le Grand Nouméa, qui seront aussi utilisées pour tout le reste de la province. Nous avons échangé avec La Réunion sur ce sujet et nous profitons des retours d'expériences de l'Ademe, très précieux car des investissements importants seront à faire.

Évidemment, nous espérons valoriser au maximum nos déchets. Nous rencontrons le même problème que les autres territoires : nous produisons beaucoup trop de déchets mais notre gisement de déchets valorisables est beaucoup trop faible pour développer des filières locales de valorisation réelle des déchets. Nous les exportons en partie mais cette méthode, de même que la qualité de la valorisation à l'export, posent beaucoup de questions. Des investissements importants doivent être effectués. Le mode de financement évolue, pesant plus sur les producteurs et moins sur les usagers.

M. Pierre-Olivier Castex, chef du service environnement de la ville du Mont-Dore . - Je remercie Emmanuel Récamier et mes collègues de la province Sud qui ont rappelé la difficulté causée par le millefeuille administratif sur le territoire calédonien.

La ville du Mont-Dore compte environ 28 000 habitants.

Nous avons connu une certaine modernisation de la gestion des déchets. Depuis 2000, des évolutions importantes ont permis la mise en place d'actions concrètes. La ville du Mont-Dore s'était engagée dans une politique assez active en matière de gestion durable des déchets, avec la volonté de nous détourner du mode d'élimination des déchets d'emballage par enfouissement. Cette politique a débuté avec des points d'apport volontaire, que nous avons souhaité compléter en 2012 par une collecte sélective en porte-à-porte.

La ville a effectué des investissements importants, aidés par la province Sud, pour la création d'un centre de tri et de traitement des déchets d'emballage via une société d'économie mixte qui exploite cette usine. Les objectifs stratégiques assez ambitieux que nous avions fixés à l'époque doivent aujourd'hui être revus. Certains points nécessitent un travail afin d'améliorer et d'atteindre ces objectifs stratégiques.

En matière de prévention et de gestion des déchets, le besoin de la ville est de pouvoir réduire la quantité de ces déchets ménagers. Nous avons fixé un taux de 15 % par la mise en place d'un plan d'action sur les différents types de déchets gérés par la ville. Nous disposons des exutoires pour des déchets comme les végétaux, pour lesquels nous organisons aujourd'hui un système de broyage à domicile.

Nous voulons également augmenter la performance de tri et le taux de captage des recyclables à plus de 20 %. Il est vrai que nous n'atteignons pas les taux escomptés. Nous souhaitons rendre le tri plus efficace en améliorant les systèmes, notamment de ramassage.

Il existe également des réflexions sur les différents modes de tarification. Une personne qui fait l'effort de trier paie la même redevance qu'une personne qui n'effectue aucunement le tri de ses déchets. Pourquoi ne pas introduire une taxe incitative modulée en fonction du nombre de levées ?

Surtout, nous souhaitons qu'une réflexion soit menée sur l'instauration éventuelle d'une taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Nos communes connaissent des difficultés quant à l'équilibre budgétaire de notre budget annexe des ordures ménagères. Nous sommes dans l'obligation d'équilibrer la dépense et la recette de ce budget annexe. Or pour un certain nombre de communes, l'équilibre est créé depuis le budget principal. Nous appelons de nos voeux un travail d'optimisation sur le coût du service des ordures ménagères en Nouvelle-Calédonie.

Concernant la réduction de la nocivité des déchets ménagers, notamment dangereux, nous constatons un certain nombre de déchets de nettoyage, d'entretien ou de travaux malheureusement encore envoyés à l'enfouissement. Des efforts importants ont été réalisés par la province Sud, avec la mise en place de campagnes ponctuelles pour permettre la collecte historique de ce type de déchets. Les communes, et notamment celle du Mont-Dore, souhaitent emprunter cette direction.

De même que Dumbéa, Nouméa et Païta, la ville du Mont-Dore a délégué la compétence traitement à un syndicat intercommunal de Nouméa en 2005. Le schéma intercommunal de prévention des déchets a été initié par ce syndicat. Il existe une vraie volonté que la gestion des déchets ait lieu dans une organisation intercommunale à même de pouvoir mutualiser et exploiter les infrastructures. Nous agissons plus ou moins dans une intercommunalité d'opportunité et nous souhaiterions agir dans une intercommunalité de projets, avec des portages de projets en commun.

Les soutiens et les aides ont été assez bien développés sur les territoires. Cependant, les communes souhaitent une avancée significative concernant la responsabilité élargie des producteurs.

M. Stéphane Artano, président . - Je cède la parole à nos deux rapporteures pour qu'elles puissent poser des questions complémentaires.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Merci de toutes ces précisions. Je constate une vraie volonté, sur le territoire, d'effectuer de la valorisation des déchets. Je souhaite savoir si des mesures incitatives en faveur du tri vous semblent opportunes, telles que des gratifications monétaires ou matérielles pour encourager les populations les plus éloignées aux gestes du tri.

Par ailleurs, j'aimerais avoir davantage de précisions sur la problématique des déchets toxiques et des déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI).

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - La logique de bassin et le souhait d'un traitement des déchets à une échelle territoriale plus importante, exprimés par plusieurs interlocuteurs, ont particulièrement retenu mon attention.

Ensuite, j'aimerais davantage de précisions concernant les contaminations et l'impact sanitaire liés aux dépôts sauvages.

Enfin, le traitement des déchets médicaux n'a pas été évoqué.

M. Stéphane Artano, président . - Je cède la parole aux intervenants en visioconférence afin qu'ils répondent aux questions.

Mme Yoanne Massemin, responsable du bureau de la gestion des déchets de la province Sud . - Une société s'occupe de la gestion des Déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI) en Nouvelle-Calédonie et nous disposerons prochainement d'une unité de traitement local. En outre, nous avons réglementé la filière des médicaments non utilisés l'année dernière en tenant compte de la responsabilité élargie du producteur. Ces éléments contribuent à structurer la filière de cette partie des déchets dangereux.

Concernant les autres déchets dangereux, nous menons des opérations pilotes d'évaluation de stocks historiques afin de préfigurer l'organisation de ces filières et de voir les modalités de gestion et de financement que nous pourrons mettre en place, par la voie réglementaire ou volontaire. Un éco-organisme s'est créé pour mettre en place une filière de gestion volontaire pour les produits phytosanitaires non utilisés.

Ces actions, récentes, se structurent et, a priori , nous disposerons localement d'une unité de valorisation de ces DASRI et des déchets diffus spécifiques.

Concernant les mesures incitatives pour le tri, dans la province Sud, nous avons réglementé l'année dernière la filière REP des emballages, qui devrait se mettre en place au début de l'année 2023. Des études sont en cours pour une Redevance pour l'enlèvement des ordures ménagères (REOM) incitative. De plus, une société utilise des systèmes de « rewarding », avec des rétributions par rapport à des actions dans les quartiers.

Mme Chérifa Linossier . - Effectivement, il nous est apparu indispensable d'accélérer les actions relatives aux décharges sauvages et aux lentilles d'eau. Nous avons identifié toutes les décharges sauvages et la solution était, pour l'instant, plutôt l'enfouissement. Cependant, en remédiant à un problème, un second est apparu. La compétence est partagée avec le gouvernement puisqu'elle a trait à la gestion des DASRI, des médicaments, de l'amiante et de l'eau. Un programme est en cours avec la Politique de l'eau partagée (PEP) au sein du gouvernement et nous essayons de rappeler subtilement que ce risque ne relevant pas de notre compétence, nous devons être accompagnés financièrement pour extraire ces déchets le plus rapidement possible.

L'urgence liée à la qualité de l'eau et de nos nappes phréatiques a accéléré notre politique de gestion des déchets, qui étaient enfouis jusqu'à présent.

M. Stéphane Artano, président . - Je voudrais toutes et tous vous remercier de la qualité de vos interventions et de votre présence à cette table ronde, qui nous a permis de faire un tour très complet du bassin Pacifique en matière de gestion des déchets.

Jeudi 21 juillet 2022

Table ronde Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

M. Stéphane Artano, président . - Sans transition, je vous propose d'aborder à présent notre seconde table ronde consacrée à la gestion des déchets dans les TAAF.

Pour parfaire notre information sur le sujet et celle de nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, et pour compléter notre état des lieux, nous allons entendre notre collègue Christophe-André Frassa, sénateur représentant les Français établis hors de France, en sa qualité de président du groupe d'études Arctique, Antarctique et Terres australes du Sénat, et M. Charles Giusti, préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) que nous avons auditionné récemment sur la stratégie maritime française.

Je tiens à vous remercier très chaleureusement, cher collègue et monsieur le préfet, pour ce retour d'expérience et ces éclairages rares - et donc précieux - sur des territoires quasi-inhabités mais qui n'échappent pas au défi des déchets.

M. Christophe-André Frassa, sénateur représentant les Français établis hors de France, président du groupe d'études Arctique, Antarctique et Terres australes du Sénat . - Il s'agira pour ma part d'un simple retour d'expérience car je ne suis a priori pas un spécialiste de la gestion des déchets. J'ai pu observer, dans ces petits « cailloux » de l'océan Indien austral, un formidable travail relatif à la gestion des déchets, parce qu'aucun, que ce soient les îles Éparses, les îles Crozet, de Kerguelen, de Saint-Paul et d'Amsterdam, ne dispose de système de traitement des déchets. Loin de la première île réellement habitée, c'est-à-dire La Réunion, siège de la préfecture des TAAF, un système de tri, ou plutôt de pré-tri, des déchets a été mis en place, parce qu'en réalité, le seul camion poubelle de toute la collectivité, c'est le Marion Dufresne, navire amiral des TAAF, qui ne passe que tous les trois mois. C'est finalement une certaine discipline qui est mise en place et qui est - et j'avoue que j'ai là aussi été impressionné -, très bien consentie par tous les « hivernants » ou les « estivants » (ou les « campagnards d'été »). À Crozet, Kerguelen ou Amsterdam, la vie sur la base est organisée de la façon la plus respectueuse possible.

Pour résoudre le problème de l'éloignement - il faut 5 jours de bateau pour relier Kerguelen à La Réunion, distantes de près de 3 000 kilomètres -, les bases ont construit des hangars entiers pour trier et héberger les déchets des 47 hivernants de Kerguelen, et de la trentaine qui vit à Crozet et Amsterdam. Véritables hangars, on y descend à un degré de précision du tri qui laisserait songeuses nos communes les plus engagées dans le tri sélectif. Tout ce qui ne peut pas être détruit sur place - un système d'incinération a été mis en place - est embarqué à chaque rotation du Marion Dufresne. La discipline est forte et est assimilée par chaque personne qui vit sur la base et qui va au tri régulièrement. J'ai visité ces hangars avec les chefs de districts : ils se remplissent assez vite parce que dès qu'il y a des travaux, il y a des gravats. Parfois, ils peuvent avoir une seconde vie qui ne nécessite pas de de les évacuer vers La Réunion : ils ont servi notamment de terrassement pour la centrale photovoltaïque à Amsterdam. Mais La Réunion demeure le destinataire du recyclage ou de la destruction de déchets finaux.

Dans le tri, il y a même parfois un sous-tri pour certains déchets, les métaux, ou certains déchets d'emballages notamment. La taille des hangars nécessaire pour accueillir les déchets de la vie quotidienne d'une petite communauté sur une durée de trois mois est impressionnante.

Au-delà, il y a aussi une politique qui préconise d'utiliser des emballages recyclables, y compris sur le Marion-Dufresne, qui a une politique d'utilisation des eaux grises, se refusant, comme le font tant d'autres, à les rejeter en mer. Cet axe se trouve au coeur de notre vision pour les TAAF, puisque je suis aussi membre du conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises.

Voici pour mon retour d'expérience. Les enjeux sont importants s'agissant tant d'une réserve naturelle nationale que de territoires que l'Unesco nous a fait l'honneur d'inscrire sur la liste de son Patrimoine mondial, en 2018.

M. Charles Giusti, préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) . - La transition écologique est un axe fort de la politique des Terres australes et antarctiques françaises. Nous travaillons en ce moment à l'élaboration d'un plan « climat, air, énergie territoriale » pour les cinq districts, en partenariat avec les forces armées de la zone sud de l'océan Indien pour les îles Éparses et avec l'institut polaire français pour la Terre-Adélie.

S'agissant du traitement des déchets, nous avons élaboré un schéma directeur comportant notamment deux axes forts : la réduction à la source, autant pour les déchets matériels que pour les produits qui sont utilisés dans les territoires, l'objectif étant de réduire les effluents liquides et les pollutions éventuelles ; le stockage, qui constitue effectivement une contrainte forte dans ces bases permanentes. Comme le rappelait le sénateur Christophe-André Frassa, il y a un peu moins de 30 personnes, voire 20, en Terre-Adélie, à Dumont-d'Urville, jusqu'à une centaine à Kerguelen, mais en saison d'été seulement. Entre l'hivernage et la campagne d'été, nous doublons à peu près les effectifs et donc on est effectivement entre un peu moins de 30 à Crozet et Amsterdam et une cinquantaine en hiver à Kerguelen. Dans les îles Éparses, la souveraineté est assurée par la présence permanente de détachements de 15 à 16 personnes.

Du point de vue des déchets solides, les Terres australes (Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam) représentent l'activité la plus importante des TAAF, avec environ 130 tonnes de déchets par an. Une politique de tri sélectif extrêmement fine a été mise en place de longue date. Elle est associée, pour chacun des éléments du tri, à des filières de récupération, de valorisation ou de traitement. Les superficies occupées dans ces bases sont assez larges : les déchets occupent soit un hangar complet, soit une grande partie d'entre eux.

Le schéma directeur des déchets a été élaboré à la suite d'une étude menée avec l'appui de la Banque des territoires. Le constat de départ était favorable, puisque la politique de valorisation, de récupération et de recyclage des déchets était déjà bien avancée. Nous assurons aussi le recyclage des matériaux de construction : lorsqu'un bâtiment est détruit, les résidus de construction sont concassés et réutilisés. Nous valorisons également des textiles grâce à des « friperies » qui limitent les approvisionnements en vêtements.

Le point faible est le traitement des déchets organiques. C'est pourquoi le schéma directeur prévoit deux investissements, un composteur pour Amsterdam et un digesteur pour Crozet. À l'heure actuelle, ces déchets sont incinérés avec les cartons, parfois des résidus de bois, mais l'incinération est aussi génératrice de déchets ultimes à exporter - les mâchefers - que nous souhaitons réduire. Le travail essentiel lié au schéma directeur des déchets des TAAF consiste à traiter ce sujet. À son terme, nous aurons une politique complète sur tous les types de déchets, de l'élimination, notamment des déchets organiques, jusqu'au stockage et à l'évacuation des déchets. Qu'il s'agisse des Terres australes françaises, ou de l'archipel des Glorieuses, tous classés en réserves naturelles, sans compter les îles Éparses qui le seront en 2023, nous ne conservons aucun déchet dans ces espaces protégés et il est systématiquement procédé à leur complète évacuation.

La Terre-Adélie entre dans le cadre juridique du traité sur l'Antarctique, dont l'annexe 3 régit les questions de déchets, et prévoit explicitement leur évacuation hors de la zone du traité.

La politique principale consiste à identifier des filières pour chacun des déchets, que ce soit à la Réunion pour les Terres australes ou les îles Éparses, ou en partie en Australie, pour la Terre-Adélie, puisque le port de ravitaillement logistique de ce territoire est Hobart, en Tasmanie.

Je confirme que le Marion Dufresne est le vecteur principal d'évacuation des déchets pour ce qui concerne les Terres australes, et qu'il peut l'être partiellement pour les îles Éparses. En revanche, nous nous appuyons sur l'Astrolabe pour la Terre-Adélie, qui est le vecteur logistique principal pour cette zone Antarctique, ou sur des bâtiments de la marine nationale, qui évacuent régulièrement dans les îles Éparses.

Au-delà des déchets produits localement, nous réalisons également, comme en mai et juin dernier avec l'Astrolabe, une évacuation des déchets ramassés sur les plages et les côtes, notamment des îles Éparses. Nous menons une politique de ramassage systématique des déchets, principalement plastiques, par les équipes présentes sur place, que ce soit les militaires, les gendarmes représentants du préfet, ou les agents de l'environnement.

Globalement, cette politique de gestion des déchets représente un coût de l'ordre de 150 000 euros par an, ce qui est un investissement important pour le territoire des Terres australes et antarctiques françaises.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Merci monsieur le préfet, et merci Christophe-André de nous avoir relaté ton expérience très fructueuse. Je m'interroge sur les déchets dangereux, notamment les mâchefers. Comment sont-ils acheminés ? Quid de l'amiante ?

M. Charles Giusti . - Nous évacuons systématiquement tous les déchets dangereux par le biais de filières spécialisées et dans des conditions de transport adaptées à chaque type de déchets. Pour l'amiante, nous faisons appel à des sociétés qui assurent à la fois les opérations de désamiantage et le conditionnement des déchets pour leur transport sur le Marion Dufresne ou l'Astrolabe s'agissant de la Terre-Adélie. Les déchets sont ensuite directement envoyés vers la métropole dans des filières spécialisées.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Les déchets dangereux ne passent donc pas par La Réunion ? C'est ce que je voulais savoir, parce qu'en ce moment, nous avons une problématique de stockage et d'évacuation des déchets dangereux.

M. Charles Giusti . - Les déchets dangereux arrivent à La Réunion, car tout passe par La Réunion, mais, à ma connaissance, les filières spécialisées, en tout cas pour l'amiante, les envoient ensuite directement en métropole.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Le personnel qui s'occupe des déchets est-il un personnel permanent ?

M. Charles Giusti . - Tout le monde est mis à contribution dans cette partie de tri et de gestion des déchets. Il y a un personnel particulier, le responsable des approvisionnements, qui organise l'évacuation des déchets, puisqu'il faut être en parfaite coordination entre les districts, les bases, tenir compte des niveaux de stockage admissibles, puisque certains déchets ne peuvent être évacués systématiquement, et puis, de leur éventuelle récupération au port d'arrivée, y compris lorsque des déchets dangereux doivent ensuite partir vers la métropole, ou éventuellement en métropole vers l'Afrique du Sud, ou vers l'Inde pour certains déchets.

L'organisation mise en place est complexe, à l'image de toute la logistique des TAAF, puisqu'elle repose sur le passage régulier de navires, en moyenne tous les 3 mois mais cela peut être beaucoup plus long, environ 5 mois en période d'hivernage.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Quel est le « plan Orsec » quand le bateau ne passe pas pendant plusieurs mois ? Tout semble parfaitement organisé, mais le dispositif n'est-il pas fragile s'agissant de territoires presque autarciques et si éloignés ?

M. Charles Giusti . - Tout est organisé, y compris la capacité de reconfiguration, étant donné l'aléa majeur que constitue la météo. En règle générale, nous avons des marges pour nous reconfigurer en fonction de l'état de la météo, et on peut ajuster éventuellement les dates d'escale à la marge, par exemple lorsque l'on s'aperçoit, lors d'une escale, que telle ou telle opération sera impossible compte-tenu des conditions météo.

Nous avons l'habitude de gérer ces aléas et les intégrons dans le dimensionnement des temps d'escale, et puis après on priorise, il y a des déchets qu'il faut évacuer plus rapidement. Le système est extrêmement organisé, c'est une logistique complexe qui nécessite une préparation extrêmement fine, mais qui dispose également d'une capacité d'adaptation en fonction des différents aléas. En priorisant et en anticipant, on évite de se trouver dans une situation critique avec des volumes de déchets qui finiraient par poser problème.

La production globale reste cependant modeste, 130 tonnes en tout pour les 3 districts austraux : environ 70 tonnes pour Kerguelen, 30 tonnes pour Amsterdam et 30 tonnes pour Crozet.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Ces territoires sont passionnants, mais quand on ne les a pas approchés, on a du mal à se faire une idée de cette organisation quasi militaire du stockage et du traitement du déchet sur des territoires vraiment très disparates.

M. Christophe-André Frassa . - Sous le contrôle du préfet, j'ajouterai que si les hangars ont été agrandis sur certaines bases, c'est précisément pour faire face à l'éventualité d'une impossibilité ou d'un retard dans la rotation, pour pouvoir stocker un peu plus de 3 mois de tri de déchets.

En outre, si à Kerguelen et à Amsterdam, on peut utiliser un chaland pour aller de la base au Marion Dufresne, à Crozet, où il n'y a pas de quai, tout se fait par rotation d'hélicoptère. Tout repose sur la météo et est donc priorisé : en premier, évidemment on décharge du bateau les vivres pour les 3 mois à venir, puis vient l'évacuation de tout ce qui doit repartir avec le bateau. J'ai été témoin de la dépendance à la météo, puisque, le jour de notre arrivée à Crozet, une tempête avec des vents à 120 kilomètres/heure a fait stopper les manipulations deux heures après notre arrivée et jusqu'au lendemain matin. Le chef de mission a dû reprogrammer certaines choses en urgence, et fort heureusement, il avait été prévu un temps plus long de séjour sur Crozet, ce qui a permis de tout réaliser.

M. Charles Giusti . - Ce qui est vrai pour les déchets est également vrai pour les livres, pour le gazole, pour le matériel médical, de manière générale pour tout ce qui peut permettre de garantir la vie, voire la survie, de ces personnes dans ces territoires extrêmement isolés. La gestion des déchets est d'une complexité particulière, mais tout ce qui est destiné à ces territoires est soumis à cet aléa et nécessite que l'on anticipe une difficulté lors d'une rotation qui obligerait à ravitailler lors d'une rotation suivante.

Concernant spécifiquement le gazole, le stockage stratégique est un élément important puisqu'il faut être en capacité de tenir quelques mois au cas où on ne pourrait pas ravitailler.

M. Philippe Folliot . - En 2016, j'ai participé à une rotation à Kerguelen et j'ai assisté à une opération qui mérite réflexion, car elle témoigne d'une vision un peu extrémiste de la gestion des déchets.

Quelques années plus tôt, une introduction de moutons avait eu lieu sur l'île Longue, juste en face de Port Jeanne d'Arc. Pour préserver l'écosystème, une clôture avait été mise en place pour séparer l'île en deux : les moutons occupaient tantôt une partie de l'île, tantôt l'autre. Pour des raisons diverses et variées, il a été décidé de mettre fin à cette expérience et les moutons ont été tués. Du point de vue de l'autonomie alimentaire, cette décision interroge, mais la logique qui prévalait était d'avoir le moins d'espèces invasives possible, d'autant que des milliers de cerfs, introduits naturellement, avaient envahi toutes les îles Kerguelen. À la différence du mouton, le cerf nage ! Mais ceci est une parenthèse.

Lorsque cette décision a été prise, il a également fallu se débarrasser de la clôture qui gênait les oiseaux. Or, il a été décidé de ramener cette clôture dans l'Hexagone ! J'ai assisté moi-même à la manoeuvre qui consistait, avec un hélicoptère, à prendre les ballots de grillage et les mettre sur le Marion Dufresne. Ensuite, ils ont été évacués vers l'île de La Réunion, mais celle-ci ne disposant pas d'une capacité de recyclage, ils ont été transportés jusque dans l'Hexagone. Très honnêtement, je m'interroge sur le bilan écologique d'une telle décision, alors que juste en face de l'île Longue, à port Jeanne d'Arc, se trouvent des milliers de tonnes de fer rouillé issus de l'ancienne base baleinière norvégienne. Il me semble qu'on aurait pu soit les stocker avec, soit les immerger : après tout, il y a des épaves à proximité et le fer n'est pas un déchet toxique à proprement parler.

À l'époque, j'avais écrit à votre prédécesseur, lui faisant un compte rendu de mission, avec quelques éléments de réflexion. J'avais alors préconisé de faire davantage appel au bon sens paysan : en l'occurrence, il aurait permis des économies tant sur le plan budgétaire qu'au niveau du bilan environnemental de l'opération.

Voilà pour cette parenthèse qui, sans être totalement dans notre sujet, s'en approche de près.

Je confirme par ailleurs que nous sommes dans des territoires extrêmes et qu'en tout état de cause, dans l'ordre des priorités, il y a la sauvegarde des personnes, puis la sauvegarde des moyens et matériels et, enfin, les déchets, qui arrivent un peu après, ce qui n'est pas illogique.

Au sein du Conseil consultatif, il y a une réelle prise en considération de la problématique, car un des objectifs relatifs aux TAAF est de profiter de leur petite taille pour en faire des modèles en matière de développement durable. Les contraintes de logistique et les aléas météorologiques complexifient cependant parfois la tâche.

Il arrive que le mieux soit l'ennemi du bien. Tentons de garder le juste équilibre entre ce qui participe d'une réduction à la source des déchets, de leur tri et récupération, et les logiques hexagonales qui ne sont pas forcément adaptées à ces territoires. En ce sens, il faut laisser au préfet la capacité d'organiser les choses au mieux et avec bon sens.

M. Stéphane Artano, président . - Merci à tous pour votre participation et pour les clarifications qui nous ont été apportées, notamment sur les flux et la manière dont sont gérées les choses.

Puisque nous concluons nos travaux pour la présente session, je vous livre quelques informations générales sur nos travaux à venir car la rentrée de la délégation s'annonce particulièrement chargée :

- le mardi 4 octobre à 21 h 30, il y aura un débat en séance publique suite aux travaux de la Mission d'information sur les fonds marins auxquels plusieurs d'entre nous ont participé, et dont le rapporteur est Teva Rohfritsch ;

- le mercredi 5 octobre à 18 heures se tiendra le débat en séance publique relatif aux conclusions du rapport de notre délégation sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale, rédigé par nos collègues Annick Pétrus, Philippe Folliot et Marie-Laure Phinera-Horth ;

- le jeudi 6 octobre 2022 à 9 heures, la délégation entendra Jean-François Carenco, le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé des outre-mer ;

- en octobre également, nous lancerons des auditions pour actualiser le travail initié en 2020 par Michel Magras sur la différenciation territoriale, tout en poursuivant nos auditions pour le rapport sur la gestion des déchets en vue de son achèvement, si possible, en novembre ;

- enfin, je vous rappelle que le lundi 21 novembre 2022, la délégation organisera à nouveau un après-midi d'échanges au Sénat avec les maires et élus d'outre-mer à l'occasion du prochain Congrès des maires, sous le haut parrainage du président Gérard Larcher.

J'ai également reçu plusieurs demandes, notamment de notre collègue Victoire Jasmin, sur la situation des jeunes ultramarins, et de la présidente de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon.

Je vous propose donc que nous organisions à la rentrée un échange en vue de notre programme de travail 2022-2023 qui devra, de toute façon, être communiqué au Bureau du Sénat avant décembre 2022.

Jeudi 13 octobre 2022

Table ronde sur les aspects sanitaires de la gestion des déchets dans les outre-mer

M. Stéphane Artano, président . - Chers collègues, nous reprenons ce matin nos auditions dans le cadre de la préparation du rapport de la délégation sur la gestion des déchets dans nos outre-mer. Nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, effectuent un travail d'investigation considérable et ont souhaité un éclairage particulier sur les aspects sanitaires de cette problématique. Nous entendrons donc successivement :

• au nom de la Direction générale des outre-mer (DGOM), M. Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques et Mme Delphine Colle, chef du bureau de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables (BELDAD) ;

• pour la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), MM. Philippe Bodenez, chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses et Jean-François Ossola, adjoint de la cheffe de la planification et de la gestion des déchets ;

• pour la Direction générale de la santé (DGS), Mme Caroline Paul, chef du bureau environnement extérieur et produits chimiques et M. François Klein, chef de la mission outre-mer.

Nos rapporteures vous ont transmis leurs questions. Les personnes concernées par cette problématique sont souvent en situation de précarité. Outre les pathologies et les contaminations directes, nous sommes aussi préoccupés par la pollution de l'air, de l'eau et du sol. N'oublions pas non plus les enjeux spécifiques à chaque territoire, comme la gestion des déchets à la suite des essais nucléaires en Polynésie ou les déchets issus de l'exploitation minière en Nouvelle-Calédonie et en Guyane.

M. Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques de la Direction générale des outre-mer (DGOM) . - Monsieur le président, nous nous sommes déjà vus à la fin du mois de mai dans le cadre d'une audition plus générale. C'est toujours pour nous un plaisir de venir rendre compte au Sénat et à sa délégation aux outre-mer. Aujourd'hui, les questions portent sur la thématique des déchets et sur la dimension sanitaire de cette politique publique. Nous sommes accompagnés par la DGPR et par la DGS. Compte tenu de la technicité des questions qui nous ont été transmises et de leur lien avec la santé ou la prévention des risques, nous considérons que la DGOM interviendra moins que nos autres collègues.

La DGS répondra à la première question, qui porte sur les aspects généraux, les pathologies et les contaminations. Elle traitera également la deuxième question relative aux actions de sensibilisation, ainsi que la troisième question, relative à la prolifération des nuisibles. La quatrième question, qui porte sur les mesures de la qualité des eaux et des sols, sera prise en charge par la DGOM et la DGPR. La DGS, la DGPR et la DGOM répondront à la cinquième question, relative aux déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI), ainsi qu'à la sixième question, afférente à la filière responsabilité élargie des producteurs (REP). La septième question, relative aux adaptations réglementaires, sera traitée par la DGS et la DGPR. La huitième question, qui porte sur les déchets radioactifs issus des essais nucléaires en Polynésie, sera prise en charge par la DGPR. La neuvième question, relative à la Nouvelle-Calédonie et à la Guyane, sera traitée par la DGPR et la DGS. Enfin, la DGPR répondra à la dixième question, relative à l'incinération des déchets.

Pour répondre à ces questions très techniques, les directions « métiers » sont davantage en première ligne que la DGOM. Je vous propose de céder la parole aux collègues de la DGS pour la première question.

M. François Klein, chef de la mission outre-mer . - Mesdames et Messieurs les sénatrices et les sénateurs, la DGS vous remercie de pouvoir s'exprimer sur les enjeux sanitaires liés aux déchets dans les outre-mer. Nous constatons tout d'abord que l'impact sanitaire lié aux déchets est similaire à celui rencontré sur l'ensemble du territoire français, mais que les risques s'en trouvent augmentés dans nos outre-mer en raison des difficultés rencontrées dans la gestion des déchets.

Quels sont ces risques et quelles sont les pathologies de contamination constatées ? Tout d'abord, des déchets sont abandonnés dans l'espace public, ce qui engendre des conséquences sanitaires manifestes, qui impactent les populations. L'abandon de déchets, notamment les gros électroménagers et les véhicules hors d'usage (VHU) favorisent la prolifération d'espèces nuisibles, potentiellement vectrices de maladies transmissibles aux populations. Les déchets favorisent la rétention d'eau stagnante, la constitution de gîtes larvaires et entraînent le développement de moustiques vecteurs de différentes maladies (chikungunya, dengue, paludisme, etc.). Ces situations favorisent aussi la prolifération de rongeurs, porteurs de maladies telles que la leptospirose.

Plus généralement, l'abandon de déchets entraîne une dégradation de l'environnement proche des populations, notamment de la qualité des eaux superficielles et souterraines destinées à la consommation. La qualité de l'air est également impactée, en termes de nuisances olfactives, et suite au brûlage régulier de déchets à proximité des habitations. Une enquête effectuée à La Réunion montre que 86 % des Réunionnais pensent que les déchets dégradent les sols et 83 % perçoivent les conséquences négatives pour leur santé. Pour autant, les consignes émises par les autorités sont rarement respectées.

À Mayotte et ailleurs, plusieurs maladies sont favorisées par l'abandon de déchets : le paludisme, la dengue avec des épidémies successives, la leptospirose - qui revient régulièrement en Martinique, en Guyane et à Mayotte -, qui peut générer des conséquences très graves. La leptospirose entraîne notamment de nombreuses hospitalisations. En Guyane, une centaine de cas est comptabilisée chaque année. Le taux est 70 fois supérieur à celui de la France hexagonale.

Des maladies hydriques sont également favorisées par l'abandon de déchets, notamment la typhoïde et l'hépatite A. À Mayotte, 14 cas de typhoïde ont été dénombrés en 2021. Entre 50 et 100 cas d'hépatite A s'y ajoutent. À Mayotte, l'Agence régionale de santé (ARS) engage de nombreuses actions de veille, de prévention et de traitement des déchets pour limiter ces impacts sanitaires. Ces actions sont menées dans le cadre de la lutte anti-vectorielle (gîtes larvaires) et prennent la forme d'interventions directes et de moyens mis en oeuvre pour identifier les gîtes à risque dans les décharges sauvages, dans les véhicules hors d'usage, dans les stocks de pneus et dans l'électroménager abandonné. L'ARS accompagne aussi les associations et les collectivités pour leurs actions de lutte contre les déchets, généralement dans le cadre de chantiers d'insertion.

En Martinique, différents incendies ont frappé des sites recevant des déchets en 2021. L'ARS est beaucoup intervenue auprès du syndicat en charge du traitement des déchets, afin de limiter les risques sanitaires induits. En outre, des interrogations portent sur les déchets issus des sargasses. Ainsi, des incertitudes demeurent sur les conséquences sanitaires du dégazage, en particulier les émissions d'ammoniac.

Une problématique porte aussi sur les déchets verts, à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon notamment. Par ailleurs, le plomb est une autre source de contamination, notamment à La Réunion, à la suite de l'abandon de batteries de voitures ou de batteries à usage industriel. Nous avons constaté des regroupements de cas de plombémie et de saturnisme infantile autour de zones de précarité dans lesquelles des batteries avaient été abandonnées. Les dépôts sauvages de batteries ont également pris des proportions importantes en milieu urbain, à La Réunion, à Mayotte et en Guyane. Des pollutions diffuses ultérieures sont à craindre.

J'aborde la seconde question. Les ARS effectuent des actions de sensibilisation des populations aux risques sanitaires liés aux déchets. Les différents territoires mettent en oeuvre des plans régionaux santé-environnement, qui comprennent tous un volet de sensibilisation à la question des déchets. À titre d'illustration, l'ARS Guadeloupe a organisé de nombreuses réunions d'information sur le sujet de l'enlèvement des véhicules hors d'usage. À Mayotte, le plan 2020-2024 comprend de nombreuses actions de sensibilisation. Au final, ces différentes actions ont pour but de réduire la production de déchets à la source et de résorber les dépôts sauvages. En la matière, nous n'obtenons pas toujours les résultats souhaités.

En Guyane, les différents acteurs sont également sensibilisés à cet enjeu, en lien avec des associations telles que la Croix-Rouge pour des projets d'assainissement. L'ARS a financé un projet « Wash » dont l'objectif est de faire monter en compétence les habitants des zones isolées ou précaires sur la bonne gestion de leurs points d'eau et des déchets.

J'ai déjà répondu à la troisième question, relative à la prolifération des nuisibles. Nous avons constaté, lors des enquêtes environnementales relatives aux cas de leptospirose ou de dengue, des problèmes sanitaires liés à la mauvaise gestion des déchets. Pour autant, il est difficile d'isoler la cause.

M. Philippe Bodenez, chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses . - En ma qualité de chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses, je peux m'appuyer sur une sous-direction en charge de l'économie circulaire et des déchets et sur une sous-direction en charge des enjeux de santé-environnement. Le conseil national de l'économie circulaire nous permet de discuter avec l'ensemble des parties prenantes, techniques ou politiques. La présidence de ce conseil reste néanmoins à pourvoir depuis les dernières élections législatives.

Notre service assure la cohérence entre la gestion des déchets et la prise en compte des impacts environnementaux de certaines pratiques. Nous menons plusieurs actions pour réduire l'impact d'une gestion des déchets déficiente sur les épidémies de dengue transmises par des moustiques. Ainsi, s'agissant des véhicules hors d'usage, dans lesquels les insectes peuvent pulluler, nous avons mis en place un plan de reprise des véhicules hors d'usage par les constructeurs automobiles. Ce plan permet de faire financer par ces derniers la reprise de véhicules hors d'usage. À ce jour, 21 437 véhicules hors d'usage ont été repris, dont 9 000 en Martinique, 4 000 en Guadeloupe, 6 000 à La Réunion, 400 à Mayotte et 2 000 en Guyane. Ces véhicules ont été récupérés dans l'espace public, mais nous avons récemment adopté des dispositions permettant de renforcer la prise en charge de ces véhicules dans des zones privées. De plus, un dispositif de police inscrit à l'article L.541-3 du code de l'environnement permet, lorsque le propriétaire d'un véhicule hors d'usage ne satisfait pas à l'obligation de remettre son véhicule à une filière agréée, de se substituer à celui-ci et de venir faire enlever le véhicule, afin de le déposer au centre VHU.

Nous avons également renforcé les obligations législatives et réglementaires, afin de faciliter la prise en charge de ces véhicules. À l'époque, nous estimions que 60 000 véhicules étaient concernés. Aujourd'hui, nous en sommes donc au tiers et le plan de reprise des véhicules hors d'usage se poursuit.

Une autre disposition figure dans la loi et vise à faire du sujet des véhicules hors d'usage un objet des filières dites à responsabilité élargie des producteurs (REP). Ainsi, à compter du 1 er janvier 2023, une filière à responsabilité élargie des producteurs doit être mise en place pour les véhicules, dans laquelle les constructeurs financent ou traitent directement les véhicules hors d'usage. Jusqu'à présent, le système était équilibré financièrement dans l'Hexagone, mais ne l'était pas dans les territoires d'outre-mer ; notre objectif est d'harmoniser les règles qui s'appliqueront dans la collecte et la gestion des véhicules hors d'usage, dans l'Hexagone comme en outre-mer. À l'époque de l'adoption de la loi, en 2020, nous nourrissions des inquiétudes particulières pour les outre-mer. Nous avons donc favorisé le développement des éco-organismes dans les territoires d'outre-mer. Lorsque le taux de collecte, de tri ou de valorisation de déchets dans une filière REP est inférieur à la moyenne nationale, les éco-organismes doivent renforcer leurs financements pour permettre un retour à la normale dans la collecte et la valorisation des déchets.

Nous avons également mis en place une filière REP dans le domaine des piles et accumulateurs, incluant les batteries de voiture. Cette filière est imposée par la Commission européenne. Les deux éco-organismes chargés de cette collecte doivent déployer des plans de prévention et de gestion des déchets spécifiques aux outre-mer, afin de rattraper le retard pris.

Enfin, les pneumatiques sont des gîtes larvaires. En 2020, nous avons fait voter un article de loi prévoyant la réintégration des pneumatiques dans la législation relative aux filières REP. Jusqu'à présent, au niveau des producteurs, le volontariat était de mise dans la collecte des pneumatiques. Nous travaillons sur les textes d'application de la loi, afin de disposer d'une filière REP pour la reprise des pneumatiques. En outre, la loi de 2020 permet désormais d'impliquer les éco-organismes dans la gestion des dépôts sauvages. Lorsqu'un dépôt sauvage est repéré, il est désormais possible de demander aux éco-organismes de financer la reprise de ces déchets au prorata de la composition des déchets.

Globalement, la gestion des déchets en outre-mer présente une difficulté intrinsèque : le manque de disponibilité de filières de traitement et de valorisation des déchets. Ce manque de filières industrielles rend nécessaire l'acheminement des déchets vers l'Hexagone.

Dans certains cas, il serait possible de développer des filières locales, notamment dans le domaine de la surveillance et du contrôle. Les incendies survenus dans des décharges en Martinique entre octobre 2021 et janvier 2022 sont liés aux difficultés de gestion, l'incinérateur étant alors à l'arrêt. Ils ont produit des fumées qui ont pu exposer les riverains à des substances toxiques. Lorsque les services de la préfecture ont voulu réaliser des analyses, il a été difficile de mobiliser les laboratoires du Réseau des intervenants en situation post-accidentelle (Ripa) dans un délai inférieur à dix jours. Nous devons donc renforcer la disponibilité des laboratoires dans les territoires d'outre-mer ou faire venir plus rapidement des laboratoires pour effectuer des prélèvements et des analyses. L'association de contrôle de la qualité de l'air locale, Madininair , ne disposait pas non plus des moyens permettant d'effectuer des mesures dans la zone des incendies. Nous devons ainsi travailler non seulement sur les filières de gestion, mais aussi sur les moyens déployés en réaction à des accidents.

Concernant l'incinération, le débat est propre à la France. Cela s'explique par le fait que durant une longue période, les incinérateurs de déchets n'étaient pas conformes à leurs arrêtés d'exploitation, ce qui a généré des craintes au sein de la population. Le domaine de l'incinération est aujourd'hui l'un des plus contrôlés et des plus suivis. Les incinérateurs doivent respecter les dispositions de la directive européenne sur les effluents industriels. Cette directive prévoit périodiquement une mise à jour des réglementations techniques applicables sur l'ensemble du territoire européen. Nous avons donc récemment mis à jour l'arrêté ministériel du 12 janvier 2021 sur ce sujet. De nouveaux paramètres en sortie d'incinérateurs ont ainsi été fixés. En outre, de nouvelles techniques de dépollution à la sortie des cheminées sont régulièrement imposées. Dans ce contexte, les règles s'appliquent dans l'Hexagone comme dans les outre-mer.

S'agissant des déchets de soins à risque infectieux, deux types de traitement coexistent : l'incinération et la banalisation. Ce second procédé permet d'éliminer les bactéries présentes dans les déchets avant leur remise aux filières d'enfouissement locales. Dans les Antilles, 823 tonnes de déchets de soins à risque infectieux ont été incinérées dans ces conditions en 2021.

En outre, le soutien à l'éco-organisme chargé de la collecte des déchets de soins à risque infectieux chez les particuliers a été renforcé. L'année dernière, le taux de collecte des déchets de soins à risque infectieux s'établissait à 82 % dans l'Hexagone et à 75 % dans les outre-mer ; un rattrapage progressif est mis en place dans les outre-mer, notamment en Guyane où le taux n'est que de 40 %. À ce titre, des campagnes de communication sont menées. Enfin, la procédure de renouvellement de l'agrément de l'éco-organisme est en cours. Celui-ci devra notamment transmettre, d'ici à mi 2023, un plan de prévention et de gestion des déchets en outre-mer. Nous attendons des progrès en la matière, notamment en Guyane.

Concernant les sargasses, la DGOM a mis en place un plan interministériel de lutte contre les sargasses en 2022. Selon la DGPR, il est impératif de renforcer la stratégie de broyage des sargasses collectées en mer. En effet, lorsque celles-ci sont à terre, elles sont très difficiles à gérer, car elles sont chargées en métaux lourds, en chlordécone et en sel. Nous travaillons avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) pour sécuriser les stockages qui posent problème aujourd'hui, afin d'éviter les émanations d'hydrogène sulfuré.

S'agissant des déchets miniers, une réglementation européenne de 2006 a été transposée en France en 2010 par un décret et plusieurs arrêtés ministériels. L'un de ces arrêtés porte sur les installations de stockage de déchets miniers.

Pour rappel, plusieurs activités minières coexistent. L'exploitation alluvionnaire par procédé mécanique génère surtout des déchets inertes avec une toxicité faible. Le danger survient lorsque l'exploitation se déroule dans un cadre illégal avec l'emploi de mercure pour faciliter l'extraction de l'or. Des plans ont été mis en place avec la Gendarmerie nationale pour démanteler les camps de mineurs illégaux en Guyane, c'est un travail de Pénélope. Par ailleurs, sur ce territoire, une unité légale de traitement du minerai n'est pas alluvionnaire et génère des résidus miniers après traitement chimique. Ces résidus sont d'une part les stériles miniers, qui représentent d'importants volumes non toxiques, et d'autre part les résidus miniers post-traitement chimique du minerai. Ceux-ci peuvent contenir des métaux lourds ou des substances qui ont été utilisées dans le cadre du traitement chimique de ces minerais. En Guyane, nous disposons d'une installation de stockage de ces déchets miniers. Celle-ci est soumise à un arrêté préfectoral et doit répondre aux conditions définies dans l'arrêté qui transpose la directive européenne sur les stockages. Les enjeux portent sur la stabilité des stockages (digues) et sur les substances chimiques pouvant émaner des stockages. Sur ce second point, des prélèvements sont régulièrement effectués afin de s'assurer de l'absence de contamination de l'environnement.

La Nouvelle-Calédonie est l'autre territoire marqué par une activité minière conséquente. Trois grandes usines de traitement y sont implantées, dont deux usines pyrométallurgiques et une usine hydrométallurgique. Les compétences en matière de contrôle appartiennent aux provinces ou à la Nouvelle-Calédonie. Le traitement des déchets est effectué de manière industrielle, à travers des parcs à stériles miniers et des stockages de résidus miniers. Plusieurs initiatives ont été lancées pour évaluer l'impact sanitaire de ces déchets sur les populations locales. À titre d'illustration, une initiative portée par la Direction des mines de Nouvelle-Calédonie (DIMENC), vise à mesurer le niveau d'imprégnation des populations locales à un certain nombre de polluants qui peuvent être émis par l'activité minière tels que le nickel, le chrome, le cobalt et le manganèse. Une surexposition éventuelle des populations riveraines est également recherchée. Aujourd'hui, des études sont menées pour déterminer si les rejets liés aux activités minières peuvent être à l'origine de pathologies. En tout état de cause, ces activités font l'objet de dispositions de contrôles. L'exploitation du nickel peut conduire à des émanations de poussières ; des travaux sont en cours pour les limiter.

S'agissant des déchets nucléaires en Polynésie française, la France a procédé à des expérimentations nucléaires entre 1966 et 1996 dans le centre d'expérimentation du Pacifique situé dans les atolls de Mururoa et de Fangataufa. Des déchets ont été immergés entre 1966 et 1976 dans cette zone, mais aussi au large de l'atoll d'Hao. Certains déchets ont été stockés sur place dans des puits à Mururoa. Les quantités de déchets figurent à l'inventaire national de l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. 4 192 m 3 de déchets de haute activité, les déchets les plus dangereux, ont été générés à l'occasion de ces expérimentations. Les déchets de moyenne activité à vie longue représentent un volume dix fois supérieur à celui-ci et sont également stockés dans des puits. Ces déchets sont placés sous la responsabilité du ministère de la Défense. En 1996, la France a demandé une mission d'expertise à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour déterminer la soutenabilité des choix de stockage des déchets dans les atolls. À l'époque, les experts n'avaient pas soulevé de préoccupations majeures. Ils ont indiqué que la poursuite de la surveillance n'était pas nécessaire. Néanmoins, la surveillance de ces atolls a été maintenue.

M. Stanislas Alfonsi . - Monsieur le président, les interventions de la DGS et de la DGPR ont largement répondu au questionnaire. Je cède la parole à Delphine Colle pour évoquer la question relative à Wallis-et-Futuna.

Mme Delphine Colle, chef du bureau de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables (BELDAD) . - Cette question porte sur la mesure de la qualité des eaux et des sols dans les secteurs des anciennes décharges non contrôlées ou sujettes à précautions. À Wallis, la lentille d'eau douce fait l'objet d'un suivi régulier par le territoire, sur l'ensemble de l'île. Au centre d'enfouissement technique de Wallis, un piézomètre permet de suivre la qualité de l'eau du site. Des analyses sont régulièrement réalisées sur le territoire par le laboratoire d'analyse des eaux du territoire. Ces analyses sont toutefois limitées aux paramètres bactériologiques et physico-chimiques. Elles démontrent l'absence de pollution. En outre, des campagnes d'analyse plus globales sont menées à intervalles réguliers et transmises en Nouvelle-Calédonie. La dernière campagne, qui remonte à 2018, fait état de l'absence de difficulté particulière, que ce soit en termes de composition chimique des eaux souterraines ou en termes bactériologiques. À l'inverse, à proximité des dépôts, les sols sont contaminés en surface sur 50 cm de profondeur par des hydrocarbures, des métaux et des composés industriels. Cette pollution superficielle n'affecte pas les eaux souterraines.

À Futuna, aucune nappe phréatique et aucune ressource en eau superficielle ne se trouvent à proximité du centre d'enfouissement.

M. Stéphane Artano, président . - Je cède la parole à nos rapporteures.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Je vous remercie pour vos exposés exhaustifs, qui ont couvert les questions que nous vous avions adressées. La dimension sanitaire est fondamentale et fait partie intégrante du sujet de la gestion des déchets. L'état dans lequel se trouvent certains sites présente un impact sanitaire avéré sur les populations.

Je reviens sur la question de la gestion des déchets radioactifs en Polynésie française. Je rappelle en outre que les risques climatiques actuels viennent réveiller certaines pollutions historiques. Les déchets immergés et les déchets enfouis doivent faire l'objet d'un suivi, car aucune étanchéité ne peut être garantie. Des difficultés sanitaires peuvent en découler. Dans mon département, les systèmes dits « étanches » n'ont pas résisté et une pollution aérienne à l'arsenic a été déplorée. L'abandon des suivis sanitaires, pour des raisons nécessairement financières, est donc à proscrire.

Nous n'avons pas évoqué l'élimination des pièces anatomiques. Les élus des territoires d'outre-mer confrontés à ces enjeux ne savent pas toujours comment agir vis-à-vis de ces déchets très particuliers. Certains d'entre eux sont traités dans des conditions très insatisfaisantes, faute de solutions locales. Parfois, ils sont acheminés d'un territoire à un autre, de Mayotte vers La Réunion par exemple. Nous devons être en mesure de préconiser, dans notre rapport, des mesures harmonisées ou adaptées.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Merci, Mesdames et Messieurs, pour vos propos détaillés. Le problème de la collecte et du traitement des déchets ne peut pas s'envisager sans l'aspect sanitaire. Selon vous, convient-il d'envisager des adaptations réglementaires ou législatives, le cas échéant dans le cadre d'expérimentations dans certains territoires, pour traiter les pièces anatomiques ? Certains territoires sont dépourvus d'Unité de valorisation énergétique (Uve), d'incinérateurs ou de crématoriums. Quelles sont les solutions envisageables pour traiter ce problème très sensible et éthiquement exigeant ?

Mme Caroline Paul, chef du bureau environnement extérieur et produits chimiques . - Certains déchets d'origine humaine, les pièces anatomiques d'origine humaine (PAOH), doivent être incinérés. Lorsqu'il n'existe pas d'incinérateur, un autre système doit être mis en place. En Guyane, ces déchets sont enfouis par des sociétés funéraires. Le préfet de Guyane a émis un arrêté pour permettre cet enfouissement dérogatoire. D'une manière générale, les déchets d'activités de soins sont de types variés et englobent notamment les déchets chimiques, les déchets radioactifs, les déchets biologiques à risque infectieux et les déchets coupants ou piquants. Chaque déchet doit être traité et nous menons un travail de révision d'un guide de 2009 destiné à expliquer comment gérer tous ces déchets. Dans la mise à jour conduite avec les ministères de l'environnement et de l'outre-mer, nous tiendrons compte des expérimentations. Une expérimentation est en cours et doit permettre de valoriser la matière issue des déchets d'activité de soins à risques infectieux (DASRI) désinfectés, et non plus de seulement les détruire ou les enfouir. Plusieurs projets sont présentés et passent par France Expérimentation. Nous espérons avoir finalisé la première partie de ce guide au début de l'année prochaine.

Mme Victoire Jasmin . - Concernant le milieu hospitalier, des marchés publics encadrent les réseaux de traitement des effluents. De manière générale, la gestion des déchets fonctionne mieux lorsqu'un incinérateur est présent sur le territoire. Quelques filières permettent de faire revenir dans l'Hexagone certains déchets, nucléaires notamment.

Par ailleurs, vous avez évoqué la question du plomb. Celui-ci est présent dans certaines anciennes peintures, lorsque celles-ci n'ont pas été refaites. Des cas de saturnisme ont été identifiés. Récemment, en Guadeloupe, après le passage de la tempête Fiona , l'ARS a émis une communication de qualité sur la leptospirose. Quelques cas de cette maladie ont néanmoins été dénombrés.

En Guyane, les distances entre les communes sont très importantes, ce qui ne facilite pas la collecte des déchets issus des soins. Le rôle des infirmiers à domicile est donc fondamental, puisqu'ils font le lien entre les patients et les pharmacies. Certaines localités ne sont accessibles qu'en pirogue, ce qui renforce la complexité de la collecte.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Monsieur Klein, vous avez également évoqué la pollution des batteries que nous retrouvons régulièrement sur les bords des chemins. À l'inverse, nous n'y retrouvons jamais de bouteilles de gaz, car celles-ci sont consignées. Ne serait-il pas envisageable de prévoir une consigne pour les batteries ? Si la batterie usagée a une valeur, même minime, nous n'en retrouverons plus dans la nature.

Mme Nassimah Dindar . - Concernant les VHU, vous avez rappelé les textes applicables, notamment le code de l'environnement modifié en 2020, qui élargit la responsabilité des producteurs et les missions des éco-organismes vis-à-vis des dépôts sauvages de batteries et de voitures. Ma modeste expérience réunionnaise m'invite à penser que les particuliers, les communes et les communautés d'agglomération, voire les régions, sont les acteurs qui contribuent à l'enlèvement des véhicules usagés. À l'inverse, les vendeurs ou producteurs de voitures ne s'impliquent pas dans cette mission. Comment évaluez-vous l'effectivité de cette politique ? À La Réunion, cette évaluation ne doit pas être difficile, puisqu'une seule entreprise exerce un quasi-monopole dans la vente de véhicules. De même, pour les batteries, il importe de trouver une solution. À La Réunion, la majorité des batteries est récupérée par des acteurs privés et part à Madagascar par containers. De même, les pneus sont récupérés par des acteurs privés et n'encombrent plus la nature.

M. Philippe Bodenez, chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses . - Je vous remercie pour vos questions portant sur l'efficacité des dispositifs que nous mettons en place. S'agissant de la proposition de consigne des batteries, nous avons échangé avec les compagnies maritimes, qui subissent une désorganisation après la crise sanitaire. Certaines d'entre elles ne souhaitent plus transporter des déchets dangereux. Dans ce contexte, l'idée de la consigne est intéressante et mérite d'être étudiée. Certains professionnels tels que Norauto proposent d'ores et déjà un bon d'achat pour une nouvelle batterie, lorsqu'une batterie usagée leur est restituée.

Pour contrôler la bonne application du plan VHU, nos agents sont sur place et constatent les faits. De manière générale, pour qu'un véhicule soit éligible à ce plan, la police doit être intervenue de manière à constater la présence du véhicule de manière illégale sur le domaine public ou sur le domaine privé. Nous pouvons revenir vers les autorités locales pour connaître les actes pris, avant de récupérer le véhicule et l'amener vers la filière adaptée. Une association de constructeurs officie localement dans chaque département d'outre-mer. Les taux de collecte sont les plus importants dans les territoires dans lesquels ces associations sont les plus développées. Un retard important a donc été pris en Guyane, où l'association ne s'est pas encore suffisamment développée.

Mme Nassimah Dindar . - À La Réunion, vous pouvez appeler la police municipale lorsque vous voyez un véhicule hors d'usage. Cependant, celle-ci manque de moyens et jusqu'à quatre mois peuvent s'écouler avant qu'il soit enlevé. Il arrive donc fréquemment qu'en cas de dépôt sauvage de déchets, les citoyens contactent leurs élus. Au final, j'ai du mal à croire que 6 000 véhicules hors d'usage ont été récupérés à La Réunion et je m'interroge sur vos sources.

M. Philippe Bodenez . - La police municipale ne dispose pas des moyens techniques et économiques pour récupérer les véhicules hors d'usage. L'enlèvement de ces véhicules est désormais financé par les constructeurs.

M. Victorin Lurel . - Qu'est-ce qu'une pollution diffuse ? En outre, un moustique n'est pas un déchet, mais peut être le produit d'un déchet. Que devient la politique anti-vectorielle dans les outre-mer ? Sanofi avait mis au point un vaccin anti-dengue. Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet ? Ce vaccin a été essayé aux Philippines et des enfants de trois ans sont décédés. Que devient ce vaccin ? Où en est la recherche ?

Par ailleurs, la Guadeloupe comptait une usine d'élimination des DASRI. Or cette usine a fait faillite. Où les DASRI de la Guadeloupe sont-ils traités aujourd'hui ? Où sont-ils envoyés ? De même, que deviennent les pneus de la Guadeloupe ?

Monsieur Bodenez, vous avez exposé l'état de la législation. Quelle est la réalité de la gestion des déchets ? Quels en sont les financements ? En Guadeloupe, les constructeurs ne participent pas du tout financièrement à l'enlèvement des véhicules hors d'usage, au contraire de la Région Guadeloupe. Une filière des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) a été constituée, mais l'État ne s'y implique pas. L'État n'est présent que pour fixer les normes et assurer la police administrative, et non pour proposer des moyens.

S'agissant de la responsabilité élargie, je ne vois pas de trace de l'éco-participation. Les associations de recyclage fonctionnent grâce aux bonnes volontés locales, et non avec des fonds de l'État. L'État devrait être plus présent dans les économies insulaires. Nous attendions plusieurs usines d'incinération en Guadeloupe, mais au final une seule devrait voir le jour, à l'est de l'île. Quelle est la position de l'État vis-à-vis du schéma adopté par le conseil régional de la Guadeloupe et vis-à-vis des offres du Syvade, le syndicat de Guadeloupe ?

J'attends des réponses concrètes à mes questions, au-delà de la législation que l'État s'efforce de faire respecter, malgré l'absence de moyens étatiques en faveur de la gestion des déchets.

Mme Nassimah Dindar . - Je remercie les représentants de l'État qui sont présents aujourd'hui, car ils s'efforcent de coordonner des politiques complexes sur les territoires. Nous, sénateurs et sénatrices, représentons les collectivités et recherchons la cohérence dans la mise en application des réglementations récentes et futures. Dans le domaine de la santé, concernant la dengue, il ne sera plus possible de faire croire à un Réunionnais que nous étions en phase inter-épidémique de la dengue il y encore un an. J'attends beaucoup du ministère de la santé. Nous devons expliquer correctement les quatre phases progressives de la dengue. Des polémiques accompagnent le vaccin contre la dengue et celui contre le Covid. J'ai personnellement attrapé la dengue au stade 4 et j'ai failli décéder à l'hôpital. De nombreux Réunionnais sont morts de la dengue, et non du Covid. Les communications sur le sujet sont insuffisantes.

M. Stéphane Artano, président . - Nous avons largement dépassé l'horaire prévu pour cette réunion. Nous vous adresserons donc les remarques et les questions qui ont été posées, afin que vous puissiez y répondre ultérieurement.

Mme Victoire Jasmin . - Je tiens à rassurer notre collègue Victorin Lurel. Une table ronde s'est tenue le 12 juillet dernier, en présence du Syvade notamment, sur les sujets qu'il soulève.

M. Stéphane Artano, président . - Je vais conclure cette table ronde en vous remerciant. À Saint-Pierre-et-Miquelon, il est aujourd'hui inacceptable que les pièces anatomiques ne soient pas détruites comme elles devraient l'être. Un amendement a été proposé pour permettre l'aquamation, mais il a été rejeté, probablement en raison de pressions subies par le Gouvernement de la part d'acteurs de l'inhumation et de l'incinération. Or Saint-Pierre-et-Miquelon ne compte pas d'incinérateur et il est parfois compliqué, surtout en « période Covid », d'envoyer les pièces anatomiques au Canada. J'interpellerai officiellement le Gouvernement sur ce sujet. Une équipe de la DGPR s'est rendue sur place et a échangé avec les autorités locales.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Nous relaierons ce sujet transversal. Celui-ci ne doit pas uniquement être porté par les autorités de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, il touche à la dignité humaine.

M. Stéphane Artano, président . - Je vous remercie pour la clarté des propos. Nous vous ferons suivre les questions restées en suspens.

Jeudi 20 octobre 2022

Table ronde sur les aspects fiscaux de la gestion des déchets dans les outre-mer

M. Stéphane Artano, président . - Mesdames, Messieurs, Chers collègues, dans le cadre de la préparation d'un rapport sur la gestion des déchets dans les outre-mer, nous tenons ce matin une table ronde sur les aspects financiers et fiscaux de cette problématique avec :

- pour le ministère de l'intérieur et des outre-mer : MM. Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques, et Tony Chesneau, chef du bureau de la réglementation économique et fiscale, de la Direction générale des outre-mer (DGOM) ;

- pour le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique : M. Thibaut Fiévet, chef du bureau en charge de la fiscalité énergétique et environnementale ;

- pour le ministère de la transition écologique et solidaire : M. Jean-François Ossola, adjoint à la cheffe du bureau de la planification et de la gestion des déchets, direction générale de la prévention des risques (DGPR) ;

- pour Interco' Outre-mer : M. Maurice Gironcel, président, et président de la Communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR) ;

- pour le Syndicat intercommunal d'élimination et de valorisation des déchets de Mayotte (Sidevam 976) : M. Chanoor Cassam, directeur général des services.

Sur la base de la trame qui vous a été transmise, vous interviendrez dans l'ordre que je viens d'énoncer pour une dizaine de minutes. Les enjeux financiers sont particulièrement importants sur ce sujet et seront pris en compte dans nos propositions.

Puis les co-rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, vous interrogeront pour approfondir certains points.

M. Stanislas Alfonsi, adjoint au sous-directeur des politiques publiques, Direction générale des outre-mer (DGOM) . - Les deux premières questions de la trame portent sur la part que représente en moyenne le service public des déchets dans les budgets des collectivités ultramarines et le taux de couverture des coûts du service public des déchets par des recettes dites propres.

Une partie substantielle de ces données se situe chez nos collègues de la Direction générale des collectivités locales (DGCL). Mais compte tenu du calendrier présentant le projet de loi de finances, les administrations sont particulièrement mobilisées et dans le temps relativement court qui nous était imparti, nos collègues ont rencontré des difficultés à nous fournir tous les éléments que nous aurions voulu partager avec vous aujourd'hui. Néanmoins, nous en avons obtenu un certain nombre. Nos collègues se sont engagés à se tenir à la disposition du Sénat et des autres administrations pour fournir des éléments plus complets par la suite.

Des calculs permettent d'obtenir une idée du coût moyen pour les collectivités. Les départements et régions d'outre-mer (DROM) ont une population estimée de 2,2 à 2,3 millions d'habitants. Dans ces collectivités, le coût constaté de la gestion et du traitement des déchets, est, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), environ 1,7 fois plus élevé que le coût moyen constaté au niveau national. Ainsi, la moyenne nationale varie entre 90 et 95 euros par habitant et par an, tandis que le coût moyen annuel par habitant des outre-mer oscille entre 160 et 165 euros. Le coût moyen de la gestion des déchets est de l'ordre de 10 % du budget de fonctionnement de ces collectivités locales. Cependant, la DGCL nous a demandé de faire preuve de précautions dans l'appréciation de ces chiffres, car la fiabilité des chiffres remontés par les collectivités locales n'est pas pleinement garantie.

Les taux de couverture de ces coûts par des recettes propres, en particulier la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), sont variables selon les collectivités. Les taux de couverture sont des moyennes pour chacun des territoires. L'Ademe a montré que ces taux de couverture sont extrêmement variables et vont de 14 à 92 %. À La Réunion, le taux serait de 91 %. En Guyane, il serait de 73 %. Concernant la Martinique, selon le Plan national de prévention des déchets (PNPD) établi il y a deux ans, ce taux est à 71 %. Pour Mayotte, nous ne disposons pas de chiffres, et pour la Guadeloupe le taux se situe à environ 80 %. La moyenne globale dans les DROM est donc de 80 %. La Réunion se situe à un niveau assez proche de la moyenne nationale, en deçà de 100 %.

La troisième question porte sur les principaux facteurs expliquant le coût moyen supérieur de la collecte et du traitement des déchets dans les outre-mer et je cède la parole à la DRPR.

M. Jean-François Ossola, adjoint à la cheffe du bureau de la planification et de la gestion des déchets, Direction générale de la prévention des risques (DRPR) . - Au niveau national, le coût moyen des flux de déchets ménagers et assimilés se situe entre 95 et 96 euros par an et par habitant. Dans les outre-mer, la moyenne est de 150 euros par habitant. Des enquêtes réalisées par l'Ademe en 2018 ou 2019 font état d'un coût moyen qui peut aller jusqu'à 193 euros pour les Antilles et la Guyane. Comme on le sait, les coûts résultent à la fois d'un niveau de service proposé à la population, des quantités collectées et de l'efficacité des moyens pour collecter, transporter et traiter ces déchets. L'un des facteurs est le manque de déchetterie avec en parallèle une multiplication des collectes en porte-à-porte qui génèrent beaucoup plus de déchets collectés et augmentent le coût du service public. Par ailleurs, dans les territoires ultramarins, le volume d'ordures ménagères résiduelles, d'encombrants et de déchets verts est proportionnellement plus important que dans l'Hexagone. Les charges de transport et de traitement sont donc 1,3 fois supérieures à la moyenne nationale, d'autant que les installations multifilières ne sont pas encore effectives comme dans l'Hexagone.

Pour résumer, les principaux facteurs de coût sont le contexte insulaire, générateur de coûts de revient élevés, les conditions climatiques, l'impact touristique, une multiplication des services de collecte en porte-à-porte, des quantités importantes d'encombrants, de déchets verts, d'ordures ménagères résiduelles et des filières industrielles ainsi que des soutiens des éco-organismes qui sont plus limités. Cependant, il existe des marges de manoeuvre pour limiter les coûts qui n'ont rien d'inéluctables. Il convient pour ce faire de diffuser plus largement le partage d'expérience et de bonnes pratiques entre DROM-COM afin de trouver des solutions plus efficientes.

L'engagement politique fort en faveur de la maîtrise des dépenses publiques passe aussi par le dialogue avec les usagers, la responsabilisation, le développement de la prévention pour limiter la production de déchets et la mise en pratique de collectes moins coûteuses. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) du 10 février 2020 a donné une impulsion en faveur du développement de filières de recyclage locales créatrices de richesses, d'emplois locaux, du réemploi et des ressourceries. Des volontés très fortes sont présentes sur le territoire. Nous espérons que les dispositifs de la loi AGEC, assez nombreux pour l'outre-mer, permettront d'améliorer l'efficience en termes de coût et de libérer des marges de manoeuvre pour les collectivités.

M. Thibaut Fievet, chef du bureau en charge de la fiscalité énergétique et environnementale, sous-direction de la fiscalité des transactions, fiscalité énergétiques et environnementale et fiscalité sectorielle . - La quatrième question porte sur les montants de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets versés à l'État depuis 2017 et les prévisions de recettes de la TGAP d'ici à 2025.

Les systèmes déclaratifs ont évolué au cours de la période sur laquelle vous nous interrogez, puisque la TGAP était initialement recouvrée par la douane et qu'elle est depuis 2020 recouvrée par la Direction générale des finances publiques (DGFIP). Je vais vous présenter les grandes tendances et les données chiffrées que nous avons pu réunir sur les rendements de TGAP pour les périodes de 2017 à 2019 ou 2020, étant noté que nous n'avons pas les chiffres 2020 pour la Martinique.

En Guadeloupe, le rendement évolue à la baisse puisqu'il était de l'ordre de 6 millions d'euros en 2017 et de 5 millions d'euros en 2018 et 2019, puis finalement de 4 millions d'euros en 2020. Le rendement de la taxe en Martinique suit une évolution plus irrégulière sur la période 2017-2019 dans la mesure où il s'établit à 4 millions d'euros pour 2017, 7 millions d'euros pour 2018 et 5 millions d'euros pour 2019. Pour la Guyane, le rendement reste relativement stable, il se situe entre 1,1 et 1,2 million d'euros. Pour La Réunion, sur la période 2017-2020, le rendement diminue sensiblement de 11 millions en 2017 à 7 millions en 2020 en passant à 9 millions et à 8 millions en 2018-2019. Enfin, pour Mayotte, le rendement évolue entre 700 000 et 500 000 euros sur la période pour finalement remonter à 750 000 euros en 2020.

La tendance est donc plutôt à la baisse et de façon relativement différenciée selon les territoires. En 2020, nous observons pour la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion un décrochage que nous n'avons pas encore expertisé. Nous nous interrogeons naturellement sur les effets de la crise sanitaire.

M. Jean-François Ossola . - Votre question n°5 porte sur le maintien du produit de la TGAP sur les territoires concernés, afin de financer des actions en faveur de la valorisation des déchets et de l'économie circulaire. Sous quelle forme cette affectation ou ce fléchage pourrait-il s'opérer ?

La TGAP est une taxe environnementale qui s'appuie sur le principe du pollueur-payeur. La partie « déchets » représente la composante la plus significative et le principe d'universalité du budget de l'État impose donc cette non-affectation d'une recette à une dépense particulière, sauf à de rares exceptions. La TGAP n'y déroge pas. Le renforcement et la rationalisation de cette composante des déchets de la TGAP ont conduit à décider d'une hausse progressive entre 2021 et 2025, pour inciter les apporteurs de déchets, collectivités et entreprises, à privilégier le tri et le recyclage plutôt que l'élimination des déchets. Cette mesure était prévue par la feuille de route économie circulaire de 2018, qui est l'un des éléments-clés de l'atteinte des objectifs nationaux et européens de la baisse de quantité des déchets mis en décharge ou incinérés. Cependant, afin de tenir compte des caractéristiques propres aux outre-mer, des réfactions sont appliquées et ont été renforcées notamment par la loi de finances rectificative de décembre 2021. Actuellement, ces réfactions sont de l'ordre de 35 % pour la Guadeloupe, La Réunion et la Martinique et de 75 % en Guyane et à Mayotte, là où la TGAP s'applique. Pour les outre-mer, les aides à l'investissement du fonds « économie circulaire » est supérieur au produit de la TGAP. Pour l'année 2020, sur les cinq territoires concernés, l'ensemble déclaré est de 13,1 millions d'euros, tandis que les montants engagés au titre du fonds « économie circulaire » de l'Ademe pour ces territoires sont de 22,2 millions d'euros. En complément de ces fonds, les financements du Fonds européen de développement régional (Feder) ne doivent pas être oubliés. La période 2021-2027 a débuté et des financements sont disponibles pour soutenir les projets locaux, dans les outre-mer, contrairement à l'Hexagone où les installations de gestion des déchets ou les CSR ne sont plus financés par ce fonds Feder.

M. Thibaut Fievet . - Un autre argument en défaveur de l'affectation de la TGAP aux collectivités est qu'en cas d'incident de recouvrement, la recette prévue ne pourra pas être versée à la collectivité. Le maintien de dispositifs budgétaires en complément de la TGAP nous semble davantage protectrice pour les collectivités.

M. Jean-François Ossola . - Concernant la Taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative (TEOMi), à ce jour et à notre connaissance, le seul territoire ultramarin à avoir étudié le sujet est La Réunion. La direction régionale de l'Ademe avait fait réaliser une étude d'opportunité. Il s'agit en effet d'un processus long. En général, deux ou trois ans sont nécessaires pour le mettre en oeuvre. Mais cette étude, qui date de 2013, n'avait pas eu de suites.

Au niveau national, les objectifs de généralisation de la TEOMi sont ambitieux. Je crois qu'il s'agit de 15 millions d'habitants en 2025, alors que nous sommes actuellement en dessous de 10 millions. Peut-être cette tarification incitative à la redevance devrait-elle être appliquée à la Redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) plutôt qu'à la TEOM. Les exemples les plus courants actuellement sur le territoire national concernent d'ailleurs la REOM. Mais l'application semble plus aisée sur un territoire qui dispose des filières de valorisation, de traitement, d'un réseau de déchetterie, que sur un territoire plus isolé outre-mer qui manque encore des infrastructures de base.

M. Tony Chesneau, chef du bureau de la réglementation économique et fiscale à la Direction générale des outre-mer . - La question n°9 porte sur l'intégration dans l'octroi de mer d'une sorte d'écotaxe à l'importation, en considérant que la quasi-intégralité des déchets est issue de produits importés.

Cette proposition nous semble rencontrer plusieurs obstacles. L'octroi de mer est une taxe qui a deux objectifs principaux : le financement des collectivités locales et le soutien à la production locale. Ces deux objectifs peuvent parfois entrer en contradiction quand la région souhaite par exemple exonérer un secteur économique et donc renonce à des recettes. Ajouter un troisième objectif qui serait plutôt environnemental rendrait encore moins lisible et plus complexe cet octroi de mer. Il est généralement admis qu'un dispositif de politique publique - j'y inclus la fiscalité - dès lors qu'il a plus d'un objectif, est difficile à concevoir. D'autres pistes devraient être envisagées pour atteindre cet objectif.

Une autre difficulté et non des moindres est la question de la compatibilité avec le droit de l'Union européenne. Cet octroi de mer fait l'objet d'une double autorisation à la fois du Conseil de l'Union au titre de l'Union douanière et de la Commission européenne, et de la Direction générale de la concurrence au titre du droit des aides d'État. La Commission verrait probablement cette taxe additionnelle comme une taxe d'effet équivalent qui serait contraire au droit européen. Nous devrions donc justifier cette écotaxe auprès de l'Union européenne et à tout le moins l'appliquer aux marchandises importées, mais aussi à celles produites localement pour éviter des accusations de discrimination. Enfin, cette écotaxe additionnelle augmenterait le coût des produits importés et nos concitoyens l'accepteraient difficilement. Aujourd'hui, la région ou la collectivité territoriale peut moduler les taux à la hausse ou à la baisse de tous les produits de la nomenclature douanière en fonction de ce qu'elle considère comme plus nuisible à l'environnement par exemple. Les régions peuvent s'emparer de ce sujet et prendre des initiatives. Globalement, nous pouvons nous appuyer sur des dispositifs nationaux. L'objectif de cette écotaxe pourrait être aussi satisfait à travers le développement des filières à Responsabilité élargie des producteurs (REP) ou des systèmes d'éco-participation.

M. Thibaut Fievet . - Dans le cadre d'une éco-contribution, toute la difficulté réside dans le fait d'identifier les critères environnementaux. La difficulté est juridique, c'est-à-dire que nous devons réussir à trouver des critères qui ne portent pas atteinte au principe d'égalité et qui s'appliquent à tout type de produits équivalents. Nous pouvons imaginer des équivalents émissions de CO 2 et faire en sorte, d'une part, que ces critères soient facilement applicables pour les opérateurs, et, d'autre part, qu'ils permettent des contrôles par l'administration fiscale pour s'assurer que l'éco-contribution est versée à bon droit. De prime abord, la conception d'un tel dispositif paraît complexe.

M. Jean-François Ossola . - La révision du règlement européen sur les batteries a été lancée au premier semestre 2022 sous la présidence française de l'Union européenne. Les discussions sont toujours en cours. Une disposition prévoit la mise en place d'une filière REP pour l'ensemble des batteries.

Le principe des filières REP s'applique sur l'ensemble du territoire national et, en cas de retard constaté, une des dispositions de la loi AGEC de 2020 permettra de prévoir un plan d'amélioration des performances de la collecte et du traitement des déchets dans ces territoires, afin qu'elles égalent celles atteintes en moyenne dans l'Hexagone au cours des trois ans suivant la mise en place du plan. De nombreux cahiers des charges de filières REP existantes sont en cours de renouvellement et de nouvelles filières REP sont en train d'être lancées sur la période de 2021-2024. Ces plans de rattrapage outre-mer vont permettre de guider et de renforcer l'implication des éco-organismes dans la mise en oeuvre des filières dans les territoires ultramarins.

La mise en place en outre-mer d'un système de consigne distinct du dispositif national engendrerait des coûts plus élevés que dans l'Hexagone. Il semble donc difficile de l'envisager localement et préférable de s'appuyer sur un dispositif national de consigne pour amortir les coûts. En 2023, une phase de réflexion et d'expérimentation de consignes sur les emballages sera engagée. Elle concernera l'ensemble du territoire national avec des péréquations pour les outre-mer.

S'agissant de la question 11, le Parlement demande de façon récurrente une baisse de la TVA sur les activités de réparation, pilier de l'économie circulaire. Historiquement, seuls les produits listés dans la directive européenne TVA étaient éligibles à un taux réduit au niveau du droit européen. Il est appliqué sur le cuir et les textiles, mais pas sur l'ensemble des produits. Il faut rappeler que les territoires guyanais et mahorais sont déjà exemptés de TVA.

La loi AGEC prévoit deux types de fonds à partir de 2022. D'une part, des fonds Réparation pour différentes catégories de produits soumis aux filières REP qui prennent en charge une partie des coûts de réparation auprès des réparateurs labellisés. Le prix est ainsi directement baissé pour le consommateur. D'autre part, les fonds Réemploi sont destinés aux acteurs de l'économie sociale et solidaire et adaptés conformément aux quantités réemployées fixées dans le cahier des charges de chaque filière REP. Les filières qui produisent des produits électriques, électroniques, des meubles et des textiles ou des articles de sport, de bricolage et de jardinage, doivent contribuer à ces fonds à hauteur de 5 % de leur contribution à la filière REP. Ces fonds permettront, notamment, de soutenir les acteurs qui réparent les objets, leur donnent une deuxième vie, soit pour être donné, soit pour être revendu. Ces fonds doivent être mis en place dans les six mois de l'agrément de la filière REP. Pour les déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE), le déploiement du fonds Réemploi au niveau national est en cours et sera entièrement opérationnel en 2023.

M. Thibaut Fievet . - Les produits reconditionnés peuvent déjà faire l'objet d'un dispositif favorable, c'est-à-dire que la TVA, sous certaines conditions, ne s'applique qu'à la marge et pas à l'ensemble du prix du produit. Mais le terme « réemploi » recouvre un certain nombre de réalités parfois complexes à traduire fiscalement et qui introduirait effectivement des difficultés tant du point de vue des professionnels, que de l'administration. En effet, comment le périmètre de la nature des prestations peut-il être déterminé ? S'agit-il de réparation ou de remise à état neuf ? S'agit-il de fourniture de matériaux ou de fourniture de prestations ? Toutes ces questions se poseraient dans le cadre de l'introduction d'un taux réduit de TVA. Enfin, une acception large du terme de réemploi induirait probablement un coût budgétaire important pour l'État, si cette disposition était adoptée.

M. Maurice Gironcel, président de l'association Interco' Outre-mer et président de la Communauté intercommunale du Nord de La Réunion (Cinor) . - Dans nos pays d'outre-mer et notamment dans nos îles, nous devons traiter nos déchets sur notre territoire. Nous devons maîtriser la question du traitement des déchets de bout en bout. Moins d'emballages devraient être produits. Une discussion devrait également porter sur la possibilité de commercer avec les pays de la zone. Aujourd'hui, nos importations viennent de l'Europe et bien sûr de la France hexagonale. Nous inscrire dans un partenariat dans nos zones respectives, nos bassins d'océan, nous ouvrirait des perspectives de traitement de nos déchets. Pourquoi ne pourrions-nous pas traiter nos déchets dans notre zone géographique ? Cette pratique permettrait un coût de transport moindre et favoriserait la création d'emplois locaux.

Dans nos îles, nous avons un sérieux problème de foncier. À La Réunion, une île de 2 500 km 2 avec 900 000 habitants, la zone habitée se situe sur le littoral et à mi-hauteur, car c'est un pays très montagneux. Les centres d'installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) ou d'Installation de stockage de déchets inertes (ISDI) se situent donc forcément à proximité des habitations. L'approche doit donc être différente de celle de la France hexagonale. De même, les taxes en vigueur dans l'Hexagone ne peuvent pas s'appliquer chez nous. Compte tenu du faible nombre d'habitants à La Réunion, une seule installation de traitement semblerait suffisante, mais la circulation est difficile entre le Nord et le Sud. Concernant la TEOM incitative, avec la Cinor, nous sommes en train de mener une petite opération dans un quartier pour étudier la faisabilité. La loi concernant les bio-déchets s'avère difficile à mettre en oeuvre à La Réunion.

M. Chanoor Cassam, directeur général des services du Syndicat intercommunal d'élimination et de valorisation des déchets de Mayotte (Sidevam 976) . - Pour la clarté de mon exposé, j'ai préparé quelques graphiques qui vous ont été distribués. Concernant les efforts budgétaires consentis par les collectivités, je me suis concentré sur les budgets des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), puisqu'elles détiennent à titre principal la compétence collecte et traitement de déchets. Dans le cas de Mayotte, c'est le Sidevam qui assure essentiellement la mission de collecte et traitement des déchets, à l'exception de la communauté d'agglomération Dembéni-Mamoudzou (Cadema) qui regroupe la commune de Mamoudzou, la principale ville de Mayotte, et la commune de Dembéni. La Cadema gère seule sa compétence collecte. Les intercommunalités fournissent des efforts plus ou moins élevés, avec une moyenne de 42 % de leurs budgets pour 2022. Une des intercommunalités consacre 63 % de son budget au Sidevam.

Les contributions directes des budgets des intercommunalités au Sidevam représentaient, jusqu'à cette année, le principal poste de financement du service public de gestion des déchets. Cette forte contribution, qui représente 60 % du budget du Sidevam, entraîne aussi une forme de dépendance de la trésorerie, puisque nous subissons les aléas de décaissement et d'encaissement par les intercommunalités membres. Les 40 % restants sont couverts par la TEOM qui est beaucoup plus intéressante en matière de trésorerie, puisque son versement est mensualisé. Les contributions des intercommunalités au service public des déchets ont atteint un niveau élevé. Les EPCI ne sont plus prêts à relever leur contribution, alors même qu'elles ont d'autres missions à financer.

La TEOM représente le deuxième levier de financement. En moyenne, les taux de la TEOM votés par les EPCI ayant choisi d'instaurer cette taxe croissent chaque année. Ils se situaient à 14 % en 2019 et 19 % en 2021. La communauté de communes de Petite-Terre est passée de 10 % en 2019 à 16 % pour cette année. Quant à la Cadema qui a instauré cette taxe depuis cette année seulement, elle a fait bondir le taux moyen au niveau du département, de telle sorte que les recettes de la TEOM devraient couvrir en 2022, pour la première fois, plus de la moitié du coût du service public des déchets. La TEOM s'appuie sur la taxe foncière. À Mayotte, où les valeurs locatives ont été excessivement élevées, la mise en place de la fiscalité s'est avérée un peu chaotique depuis 2014. Elles ont été corrigées partiellement via la loi « Égalité réelle » en 2017 avec un abattement de 60 % de la valeur locative. Cependant, la valeur locative reste élevée par rapport aux standards nationaux, alors que 77 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Les Mahorais sont en grande majorité propriétaires de leurs biens. Nous pouvons difficilement compter sur ce levier de financement pour augmenter encore les recettes.

La TGAP est payée par le Sidevam, seule compétente en matière de traitement de déchets. La tendance d'évolution des charges semble donc difficile à inverser. On observe une dégradation progressive des épargnes : épargne de gestion, épargne brute et épargne nette du Sidevam. Sur le scénario présenté, nous voyons que dès 2024-2025, nous basculerons sur des épargnes négatives. Une approche différente de la question semble donc nécessaire, en envisageant peut-être un levier de financement supplémentaire, un moyen beaucoup plus efficace pour orienter le comportement des producteurs de déchets et donc des consommateurs. Le Sidevam adopte, en collaboration avec la Cadema, son programme local de prévention des déchets ménagers assimilés et prévoit des études au niveau de la fiscalité incitative.

Néanmoins, nous n'avons pas beaucoup d'espoir, puisqu'à Mayotte, beaucoup de populations informelles ne contribuent pas aux finances locales. Par ailleurs, la taxe foncière s'appuie également sur le cadastre non actualisé. Une grande partie de la population productrice de déchets ne sera donc pas concernée par la fiscalité incitative. Nous réfléchissons donc à d'autres solutions, notamment des solutions de gratification du geste de tri avec le commerce de proximité. Pourquoi ne pas envisager une écotaxe qui permettrait un couplage entre la gestion déchets et l'activité de consommation ? Cette solution d'écotaxe permettrait de financer une partie de la gestion des déchets par le consommateur. Mais la question de la gouvernance se pose. Les décideurs locaux pourront-ils fixer le niveau de taxation des différents produits et de déchets concernés ?

Notre véritable problème réside dans les moyens de contraintes. Pourquoi ne pas envisager des pénalités vis-à-vis de ces éco-organismes qui ne se mobilisent pas suffisamment dans les territoires ultramarins ?

Le rapport de Jacques Vernier sur les filières REP, publié en 2018, documente longuement ces moyens de pénalités possibles vis-à-vis des éco-organismes. Si nous parvenons à structurer et mobiliser plus d'éco-organismes sur le territoire, les volumes enfouis et donc la charge de TGAP diminueront. Par ailleurs, nous souhaiterions que les objectifs de taux de collecte, de valorisation et de recyclage ne soient pas nationaux, mais territorialisés.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Lorsque nous nous sommes rendus à Mayotte ou à La Réunion, nous avons noté une demande récurrente pour un allégement de la TGAP qui pèse sur les intercommunalités. Ne pourrait-on pas obtenir un moratoire sur ces questions, de manière à permettre aux territoires ultramarins redevables de cette TGAP de pouvoir investir dans le perfectionnement de la chaîne liée aux déchets ?

Même si notre proposition de consigne ne paraît pas d'une grande pertinence, comment pourrait-on trouver des correctifs ? En parcourant certains territoires, nous avons vu les efforts déployés, mais la situation endémique liée à l'accumulation des déchets représente un problème récurrent. Il me semble que l'outil fiscal devrait intégrer certaines modulations.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Nous estimons que la TGAP est injuste. À La Réunion, nous avons obtenu 10 % de réfaction supplémentaires l'année dernière, nous sommes donc passés à 35 %. En 2021, la TGAP représentait environ 10,8 millions d'euros pour La Réunion. Elle passera à 12,8 millions d'euros l'année prochaine, et si le taux d'enfouissement reste le même, en 2025, elle atteindra 16 millions d'euros. Nous préférerions garder cette somme sur notre territoire pour développer un cercle plus vertueux.

M. Thani Mohamed Soilihi . - À Mayotte, la problématique du foncier influe directement sur la taxation des déchets, car aujourd'hui 70 % des terres ne sont pas immatriculées. Autrement dit, une pression fiscale insupportable s'exerce sur seulement 30 % des propriétaires. Une réforme en cours vise à poursuivre l'immatriculation et le titrement des parcelles foncières.

Mme Marta de Cidrac, présidente du groupe d'études sur l'économie circulaire au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Beaucoup de nos territoires ultramarins sont aussi des régions ultrapériphériques de l'Europe. À cet égard, un certain nombre d'obligations leur incombe, mais des fonds qui sont censés promouvoir les emplois doivent aussi leur profiter.

Lors de mes déplacements dans ces régions, l'insuffisance de masse critique pour créer des unités de traitement des déchets localement a souvent été identifiée.

En tant que sénatrice des Yvelines, si je rencontre des difficultés avec les déchets de mon territoire, je peux m'adresser à l'un de mes voisins, mais cette pratique s'avère beaucoup plus compliquée pour nos territoires ultramarins.

Existe-t-il un mécanisme que nous pourrions porter au sein de l'Union européenne pour permettre à nos territoires ultramarins de créer des unités qui seraient pionnières en matière de recyclage ou de Combustible solide de récupération (CSR) ?

Mme Micheline Jacques . - J'aimerais partager l'expérience de Saint-Barthélemy, puisque nous sommes un petit territoire de 21 km 2 et que la problématique des déchets s'est posée depuis fort longtemps. Nous avons fait le choix de revaloriser la majorité des déchets par l'incinération avec un traitement des fumées et une production d'énergie. Notre usine d'incinération est couplée à une usine de production d'eau potable par dessalement d'eau de mer. Une deuxième usine d'incinération vient d'être inaugurée qui sera couplée à un générateur de production d'électricité. Comme le disait Viviane Malet, pourquoi ne pas geler quelque temps la TGAP, afin de permettre aux collectivités d'investir dans ce type d'installation ? Par ailleurs, nous avons passé un contrat avec les concessionnaires qui récupèrent les batteries au lithium.

M. Stanislas Alfonsi . - Nous pouvons nous demander si la TGAP mérite d'exister sous cette forme ou si elle doit être transformée. Des adaptations ont été faites, parce que les territoires ont démontré que celles-ci favorisaient les dynamiques. Les projets commencent à sortir et les retards pris, quels qu'en soient les motifs, ne sont plus de nature à empêcher leur existence.

Mayotte est entrée récemment dans le cadre institutionnel d'un département de plein exercice et doit être traitée de manière responsable avec toute l'attention à apporter à un territoire fragile. Le territoire présente en effet un retard de développement et des taux de pauvreté très élevés. Cette situation nécessite une attention plus spécifique et nous nous efforçons tous de l'apporter. Mais le travail des acteurs locaux est perfectible, tout comme celui des administrations ou du Parlement. Du côté du ministère des outre-mer, Mayotte concentre une grande partie de notre activité. Des adaptations législatives ont été proposées pour apporter une aide plus spécifique au territoire. Un projet de loi a été initié l'année dernière qui n'a pas été validé par le Conseil départemental. Nous ne pouvons que le regretter. Je me rappelle que lorsque l'avis négatif du Conseil départemental a été formulé, nous étions à la veille du passage devant le Conseil d'État. Le Gouvernement était donc dans une dynamique très volontariste. À ce stade du processus, de nombreux sujets pouvaient encore être ajoutés ou modifiés. Ce projet mérite d'être réexaminé pour trouver les nouvelles adaptations qui devront être conçues spécifiquement pour Mayotte.

En ce qui concerne les fonds européens, les autorités de gestion sont, en règle générale, constituées par les collectivités et doivent faire des choix sur l'affectation et l'utilisation des fonds européens. Nous ne pouvons pas sortir du cadre de la programmation telle que définie par les institutions européennes, ni du cadre national qui en est une déclinaison pour chaque État membre. De notre côté, nous ne pouvons pas dicter aux autorités de gestion constituées par les collectivités ce qu'elles doivent faire des fonds européens qui leur sont confiés. Nous pouvons tout de même encourager, ne serait-ce que par l'orientation de certains cofinancements, le soutien en matière d'ingénierie qui peut être apporté sur tel ou tel type de projet. Nous pouvons les aider à favoriser cette thématique des déchets.

Les fonds européens sont d'une gestion particulièrement complexe et je comprends que, parfois, des collectivités hésitent à aller dans les directions de la mobilisation des fonds européens pour tel projet ou telle thématique, étant donné leur complexité et les risques inhérents. En effet, l'application pourrait être considérée comme insuffisamment régulière, rigoureuse, ou discutable au regard des cadres réglementaires produits par l'Union européenne. Parfois, les collectivités hésitent à se lancer pour ces raisons.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Les critères pour certains dossiers sont trop difficiles à remplir. Depuis quasiment huit ans que je siège dans cette commission, les fonds spécifiques européens pour les départements ultramarins ont toujours été difficiles à mobiliser. Nous avons toujours dû mener des combats et des batailles dans ce secteur-là.

M. Jean-François Ossola . - Nous sommes bien conscients des difficultés de gestion des taxes et le poids dans les finances locales des territoires ultramarins. Dans le cadre du programme précédent de 2014 à 2020, les fonds du Feder ont représenté à peu près 156 millions d'euros. Certains territoires en ont plus bénéficié que d'autres en raison des critères établis ou du consensus politique. Mais pour les régions ultrapériphériques (RUP), dont font partie nos territoires d'outre-mer, les critères assez larges offrent la possibilité du financement de CSR notamment, alors que cela n'est plus possible dans l'Hexagone.

Nous pourrions réfléchir à des mécanismes qui permettent d'avoir un partenariat entre nos territoires, et également avec les territoires voisins, pour avoir une certaine masse critique dans le traitement des déchets. En effet, notamment dans les îles isolées ou d'autres territoires, les augmentations, même faibles, se ressentent d'autant plus fort. Un travail peut être mené sur ce mécanisme partenarial par zone géographique. Des travaux sont également menés pour les déchets dangereux, afin d'obtenir des révisions du règlement sur les transferts transfrontaliers. Cela intéresse tout particulièrement La Réunion et Mayotte. La crise du Covid a généré dans ces deux territoires de sérieux problèmes d'export de déchets dangereux, car, contrairement aux Antilles, les exportations directes vers l'Hexagone s'avèrent moins faciles. L'affrètement d'un navire dédié pour l'export d'une petite partie des déchets dangereux stockés sur ces deux îles vers Le Havre devrait prochainement être annoncé. Il n'existe pas de solution unique, mais différents leviers à actionner.

Concernant les batteries et plus particulièrement celles au lithium, nous n'avons pas la solution de traitement, l'export doit donc être systématique avec son coût et ses aléas.

S'agissant de l'idée de la consigne de batteries, nous souhaitons utiliser et exploiter le développement des filières REP, et le renouvellement de leurs cahiers des charges pour que des éco-organismes puissent apporter des solutions, pas seulement sur le territoire hexagonal, mais aussi en outre-mer.

Concernant les éco-organismes et leurs possibles sanctions : ils sont actuellement dans une période de renouvellement de leurs cahiers des charges pour les filières REP. De nouvelles filières vont être créées telles que la filière « produits et matériels de construction et bâtiments » qui va être pleinement opérationnelle en cours de l'année 2023. Grâce à la loi AGEC, nous pouvons exiger un plan d'action détaillé pour chaque territoire d'outre-mer par filière, dès six mois après l'agrément. Certains dispositifs seront mobilisés à la suite par l'État pour veiller à ce que les taux de collecte ou de traitement n'atteignent pas 95 % sur le territoire national et 40 % en outre-mer.

Mme Viviane Malet, rapporteure . - Concernant les cahiers des charges, je sais que vous allez augmenter les taux, afin que nous puissions rattraper les taux de l'Hexagone. Mais si le cahier des charges n'est pas rempli, aucune pénalité n'est prévue. À l'inverse des collectivités qui, elles, doivent s'acquitter de la TGAP.

M. Chanoor Cassam . - Le rapport Vernier précité mentionne des dispositions de pénalité ou de sanctions, certes perfectibles. Elles se traduiraient, par exemple, par des mécanismes d'amende de 15 000 ou 30 000 euros pour les éco-organismes, mais aussi pour les membres des éco-organismes. Toutefois, il me semble que le rapport mentionnait que les services de l'État chargés du contrôle et des sanctions se trouvaient insuffisamment dotés de moyens pour mettre en oeuvre de telles mesures.

Sur la question de la valorisation au niveau des territoires, le Sidevam porte justement un projet de valorisation en CSR. Nous voulons profiter du renouvellement de la délégation de service public portée par le Sidevam avec la filiale de Suez, Star Urahafu.

Nous aimerions solliciter les financements du Feder. Cependant, l'enveloppe, qui se dessine sur la programmation 2021-2027, prévoit a priori 8 millions d'euros pour la gestion des déchets et ce montant est à peine suffisant pour déployer toutes les déchetteries prévues sur la mandature.

En raison des problématiques de maîtrise foncière, le Sidevam essaie de déployer des déchetteries depuis deux mandatures. Nous n'en avons pas encore pour l'instant, mais je vous confirme que nous allons démarrer le chantier de la première déchetterie de Mayotte, qui sera inaugurée l'année prochaine au sud de l'île. La construction de deux autres déchetteries est en bonne voie.

Pourquoi ne pourrions-nous pas, sur le modèle du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), envisager une enveloppe spécifique abondée pour les projets de valorisation de déchets, qui serait mise à contribution lorsque le montage de la prochaine délégation du service public sera finalisé, prévoyant notamment des unités de valorisation en CSR ?

M. Thani Mohamed Soilihi . - Vous avez parlé du travail parlementaire qui est perfectible, c'est précisément le sens de mon intervention. La mission constitutionnelle de contrôle de l'action de l'administration nous incombe et nous avons le devoir de poser ici des questions. Je déplore comme vous, peut-être plus que vous, que le projet de loi Mayotte ne soit pas arrivé jusqu'au Parlement. Cette loi contenait 75 % de bonnes propositions, et nous devions la compléter. Nous n'avons pas eu cette occasion : à la suite d'un long processus piloté par le préfet, le Conseil départemental a donné un avis défavorable.

M. Stanislas Alfonsi . - Nous devons mener ensemble l'accompagnement du territoire de Mayotte et je pense que, du côté de l'administration que je représente, nous faisons un certain nombre d'efforts avec tous les autres partenaires, y compris le Parlement, pour mener cet accompagnement. Beaucoup de temps et beaucoup de travail seront nécessaires pour faire en sorte que Mayotte parvienne à un certain niveau de développement et que les résidents de Mayotte bénéficient du niveau de service public dont normalement tout citoyen et résident en France doit pouvoir bénéficier.

M. Thibaut Fievet . - Je reviens très rapidement sur la TGAP. Du côté de la Direction de la législation fiscale (DLF), nous partageons le mécontentement sur le nom de la TGAP qui en réalité recouvre quatre taxes différentes et pourrait, le cas échéant, être vu dans le cadre de la recodification en cours. Elle a déjà donné lieu à des redénominations de taxes et quand viendra le moment de recodifier la TGAP « déchets », une autre dénomination n'est pas exclue.

Concernant les réfactions de TGAP, nous n'avons pas de mandat pour nous prononcer sur le sujet. Mais nous pouvons nous engager à transmettre auprès de nos autorités les différents points d'alerte que vous nous avez rappelés aujourd'hui. Je voudrais juste relever deux points. Premièrement, les réfactions ont effectivement évolué au fil du temps. Vous évoquiez l'hypothèse d'un moratoire ou d'un dispositif transitoire. Selon notre expérience, en termes de gouvernance fiscale, des moratoires sont toujours complexes, parce qu'il est souvent difficile d'en sortir. Il s'agit juste d'un constat technique en termes de fiscalité, je ne porte aucun jugement sur votre proposition.

Deuxièmement, pour confirmer les propos qui ont été tenus sur la composante « déchets » de la TGAP, cette taxe est incitative par excellence. Elle applique un barème en fonction des méthodes de traitement qui sanctionne davantage l'enfouissement que l'incinération et encourage au réemploi. Différentes exemptions ont été ajoutées pour justifier le fait de ne pas taxer certaines situations très particulières.

Le dernier élément très caractéristique de cette TGAP « déchets » réside dans le fait que le législateur impose de la répercuter sur les apporteurs de déchets, c'est-à-dire que cette taxe est en quelque sorte indirecte. Un tel dispositif ne se retrouve pas forcément dans les autres taxes.

Les dispositifs financiers publics en matière de déchets doivent être pris dans leur ensemble. Nous ne devons pas nous focaliser sur un seul, car chacun a son utilité. En définitive, nous identifions trois piliers. Tout d'abord, la TGAP présente une vocation incitative dont l'assiette se réduit au fur et à mesure, c'est-à-dire que quand les objectifs seront atteints, la TGAP « déchets » aura un rendement nul. De son côté, la TEOM est une taxe de rendement dont l'objectif est de financer le service public. Enfin, le troisième pilier correspond à tous les dispositifs budgétaires évoqués tels que ceux de l'Ademe ou les fonds européens. Ces dispositifs ont vocation à accompagner les collectivités et les opérateurs pour qu'elles investissent et atteignent les objectifs leur permettant de ne plus être redevable de la TGAP.

Concernant la problématique d'affectation de la TGAP, qui rejoint aussi celle de sa dénomination, il existe, dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), une sorte de TGAP complémentaire, à la main des communes, et qui est limitée à 1,50 euro par tonne. Nous n'avons pas vérifié si elle était applicable dans les territoires ultramarins, mais il me semble qu'elle pourrait répondre, à la marge, au problème de réaffectation des fonds.

M. Stéphane Artano, président . - Sur le sujet de Mayotte, je rejoins Thani Mohamed Soilihi. Un message doit vraisemblablement être passé auprès du préfet pour que les données, si elles existent, soient collectées et remontées. C'est un message que je passerai volontiers au ministre. Ce sujet est important pour vous, car vous devez pouvoir disposer des éléments techniques nécessaires.

Je vous remercie pour ces échanges très riches.


* 1 Bien que la question des sargasses soit en dehors du champ de ce rapport, il faut aussi citer les émanations de gaz toxique en raison de la décomposition des sargasses à proximité des zones habitées. Les conséquences à long terme sont encore mal connues.

* 2 Santé Publique France, Bulletin de santé publique saturnisme en Guyane, Décembre 2020.

* 3 Ministère des armées.

* 4 Rapport n° 4237 fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées sur la proposition de loi visant à la prise en charge et à la réparation des conséquences des essais nucléaires français, par Moetai Brotherson, 9 juin 2021.

* 5 Rapport n°244 (2011-2012) de Roland Courteau, déposé le 11 janvier 2012.

* 6 Site internet de l'Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs).

* 7 Bilan radiologique, Ministère des armées, Direction générale de l'armement, Direction des opérations, 4 février 2022.

* 8 Dossier de presse du commandement supérieur des forces armées en Polynésie française sur le dispositif Telsite 2, 20 juin 2018.

* 9 Communiqué de presse du ministère des Armées, 23 novembre 2022.

* 10 Loi du 28 juin 2006 relative à la gestion des matières et déchets radioactifs.

* 11 1 millisievert.

* 12 Essais nucléaires : le nombre de victimes indemnisées en forte hausse, Vie publique, 2019.

* 13 Rapport d'activité 2021, CIVEN.

* 14 Ne comprend pas les dossiers ajournés.

* 15 Enquête Toxique, Journal Disclose, 6 aout 2021.

* 16 Institut français de la recherche médicale, février 2021.

* 17 À l'exception de celui de Star Mayotte qui traite le tri sélectif.

* 18 Toutes situées sur le territoire de la communauté d'agglomération des communes du littoral (CACL). À noter également que 5 autres déchetteries ont été construites sur le territoire guyanais, mais elles ne sont pas ouvertes.

* 19 Les infrastructures appelées « éco-carbets » sont des solutions simplifiées de stockage de déchets non dangereux, situées en zone isolée en Guyane. Les éco-carbets satisfont aux conditions fixées par l'arrêté du 15 février 2016, relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux qui prévoit la possibilité d'adapter par arrêté préfectoral les dispositions pour les infrastructures répondant à la définition de « zone isolée », lorsque l'infrastructure réceptionne exclusivement les déchets provenant de cette zone. Une zone isolée doit remplir plusieurs critères. Un critère de population : 500 habitants maximum et 5 habitants/km 2 maximum. Un critère d'accessibilité : être située à plus de 100 km d'une agglomération urbaine de plus de 250 habitants/km 2 et ne pas avoir d'accès routier par le domaine public.

* 20 La chaleur permet la production de vapeurs pour la production d'eau potable par dessalement de l'eau de mer. Cette unité couvre à peu près un tiers des besoins en eau. Un autre projet est en cours d'étude pour produire de l'électricité.

* 21 Les REFIOM sont le produit de la neutralisation des gaz acides et toxiques issus de l'incinération des déchets, par des réactifs comme la chaux ou le bicarbonate de sodium.

* 22 60 % des déchets ménagers de l'île. Au total, Ileva gère 390 000 tonnes de déchets par an, dont 227 000 sont actuellement enfouies. 100 000 tonnes de déchets verts sont traités en valorisation matière et organique (paillage, compost...).

* 23 Voir I.B.4.

* 24 Hors moratoire sur la TGAP.

* 25 Rapport thématique « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser », septembre 2022.

* 26 Toutefois, les douanes ne semblent pas opposer de refus dans tous les outre-mer. À Mayotte, le problème n'a pas été relevé.

* 27 L'Ademe accompagne ainsi les collectivités à travers la méthodologie ComptaCoût® pour mieux connaître et décortiquer le coût du service public des déchets. Elle finance aussi des études dites Modecom qui permettent de déterminer les caractéristiques physiques et qualitatives des gisements de déchets (par exemple la proportion de déchets putrescibles dans les déchets ménagers.

* 28 Articles L.172-4 et suivants.

* 29 En province Sud, le schéma provincial de prévention et de gestion des déchets 2018-2022. La province Nord a adopté un schéma pour la période 2012-2017, révisé pour la période 2018-2023. Dans les îles Loyauté, un schéma a été adopté en 2014 seulement. Les autorités provinciales indiquent ne pas avoir pu le mettre en oeuvre, car trop coûteux.

* 30 Article L.541-13 du même code.

* 31 Les objectifs sont identiques dans les outre-mer. Le code de l'environnement contient toutefois quelques adaptations, notamment sur les délais. L'article R.541-18 dispose ainsi que « pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon, les objectifs de limite de capacités annuelles d'élimination par stockage et d'élimination par incinération des déchets fixés au I et au II de l'article R. 541-17 sont reportés de dix ans. »

* 32 Tous les types de déchets, pas uniquement les déchets ménagers et assimilés.

* 33 Article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales.

* 34 SIDEVAM 97.

* 35 SYVADE.

* 36 ILEVA et SYDNE.

* 37 SMTVD.

* 38 Rapport de la Chambre territoriale des comptes de juillet 2021 « Collectivité de Polynésie française (politique en matière d'eau, d'assainissement et de déchets ».

* 39 Pour plus de détails, voir I.C.5.b) du présent rapport.

* 40 25 sur 33.

* 41 Au nombre de 4 pour tout le territoire.

* 42 Chambre d'agriculture, de Commerce, d'Industrie, de Métiers et de l'Artisanat de Saint-Pierre-et-Miquelon.

* 43 Le groupement européen de coopération territoriale ou GECT est une forme juridique d'instrument de coopération transfrontalière  dont les modalités de constitution sont définies par le règlement (CE) 1082/2006 du 5 juillet 2006. Doté de la personnalité juridique et constitué de personnes juridiques d'au moins deux États membres (gouvernements, collectivités territoriales, institutions publiques, universités...), chaque GECT a pour vocation de répondre aux difficultés rencontrées dans le domaine de la coopération transfrontalière. Les PTOM peuvent participer à un GECT.

* 44 L'article R.541-24 du code de l'environnement prévoit une réunion annuelle de la commission.

* 45 Ce rapport a été réalisé à la suite de la saisine par le président de la commission des finances du Sénat, par lettre du 17 décembre 2020, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, d'une demande d'enquête portant sur « la présentation et l'exécution des dépenses de l'État pour l'outre-mer ».

* 46 Mayotte a le taux de consommation des crédits le plus faible : 14,9% d'autorisations d'engagement effectivement engagées et un taux de consommation des crédits de paiement de 2,5%.

* 47 Ce mécanisme est utilisé dans d'autres domaines. Par exemple pour la construction des écoles à Mayotte. L'AFD va apporter 1,5 million d'euro pour mettre à disposition des communes mahoraises un pôle de 5 à 7 ingénieurs dédiés pour faire sortir de terre rapidement les projets.

* 48 Voir I.A.

* 49 Voir I.B.2.

* 50 Voir I.C.

* 51 La commission inter-filières REP est l'instance de gouvernance des filières à responsabilité élargie des producteurs. Son avis est notamment sollicité sur les projets de cahiers des charges qui fixent le cadre et les objectifs de chacune des filières et sur l'agrément des éco-organismes.

* 52 Chiffres 2021 pour une population estimée de 292 000 habitants au 1 er janvier 2022.

* 53 Rapport d'information n°727 (2021-2022) « Le fonds exceptionnel d'investissement outre-mer » de MM. Georges Patient et Teva Rohfritsch, au nom de la commission des finances, déposé le 22 juin 2022.

* 54 34 millions d'euros en 2019 (dont 21 millions d'euros pour La Réunion), 23 millions d'euros en 2020 et 39 millions d'euros en 2021 (dont 26 millions d'euros pour La Réunion).

* 55 Règlement (UE) 2021/1058 du Parlement européen et du conseil du 24 juin 2021 relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion.

* 56 Règlement (UE) 2021/1060 du Parlement et du Conseil du 24 juin 2021 portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion, au Fonds pour une transition juste et au Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds «Asile, migration et intégration», au Fonds pour la sécurité intérieure et à l'instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visa.

* 57 3 euros la tonne pour les installations de stockage non accessible par la voie terrestre en Guyane.

* 58 Le montant de TGAP collecté outre-mer est passé de 23 millions d'euros en 2017 à 13 millions d'euros en 2020. Données DGOM.

* 59 La dernière modification importante est intervenue avec la loi °2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 qui a porté de 25 % à 35 % la réfaction de la TGAP pour La Réunion, la Guadeloupe et la Martinique. Mais cette réfaction est provisoire. Le taux de 25 % sera de nouveau applicable au 1 er janvier 2024. Quant à la réfaction de 75 % dont bénéficient la Guyane et Mayotte, elle passera à 70 % au 1 er janvier 2024. Au-delà de 2025, la visibilité est nulle pour les acteurs.

* 60 La DGOM a procédé à une estimation du coût du service public de gestion des déchets. Il en ressort un ordre de grandeur de 350 millions d'euros par an sur le périmètre des DROM. Cette estimation inclut les charges de structures, communication, prévention, pré-collecte et collecte, transport, traitement. Avec 17 millions d'euros en 2021, la TGAP représente près de 5 % de ce coût total. La dynamique de cette taxe la porterait à près de 9 % à l'horizon 2025.

* 61 Il s'agit d'une taxe ad valorem (5 %). Pour les huiles lubrifiantes, la taxe est de 7 francs/kg.

* 62 L'équivalent des communes.

* 63 Face au succès, l'écotaxe a été étendue en 2020 à l'importation de tous les contenants rigides de plus de 200 ml, notamment les boites de conserves.

* 64 Voir le II.B.5).

* 65 Ce tonnage est minoré, car il n'inclut pas les déchets ménagers collectés en déchetterie.

* 66 Ce tonnage inclut les cartons et plastiques des ménages, ces matériaux ne faisant pas l'objet d'une collecte sélective à Saint-Barthélemy. Ils sont incinérés.

* 67 Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon sont des collectivités d'outre-mer, mais elles n'exercent pas la compétence environnement. Le code national de l'environnement y est applicable.

* 68 En revanche, la législation REP ne s'applique pas en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et à Saint-Barthélemy.

* 69 Dont 18,2 kg d'emballages papier-carton, aluminium, acier et plastique et 33,3 kg d'emballage en verre.

* 70 L'Observatoire régional de la Guadeloupe (ORDEC) indique en revanche 59,6 kg.

* 71 Chiffres 2017 de l'Observatoire régional.

* 72 Chiffres 2021. Ce ratio est encore plus faible en réalité, la population réelle étant bien supérieure.

* 73 Chiffres 2019 de l'Observatoire régional.

* 74 Article L.564-10 du code de l'environnement.

* 75 Point 3.2 de l'annexe 1.

* 76 Arrêté du 14 octobre 2022 modifiant le cahier des charges des éco-organismes de la filière à responsabilité élargie des producteurs d'éléments d'ameublement.

* 77 À cet égard, vos rapporteures soulignent là encore le problème des douanes qui ne communiquent pas facilement les données sur les importations par type de produits.

* 78 Chiffres 2018.

* 79 Édition de France Antilles -- Le journal de la Martinique du jeudi 5 mai 2022.

* 80 5 % des éco-participations.

* 81 À l'exception de La Réunion qui ne peut faire usage des facultés d'habilitation prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article 73 de la Constitution.

* 82 10 tonnes de déchets ont été ramassés sur vingt-quatre sites naturels de Martinique en un week-end.

* 83 Créée en 2020, l'association a obtenu en 2021 les agréments pour signer un total de 204 postes en contrat à durée déterminée d'insertion. Elle déploie son action sur toute l'île. Environ 20 tonnes de déchets sont ramassées chaque semaine dans les ravines et le long du littoral.

* 84 Article L.5211-9-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Jusqu'à présent, seul le pouvoir de police administrative spécial en cas de non-respect du règlement de collecte était transférable (exemple : dépôt des poubelles aux mauvaises heures ou en dehors des bacs...).

* 85 L `article L.512-2 du code de la sécurité intérieure permet aux EPCI de recruter des policiers municipaux.

* 86 Articles R.541-111 du code de l'environnement et suivants.

* 87 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

* 88 Pour les professionnels, l'obligation est en vigueur depuis le 1 er janvier 2012 pour les plus gros producteurs de biodéchets. Les seuils ont été progressivement abaissés au cours de la décennie. Au 1 er janvier 2024, tous les professionnels y seront soumis.

* 89 Le PNTTD (pôle national des transferts transfrontaliers de déchets) a apporté son appui pour répondre aux attentes des compagnies maritimes et des autorités des pays de transit (pour la délivrance des consentements).

* 90 330 tonnes.

* 91 Pour le surcoût incombant au « détour » par Mayotte, l'État a versé une aide de 130 000 euros.

* 92 Les Antilles bénéficient de lignes quasi-directes et très régulières vers la France et l'Union européenne. Les États-Unis sont également proches.

* 93 La convention de Bâle , adoptée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur le 5 mai 1992, encadre et limite ces mouvements. Elle appelle les 184 Parties à observer les principes fondamentaux tels que la proximité de l'élimination des déchets, leur gestion écologiquement rationnelle, la priorité à la valorisation, le consentement préalable en connaissance de cause à l'importation de substances potentiellement dangereuses, etc.

Au 1er janvier 2021, la modification de la convention de Bâle décidée lors de la COP14 en mai 2019 est entrée en vigueur. Seuls les déchets de plastique non dangereux facilement recyclables, c'est-à-dire triés et non contaminés par d'autres déchets, peuvent désormais être exportés vers des pays tiers pour recyclage.

* 94 Le règlement (CE) n° 1013/2006 du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets met en oeuvre les dispositions de la convention de Bâle ainsi qu'un amendement à cette convention (amendement portant interdiction) adopté en 1995 et non encore entré en vigueur qui interdit les exportations de déchets dangereux vers les pays non-membres de l'OCDE. Le règlement (CE) n° 1013/2006 intègre la décision C(2001)107/final de l'OCDE.

* 95 La décision C(2001)107/final du Conseil de l'OCDE concernant la révision de la décision C(92)39/final sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets destinés à des opérations de valorisation s'applique à l'intérieur de la zone de OCDE

* 96 Des échecs ont également découragé durablement des filières, comme un projet industriel de recyclage des plastiques PET en Guadeloupe et Martinique il y a quelques années qui fut mal dimensionné et qui a dû s'arrêter prématurément faute d'équilibre économique.

* 97 En Guyane, la société EIGGAGE broie aussi le verre pour le réutiliser dans les bétons. La capacité du broyeur est très largement supérieure aux besoins liés au broyage du verre seul (5 à 10% de la capacité du broyeur). Le broyeur peut être utilisé pour d'autres déchets en particulier pour les déchets inertes du BTP.

* 98 La société a investi 7 millions d'euros. Elle a reçu une aide de 1 millions d'euros de l'Ademe et a eu recours à la défiscalisation.

* 99 Le verre industriel, notamment le verre feuilleté, est également traité. Seuls les verres médicaux ne le seront pas.

* 100 Les flux de pneus martiniquais étaient exportés vers E CODEC en Guadeloupe pour la réalisation de revêtement sportif et de dalles de stabilisation de terrain. Cependant, l'exiguïté des marchés d'écoulement pour ce type de produit, les coûts d'export important ont eu raison de ce modèle.

* 101 L'exemple de la Société Industrielle de Recyclage et de Production, la SIDREP, spécialisée dans le recyclage des bouteilles en plastique en PET Clair. Cette entreprise s'est installée en Martinique. L'usine représentait un investissement de 11 millions d'euros financé par l'Union européenne (pour plus de 4 millions), l'État, la collectivité territoriale de Martinique. En 2014, dès sa création, Citeo a livré à des prix préférentiels toutes les tonnes de PET clair collectées par les collectivités de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane. En effet, l'unité industrielle était dimensionnée pour être à l'équilibre financier avec 4 500 tonnes de PET par an. Les apports se sont révélés insuffisants et l'exploitant n'est pas parvenu à diversifier ses approvisionnements pour atteindre le seuil de rentabilité. La SIDREP a été liquidée fin 2019. Le président de la SIDREP, Christian Torres, avait fait part de sa situation alarmante devant la délégation lors d'un colloque le 21 juin 2018 portant sur l'ancrage local des économies ultramarines. Voir le rapport d'information n° 597 (2017-2018).

* 102 Sous toutes réserves.

* 103 Rapport public au Gouvernement de Serge Letchimy, député de la Martinique, sur l'économie circulaire en outre-mer.

* 104 Il conviendra de veiller au mode de calcul de ce taux d'abandon. Il serait dommage que plusieurs territoires d'outre-mer soient évincés du dispositif.

* 105 Des investissements, en particulier des presses, sont indispensables. De même que du foncier disponible pour stocker en attendant le traitement et l'exportation.

* 106 À noter des études en cours par CMA-CGM en vue de proposer une solution d'exportation de ces déchets spécifiques (prenant en compte les risques liés à la sécurité) pour fin 2022.

* 107 147 euros en zone touristique (chiffre 2016).

* 108 700 kg/hab pour la France entière (chiffres 2016 ADEME). En baisse de 8 % sur 10  ans.

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