B. POUR ACCOMPAGNER L'ESSOR DES ÉNERGIES RENOUVELABLES, RÉSORBER LE RETARD EN MATIÈRE DE STOCKAGE DE L'ÉNERGIE : L'HYDROGÈNE ET LES BATTERIES

1. La filiale française du stockage de l'énergie : un retard stratégique dans un secteur indispensable à l'essor des énergies renouvelables

La filière française du stockage de l'énergie est encore peu développée : si le stockage hydraulique s'est constitué dès les années 1970 et 1980, celui hors hydraulique n'a fait l'objet d'un soutien public qu'à la fin des années 2010. Or, le stockage de l'énergie est nécessaire pour répondre aux besoins de flexibilité du système énergétique , c'est-à-dire aux variations de la production ou de la consommation, au cours de la journée, de la semaine ou de l'année. Il est fondamental pour accompagner l'essor des énergies renouvelables , qui pêchent toujours par leur intermittence.

En l'état des capacités technologiques, plusieurs modes de stockage existent : d'une part, le stockage hydraulique, via les centrales hydroélectriques dites « de lac » et les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) ; d'autre part, le stockage hors hydraulique, avec le stockage électrochimique (les batteries électriques), le stockage chimique (l'hydrogène renouvelable ou bas-carbone) ou d'autres formes de stockage mécanique (par air comprimé ou par inertie).

Parmi les batteries, il faut distinguer celles stationnaires, donc fixes, de celles embarquées, donc mobiles . Le principe du « vehicle-to-grid » (V2G) doit permettre d'utiliser les batteries des véhicules électriques comme une solution de stockage mobile, le réseau électrique les alimentant ou inversement. C'est une voie prometteuse, car ces véhicules sont inutilisés 95 % de leur temps 124 ( * ) .

Il faut aussi distinguer les batteries primaires, utilisables une fois, des batteries secondaires, réutilisables plusieurs fois . Avant d'être recyclées, les batteries des véhicules électriques peuvent être connectées au réseau électrique pour être utilisées comme une solution de stockage stationnaire. C'est également une voie prometteuse, car ces véhicules ne sont plus aptes à la mobilité une fois atteints 70 à 80 % de la capacité originelle de leur batterie 125 ( * ) .

De plus, les boucles « power-to-hydrogen-to-power » et « power-to-methane-to-power » doivent permettre le recours à l'hydrogène produit par électrolyse ou au méthane de synthèse comme solution de stockage : si le rendement est en l'état de 40 % pour la première technologie et de 30 % pour la seconde, elles permettent néanmoins toutes deux un stockage sur longue période 126 ( * ) .

Le degré de maturité de la filière française du stockage n'est pas le même selon la technologie considérée .

S'agissant du stockage hydraulique, il s'agit d'une technologie ancienne et éprouvée : tout d'abord, les centrales hydroélectriques « de lac », construites au sortir des deux guerres mondiales, représentent un stock maximal de 3 591 GWh 127 ( * ) ; en outre, on dénombre 6 STEP, mises en services dans les années 1970-1980, dont la capacité installée a été évaluée par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à 4 300 MW 128 ( * ) . Selon Réseau de transport d'électricité (RTE) 129 ( * ) , les stocks hydrauliques en 2021 ont été inférieurs de 24 % à ceux de 2020, la production d'électricité issue des centrales « de lac » ayant baissé de 12 % et celle des STEP de 8 % (cf. infra ). En 2022, ces stocks hydrauliques doivent être équivalents à ceux des années précédentes ; beaucoup utilisés en janvier, ils contribuent « fortement à sécuriser l'exploitation du système » 130 ( * ) .

Source : Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan électrique 2021 , 2022.

En revanche, le stockage hors hydraulique est plus récent mais très dynamique : les installations de stockage de ce type, notamment par batteries électriques, n'ont émergé que depuis 2018. Selon la CRE, la France compte actuellement 123 installations de stockage par batterie pour une capacité de 236 MW. Parmi ces installations, 4 sont raccordées au réseau de transport et les autres au réseau de distribution. En outre, 80 % de ces installations ont une capacité installée inférieure à 2 MW. Pour RTE, le stockage hors hydraulique dispose d'une capacité installée de 292 MW, soit une hausse de 305,5 % par rapport à 2020 et de 841,9 % par rapport à 2019 (cf. infra ). Si la France peut paraître en retrait par rapport à d'autres pays, à l'instar du Royaume-Uni et de ses 900 MW de stockage par batterie en 2020 131 ( * ) , un appel d'offres long terme (AOLT) est en cours : il a permis de sélectionner 160 MW de stockage supplémentaires, qui seront déployés sur la période 2022-2028, selon la CRE.

Source : Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan électrique 2021 , 2022.

Malgré son hétérogénéité, le stockage de l'énergie est crucial pour permettre et sécuriser l'essor des énergies renouvelables . Il est d'autant plus nécessaire que la France est en retard sur ses objectifs en matière d'énergies renouvelables. En effet, la part de ces énergies atteint 19,1 % en 2020, contre un objectif de 30 % d'ici 2030, dont 24,8 % pour l'électricité (contre un objectif de 40 %), 23,8 % pour la chaleur (contre un objectif de 38 %), et 0,44 % pour le gaz (contre un objectif de 10 %) 132 ( * ) . C'est regrettable, car la France dispose d'un important gisement de projets. Selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER), on dénombre ainsi 800 projets en attente (soit 19 TWh) pour le biogaz et 70 (soit 2 TWh) pour la chaleur renouvelable ; s'agissant des énergies renouvelables électriques, des projets sont également pendants pour le solaire (11 GW), l'éolien (10 GW), l'éolien en mer (7,9 GW) et l'hydroélectricité (568 MW). Le stockage de l'énergie doit permettre de donner aux énergies renouvelables la flexibilité dont elles ont besoin pour leur plein développement. Dans son étude Futurs énergétiques à l'horizon 2050 133 ( * ) , RTE indique ainsi indiqué que « l'intégration de volumes importants d'éoliennes ou de panneaux solaires engendre de très importants besoins en flexibilités (stockage, pilotage de la demande et nouvelles centrales d'appoint) pour pallier leur variabilité, ainsi que des renforcements des réseaux (raccordement, transport et distribution) ». Dans son étude Transition(s) 2050 , l'Ademe 134 ( * ) insiste quant à elle sur la nécessité de « dimensionner les moyens de flexibilité pour assurer la sécurité d'approvisionnement ».

Compte tenu de son importance, le stockage de l'énergie fait aujourd'hui l'objet de travaux de prospective . Dans son étude précitée, RTE a ainsi estimé les besoins en stockage à 8 GW pour le STEP, 1,7 GW pour le « vehicle-to-grid » et entre 1 et 26 GW pour les batteries électriques (du scénario « N03 » le plus nucléarisé au scénario « M0 » le plus renouvelable). De plus, RTE a estimé la consommation d'hydrogène en 2050 entre 45 TWh (ce qui avec une consommation de 50 TWh d'électricité) dans le scénario de référence et 130 TWh (avec une consommation de 171 TWh électricité) dans une variation « Hydrogène + ». Au total, RTE a indiqué aux rapporteurs que « tous les scénarios nécessitent plus de flexibilité (entre + 30 et + 70 GW) ». De son côté, l'Ademe, dans l'étude susmentionnée, a évalué ces besoins en stockage entre 5 et 7 GW pour les STEP et entre 1 et 28 GW pour les batteries électriques environ (des scenarios « S1 » et « S2 » les plus nucléarisés au scénario « S4 » le plus renouvelable). En outre, l'Ademe a anticipé une hausse de la consommation d'électricité pour la production d'hydrogène d'ici 2050 de 62 TWh dans le scénario « S1 » , 135 TWh dans le scénario « S2 » , 65 TWh pour le scénario « S3 » et 33 TWh dans le scénario « S4 » .

Au-delà de ces travaux de prospective, le stockage de l'énergie est promu aux échelons français comme européen .

Le développement du stockage de l'énergie est encouragé à l'échelle européenne .

Le Plan d'action stratégique européen sur les batteries, publié le 17 mai 2018, vise ainsi à constituer une chaîne de valeur des batteries en Europe . De plus, la Stratégie pour l'hydrogène de la Commission européenne, rappelée dans une résolution du Parlement européen du 19 mai 2021, prévoit de déployer 40 GW d'électrolyseurs issus d'énergies renouvelables et de produire 10 Mt d'hydrogène renouvelable d'ici 2030.

En application de ces plan et stratégie, l'Alliance européenne pour les batteries, lancée le 10 octobre 2017, soutient 750 projets et l'Alliance européenne pour l'hydrogène, lancée le 10 mars 2020, en soutient 500. Une entreprise commune Hydrogène propre a été instituée le 19 novembre 2021. De plus, des aides d'État ont été autorisées par la Commission européenne pour favoriser des projets importants d'intérêt européen commun (« PIIEC ») sur ces mêmes thématiques. Tout d'abord, deux PIEEC ont été soutenus dans le domaine des batteries électriques, représentant 3,2 Mds€ et associant 7 États membres 135 ( * ),136 ( * ) en 2019 d'une part, et 2,9 Mds€ pour 12 États membres 137 ( * ),138 ( * ) en 2021 de l'autre (cf. infra ).

Aides européennes autorisées dans la chaîne de valeur des batteries

Source : Commission européenne, 2019 et 2021.

En outre, un PIEEC commun associant 23 États membres 139 ( * ) a été institué dans le domaine de l'hydrogène. Une centaine de projets, dont quinze pour la France, ont fait l'objet d'une demande, dans ce cadre, auprès de la Commission européenne (cf. infra ) 140 ( * ) .

Source : Ministère de l'économie, des finances et de la relance, 2022

Dans le Paquet Ajustement à l'objectif 55 , la Commission européenne a prévu un allègement fiscal sur l'hydrogène (directive sur la fiscalité énergétique), un objectif de 50 % d'hydrogène dans l'industrie et de 2,6 % dans les transports (directive sur les énergies renouvelables), une régulation du marché de l'hydrogène (Paquet gazier), ainsi que des objectifs d'infrastructures pour l'hydrogène ou l'électricité ( Initative ReFuelAviation, Initative FuelUEMaritime, règlement sur les infrastructures de recharge en carburants alternatifs).

En parallèle, un règlement sur les batteries électriques est en cours de négociation, pour favoriser leur utilisation mais aussi leur recyclage, avec un objectif initial de 70 % de recyclage d'ici 2030 pour les déchets de batteries portables.

Dans le plan RePowerUE , la Commission européenne a identifié l'hydrogène, aux côtés du biogaz, comme un substitut au gaz naturel russe, fixant un objectif de 10 Mt de production et de 10 Mt d'importation d'hydrogène renouvelable d'ici 2030. Elle a prévu d'augmenter les objectifs du Paquet Ajustement à l'objectif 55 (à 75 % pour l'industrie et 5 % pour les transports), d'instituer une plateforme pour l'achat d'hydrogène, d'établir les infrastructures nécessaires à la production d'hydrogène (mobilisant entre 28 et 38 Mds€ pour les gazoducs et entre 6 et 11 Mds€ pour le stockage) et à son importation (corridor via la Méditerranée, l'Europe du Nord et l'Ukraine), de mener à bien les PIIEC en matière d'hydrogène, d'engager 200 M€ dans les investissements d'Horizon Europe, de soutenir les compétences via le programme ERASMUS + ou encore de favoriser les véhicules électriques ou à hydrogène. Au total, la Commission européenne considère que ces 20 Mt d'hydrogène renouvelable, produits ou importés, peuvent permettre une économie de 35 Mds de m 3 de gaz .

Le stockage de l'énergie est aussi promu à l'échelle nationale . Dans le cadre du Plan de relance, 409,7 M€ sont prévus pour l'hydrogène et 487 M€ pour l'automobile. Le Plan d'investissement prévoit 1,9 Mds€ pour l'hydrogène et 4 Mds pour les transports du futur 141 ( * ) , dont 2,7 Mds pour la mobilité électrique 142 ( * ) . Par ailleurs, la France s'est dotée d'une Stratégie pour le développement de l'hydrogène, de 7 Mds€, dont les objectifs sont de déployer 6,5 GW de capacités d'électrolyseurs et de favoriser les mobilités professionnelles, la R&D et l'innovation. Selon France Hydrogène, ces 6,5 GW de capacités d'électrolyseurs pourraient produire 680 000 tonnes d'hydrogène par an, dont 6,5 % pour l'équilibrage du réseau électrique, 23,5 % pour la mobilité lourde et 70 % pour l'industrie (raffineries, chimie, engrais et carburants).

Encore en gestation, la filière française du stockage de l'énergie dispose d'atouts importants . Dans le rapport Faire de la France une économie de rupture 143 ( * ) , le collège des experts chargé de sa rédaction 144 ( * ) a jugé que la France est en situation de rattrapage non rédhibitoire pour l'hydrogène, avec un bon positionnement dans plusieurs secteurs ( supply chain , liquéfaction, distribution, stations de recharge et véhicules utilitaires). Il a de plus considéré que la France est en situation de très forte concurrence pour les batteries électriques avec une forte innovation dans plusieurs marchés (recherche publique, grandes entreprises, start-up ). Pour France Hydrogène, 50 000 à 150 000 emplois pourraient être générés dans le domaine de l'hydrogène d'ici 2030. Selon l'Avere, la capacité de production européenne des batteries pourrait passer à 730 GWh en 2030. Cela nécessiterait la construction de 22 gigafactories . L'Allemagne est le pays le plus avancé en la matière, avec la construction de la moitié des batteries électriques européennes. Par ailleurs, avec 16 millions de véhicules en circulation, le potentiel de batteries secondaires serait de 2 millions en 2040 (pour 60 GWh).

Pour autant, la filière française du stockage est fortement consommatrice de métaux critiques . Pour France Hydrogène, le déploiement d'une filière française de l'hydrogène, d'ici 2030, nécessite 4,1 à 6,2 t de platine, 0,48 à 0,74 t d'iridium et 0,91 à 1,37 t de ruthénium. Selon RTE 145 ( * ) , les batteries des moteurs électriques supposent, entre 2020 et 2050, de mobiliser environ 3 000 kt de cuivre, 1 000 kt de lithium, 2 250 kt de nickel, 300 kt de cobalt, 600 kt de manganèse et 1 600 kt de graphite. De son côté, l'Ademe 146 ( * ) considère que « les véhicules utilisent plus de métaux stratégiques que les EnR dans tous les scénarios ».

2. Pour un amorçage de la filière française du stockage de l'énergie : compléter le cadre juridique et consolider les dispositifs de soutien

Pour permettre l'amorçage de la filière française du stockage de l'énergie , indispensable à l'essor des énergies renouvelables, le retard stratégique doit être comblé s'agissant de l'hydrogène renouvelable et bas-carbone ainsi que des batteries électriques .

En premier lieu, il importe d'intégrer pleinement le stockage de l'énergie à la planification énergétique . En effet, seuls l'hydrogène et les STEP ont été inclus dans le champ de la loi quinquennale sur l'énergie de 2023, à l'initiative de la commission des affaires économiques, dans le cadre de l'examen de la loi « Climat-Résilience » de 2021 147 ( * ) . Les autres modes de stockage de l'énergie peuvent aussi y trouver leur place. Outre la loi quinquennale sur l'énergie de 2023, la PPE et la SNBC doivent être complétées en ce sens. S'agissant de l'hydrogène, la stratégie française, mettant l'accès sur la production domestique plutôt que sur des importations massives, nécessite d'être consacrée. De plus, le couplage possible entre la production d'énergie nucléaire et celle de l'hydrogène bas-carbone en étant issu mérite d'être valorisé. Concernant les batteries, la construction de gigafactories nécessite aussi d'être prise en compte, de même qu'il est indispensable de valoriser le recyclage des batteries. Qu'il s'agisse de l'hydrogène ou des batteries, les projets soutenus par les PIIEC doivent enfin être consacrés dans la planification énergétique.

En deuxième lieu, le stockage de l'énergie doit être pleinement appréhendé par un cadre juridique complet . À l'échelle nationale, une meilleure définition du stockage peut être recherchée. Selon la CRE 148 ( * ) , « dans la règlementation actuelle, il n'existe pas de prescriptions spécifiques au stockage stationnaire ni de prescriptions spécifiques au stockage mobile » , lacune qui doit être corrigée. Les procédures de raccordement ou les exigences de sécurité peuvent aussi être clarifiées. À l'échelle européenne, une neutralité technologique doit être garantie entre l'hydrogène bas-carbone et l'hydrogène renouvelable. S'agissant de la taxonomie verte européenne, si le seuil de 3,0 kgCO 2 /kgH 2 permet de qualifier l'hydrogène bas-carbone 149 ( * ) , la définition de la méthodologie de calcul des émissions et de leur réduction est encore attendue : une vigilance s'impose donc. Concernant le Paquet Ajustement à l'objectif 55, l'atteinte des objectifs de 50 et 2,6 % d'hydrogène dans l'industrie et les transports - qui pourraient être relevés à 75 et 5 % selon le souhait de la Commission européenne - n'est pas envisageable sans laisser aux États membres la possibilité de recourir à l'hydrogène bas-carbone issu de l'énergie nucléaire. Pour ce qui du règlement sur les batteries électriques, le réemploi des batteries des véhicules électriques comme une solution de stockage stationnaire pourrait y être favorisé, afin d'offrir une seconde vie aux 2 millions de batteries secondaires (soit 60 GWh) qui pourraient être disponibles en 2040 150 ( * ) .

Recommandation n° 22 :

Renforcer la planification et le cadre juridique du stockage de l'énergie, en :

- intégrant pleinement le stockage à la planification énergétique (Loi quinquennale sur l'énergie de 2023, Programmation pluriannuelle de l'énergie, Stratégie nationale bas-carbone), en veillant à couvrir l'ensemble des modes de stockage et à consacrer les projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC) ;

- apportant un cadre juridique complet au stockage de l'énergie, en garantissant une neutralité technologique pour l'hydrogène (Taxonomie verte européenne et Paquet ajustement à l'objectif 55) et en favorisant le réemploi des batteries (Règlement sur les batteries électriques).

De plus, le stockage de l'énergie doit être activement soutenu par des dispositifs adaptés . Tous les modes de stockage méritent d'être promus, dans un souci de complémentarité. Le soutien public doit poursuivre un objectif d'industrialisation pour les batteries, pour passer d'une production de niche à une production de masse, couvrant toute la chaîne de valeur (de l'approvisionnement au recyclage). Il doit poursuivre un objectif de production, plutôt que d'importation, pour l'hydrogène, en veillant à mobiliser les différentes sources et les différentes briques et à déployer en parallèle les infrastructures (distribution, transport, stockage) et les flottes (utilitaire, lourde) nécessaires. Dans cette perspective, une consolidation des dispositifs de soutien est attendue. Tout d'abord, les récents dispositifs de soutien à l'hydrogène et au stockage (STEP, hydrogène, batteries), prévus par les lois « Énergie-Climat » de 2019 151 ( * ) et « Climat-Résilience » de 2021 152 ( * ) , appellent une application rapide. En outre, les compléments de rémunération soutenant les projets d'énergies renouvelables doivent tous intégrer le stockage, à l'instar de ceux existants pour l'énergie photovoltaïque. Dans un même esprit d'harmonisation, les réductions de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) et de taux d'utilisation des réseaux publics de distribution ou de transport d'électricité (Turpe) peuvent mieux prendre en compte les différentes technologies de stockage. Les appels d'offres nationaux afférents aux batteries et à l'hydrogène nécessitent d'être pérennisés et consolidés, tandis que les porteurs de projets doivent pouvoir bénéficier d'un appui en ingénierie pour bénéficier des appels à projets européens. Enfin, dans la mesure où l'hydroélectricité demeure de très loin le premier mode de stockage, un appel d'offres sur les STEP doit impérativement être lancé.

Recommandation n° 23 :

Consolider les dispositifs de soutien au stockage, en veillant à leur application (garanties d'origine sur l'hydrogène issues de la loi Énergie-Climat et appel d'offres sur le stockage issu de la loi Climat-Résilience), à leur harmonisation (compléments de rémunération sur les énergies renouvelables et réductions de TICFE et de TURPE), à leur pérennité (appels d'offres existants sur l'hydrogène et les batteries) ainsi qu'à leur complétude (appel d'offres attendu sur les STEP).

L'approvisionnement en métaux critiques doit par ailleurs être garanti . Tout d'abord, une évaluation fine des métaux critiques nécessaires à la filière du stockage de l'énergie peut être conduite, seules les batteries électriques ayant fait l'objet de travaux de recherche publics approfondis. D'autre part, des stratégies de sécurisation (diversification des approvisionnements, constitution de stocks, développement de substituts et promotion du recyclage) méritent d'être encouragées au sein de la filière. Enfin, les métaux critiques (lithium, nickel) pouvant être extraits ou transformés sur le territoire national ou européen doivent l'être : c'est tout l'enjeu de la réforme du code minier (voir B du I du présent rapport) .

Avec un stockage idoine, le déploiement des énergies renouvelables doit enfin être accéléré . Dans son discours de Belfort, du 10 février dernier, le Président de la République a annoncé, s'agissant des objectifs, le relèvement à 100 GW de l'éolien solaire, à 40 GW de l'éolien en mer et à 37 GW de l'éolien terrestre d'ici 2050. Il est regrettable qu'il n'ait pas évoqué les besoins en stockage liés. Par ailleurs, ces objectifs, très ambitieux, ne peuvent être atteints sans un chantier de simplification des normes et des procédures en étroite association avec les élus locaux (institution de guichets et d'autorisations uniques, utilisation du foncier, procédures d'appels d'offres, conditions de raccordement, modalités de participation, délais de recours et planification territoriale). Les services de l'État, centraux et déconcentrés, doivent être mobilisés et confortés pour traiter rapidement les projets en attente. Une attention particulière doit être accordée aux zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain territorial 153 ( * ) , où de nombreux projets sont en suspens. Le cadre de soutien nécessite d'être consolidé : d'une part, les dispositifs encore attendus doivent être appliqués (tarifs d'achat des installations de biogaz de 300 Nm3/h et projets hydrauliques entre 1 et 4,5 MW, certificats de production et garanties d'origine sur le biogaz) ; d'autre part, les fonds existants doivent être relevés (Fonds chaleur renouvelable, Fonds décarbonation industrie) ; enfin, les exonérations fiscales facultatives peuvent être étendues (Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux - IFER, contribution économique territoriale - CET, taxe foncière sur les propriétés bâties - TFPB, taxe foncière sur les propriétés non bâties - TFPNB). Pour ne pas déstabiliser le cadre juridique existant, l'application du Paquet Ajustement à l'objectif 55 doit être exempte d'effets rétroactifs. À plus long terme, les objectifs afférents aux énergies renouvelables nécessitent d'être relevés, notamment pour l'hydroélectricité, le biogaz et les biocarburants, dans le cadre de la loi quinquennale sur l'énergie de 2023.

Recommandation n° 24 :

Accélérer le déploiement des énergies renouvelables, en :

- engageant un chantier de simplification des normes, en étroite association avec les élus locaux (institution de guichets et d'autorisations uniques, utilisation du foncier, procédures d'appels d'offres, conditions de raccordement, modalités de raccordement, délais de recours, planification territoriale) ;

- consolidant les dispositifs de soutien (budgétaires, extrabudgétaires et fiscaux) ;

- relevant les objectifs (dont hydroélectricité, biogaz ou biocarburants).


* 124 Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere).

* 125 Idem .

* 126 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan électrique 2021 , 2022 : https://bilan-electrique-2021.rte-france.com/production-stockage/# .

* 127 Gigawattheures.

* 128 Mégawatts.

* 129 Réseau de transport d'électricité (RTE), Bilan électrique 2021 , 2022 : https://bilan-electrique-2021.rte-france.com/production_hydraulique/# .

* 130 Réseau de transport d'électricité (RTE), L'équilibre offre-demande d'électricité pour l'hiver 2021-2022 , publié en novembre 2021 et actualisé en février 2022.

* 131 De son côté, la Chine s'est fixé un objectif de 30 GW de stockage d'ici 2025.

* 132 Rapport d'information n° 551 (2021-2022) fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », par MM. Daniel Gremillet, 21 novembre 2021, p. 59.

* 133 Réseau de transport d'électricité (RTE), Futurs énergétiques à l'horizon 2050. Résumé exécutif , 2022, p. 13.

* 134 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Transition(s) 2050. Feuilleton Mix électrique : quelles alternatives et quels points communs ? , 2022, p. 4.

* 135 Allemagne, Belgique, Finlande, France, Italie, Pologne et Suède.

* 136 Communiqué de presse de la Commission européenne, Aides d'État : la Commission autorise une aide publique de 3,2 milliards d'euros accordée par sept États membres pour un projet paneuropéen de recherche et d'innovation dans tous les segments de la chaîne de valeur des batteries , 9 décembre 2019 : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_19_6705

* 137 Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Espagne, Finlande, France, Grèce, Italie, Pologne, Slovaquie et Suède.

* 138 Communiqué de presse de la Commission européenne, Aides d'État : la Commission autorise une aide publique de 2,9 milliards d'euros accordée par douze États membres pour un deuxième projet paneuropéen de recherche et d'innovation portant sur l'ensemble de la chaîne de valeur des batteries , 26 janvier 2021 : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_226

* 139 Ainsi que la Norvège.

* 140 Ministère de l'économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire annonce les 15 projets français sélectionnés pour le PIIEC hydrogène dans le cadre de son déplacement sur le site d'Air Liquide , 8 mars 2022 : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2022/03/3018_-_bruno_le_maire_annonce_les_15_projets_franc.pdf

* 141 Rapport d'information n° 551 (2021-2022) fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », par MM. Daniel Gremillet, 21 novembre 2021, pp. 58 et 59.

* 142 Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere).

* 143 Rapport au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Faire de la France une économie de rupture technologique. Soutenir les marchés émergents à forts enjeux de compétitivité , 7 février 2020, pp. 41 et 80.

* 144 Autour de M. Benoît Potier, Président-directeur général de Air Liquide.

* 145 Réseau de transport (RTE), Futurs énergétiques 2050. L'analyse environnementale , 2022, p. 568.

* 146 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Transition(s) 2050. Feuilleton Les matériaux pour la transition énergétique, un sujet critique , février 2022, p. 21.

* 147 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la lutte face à ces effets (articles 87 et 89).

* 148 Commission de régulation de l'énergie (CRE), Document de réflexion et d'orientation de la CRE sur le stockage d'électricité, 5 septembre 2019, p. 9.

* 149 Ainsi que l'a rappelé France Hydrogène, le mix électrique français permet de produire de l'hydrogène par électrolyse inférieur à ce seuil dans 95 % des heures de l'année.

* 150 Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere).

* 151 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (article 52).

* 152 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (article 85).

* 153 Corse, Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Guyane, Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre et

Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélémy, les îles de Molène, d'Ouessant, de Sein et de Chausey.

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