C. ASSURER LA RÉCIPROCITÉ ET L'ÉQUILIBRE DES RELATIONS COMMERCIALES

1. Une nouvelle stratégie commerciale, plus assertive mais toujours ouverte

La Commission européenne a adopté en février 2021 une nouvelle stratégie commerciale, définie comme « ouverte, durable et ferme » , marquant un changement de ton dans sa façon d'aborder la politique commerciale, compétence exclusive de l'Union européenne.

Dans cette communication, la Commission maintient le cap historiquement fixé de l'ouverture commerciale et du développement des échanges - permettant la diversification de nos débouchés et de nos fournisseurs, près de 4 millions de nos emplois dépendant des exportations. Cependant, de façon nouvelle, elle cherche à mieux articuler cette ouverture avec la protection de ses intérêts face aux pratiques commerciales déloyales d'États tiers , au moyen d'un ensemble de normes : instrument contre les subventions étrangères sources de distorsion, instrument relatif à la réciprocité dans l'accès aux marchés publics, instrument anti-coercition. La conciliation de cette politique commerciale ouverte avec une fermeté de l'UE sur ses valeurs est aussi recherchée , par la garantie de compatibilité avec les objectifs de développement durable, par le MACF et la lutte contre la déforestation importée.

L'adoption de cette stratégie s'inscrit dans l'ambition d'une Commission « géopolitique » et doit participer à « l'autonomie stratégique ouverte » de l'Union , dans un contexte marqué par la montée en puissance de la Chine, par le regain de tensions géopolitiques en Chine et États-Unis et par la pandémie de Covid-19. Le Brexit a facilité l'adoption de cet agenda auquel le Royaume-Uni s'était longtemps opposé, ce qui limitait la possibilité pour l'UE de se doter de nouveaux outils de défense commerciale.

Ainsi, dans cette nouvelle phase, la conformité des accords de libre-échange aux valeurs et intérêts stratégiques européens devrait être évaluée de façon plus rigoureuse, notamment par la représentation nationale dans le cadre du Comité de suivi de la politique commerciale. À cet égard, il faut rappeler que l'accord de libre-échange entre le Canada et l'UE (accord économique et commercial global, « AECG » ou « CETA » en anglais) n'a à ce jour toujours pas été ratifié par le Parlement français, ce qui n'est pas sans poser de graves difficultés de légitimité démocratique . L'accord avec le Mercosur, de son côté, ne devrait pas être ratifié avant d'avoir été dûment examiné. Avant la conclusion de tout nouvel accord de commerce, il serait opportun d'évaluer plus finement les réallocations sectorielles et géographiques, de façon transparente et réaliste, en calculant ses bénéfices d'après l'application prévisible de l'accord, et non d'après une application idéale.

Recommandation n° 39 :

- Prévoir la ratification systématique des accords commerciaux mixtes par les parlements nationaux, à commencer par le CETA, pour assurer la transparence et le contrôle démocratique sur ces accords ;

- Évaluer de façon transversale et exhaustive, filière par filière, les effets potentiels des accords commerciaux, à commencer par l'accord avec le Mercosur, à l'aune des résultats constatés des précédents accords. Évaluer l'articulation des traités à venir avec les traités passés et leur impact cumulé.

À juste titre, ce changement d'approche de la Commission ne remet pas fondamentalement en cause l'agenda d'ouverture des marchés porté par l'Union européenne . Les bienfaits du libre-échange dans la grande majorité des situations font l'objet d'un consensus sans équivoque. Les ménages et entreprises de l'Union ont fortement bénéficié de l'ouverture commerciale, notamment dans le cadre de ses accords de libre-échange, sources de gains de productivité, de diversification de l'approvisionnement, de prix concurrentiels, et de réallocations sectorielles.

Ainsi, l'UE et les États membres défendent une relance ambitieuse de l'OMC (accord sur la pêche, sur le commerce électronique, travaux sur la durabilité et réforme de l'organe de règlement des différends), lors de la douzième Conférence ministérielle de l'OMC (CM12), qui aura lieu du 12 au 15 juin 2022 au siège de l'Organisation à Genève. La France et la Commission affirment que « les efforts pour la mise en oeuvre des accords de commerce existants ne sont pas incompatibles avec l'approfondissement du réseau d'accords de commerce de l'UE ».

Toutefois, face à la paralysie depuis de nombreuses années de négociations commerciales multilatérales, l'UE s'est engagée pleinement dans une forme de dialogue plus souple avec les États-Unis, au sein du Conseil du commerce et des technologies 227 ( * ) , un « processus plutôt qu'un accord 228 ( * ) », susceptible d'apporter des avancées de moindre ampleur mais concrètes.

2. Tirer pleinement parti des accords de commerce existants

Avec cette nouvelle stratégie commerciale de l'Union, l'accent est mis sur « la mise en oeuvre des accords de commerce ». La direction générale du Trésor reconnaît volontiers dans ses échanges avec la mission que « la France a incité la Commission européenne à déployer davantage de ressources dans la bonne mise en oeuvre des accords de commerce déjà conclus par l'UE ». Cette attention spécifique à l'aval des accords de libre-échange, c'est-à-dire à leur bonne application, prend acte d'un retour à la normale du commerce international 229 ( * ) par rapport aux tendances exceptionnelles de 1995 à 2007 : l'intégration de la Chine dans les chaînes de valeur mondiales, le progrès des technologies de communication et la conclusion d'accords de libre-échange avaient contribué à une hausse atypique du taux d'ouverture des économies sur cette période.

La nouvelle orientation de la Commission s'est traduite sur le plan institutionnel par la création d'un « procureur commercial européen », directeur général adjoint de la DG « Commerce », Denis Redonnet, entendu par les rapporteurs. Ce nouvel acteur de la politique commerciale européenne est chargé de suivre le respect des engagements de nos partenaires commerciaux et de permettre à toutes nos entreprises de tirer pleinement parti des opportunités offertes par les accords . Son but est de lever les barrières aux échanges qui subsisteraient en contradiction avec les engagements pris dans ces accords de libre-échange, et de veiller, en lien avec les réseaux des services économiques régionaux, du réseau diplomatique, à ce que de nouvelles mesures restrictives ne soient pas adoptées.

Dans son rapport annuel d'octobre 2021 sur la mise en oeuvre des accords commerciaux de l'Union européenne 230 ( * ) , la Commission établit une cartographie de ces barrières aux échanges, aujourd'hui principalement non tarifaires , et des moyens de les lever. Un rapport de la Commission en date de 2019 estime que les obstacles techniques au commerce et autres mesures sanitaires et phytosanitaires augmentent de 8 % le coût des produits (hors accord et avec accord de libre-échange).

En 2020, le manque à gagner lié à la mauvaise application des accords de commerce par nos partenaires commerciaux s'élevait à 4,3 Mds€ pour les entreprises de l'UE, dont 607 M€ pour les entreprises françaises , des montants significatifs à mettre en regard des économies, certes importantes, réalisées par ces entreprises grâce à ces accords, respectivement de 15 Mds€ et 1,5 Md€. On peut en déduire que plus de 22 % du gain anticipé des accords de commerce n'a pas été récupéré pour l'Union européenne, et près de 29 % pour la France. L'ampleur de ce manque à gagner est probablement encore sous-estimée , ces chiffres ne concernant que nos échanges avec un échantillon de 33 partenaires commerciaux, vraisemblablement les plus coopératifs puisqu'ils ont accepté de partager leurs informations avec la Commission.

Les services de la Commission rendent publiques des estimations par secteur de ces pertes d'opportunité commerciales .

Pertes d'opportunité à l'export causées par l'application défaillante
des accords de libre-échange

Union européenne

France

Secteur

Montant

Secteur

Montant

Machines

850 M€

Produits agricoles

126 M€

Produits
de transport

Produits agricoles

600 M€

600 M€

Produits chimiques

100 M€

Produits chimiques

550 M€

Machines
et appareils

98 M€

Source : Commission des affaires économiques,
à partir des données fournies par la Commission européenne.

Sans surprise, ce classement reflète assez fidèlement les secteurs de spécialisation de la France à l'export. Le taux d'utilisation des préférences 231 ( * ) ( preference utilization rate ) par destination est dans la moyenne européenne (66 % au Canada, 80 % au Chili, 80 % en Égypte, 60 % au Japon, 78 % au Mexique, 74 % au Maroc).

Il faut toutefois pouvoir distinguer ce qui résulte d'une part de la mauvaise foi ou du caractère non coopératif d'un partenaire , et d'autre part de la faible connaissance des accords ou faible familiarisation avec les procédures douanières, ce que ne permettent pas les informations publiées une fois par an par la Commission sur l'« utilisation des préférences tarifaires dans le cadre des accords commerciaux préférentiels de l'UE ».

C'est pourquoi les rapporteurs proposent de changer de vocabulaire et de ne plus parler de « taux d'utilisation des préférences commerciales », terme qui laisse entendre que les entreprises sont seules responsables de leur sous-utilisation. Il serait plus pertinent de parler de « non-application des accords commerciaux » , dans la mesure où une source importante de non-utilisation des préférences commerciales est liée à des barrières tarifaires, non tarifaires (notamment phytosanitaires) et plus largement à une attitude non coopérative d'États tiers.

Enfin, il n'existe pas de ventilation, par classe de taille d'entreprises 232 ( * ) , des gains estimés liés à l'application des accords de libre-échange ni, par conséquent, du manque à gagner lié à l'application partielle ou défaillante de ces accords. Ni les pays partenaires ni les États membres ne recueillent ces données. Il serait pourtant particulièrement intéressant de les connaître, afin de fournir un accompagnement en fonction du profil des entreprises, à celles qui parviennent le moins à tirer profit des accords de commerce.

À cet égard, les autorités européennes pourraient profiter de l'entrée en vigueur en 2024 du règlement relatif aux statistiques européennes d'entreprises 233 ( * ) , pour exploiter les données commerciales par classes de taille d'entreprise, et ainsi identifier pour chaque catégorie le manque à gagner résultant de la mauvaise application des accords pour chaque catégorie pour trouver l'accompagnement idoine.

3. Restreindre l'accès à nos marchés publics n'est pas une fin en soi, mais peut être un levier pour accéder à ceux des autres États
a) L'efficacité limitée de la préférence nationale ou européenne dans les marchés publics justifie le maintien de l'ouverture et de l'égalité de traitement

L'instauration d'une préférence nationale ou européenne dans les marchés publics est fréquemment présentée positivement dans le débat public comme un moyen de contribuer à la structuration d'un écosystème d'entreprises locales ou nationales.

L'augmentation des importations dans la commande publique, plus marquée en France (de 6,5 à 8,2 %) qu'en Allemagne (de 7,8 à 8 %) entre 2005 et 2014, doit être un point de vigilance pour les pouvoirs publics. Elle accroît la tentation d'utiliser la commande publique comme levier de protectionnisme, dans le contexte plus général d'un rééquilibrage au sein de l'UE entre politique de concurrence et politique industrielle au profit de cette dernière.

Pour séduisante qu'elle soit, cette tentation présente toutefois des inconvénients masqués. Elle exempte d'une saine concurrence les entreprises sans leur laisser l'opportunité de démontrer leur plus-value en matière de coûts ou de service rendu. Cette politique fait reposer un soutien aux entreprises nationales ou européennes les moins efficaces sur les finances publiques - et en particulier sur les finances locales, les collectivités territoriales réalisant environ 60 % des achats publics. Ses retombées pour l'économie nationale sont incertaines, engendrant une « perte sèche » liée à son inefficience, dont même les entreprises bénéficiaires pâtiraient elles-mêmes en dernier ressort. Surtout, en limitant la diversification de nos sources d'approvisionnement , cette politique expose les collectivités et l'État, et plus largement l'économie à des prix plus élevés, voire des risques de pénurie, ce qui serait contre-productif au regard de la souveraineté économique.

En mars 2022, les États-Unis ont pourtant actualisé les règles de commande publique au niveau fédéral dans un tel sens protectionniste en prévoyant l'augmentation progressive, dans le Buy American Act 234 ( * ) , des exigences de « contenu national », de 55 % aujourd'hui à 75 % en 2029, avec une première hausse à 60 % dès octobre 2022 et une cible intermédiaire de 65 % en 2024 . Selon la présentation faite par le président des États-Unis, cela signifie que les termes « substantially all should be made in the U.S. » [« la quasi-totalité devrait être fabriquée aux États-Unis »] seront entendus de façon plus restrictive : il faudra 75 % en 2029 de composants américains, contre 55 % aujourd'hui, pour qu'un produit soit considéré comme « fabriqué aux États-Unis » et donc bénéficie d'une priorité dans le cadre de la commande publique. Par ailleurs, une offre américaine pourrait être préférée jusqu'à un surcoût de 20 % par rapport à une offre concurrente étrangère, alors que la préférence ne pouvait s'appliquer auparavant que jusqu'à un surcoût de 6 %.

Aucun des interlocuteurs entendus par les rapporteurs - Direction générale du Trésor, DG Commerce de l'Union européenne et l'économiste du Centre d'études prospectives et d'informations internationales ( Cepii) Vincent Vicard - ne considère qu'il peut s'agir d'un modèle à suivre pour favoriser la structuration d'un écosystème local d'entreprises ou l'émergence de filières d'avenir .

En outre, une comparaison de la composition de la commande publique et de son poids dans l'économie tempère les inquiétudes exprimées et fait ressortir une situation française plutôt favorable 235 ( * ) . Ainsi, la commande publique représente de façon stable 14 % du PIB depuis le milieu des années 2000, chiffre qui se situe dans la moyenne des pays européens . Son contenu en importations, autour de 8 %, reste en deçà de la moyenne de la zone euro . Le moindre contenu en importations dans la commande publique aux États-Unis et en Chine s'explique par la plus grande taille de leur économie ; cependant, le contenu en importations extra-européennes de la commande publique française est de moins de 4 %, soit une proportion comparable à ces États . Cette situation suggère que « la capacité à stimuler la relocalisation d'activités économiques via la commande publique est réduite 236 ( * ) ».

Source : Conseil d'analyse économique.

Outre sa faible justification économique, la préférence nationale ou européenne dans les marchés publics peut s'avérer illégale , dans les cas, fréquents, où elle entre en contradiction avec l'Accord sur les marchés publics 237 ( * ) ou avec les multiples dispositions en ce domaine des accords de libre-échange conclus par l'UE. Le champ licite d'une préférence nationale ou européenne serait quoi qu'il en soit très réduit.

Du reste, les maigres bénéfices escomptés par la préférence nationale font abstraction du risque de rétorsion commerciale de pays tiers , qui ne serait pas négligeable, en particulier de la part d'États avec lesquels la France et l'UE ont conclu des accords sur l'accès aux marchés publics.

La Commission européenne privilégie au contraire une approche coopérative en matière d'accès aux marchés publics de nos partenaires commerciaux, en cherchant par exemple à acter des aménagements à la réforme du Buy American Act dans le cadre du Conseil du commerce et des technologies qui associe l'Union européenne et les États-Unis .

Hormis pour certains marchés critiques, comme la défense et la sécurité, déjà exclus du champ des engagements internationaux souscrits par l'UE, les rapporteurs privilégient l'ouverture de nos marchés publics, afin d'améliorer la résilience de nos chaînes d'approvisionnement par la concurrence et la diversification .

b) Obtenir la réciprocité dans l'accès aux marchés publics en musclant le nouvel instrument relatif aux marchés publics internationaux (IPI)

Comme l'expriment les auteurs du focus précité 238 ( * ) , « les mécanismes qui pourraient stimuler la relocalisation de l'activité économique à travers la commande publique sont doubles et ne vont pas forcément dans le même sens au sujet de l'ouverture de cette commande publique : d'une part, en favorisant des achats "locaux", la commande publique pourrait substituer aux importations des produits et services nationaux ou européens jusqu'alors produits hors Union européenne et, d'autre part, en gagnant des parts de marché sur les marchés publics étrangers, les entreprises françaises résidentes pourraient augmenter leurs exportations et accroître leur production . »

C'est dans cette seconde logique que s'inscrit l' IPI 239 ( * ) (Instrument relatif aux marchés publics internationaux) , issu d'une proposition de règlement de la Commission européenne datant de 2012. Longtemps bloqué par les États les plus libéraux par crainte de rétorsions d'États tiers et du signal de fermeture qu'il aurait pu renvoyer, l'IPI a finalement fait l'objet d'un accord en trilogue en mars 2022, sous présidence française de l'UE. Adopté en juin 2022 à une très large majorité par le Parlement européen, il ne nécessitait plus pour entrer en vigueur, lors de la rédaction du présent rapport, que l'adoption par le Conseil de l'UE. Visant la suppression de barrières à l'accès de marchés étrangers et la diversification des clients, ce règlement est cohérent avec l'approche plus assertive et cependant toujours aussi ouverte de la politique commerciale.

Cet instrument prévoit que la Commission puisse, après une phase de dialogue, appliquer une pénalité ou « mesure d'ajustement du prix » renchérissant les réponses aux appels d'offre issues de pays tiers dont les marchés publics ne sont pas ouverts. En dernier ressort, des restrictions d'accès voire l'exclusion des marchés publics européens pourraient être décidées - ainsi que des restrictions dans l'approvisionnement issu de ces pays pour les candidatures domestiques . Cet outil contribuera, ne serait-ce que par la dissuasion, à renforcer la concurrence et la transparence, et à lutter contre les pratiques protectionnistes ou discriminatoires de pays tiers en matière de commande publique , une sphère historiquement très protégée de la concurrence étrangère alors qu'elle compte en moyenne pour plus de 15 % du PIB national, privant nos entreprises d'importants gisements de croissance. À ce jour, la valeur des marchés publics ouverts est de 352 Mds€ dans l'UE, contre 178 Mds€ aux États-Unis et 28 Mds€ au Japon.

Bien que renforcé lors de son examen, le texte adopté au Parlement européen présente toujours certaines faiblesses, limitant son effet de levier :

• d'abord, l'IPI ne concerne que les entreprises issues de pays non-parties à l'Accord sur les marchés publics 240 ( * ) (AMP) de l'OMC ou n'ayant pas souscrit d'engagement dans le cadre d'un accord de commerce avec l'UE, tout en excluant les pays les moins avancés : c'est ce qui garantit la conformité des mesures de rétorsion de l'UE à ses engagements internationaux. Cela limite néanmoins de facto son champ d'application, en omettant certains acteurs parmi les moins coopératifs. Les services de la Commission font remarquer que les pratiques discriminatoires et protectionnistes sont souvent le fait de pays tiers n'ayant pas souscrit à des engagements d'ouverture de leurs marchés publics, mais le récent exemple des États-Unis, parties à l'AMP, prouve le contraire ;

• ensuite, l'IPI ne couvre que les gros marchés publics : seuls les marchés supérieurs à 15 M€ pour les travaux et concessions ou à 5 M€ pour les biens et services entrent dans le champ de l'IPI, privant de protection près de 85 % des marchés publics en nombre et 30 % en valeur ;

• enfin, la Commission est seule juge de la violation des conditions de concurrence équitable par l'État tiers, le texte ne prévoyant plus la procédure décentralisée qui donnait aux États membres plus de marge de manoeuvre dans la version présentée en 2012 de l'instrument IPI .

Recommandation n° 40 :

Pousser les États tiers à donner accès à leur commande publique aux entreprises européennes en :

- abaissant le seuil des marchés entrant dans le champ d'application de l'instrument pour la réciprocité dans les marchés publics (IPI) ;

- permettant aux États, comme à la Commission qui le pourra déjà, de prendre des mesures de rétorsion sous réserve de notification à la Commission ;

- étudiant l'opportunité de prendre des mesures de rétorsion contre des États non coopératifs, même lorsque l'UE est juridiquement engagée avec eux dans le cadre d'un accord sur l'accès aux marchés publics.

Des études suggèrent toutefois que les efforts pour consacrer dans le droit l'accès aux marchés publics étrangers, dans le cadre d'accords de libre-échange, sont « extrêmement coûteux pour des résultats peu satisfaisants 241 ( * ) », en particulier pour les biens 242 ( * ) .

Aussi, afin d'activer pleinement nos accords de commerce et l'Accord sur les marchés publics, les rapporteurs jugent indispensable de compléter cette démarche juridique par un accompagnement concret de nos entreprises, à même d'accroître leurs chances de gagner des appels d'offres, comme par exemple via une meilleure identification par nos services économiques régionaux des bonnes pratiques (y compris culturelles) facilitant l'accès aux marchés publics locaux.


* 227 Cette nouvelle plateforme de discussions, structurée en groupes de travail thématiques (nouvelles technologies, contrôle des exportations, filtrage des investissements...) s'est réunie pour la première fois en septembre 2021 à Pittsburgh, puis une seconde fois à Saclay en mai 2022. En ligne : https://www.economie.gouv.fr/pfue-conseil-commerce-technologies-cct-union-europeenne-etats-unis#

* 228 En ligne : https://www.ft.com/content/4f0efe18-b6b6-4d93-af99-ad96d1254111

* 229 Guillaume Gaulier et Vincent Vicard, « Le Covid-19, un coup d'arrêt à la mondialisation ? », blog du Cepii, avril 2020. En ligne : http://www.cepii.fr/BLOG/bi/post.asp ?IDcommunique=806

* 230 https://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2021/september/tradoc_159 794.pdf

* 231 Mesure dans laquelle des préférences tarifaires accordées dans le cadre d'un accord commercial sont utilisées.

* 232 Par classe de taille d'entreprise, il faut entendre : microentreprises, petites entreprises, entreprises moyennes ou grandes entreprises.

* 233 Règlement (UE) 2019/2152 relatif aux statistiques européennes d'entreprises, abrogeant dix actes juridiques dans le domaine des statistiques d'entreprises (OJ L 327, 17.12.2019, p. 1-35)

* 234 - Early Posting of Federal Acquisition Regulation Final Rule on Amendments to the FAR Buy American Act Requirements (FAR Case 2021-008).

En ligne : https://www.acquisition.gov/early-posting-of-FAR-final-rule/2021-008-news .

* 235 Claudine Desrieux et Kevin Parra Ramirez, « La commande publique peut-elle constituer un levier de relocalisation de l'activité ? », focus du CAE, avril 2021.

En ligne : https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus058.pdf

* 236 Claudine Desrieux et Kevin Parra Ramirez, art. cit.

* 237 Conclu en 1994 dans le cadre de l'OMC, et remplacé depuis 2021 par une nouvelle version signée en 2012, cet accord plurilatéral établit des conditions minimales de réciprocité dans l'accès aux marchés publics entre ses 48 membres (dont les 27 États membres de l'UE).

* 238 Claudine Desrieux et Kevin Parra Ramirez, « La commande publique peut-elle constituer un levier de relocalisation de l'activité ? », focus du CAE, avril 2021.

En ligne : https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus058.pdf

* 239 International Procurement Instrument.

* 240 Liste des parties à l'Accord de 1994, mis à jour en 2012 : https://www.wto.org/french/tratop_f/gproc_f/memobs_f.htm

* 241 Hoekman B. (2018) : « Behind the Border' Regulatory Policies and Trade Agreements », East Asian Economic Review , vol. 22, n° 3, cité par le focus du CAE pré-cité.
En ligne :
https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus058.pdf

* 242 Mulabdic et Rotunno (2021), cité par le focus du CAE.

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