L'ESSENTIEL

MM. Georges PATIENT et Teva ROHFRITSCH, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Outre-mer », ont présenté le mercredi 22 juin 2022 les conclusions de leur contrôle budgétaire relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (FEI).

I. DES BESOINS CONSIDÉRABLES EN ÉQUIPEMENTS PUBLICS

A. UNE INSUFFISANCE STRUCTURELLE DES INFRASTRUCTURES EN OUTRE-MER

De manière structurelle, les infrastructures publiques en outre-mer présentent des déficits et défaillances qui s'expliquent par plusieurs facteurs et notamment :

- la topographie des territoires qui rend difficile les travaux de construction et d'entretien ;

- les risques naturels qui nécessitent des normes de construction spécifiques ;

- des investissements passés insuffisants.

La plupart des infrastructures publiques en outre-mer sont ainsi aujourd'hui insuffisantes pour répondre à l'ensemble des besoins de la population, sont défaillantes ou présentes des coûts pour l'usager supérieurs à ceux constatés en métropole.

Écart des taux d'équipement entre les territoires d'outre-mer et la métropole en nombre pour 100 000 habitants

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE pour 2020. Les données relatives à l'outre-mer concernent les seuls territoires de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte

Ce constat général de besoins en équipements publics est ancien . Il avait déjà été établi par l'inspection générale de l'administration (IGA) dans un rapport de 2012 ainsi que dans un précédent rapport fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le FEI, publié en octobre 2016 et portant sur la période 2009-2015. Aussi, force est de constater que malgré les outils d'aide à l'investissement développés depuis plus de 10 ans , et que les rapporteurs saluent, les besoins d'investissement sont toujours importants avec des écarts avec la métropole qui peinent à se réduire.

B. DES INVESTISSEMENTS EN HAUSSE MAIS QUI NE PERMETTENT PAS DE SATISFAIRE LES BESOINS

Les dépenses d'investissement par habitant des collectivités d'outre-mer sont en nette hausse depuis 2017 et se situent, pour les départements et les régions à des niveaux supérieurs à ceux constatés en métropole. Cependant, malgré un niveau de dépenses d'équipement global plus élevé en outre-mer qu'en métropole, les investissements réalisés ne suffisent pas pour faire face aux besoins importants en raison notamment :

- d'un retard important qui nécessite un surcroit d'investissement par rapport à la métropole ;

- d'un coût de construction et d'entretien des équipements publics supérieur en outre-mer par rapport à la métropole.

Dès lors, en raison de la situation financière dégradée des collectivités d'outre-mer, il est indispensable d'accroitre les moyens permettant aux collectivités locales de poursuivre et même d'amplifier leurs investissements.

II. LA CRÉATION DU FEI EN COMPLÉMENT D'AUTRES DISPOSITIFS D'AIDE À L'INVESTISSEMENT OUTRE-MER

A. UNE AIDE AU FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS DES COLLECTIVITÉS

Dans ce contexte, le FEI a été créé par la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et relatif au fonds exceptionnel d'investissement outre-mer (LODEOM) qui prévoit que l'objet du fonds est d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent des investissements sur des équipements publics collectifs participant de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local.

Si les investissements pouvant bénéficier du FEI sont limités aux seuls équipements publics, les collectivités pouvant bénéficier des crédits du fonds sont, quant à elles, définies au sens large.

L'objectif premier de ce dispositif s'inscrit dans une démarche de rattrapage des niveaux socio-économiques entre les territoires d'outre-mer et la métropole.

B. LE POIDS DU FEI PAR RAPPORT AUX AUTRES AIDES À L'INVESTISSEMENT

Le FEI est un outil complémentaire aux autres aides à l'investissement développées par l'État ou l'Union européenne qui revêtent plusieurs formes :

- crédits budgétaires du programme 123 (« conditions de vie outre-mer) de la mission « outre-mer » ;

- dotations d'investissement aux collectivités portées par la mission « relations avec les collectivités territoriales » ;

- crédits du plan de relance et du PIA ;

- fonds européens.

Le FEI, d'un montant annuel de 110 millions d'euros, représente 5,4 % du total des aides à l'investissement public en outre-mer (8,5 % hors plan de relance qui n'a pas vocation à être pérenne). Si ce poids relatif par rapport aux autres sources de financement est limité, le fonds reste, pour les rapporteurs spéciaux, un outil complémentaire indispensable en ce qu'il joue un effet levier sur les autres financements tout en offrant une souplesse de gestion et une rapidité de mise en oeuvre.

Poids du FEI dans le total des aides à l'investissement public allouées aux territoires d'outre-mer

Source : commission des finances du Sénat à partir des données budgétaires et de la DGCL (direction générale des collectivités locales)

III. LE FEI : UN OUTIL UTILE MAIS DONT LA GOUVERNANCE ET LES MODALITÉS D'ATTRIBUTION RESTENT PERFECTIBLES

A. UNE GOUVERNANCE CENTRALISÉE QUI LAISSE PEU DE PLACE AUX ÉLUS LOCAUX

Le FEI est administré par le ministre chargé de l'outre-mer qui détermine chaque année, dans le cadre d'une circulaire annuelle, la nature des opérations susceptibles de bénéficier du FEI. Les représentants de l'État déterminent ensuite les thématiques prioritaires locales, lancent l'appel à projets auprès des collectivités et fixent, après analyse des dossiers reçus, une liste des opérations. Le ministre arrête in fine la liste définitive des opérations sélectionnées, à partir des listes transmises par les préfets et hauts commissaires, pour bénéficier d'une subvention.

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses de la DGOM

Les élus ne sont pas consultés dans les phases déterminantes de la procédure et leur consultation sur les projets envisagés reste variable selon les territoires, peu formalisée et non déterminante dans les sélections réalisées par les services déconcentrés puis par le ministre.

B. DES MODALITÉS DE SÉLECTION ET DE SUIVI DES PROJETS PERFECTIBLES

Le calendrier de sélection, très contraint , ne laisse pas aux collectivités le temps nécessaire à une préparation optimale des dossiers qu'elles souhaitent déposer et limite la procédure d'instruction des demandes.

Les critères de sélection , bien que précisés dans la circulaire annuelle, demeurent peu transparents d'autant que les études d'impact ne sont pas obligatoires à l'appui des dossiers déposés et que les décisions de rejet ne sont ni notifiées ni expliquées aux collectivités.

Enfin , le suivi des projets sélectionnés est essentiellement financier . Il est réalisé selon des modalités très variables d'un territoire à l'autre et ne comporte aucune évaluation ex-post de l'impact des équipements réalisés.

IV. DES CRÉDITS À PÉRENNISER ET UNE CONSOMMATION À AMÉLIORER

A. UNE MONTÉE EN PUISSANCE DU FEI ET SA NÉCESSAIRE PÉRENNISATION APRÈS 2022

Les crédits alloués au FEI ont nettement augmenté depuis sa création en 2009 pour se stabiliser, depuis 2019, à 110 millions d'euros par an en autorisations d'engagement. Ce niveau doit être maintenu pour le prochain quinquennat au regard des besoins d'investissement des territoires d'outre-mer.

B. UNE SOUS CONSOMMATION AUX FACTEURS MULTIPLES QUI LIMITE D'IMPACT DU FEI

Cependant, le FEI continue d'enregistrer une sous consommation des crédits ouverts qui s'explique par un manque d'ingénierie mais également par une programmation, en début de gestion, inférieure aux crédits ouverts en LFI. Cette sous programmation, alors même que des projets ne sont pas sélectionnés bien qu'éligibles, permet ensuite, en cours de gestion, des redéploiements vers d'autres programmes budgétaires ou d'autres actions du programme 123 ainsi que le financement d'aléas de gestion. La pratique de redéploiements quasi systématiques à compter de 2019 pour financer des opérations d'investissement ne relevant pas du FEI ou des dépenses supplémentaires apparues en gestion interroge. En effet, le FEI ne peut être considéré comme une variable d'ajustement lors des arbitrages ministériels.

Évolution de la consommation des crédits FEI entre 2018 et 2021

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance)

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