I. IV. DES DÉBATS PORTANT SUR DES SUJETS D'INQUIÉTUDE DIVERS MAIS ESSENTIELS

A. UN DÉBAT D'ACTUALITÉ SUR LES CONSÉQUENCES DE L'AGRESSION DE LA RUSSIE CONTRE L'UKRAINE

La matinée et une partie de l'après-midi du mercredi 27 avril ont été consacrées à un débat d'actualité, sur le rapport de M. Frank Schwabe (Allemagne - SOC), au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, sur les conséquences de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine ainsi que sur le rôle et la réponse du Conseil de l'Europe.

Décrivant l'agression de la Russie contre l'Ukraine comme « un acte d'une gravité sans précédent » , avec des conséquences profondes dans le monde entier, l'APCE a lancé un appel pressant à l'unité pour soutenir l'Ukraine et à exercer une pression maximale sur la Fédération de Russie pour qu'elle cesse son agression immédiatement et sans condition, ainsi qu'à des « mesures décisives » de la communauté internationale pour défendre l'ordre mondial démocratique.

Approuvant une résolution et une recommandation sur la base du rapport de Frank Schwabe (Allemagne, SOC), l'Assemblée a déclaré : « Une nouvelle ligne de démarcation est de retour sur la carte de l'Europe, tracée par les discours et les actes des autorités russes ».

L'agression de la Russie a également provoqué, entre autres, la crise humanitaire la plus grave en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, posé un défi à la gouvernance mondiale et entraîné une forte hausse des coûts énergétiques et de l'insécurité alimentaire, ont souligné les parlementaires.

« Ce n'est pas seulement l'ampleur du défi actuel, mais aussi la réponse du Conseil de l'Europe et de ses États membres à ce défi qui façonneront l'avenir de l'histoire européenne » , ont-ils déclaré.

L'Assemblée a confirmé sa condamnation, dans les termes les plus fermes, de l'agression de la Russie contre l'Ukraine et sa solidarité avec l'Ukraine et son peuple, réaffirmant son soutien indéfectible à la souveraineté, à l'indépendance et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues.

L'APCE s'est dite « alarmée par les preuves de plus en plus nombreuses d'atrocités commises par les forces armées russes » et a exprimé son plein appui à tous les efforts déployés pour enquêter sur les violations par la Russie du droit international des droits humains et du droit international humanitaire et sur d'autres crimes internationaux, y compris les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide, et à contraindre l'agresseur à répondre de ses actes.

Dans le même temps, l'APCE a également proposé d'intensifier l'engagement du Conseil de l'Europe auprès de la société civile biélorusse et russe, des défenseurs des droits humains, des journalistes indépendants, du monde universitaire et des forces démocratiques qui respectent les valeurs et les principes de l'Organisation.

Après avoir constaté que l'APCE n'avait pas été inactive puisqu'elle avait suspendu et exclu la Russie, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) a exhorté l'Assemblée parlementaire à dépasser sa posture « encore beaucoup trop bureaucratique ». Il a regretté que « soixante-deux jours après le début du conflit, la présence du Conseil de l'Europe en Ukraine n'est pas à la hauteur, ni du point de vue du Bureau, ni du point de vue des responsables politiques » et demandé à l'APCE de se réinventer. Il a insisté sur l'importance du soutien aux oppositions, au Bélarus et en Russie, indiquant que le soutien aux populations et aux sociétés civiles était au moins aussi important que d'avoir un rapport avec des gouvernements agresseurs. M. Jacques Maire aurait souhaité que le rapport incite l'APCE, le Comité des Ministres et la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe à travailler ensemble pour modifier rapidement le mode de fonctionnement du Conseil de l'Europe.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a partagé les craintes de la Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe concernant la déstabilisation potentielle de la République de Moldova, du fait des troupes russes stationnées en Transnistrie, et fait part de son inquiétude sur l'évolution de la situation dans les Balkans, ou encore en Géorgie. Il a appelé les États membres à maintenir leur unité dans la durée, face à des tentatives de déstabilisation qui ne manqueront pas d'arriver. Le Conseil de l'Europe doit pleinement et rapidement aider l'Ukraine, dans le cadre de son mandat, sans s'impliquer dans une quelconque question de défense, mais en apportant tout l'appui nécessaire aux autorités ukrainiennes mais aussi aux autorités d'autres États membres déstabilisés sur les questions relatives à la protection des droits humains, à la démocratie et à l'État de droit, y compris en sortant des sentiers battus lorsque c'est nécessaire. Il a également salué l'action rapide menée par la Banque de développement du Conseil de l'Europe et a estimé essentiel que l'APCE se coordonne avec d'autres organisations multilatérales, au premier rang desquelles l'OSCE. Il a également estimé important de collectivement repenser l'architecture multilatérale européenne pour préserver la paix et la stabilité en Europe, la perspective d'un Sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe apparaissant à cet égard une nécessité.

M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) s'est félicité de la réaction claire et rapide de l'APCE face à l'agression russe de l'Ukraine tout en soulignant qu'il restait beaucoup à faire au regard de la gravité de la situation, pour l'Ukraine mais aussi pour l'Europe dans son ensemble. Il a estimé qu'il sera d'autant plus aisé aux États membres de faire pression sur le Russie qu'ils ne seront pas dépendants de ce pays, notamment sur le plan énergétique, mais également sur le plan alimentaire ou technologique. Il a aussi insisté sur les efforts nécessaires pour assurer un accueil digne aux migrants et pour documenter les violations du droit international humanitaire, se félicitant de l'appui apporté par le Conseil de l'Europe à la procureure générale d'Ukraine. Repenser le rôle du Conseil de l'Europe dans un tel contexte s'avère nécessaire. Il a enfin appuyé la demande du rapporteur pour que puisse se tenir prochainement un quatrième Sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a estimé qu'après une première réaction forte et unanime tout à fait appropriée, le Conseil de l'Europe devait faire davantage. Elle a appelé le Conseil à rester ferme sur ses valeurs, à se réinventer et à être plus réactif. Elle a estimé que la priorité absolue était bien évidemment de mettre un terme à la guerre, le plus rapidement possible, en respectant le principe de la souveraineté des États reconnu par l'ONU et tout en souhaitant qu'une discussion puisse avoir lieu avec Moscou. Elle a enfin appelé à une politique de sanction, les sanctions les plus dures possible, et une aide massive à l'Ukraine sur tous les plans.

Après avoir fait part de son horreur face aux images de destruction et d'atrocités en provenance d'Ukraine, M. Jacques Le Nay (Morbihan - Union Centriste) s'est inquiété des répercussions migratoires et alimentaires que ce conflit entrainera au niveau européen et mondial. Constatant que cette crise majeure avait conduit les États membres à sortir de leur naïveté, à diminuer leurs dépendances et à se réarmer, il appelé à une réflexion sur la signification de l'appartenance au Conseil de l'Europe aujourd'hui, sur le sens des valeurs démocratiques et sur la manière de les protéger, de les faire vivre, de les faire prospérer. Il a jugé nécessaire que les différents États membres de l'Organisation fassent pression sur la Fédération de Russie pour qu'elle cesse cette guerre et qu'elle rétablisse l'Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues et a formé le voeu que l'APCE use de tous les moyens qui sont les siens au cours des prochains mois, à la fois pour contribuer à l'indispensable réflexion sur la promotion de la démocratie en Europe et l'architecture multilatérale du continent européen, mais aussi pour pousser le Conseil de l'Europe à intervenir de la manière la plus réactive et la plus efficace possible dans le cadre du mandat qui est le sien.

M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a fait part de son émotion et de sa rage face à l'agression de l'Ukraine par la Fédération de Russie, soulignant que pendant sept ans l'APCE avait ignoré les cris d'alarme des membres de la délégation ukrainienne. Il a réaffirmé sa solidarité à leur égard. Comme il paraissait difficile au sein de l'APCE, qui est une assemblée démocratique mais très policée, de parler de sanctions renforcées et surtout d'aide militaire à l'Ukraine, une initiative rassemblant de nombreux parlementaires de la Rada suprême d'Ukraine et des parlementaires européens a été mise en place il y a quelques semaines. S'intitulant « United for Ukraine », Unis pour l'Ukraine, elle compte aujourd'hui plus de 200 parlementaires, issus de 30 pays principalement européens et s'est fixé les objectifs suivants : assurer des sanctions renforcées contre la Fédération de Russie ; développer et améliorer l'aide humanitaire à l'égard des populations à l'intérieur de l'Ukraine ou hors de l'Ukraine ; faire en sorte que des armes, et des armes réelles, utiles, puissent être fournies aux troupes ukrainienne pour résister à cette agression insoutenable. M. André Gattolin a aussi encouragé la collecte d'éléments qui permettront de traduire en justice le responsable de cette agression. Il a enfin appelé les membres de l'APCE à se mobiliser en faveur de M. Vladimir Kara-Mourza qui avait été auditionné à Paris par la Commission des questions juridiques et des droits de l'Homme au sujet de la situation des prisonniers politiques en Russie et qui a été arrêté à son retour en Russie.

Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) s'est félicitée de la réponse claire apportée à l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie et s'est dite satisfaite de l'action de la Banque de développement du Conseil de l'Europe, qui est intervenue très rapidement, tout comme de l'action mise en place pour soutenir les services de la procureure générale d'Ukraine afin de documenter et rassembler les preuves de violation du droit international humanitaire. Elle a néanmoins regretté que le Conseil n'ait pas toujours été à la hauteur. Certes, une délégation des présidents de groupes de l'APCE s'est rendue en Ukraine sous l'égide du Président de l'Assemblée, mais la Secrétaire Générale et la Commissaire aux droits de l'homme ne s'y sont pas encore rendues. Les explications qui ont été données apparaissent peu convaincantes. De même, la réponse de la Secrétaire Générale sur la réouverture du Bureau à Kiev s'est avérée décevante et trop administrative. Mme Nicole Duranton a encouragé l'APCE à jourer un rôle d'aiguillon dans la durée, afin que l'ensemble du Conseil de l'Europe assume pleinement son devoir.

N'ayant pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'elle ait été connectée lors du débat, Mme Martine Wonner (Bas-Rhin - NI) a pu faire publier son intervention au compte-rendu dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE. Elle a appelé à une condamnation de la Russie pleine, sans aucune compromission, sans aucun fait atténuant ainsi qu'au soutien à la population ukrainienne, à la recherche de la paix et au respect des droits de l'Homme.

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