C. SOUTENIR LA DÉMOCRATIE EN EUROPE

1. Le rôle des médias en temps de crise

Mardi 25 janvier, l'APCE a adopté, sur le rapport de Mme Annicka Engblom (Suède - PPE/DC), présenté au nom de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, une résolution sur le rôle des médias en temps de crise.

Pour la rapporteure, des médias libres et indépendants doivent fournir aux citoyens une information précise, complète et de qualité, ce qui est à la fois un droit et un devoir. Les médias doivent remplir cette fonction clé à tout moment mais elle est encore plus importante en temps de crise, lorsqu'ils doivent pouvoir stimuler le débat sur les bonnes mesures pour contrer les causes et les effets néfastes d'une crise et pour la surmonter.

Les médias devraient également faciliter la participation des citoyens aux discussions sur les changements à long terme qui sont nécessaires pour accroître la résilience de la société aux crises futures potentielles. Ils doivent jouer un rôle clé de relais entre les décideurs et le public et assumer un rôle pédagogique, en analysant et en expliquant les nouvelles obligations qui s'imposent pour faire face à une crise et les comportements que les pouvoirs publics attendent des citoyens.

Les risques de désinformation et de manipulation de l'information augmentent en temps de crise. La menace posée par le désordre de l'information est amplifiée et la nécessité de la prévenir et de la contrer devient plus pressante. L'exigence de professionnalisme et de rigueur dans le contrôle des informations diffusées est d'autant plus grande en temps de crise et les médias doivent être conscients de la responsabilité accrue qu'ils doivent assumer pleinement. Les plateformes de médias sociaux devraient redoubler d'efforts pour lutter contre le désordre de l'information, en développant des outils de vérification des faits et en promouvant des sources d'information fiables et précises.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) , s'exprimant au nom du groupe PPE/DC, a expliqué que le rôle traditionnel d'information et de relais de points de vue différents incombant aux médias a été remis en cause par les technologies numériques, les citoyens n'étant plus de simples consommateurs de l'information. Ils peuvent également produire des contenus qui sont diffusés sans vérification et dont la diffusion est amplifiée par les algorithmes des plateformes numériques. Dans ce contexte, le rôle des médias est vital en temps de crise. Ils doivent favoriser la compréhension et la mise en contexte de ces situations de crise, en diffusant une information vérifiée. En permettant la circulation de discours cohérents, les médias associent les citoyens à l'analyse de la crise en favorisant les processus délibératifs.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) a rappelé le rôle essentiel des journalistes, notamment en temps de crise. L'éthique des journalistes doit être encouragée afin de garantir que l'information diffusée a été préalablement et correctement vérifiée. De plus, la transmission d'informations doit se faire avec davantage de rigueur scientifique pour permettre une vulgarisation indispensable au grand public, qui pourra ainsi mieux cerner les menaces et les risques. Enfin les médias devront favoriser les processus délibératifs en fournissant des informations qui vont dans le sens de l'intérêt général.

Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a insisté sur la lourde responsabilité dont sont porteurs les médias en période de crise, un moment où le grand public à un besoin accru d'informations. Les erreurs et emportements qu'ils transmettent peuvent avoir des conséquences dramatiques. Elle a dénoncé les fausses informations qui se fabriquent avant tout pour capter l'attention. Elle a souhaité que soit prêtée une attention particulière à la régulation des plateformes de médias sociaux, qui devront développer des outils vérification des informations. Face à cette situation, des mesures législatives doivent être adoptées pour éviter que de puissantes entreprises numériques ne deviennent des « pôles de pouvoir politique ».

N'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'ils aient été présents ou connectés lors du débat, plusieurs membres de la délégation française ont pu faire publier leur intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE.

Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes-Maritimes - Les Républicains) a rappelé que les médias doivent être au service de la démocratie et des peuples. L'importance d'un écosystème médiatique en bonne santé permet d'assurer l'accès à une information qualitative éloignée de toute forme de parti pris, notamment en période de crise. Leur indépendance doit permettre une analyse critique de la situation en évitant le développement de dérives complotistes. Elle a appelé ses collègues à s'engager pour le maintien d'un écosystème médiatique pluraliste et soucieux de la vérité.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française, a estimé que les médias se conçoivent comme un contre-pouvoir qui vient éclairer et tester les choix effectués par les dirigeants. En période de crise, leurs fonctions d'explication, de discussion et de cohésion sont essentielles, alors que le brouillage de l'information favorise la montée des populismes et la multiplication des théories complotistes. En effet, il revient aux médias de donner aux citoyens des clés de compréhension et d'appréciation des mesures adoptées par les pouvoirs publics, qui restreignent parfois leur liberté. Dès lors, il est indispensable de soutenir les médias, dans leur pluralité. Au Sénat français, une commission d'enquête sur la concentration des médias et son impact sur la démocratie a été mise en place et fait écho aux travaux de l'Assemblée parlementaire. En parallèle, une attention particulière sera accordée à l'éducation pour limiter la défiance envers la science.

M. Dimitri Houbron (Nord - Agir ensemble) a expliqué que, dans le contexte de la crise sanitaire, certains médias ont été qualifiés de « collaborateurs » du pouvoir en raison de leurs positions qui s'appuient pourtant sur des démonstrations scientifiques chiffrées. Il a regretté que l'opposition reproche à la presse des positions reposant pourtant sur une vérité scientifique et remette ainsi en cause la déontologie des journalistes. Face à cet enjeu, il a plaidé pour une formation des plus jeunes à l'esprit de méthode et une modification de l'algorithme des grandes entreprises du Web. Pour conclure, il a préconisé une « reconnaissance entre pairs », qui doit se fonder uniquement sur la déontologie des journalistes.

Mme Marietta Karamanli (Sarthe - Socialistes et apparentés) a soutenu les préoccupations défendues par la rapporteure : informer les citoyens ; consolider leurs place et rôle comme espace de discussion ; participer à la diffusion d'un savoir commun fondé sur l'état des connaissances et de la science. À ce sujet, elle a plaidé pour la méthode démocratique associant la collégialité des décisions, le principe du contradictoire et la transparence des méthodes. Parallèlement, la question du modèle économique des médias est posée. L'information étant un bien public, elle doit faire l'objet de mesures de protection et de promotion.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a défendu que les médias traditionnels sont progressivement supplantés par les podcasts, les diffusions sur le Web et les réseaux sociaux, les citoyens alimentant autant qu'ils la consultent la sphère médiatique. Dès lors, leur rôle en période de crise est fondamental et ambivalent. Si leur première mission reste l'information et l'analyse, ce qui suppose de vulgariser sans schématiser, de donner la parole à toutes les sensibilités, ils créent aussi de nouvelles formes d'échanges et de liens. Ce faisant, ils deviennent parfois amplificateur de la crise elle-même. Les plateformes d'information favorisent une surexposition de certaines convictions et, via leurs dynamiques algorithmiques, une radicalisation des positions les plus militantes. Les médias traditionnels, parfois instrumentalisés par les intérêts de leurs actionnaires, alimentent eux-aussi des thèses sans nuance à l'encontre des autorités aux responsabilités. Il faut donc revenir à des principes fondamentaux pour la démocratie : préserver la diversité et la pluralité des médias, mieux valoriser le métier des journalistes, réhabiliter la place de la science dans le débat public en associant davantage les citoyens à la définition des mesures.

2. L'Observatoire de l'enseignement de l'histoire en Europe

Jeudi 27 janvier, M. Bertrand Bouyx (Calvados - La République en Marche) a présenté un rapport sur l'Observatoire de l'enseignement de l'histoire en Europe, au nom de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias.

En novembre 2020, dix-sept États membres du Conseil de l'Europe ont décidé de créer l'Observatoire de l'enseignement de l'histoire en Europe dans le cadre d'un Accord partiel élargi. Dans son rapport, le rapporteur a salué la décision du Comité des Ministres de créer ce nouvel instrument de coopération, qui vient à point nommé pour donner un élan à son programme intergouvernemental mené depuis de nombreuses années sur l'enseignement de l'histoire. Grâce aux synergies, les activités de l'Observatoire et du secteur intergouvernemental sur l'enseignement de l'histoire peuvent aider les États membres du Conseil de l'Europe à relever les défis de l'enseignement de l'histoire au XXI e siècle.

La définition claire du mandat de l'Observatoire, qui exclut toute volonté d'harmoniser les programmes d'études en Europe, devrait rassurer les autres États membres et les conduire à reconnaître la valeur ajoutée d'une telle plateforme d'échange sur les politiques et les méthodologies et à envisager d'adhérer à l'Accord partiel élargi dans un futur proche.

L'Union européenne pourrait contribuer efficacement aux activités de l'Observatoire et du secteur intergouvernemental du Conseil de l'Europe ; elle pourrait concevoir des dispositifs appropriés pour le financement de projets de coopération innovants fondés sur le Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie et les principes et lignes directrices sur l'enseignement de l'histoire établis par le Conseil de l'Europe.

À l'issue de cette présentation, une résolution et une recommandation ont été adoptées.

N'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'ils aient été présents ou connectés lors du débat, plusieurs membres de la délégation française ont pu faire publier leur intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - Les Républicains) a relevé que l'Observatoire ne vise pas à harmoniser les programmes et encore moins établir une histoire officielle. Il s'agit d'un projet d'avenir qui rassemble dix-sept États membres du Conseil de l'Europe et auquel il a appelé les autres États membres à adhérer. En effet, l'enseignement de l'histoire permet de renforcer le sentiment de citoyenneté des élèves et de les préparer à être des acteurs de la démocratie. Il ne vise pas seulement à la mémorisation de faits historiques mais également à susciter la réflexion des élèves qui seront mieux armés notamment pour prendre en compte et analyser les différentes sources d'informations qui s'offrent à eux.

M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a rappelé que la création de l'Observatoire était une des priorités de la présidence française du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe et s'est félicité que ce projet se soit concrétisé. Citant M. Alain Lamassoure, il a indiqué que dans une majorité de pays, l'enseignement de l'histoire tend à devenir un instrument de propagande national. L'objectif de l'Observatoire est de faciliter l'échange de bonnes pratiques, l'apprentissage mutuel et la mise en réseau des associations professionnelles européennes et des instituts actifs dans le domaine de l'enseignement de l'histoire car le partage des visions historiques est un élément de réponse à la montée des nationalismes en Europe. Il a appelé les États membres qui n'ont pas encore adhéré, notamment l'Italie et l'Allemagne, à le faire.

Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) a affirmé que la paix en Europe passe par l'enseignement d'une histoire commune. Le rôle de l'Observatoire est de favoriser le rapprochement des peuples. Elle soutient l'idée d'introduire un nouveau critère d'adhésion à l'Union européenne, qui serait fondé sur « la réconciliation mémorielle de l'État candidat avec ses voisins ». Enfin, en hommage à Samuel Paty, elle évoque la nécessité de pouvoir enseigner l'histoire dans sa complexité et sans peur car l'enseignement des questions controversées et sensibles favorise la tolérance.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a décrit l'Observatoire comme un projet d'avenir au service de la jeunesse, insistant sur la nécessité de repères historiques pour mieux appréhender le monde de demain. Elle se félicite que l'Observatoire soit désormais doté d'un Comité de direction et d'un Conseil scientifique qui pourront, peut-être un jour, se pencher sur l'enseignement de la place des femmes dans l'histoire. Elle considère que l'Observatoire ne vise pas à uniformiser les manuels d'histoire des États membres mais à servir de plateforme à tous les enseignants pour recouper les perspectives et les méthodes, dans le but de favoriser la compréhension mutuelle entre les peuples et la paix.

3. Le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie

Jeudi 27 janvier, un rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie a été présenté, au nom de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe, par M. Kimmo Kiljunen (Finlande - SOC) et Mme Boriana Aberg (Suède - PPE/DC). À la suite de cette présentation, une résolution a été adoptée.

Dans ce rapport, la commission de suivi s'est félicitée des progrès notables accomplis par l'Arménie en matière de développement démocratique depuis le changement de direction politique en 2018 et du fait qu'elle soit sortie avec succès de la grave crise politique déclenchée par l'issue du conflit du Haut-Karabakh, surmontée par des élections législatives en juin 2021.

La commission a évalué les réalisations accomplies et les défis qui subsistent en ce qui concerne, entre autres, la réforme électorale, l'équilibre des pouvoirs institutionnels, l'environnement politique, la réforme judiciaire et l'environnement médiatique, avant de formuler un certain nombre de recommandations concrètes.

La commission continuera de suivre de près les développements relatifs au fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie, y compris dans le contexte du Plan d'action du Conseil de l'Europe pour l'Arménie.

4. L'évolution de la procédure de suivi de l'Assemblée parlementaire (janvier-décembre 2021)

Au cours de la séance du vendredi 28 janvier, l'APCE a adopté une résolution sur l'évolution de sa procédure de suivi au cours de l'année 2021, sur le rapport de M. Michael Aastrup Jensen (Danemark - ADLE), présenté au nom de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe.

Dans son rapport d'activité annuel, la commission de suivi a fait le bilan de ses activités de janvier à décembre 2021 et elle a évalué les progrès accomplis par les onze pays soumis à la procédure de suivi intégral de l'Assemblée parlementaire, les trois pays engagés dans un dialogue post-suivi et les pays soumis à un examen périodique du respect de leurs obligations et engagements envers le Conseil de l'Europe. Elle s'est félicitée des progrès accomplis, a exprimé ses préoccupations face aux reculs et a adressé des recommandations spécifiques aux pays concernés.

La commission a souligné que, malgré les restrictions sanitaires et de déplacement dues à la pandémie de Covid-19, plusieurs visites d'information ont eu lieu - notamment en Arménie, en Géorgie, à Malte, en République de Moldavie, en Fédération de Russie et en Ukraine - et que le travail des rapporteurs s'est poursuivi, notamment par le biais de réunions en ligne. Elle a toutefois souligné que les contacts en personne sont une condition nécessaire à un dialogue politique significatif.

Au cours de la période considérée, la commission a poursuivi sa réflexion sur l'amélioration de son impact et de l'efficacité de ses méthodes de travail, en particulier en ce qui concerne les nominations et les mandats des rapporteurs, et la durée de validité des renvois d'examen périodique.

M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française , a précisé les principales carences relevées dans le rapport : le manque d'indépendance du système judiciaire, l'absence d'indépendance ou de sécurité des médias, la stigmatisation des minorités ou les difficultés à faire appliquer les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme. Pour lui, les progrès constatés dans certains pays n'effacent pas une impression générale de menace pesant sur la marche démocratique de l'Europe. Il s'est félicité que, pour plus de crédibilité, deux rapporteurs de deux groupes politiques différents soient en charge de chaque pays suivi par la commission. Enfin, il a appelé les gouvernements azéri et arménien à s'engager dans la voie d'une normalisation de leurs relations, avec des gestes de part et d'autre sur la question des prisonniers de guerre et des disparus.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a commencé par évoquer la situation en Géorgie et le climat profondément polarisé qui règne dans le pays. Il a regretté que les progrès accomplis ces dernières années soient aujourd'hui remis en cause par une rivalité entre les deux grands partis du pays, qui empêche la mise en place d'un système judiciaire véritablement indépendant et impartial. Une réforme du Conseil supérieur de la justice apparaît notamment indispensable. Il a également évoqué la sous-commission sur les conflits entre les États membres du Conseil de l'Europe, dont il a été élu nouveau président, qui devra se concentrer sur le processus de règlement du cas transnistrien, de la question chypriote et du conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Pour terminer, il a souhaité que soit évité un conflit entre l'Ukraine et la Fédération de Russie.

Lors de la discussion des amendements, M. Claude Kern s'est opposé à un amendement, présenté par M. Irakli Chikovani (Géorgie - SOC), tendant à supprimer un paragraphe du projet de résolution dénonçant le système de nomination des juges à la Cour suprême en Géorgie, et plus globalement le manque d'indépendance de la justice dans ce pays. Cet amendement n'a pas été adopté.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page