III. DES DÉBATS IMPORTANTS SUR DIVERS SUJETS D'ACTUALITÉ

A. LA PROTECTION DES DROITS DES PLUS VULNÉRABLES

1. La protection des droits de l'enfant

Le lundi 24 janvier, l'APCE a tenu un débat conjoint ayant pour thèmes, d'une part, « le droit d'être entendu : la participation de l'enfant, principe fondamental des sociétés démocratiques », et, d'autre part, « inaction face au changement climatique : une violation des droits de l'enfant ». Deux résolutions et deux recommandations ont été adoptées à l'issue de ce débat conjoint.

Au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, Baroness Doreen E. Massey (Royaume-Uni - SOC) a rappelé que tout enfant a le droit de s'exprimer et d'être entendu. Écouter les enfants peut rendre les sociétés meilleures pour chacune et chacun. La participation des enfants est aussi un élément constitutif de la stabilité de des sociétés européennes.

Alors qu'il existe une multitude d'exemples de bonnes pratiques, la participation des enfants ne reçoit pas assez souvent le soutien et les ressources suffisantes. Elle reste symbolique, sporadique, ou limitée à une minorité privilégiée qui s'exprime facilement.

La rapporteure a donc appelé les États membres du Conseil de l'Europe à mesurer les progrès réalisés, à veiller à ce que la participation des enfants soit systématique et inclusive, en accordant une attention particulière aux enfants en situation de vulnérabilité, à soutenir le renforcement des capacités des professionnels s'occupant d'enfants, ainsi que des parlementaires et agents du secteur public, à soutenir les autorités locales et régionales ainsi que les organisations de la société civile dans la promotion de la participation des enfants et à envisager l'abaissement du droit de vote à 16 ans.

Pour assortir ses propos à ses actions, l'APCE s'engage à consulter les enfants, de manière appropriée et dans le respect des procédures de protection de l'enfance, dans la préparation des rapports qui les concernent, par des consultations écrites, leur invitation à des auditions, des débats, des groupes de discussion et des activités des réseaux parlementaires, mais aussi à fournir aux enfants un retour d'information sur la manière dont leurs contributions ont été utilisées et sur l'impact qu'elles ont pu avoir.

Puis, toujours au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, Mme Jennifer de Temmerman (Nord - Libertés et Territoires) a pris la parole pour expliquer qu'au moment où la crise climatique frappe les plus vulnérables, 2,2 milliards d'enfants dans le monde sont de plus en plus privés des éléments essentiels nécessaires à leur vie et à leur bien-être, notamment les soins de santé, la nourriture, l'eau, le logement et une éducation de qualité. L'absence d'action efficace pour lutter contre le changement climatique - conformément aux engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris - constitue une violation des droits de l'enfant tels qu'énoncés dans la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Il s'agit en particulier du droit à la vie, au développement, du droit à la santé et aux soins médicaux, aux soins et à l'éducation, à un bon niveau de vie, à l'information, à la protection et à l'assistance.

Constatant que les enfants du monde sont prêts à être des acteurs du changement et de la transformation de la société, la rapporteure a ensuite exhorté les États membres à assumer leur responsabilité partagée d'agir de concert pour faire progresser la nouvelle génération de droits, afin de mieux préserver le bien-être des générations actuelles et futures. Elle a donc demandé à l'Assemblée parlementaire de s'engager à dialoguer avec les enfants sur l'action climatique et la protection de l'environnement, ainsi qu'à soutenir la participation des enfants aux débats démocratiques sur le changement climatique à tous les niveaux de gouvernance, et proposé une série de recommandations à cette fin.

Trois enfants ont été invités à s'exprimer au cours du débat : Vani pour le Royaume-Uni, Oma pour l'Irlande et Jérémy pour la France. Ils ont ainsi pu présenter les mesures qu'ils préconisent pour l'apprentissage de la démocratie, développer leur participation au processus législatif et lutter contre le changement climatique.

N'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'ils aient été présents ou connectés lors du débat, plusieurs membres de la délégation française ont pu faire publier leur intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE.

Mme Isabelle Rauch (Moselle - La République en marche) a jugé nécessaire que le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable soit élevé au rang de droit humain protégé par la convention européenne des droits de l'Homme. Elle s'est félicitée de l'engagement des jeunes générations en faveur de l'environnement et de l'action de l'Union européenne pour parvenir à la neutralité carbone en 2050. Enfin, elle a souhaité que la présidence française de l'Union européenne permette de renforcer la lutte contre le changement climatique.

Mme Laurence Trastour-Isnart (Alpes Maritimes - Les Républicains) a appelé à associer les enfants aux décisions qui les concernent : elle a estimé que le climat ou le numérique sont autant de sujets où ils ont une voix à faire entendre, précisant bien que les enfants doivent être associés non pour décider, mais pour être entendus. La jeunesse étant l'avenir, il est nécessaire de la préparer à affronter les défis futurs en la responsabilisant et en la formant.

Mme Liliana Tanguy (Finistère - La République en Marche) a rappelé combien le changement climatique constitue une menace importante pour les droits fondamentaux des enfants et combien il favorise l'accroissement des inégalités. Elle s'est dite favorable à une plus grande sensibilisation des jeunes à l'environnement et à la vie démocratique en les impliquant davantage dans les décisions politiques. Elle a cité en exemple le Parlement des enfants, manifestation organisée à l'Assemblée nationale en France depuis 25 ans. Enfin elle a appelé à réfléchir aux moyens d'offrir aux enfants un espace d'expression permanent au sein du Conseil de l'Europe.

M. Claude Kern (Bas-Rhin - Union Centriste) a souligné l'urgence climatique en précisant qu'un milliard d'enfants seraient en danger du fait des évolutions du climat. Cette situation aura nécessairement des conséquences sur les pays européens, notamment au travers des migrations que cela engendrera. Il y appelle aussi ses collègues parlementaires à assumer leurs responsabilités face aux générations futures, en faisant notamment évoluer les législations nationales pour favoriser une économie plus respectueuse de l'environnement et ainsi tenir les engagements pris lors de la conférence de Paris sur le climat.

2. Le pacte de l'Union européenne sur la migration et l'asile du point de vue des droits humains

Lundi 24 janvier, un débat ayant pour thème le pacte de l'Union européenne sur la migration et l'asile du point de vue des droits humains a été organisé, en présence de Mme Ylva Johansson, Commissaire européenne aux Affaires intérieures. À l'issue de ce débat, une résolution a été adoptée.

Au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, M. Oleksii Goncharenko (Ukraine - CE/AD) a salué l'engagement de l'Union européenne à mettre pleinement en oeuvre les droits de l'Homme en Europe dans toutes ses politiques en matière de migration et d'asile. Il a soutenu l'approche globale de la gestion des migrations irrégulières proposée dans le pacte de l'Union européenne et l'introduction d'un mécanisme de réaction aux crises renforçant les dispositions en matière de solidarité, ce qui est extrêmement important dans la situation actuelle.

Dans son rapport, le rapporteur a examiné les cinq questions les plus urgentes en matière d'asile, du point de vue du cadre des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe : le filtrage, la détention et l'expulsion des immigrants, les procédures d'asile, la solidarité et les groupes vulnérables. Il a considéré que le pacte proposé soulève des questions importantes pour la protection des droits de l'Homme des migrants et des réfugiés.

Il a recommandé aux États membres de l'Union européenne de s'accorder sur un système de relocalisation obligatoire, comme mesure de solidarité avec les pays frontaliers de l'Union, en donnant la priorité aux cas de regroupement familial et aux enfants migrants non accompagnés. Il a invité également l'Union européenne à amender la proposition de règlement de filtrage du pacte afin de s'assurer qu'elle inclut un recours suspensif efficace contre une catégorisation de filtrage incorrecte, et de répondre aux besoins des personnes en situation vulnérable en intégrant des considérations liées au handicap, à l'âge et au sexe, ainsi que des vulnérabilités liées à la santé et celles qui affectent les victimes de la traite des êtres humains et les femmes victimes de violence sexiste.

Mme Ylva Johansson, Commissaire européenne aux Affaires intérieures, a expliqué que les États membres de l'Union européenne doivent parvenir à un accord sur une politique européenne commune en matière d'asile et de migration. L'absence de politique commune coûte cher à l'Union mais surtout aux migrants eux-mêmes, qui perdent la vie en tentant de rejoindre l'un de ses vingt-sept États membres. La coopération est indispensable pour gérer les migrations, non seulement entre les États membres de l'Union mais également avec les pays tiers. Les personnes qui arrivent ont le droit de bénéficier d'une procédure équitable et de voir leur demande d'asile examinée. Si celle-ci peut être rejetée, il est nécessaire de ne pas laisser ces personnes dans l'incertitude et sans protection. Le pacte proposé instaure une solidarité obligatoire entre États membres, non seulement pour l'accueil des migrants mais aussi pour le renforcement des capacités d'accueil. Pour conclure, la Commissaire a assuré que le pacte respecte pleinement le droit d'asile et qu'il prévoit notamment une protection particulière pour les personnes victimes de violences sexistes et les enfants.

Au cours de la discussion générale, M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) s'est exprimé, au nom du groupe PPE/DC, pour rappeler combien les crises migratoires de ces dernières années ont ébranlé le régime de libre circulation des citoyens mis en place au sein de l'espace Schengen. Il s'agit de trouver un équilibre délicat entre la protection des frontières extérieures de l'Union et la prise en compte adaptée de la dimension humaine des migrations, tout en rappelant les difficultés que connaissent certains États membres face aux migrations. Une conférence interparlementaire sur le sujet sera organisée au Sénat les 15 et 16 mai 2022, dans le cadre du volet parlementaire de la présidence française du Conseil de l'Union européenne.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche) , présidente de la délégation française , a précisé que la Commission européenne a présenté cinq propositions législatives et plusieurs recommandations pour établir des principes communs, à l'échelle de l'Union européenne pour la gouvernance des migrations et de l'asile. Certes, ces textes devront être débattus et éventuellement améliorés mais ils ont le mérite de doter l'Union d'une doctrine en la matière alors que la question migratoire sera une des principales préoccupations des années à venir. Une réforme de l'espace Schengen sera également nécessaire : c'est l'ambition exprimée par la présidence française du Conseil de l'Union européenne.

Enfin, n'ayant pas pu prendre la parole dans le temps fixé par le service de la séance bien qu'elle était connectée lors du débat, Mme Isabelle Rauch (Moselle - La République en marche) a pu faire annexer son intervention au compte-rendu, dans les conditions fixées par le Règlement de l'APCE. Elle y fait valoir que la crise migratoire de 2015 a montré les limites du règlement Dublin III, en raison notamment du poids qu'il fait peser sur les pays d'entrée. Lors de leur présidence du Conseil de l'Union européenne, le Portugal et la Slovénie n'ont pas fait de ce sujet une priorité. Elle s'est félicitée que la France veuille initier, sous sa propre présidence du Conseil de l'Union européenne, une réforme de l'espace Schengen pour améliorer la protection des frontières extérieures des vingt-sept et la gestion de la politique migratoire. Cela devra s'accompagner d'un travail avec les pays d'origine et les pays de transit.

3. La lutte contre les discriminations et les violences visant les personnes LGBTI

Mardi 25 janvier, au nom de la commission sur l'égalité et la non-discrimination, M. Fourat Ben Chikha (Belgique - SOC) a présenté un rapport sur la lutte contre la recrudescence de la haine à l'encontre des personnes LGBTI en Europe et M. Christophe Lacroix (Belgique - SOC) a quant à lui présenté un rapport sur les violations alléguées des droits des personnes LGBTI dans le Caucase du Sud. Deux résolutions et une recommandation ont été adoptées à la suite de ces présentations.

M. Fourat Ben Chikha a rappelé qu'au cours des dernières décennies, d'importants progrès ont été accomplis pour faire de l'égalité des droits une réalité pour les personnes LGBTI en Europe. Toutefois, ces dernières années les propos haineux et les crimes de haine ciblant les personnes et les organisations au motif de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre et des caractéristiques sexuelles ont également nettement augmenté à travers tout le continent. De nombreuses attaques contre les personnes LGBTI ou visant l'exercice de leurs droits civils proviennent par ailleurs de dirigeants politiques et religieux.

La recrudescence de la haine contre les personnes LGBTI que l'on constate en Europe aujourd'hui, résulte d'attaques soutenues et souvent bien organisées contre leurs droits humains. Ces attaques qualifient délibérément et à tort la lutte pour l'égalité des personnes LGBTI d'« idéologie du genre » et visent à réprimer les identités et les réalités de toutes les personnes qui remettent en question les schémas sociaux entretenant les inégalités de genre et la violence fondée sur le genre dans nos sociétés. Ces attaques portent préjudice aussi bien aux femmes qu'aux personnes LGBTI.

Les États doivent adopter rapidement des mesures législatives, politiques, de sensibilisation et autres afin de prévenir de nouveaux reculs, de promouvoir la pleine égalité des personnes LGBTI, et de favoriser le plein respect de leurs droits aux niveaux national et international.

Par la suite, M. Christian Lacroix a rappelé que les progrès accomplis au cours des dernières décennies en Europe en matière de droits des personnes LGBTI sont remarquables mais qu'ils ne sont pas homogènes. Son rapport porte plus particulièrement sur trois États membres du Conseil de l'Europe, à savoir l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, qui partagent une histoire récente commune et sont géographiquement proches mais qui diffèrent en matière de lutte contre les discriminations. L'objectif est de rendre compte de leur situation actuelle et de favoriser les possibilités de changement positif.

La Géorgie a accompli des progrès dans la législation contre la discrimination, notamment dans le domaine de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre et de l'expression de genre. Elle devrait mettre pleinement en oeuvre cette législation, qui est un exemple positif à suivre pour les pays de la région du Caucase du Sud. En Arménie, le processus de transition démocratique en cours est une opportunité à ne pas manquer pour renforcer le système de protection des droits humains et lutter contre les discriminations.

Protéger les droits humains des personnes LGBTI implique un changement des attitudes culturelles et politiques qui exige des efforts de longue haleine. Outre les lois et politiques anti-discrimination, le soutien de tous les secteurs de l'administration est indispensable, tout comme la coopération avec la société civile.

Tout en se félicitant des progrès accomplis ces dernières années en Europe pour favoriser l'inclusion des personnes LGBTI, Mme Nicole Duranton (Eure - Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) a déploré que celles-ci continuent d'être victime de discriminations et de violences. La situation dans les pays du Caucase du Sud est particulièrement préoccupante. Elle a appelé l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie à garantir une protection effective des personnes LGBTI, ainsi que leurs droits fondamentaux. Elle a également regretté que partout ailleurs en Europe les discriminations et les violences à l'encontre des personnes LGBTI persistent, notamment en Turquie et en Tchétchénie. Ces violences ont été aggravées par la crise sanitaire et les confinements à répétition. Pour conclure, elle a appelé à une action à l'échelle nationale pour promouvoir une politique inclusive des personnes LGBTI.

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