B. LES LIMITES DU PLAN DE RELANCE EN TERMES DE TERRITORIALISATION DEVRONT ÊTRE PRISES EN COMPTE DANS LE CADRE DU PLAN DE RÉSILIENCE ET DU PLAN FRANCE 2030

Un dixième des dépenses ont été destinées directement aux collectivités territoriales : compensation des pertes et recettes (4,2 milliards d'euros), soutien à l'investissement public local (2,6 milliards d'euros), mesures sectorielles (3,7 milliards d'euros).

M. Vincent Menuet, secrétaire général du plan de relance, a rappelé lors de son audition que les communes dont plus de 15 % de la population réside dans un quartier de la politique de la ville (QPV) ont bénéficié de 27 % de l'enveloppe exceptionnelle consacrée aux communes par le plan de relance au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) en 2020 (soit 340 millions d'euros environ), alors qu'elles comprennent 22 % de la population. Celles situées en zone de revitalisation rurale (ZRR) ont pour leur part reçu 22 % de cette enveloppe pour 16 % de la population 7 ( * ) .

Toutefois, il ressort des données relatives aux attributions de DSIL que celles-ci ont été attribuées, en 2020, de manière très différente selon les territoires , le montant de DSIL par habitant variant de 1,4 euro dans les Hauts-de-Seine à 43,8 euros en Lozère.

Montant des subventions au titre de la DSIL, par habitant

(en euros par habitant)

Source : commission des finances, données : ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, DSIL exceptionnelle en 2020, 25 mars 2021 8 ( * )

Une étude d'Intercommunalités de France 9 ( * ) attribue cette différence notamment à la présentation par certaines collectivités de projets plus importants (par exemple des projets d'aménagement, de réhabilitation ou de rénovation de bâtiments) et bénéficiant de taux de subvention plus élevés. La même étude note que la DSIL exceptionnelle, contrairement à la DSIL classique, n'est pas corrélée avec le potentiel fiscal, et qu'elle n'a pas eu d'effet redistributif entre les territoires. Les deux tiers des communes de plus de 100 000 habitants ont réussi à obtenir au moins un financement de la DSIL exceptionnelle contre moins de 3 % des communes de moins de 1 000 habitants.

Par ailleurs, si le montant du plan de relance financé sur le budget général de l'État est très important, le co-financement par les collectivités territoriales devra également être évalué. Régions de France estime la participation des régions à 15 milliards d'euros, en incluant les accords de relance signés avec le gouvernement.

La Cour note que le rôle des préfets , par rapport à une gestion centralisé, s'est accru au cours de la mise en oeuvre du plan de relance . Certaines mesures ont été déconcentrées car ceux-ci étaient mieux à même d'identifier les projets pertinents. Le suivi territorial, remonté au secrétariat général au plan de relance, a permis d'identifier des difficultés.

Elle observe toutefois un manque de coordination entre les différents supports de contractualisation entre l'État et les collectivités : la mise en cohérence des différents outils de contractualisation existants, prévue par l'accord de partenariat État-régions du 28 septembre 2020, n'aurait pas été mise en oeuvre.

La signature des contrats de relance et de transition écologique (CRTE), qui devait avoir lieu avant la fin juin 2021, a été repoussée à la fin de l'année ; au 14 janvier 2022, 635 CRTE sur 845 avaient ainsi été signés. Toutefois des difficultés ont été signalées : les financements nouveaux n'apparaissent pas toujours clairement, tous ne sont pas regroupés dans le contrat et les communes ne sont pas systématiquement associées à la signature des CRTE.

Comme l'a indiqué Régions de France au rapporteur spécial, de nombreux élus locaux et porteurs de projets ont éprouvé des difficultés de compréhension quant à l'articulation entre les accords de relance d'une part, les CPER et leurs volets territoriaux, les CRTE et les fonds européens d'autre part. Il apparaît en particulier que les CRTE ajoutent une couche administrative par rapport aux contrats territoriaux existants, sans pour autant apporter une allocation budgétaire réelle. L'élaboration des accords de relance a pu être ralentie dans certains territoires en raison du temps nécessaire pour comprendre et expliquer ces différents processus de concertation et de négociation.

Une difficulté particulière pour les collectivités, mais aussi pour les entreprises, résulte également du nombre conséquent des appels à projet lancés rapidement sur les thématiques très variées du plan de relance, souvent avec des critères et un guichet spécifiques.

L'État aurait certainement gagné à s'appuyer plus sur les régions, chefs de file du développement économique, en concevant des appels à projet co-construits et mieux adaptés aux réalités locales. Par exemple, la plupart des dispositifs relatifs au volet « agriculture » du plan de relance ont été pilotés par une agence nationale (France AgriMer) et par les services déconcentrés de l'État, alors que des dispositifs étaient ouverts par les régions et auraient pu être plus simples d'accès pour les bénéficiaires, mieux les cibler et assurer un effet levier supérieur entre les crédits du plan de relance français et les fonds européens gérés dans le cadre du FEADER.

En outre le suivi territorial est difficile . Il manque un recensement complet des mesures mises en oeuvre territoire par territoire : les dossiers de presse d'avancement sont souvent organisés par secteur (quartiers prioritaires, souveraineté alimentaire, etc.) sans fournir une revue de déploiement des mesures par région ou par département. Or une meilleure publication des données relatives au développement territorial permettrait , selon la Cour, de mieux mobilier les différents acteurs .

Enfin, la Cour note une inégalité d'accès au plan de relance entre les collectivités. Les communes rurales ont eu plus de difficulté à accéder aux dispositifs en raison du manque d'ingénierie pour présenter des projets, et les aides à l'ingénierie de l'ANCT ont été insuffisantes. Il en est de même des très petites entreprises (TPE) et des artisans.

L'ensemble de ces conclusions devront être prises en compte dans la mise en oeuvre du plan France 2030 . Un recours excessif à des appels d'offres définis au niveau national serait source d'inefficacité, alors que les collectivités disposent de la connaissance des spécificités et des forces de chaque territoire.


* 7 Ces données figurent également dans le dossier de presse sur les mesures de soutien aux collectivités locales rendu public le 6 mai 2021.

* 8 Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, La carte des projets soutenus via la DSIL exceptionnelle en 2020 , 25 mars 2021.

* 9 Intercommunalités de France (ADCF), « DETR, DSIL et DSIL exceptionnelle : quelle répartition de 2018 à 2020 au sein du bloc local ? », Focus Cohésion, décembre 2021.

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