B. UN SOUTIEN MASSIF DE L'ÉTAT FACE AUX PERTES ENREGISTRÉES PAR LES GRANDS OPÉRATEURS

1. Des établissements durablement fragilisés par la crise sanitaire

La situation financière des établissements publics patrimoniaux a été considérablement fragilisée par la chute du tourisme international et les mesures de restrictions mises en place pour lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19 . Les établissements dont les taux de ressources propres sont les plus importants ont été les plus durement touchés par la crise sanitaire.

Malgré les mesures de compensation déployées en 2020 pour un montant de 64,1 millions d'euros afin d'éviter les ruptures de trésorerie et le soutien conséquent apporté par le plan de relance pour un montant de 232 millions d'euros au titre de l'année 2021, le prolongement de la crise sanitaire en 2021 et la fermeture prolongée des établissements jusqu'en mai ont conduit à dégrader les perspectives budgétaires qui avaient été esquissées par les opérateurs lors de la construction de leur budget 2021, à l'automne 2020.

Déjà spectaculaire en 2020 (- 72 % par rapport à 2019), la baisse de la fréquentation a été encore plus forte en 2021 pour atteindre - 78 % par rapport à son niveau de 2019. Les pertes de billetterie sont supérieures à la baisse de la fréquentation en raison d'un accroissement de la part des publics gratuits dans la structure des publics.

Les recettes hors billetterie sont également affectées par la baisse durable des échanges internationaux (locations, coproductions, implantations à l'étranger), la baisse du chiffre d'affaires 2020 (redevances de concessions, loyers) et la crise économique (mécénat).

Les pertes de recettes propres , d'un montant de 357 millions d'euros en 2020, sont évaluées à 341 millions d'euros en 2021 , en baisse de 48 % par rapport à 2019. Les pertes nettes, estimées à 310 millions d'euros devraient cependant être plus importantes que l'an passé, où elles s'établissaient à 254 millions d'euros. Cette différence s'explique par une hausse des surcoûts, mais aussi par le fait que les établissements n'ont pas pu réaliser autant d'économies en fonctionnement qu'en 2020 afin de maintenir une programmation culturelle tout au long de l'année permettant d'attirer le public français et qu'ils n'ont plus la possibilité de piocher dans leurs trésoreries, déjà exsangues . Depuis mars 2020, les établissements ont largement prélevé sur leurs trésoreries non fléchées, mais aussi fléchées pour assumer les dépenses incompressibles. Leur capacité d'investissement pour se moderniser et enrichir leurs collections est aujourd'hui fortement réduite, voire épuisée .

Compte tenu des risques de rupture de trésorerie présentés par un certain nombre d'établissements, au premier rang desquels le musée du Louvre et les musées d'Orsay et de l'Orangerie, le Gouvernement prévoit d'octroyer aux opérateurs du patrimoine des mesures complémentaires à hauteur de 142 millions d'euros dans le cadre du second projet de loi de finances rectificative pour 2021.

2. Un modèle économique à repenser

Les perspectives pour l'année 2022 restent très dégradées. Le retour encore limité des touristes étrangers, les dispositifs mis en place pour freiner la propagation de l'épidémie (pass sanitaire, jauges) et les incertitudes qui pèsent sur l'évolution de l'épidémie conduisent le ministère de la culture à anticiper des pertes de fonctionnement de l'ordre de 182 millions d'euros en 2022 (188 millions d'euros de perte de ressources propres, 11 millions d'euros d'économies de fonctionnement et 5 millions d'euros de surcoût).

Si ces estimations se confirmaient, les opérateurs du programme 175 pourraient de nouveau se retrouver confrontés à des difficultés d'ici la fin de l'année 2022 , dans la mesure où leurs subventions de fonctionnement restent stables et que seulement 102 millions sont inscrits sur le plan de relance au titre de l'année 2022.

Répartition des crédits du plan de relance entre les principaux opérateurs
au titre des années 2021 et 2022

Cette crise met en lumière les limites du modèle économique des grands opérateurs du patrimoine : en leur demandant de développer considérablement leurs ressources propres, l'État les a rendus plus vulnérables aux chocs externes.

L'État a certes répondu présent depuis le début de la crise sanitaire pour maintenir en fonctionnement ces établissements et ne pas voir totalement compromise leur capacité d'investissement du fait de l'épuisement de leurs réserves de trésorerie. Mais il lui faudra continuer à accompagner ces établissements de manière accrue dans les prochaines années. Selon des hypothèses moyennes, les établissements pourraient ne pas retrouver leur niveau de fréquentation de 2019 avant 2025, sous réserve que la crise n'ait pas engendré des évolutions structurelles en matière de tourisme international.

La France ne pourra donc pas faire l'économie d' une réflexion sur le modèle économique actuel des grands opérateurs , qui n'est viable qu'à la condition que l'État accepte de compenser les pertes qu'ils subissent en période de crise.

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