IV. COMPTE RENDU DE LA VISITE DE L'ÉCOLE « CUISINE MODE D'EMPLOI(S) », À PARIS, LE 27 FÉVRIER 2020

Dans le cadre des travaux de MM. Michel Canévet et Guy-Dominique Kennel sur les difficultés de recrutement des entreprises dans un contexte de forte évolution des métiers, la Délégation aux entreprises a organisé la visite d'un centre de formation souvent cité en exemple par les acteurs de l'emploi : « Cuisine Mode d'Emploi(s) ». Il s'agissait de comprendre la logique et l'organisation d'une formation illustrant avec succès l'orientation vers des formes rapides et opérationnelles de formation permettant de répondre de manière efficiente aux pénuries de main d'oeuvre dans un secteur.

Le secteur de la restauration est particulièrement touché par ce phénomène dans un contexte de global peu réjouissant puisque, malgré un taux de chômage de 8,1 % en février 2020, plus de la moitié des recrutements sont jugés « difficiles » selon l'enquête « Besoins en main d'oeuvre » (BMO) de Pôle emploi. Le « Baromètre PME » de Bpifrance Le Lab et Rexecode, de mai 2019, indique quant à lui que 82 % des entreprises ayant cherché à recruter au cours des 12 derniers mois ont signalé de telles difficultés.

Née en 2012 d'un projet conjoint du chef étoilé Thierry Marx et de la maire du 20 e arrondissement, Frédérique Calandra, l'école « Cuisine Mode d'Emploi(s) » vise à former rapidement des personnes éloignées de l'emploi pour les insérer professionnellement tout en répondant à la pénurie de compétences dans le secteur de la restauration.

L'école compte aujourd'hui 9 centres de formation proposant 4 filières, et a formé 700 personnes en 2019. Des formations itinérantes sont également proposées sous forme de session unique.

Le concept est celui d'une formation courte et gratuite, avec 8 semaines en école et 3 semaines en entreprise. Les « élèves » ou « stagiaires » sont encouragés à passer ensuite le CAP de leur spécialité en candidats libres ; leur taux de réussite avoisine les 100 %.

L'école « Cuisine Mode d'Emploi(s) » permet à des personnes de 20 à 60 ans de retrouver le chemin de l'emploi : jeunes sortis du système scolaire sans qualification, demandeurs d'emploi de longue durée ou en reconversion professionnelle, bénéficiaires du RSA, mais aussi individus ayant un casier judiciaire et ne pouvant suivre un cursus classique. Les résultats sont excellents puisque le taux d'insertion professionnelle à l'issue de cette formation est de 91 %. Le pôle Hôtellerie-Restauration du groupe Adecco est en charge de l'accompagnement vers l'emploi. On propose aux stagiaires des offres d'emplois en CDI, CDD ou intérim dans les secteurs de la restauration en fonction de leur profil et de leur souhait. Les stagiaires peuvent également choisir de poursuivre leur formation et de se spécialiser dans un CFA (centre de formation des apprentis) ou de suivre d'autres cursus.

Malgré la dynamique portée par ce projet depuis le début, l'école a rencontré des obstacles administratifs pour obtenir la reconnaissance administrative de la formation qu'elle délivre. L'intervention personnelle de Thierry Marx a été nécessaire pour que soit rapidement reconnu le certificat de qualification professionnelle (CQP), inscrit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Cette inscription au RNCP marque la reconnaissance par l'État et atteste un niveau d'études en correspondance avec le niveau de qualification enregistré.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel définit deux sortes de certifications : les certifications professionnelles, enregistrées au RNCP permettant une validation des compétences et des connaissances acquises nécessaires à l'exercice d'activités professionnelles et qui sont classées par niveau de qualification et domaine d'activité (Art. L. 6113-1) ; et les certifications et habilitations, enregistrées au Répertoire spécifique (RS), correspondant à des compétences professionnelles complémentaires aux certifications professionnelles (Art L. 6113-6). France compétences assure la tenue de ces deux répertoires.

Ainsi que le souligne le ministère du Travail, la réforme de 2018 a donc introduit une procédure d'enregistrement simplifiée pour les certifications professionnelles portant sur des métiers identifiés comme particulièrement en évolution ou en émergence. « Cette procédure permet d'assurer l'adaptation et la réactivité de l'offre de certification professionnelle aux évolutions des compétences pour ces métiers en exonérant le ministère ou l'organisme certificateur des deux premiers critères réglementaires impossibles à respecter dans le cas de métiers émergents (adéquation des emplois occupés par rapport au métier visé par le projet de certification professionnelle et impact du projet de certification professionnelle en matière d'accès ou de retour à l'emploi, apprécié pour au moins deux promotions de titulaires et comparé à l'impact de certifications visant des métiers similaires ou proches). ».

Convaincus par la méthode de l'école « Cuisine Mode d'Emploi(s) », par ses résultats en termes d'insertion professionnelle de publics pourtant éloignés de l'emploi et de l'intérêt pour les entreprises peinant à recruter des personnes compétentes, les membres de la Délégation aux entreprises regrettent que les secteurs touchés par la pénurie de main d'oeuvre ne puissent pas, surtout en période de chômage élevé, bénéficier de procédures de certification accélérées permettant à des projets comme celui de Thierry Marx de voir aisément le jour.

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