B. ZONES D'INITIATIVE PRIVÉE

M. Patrick Chaize . - Dans vos interventions, je relève un optimisme relatif, mais également une demande de vigilance et de contrôle de la dynamique dans laquelle nous sommes engagés.

Je souhaite maintenant aborder les différentes zones de couverture. Le territoire national est divisé en deux grandes zones : la zone d'initiative privée et la zone d'initiative publique. Les zones privées comprennent les zones très densément peuplées, ainsi que les zones moins densément peuplées, dites AMII (en référence à la procédure d'appel à manifestation d'intention d'investissement par laquelle les opérateurs privés se sont engagés à en assurer la couverture). Sébastien Soriano, pourriez-vous nous expliquer les modalités de déploiement en zone AMII, ainsi que les modalités de suivi par l'Arcep des engagements des opérateurs dans ces zones ?

M. Sébastien Soriano . - Je rappelle, au préalable, que les zones privées comprennent notamment les centres-villes très denses. Dans ces zones urbaines, si un seul réseau de fibre optique est installé par immeuble, les opérateurs doivent réaliser leur propre installation dans la rue. Pour cette raison, dans certaines agglomérations telles que Lille et Marseille, le déploiement n'est pas achevé. Par conséquent, l'Arcep réfléchit actuellement aux moyens de s'assurer que les opérateurs le mènent à bien y compris dans ces zones, même s'ils ne sont soumis à aucun engagement de déploiement.

D'autres zones privées au contraire ne connaissent qu'une seule infrastructure à l'échelle du quartier, voire de la ville. Dans ces zones, le régime qui a été mis en place est un régime d'engagement. Dans ces zones, les opérateurs se sont engagés auprès du Gouvernement pour réaliser le déploiement dans un calendrier donné. L'Arcep a tout d'abord été amenée à rendre des avis sur ces engagements, avant de rendre des avis quant au respect de ces engagements. Elle exerce désormais un contrôle grâce à l'Observatoire du haut débit et du très haut débit, publié tous les trois mois. Il mesure ainsi très précisément, opérateur par opérateur, leur conformité avec leurs engagements. Depuis quelques mois, cet Observatoire a un pendant géographique, la « carte fibre ». Cet outil permet de contrôler très précisément l'avancée des déploiements, à la maille de l'immeuble, et, le cas échéant, de connaître les projets de déploiement futur. Il est disponible en open data et consultable par l'ensemble des territoires. L'Arcep est bien entendu à l'écoute des territoires pour l'enrichissement de cet outil.

Pour rappel, les engagements des opérateurs prévoient qu'en 2020, 92 % de la zone privée soit couverte, et que les 8 % restants, au maximum, soient raccordables à la fibre optique en moins de six mois. Dans cette perspective, nous constatons aujourd'hui une accélération des déploiements, sans laquelle ces objectifs ne pourront pas être tenus : si les opérateurs en restent au rythme actuel, il y aura bien un retard en 2020. Au regard de l'accélération des déploiements, je ne peux donc pas préjuger du respect final des engagements. De plus, les ordres de grandeur des retards éventuels n'apparaissent pas considérables.

M. Patrick Chaize . - Laurent Rojey, l'Agence du Numérique considère-t-elle que le rythme actuel est suffisant pour tenir les objectifs ?

M. Laurent Rojey . - Le rythme de déploiement dans les zones d'initiative privée est très important. La majorité des quatre millions de lignes que nous évoquions sera construite en zone d'initiative privée. Nous devrons néanmoins accélérer pour tenir les objectifs fixés, car il demeure des écarts significatifs entre territoires dans les niveaux de couverture. Cela peut expliquer le ressenti des populations d'un écart entre promesses et réalité.

M. Patrick Chaize . - Ce constat est-il partagé dans les territoires ?

M. Jean-Jacques Lasserre . - Je constate que nous prenons du retard et qu'il existe toujours de forts écarts au sein des territoires. Les zones densément peuplées sont mieux servies, comme en atteste le fait que l'essentiel des 4 millions de lignes ouvertes les concerne. Je regrette par ailleurs que les collectivités territoriales ne suivent pas d'assez près ces questions.

M. Laurent Rojey . - Je signale que la convention de programmation et de suivi des déploiements (CPSD) permet de matérialiser les engagements des opérateurs au niveau local et d'organiser un suivi par l'État et les collectivités territoriales. Cet outil est un complément au contrôle par l'Arcep au niveau national.

M. Patrick Chaize . - Malheureusement, ces conventions ne sont pas toujours mises en place et ne sont pas toujours suivies.

M. Patrick Molinoz . - Je partage le constat de Jean-Jacques Lasserre. En région Bourgogne Franche-Comté, nous souhaitons être associés à un suivi régulier. Un suivi annuel est insatisfaisant. Bien que la régularité des contrôles se soit accrue ces mois-ci, du fait notamment de la vigilance du Gouvernement, elle demeure encore insuffisante dans les zones d'initiative privée. La commune, l'intercommunalité, le département et la région doivent être intégrés au suivi du déploiement en zones AMII et doivent disposer d'un même niveau d'information. Les zones AMII sont en effet très hétérogènes en matière de densité de population. Si l'information ne nous est pas communiquée au fur et à mesure, des problèmes de transparence et de confiance se poseront. Nous devons donc être informés le plus fréquemment possible, d'autant plus quand des difficultés se présentent, ce que nous pouvons comprendre. Sans cela, une défiance s'installera quant à l'utilisation des fonds publics. Par ailleurs, certains de nos concitoyens n'ont pas connaissance de l'existence d'un zonage. Une commune en zone AMII peut ainsi ne pas être raccordée à la fibre optique quand la commune voisine en zone d'initiative publique l'est déjà. Il apparaît donc essentiel de lever un certain nombre d'incompréhensions.

M. Gilles Quinquenel . - Je souhaite tout d'abord remercier l'Arcep pour la mise en ligne des données sur la couverture numérique, qui nous permet d'être informés au fil de l'eau sur l'avancée des déploiements. Je souhaite également insister sur l'importance capitale de la complétude des déploiements. Par ailleurs, nous devons nous mobiliser en matière de formation. En tant que président d'un département qui produit de la fibre optique, je ne pense pas que la difficulté réside dans son acquisition. Le problème essentiel est bien plutôt celui des métiers, et en particulier de leur durabilité. Les régions, les départements ainsi que les intercommunalités doivent donc se saisir de ces questions, dans des délais assez courts. Ce sujet pratique n'est évidemment pas spécifique au secteur privé.

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