II. LE DÉCRET N° 2017-1845 DU 29 DÉCEMBRE 2017 RELATIF À L'EXPÉRIMENTATION TERRITORIALE D'UN DROIT DE DÉROGATION RECONNU AU PRÉFET ET SA CIRCULAIRE D'APPLICATION

En 2017, plusieurs textes ont été publiés autorisant des dérogations à des normes réglementaires.

Un premier décret du 27 juin 2017 a modifié l'article D. 521-12 du code de l'éducation et prévu que le directeur académique des services de l'éducation nationale, saisi d'une proposition conjointe d'une commune ou d'un EPCI et de conseils d'école, pouvait autoriser des adaptations à l'organisation de la semaine scolaire définie par l'article D. 521-10 du code de l'éducation. À noter, il ne s'agit pas ici d'une expérimentation mais bien d'une faculté permanente -quoique très encadrée- de dérogation étendue à l'ensemble du territoire national.

Un décret du 29 décembre 2017 a permis le lancement d'une expérimentation de deux ans permettant aux directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS) de quatre régions 9 ( * ) de déroger à certaines normes, par exemple en matière d'avis de la commission d'information et de sélection relatifs aux projets d'extension d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux, ou de définition des indicateurs et des seuils permettant de déterminer des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins, ou encore en matière de référentiel des compétences requises pour dispenser l'éducation thérapeutique du patient...

Enfin, a été publié, le même jour, le décret relatif à l'expérimentation territoriale d'un droit de dérogation reconnu au préfet et sa circulaire d'application, objets de ce rapport.

A. LE CADRE DE L'EXPÉRIMENTATION

1. Son champ géographique

Le décret du 29 décembre 2017 vise à évaluer, par la voie d'une expérimentation conduite dans deux régions et vingt départements et collectivités , dont la Vendée et le Haut-Rhin, pendant deux ans , du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2019, l'intérêt de reconnaître au préfet compétent la faculté de déroger à certaines dispositions réglementaires pour un motif d'intérêt général.

Les préfectures de région et de département d'expérimentation

Région Bourgogne-Franche-Comté
et les départements :

- Côte-d'Or

- Doubs

- Jura

- Nièvre

- Haute-Saône

- Saône-et-Loire

- Yonne

- Territoire de Belfort

Région Pays de la Loire
et les départements :

- Loire-Atlantique

- Maine-et-Loire

- Mayenne

- Sarthe

- Vendée

Départements et collectivités :

- Mayotte

- Lot

- Bas-Rhin

- Haut-Rhin

- Creuse

- Saint-Barthélemy et Saint-Martin

Pour expliquer ces choix géographiques, le secrétaire général adjoint, directeur de la modernisation et de l'action territoriale du ministère de l'Intérieur, a noté à titre d'exemples que « Le Lot (...) avait été le lieu d'une réunion sur cette thématique de la simplification autour du Premier ministre. La Creuse a été intégrée en lien avec le dossier GM&S et l'élaboration d'un plan de revitalisation. Le Bas-Rhin a également été retenu en même temps que son voisin, le Haut-Rhin. Le choix de Mayotte s'explique par les difficultés importantes rencontrées sur ce territoire, celui de Saint-Barthélemy et Saint-Martin s'inscrit dans la suite de la tempête Irma. Les préfets ne se sont cependant pas emparés localement de ce droit à Saint-Barthélemy et Saint-Martin ».

2. Les normes concernées

Le décret n'autorise de déroger qu'à des normes arrêtées par l'administration de l'État . À cet effet, il permet, dans certaines matières, au représentant de l'État de prendre des décisions individuelles dérogeant à la réglementation. Il en résulte que le préfet ne peut prévoir une dérogation générale et permanente. Le cadre réglementaire de la décision demeure.

La dérogation est prévue pour les décisions non réglementaires relevant de la compétence des préfets dans 7 domaines listés par le décret . Les dérogations sont en revanche interdites dans les domaines régaliens ou sensibles.


Les 7 domaines d'application du décret

Subventions

Aménagement du territoire et politique de la ville

Environnement

Logement et urbanisme

Emploi et activité économique

Patrimoine culturel

Sport


Les limites potentielles au champ de la dérogation

La dérogation ne peut aller à l'encontre « des engagements européens et internationaux de la France ».

La dérogation ne doit pas porter atteinte aux « intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé » .

3. L'objectif de la dérogation

Cette dérogation est en principe soumise à trois conditions cumulatives en termes d'objectifs à atteindre. Il s'agit :

- en premier lieu, de poursuivre un motif d'intérêt général dont la définition du contenu, n'étant pas précisée, relèvera du juge dans le cadre d'éventuels contentieux ;

- en second lieu, de tenir compte des circonstances locales . La notion n'est pas davantage définie ;

- enfin, d' alléger les démarches administratives , de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques .

4. Suivi et évaluation de la mesure

Contrairement aux instructions relatives à l'interprétation facilitatrice des normes, le dispositif de dérogation aux normes par le préfet comprend des mesures de suivi et d'évaluation.

Le suivi est double :

• Au niveau central , la circulaire d'application du décret a heureusement chargé la direction de l'administration et de l'action territoriale du ministère de l'Intérieur, et en particulier le bureau de l'organisation et des missions de l'administration territoriale (BOMAT) de sa sous-direction de l'administration territoriale, du suivi de l'expérimentation. Ce bureau est destinataire de tous les arrêtés de dérogations, dont il peut tirer des éléments statistiques. Il peut fournir, directement ou non, un appui juridique aux préfectures confrontées à des dossiers difficiles. Il assure le lien avec les ministères concernés. Il offre par ailleurs, aux préfectures, depuis avril 2018, un outil informatique de travail collaboratif dénommé « Territorial Nouvelle Version - Droit de dérogation des préfets » afin d'instituer un lieu d'échanges privilégié entre le réseau des référents locaux qui appuient les préfets dans la mise en oeuvre de leur nouveau droit et la DMAT. Sont notamment mis à disposition sur cet espace : les textes de référence, les arrêtés de dérogation, des analyses juridiques de la DMAT, une revue de presse.

• Au niveau départemental , a été décidée, quelques jours avant la publication de la circulaire d'application du décret, par saisine transmise par le sous-directeur de l'administration territoriale aux secrétaires généraux aux affaires régionales et aux secrétaires généraux de préfectures intéressés, la désignation d'un référent « dérogation » dans chaque préfecture concernée par l'expérimentation.

Ces référents ont notamment pour mission d'assurer la liaison avec les services déconcentrés (directions régionales ou départementales : DREAL, directions départementales du territoire - DDT -, directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations - DDCSPP -, etc.) qui ont vocation à proposer le recours au droit de dérogation. Selon les préfectures, ils peuvent par ailleurs être insérés de façon variable dans le processus d'instruction des demandes de dérogations. Comme le montre le tableau suivant, ces référents disposent généralement d'un bon niveau hiérarchique, susceptible de leur permettre de jouer efficacement le rôle qui leur est dévolu.

Source : Direction de l'administration et de l'action territoriale du ministère de l'Intérieur / Sous-direction de l'administration territoriale / Bureau de l'organisation et des missions de l'administration

Par ailleurs, le décret puis la circulaire ont pris soin de prévoir un mécanisme d'évaluation du dispositif de dérogation. Dans les deux mois précédant la fin de l'expérimentation, c'est-à-dire à compter d'octobre 2019, les préfets concernés devront ainsi adresser un rapport d'évaluation au ministre de l'Intérieur. Une synthèse de ces rapports sera ensuite transmise au Premier ministre par le ministre de l'Intérieur.


* 9 Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France, Ile-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

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