B. ADAPTER LES TERRITOIRES : UNE MISSION COMPLEXE

1. Un besoin tant d'études que de travaux d'infrastructures et d'aménagement
(1) Des travaux de prévention à conduire : la nécessité d'équipements de protection

La prévention des risques passe par une meilleure connaissance des territoires et par l'adaptation de ceux-ci.

(a) Concernant le risque tsunami

La prévention du risque tsunami repose, pour beaucoup, davantage sur l'anticipation de la réponse et la réactivité que sur des ouvrages. Les rapporteurs ont pu, durant leur déplacement aux Antilles, constater l'avancée du projet EXPLOIT . Il est prioritaire d'informer la population sur les itinéraires d'évacuation , afin que celle-ci puisse se les approprier. Cela passe notamment par une signalétique efficace, l'un des axes du projet.

Des difficultés sont parfois rencontrées sur le financement de tels projets selon qu'ils sont appréciés comme de la prévention ou de la sécurité civile. Les rapporteurs insistent sur la nécessité d'intégrer à la prévention les initiatives visant à réduire l'impact d'un aléa éventuel : une évacuation rapide et sûre en fait partie.

Recommandation n° 4 : Généraliser le déploiement d'une signalétique d'évacuation et l'établissement de lieux sûrs dans le cas de tsunamis.

L'exemple du projet EXPLOIT

Lors de leur déplacement aux Antilles, les rapporteurs ont pu échanger avec M. Mathieu Péroche sur le projet « EXPLOI tation et T ransfert vers les collectivités des Antilles françaises d'une méthode de planification des évacuations en cas d'alerte tsunami » qu'il porte avec Frédéric Leone, responsable du projet. Le projet concerne 58 communes littorales de Guadeloupe (31) et de Martinique (27) ainsi que les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Le projet est piloté par l'UMR, GRED 23 ( * ) (Université Paul-Valéry Montpellier III).

Le projet a mobilisé un grand nombre de collectivités, avec une ampleur considérable en termes de lieux et plans identifiés et conçus.

Panneaux normalisés par l'Unesco - Signalétique internationale du risque de tsunami
- normes ISO 20712

Source : Délégation sénatoriale aux outre-mer, d'après la présentation de M. Mathieu Péroche, responsable du projet EXPLOIT à la Collectivité de Saint-Barthélemy

À Wallis-et-Futuna , l'information sur le risque tsunami est formalisée par la présence de panneaux de signalisation aux abords des côtes exposées au risque de submersion, ainsi que de panneaux indiquant les chemins de repli et zones refuges. Des dépliants sur les consignes à suivre en cas de tsunami, traduits en wallisien et en futunien , ont par ailleurs été largement diffusés auprès de la population.

(b) Concernant le risque submersion

Le plan de submersion rapide (PSR), mis en place après la tempête Xynthia, a concerné essentiellement les départements impactés du littoral Atlantique de l'hexagone, de la Charente-Maritime notamment. Il apparaît que ce plan n'a cependant pas été un levier efficace d'action sur ce risque outre-mer.

Un rapport commun de l'Inspection générale de l'administration (IGA) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de 2016 sur l'« évaluation du plan de prévention des submersions rapides dans les outre-mer », a ainsi pointé :

- la faible intégration des outre-mer dans le dispositif national ;

- des insuffisances relevées en termes de surveillance et d'alerte face à la survenue d'aléas ;

- un manque de planification, de coordination des services ;

- un déploiement lacunaire des plans de prévention des risques.

Les rapporteurs appellent à une meilleure prise en compte de ce risque outre-mer et à de réelles suites sur les préconisations de la mission de 2016 : aucune réponse précise n'a été apportée par les ministères interrogés.

Les collectivités travaillent cependant sur ce sujet, avec des réalisations, comme le Malecon , à Fort-de-France , pour aider à protéger le centre-ville contre la houle et les risques de submersion.

(c) Concernant le risque inondation

La multiplicité des risques naturels réduit, selon le ministère de la transition écologique, la nécessité de procéder à un traitement isolé du risque inondation. Les inondations sont en effet prises en compte dans le cadre de la gestion des phénomènes météorologiques : les plans se concentrent sur les risques de débordement des ravines et cours d'eau à montée rapide sur un linéaire court et les implantations urbaines aux embouchures .

Les PAPI , qui prennent la suite du plan de submersion rapide, se mettent en place dans les outre-mer, sous l'impulsion des collectivités : deux sont en cours à Saint-Martin et à La Réunion .

Territoires à risque important d'inondation

Les régions ultrapériphériques 24 ( * ) sont soumises au droit européen. La « directive inondation 25 ( * ) » s'applique donc dans ces territoires. 11 territoires à risque important d'inondation (TRI), sur les 122 identifiés en France , se situent dans les départements d'outre-mer .

En application de cette directive, ont ainsi été identifiés :

- un territoire à risque important d'inondation à la Martinique ;

- deux territoires en Guadeloupe ;

- un territoire en Guyane ;

- six territoires à La Réunion. Dans ce département, ils ont chacun donné lieu à une stratégie locale de gestion des risques d'inondation (SLGRI). Cinq programmes d'actions de prévention des inondations « PAPI » ont été contractualisés, à Rivière Saint-Denis, Rivière des Pluies, Rivière des Marsouins, Rivière des Remparts et Saline-Ermitage, avec un fort enjeu lié à la mobilisation des crédits européens, le financement de ces PAPI étant assuré par la mesure FEDER 2014-2020 « Programme de gestion du risque inondation » dotée de 22 millions d'euros. Les sénatrices Nassimah Dindar et Viviane Malet avaient interpellé le secrétaire d'État Sébastien Lecornu en janvier 2018 sur la difficile mobilisation des fonds européens pour les collectivités ;

- un territoire à Mayotte.

Source : Délégation sénatoriale aux outre-mer d'après les réponses du ministère de la transition écologique et solidaire

(d) Concernant le risque cyclonique

La prévention du risque cyclonique passe, pour beaucoup par l'adaptation des bâtiments et leur mise aux normes de résistance à des vents forts. Cependant, la situation des territoires ultramarins en matière d'habitat et de pauvreté oblige à ne pas se limiter à cela. La prévention passe également par la construction d'abris sûrs pour accueillir les populations en cas de cyclones majeurs. L'épisode Irma de 2017 a montré la nécessité de pouvoir mettre en sécurité la population lors de passages de cyclones.

Cette préoccupation est également très vive dans le Pacifique, comme le rappelait notre collègue sénatrice Lana Tetuanui lors de l'audition du secrétaire d'État Sébastien Lecornu : la Polynésie française demande depuis de nombreuses années la construction d'abris de survie cycloniques dans les atolls des Tuamotu . Le ministre a répondu qu'un plan conjoint avec le pays était à portée de main, ces abris étant une priorité.

Recommandation n° 5 : Engager un plan de construction d'abris de survie cycloniques en Polynésie française.

2. Le difficile déplacement et relogement des populations
a) La pénurie de terrains disponibles : les risques naturels face à la problématique foncière

Le relogement des populations déplacées en raison d'une présence dans une zone identifiée comme à fort risque est difficile et se heurte à un problème de fond dans les territoires ultramarins : l'accès au foncier. La délégation sénatoriale aux outre-mer a consacré plusieurs rapports à ce sujet. 26 ( * ) La pénurie de terrains et de logements ne permet pas de solutions rapides de relogement pour les habitants à évacuer.

b) La délicate action de prévention des risques dans un contexte d'habitat sans droit ni titre
(1) Un dispositif mis en place en 2011...

Le relogement des populations exposées à des risques naturels est peu aisé, et ce même lorsque le péril peut paraître imminent, comme l'ont constaté les rapporteurs en Martinique notamment.

Dans des territoires où l'habitat informel demeure une importante réalité, la question des capacités d'évacuation des occupants d'espaces soumis à de forts risques reste délicate.

La loi de 2011 relative à l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer et à Saint-Martin 27 ( * ) , dite « loi Letchimy », a ouvert la possibilité d'aider financièrement des occupants sans droit ni titre dont la destruction de l'habitation est ordonnée en raison de la menace d'un risque naturel prévisible 28 ( * ) . Elle est destinée à faire face aux situations dangereuses générées par exemple par la conjonction de l'habitat précaire et des mouvements de terrain brutaux. Cette aide est imputée sur le fonds Barnier. Ce dispositif provisoire a été depuis, chaque année, prolongé en loi de finances.

(2) ... mais difficile à mobiliser

Lors de leur déplacement, les rapporteurs ont relevé les difficultés des maires et élus locaux de faire comprendre à des habitants de zones à risques la nécessité pour eux d'être relogés. L'attachement à des parcelles occupées de longue date est souvent très fort, et certains occupants refusent d'être relogés, une action administrative plus coercitive demeurant très délicate.

Aussi, les élus ont fait état des lacunes que comportent souvent les dossiers pour justifier de l'ensemble des conditions d'activation du dispositif. Le tableau ci-après montre la faible mobilisation de ce dispositif.

Mobilisation du fonds Barnier pour l'habitat indigne depuis 1995

Aides aux quartiers
d'habitat informel

en euros

Guadeloupe

(dont Saint-Barthélemy
et Saint-Martin)

0

Guyane

3 311 302

Martinique

0

Mayotte

612 000

La Réunion

0

Saint-Pierre-et-Miquelon

0

Total

3 923 302

Source : Réponses du ministère de la transition écologique et solidaire

On ne compte aujourd'hui que deux cas d'application de ce dispositif : en Guyane, sur le Mont Baduel, et à Mayotte . En Guadeloupe, une démarche est actuellement en cours sur la commune de Petit-Bourg ; un versement de crédits est envisagé pour la fin de l'année 2018 ou au début de l'année 2019. Aucune autre demande n'aurait été émise par les collectivités territoriales aux services de l'État pour instruction, selon le ministère.


* 23 GRED : Gouvernances, Risques, Environnement, Développement.

* 24 Aux termes de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 25 Directive n° 2007/60/CE du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation.

* 26 Rapport d'information n° 616 (2016-2017) « Conflits d'usage en outre-mer : un foncier disponible rare et sous tension » fait au nom de la Délégation sénatoriale aux outre-mer par MM. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur coordonnateur et Daniel Gremillet et Antoine Karam, rapporteurs.

* 27 Loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.

* 28 Article 6 de la loi précitée.

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