C. LES FORCES ARMÉES, UN APPUI PRÉCIEUX EN CAS DE CRISE MAJEURE, MAIS JUSQU'À QUAND ?

1. Des moyens militaires en baisse sur les territoires et qui demeurent sous tension

Les moyens militaires présents outre-mer sont déterminants en cas d'aléa naturel, qu'ils soient des moyens de sécurité classiques comme la gendarmerie, ou des forces armées de terre, air ou marine nationale.

La gendarmerie outre-mer compte 4 000 gendarmes , auxquels viennent s'ajouter 21 escadrons, soit 1 500 personnels. Elle couvre 98 % du territoire ultramarin pour 70 % de la population. Leur répartition est visible dans le schéma ci-après.

Une vive préoccupation a été relevée concernant les moyens matériels et notamment immobiliers, particulièrement en Guadeloupe à la suite de l'ouragan Maria.

Effectifs de gendarmerie outre-mer

Source : Gendarmerie nationale, audition des forces armées le 21 février 2018

Les forces armées, réunissant armées de terre, air et mer sont également présentes dans les outre-mer.

Dans le cas du bassin Atlantique, la complémentarité des moyens des forces armées aux Antilles et en Guyane

La zone Antilles-Guyane consacre une répartition des moyens entre les Antilles - essentiellement la Martinique - et la Guyane, avec une dominante maritime aux Antilles et une dominante aérienne en Guyane.
Elle dispose ainsi de trois avions de type CASA et cinq hélicoptères PUMA, auxquels s'ajoutent quatre Fennec.

Les Antilles devraient voir arriver en 2019 un bâtiment multi-missions ainsi qu'un nouveau patrouilleur léger.

Les forces armées aux Antilles (FAA) et les forces armées en Guyane (FAG) ont également sept bâtiments, dont deux frégates de surveillance, une vedette garde-côtes Violette, deux patrouilleurs légers guyanais, un remonte-filets, un remorqueur portuaire côtier Maito.

Les forces armées aux Antilles comptent : 1 200 personnes dont 240 personnels civils et 960 personnels militaires, dont 255 missions de courte durée. Les forces armées en Guyane comptent 2 200 personnes dont 200 personnels civils. Les deux comptent donc environ 3 000 personnes.

Source : Audition des forces armées le 21 février 2018

Moyens des forces françaises positionnées dans les outre-mer

Source : Marine nationale, audition des forces armées le 21 février 2018

La carte ci-dessus retrace les positionnements des forces françaises dans les territoires ultramarins en distinguant les différentes zones de défense et les armées. La dimension maritime prépondérante de la plupart des territoires ultramarins conduit à prêter une attention particulière aux moyens de la marine nationale en activité outre-mer.

Les réformes successives portant sur les effectifs et leur répartition ont profondément modifié les situations au cours des dernières années et réduit la présence dans certains territoires, comme ont pu le constater les rapporteurs aux Antilles. Aussi, des répartitions peuvent avoir été faites pour assurer une « complémentarité » entre les territoires, entre Antilles et Guyane par exemple.

Moyens de la marine nationale outre-mer

La marine est en pleine phase de renouvellement des matériels. Elle perd notamment le BATRAL, vaisseau amphibie qui disposait de capacités de plageage et débarquement, qui ont pu être regrettées durant Irma. Il est remplacé par le bâtiment multi-missions B2M, plus moderne et de meilleure capacité, avec deux équipages multi-missions, qui peut tenir 200 jours par an en mer - contre 90 jours pour le BATRAL - ; il sera présent dans trois départements. La transition laisse des zones temporairement sans moyens équivalents ; un B2M arrivera en Martinique en 2019.

La situation est en revanche tendue concernant les patrouilleurs : il n'y en a actuellement plus en Martinique, un seul en Polynésie et à La Réunion, et deux vétérans de plus de 30 ans, La Glorieuse et La Moqueuse , en Nouvelle-Calédonie. Ces déséquilibres sont en cours de résorption. Un troisième patrouilleur léger guyanais a été commandé et sera affecté en Martinique. La loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit le renouvellement des patrouilleurs en outre-mer. Six unités seront livrées à la marine d'ici à 2024.

Source : Audition des forces armées le 21 février 2018

Recommandation n° 42 : Au regard de la densité des missions imparties et de la complexité des zones concernées, veiller au maintien des capacités d'intervention des armées, notamment de la marine nationale, dans les territoires ultramarins.

Le recours aux forces armées en cas d'aléa naturel majeur peut s'effectuer par saisine du Comsup , par le préfet au sein de la chaîne d'organisation territoriale interarmées de défense (OTIAD) et par saisine du centre de planification et de conduite des opérations, ou bien encore par saisine directe par la cellule interministérielle de crise (CIC).

La coordination est alors assurée à deux niveaux :

- localement, par le préfet de zone en lien avec l'officier supérieur de la zone de défense et de sécurité ;

- au niveau national, entre les ministères de l'intérieur et des armées qui coordonnent et arbitrent les demandes dès lors que les besoins exprimés dépassent les capacités de la zone de défense concernée.

2. Dans le cas d'Irma, un soutien nécessaire sur le territoire

Concernant la gendarmerie, un effectif de 200 personnes était déjà positionné sur site. Une task force complémentaire d'une centaine de miliaires a été constituée et projetée dès le 7 septembre à Saint-Martin.

Le pic des effectifs, à 780 gendarmes , a été atteint le 16 septembre. La gendarmerie a permis de conforter les opérations de sécurité sur le territoire, mais a également participé à des opérations de secours auprès de la sécurité civile, ainsi qu'à la protection d'infrastructures stratégiques - hôpital, aéroport.

Considérant l'ampleur exceptionnelle de cet enchaînement de trois cyclones majeurs sur la zone en l'espace de moins d'un mois, les forces armées ont également été mobilisées, à travers les forces armées présentes aux Antilles mais aussi des renforts venus de l'hexagone, avec le recours à l'A400M notamment.

Les forces armées aux Antilles (FAA)

Le COMSUP FAA dispose d'un état-major interarmées et commande près de 1 000 militaires des trois armées.

Les forces armées aux Antilles sont constituées d'éléments de :

- l'armée de terre , avec le 33 e RIMa (régiment d'infanterie de marine) avec une compagnie de commandement et de logistique, deux compagnies de combat, une compagnie de réserve et un centre d'aguerrissement outre-mer et de l'étranger (CAOME) implantés en Martinique et une compagnie de réserve implantée en Guadeloupe ;

- la marine nationale, la base navale implantée dans le Fort Saint-Louis à Fort-de-France comprenant deux frégates de surveillance, Ventôse et Germinal, un remorqueur portuaire côtier : Maïto ; un patrouilleur côtier de la gendarmerie maritime La Violette basé en Guadeloupe ;

- l'armée de l'air , avec deux détachements d'hélicoptères embarqués de la marine nationale, un Panther de la flottille 36F et un Alouette III de l'escadrille 22S ainsi qu'un pôle aéronautique étatique basé au Lamentin. Cette structure interministérielle regroupe des unités aéronautiques du ministère de la défense qui en assure la tutelle, du ministère de l'économie et des finances et du ministère de l'intérieur et constitue une plateforme logistique d'accueil et de soutien de renforts arrivant par voie aérienne, en provenance de Guyane ou de métropole, dans le cadre d'opérations de secours d'urgence ou de lutte contre le narcotrafic en haute mer.

Source : Site du ministère des armées

L'intervention des forces armées a duré du 3 septembre au 20 octobre 2017 ; elle s'est concentrée sur deux territoires principaux, Saint-Martin et la Dominique, et en Guadeloupe. Trois phases d'opérations ont été identifiées par les forces armées aux Antilles :

- anticipation ;

- projection d'urgence ;

- rétablissement sommaire.

Le 33 e RIMa a assuré la continuité des opérations , du 4 septembre au 17 octobre. L'échelon national d'urgence, le 3 e RPIMa, a marqué un coup d'arrêt à la dégradation sécuritaire dès le 11 septembre 2017. La prise de relais a été engagée ensuite par le BATGEN avec vingt-deux chantiers de rétablissement sommaire aux alentours du 26 septembre. A enfin été enclenché le désengagement nominal avec un départ après six semaines d'intervention - sauf pour le régiment du service militaire adapté et le service d'infrastructure de la défense.

Le bâtiment de projection et de commandement, BPC Tonnerre, a été présent sur zone en renfort du 25 septembre au 12 octobre.

Un pont aérien logistique sans précédent aux Antilles

L'ampleur de la situation a nécessité l'organisation d'un pont aérien aux Antilles. Celui-ci a ainsi mobilisé des moyens complémentaires :

- reconnaissances aériennes - FA50 -, précieux pour les premières évaluations de situation ;

- avions Casa, seuls à pouvoir se poser sur l'aéroport de Saint-Martin Grand-Case ;

- hélicoptères légers d'information, seuls vecteurs pouvant s'affranchir des aéroports et permettant l'acheminement d'aide humanitaire ;

- Airbus A400M, pour une logistique massive n'occasionnant pas de problème des moyens de levage ;

- Détia - détachement de transit interarmées, moyens de levage, contrôleurs aériens, accès aux terrains de nuit.

Source : Audition des forces armées le 21 février 2018

L'opération Irma a montré un niveau d'engagement sans précédent dans la région, avec une conduite des interventions dans un contexte d'extrême urgence et des conditions d'environnement très dégradées - aux niveaux météorologique, sécuritaire, sanitaire.

Les opérations menées durant Irma ont cependant révélé plusieurs fragilités relevées par les forces armées aux Antilles :

- la forte dépendance aux moyens aériens et aux renforts extérieurs ;

- l'impact important de l'intervention sur les opérations des forces armées guyanaises - avec un Casa déployé en 24 heures et un hélicoptère en 72 heures après désengagement d'Harpie ;

- l'arrivée des renforts au fil de l'eau ;

- une manoeuvre logistique complexe.

3. Des coopérations internationales à développer : l'exemple de FRANZ dans le Pacifique

L'éloignement des territoires ultramarins par rapport à l'hexagone, rend souvent la coopération et l'intégration régionales en matière de secours indispensables pour être en capacité de projeter rapidement des renforts.

Des coopérations ponctuelles peuvent émerger, c'est le cas en Amérique du Sud pour la Guyane, où un accord de coopération transfrontalière en matière de secours d'urgence sur le fleuve Oyapok conclu avec le Brésil est entré en vigueur en décembre 2015.

Il n'existe cependant aujourd'hui qu'un seul accord de coopération civilo-militaire d'envergure : l'accord FRANZ dans le Pacifique sud.

L'accord FRANZ

Signé en 1992 entre la France, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, cet accord permet aux moyens civils et militaires d'un des trois pays signataires d'intervenir en cas de catastrophe naturelle grave affectant un des deux autres pays.

Cette action peut se traduire par :

- la fourniture d'équipements ;

- une assistance financière par le « fond Pacifique » ;

- une aide par l'envoi de moyens humains et matériels sur le terrain, ces derniers pouvant provenir d'organisations civiles, militaires ou associatives.

FRANZ constitue également un vecteur d'intégration régionale puisque ces forces sont mises à disposition des pays insulaires du Pacifique , pour la plupart en voie de développement et dans l'incapacité de faire face avec leurs propres moyens à une crise d'ampleur. Cet accord a notamment été activé durant les cyclones Pam et Winston en 2015 pour le Vanuatu.

Source : Réponses du ministère des outre-mer au questionnaire des rapporteurs

La situation lors des cyclones de septembre 2017 dans les Antilles a montré la nécessité de conclure de tels accords dans l'ensemble des bassins océaniques . En effet, ceux-ci auraient vocation à renforcer les capacités d' assistance aux territoires ultramarins français et sécuriseraient également la possibilité de soutien aux petits États insulaires en développement dans les différentes zones, nombreux, qui disposent de moyens limités.

L'assistance aux pays insulaires de la zone a parfois été délicate pour les responsables français lors d'Irma et Maria, alors même que certains pays sollicitaient l'aide de la France. L'intervention de forces françaises - civiles ou militaires - sur un territoire étranger doit se faire dans un cadre juridique sécurisé : il convient d'anticiper ces situations.

Recommandation n° 43 : Nouer des partenariats régionaux permettant des interventions conjointes et des opérations d'assistance en cas de catastrophe naturelle, particulièrement dans la Caraïbe.

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