Rapport d'information n° 438 (2017-2018) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 avril 2018

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N° 438

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 avril 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Conseil des ministres a adopté, le 11 avril dernier, le projet de programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 , qui présente, pour cette période, la trajectoire budgétaire retenue par le Gouvernement ainsi que le scénario macroéconomique sous-jacent. Il a été officiellement transmis au Sénat le 13 avril.

Véritable support des engagements européens de notre pays en matière budgétaire, ce projet s'accompagne du programme national de réforme , qui a pour finalité d'exposer les mesures programmées ou déjà mises en oeuvre afin de réaliser les objectifs fixés.

Dans le cadre du semestre européen, ces deux documents doivent être transmis à la Commission européenne avant le 30 avril. Par la suite, l'examen du programme de stabilité par les institutions européennes donnera lieu d'ici le mois de juillet à une recommandation du Conseil de l'Union européenne , prise sur la base d'une proposition de la Commission européenne.

Compte tenu de l'importance que revêt ce document de programmation au sein du processus européen de surveillance et de coordination des politiques économiques et budgétaires, un débat en séance publique aura lieu le mercredi 18 avril 2018, comme le souhaitait notre commission . Cependant, pour la septième année consécutive, le Sénat ne sera pas appelé à se prononcer par un vote sur ce projet, contrairement à l'Assemblée nationale.

Conformément à une tradition établie de la commission des finances du Sénat, qui publie un avis circonstancié sur les projets de programme de stabilité depuis 2011, le présent rapport procède à un examen aussi approfondi que possible du projet de programme de stabilité, avant sa communication aux institutions européennes .

PREMIÈRE PARTIE - ANALYSE DU SCÉNARIO MACROÉCONOMIQUE

I. UN SCÉNARIO MACROÉCONOMIQUE RAISONNABLE...

A. UN SCÉNARIO DE CROISSANCE RAISONNABLE EN 2018 ET MODÉRÉMENT OPTIMISTE EN 2019

Depuis le début de l'année 2017, l'économie française s'oriente vers une reprise plus vigoureuse qu'escompté .

Comparaison des prévisions de croissance et de l'exécution pour l'année 2017

(taux d'évolution en volume)

Source: commission des finances du Sénat

Déjouant les prévisions, le produit intérieur brut (PIB) a ainsi progressé de 2,0 % l'an dernier, après plusieurs années décevantes.

Taux de croissance de la France depuis 2011

(taux d'évolution en volume)

Source: commission des finances du Sénat

En ce début d'année, les principaux indicateurs conjoncturels tendent à confirmer la solidité de la reprise.

Ainsi, l'indicateur synthétique du climat des affaires, calculé à partir des résultats des enquêtes de conjoncture, demeure sensiblement au-dessus de sa moyenne sur longue période, à un niveau proche de celui atteint avant le déclenchement de la crise financière.

Indicateur synthétique du climat des affaires

Source : commission des finances du Sénat (d'après la publication mensuelle de l'Insee)

Sur le plan extérieur, les entreprises françaises devraient cette année encore bénéficier du dynamisme retrouvé du commerce mondial.

Évolution de la demande mondiale adressée à la France

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Trésor-éco, « Perspectives mondiales au
printemps 2018 », n° 218, mars 2018)

S'agissant des ménages, si l'indicateur synthétique de confiance n'a pas retrouvé le point haut atteint en juin dernier, il semble aujourd'hui stabilisé autour de sa moyenne sur longue période.

Indicateur synthétique de confiance des ménages

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'enquête mensuelle de conjoncture de l'Insee auprès des ménages)

Enfin, le profil de la croissance française apparaît favorable . En effet, à l'issue de l'exercice 2017, l'acquis de croissance 1 ( * ) pour l'année 2018 s'élève à 0,9 %, contre 0,4 % à la fin de l'année 2016. Autrement dit, même si la croissance du PIB était nulle à chaque trimestre, le taux de croissance 2018 du PIB s'établirait à 0,9 % en moyenne annuelle. En outre, une croissance du PIB de trimestre à trimestre limitée à 0,42 %, soit un rythme significativement en-deçà des niveaux enregistrés l'an passé 2 ( * ) , serait suffisante pour atteindre 2,0 % de croissance sur l'ensemble de l'année.

Dans ce contexte porteur, le présent projet de programme de stabilité est, sans surprise, marqué par une révision à la hausse de la prévision de croissance pour l'année 2018 , qui s'établit désormais à 2,0 %, contre 1,7 % initialement.

Comparaison des prévisions de croissance pour l'année 2018

(taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat

L'hypothèse retenue par le Gouvernement apparaît tout à fait raisonnable , à un niveau légèrement inférieur à la moyenne des estimations des organisations internationales et des principaux instituts de conjoncture, qui ont également réévalué leurs prévisions.

Il peut toutefois être noté que le profil infra-annuel de la croissance française devrait être davantage heurté cette année, compte tenu de l'effet de calendrier marqué des mesures en prélèvements obligatoires sur les ménages adoptées à l'automne dernier . En effet, ainsi que le rappelle l'Insee, « les hausses de prélèvements obligatoires seront plutôt concentrées au premier semestre, tandis qu'une partie des baisses n'interviendra qu'en fin d'année » 3 ( * ) . L'Insee anticipe ainsi une croissance du PIB limitée à 0,4 % au premier comme au deuxième trimestre de l'année, en lien avec le fléchissement temporaire du pouvoir d'achat des ménages « sous l'effet notamment de la fiscalité indirecte » 4 ( * ) . En toute logique, un rebond devrait toutefois être observé lors des deux derniers trimestres de l'année 5 ( * ) , le pouvoir d'achat des ménages se redressant sous le double effet de la réduction de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers et de la suppression du reliquat de cotisations d'assurance chômage prévue pour les salariés en octobre.

La prévision de croissance pour l'année 2019, fixée à 1,7 % dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, est également revue à la hausse (1,9 %).

Contrairement à la prévision de croissance pour l'année 2018, elle se situe dans la fourchette haute des estimations disponibles.

Comparaison des prévisions de croissance pour l'année 2019

(taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat

Sur la période 2020-2022, il est fait l'hypothèse que la croissance française restera stable à 1,7 %. Par rapport à la loi de programmation précitée, seule la prévision de croissance pour 2022 a été modifiée légèrement à la baisse (1,7 %, contre 1,8 % précédemment).

À un horizon aussi lointain, l'évaluation des hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement repose moins sur l'analyse des indicateurs conjoncturels que sur l'appréciation portée sur la position dans le cycle et le potentiel de croissance de l'économie française, qui restent soumis à de fortes incertitudes.

L'écart de production et la croissance potentielle : des incertitudes croissantes

La position de l'économie dans le cycle est traditionnellement appréhendée à l'aide du concept d' écart de production , qui représente la différence entre le PIB effectif et le niveau d'activité « soutenable » sur longue période sans provoquer de déséquilibre sur les marchés des biens et du travail, appelé PIB potentiel. L'écart de production constitue ainsi en bas de cycle une estimation du « potentiel de rebond » de l'économie et, en haut de cycle, de son niveau de « surchauffe ».

Chaque année, l'évolution de l'écart de production dépend de l'écart entre la croissance effective et la croissance potentielle : si la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, l'écart de production se creuse ; inversement, si la croissance effective est supérieure à la croissance potentielle, le « potentiel de rebond » de l'économie diminue.

Dans ce cadre, la croissance potentielle, qui correspond au taux d'évolution du PIB potentiel, joue le rôle d'un « limitateur de vitesse » : une fois l'écart de production résorbé, la croissance effective doit se rapprocher de la croissance potentielle. Autrement dit, la croissance effective ne peut durablement s'écarter de la croissance potentielle.

Toutefois, ces deux grandeurs ne peuvent être directement observées et sont difficiles à estimer . Entre 2004 et 2014, les estimations de l'écart de production ont ainsi fait l'objet d'importantes révisions, à hauteur en moyenne de 0,9 point pour la Commission européenne, de 1,3 point pour le Fonds monétaire international et de 2 points pour l'OCDE 6 ( * ) .

En période de reprise, l'incertitude est particulièrement forte, dans la mesure où il est très difficile d'identifier si les ruptures intervenues durant la crise étaient de nature conjoncturelle ou structurelle . Or, les indicateurs traditionnellement utilisés pour ce faire donnent actuellement des résultats contradictoires . Alors que l'économie européenne est supposée avoir épuisé son potentiel de rebond, les indicateurs macroéconomiques traditionnels de « surchauffe » (inflation, dynamique des salaires) restent atones - ce qui conduit la Banque centrale européenne à s'interroger sur l'existence d'une « capacité de rebond » supplémentaire 7 ( * ) . À l'inverse, ainsi que le relève le Haut Conseil des finances publiques dans son avis, les indicateurs conjoncturels de tensions sur l'appareil de production (taux d'utilisation des capacités, difficultés de recrutement, etc.) « sont établis nettement au-dessus de leur moyenne de long terme » et « peuvent conduire à considérer que l'économie est plus proche de la fermeture de son écart de production qu'estimé jusqu'à présent, voire que celui-ci est déjà positif » 8 ( * ) .

Dans la mesure où les estimations de la croissance potentielle et de l'écart de production initial retenues par le Gouvernement n'ont pas été modifiées , le lecteur est invité à se reporter à l'analyse approfondie produite par votre rapporteur général dans le cadre du rapport sur la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 9 ( * ) .

En tout état de cause, il peut être observé que le scénario de croissance 2020-2022 retenu par le Gouvernement se situe à un niveau intermédiaire entre ceux du Fonds monétaire international (plus optimiste) et ceux du Consensus forecasts (plus pessimiste).

Scénarios d'évolution de la croissance française sur la période 2020-2022

(taux d'évolution en volume)

2020

2021

2022

Scénario gouvernemental

1,7

1,7

1,7

Consensus forecasts (avril 2018)

1,6

1,6

1,5

FMI (septembre 2017)

1,9

1,9

1,8

Source : commission des finances du Sénat

B. UNE HYPOTHÈSE D'ÉLASTICITÉ DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES CRÉDIBLE, À DÉFAUT D'ÊTRE PRUDENTE

Si le débat sur le cadrage macroéconomique du Gouvernement se focalise le plus souvent sur le scénario de croissance retenu, se concentrer sur cette seule variable serait une erreur. En effet, le déficit public est davantage sensible à l'hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB qu'à l'estimation de la croissance. À titre de rappel, il peut être estimé qu'en France une croissance supérieure de 0,1 point à la prévision réduit le déficit de 0,06 point 10 ( * ) , tandis qu'une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB de 0,1 point plus élevée diminue le déficit de 0,1 point 11 ( * ) , toutes choses égales par ailleurs.

L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB

L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB est le coefficient par lequel il faut multiplier la croissance du PIB en valeur pour obtenir la croissance « spontanée » des prélèvements obligatoires (c'est-à-dire avant les modifications du droit, appelées « mesures nouvelles »), l'année considérée.

Sur longue période, les prélèvements obligatoires « spontanés » tendent à augmenter à la même vitesse que le PIB. On dit alors que leur élasticité au PIB est égale à 1.

En revanche, il arrive fréquemment à court terme que cette élasticité s'éloigne de l'unité . Ainsi, certaines années (en général quand la croissance du PIB est forte), les prélèvements obligatoires augmentent plus rapidement que le PIB : leur élasticité au PIB est alors supérieure à 1 . D'autres années (en général quand la croissance du PIB est faible), les prélèvements obligatoires au PIB augmentent moins rapidement que le PIB : leur élasticité au PIB est alors inférieure à 1 .

Source : « Quels prélèvements obligatoires pour la sortie de crise ? », rapport d'information n° 45 (2009-2010) de Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances et déposé le 15 octobre 2009

Ainsi que cela est traditionnellement observé en période de reprise, les prélèvements obligatoires ont spontanément évolué plus rapidement que l'activité tant en 2016 (élasticité de 1,3) qu'en 2017 (élasticité de 1,5). Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement avait toutefois fait preuve de prudence , en retenant pour cette année une hypothèse d'élasticité unitaire.

Dans le présent projet de programme de stabilité, l'hypothèse d'élasticité retenue pour l'exercice 2018 est légèrement révisée à la hausse (+ 0,1). Interrogé sur ce point, le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur général que « les facteurs qui ont contribué favorablement à l'élasticité en 2017 perdureront, bien que dans une moindre mesure : le dynamisme de la demande intérieure continuerait de porter les recettes de TVA, alors que l'accélération de l'excédent brut d'exploitation des entreprises observée en 2017 soutiendrait les recettes d'impôt sur les sociétés en 2018 ; enfin, la masse salariale serait plus dynamique que l'activité en 2018 ».

Évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB

Moyenne sur longue période

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données reconstituées par le Haut Conseil des finances publiques et la prévision gouvernementale pour l'année 2018)

Si cette prévision est plausible , il peut être noté que l'élasticité n'est restée supérieure à l'unité pendant trois exercices consécutifs qu'à une seule reprise (1999-2001) au cours des vingt-cinq dernières années.

Le scénario pour les années 2019-2022 demeure en revanche inchangé , avec une élasticité unitaire tout au long de la période.

C. UN SCÉNARIO DE REMONTÉE DES TAUX D'INTÉRÊT TRÈS PRUDENT

Votre rapporteur général a souhaité analyser de façon plus approfondie le scénario de remontée des taux d'intérêt sous-jacent à la trajectoire budgétaire gouvernementale.

S'il est communément admis que l'amélioration des conditions macroéconomiques et la normalisation progressive de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) devraient exercer une pression à la hausse sur les taux d'intérêt, mettant ainsi fin à la diminution quasi-constante observée depuis le début des années 1990, la question du rythme de cette remontée est décisive pour les finances publiques françaises , compte tenu du niveau actuel de la dette publique. À titre d'illustration, l'effet sur la charge d'intérêts de l'État d'un choc haussier de 100 points de base en début de période est estimé à 11,1 milliards d'euros en 2022, pour un surcoût cumulé de 35 milliards d'euros sur l'ensemble de la période 2018-2022 12 ( * ) .

À l'inverse, au cours du précédent quinquennat, le biais conservateur des prévisions de taux d'intérêt a permis au Gouvernement de bénéficier d' importantes marges de manoeuvre budgétaires en exécution , constituant de fait une forme de « réserve de précaution » qui a permis d'absorber une partie des dérapages systématiquement constatés sur les dépenses pilotables.

Écart à la prévision de taux d'intérêt à long terme
du projet de loi de finances initiale

(moyenne annuelle, en %)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Prévision du projet de loi de finances initiale

3,7

2,9

3,3

2,2

1,9

0,9

Exécution

2,7

2,2

1,9

0,9

0,5

0,8

Écart

- 1,0

- 0,7

- 1,4

- 1,3

- 1,4

- 0,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Pour les années à venir, le Gouvernement retient l'hypothèse d'une remontée des taux d'intérêt au rythme moyen de 75 points de base par an.

Scénario de remontée des taux d'intérêt sous-jacent
au présent projet de programme de stabilité

(moyenne annuelle, en %)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Taux d'intérêt à court terme

- 0,3

- 0,1

0,7

1,4

2,0

2,4

Taux d'intérêt à long terme

0,8

1,1

2,0

2,8

3,4

3,8

Source : commission des finances du Sénat (d'après le projet de programme de stabilité)

Force est de constater que le scénario du Gouvernement est particulièrement prudent.

Ainsi, le rythme de remontée des taux retenu est près de deux fois plus rapide que celui anticipé tant par les organismes privés de conjoncture (pour la France) que par la majorité des pays membres de la zone euro (pour leurs propres obligations souveraines) 13 ( * ) .

Comparaison des prévisions de taux d'intérêt à long terme pour la France

(moyenne annuelle, en %)

Source : commission des finances du Sénat

Si votre rapporteur général prend acte de la prudence qui caractérise le scénario gouvernemental , dans un domaine où l'incertitude est particulièrement marquée, il a toutefois été demandé au Gouvernement de procéder à une simulation permettant d' apprécier l'effet sur la charge d'intérêts si un scénario de remontée des taux plus favorable, proche de celui du Consensus forecasts , était retenu , en remplacement du scénario sous-jacent au projet de programme de stabilité.

Incidence du scénario de remontée des taux d'intérêt
sur la charge de la dette de l'État

(taux d'évolution en moyenne annuelle, milliards d'euros)

Scénario du Gouvernement

2018

2019

2020

2021

2022

Taux d'intérêt de court terme

- 0,4

0,3

1,1

1,8

2,3

Taux d'intérêt de long terme

1,1

2,0

2,8

3,4

3,8

Charge d'intérêts pour l'État

34,2

35,6

38,7

43,4

49

Scénario alternatif inspiré du Consensus forecasts

2018

2019

2020

2021

2022

Taux d'intérêt de court terme

- 0,4

0,0

0,5

1,0

1,3

Taux d'intérêt de long terme

1,0

1,4

1,9

2,2

2,5

Charge d'intérêts pour l'État

34,1

34,5

35,9

38,3

41,2

Écart

- 0,1

- 1,1

- 2,8

- 5,1

- 7,8

Source : réponses au questionnaire adressé par le Gouvernement

Avec ce scénario alternatif de remontée des taux, la charge d'intérêts de l'État serait inférieure de près de 8 milliards d'euros en 2022 , offrant ainsi une marge de sécurité non négligeable au Gouvernement. En revanche, cette simulation ne tient pas compte de la baisse de la charge d'intérêts pour les autres personnes publiques , alors même que leur dette est davantage sensible à l'évolution des taux d'intérêt 14 ( * ) .

Au total, le cadrage macroéconomique retenu par le Gouvernement sur la période 2018-2022 constitue indéniablement « une base raisonnable pour asseoir une programmation des finances publiques à moyen terme », ainsi que le résume le Haut Conseil des finances publiques dans son avis 15 ( * ) .

II. ...QUI RESTE NÉANMOINS SOUMIS À DE NOMBREUX RISQUES

A. DES INCERTITUDES IMPORTANTES...

S'il apparaît aujourd'hui raisonnable, le scénario macroéconomique sur lequel est construit le présent projet de programme de stabilité est soumis à des aléas importants.

1. Au niveau international

Au niveau international, l'orientation de la politique commerciale des États-Unis constitue la principale incertitude , susceptible de peser à la baisse sur la croissance mondiale en déclenchant une spirale protectionniste. À titre d'illustration, les services de la Banque centrale européenne estiment qu'un scénario dans lequel les États-Unis augmenteraient de 10 % les taxes sur leurs importations, provoquant des mesures de rétorsion de même ampleur de la part de leurs partenaires commerciaux, réduirait le commerce mondial de 3,0 % la première année, ce qui pèserait à hauteur de 1,0 % sur le PIB mondial 16 ( * ) .

Les risques financiers liés à une correction sur les marchés actions et à une remontée non contrôlée des taux d'intérêt , dans un contexte d'excès d'endettement au niveau mondial, demeurent également des motifs de préoccupation. À titre d'illustration, l'Autorité des marchés financiers considère que le « risque de re-tarification » des actions est aujourd'hui « important », dans la mesure où « l'amélioration de la conjoncture économique mondiale ne paraît pas suffisant pour justifier » la hausse des cours observée, en particulier aux États-Unis 17 ( * ) .

Enfin, la possibilité d'un « atterrissage brutal » de l'économie chinoise reste évoquée 18 ( * ) .

2. Au niveau européen

Au niveau européen, outre les incertitudes déjà mentionnées sur la position des économies de la zone euro dans le cycle, le risque politique reste élevé.

En dehors du processus de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, qui restera un motif d'incertitude jusqu'à la finalisation de l'accord, le résultat des élections italiennes constitue un point de vigilance important, dans un contexte où les fragilités des secteurs bancaires et des finances publiques de certains États membres demeurent susceptibles de s'auto-entretenir.

3. Au niveau national

Au niveau national , outre les événements exceptionnels qui pourraient éventuellement survenir 19 ( * ) , un doute demeure sur la capacité de l'appareil productif français à répondre à la hausse de la demande adressée 20 ( * ) , auquel s'ajoute une inquiétude grandissante sur la dynamique du crédit aux entreprises non financières et aux ménages, qui a d'ores et déjà conduit le Haut Conseil de stabilité financière à limiter les expositions des banques systémiques sur les grandes entreprises françaises les plus endettées 21 ( * ) .

B. ...SUSCEPTIBLES DE MODIFIER SIGNIFICATIVEMENT LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE À COURT TERME

Aussi, conformément à une tradition établie de la commission des finances du Sénat, deux scénarios macroéconomiques alternatifs ont été construits afin d'essayer de circonscrire le champ des possibles :

- le premier, qualifié de « défavorable », se fonde sur les hypothèses de croissance 2018 (1,8 %) et 2019 (1,6 %) de l'institut de conjoncture privé le plus pessimiste et une hypothèse 2018 d'élasticité des prélèvements obligatoires légèrement inférieure à l'unité (0,9) ;

- le second, qualifié de « favorable », se fonde sur les hypothèses de croissance 2018 (2,4 %) et 2019 (2,3 %) de l'institut le plus optimiste et une hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires supérieure à la prévision en 2018, correspondant au niveau atteint en 2016 (1,3).

Sensibilité du solde effectif aux hypothèses de croissance et d'élasticité
des prélèvements obligatoires

(en points de PIB)

2017 (réalisé)

2018

2019

Scénario du Gouvernement

Croissance (en %)

2,0

2,0

1,9

Élasticité des prélèvements obligatoires

1,5

1,1

1,0

Déficit effectif

2,6

2,3

2,4

Scénario « défavorable »

Croissance (en %)

2,0

1,7

1,3

Élasticité des prélèvements obligatoires

1,5

0,9

1,0

Déficit effectif

2,6

2,7

3,1

Scénario « favorable »

Croissance (en %)

2,0

2,4

2,3

Élasticité des prélèvements obligatoires

1,5

1,3

1,0

Déficit effectif

2,6

1,7

1,6

Source : commission des finances du Sénat

Le résultat des simulations confirme la forte sensibilité du solde public au scénario retenu : le déficit atteindrait 1,6 % du PIB en 2019 dans le scénario favorable et s'établirait à un niveau (3,1 % du PIB) légèrement supérieur au seuil de 3 % du PIB dans le scénario défavorable.

Estimation du déficit public 2019 selon les différents scénarios macroéconomiques

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi que l'illustre le graphique ci-dessus, la prévision du Gouvernement se situe pratiquement à égale distance du scénario favorable et du scénario défavorable , venant ainsi confirmer le caractère central des hypothèses macroéconomiques sous-jacentes au présent projet de programme de stabilité.

SECONDE PARTIE - ANALYSE DE LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE

I. UN RETOUR DU DÉFICIT PUBLIC SOUS LE SEUIL DE 3 % DU PIB ESSENTIELLEMENT LIÉ À L'EMBELLIE CONJONCTURELLE ET NON À UNE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

L'actualisation du scénario macroéconomique à laquelle procède le Gouvernement dans le cadre du présent projet de programme de stabilité s'accompagne naturellement d'une évolution de ses objectifs en matière budgétaire - et ce d'autant plus que le résultat de l'exécution 2017 s'établit à un niveau significativement plus favorable qu'escompté, ouvrant ainsi la voie à une sortie de la France du volet correctif du pacte de stabilité à l'été.

Évolution de la trajectoire budgétaire du Gouvernement

(en points de PIB)

LPFP 2018-2022

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2017-2022

Prélèvements obligatoires

44,7

44,3

43,4

43,7

43,7

43,7

- 1,0

Dépense publique (*)

54,7

54,0

53,4

52,6

51,9

51,1

- 3,6

Solde nominal

- 2,9

- 2,8

- 2,9

- 1,5

- 0,9

- 0,3

2,6

Solde structurel

- 2,2

- 2,1

- 1,9

- 1,6

- 1,2

- 0,8

1,4

Dette publique

96,7

96,9

97,1

96,1

94,2

91,4

- 5,3

Programme de stabilité 2018-2022

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2017-2022

Prélèvements obligatoires

45,4

45,0

44,0

44,3

44,3

44,3

- 1,1

Dépense publique (*)

55,1

54,4

53,5

52,6

51,9

51,1

- 4,0

Solde nominal

- 2,6

- 2,3

- 2,4

- 0,9

- 0,3

0,3

2,9

Solde structurel

- 2,0

- 1,9

- 1,6

- 1,4

- 1,0

- 0,6

1,4

Dette publique

97,0

96,4

96,2

94,7

92,3

89,2

- 7,8

Note : (*) hors crédits d'impôts

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

A. LA FORTE RÉDUCTION DU DÉFICIT NOMINAL ENREGISTRÉE EN 2017 DEVRAIT PERMETTRE DE SORTIR DU VOLET CORRECTIF DU PACTE DE STABILITÉ

En 2017, le déficit nominal des administrations publiques atteint 2,6 % du PIB , soit un résultat supérieur de 0,3 point de PIB à la dernière prévision gouvernementale (2,9 % du PIB).

D'après les informations transmises à votre rapporteur général, il subsisterait toutefois une divergence d'appréciation entre l'Insee et Eurostat concernant le niveau du déficit 2017 liée au traitement comptable de la recapitalisation d'Areva, pour un montant de 0,1 point de PIB . Interrogé sur ce point, le Gouvernement a précisé que « dans son estimation du déficit 2017 publiée le 26 mars 2018, l'Insee a comptabilisé comme une dépense maastrichtienne l'augmentation de capital dans AREVA S.A. et l'offre publique de retrait, pour un montant total de 2,3 milliards d'euros. L'Insee a en revanche considéré que l'augmentation de capital d'Orano (ou New Areva) de 2,5 milliards d'euros constituait un investissement avisé : cette opération n'a donc pas d'impact sur le déficit public. Eurostat se prononcera sur les traitements retenus par l'Insee à l'occasion de sa publication "Déficit et dette publics" du 23 avril ».

D'après les données de l'Insee, il apparaît que l'amélioration du déficit public est portée par les administrations de sécurité sociale (- 7,3 milliards d'euros) et la sphère étatique (- 11,4 milliards d'euros). Ce constat ne traduit pas un relâchement de l'effort de consolidation de la part des collectivités territoriales. En effet, la dégradation du solde des administrations locales est « principalement due à la hausse de la formation brute de capitale fixe de 2,9 milliards d'euros » 22 ( * ) . Autrement dit, c'est la reprise de l'investissement local, en lien avec le cycle électoral, qui explique la situation atypique des finances locales.

En outre, la sphère locale présente pour la deuxième année consécutive un excédent (+ 0,8 milliard d'euros), contrairement à l'État (- 64,3 milliards d'euros). Les comptes sociaux sont également en excédent (+ 5,1 milliards d'euros), pour la première fois depuis 2008.

Solde budgétaire par sous-secteur

(en milliards d'euros)

2016

2017

État

- 73,8

- 64,3

Organismes divers d'administration centrale

- 2,9

- 1,0

Administrations publiques locales

3,0

0,8

Administrations de sécurité sociale

- 2,2

5,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

À l'échelle des administrations publiques, le niveau du déficit public pour 2017 permet en tout état de cause d' envisager sereinement une sortie du volet correctif du pacte de stabilité et de croissance , dont la France relève depuis 2009.

À titre de rappel, ramener le déficit sous le seuil de 3 % du PIB est une condition nécessaire mais pas suffisante pour sortir du volet correctif du pacte de stabilité. En effet, une décision sur l'existence d'un déficit excessif ne peut être abrogée « que si, selon les prévisions de la Commission européenne, le déficit ne dépasse pas la valeur de référence de 3 % du PIB prévue par le traité au cours de la période de prévision » 23 ( * ) .

Concrètement, sortir du volet correctif du pacte de stabilité exige ainsi non seulement que le déficit 2017 soit contenu à 3 % du PIB en exécution mais également que la Commission européenne estime que le déficit ne dépassera pas ce seuil en 2018 et en 2019 dans ses prévisions du printemps 2018.

Ainsi que l'avait relevé votre rapporteur général 24 ( * ) , une incertitude demeurait concernant l'exercice 2019 , marqué par la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, qui se traduira pour l'État par un surcoût temporaire d'environ un point de PIB 25 ( * ) . Du fait de cette bascule, le déficit « flirtait » avec le seuil de 3 % du PIB en 2019 dans la trajectoire gouvernementale de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, sans toutefois le dépasser (2,9 % du PIB), ce qui avait conduit le FMI à recommander au Gouvernement de lisser le coût de la transformation du CICE sur deux ans, en prévoyant une mise en oeuvre progressive des baisses de cotisations sociales 26 ( * ) .

Six mois plus tard, compte tenu de l'amélioration du contexte macroéconomique et des résultats de l'exécution 2017, il paraît désormais acquis que la France sortira du volet correctif du pacte de stabilité dès cette année.

Quand bien même la Commission européenne retiendrait un scénario macroéconomique et budgétaire moins favorable pour l'exercice 2019, sa prévision devrait rester inférieure au seuil de 3 % du PIB. En effet, dans la nouvelle trajectoire gouvernementale, le déficit public anticipé pour 2019 s'élève à 2,4 % du PIB, ce qui laisse une marge de sécurité très significative.

Comparaison de la trajectoire de solde public effectif

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

B. LE REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS S'EXPLIQUE ESSENTIELLEMENT PAR LA CONJONCTURE ET LE DYNAMISME DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES...

S'il convient de se féliciter de la sortie prochaine de la France de la procédure pour déficit excessif, après trois échecs successifs 27 ( * ) , il est toutefois permis de s'interroger sur la pérennité du redressement des comptes publics , dans la mesure où le retour du déficit nominal sous le seuil de 3 % du PIB en 2017 tient à la reprise économique et au dynamisme des prélèvements obligatoires - et non à un effort structurel en dépense.

1. En l'absence d'embellie conjoncturelle, le déficit nominal aurait atteint un niveau nettement supérieur au seuil de 3 % du PIB

Afin d'illustrer ce point, votre rapporteur général a procédé à une simulation consistant à estimer le niveau qu'aurait atteint le déficit nominal avec le scénario macroéconomique sous-jacent au programme de stabilité d'avril 2017, qui reposait sur une prévision de croissance de 1,5 % et une hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB unitaire.

En l'absence de « bonne nouvelle » en recettes, liée à la croissance et à l'élasticité des prélèvements obligatoires, il apparaît que le déficit nominal se serait établi à 3,4 % du PIB , toutes choses égales par ailleurs.

Estimation de l'effet de l'embellie conjoncturelle sur le déficit public 2017

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat

Autrement dit, sans le bénéfice de la conjoncture, les différentes mesures de redressement décidées par le Gouvernement à la suite de la publication des résultats de l'audit des finances publiques par la Cour des Comptes 28 ( * ) , pour un montant de 4,3 milliards d'euros, soit 0,2 point de PIB, auraient été insuffisantes pour contenir le déficit à 3 % du PIB.

Si le dynamisme des recettes , dans un contexte de reprise économique, a permis un recul du déficit nominal plus rapide qu'escompté, il a en revanche fait obstacle à la stabilisation de la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale prévue par le Gouvernement pour l'année 2017 - et ce d'autant plus que les décisions comptables de l'Insee ont conduit en parallèle à reclasser la redevance audiovisuelle (3,3 milliards d'euros) en prélèvement obligatoire et à considérer le contentieux relatif à la taxe de 3 % sur les dividendes comme une dépense supplémentaire et non une moindre recette (4,7 milliards d'euros).

Dès lors, quand bien même l' effet des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, hors mesures exceptionnelles, est neutre en 2017, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale a progressé de 0,8 point , pour atteindre 45,4 % du PIB, soit un niveau supérieur de 0,7 point à la prévision de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (44,7 % du PIB).

En dépit de ce revers, le présent projet de programme de stabilité maintient l'objectif initial du Gouvernement consistant à faire baisser la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale d'un point d'ici la fin du quinquennat.

Dans la nouvelle trajectoire, le taux de prélèvements obligatoires atteindrait ainsi 44,3 % en 2022 mais resterait supérieur au niveau atteint en 2012 (43,8 %), point de départ des « cinq années sans modération fiscale » de la précédente majorité gouvernementale 29 ( * ) .

Évolution de la part des prélèvements obligatoires dans le PIB

(en % du PIB)

Note de lecture : la transformation du CICE en baisse de cotisations conduit à diminuer fortement le taux de prélèvements obligatoires en 2019, sous l'effet de la baisse des cotisations sociales, alors que la consommation des créances de CICE constituées antérieurement à la transformation s'étale jusqu'à la fin du quinquennat, ce qui fait légèrement remonter ce taux en fin de période.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et les prévisions du présent projet de programme de stabilité)

2. Paradoxalement, la réduction du déficit structurel s'explique également par l'amélioration de la conjoncture

Si la réduction du déficit nominal a été portée par la conjoncture, tel a paradoxalement aussi été le cas de l'évolution du déficit structurel, qui s'est réduit de 0,5 point l'an dernier, pour atteindre 2,0 % du PIB potentiel.

En effet, le solde structurel est calculé comme un résidu entre le solde effectif et sa part conjoncturelle, de sorte que tous les éléments qui ne figurent pas explicitement dans le solde conjoncturel sont considérés comme étant de nature structurelle.

De ce fait, le mode de calcul du solde structurel ne permet pas d'exclure l'incidence de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires , pourtant sensible aux évolutions du cycle économique, ainsi que cela a été précédemment rappelé.

Illustration simplifiée à partir de la méthodologie de la Commission européenne

La Commission européenne calcule pour chaque État membre le déficit corrigé du cycle en appliquant la formule suivante :

Déficit corrigé du cycle = Déficit effectif + Écart de production * Semi-élasticité budgétaire

La semi-élasticité budgétaire mesure la sensibilité du déficit à l'écart de production. Elle est calculée pour chaque État membre à partir de l'estimation économétrique de l'élasticité historique des recettes et des dépenses sensibles à la conjoncture.

Multiplier la semi-élasticité budgétaire par l'écart de production permet ainsi de corriger le solde nominal de la perte de recettes (lorsque l'économie évolue temporairement en-deçà de son potentiel et que l'écart de production est négatif) ou du surcroît de recettes (lorsque l'économie est en phase de « surchauffe » et que l'écart de production est positif) lié au cycle économique.

Toutefois, si l'élasticité des prélèvements obligatoires se révèle, en exécution, supérieure au niveau escompté, le déficit effectif s'améliore, alors même que l'écart de production, qui dépend uniquement de l'évolution respective de la croissance et de la croissance potentielle, reste inchangé. De ce fait, la réduction du déficit observée est alors en totalité considérée comme étant d'origine structurelle.

La décomposition de l'ajustement structurel 30 ( * ) permet toutefois d' isoler la « composante non discrétionnaire » de l'évolution du solde structurel, qui correspond aux fluctuations des élasticités et aux évolutions des recettes hors prélèvements obligatoires 31 ( * ) .

Décomposition de l'ajustement structurel 2017

(en points de PIB potentiel)

2017

Ajustement structurel

0,5

Effort structurel

0,0

dont mesures nouvelles

0,0

dont effort en dépense

- 0,1

dont clé en crédits d'impôt

0,1

Composante non discrétionnaire

0,5

Note de lecture : la somme des arrondis peut différer de l'arrondi de la somme.

Source : commission des finances du Sénat (d'après le projet de programme de stabilité)

Ainsi que l'illustre le tableau ci-dessus, la totalité de la réduction du déficit structurel intervenue l'an dernier s'explique par la « composante non discrétionnaire » , c'est-à-dire, en pratique, par les effets d'élasticités.

C'est d'ailleurs précisément parce que le solde structurel constitue un outil très imparfait que votre rapporteur général s'était opposé, sans succès, à la règle d'affectation de la « cagnotte » introduite à l'article 7 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 par notre collègue député Joël Giraud, avec le soutien du Gouvernement.

Pour mémoire, la règle d'affectation de la « cagnotte » prévoit, lorsque le solde structurel est constaté à un niveau plus favorable que la prévision, la possibilité d'affecter jusqu'à la moitié de l'écart à des baisses de prélèvements obligatoires ou à des dépenses d'investissement. À l'inverse, si le solde conjoncturel s'établit à un niveau plus faible qu'escompté, la totalité du surplus budgétaire doit être affecté à la réduction du déficit.

Dans la mesure où le déficit structurel 2017 s'élève à 2,0 % du PIB potentiel en exécution, soit un niveau supérieur de 0,2 point à l'objectif fixé par le Gouvernement, l'application de la règle d'affectation de la « cagnotte » permettrait donc d'affecter jusqu'à 0,1 point de PIB, soit environ 2,5 milliards d'euros, à des baisses de prélèvements obligatoires ou à des dépenses d'investissement .

Pourtant, ainsi que cela a été précédemment démontré, la totalité de la réduction du déficit structurel observée l'an passé tient en réalité à une hausse cyclique de l'élasticité des prélèvements obligatoires. L'exercice 2017 démontre ainsi que ce qui est considéré comme une « bonne nouvelle » d'origine structurelle permettant l'application de la règle d'affectation de la « cagnotte » peut correspondre en réalité à une hausse conjoncturelle des recettes , au risque de fragiliser politiquement la règle d'affectation exclusive à la réduction du déficit budgétaire du surplus du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'État prévue par la loi de finances.

Aussi, votre rapporteur général maintient son analyse selon laquelle le Gouvernement, en soutenant une telle règle, a fait preuve d'imprudence, ainsi que l'ont d'ailleurs illustré les appels de certains membres de la majorité gouvernementale à « redistribuer une partie de la bonne fortune fiscale » 32 ( * ) .

C. ...ET NON PAR UNE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

La nature conjoncturelle de la réduction du déficit budgétaire mérite d'autant plus d'être soulignée que jamais la France n'a réussi, au cours de la période récente, à entreprendre un redressement durable de la situation de ses comptes publics : ainsi que l'illustre le graphique ci-dessous, les variations du déficit nominal suivent de façon quasi-parfaite l'évolution du PIB depuis vingt ans, à la hausse comme à la baisse.

Comparaison de l'évolution du PIB et du solde public en France

(taux d'évolution du PIB en volume, % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Autrement dit, il est à craindre, en l'absence de réel effort de la maîtrise de la dépense, que le déficit nominal ne retrouve les niveaux atteints au cours du précédent quinquennat au prochain retournement du cycle économique.

Or, sur le plan de la maîtrise de la dépense, les premiers résultats obtenus par le Gouvernement sont décevants.

La croissance de la dépense publique en volume 33 ( * ) s'élève ainsi à 1,5 % en 2017, ce qui correspond à un dépassement de 0,6 point de l'objectif fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, lequel avait pourtant été actualisé par amendement après l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour l'année 2017 relatif au contentieux lié à la taxe à 3 % sur les dividendes.

Le taux d'évolution de la dépense publique hors mesures exceptionnelles (2,2 % en valeur) ayant atteint un niveau supérieur à la croissance potentielle de l'économie française (2,0 % en valeur), l'effort structurel en dépense 34 ( * ) est pour la première fois depuis 2012 35 ( * ) négatif (- 0,1 point de PIB potentiel). En conséquence, l'effort de maîtrise de la dépense engagé en 2017 est insuffisant pour freiner la progression de la part de la dépense publique dans le PIB à moyen terme : c'est uniquement parce que la croissance effective (2,0 % en volume) s'est établie temporairement à un niveau très supérieur à la croissance potentielle (1,25 % en volume) que le poids de la dépense publique dans la richesse nationale n'a pas augmenté l'an passé.

Ce dépassement s'accompagne en outre de la fixation d'un objectif de maîtrise de la dépense moins ambitieux pour 2018 : alors que le Gouvernement s'était initialement donné pour objectif de stabiliser en volume la dépense publique lors du débat d'orientation des finances publiques, il entend désormais contenir sa croissance à 0,7 %, contre 0,6 % dans la loi de programmation des finances publiques.

Croissance de la dépense publique

(taux d'évolution en volume)

Source: commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee et les documents budgétaires)

En retenant le tendanciel d'évolution de la dépense publique de la Cour des comptes (1,6 % en volume) 36 ( * ) , les économies à réaliser en 2018 s'élèvent à 11 milliards d'euros, contre 20 milliards d'euros dans le scénario du débat d'orientation des finances publiques. Le Gouvernement profite donc de la reprise économique pour renoncer à une partie de l'effort de maîtrise de la dépense.

II. UNE TRAJECTOIRE DE REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS « SUR LE FIL DU RASOIR »

A. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE QUI S'ÉCARTE SIGNIFICATIVEMENT DES ENGAGEMENTS EUROPÉENS DE LA FRANCE...

Au-delà de l'exercice 2017, votre rapporteur général a souhaité examiner la compatibilité de la nouvelle trajectoire proposée par le Gouvernement avec les engagements européens de la France. En effet, le respect des règles budgétaires européennes apparaît aujourd'hui d'autant plus nécessaire que les reports successifs du retour du déficit sous le seuil de 3 % du PIB ont d'ores et déjà placé la France dans une situation atypique par rapport à ses partenaires européens .

Comparaison de l'évolution du solde public de la France et de la zone euro

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données d'Eurostat ainsi que l'estimation du solde public 2017 pour la zone euro issue des prévisions d'automne 2017 de la Commission européenne)

Alors que la France est, avec l'Espagne, le dernier pays relevant du volet correctif du pacte de stabilité, son déficit public est significativement plus creusé que dans le reste de la zone euro, ce qui nourrit la divergence des taux d'endettement observée depuis 2014.

Comparaison de l'évolution de l'endettement de la France et de la zone euro

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données d'Eurostat ainsi que l'estimation du taux d'endettement 2017 pour la zone euro issue des prévisions d'automne 2017 de la Commission européenne)

À cet égard, il doit être rappelé que la sortie de la procédure pour déficit excessif ne permet aucun relâchement de l'effort de redressement des comptes publics , bien au contraire.

En effet, les règles de redressement des comptes publics qui s'appliqueront à la France dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité ne sont pas moins exigeantes que celles prévues dans le volet correctif. En particulier, la réduction annuelle du déficit structurel, aussi appelée ajustement structurel, doit être au moins égale à 0,5 point de PIB 37 ( * ) jusqu'à ce que la France atteigne son objectif à moyen terme (OMT) de solde structurel, fixé à - 0,4 point de PIB potentiel par l'article 2 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Une « matrice d'ajustement » 38 ( * ) a néanmoins été arrêtée d'un commun accord par les États membres afin de moduler l'ajustement structurel requis selon le niveau d'endettement et l'état de la conjoncture.

Matrice d'ajustement structurel dans le volet préventif du pacte de stabilité

(en points de PIB potentiel)

Ajustement structurel requis

Condition

Dette inférieure à 60 % et aucun risque pour la viabilité

Dette supérieure à 60 % ou risque pour la viabilité

Conjoncture exceptionnellement défavorable

Croissance < 0 ou écart de production < - 4

Aucun ajustement nécessaire

Aucun ajustement nécessaire

Conjoncture très défavorable

- 4 = écart de production < - 3

0

0,25

Conjoncture défavorable

- 3 = écart de production < - 1,5

0 si croissance inférieure au potentiel, 0,25 si supérieure au potentiel

0,25 si croissance inférieure au potentiel, 0,5 si supérieure au potentiel

Conjoncture normale

- 1,5 = écart de production < 1,5

0,5

> 0,5

Conjoncture favorable

Écart de production = 1,5

> 0,5 si croissance inférieure au potentiel, = 0,75 si supérieure au potentiel

= 0,75 si croissance inférieure au potentiel, = 1 si supérieure au potentiel

Source : commission des finances du Sénat (d'après la communication de la Commission européenne précitée)

Compte tenu du taux d'endettement français et de la conjoncture « normale » anticipée par le Gouvernement sur l'ensemble du quinquennat, la France sera ainsi tenue de diminuer chaque année son déficit structurel de 0,6 point de PIB au minimum jusqu'à atteindre son OMT.

Toutefois, l'écart à cet objectif n'est pas considéré comme « significatif » par la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne tant qu'il reste inférieur à 0,25 point en moyenne sur deux ans et à 0,5 point sur une année 39 ( * ) . Autrement dit, une réduction du déficit structurel de 0,35 point de PIB potentiel chaque année suffirait pour éviter l'ouverture d'une procédure pour « déviation significative » , qui peut déboucher sur une sanction financière prenant la forme d'un dépôt rémunéré représentant jusqu'à 0,2 % du PIB.

Les principales étapes de la procédure pour « déviation significative » applicable aux États membres de la zone euro

Note de lecture : lorsque la majorité qualifiée inversée est applicable, la recommandation est réputée adoptée, sauf si le Conseil vote contre à la majorité qualifiée.

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Commission européenne, « Vade Mecum on the Stability and Growth Pact », mars 2017)

La réduction du déficit structurel programmée par le Gouvernement sur la période 2018-2019 ne permet pas d'écarter le risque d'ouverture d'une procédure pour « déviation significative ».

Comparaison de la trajectoire de réduction du déficit structurel du Gouvernement avec l'ajustement minimum prévu par le pacte de stabilité

(en points de PIB potentiel)

2018

2019

2020

2021

2022

Solde structurel

- 1,9

- 1,6

- 1,4

- 1,0

- 0,6

Ajustement structurel

0,1

0,3

0,3

0,4

0,4

Écart par rapport à l'ajustement minimum

- 0,5

- 0,3

- 0,3

- 0,2

- 0,2

Source : commission des finances du Sénat (d'après le projet de programme de stabilité)

L'écart avec l'ajustement structurel minimum prévu par le pacte de stabilité, qui atteindrait 0,4 point de PIB en moyenne sur deux ans à l'issue de l'exercice 2019, pourrait ainsi être considéré comme significatif .

Dans le présent programme de stabilité, le Gouvernement précise toutefois que l'ajustement structurel très faible prévu en 2018 s'inscrit « dans un contexte de mise en oeuvre de réformes structurelles majeures (marché du travail, fiscalité, investissement, logement, climat...) » et que « l'ensemble de ces facteurs sont pris en compte dans les règles budgétaires européennes pour évaluer le caractère approprié de l'ajustement structurel par rapport à la réalité économique et aux réformes de chaque pays ».

Il est exact qu'un écart par rapport à la trajectoire d'ajustement structurel, même significatif, n'entraîne pas nécessairement l'ouverture d'une procédure pour « déviation significative ».

L'État membre peut tout d'abord se prévaloir des « clauses de flexibilité » prévues par le pacte de stabilité afin de tenir compte de l'effet positif des investissements et réformes structurelles sur la soutenabilité des finances publiques à long terme. Une communication interprétative a récemment 40 ( * ) précisé les conditions dans lesquelles ces clauses de flexibilité peuvent être invoquées.

Ainsi que l'avait rappelé votre rapporteur général à l'automne dernier, la France ne devrait toutefois pas réunir les conditions nécessaires à l'activation de ces clauses avant 2020 au plus tôt .

Les conditions d'activation des clauses de flexibilité prévues par le pacte de stabilité

S'agissant des investissements , la flexibilité concerne essentiellement les contributions financières au fonds européen pour les investissements stratégiques et le cofinancement par les États membres de projets d'investissement financés par ce dernier. Toutefois, cette clause ne peut être invoquée que pour justifier un dépassement des objectifs de déficit nominal et de dette, et non un écart significatif à la règle de déficit structurel. En complément, le Conseil et la Commission européenne peuvent également tenir compte de certains investissements publics cofinancés « entraînant des effets budgétaires positifs, directs et vérifiables à long terme sur la croissance et la viabilité des finances publiques ». Les conditions à remplir sont néanmoins très restrictives. En particulier, l'État membre doit se trouver dans une conjoncture défavorable, caractérisée par un écart de production négatif « de plus de 1,5 % du PIB », ce qui ne devrait pas être le cas de la France au cours de la période 2017-2022.

S'agissant des réformes structurelles , les États membres qui mettent en oeuvre des « réformes majeures qui ont des effets budgétaires positifs directs à long terme » peuvent être autorisés à s'écarter de leur trajectoire d'ajustement. Là encore, les conditions à réunir sont particulièrement strictes. L'application de la clause de flexibilité suppose en particulier que l'objectif de moyen terme soit atteint « dans la période de quatre ans couverte par le programme de stabilité ou de convergence de l'année au cours de laquelle la clause est activée ». Or, dans le scénario gouvernemental, l'objectif de moyen terme fixé à l'article 2 du présent projet de loi ne sera pas atteint avant 2023. La clause ne devrait donc pas pouvoir être activée avant 2020.

Source : extraits du rapport n° 56 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, fait au nom de la commission des finances et déposé le 31 octobre 2017, pp. 30-31

Si l'État membre ne se trouve pas dans une situation lui permettant d'activer les « clauses de flexibilité », la décision d'ouvrir une procédure pour « déviation significative » résulte alors d'une « évaluation globale » réalisée par la Commission européenne .

Ainsi que le prévoit l'article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, cette évaluation globale comprend notamment « une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes ». Cette disposition fait référence à la règle en dépense européenne , introduite dans le cadre du Six-Pack afin de remédier aux difficultés liées à la mesure de l'ajustement structurel 41 ( * ) .

En vertu de cette règle, la croissance des dépenses publiques « pilotables », nette des mesures nouvelles en recettes 42 ( * ) , ne peut excéder un taux de référence fixé à un niveau cohérent avec la trajectoire d'ajustement structurel . Une hausse des dépenses publiques « pilotables » supérieure au taux de référence n'est donc admise que si elle est financée par une hausse des prélèvements obligatoires.

Comme pour la règle de solde structurel, le respect de la règle en dépense est évalué sur un an (l'écart doit être inférieur à l'équivalent de 0,5 point de PIB) et sur deux ans (l'écart cumulé ne doit pas dépasser l'équivalent de 0,5 point de PIB).

Ainsi que le relève le présent programme de stabilité, pour l'année 2018, « la croissance effective en volume de l'agrégat de dépenses serait de 0,9 % (contre une évolution de référence de 0,1 %), ce qui correspond à une déviation non significative de 0,4 point de PIB par rapport à l'ajustement recommandé (en valeur, l'agrégat de dépenses croîtrait de 2,0 % contre une cible de 1,2 %) ».

L'écart cumulé sur deux ans devrait toutefois être supérieur à 0,5 point de PIB à l'issue de l'exercice 2019 43 ( * ) .

Or, lorsque l'exécution budgétaire conduit à un écart significatif au regard tant de la règle de solde structurel que de la règle en dépense, il existe alors une « forte présomption » 44 ( * ) que la Commission européenne prenne la décision d'ouvrir une procédure pour « déviation significative » .

Le risque est donc réel que la France se retrouve confrontée à l'ouverture d'une procédure pour « déviation significative » deux ans seulement après être sortie du volet correctif du pacte de stabilité.

B. ...ET QUI REPOSE SUR DES MESURES D'ÉCONOMIES PEU DOCUMENTÉES

Dans la mesure où l'effort de redressement repose, à juste titre, exclusivement sur la maîtrise de la dépense, il implique la mise en oeuvre d'un programme d'économies d'une ampleur inédite.

D'ici 2022, le montant des économies nécessaires pour respecter l'objectif d'évolution de la dépense publique atteindrait ainsi 81 milliards d'euros.

Estimation du montant des économies à réaliser pour respecter l'objectif d'évolution de la dépense publique

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir du tendanciel d'évolution de la dépense publique retenu par la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques 2017)

À cet égard, si le budget 2018 a engagé un premier effort de réorientation de la dépense publique rompant avec la logique du « rabot », en particulier dans les domaines de l'emploi et du logement, la crédibilité de la trajectoire gouvernementale reste difficile à apprécier au-delà, tant les économies demeurent peu documentées .

La mise en oeuvre d'une démarche volontariste d'identification d'économies ciblées dans le cadre du processus « Action publique 2022 » paraît louable mais les précédents échecs de la « modernisation de l'action publique » (MAP) et des « revues de dépenses » invitent à la plus grande prudence . À ce stade, la concrétisation de ce processus se limite à la première série de mesures annoncées le 1 er février 2018 lors du comité interministériel de la transformation publique, dont le potentiel d'économies n'apparaît pas évident 45 ( * ) .

Compte tenu de ces incertitudes, votre rapporteur général a évalué les conséquences d'un éventuel « dérapage » de la dépense sur la trajectoire de redressement des comptes publics , en faisant l'hypothèse d'un dépassement annuel de l'objectif d'évolution de la dépense publique du Gouvernement équivalent à celui observé en 2017, soit 0,6 point.

Sensibilité de la trajectoire budgétaire aux objectifs de maîtrise de la croissance de la dépense publique

(taux d'évolution en volume, % du PIB)

Scénario du Gouvernement

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance de la dépense publique (*)

1,5

0,7

0,4

0,3

0,3

0,2

Solde nominal

- 2,6

- 2,3

- 2,4

- 0,9

- 0,3

0,3

Dette publique

97,0

96,4

96,2

94,7

92,3

89,2

Scénario avec un dépassement de l'objectif de croissance de la dépense de 0,6 point par an
à compter de 2018

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance de la dépense publique (*)

1,5

1,3

1,0

0,9

0,9

0,8

Solde nominal

- 2,6

- 2,6

- 3,0

- 1,9

- 1,6

- 1,3

Dette publique

97,0

96,7

97,2

96,7

95,6

94,1

Note : (*) hors crédits d'impôts.

Source : commission des finances du Sénat

Dans ce scénario, le déficit public manquerait de dépasser le seuil de 3 % du PIB en 2019 et la dette publique resterait pratiquement stable jusqu'en 2020, avant de décroitre légèrement en fin de période.

Compte tenu de cette forte sensibilité de la trajectoire gouvernementale à l'évolution de la dépense publique, il apparaît indispensable d'adopter sans tarder une stratégie crédible de maîtrise de cette dernière. À cet égard, votre rapporteur général maintient que le Gouvernement pourra difficilement faire l'économie de réformes visant à maîtriser la masse salariale publique et les dépenses de retraite , qui représentent près de la moitié du total de la dépense publique et demeurent, jusqu'à présent, deux « angles morts » de sa politique 46 ( * ) .

C. TAXE D'HABITATION ET DETTE DE SNCF RÉSEAU : JUSQU'À 60 MILLIARDS D'EUROS NON ENCORE INTÉGRÉS À LA TRAJECTOIRE ?

Au-delà des incertitudes sur la capacité du Gouvernement à respecter ses engagements en matière de maîtrise de la dépense publique, il doit être souligné que le présent projet de programme de stabilité ne tient aucunement compte de deux annonces récentes du Président de la République susceptibles de bouleverser la trajectoire budgétaire à l'horizon 2022 : la suppression totale de la taxe d'habitation, d'une part, la reprise d'une partie de la dette de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), d'autre part.

1. La suppression totale de la taxe d'habitation

Si le présent projet de programme de stabilité prend déjà en compte le coût pour l'État du dégrèvement de taxe d'habitation pour 80 % des ménages - initiative à laquelle le Sénat s'est opposé -, pour un montant estimé à 10,1 milliards d'euros, tel n'est pas le cas du surcoût lié à sa suppression totale, pourtant confirmée par le Président de la République.

Interrogé sur ce point, le Gouvernement a indiqué que « les travaux menés sur la suppression de la taxe d'habitation sont en cours » et que « dans l'attente de leur conclusion et des propositions de la mission Bur-Richard sur la refonte de la fiscalité locale, le programme de stabilité n'intègre pas cette mesure ».

Or, la suppression complète de la taxe d'habitation (TH) se traduirait par un montant à compenser très significatif, compris entre 10 milliards d'euros et 14 milliards d'euros selon si l'on prend en compte la dynamique de la taxe d'habitation jusqu'à sa suppression 47 ( * ) . Le coût de cette mesure pourrait éventuellement être réduit en cas de maintien de la taxe d'habitation au titre des résidences secondaires , dont le rendement s'élève à 2,3 milliards d'euros. De même, la mission Bur-Richard a évoqué 48 ( * ) la création d'un « impôt citoyen » , qui reposerait sur les résidents d'un logement, dont le montant représenterait 20 % à 25 % de celui de la taxe d'habitation, soit environ 5 milliards d'euros. Cette piste a cependant été définitivement écartée par le Président de la République : « Il n'y aura pas de création d'un nouvel impôt local, ni d'un nouvel impôt national » 49 ( * ) .

2. La reprise d'une partie de la dette de SNCF Réseau

En parallèle, le Président de la République a confirmé que l'État reprendra « progressivement » une partie de la dette du gestionnaire d'infrastructures SNCF Réseau « à partir du 1 er janvier 2020 » 50 ( * ) , date à laquelle l'article 1 er A ( nouveau ) du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire adopté en première lecture par l'Assemblée nationale prévoit de transformer SNCF Réseau en société nationale à capitaux publics soumise aux dispositions du code de commerce relative aux sociétés anonymes.

Il est vrai que la transformation implique la perte de la garantie implicite de l'État liée au statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) , qui permet aujourd'hui à SNCF Réseau d'obtenir des conditions d'emprunt quasiment équivalentes à celles de l'État. Dès lors, il est peu probable que les acteurs financiers continuent de prêter à SNCF Réseau dans des conditions de taux soutenables, une fois le changement de statut effectué, compte tenu de la situation financière actuelle de l'établissement. Ainsi que le résume le rapport de Jean-Cyril Spinetta sur l'avenir du transport ferroviaire, « seule une reprise au moins partielle de la dette semble pouvoir assurer à moyen terme l'équilibre du gestionnaire d'infrastructures » 51 ( * ) .

Une opération de reprise d'une partie de la dette de SNCF Réseau, qui atteint désormais 46,6 milliards d'euros , serait toutefois susceptible de peser lourdement sur la situation des finances publiques, par différents canaux :

- l'opération serait analysée comme une dépense et creuserait donc temporairement le solde public l'année de la reprise ;

- les intérêts payés par SNCF Réseau , qui s'élevaient à 1,2 milliard d'euros l'an passé, devraient à l'issue de l'opération être pris en charge par le budget de l'État et dégraderaient donc le solde public jusqu'à extinction de la dette ;

- l'opération pourrait également peser sur la dette publique , si le montant repris excède la part de la dette de SNCF Réseau déjà requalifiée en dette publique par l'Insee (10 milliards d'euros) ;

- de manière plus indirecte, l'opération pourrait avoir à moyen terme un impact négatif sur les conditions d'emprunt de l'État « en augmentant son programme d'émissions au fur et à mesure de l'arrivée à échéance de la dette reprise » 52 ( * ) .

Le surcoût temporaire lié à l'opération de reprise pourrait être particulièrement complexe à intégrer à la trajectoire budgétaire . En effet, « l'annonce d'une reprise de dette en plusieurs tranches constituerait une reconnaissance de dette en comptabilité nationale à hauteur de la totalité des tranches » 53 ( * ) . L'impact de l'opération sur le déficit public, quand bien même celle-ci serait réalisée en plusieurs tranches, doit donc en principe être comptabilisé en une seule fois.

Une solution consisterait à ce que les opérations de reprise de dette fassent l'objet d'une décision annuelle , à l'image de ce qui est parfois prévu pour les remises de dette en faveur des pays très endettés 54 ( * ) , afin de permettre une répartition de l'effort budgétaire sur plusieurs exercices et de conditionner les opérations de reprise à une amélioration effective de la situation financière de l'entreprise.

Si le montant et les modalités de la reprise d'une fraction de la dette de SNCF Réseau demeurent inconnus à ce jour, une marge de sécurité suffisante devra en tout état de cause être conservée par rapport au seuil de déficit de 3 % du PIB .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 18 avril 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de programme de stabilité pour les années 2018 à 2022.

M. Vincent Éblé , président . - En vertu de l'article 14 de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques, le Gouvernement adresse au Parlement, depuis 2011, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne, le projet de programme de stabilité.

Ce projet, accompagné du programme national de réforme, nous a ainsi été transmis le vendredi 13 avril dernier, après sa présentation en Conseil des ministres qui a eu lieu le 11 avril. L'avis du Haut Conseil des finances publiques a été rendu public ce même vendredi. Compte-tenu des enjeux liés à la présentation du programme de stabilité à la Commission européenne, qui comprend les engagements de la France et la projection de ses finances publiques à moyen terme, j'ai souhaité, avec le rapporteur général, que le Sénat puisse en débattre en séance publique. Le Gouvernement a répondu favorablement à notre demande, et il a donc inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée, ce mercredi 18 avril à 21 heures 30, un débat sans vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution. Le même débat aura lieu à l'Assemblée nationale à 15 heures, et sera suivi d'un vote.

Je laisse la parole à notre rapporteur général pour vous exposer son analyse de ce projet de programme de stabilité.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous examinons ce matin le projet de programme de stabilité 2018-2022.

C'est un document important car il s'agit du support des engagements européens de notre pays en matière budgétaire. Il s'accompagne du programme national de réforme, qui a pour finalité d'exposer les mesures programmées ou déjà mises en oeuvre afin de réaliser les objectifs fixés.

Dans le cadre du semestre européen, ces deux documents doivent être transmis à la Commission européenne avant le 30 avril. Compte tenu de l'importance que revêt ce document, un débat en séance publique aura lieu ce soir, comme le souhaitait notre commission.

Conformément à une tradition établie de la commission des finances du Sénat, qui publie un avis circonstancié sur les projets de programme de stabilité depuis 2011, je me suis attaché à examiner le scénario macroéconomique sous-jacent au projet de programme de stabilité, avant d'apprécier la crédibilité de la trajectoire proposée par le Gouvernement ainsi que sa compatibilité avec les règles budgétaires européennes.

Commençons par le scénario macroéconomique du Gouvernement, qui apparaît dans l'ensemble raisonnable, même s'il reste soumis - l'actualité nous le montre chaque jour - à des aléas importants.

Comme vous le savez, l'économie française s'oriente vers une reprise plus vigoureuse qu'escompté depuis le printemps 2017. Le Fonds monétaire international (FMI) l'a encore rappelé hier.

Déjouant les prévisions, le produit intérieur brut (PIB) a ainsi progressé de 2,0 % l'an dernier, après plusieurs années décevantes. Claude Raynal nous dira que c'est grâce aux réformes du Président François Hollande - j'anticipe.

En tout cas, le constat est là : en ce début d'année, les principaux indicateurs conjoncturels restent bien orientés, tandis que le profil de la croissance française apparaît très favorable. En effet, à l'issue de l'exercice 2017, l'acquis de croissance pour l'année 2018 s'élève à 0,9 %, contre 0,4 % à la fin de l'année 2016.

Dans ce contexte porteur, le présent projet de programme de stabilité est, sans surprise, marqué par une révision à la hausse de la prévision de croissance pour l'année 2018, qui s'établit désormais à 2,0 %, contre 1,7 % initialement.

L'hypothèse retenue par le Gouvernement apparaît raisonnable, à un niveau légèrement inférieur à la moyenne des estimations.

La prévision de croissance pour l'année 2019, fixée à 1,7 % dans le cadre de la loi de programmation, est également revue à la hausse, de 0,2 point.

Contrairement à la prévision de croissance pour l'année 2018, elle se situe dans la fourchette haute des estimations disponibles.

Enfin, sur la période 2020-2022, il est fait l'hypothèse que la croissance française restera stable à 1,7 %.

Il s'agit d'un scénario intermédiaire entre celui du FMI, plus optimiste, et celui de la Commission européenne, plus pessimiste.

Si le débat sur le cadrage macroéconomique du Gouvernement se focalise le plus souvent sur le scénario de croissance retenu, se concentrer sur cette seule variable serait une erreur. En effet, le déficit public est davantage sensible à l'hypothèse d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB qu'à l'estimation de la croissance. En 2017, c'est d'ailleurs davantage l'élasticité que la croissance qui a permis de ramener le déficit sous le seuil de 3 % du PIB.

Ainsi que cela est traditionnellement observé en période de reprise, les prélèvements obligatoires ont spontanément évolué plus rapidement que l'activité tant en 2016 - avec une élasticité de 1,3 - qu'en 2017 - avec une élasticité de 1,5.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement avait toutefois fait preuve de prudence, en retenant pour cette année une hypothèse d'élasticité unitaire. Dans le présent projet de programme de stabilité, l'hypothèse d'élasticité retenue est légèrement révisée à la hausse, de 0,1 point.

Si cette prévision est plausible, il peut être noté que l'élasticité n'est restée supérieure à l'unité pendant trois exercices consécutifs qu'à une seule reprise (1999-2001) au cours des vingt-cinq dernières années. Le scénario pour les années 2019-2022 demeure en revanche inchangé, avec une élasticité unitaire tout au long de la période.

Pour terminer, j'ai souhaité analyser de façon plus approfondie le scénario de remontée des taux d'intérêt sous-jacent à la trajectoire budgétaire gouvernementale.

En effet, si l'amélioration des conditions macroéconomiques et la normalisation progressive de la politique monétaire de la Banque centrale européenne devraient exercer une pression à la hausse sur les taux d'intérêt, la question du rythme de cette remontée est décisive pour les finances publiques.

Pour les années à venir, le Gouvernement retient l'hypothèse d'une remontée des taux d'intérêt au rythme moyen de 75 points de base par an. C'est un scénario qui est prudent. En effet, le rythme de remontée des taux retenu est près de deux fois plus rapide que celui anticipé tant par les organismes privés de conjoncture que par la majorité des pays membres de la zone euro.

Tout cela n'est pas neutre ! Si l'on retenait un scénario de remontée des taux inspiré du consensus des économistes - consensus forecasts -, la charge d'intérêts de l'État serait inférieure de 8 milliards d'euros en 2022. Le Gouvernement disposerait ainsi d'une forme de réserve de précaution lui permettant d'absorber les éventuels dérapages constatés sur les dépenses pilotables.

Donc on peut considérer, globalement, que le cadrage macroéconomique retenu par le Gouvernement constitue « une base raisonnable pour asseoir une programmation des finances publiques à moyen terme » - ce sont les termes retenus par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis.

S'il apparaît aujourd'hui raisonnable, le scénario macroéconomique sur lequel est construit le présent projet de programme de stabilité reste toutefois soumis à des aléas importants - le Gouvernement le reconnaît d'ailleurs.

Au niveau international, c'est l'orientation de la politique commerciale des États-Unis qui constitue la principale incertitude. Elle est susceptible de peser à la baisse sur la croissance mondiale en déclenchant une spirale protectionniste. Une « guerre commerciale » serait extrêmement dangereuse. Les risques financiers liés à une correction sur les marchés actions - voire à un « krach » boursier - et à une remontée non contrôlée des taux d'intérêt, dans un contexte d'excès d'endettement au niveau mondial, demeurent également des motifs de préoccupation. Enfin, la possibilité d'un « atterrissage brutal » de l'économie chinoise reste évoquée. Le pire n'est pas toujours sûr mais les risques sont nombreux.

Au niveau européen, outre les incertitudes sur la position des économies de la zone euro dans le cycle - le rythme d'atterrissage reste très incertain pour de nombreux pays -le risque politique reste élevé, avec le Brexit et le résultat des élections italiennes.

Au niveau national, outre les événements exceptionnels qui pourraient peser sur la croissance - les conflits sociaux, le risque terroriste -, un doute demeure sur la capacité de l'appareil productif français à répondre à la hausse de la demande adressée. Concrètement, si la croissance de la demande mondiale se traduit par l'importation de téléviseurs chinois, cela sera problématique pour la croissance française. Par ailleurs, il existe une inquiétude grandissante sur la dynamique du crédit aux entreprises non financières et aux ménages, qui a d'ores et déjà conduit le Haut Conseil de stabilité financière à limiter les expositions des banques systémiques sur les grandes entreprises françaises les plus endettées.

Aussi, conformément à une tradition établie de la commission des finances du Sénat, deux scénarios macroéconomiques alternatifs ont été construits à partir des prévisions des instituts de conjoncture les plus optimistes et pessimistes, afin d'essayer de circonscrire le champ des possibles.

Le résultat des simulations, dont vous trouverez les hypothèses dans le rapport, confirme la forte sensibilité du solde public au scénario retenu : le déficit atteindrait 1,6 % du PIB en 2019 dans le scénario favorable et s'établirait à un niveau - 3,1 % du PIB - légèrement supérieur au seuil de 3 % du PIB dans le scénario défavorable.

La prévision du Gouvernement se situe pratiquement à égale distance du scénario favorable et du scénario défavorable, venant ainsi confirmer le caractère central des hypothèses macroéconomiques sous-jacentes au présent projet de programme de stabilité.

Venons-en maintenant à l'analyse de l'exécution budgétaire.

En 2017, le déficit atteint, comme vous le savez, 2,6 % du PIB, soit un résultat supérieur de 0,3 point de PIB à la dernière prévision gouvernementale, ouvrant ainsi la voie à une sortie de la France du volet correctif du pacte de stabilité à l'été. Pour rappel, cela suppose non seulement que le déficit 2017 soit contenu à 3 % du PIB en exécution, mais également que la Commission européenne estime que le déficit ne dépassera pas ce seuil en 2018 et en 2019 dans ses prévisions du printemps 2018.

Lors de l'examen de la loi de programmation des finances publiques, une incertitude demeurait concernant l'exercice 2019, avec la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, qui se traduira pour l'État par un surcoût temporaire d'environ un point de PIB.

Six mois plus tard, il paraît désormais acquis que la France sortira du volet correctif du pacte de stabilité dès cette année. En effet, dans la nouvelle trajectoire gouvernementale, le déficit public anticipé pour 2019 s'élève à 2,4 % du PIB, ce qui laisse une marge de sécurité très significative.

Plus globalement, l'amélioration du contexte macroéconomique devrait permettre un redressement accéléré de la situation des finances publiques au cours du quinquennat, avec un recul plus prononcé de la dette et du déficit publics dans la nouvelle trajectoire gouvernementale.

On peut donc se féliciter de la sortie prochaine de la France de la procédure pour déficit excessif : mieux vaut tard que jamais, après trois échecs successifs. Mais il faut s'interroger sur la pérennité du redressement des comptes publics.

En effet, le retour du déficit nominal sous le seuil de 3 % du PIB en 2017 tient à la reprise économique et au dynamisme des prélèvements obligatoires, et non à un effort structurel en dépense.

En l'absence de « bonne nouvelle » en recettes, liée à la croissance et à l'élasticité des prélèvements obligatoires, il apparaît ainsi que le déficit nominal se serait établi à 3,4 % du PIB en 2017. Disons-le autrement : sans le bénéfice de la conjoncture, les différentes mesures de redressement décidées par le Gouvernement à la suite de la publication des résultats de l'audit des finances publiques par la Cour des Comptes, pour un montant de 0,2 point de PIB, auraient été insuffisantes pour contenir le déficit à 3 % du PIB.

Si le dynamisme des recettes a permis un recul du déficit nominal plus rapide qu'escompté, il a en revanche fait obstacle à la stabilisation de la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale.

Alors même que l'effet des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, hors mesures exceptionnelles, est neutre en 2017, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale a progressé de 0,8 point, pour atteindre 45,4 % du PIB.

Le présent projet de programme de stabilité maintient l'objectif initial du Gouvernement consistant modestement à faire baisser d'un point la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale d'ici la fin du quinquennat.

Dans la nouvelle trajectoire, le taux de prélèvements obligatoires atteindrait ainsi 44,3 % du PIB en 2022, ce qui resterait insuffisant pour revenir sur la hausse observée au cours du précédent quinquennat.

J'en viens maintenant à la situation structurelle de nos finances publiques.

Si la réduction du déficit nominal a été portée par la conjoncture, tel a paradoxalement aussi été le cas de l'évolution du déficit structurel, qui s'est réduit de 0,5 point l'an dernier, pour atteindre 2,0 % du PIB.

En effet, le solde structurel constitue un outil très imparfait - on peut avoir des débats à l'infini - qui ne permet pas d'exclure l'incidence de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires.

La décomposition de l'évolution du solde structurel permet toutefois de faire apparaître que la « composante non discrétionnaire », liée aux fluctuations de l'élasticité, explique la totalité de l'amélioration observée l'an dernier.

Cela risque d'ailleurs de poser une difficulté politique au Gouvernement, car il avait soutenu, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, une règle de « cagnotte » proposée par l'Assemblée nationale, qui permet de dépenser jusqu'à la moitié des « bonnes nouvelles » constatées en exécution sur le solde structurel. Nous avions, vous vous en souvenez, une position différente.

Si la réduction du déficit structurel s'explique entièrement par l'élasticité des prélèvements obligatoires, l'effort structurel en dépense est, pour la première fois depuis 2012, négatif.

Cela s'explique par le fait que les résultats obtenus l'an dernier en matière de maîtrise de la dépense sont décevants : la croissance de la dépense publique en volume s'élève ainsi à 1,5 % en 2017, ce qui correspond à un dépassement de 0,6 point de l'objectif fixé par la loi de programmation.

Ce dépassement s'accompagne en outre de la fixation d'un objectif de maîtrise de la dépense moins ambitieux pour 2018. Alors que le Gouvernement avait prévu une stabilisation en volume de la dépense publique lors du débat d'orientation des finances publiques, il entend désormais contenir sa croissance à 0,7 %, contre 0,6 % dans la loi de programmation. Je me souviens encore du ministre qui nous annonçait dans l'hémicycle que l'on stabiliserait pour la première fois la dépense publique en volume !

Les économies à réaliser en 2018 s'élèvent ainsi à 11 milliards d'euros, contre 20 milliards d'euros dans le scénario du débat d'orientation des finances publiques. Le Gouvernement profite donc de la reprise économique pour renoncer à une partie de ses efforts de maîtrise de la dépense.

J'en viens maintenant à la nouvelle trajectoire 2018-2022, en commençant par examiner sa compatibilité avec nos engagements européens.

Le respect des règles budgétaires apparaît aujourd'hui indispensable, alors que les reports successifs du retour du déficit sous le seuil de 3 % du PIB ont placé la France dans une situation atypique par rapport à ses partenaires européens.

On peut se féliciter de la meilleure tenue de nos comptes mais nous restons dans le bas du tableau européen. Avec l'Espagne, la France est ainsi le seul pays qui se pose encore la question des « 3 % » : dans la zone euro, le déficit moyen est proche de 1 % du PIB ! Vous avez d'ailleurs vu que l'Allemagne a d'ores et déjà annoncé des résultats meilleurs qu'escompté.

De façon préoccupante, ce différentiel nourrit la divergence des taux d'endettement observée depuis 2014, qui atteint désormais 7 points de PIB avec la zone euro et près de 40 points de PIB avec l'Allemagne. Cela a de quoi nous inquiéter, sachant que nous étions en 2010 sur la même ligne de départ.

C'est précisément pour éviter ce type de divergence que les règles européennes en matière budgétaire ont été mises en place.

Malheureusement, comme l'ancienne majorité, la nouvelle majorité semble vouloir s'accommoder des règles : comme je l'avais déjà souligné à l'automne dernier, la réduction annuelle du déficit structurel prévue par le Gouvernement est très inférieure aux prescriptions du pacte de stabilité. Elle pourrait même déboucher à l'issue de l'exercice 2019 sur l'ouverture d'une procédure pour « déviation significative », qui peut conduire à une sanction financière. Une fois encore, la France devra donc compter sur une interprétation particulièrement « constructive » des règles par les institutions européennes pour « passer entre les mailles du filet ».

Non seulement la trajectoire budgétaire présentée par le Gouvernement apparaît difficilement compatible avec nos engagements européens, mais en outre, son respect semble loin d'être assuré.

En effet, dans la mesure où l'effort de redressement repose, à juste titre, exclusivement sur la maîtrise de la dépense, il impliquerait - je parle bien au conditionnel - la mise en oeuvre d'un programme d'économies d'une ampleur inédite.

Si le budget 2018 a engagé un premier effort de réorientation de la dépense publique rompant avec la logique du « rabot », en particulier dans les domaines de l'emploi et du logement - même si l'on peut toujours contester la brutalité de certaines coupes -, la crédibilité de la trajectoire gouvernementale reste difficile à apprécier au-delà, tant les économies demeurent peu documentées.

La mise en oeuvre d'une démarche volontariste d'identification d'économies ciblées dans le cadre du processus « Action publique 2022 » paraît louable mais les précédents échecs de la « modernisation de l'action publique » (MAP) et des revues de dépenses invitent à la plus grande prudence. Je suis un peu échaudé par ces précédents exercices. Quelqu'un est-il capable de nous dire ce qu'a apporté la MAP ? Bonne chance !

Or, un « dérapage » de la dépense publique analogue à celui observé en 2017 compromettrait le redressement des comptes publics programmé, ainsi que l'illustre la simulation présentée à l'écran.

Dans ce scénario, le déficit public manquerait de dépasser le seuil de 3 % du PIB en 2019 et la dette publique resterait pratiquement stable jusqu'en 2020.

Compte tenu de cette forte sensibilité de la trajectoire gouvernementale à l'évolution de la dépense publique, il apparaît indispensable d'adopter sans tarder une stratégie crédible de maîtrise de cette dernière.

À cet égard, je maintiens que le Gouvernement pourra difficilement faire l'économie de réformes visant à maîtriser la masse salariale publique et les dépenses de retraite, qui représentent près de la moitié du total de la dépense publique et demeurent pourtant jusqu'à présent deux « angles morts » de sa politique. L'articulation des missions de l'État et des collectivités territoriales doit également être revue.

Au-delà, le programme de stabilité ne tient aucunement compte de deux annonces récentes du Président de la République - à savoir la suppression totale de la taxe d'habitation et la reprise d'une partie de la dette de SNCF Réseau.

C'est très surprenant car ces deux annonces sont susceptibles de bouleverser la trajectoire budgétaire, dans la mesure où elles pourraient coûter jusqu'à 60 milliards d'euros.

Ainsi, la suppression complète de la taxe d'habitation se traduirait par un montant à compenser très significatif, compris entre 10 milliards d'euros et 14 milliards d'euros selon que l'on prend en compte ou non la dynamique de la taxe d'habitation jusqu'à sa suppression. Le coût de cette mesure pourrait éventuellement être réduit en cas de maintien de la taxe d'habitation au titre des résidences secondaires, dont le rendement s'élève à 2,3 milliards d'euros. Le Président de la République a en revanche exclu la création d'un nouvel impôt.

En parallèle, il a confirmé que l'État reprendra progressivement une partie de la dette du gestionnaire d'infrastructures SNCF Réseau à partir du 1 er janvier 2020.

Une opération de reprise d'une partie de la dette de SNCF Réseau, qui atteint désormais 46,6 milliards d'euros, pourrait peser lourdement sur la situation des finances publiques, par différents canaux :

- la reprise serait analysée comme une dépense et creuserait donc temporairement le solde public à hauteur du montant de l'opération ;

- les intérêts payés par SNCF Réseau, qui s'élevaient à 1,2 milliard d'euros l'an passé, devraient à l'issue de l'opération être pris en charge par le budget de l'État et dégraderaient donc le solde public jusqu'à extinction de la dette ;

- l'opération pourrait également peser sur la dette publique, si le montant repris excède la part de la dette de SNCF Réseau déjà requalifiée en dette publique par l'Insee - soit 10 milliards d'euros.

Le surcoût temporaire lié à l'opération de reprise pourrait être particulièrement complexe à intégrer à la trajectoire budgétaire. En effet, l'impact de l'opération sur le déficit public, quand bien même celle-ci serait réalisée en plusieurs tranches, doit en principe être comptabilisé en une seule fois. Cela promet de beaux débats avec Eurostat. Une solution consisterait peut-être à ce que les opérations de reprise de dette fassent l'objet d'une décision annuelle, à l'image de ce qui est parfois prévu pour les remises de dette en faveur des pays très endettés. Cela permettrait une répartition de l'effort budgétaire sur plusieurs exercices et de conditionner les opérations de reprise à une amélioration effective de la situation financière de l'entreprise.

Une marge de sécurité suffisante devra en tout état de cause être conservée par rapport au seuil de déficit de 3 % du PIB et nous interrogerons le Gouvernement ce soir sur ses intentions.

M. Vincent Éblé , président . - Le FMI vient de rendre publiques ses dernières perspectives pour l'économie mondiale et anticipe une croissance de 3,9 % en 2018 et 2019. La zone euro profiterait aussi de cette dynamique, quoique dans une moindre ampleur. Mais le FMI souligne aussi l'importance des risques dans les mois à venir et notamment la menace d'une correction sur les marchés financiers, qui fragiliserait les économies les plus endettées, dont la France. Le programme de stabilité prend-il en compte correctement ces éléments de risques ?

Par ailleurs, comment se compare le programme de stabilité français à celui que doivent présenter les autres pays de la zone euro au regard de notre niveau de déficit et de dette publics ? Quels sont les pays qui sont encore sous procédure pour déficit excessif ? La zone euro est-elle désormais réellement plus solide du point de vue de ses finances publiques pour faire face à des tensions économiques ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le programme de stabilité souligne les risques sous-jacents. Le Gouvernement a fait le choix d'un scénario médian, ce qui laisse une certaine marge de manoeuvre, en particulier sur les taux d'intérêt. Le scénario n'est donc pas imprudent. Toutefois, étant donné qu'il repose essentiellement sur le taux de croissance et sur l'élasticité des recettes, un aléa pourrait avoir des conséquences importantes. C'est pourquoi j'estime qu'il est imprudent de ne pas engager de véritables économies.

Les pays de la zone euro qui se désendettent et ont opéré les réformes nécessaires seront plus à même d'absorber d'éventuels chocs. Pour la France, les perspectives présentées sont davantage dépendantes de la conjoncture.

S'agissant de la comparaison avec les autres États membres de la zone euro, il faut bien souligner la spécificité de notre pays : la France est, avec l'Espagne, le seul pays encore en procédure de déficit excessif. Pour les autres pays, le déficit public se situe en moyenne autour de 1 % du PIB. L'examen de leur programme de stabilité pose donc moins de difficultés. Relevons toutefois les récentes annonces de l'Allemagne en vue d'aller encore plus loin dans la réduction de sa dette publique. Les États d'Europe du Sud ont également conduit des efforts considérables de réduction de la dépense publique. C'est ce qui explique la spécificité de la France au sein de la zone euro, en particulier pour le niveau de dette publique. Les autres pays ont conduit des efforts et sont parvenus à réduire leur endettement, alors que la France n'a pas réduit ses dépenses publiques et continue à s'endetter. La France s'expose ainsi à une remontée des taux d'intérêt.

M. Vincent Delahaye . - Je partage l'analyse du rapporteur général. Le constat est malheureusement identique depuis quelques temps.

Le Gouvernement est certes prudent pour les taux d'intérêt. Pour les autres hypothèses, je ne parlerai toutefois pas de prudence : la croissance est bonne aujourd'hui, donc on pense qu'elle le sera jusqu'en 2022. Je considère qu'une telle prévision n'est guère prudente : il y aura des périodes plus difficiles, sans que l'on ne sache quand elles adviendront.

Je m'interroge sur l'ampleur des différences entre les prévisions macroéconomiques du Gouvernement de décembre 2017 et d'avril 2018, soit avec seulement quatre mois d'écart. En décembre dernier, le niveau de la dépense publique était estimé à 54,7 % du PIB pour 2017, contre 55,1 % du PIB retenu aujourd'hui. Il y a donc eu un dérapage : comment l'expliquer ? D'où provient-il ? S'agissant des prélèvements obligatoires, le niveau était prévu, en décembre dernier, à 44,3 % du PIB en 2018, alors que ce niveau est aujourd'hui reporté à 2022. Il n'y a donc pas de véritable effort pour réduire le taux des prélèvements obligatoires.

Compte tenu de la révision à la hausse de l'évolution de la dépense publique, quelles seront les conséquences pour les collectivités territoriales qui s'engageront dans la contractualisation ? Le changement d'objectif devrait être répercuté sur la dépense locale. Que compte faire le Gouvernement à ce sujet ?

Je suis également très surpris que les annonces du Président de la République sur la taxe d'habitation et la reprise de la dette de SNCF Réseau ne soient pas intégrées dans le programme de stabilité. Quelle simulation de l'impact sur le déficit public de ces deux annonces pouvons-nous faire ?

M. Jean-François Rapin . - Je voudrais revenir sur les prévisions des taux d'intérêt à long terme. Il y a un écart de huit milliards d'euros en 2022 entre le scénario du consensus des économistes et celui retenu dans le programme de stabilité. Ce montant est-il calculé sur la base de l'endettement actuel ou sur la base de l'endettement projeté en 2022, et avec quelles hypothèses ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Cela prend en compte l'endettement projeté en 2022, sur la base des prévisions du Gouvernement retenues dans le programme de stabilité. Si d'autres éléments devaient advenir, comme une reprise de dette de la SNCF, ce montant serait majoré.

M. Jean-François Rapin . - Nous pouvons donc estimer que ce montant est en partie tronqué, compte tenu des éléments qui devront être pris en compte au cours des prochains exercices.

Mme Fabienne Keller . - Le sujet de la SNCF est important, car dix milliards d'euros de dette sont déjà comptabilisés dans la dette maastrichtienne, mais la charge d'intérêts n'est pas assumée par l'État.

Pourrait-on avoir quelques précisions sur le CICE ? Je me souviens du travail de notre collègue Marie-France Beaufils, qui soulignait l'étalement dans le temps du remboursement de la créance. L'exercice 2019 sera à cet égard marqué par un choc, avec la conjonction du remboursement du CICE constaté au titre des années précédentes et de la baisse des cotisations sociales. Ce choc est-il bien pris en compte dans le programme de stabilité ? Ne peut-on pas imaginer que les entreprises chercheront à anticiper l'imputation de la créance de CICE dès 2019 ?

Il faut certes se féliciter de la sortie de la France de la procédure pour déficit public excessif, mais l'écart avec l'Allemagne doit nous interpeller. Quelle est l'hypothèse d'évolution de la dette des administrations publiques locales retenue dans le programme de stabilité ?

M. Marc Laménie . - La conclusion de l'exposé du rapporteur général est particulièrement sombre, avec le risque que près de soixante milliards d'euros ne soient pas pris en compte dans la trajectoire retenue par le programme de stabilité. La suppression totale de la taxe d'habitation comme la reprise éventuelle de la dette de SNCF Réseau sont autant de points d'interrogation.

Comment expliquer le redressement des comptes publics en Allemagne ? Pourquoi la France ne parvient-elle pas à en faire de même ?

M. Claude Raynal . - Une fois n'est pas coutume, je ne donnerai pas de coup de chapeau au gouvernement précédent, car le rapporteur général l'a déjà fait !

Je voudrais d'abord revenir sur les aléas qui ont été évoqués. C'est vrai qu'ils existent. Mais, le propre de l'économie est précisément d'être très sensible au contexte général. C'est ce qui rend l'exercice de projection en partie artificiel. La trajectoire nécessiterait presque d'être revue tous les six mois pour intégrer les évolutions rapides et brutales qui adviennent.

S'agissant de l'évolution de la dette, j'aimerais bien connaître la moyenne de la zone euro sans l'Allemagne. L'impact de l'Allemagne sur la moyenne de la dette publique au sein de la zone euro doit en effet être considérable et déformer la comparaison. Il faudrait donc pouvoir comparer la France avec les autres pays de la zone euro en neutralisant le cas particulier que constitue l'Allemagne.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - En comptabilisant la France et l'Allemagne dans la moyenne agrégée des pays de la zone euro, cela s'équilibre !

M. Claude Raynal . - S'agissant de la taxe d'habitation, la non comptabilisation du coût de dix milliards d'euros correspondant à sa suppression totale me paraît très claire. Cela signifie que ce coût n'est pas supporté par l'État ! Il y aura évidemment un impact pour les collectivités territoriales.

Par ailleurs, quel est l'impact de la baisse de la dépense publique sur la croissance ? Ce point est rarement regardé. L'avis du Haut Conseil des finances publiques comprend un développement intéressant sur la croissance effective et la croissance potentielle. Il est possible d'enregistrer une croissance effective supérieure à la croissance potentielle. Mais les politiques de baisse de la dépense publique peuvent affecter la croissance potentielle. Le Haut Conseil des finances publiques remet en cause les hypothèses retenues, tablant sur une croissance effective supérieure à la croissance potentielle au cours des cinq prochaines années. Cela veut dire que les hypothèses de croissance effective ne tiennent pas compte de l'impact de la baisse de la dépense publique sur la croissance potentielle. Or il y a évidemment un impact ! Le Haut Conseil des finances publiques souligne ainsi qu'il y a quelque chose dans la trajectoire qui ne fonctionne pas.

C'est pourquoi je vous alerte sur le discours récurrent du rapporteur général à propos de l'insuffisance des efforts structurels - alors même qu'il y en a eu sous le précédent Gouvernement et qu'il y en a encore aujourd'hui. Faisons attention qu'en renforçant les efforts de réduction de la dépense publique trop rapidement, nous n'ayons pas un impact négatif sur la croissance qui contribuerait à rendre le scénario encore moins réaliste !

M. Arnaud Bazin . - Sur la question de la reprise de la dette de la SNCF, je comprends que celle-ci aura un impact sur le déficit et détériorera le ratio d'endettement de la France, je me demandais cependant si les intérêts ne sont pas déjà payés par l'État via sa participation à l'équilibre financier de cette entreprise.

M. Jean-Marc Gabouty . - Sur le même sujet, les 60 milliards d'euros que vous évoquez correspondent à hauteur de plus de 46 milliards d'euros à la reprise de la dette de la SNCF. S'agissant des intérêts, la ministre a indiqué en séance que ceux-ci s'élèvent à 1,3 milliard d'euros par an. Or le taux d'intérêt apparent me semble élevé, puisqu'il est supérieur à 2,5 % par an. De nombreuses entreprises publiques ou collectivités territoriales bénéficient de taux d'intérêt moyens inférieurs à ce niveau. Je suis donc surpris par la gestion de la dette de la SNCF. Obtenir un taux d'intérêt de 2,5 % est aujourd'hui à la portée de n'importe quelle petite et moyenne entreprise (PME).

Les 46 milliards d'euros que vous évoquez ne figurent pas dans le document du Gouvernement. Cela signifie donc que les modalités ne sont pas encore arrêtées : cette reprise concernera-t-elle tout ou partie de la dette ? Les intérêts seront-ils toujours payés par SNCF réseau, ce qui me semblerait logique, seul le capital étant alors amorti par l'État ? La dette peut-elle être externalisée dans un organisme spécifique, avec un système d'amortissement et de participation annuelle de l'État ? De nombreux scénarios peuvent donc être examinés. La commission des finances pourrait, à cet égard, proposer un mécanisme pour la reprise de cette dette par l'État sans que cela ne pèse trop sur le ratio d'endettement, au regard des exigences européennes en particulier.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je suis frappé par le graphique comparant les trajectoires d'évolution de l'endettement en France, en Allemagne et dans la zone euro. Je constate que la trajectoire de la France a beaucoup divergé de celle de nos voisins et qu'un travail important reste à faire. Je suis également frappé par le graphique présentant le montant d'économies devant être réalisé pour tenir l'objectif d'évolution de la dépense publique. Pour paraphraser notre ancien collègue Jean-Pierre Raffarin, « la route est droite, mais la pente est forte ». Pour aboutir aux 81 milliards d'euros d'économies d'ici 2022, des programmes de réformes structurelles devront être conduits. Le rapporteur général indiquait tout à l'heure qu'on avait rompu avec le mécanisme du « rabot », mais on peut douter de la faisabilité de cet effort. La commission des finances pourrait peut-être proposer des pistes d'économies plus structurelles.

Le scénario présenté par le Gouvernement s'agissant notamment de l'impact d'une hausse des taux d'intérêt me semble optimiste. De même, il me semble qu'il ne faut pas sous-estimer certains risques : inflation, resserrement de la politique monétaire aux États-Unis...

M. Bernard Delcros . - Le tableau relatif à l'évolution de l'endettement montre qu'il y a urgence à réduire notre dette. Je partage ce qui a été dit sur le fait qu'il faudrait intégrer à la trajectoire des finances publiques la reprise de la dette de la SNCF - même si celle-ci n'est pas encore certaine - mais surtout la suppression de la taxe d'habitation, qui est plus certaine, soit entre 10 milliards d'euros et 14 milliards d'euros, selon le scénario retenu.

En revanche, je ne partage pas l'analyse de Claude Raynal : on ne peut pas mettre en parallèle les 10 milliards d'euros ou 14 milliards d'euros à trouver pour compenser la suppression de la taxe d'habitation et les 13 milliards d'euros de réduction des dépenses des collectivités territoriales, qui n'ont pas vocation à abonder les caisses de l'État.

Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut diminuer la dépense publique, mais nous demandons tous davantage de moyens, pour nos hôpitaux et nos établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; nous nous plaignons car des écoles ferment ; la loi de programmation militaire prévoit une hausse du budget des armées et tout le monde considère qu'il s'agit d'une nécessité, sans parler du logement social ou des collectivités territoriales, qui ont du mal à réduire leurs dépenses dans le cadre de la contractualisation... Comme Vincent Delahaye, je pense qu'il serait intéressant que la commission des finances travaille sur des pistes réalistes et crédibles pour réduire les dépenses publiques.

M. Gérard Longuet . - Le programme de stabilité est consternant s'agissant du volet « qualité des dépenses publiques ». Le Gouvernement prévoit une diminution des dépenses de l'État, mais cette baisse concerne en réalité les dépenses des partenaires de l'État : organismes de logement social, contrats aidés, collectivités territoriales, qui sont les seules à encaisser un effort considérable et qui ne pourra pas être durablement respecté. Les contrats passés avec les 322 collectivités territoriales mettent les élus locaux concernés dans une situation impossible. En revanche, quid des dépenses de l'État ? Je suis consterné de constater qu'un objectif de réduction de la dépense publique à hauteur de trois points de PIB d'ici 2022 - ce qui représente un montant proche de 70 milliards d'euros - soit affiché alors qu'au moment où nous parlons, il n'y a pas le début du commencement d'un programme clair d'économies. S'agissant de la fonction publique, la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) est à peine évoquée, alors qu'elle aboutira à une augmentation significative de la masse salariale. Au total, les économies imposées aux partenaires de l'État seront plafonnées car impossibles à réaliser si l'on veut que les collectivités territoriales assument leurs missions et que les organismes de logement social continuent de construire. L'État doit donc faire des efforts et ne pas vouloir tout et son contraire : le beurre, l'argent du beurre et le sourire des élus locaux...

M. Michel Canévet . - Je constate que la situation est plus dégradée que ce qui était envisagé dans la loi de programmation des finances publiques : le niveau de prélèvements obligatoires est ainsi supérieur aux hypothèses, de même que le niveau des dépenses publiques. Le bilan négatif laissé par le précédent Gouvernement accentue l'effort à réaliser. Je partage ce qu'a dit Bernard Delcros, il faudra travailler sur des pistes d'économies, qui ne sont pas faciles à trouver. Pour ce qui concerne les effectifs, j'ai compris que ce n'est pas sur l'éducation nationale, les armées et l'intérieur, qui représentent 80 % des effectifs de l'État, que l'effort portera mais sur la part infime qui reste.

Je souhaiterais savoir si les intérêts du grand emprunt sont bien pris en compte dans le déficit maastrichtien et s'il existe d'autres dépenses significatives qui ne sont pas intégrées dans la trajectoire et qui risquent de peser sur la situation de nos finances publiques.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pour répondre à Michel Canévet, les intérêts du grand emprunt sont bien intégrés dans le déficit au sens de Maastricht.

Je partage l'analyse de Gérard Longuet, il existe des incertitudes fortes sur la capacité du Gouvernement à atteindre les objectifs affichés en matière d'économies. J'ai évoqué des pistes. La masse salariale représentant 130 milliards d'euros et 40 % des dépenses de l'État, on ne pourra pas laisser ce sujet de côté. S'agissant de la réforme des retraites, il faudra nécessairement poser la question du report de l'âge de départ effectif. Il me semble en outre nécessaire de s'interroger sur les missions de l'État par rapport à celles exercées par les collectivités territoriales. Des doublons existent en matière de dépenses sociales, de gestion des routes, etc. Nous sommes tous rapporteurs spéciaux, chacun peut faire des propositions d'économies dans le champ couvert par son rapport budgétaire. Les réformes présentées dans le programme de stabilité sont, avant tout, technocratiques. Ce n'est pas parce qu'un comité composé de gens très savants est mis en place que cela aboutira à des économies. Il faut que cette question soit abordée avec une volonté politique réelle de s'attaquer aux vrais sujets. Jusqu'à présent les économies étaient portées par les ministères régaliens, on sait que cette marge n'existe plus. Or, dans le programme « Action publique 2022 », il est impossible de trouver un seul centime d'économie à ce stade. À l'inverse, l'accompagnement de la transformation des administrations nécessitera de mobiliser 700 millions d'euros...

Il y a effectivement de multiples aléas qui pèsent sur ces hypothèses de croissance, comme le soulignait tout à l'heure Claude Raynal. La prévision est un exercice difficile, notamment en économie. Vous connaissez l'aphorisme : les économistes ont été inventés pour que les météorologistes se sentent moins seuls ! C'est sans doute vrai.

S'agissant du taux d'endettement des pays de la zone euro, même en excluant la France et l'Allemagne, notre pays demeurerait plus endetté que la moyenne de nos voisins et naturellement plus que l'Allemagne.

Fabienne Keller m'a interrogé sur les effets de la transformation du CICE en baisse de charges : elle représentera un point de PIB de déficit supplémentaire en 2019, mais pour cette seule année.

Marc Laménie m'a interrogé sur les raisons qui font que l'Allemagne est plus sérieuse financièrement que la France : il faut nous entretenir avec Wolfgang Schäuble, qui était jusqu'à l'automne dernier ministre fédéral des finances. Il serait trop long de rentrer dans les détails, mais l'Allemagne a fait les efforts que nous n'avons pas faits.

Concernant la suppression totale de la taxe d'habitation, le Président de la République a indiqué qu'il n'y aurait pas de nouvel impôt pour financer cette mesure. Les résidences secondaires pourraient toutefois continuer à être taxées, ce qui représenterait une recette de 2,3 milliards d'euros, mais en tout état de cause il demeure un « trou » dont l'ampleur varie selon l'hypothèse retenue sur la dynamique de cette taxe.

Au sujet de la SNCF, je ne suis pas certain de l'opportunité de créer une structure de cantonnement de la dette. Le coût de financement de la SCNF est légèrement plus élevé que celui de l'État. Si la dette est reprise, l'État devra se substituer à la SNCF pour payer les intérêts. Sans parler des effets sur l'endettement et le déficit public.

Je m'étonne effectivement qu'un document présentant notre trajectoire budgétaire jusqu'en 2022 n'aborde pas ces deux questions. Je vous cite in extenso la réponse que le Gouvernement m'a faite sur la taxe d'habitation : « les travaux menés sur la suppression de la taxe d'habitation sont en cours » et « dans l'attente de leur conclusion et des propositions de la mission Bur-Richard sur la refonte de la fiscalité locale, le programme de stabilité n'intègre pas cette mesure ». Les réponses concernant la SNCF sont du même acabit : circulez, il n'y a rien à voir !

Je remarque par ailleurs que l'annonce des premières conclusions d'« Action publique 2022 » est repoussée. Nous aurions pu espérer des perspectives d'économies qui crédibilisent la trajectoire financière. Le Gouvernement évoque des pistes, comme la réforme de l'audiovisuel, mais on ne voit rien venir. Les pistes sont connues : réforme des retraites, missions de l'État par rapport aux collectivités territoriales, fonction publique, etc. Au demeurant, chaque rapporteur spécial peut faire des propositions d'économies dans son secteur.

En définitive, ce programme de stabilité présente de nombreuses incertitudes et nous pourrons ce soir interroger le Gouvernement sur ces points.

Mme Fabienne Keller . - Peut-être devrions-nous prévoir au sein de la commission un suivi particulier des points de vigilance que vous avez soulevés ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Soyez certaine que nous suivrons de façon très attentive chacun de ces sujets.

La commission a donné acte de sa communication à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.


* 1 À titre de rappel, l'Insee définit l'acquis de croissance d'une variable pour une année N comme « le taux de croissance de la variable entre l'année N-1 et l'année N que l'on obtiendrait si la variable demeurait jusqu'à la fin de l'année N au niveau du dernier trimestre connu ».

* 2 0,7 % au premier trimestre, 0,5 % au troisième trimestre et 0,6 % au deuxième et au dernier trimestre.

* 3 Insee, « La France garde la cadence », note de conjoncture, décembre 2017, p. 96.

* 4 Insee, « Investissement tonique, consommation en demi-teinte », note de conjoncture, mars 2018, p. 13.

* 5 À titre d'illustration, si l'Insee n'a pas encore publié ses prévisions pour les deux derniers trimestres de l'année 2018, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) anticipe une croissance du PIB de 0,5 % au troisième trimestre et de 0,7 % au dernier trimestre, contre respectivement 0,3 % et 0,4 % lors des deux premiers trimestres. Cf. OFCE, « La fin d'un cycle ? Perspectives économiques de l'OFCE », 12 avril 2018.

* 6 Commission européenne, « An assessment of the relative quality of the EU output gap estimates », décembre 2015.

* 7 Cf. Benoît Coeuré, « Scars that never were? Potential output and slack after the crisis », 12 avril 2018.

* 8 Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2018-1 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2018 à 2022, 13 avril 2018, p. 17.

* 9 Rapport n° 56 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, fait au nom de la commission des finances et déposé le 31 octobre 2017, p. 12 et s.

* 10 Ce résultat correspond à la valeur de semi-élasticité budgétaire retenue par la Commission européenne (0,603) à partir de l'estimation économétrique de l'élasticité individuelle des recettes et dépenses sensibles à la conjoncture et de leur poids moyen dans le PIB. Intuitivement, il s'explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent un peu plus de la moitié du PIB.

* 11 Une approximation de ce résultat peut facilement être retrouvée. L'augmentation spontanée des prélèvements obligatoires est obtenue en multipliant le montant des prélèvements obligatoires de l'année n, hors one-off, par le taux de croissance en valeur et l'élasticité de l'année n+1.

* 12 Projet de programme de stabilité 2018-2022, p. 28.

* 13 Le rythme moyen de remontée des taux longs s'établit ainsi à 38 points de base dans les programmes de stabilité 2017 des Pays-Bas, du Portugal, de l'Italie, de l'Espagne, de la Belgique, de l'Autriche et de la Finlande.

* 14 En effet, si la dette hors État ne représente que 20 % de l'endettement total, elle est davantage sensible à l'évolution des taux d'intérêt, en raison d'une plus forte proportion de dette à taux variable (ex : hôpitaux, collectivités territoriales) ou de court terme (ex : Cades, Unédic, Acoss). Cf. Cour des comptes, « La situation et les perspectives des finances publiques », juin 2017, p. 232.

* 15 Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2018-1 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2018 à 2022, 13 avril 2018.

* 16 Benoît Coeuré, « The consequences of protectionism », 6 avril 2018.

* 17 Autorité des marchés financiers, « Cartographie des risques 2017 », juillet 2017, p. 5.

* 18 Il s'agit par exemple de l'un des principaux risques mentionnés par le Bureau fédéral du Plan belge. Voir : Bureau fédéral du Plan, « Perspectives économiques 2017-2022 », juin 2017, p. 1.

* 19 À titre de rappel, la diminution de la fréquentation des touristes à la suite des attentats et les mauvaises récoltes céréalières, liées aux conditions météorologiques, avaient pesé à hauteur de 0,4 point sur la croissance française en 2016.

* 20 Natixis, « La capacité ou l'incapacité de l'appareil productif à répondre à la progression de la demande sont une caractéristique centrale des économies », Flash Économie, 27 juin 2017.

* 21 Haut Conseil de stabilité financière, communiqué de presse du 29 mars 2018.

* 22 Insee, Comptes nationaux des administrations publiques - année 2017, Compléments à l'information rapide n° 79 du 26 mars 2018.

* 23 « Spécifications relatives à la mise en oeuvre du pacte de stabilité et de croissance et lignes directrices concernant le contenu et la présentation des programmes de stabilité et de convergence », adoptées le 5 juillet 2016 par le comité économique et financier.

* 24 Rapport n° 56 (2017-2018) d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, fait au nom de la commission des finances et déposé le 31 octobre 2017, p. 23 et s.

* 25 Le coût du CICE étant différé d'un an en comptabilité nationale, il se cumulera au cours de l'année 2019 avec celui de l'allègement pérenne de cotisations sociales patronales.

* 26 FMI, Rapport article IV du FMI sur la France, 2017, p. 17.

* 27 Le 27 avril 2009, le Conseil avait adopté une recommandation demandant à la France de corriger son déficit excessif en 2012 au plus tard. Un délai supplémentaire lui avait toutefois été accordé à trois reprises par les recommandations du 27 avril 2009, du 21 juin 2013 et du 10 mars 2015.

* 28 Cour des comptes, « La situation et les perspectives des finances publiques », juin 2017.

* 29 « Cinq années sans modération fiscale », rapport d'information n° 113 (2016-2017) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 9 novembre 2016.

* 30 L'ajustement structurel correspond à l'évolution du solde structurel entre l'année N-1 et l'année N.

* 31 Pour une description détaillée de la méthodologie, voir : Thibault Guyon et Stéphane Sorbe, « Solde structurel et effort structurel : vers une décomposition par sous-secteur des administrations publiques ? », documents de travail de la direction générale du Trésor, numéro 2009/13, 2009.

* 32 Les Échos, « Le sort de la "cagnotte fiscale" divise la majorité parlementaire », 8 mars 2018.

* 33 D'après les informations transmises par le Gouvernement, dans le scénario sous-jacent au présent projet de programme de stabilité, l'indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT) est de 1,0 en 2017, 1,1 en 2018, 1,0 en 2019, 1,4 en 2020 et 1,75 en 2021 et 2022.

* 34 L'effort en dépense se mesure relativement à la croissance potentielle : il y a un effort en dépense positif si les dépenses structurelles augmentent moins vite que la croissance potentielle.

* 35 Y compris en retenant les hypothèses de la Commission européenne pour la croissance potentielle, afin de neutraliser le biais optimiste des estimations du précédent Gouvernement. Cf. Cour des comptes, « La situation et les perspectives des finances publiques », juin 2017, p. 38.

* 36 Cour des comptes, « La situation et les perspectives des finances publiques », juin 2017, pp. 121-124.

* 37 Plus précisément, la nouvelle rédaction de l'article 3 du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs dispose que « le Conseil invite l'État membre à respecter des objectifs budgétaires annuels permettant (...) d'améliorer chaque année d'au moins 0,5 % du PIB, à titre de référence, son solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires, de manière à assurer la correction du déficit excessif dans le délai prescrit par la recommandation ».

* 38 Commission européenne, « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance », COM(2015) 12 final, 2015.

* 39 Nouvelle rédaction de l'article 6 du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

* 40 Commission européenne, « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance », COM(2015) 12 final, 2015.

* 41 De ce point de vue, la règle en dépense présente deux avantages. D'une part, elle est construite de façon à exclure de l'agrégat les dépenses non pilotables, alors que l'ajustement structurel dépend de nombreux éléments qui échappent au contrôle des gouvernements (ex : variation des élasticités). D'autre part, elle ne dépend pas de l'écart de production - dont la mesure est particulièrement instable et controversée - mais de la croissance potentielle de moyen terme.

* 42 L'agrégat des dépenses publiques retenu correspond aux dépenses publiques totales diminuées de la charge d'intérêt, des dépenses exceptionnelles, des dépenses liées aux programmes de l'Union européenne intégralement couvertes par des fonds européens ainsi que de la composante cyclique des dépenses d'indemnisation du chômage. Les dépenses d'investissement sont lissées sur quatre ans. La prise en compte les mesures discrétionnaires en matière de recettes permet ensuite d'obtenir l'agrégat des dépenses publiques nettes.

* 43 En effet, d'après les informations transmises par le Gouvernement, la croissance effective en volume de l'agrégat de dépenses serait de 0,5 % en 2019.

* 44 Commission européenne, « Vade Mecum on the Stability and Growth Pact », édition 2017, mars 2017, p. 56.

* 45 Programme national de réforme 2018, p. 78.

* 46 Sur ces sujets, le lecteur est invité à se reporter aux préconisations et aux analyses produites par votre rapporteur général dans le cadre du rapport précité sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, p. 56 et s.

* 47 Voir le compte rendu de la réunion de la commission des finances du Sénat du mercredi 7 mars 2018 sur les pistes de réflexion du groupe de travail relatif à l'évolution de la fiscalité locale.

* 48 Audition devant la commission des finances de l'Assemblée nationale le 21 mars dernier.

* 49 Entretien du Président de la République du 15 avril 2018.

* 50 AFP, « SNCF : l'État reprendra progressivement la dette à partir du 1 er janvier 2020 », 15 avril 2018.

* 51 Jean-Cyril Spinetta, rapport au Premier ministre sur l'avenir du transport ferroviaire, 2018, p. 104.

* 52 Rapport du Gouvernement relatif à la trajectoire de la dette de SNCF Réseau et aux solutions qui pourraient être mises en oeuvre afin de traiter l'évolution de la dette historique du système ferroviaire, 2016, p. 17.

* 53 Ibid .

* 54 Voir pour un exemple : La Chambre des représentants de Belgique, « Bulletin n° : B095 - Question et réponse écrite n° : 0075 - Législature : 50 », 2001.

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