G. RENCONTRES AVEC DES PERSONNALITÉS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES ENGAGÉES DANS LA DÉFENSE DES DROITS DES FEMMES

1. Entretiens avec des personnalités ou représentantes d'associations

Des personnalités (élues, chercheures, journalistes, universitaires...) et des représentantes d'associations engagées dans la défense des droits des femmes ont été reçues au Palais du Luxembourg par Chantal Jouanno ou par des vice-présidentes de la délégation. Ces rencontres sont inscrites à l'agenda de la délégation et sont ouvertes à l'ensemble des membres de celle-ci.

a) Délégation de femmes coréennes et japonaises « femmes de réconfort » (décembre 2014)

Chantal Jouanno, présidente, et Brigitte Gonthier-Maurin, vice-présidente, ont reçu au Palais du Luxembourg, le 2 décembre 2014, une délégation de femmes coréennes et japonaises venues leur exposer les difficultés des « femmes de réconfort » qui, pour la plupart originaires de Corée, ont été détenues comme esclaves sexuelles par l'Armée impériale japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette délégation a exprimé le souhait d'une reconnaissance officielle des souffrances infligées à ces victimes de la guerre.

Mme Won-Ok Kil, survivante, participait à cette rencontre et a livré un témoignage bouleversant des épreuves qu'elle a traversées pendant cinq ans, de treize à dix-huit ans.

L'attention de la délégation aux droits des femmes du Sénat avait été attirée sur ce sujet dans le cadre d'un rapport consacré aux viols de guerre, paru en décembre 2013.

Chantal Jouanno et Brigitte Gonthier-Maurin ont formé des voeux pour que satisfaction soit donnée à tous ceux et à toutes celles qui militent pour la reconnaissance officielle des souffrances des « femmes de réconfort ».

b) Rencontres avec diverses personnalités étrangères

La présidente de la délégation a reçu au Sénat :

- le 17 mars 2015, Mari-Liis Sepper, Commissaire à l'égalité des sexes et à l'équité en Estonie, sur le rôle du Sénat en matière de législation concernant l'égalité femmes-hommes ;

- le mercredi 17 juin 2015, Cheery Zahau, coordinatrice de projets et chercheuse birmane au sein du Pyidaunsu institute for Peace and dialogue ;

- le mardi 23 juin 2015, Yasmine Thabet, dirigeante de l'association tunisienne de soutien des minorités (ATSM), sur le thème du rôle du Sénat dans la définition d'un cadre juridique favorable aux femmes.

Le 30 septembre 2015, Brigitte Gonthier-Maurin, vice-présidente, s'est entretenue avec Aïcha Maki, cinéaste documentariste nigérienne. Les questions de celle-ci ont concerné la parité et la formation des femmes politiques, par exemple à la prise de parole en public.

L'échange a mis en évidence des points de connivence entre les femmes malgré les différences culturelles, qui tiennent aux blocages empêchant l'accès des femmes aux responsabilités. Les deux interlocutrices ont souligné l'importance de permettre aux femmes de prendre confiance en elles-mêmes et de croire en leurs talents.

Le 28 octobre 2015, Chantal Jouanno, présidente, a rencontré, avec Corinne Bouchoux, vice-présidente, et Annick Billon, Claire Nevin, présidente de Reproductive Rights against Oppression, Sexism and Austerity (ROSA). Cette réunion avait pour thème la situation en Irlande au regard de l' IVG.

Claire Nevin a commenté les conséquences, pour les femmes, de la législation irlandaise, restrictive en matière d'IVG 67 ( * ) .

Elle a rappelé que les médecins irlandais risquent 14 ans de prison s'ils pratiquent l'IVG et a estimé que douze femmes irlandaises se rendaient en Angleterre chaque jour pour avorter pour un coût s'élevant selon elle à 1 500 euros.

Claire Nevin a estimé que les femmes enceintes étaient tenues dans une sorte de méfiance qui, de son point de vue, affecte le suivi des grossesses, s'agissant notamment des échographies permettant de détecter une éventuelle trisomie 21. Elle a fait observer que les femmes, en cas de fausse couche, craignaient d'aller à l'hôpital de peur de se voir accusées d'avoir eu recours à une IVG.

La présidente de Reproductive Rights against Oppression, Sexism and Austerity (ROSA) a rappelé que la loi irlandaise avait été modifiée en 1992 pour permettre d'aller avorter à l'étranger, à la suite d'une intervention de la CEDH (cas d'une petite fille de 13 ans enceinte à la suite d'un viol).

Elle a fait valoir, en conclusion, que les Françaises expatriées en Irlande (les jeunes sont relativement nombreuses soit pour des études, soit pour une expérience professionnelle) devaient être informées des risques encourus en cas d'IVG.

Le 18 février 2016, Chantal Jouanno et des membres de la délégation aux droits des femmes ont rencontré Nadia Murad Basee Taha , jeune yézidie rescapée des camps de Daech, devenue, en septembre 2016, ambassadrice de l'ONU pour la dignité des victimes du trafic d'êtres humains. Nadia Murad Basee Taha a par la suite été reçue par Gérard Larcher, président du Sénat, en présence de Chantal Jouanno 68 ( * ) .

Hélène Conway-Mouret, vice-présidente, a organisé une réunion avec Susana Malcorra , ministre des relations extérieures de la République Argentine, le 30 mai 2016. Susanna Malcorra a considéré les droits humains et les droits des femmes comme des priorités de son agenda. Elle a insisté sur le rôle majeur des femmes dans toutes les politiques d'aide au développement et sur la nécessité de centrer celles-ci sur les femmes.

À la demande de Susana Malcorra, Hélène Conway-Mouret a commenté les progrès à effectuer en France pour atteindre la parité. Elle a notamment abordé la question de la féminisation des titres et fonctions, dont elle a souligné l'importance pour rendre naturel l'accès des femmes aux responsabilités.

Parmi les avancées récentes pour faire progresser les mentalités, Hélène Conway-Mouret a évoqué l'importance symbolique de l'entrée de femmes au Panthéon et de la plaque en hommage aux sénatrices issues de la Résistance, qui a été inaugurée au Sénat le 27 mai 2014. Elle a également relevé les avancées permises, en termes d'accès aux responsabilités, par la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle. Puis elle a souligné l'apport de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

La ministre argentine des Affaires étrangères et Hélène Conway-Mouret ont ensuite échangé sur les violences au sein des couples et sur les conséquences de la banalisation de la pornographie sur l'éducation des jeunes. À la demande de Susana Malcorra, Hélène Conway-Mouret a commenté les récents travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat. À cet égard, elle a plus particulièrement développé les recommandations dont est assorti le rapport Traite des êtres humains : femmes et mineur-e-s, premières victimes , alors tout récemment publié par la délégation et dont elle a été co-rapporteure.

Susana Malcorra et Hélène Conway-Mouret ont enfin relevé la nécessité, à l'heure actuelle, de défendre les droits des femmes dans les instances internationales, où ils se trouvent menacés par les extrémismes. Susana Malcorra a douté de la possibilité d'organiser, aujourd'hui, une nouvelle conférence mondiale sur les femmes comme celles qui se sont tenues dans le cadre de l'ONU en 1975, en 1980, en 1985 et en 1995.

Le 4 avril 2017, Chantal Jouanno , présidente, a rencontré Nhouza Skalli , Marocaine, ancienne ministre du Développement Social, de la Famille et de la Solidarité, (2007-2011) ancienne députée (2002-2007 et 2011-2016) et militante des droits des femmes.

Les échanges ont porté principalement sur la parité en politique en France et sur les organismes de défense des droits des femmes.

Nhouza Skalli a évoqué les récentes avancées législatives intervenues au Maroc en faveur des droits des femmes : réforme du code de la famille en 2003, réforme du code de la nationalité en 2007 notamment.

Elle a rappelé que l'égalité entre hommes et femmes figurait dans la Constitution marocaine (article 19) et que l'on comptait environ 20 % de femmes au Parlement marocain (pour mémoire, la moyenne mondiale est de 23 %), soit une proportion proche de celle des sénatrices au lendemain du renouvellement de 2014 et de l'Assemblée nationale élue en 2012 (environ un quart des effectifs).

À cet égard, Chantal Jouanno a estimé que l'accès des femmes aux responsabilités était subordonné à la contrainte légale, aucun progrès ne pouvant selon elle se faire en la matière de matière naturelle.

Comme Nhouza Skalli l'a souligné, une loi marocaine récente a institué une autorité pour l'égalité entre les femmes et les hommes comparable au Haut conseil à l'égalité.

Un exemplaire du rapport La laïcité garantit-elle les droits des femmes ? a été remis par Chantal Jouanno, présidente, à Nhouza Skalli.

c) Entretiens avec des élues ultra-marines
(1) Nouvelle-Calédonie (septembre 2015)

Le 16 septembre 2015, Chantal Jouanno , présidente, a reçu Martine Lagneau , première vice-présidente de la Province sud, membre du Congrès, conseillère municipale de Nouméa, accompagnée de Charlène Soerip , sa directrice de cabinet, ainsi que Nicole Robineau , quatrième vice-présidente du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, conseillère à l'assemblée de la province Sud et présidente de la commission de la condition féminine.

Nicole Robineau et Martine Lagneau ont présenté les actions mises en place en Nouvelle-Calédonie dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux femmes, dans le cadre de l'élaboration d'un Plan stratégique provincial pour la condition féminine, le bilan de ces actions revêtant selon elles une importance décisive dans la perspective du terme de l'Accord de Nouméa. Elles ont rappelé la nécessité de mesures énergiques en matière de lutte contre les violences, une femme sur quatre étant victime de violences en Nouvelle-Calédonie.

Elles ont émis le voeu que l'enquête VIRAGE soit prochainement étendue à la Nouvelle-Calédonie, où les outils statistiques sur les violences faites aux femmes sont, ont-elles estimé, encore limités.

Elles ont demandé à Chantal Jouanno de les aider à obtenir des relais auprès d'associations investies dans le domaine de la lutte contre les violences, afin de renforcer l'efficacité du tissu associatif local.

Nicole Robineau et Martine Lagneau étant soucieuses d'obtenir un état des lieux du dispositif de lutte contre les violences, la présidente de la délégation leur a fait savoir qu'un bilan des lois contre les violences au sein des couples serait effectué par la délégation en 2015-2016.

Un échange a eu lieu ensuite sur la COP 21 et sur le rôle décisif des femmes, à la fois victimes du dérèglement climatique et actrices de la lutte contre le changement.

(2) Polynésie (2 février 2016)

Françoise Laborde , vice-présidente de la délégation, puis Chantal Jouanno , ont rencontré le 2 février 2016 trois élues de l'Assemblée de la Polynésie française membres de la commission de l'éducation, de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports : Chantal Galenon , présidente de cette commission, Chantal Flores-Tahiata , vice-présidente et Vaiata Perry-Friedman .

Françoise Laborde a présenté la composition et le travail de la délégation (aspects législatifs et rapports d'information sur des sujets de société comme les stéréotypes dans les jeux et jouets, sur des thèmes tels que la participation des femmes militaires à la défense ou sur les conséquences, pour les femmes, des changements climatiques).

Elle a insisté sur l'implication de certains sénateurs dans les questions intéressant les droits des femmes, citant l'exemple du rapport de Cyrille Pellevat sur les modes d'accueil des jeunes enfants.

À la demande de ses interlocutrices, elle a commenté le support juridique de l'existence des deux délégations parlementaires aux droits des femmes (une loi de 1999 ayant modifié l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), gage de la pérennité de celles-ci.

Elle a plus particulièrement développé le contenu du rapport d'information publié par la délégation à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé (dont elle était co-rapporteure avec Annick Billon), à la fois base d'amendements déposés à titre individuel par les membres de la délégation, élément de contrôle de l'application la législation relative à l'IVG et lanceur d'alerte, notamment sur l'insuffisante prise en compte des risques cardio-vasculaires pour les femmes.

Avec Chantal Jouanno, présidente, l'échange a concerné les problèmes des violences au sein des couples.

Les élues de Polynésie ont exprimé une forte attente en matière de défense des droits des femmes et ont formé le voeu que les relations entre le Sénat et l'Assemblée de la Polynésie française puissent s'étendre à cette problématique.

Françoise Laborde et Chantal Jouanno ont pour leur part émis le souhait que, à l'avenir, la délégation aux droits des femmes investisse les problématiques ultra-marines en lien avec la délégation sénatoriale aux outre-mer.

d) Entretiens divers en lien avec l'activité de la délégation
(1) Rencontre avec des représentantes du Mouvement HF pour l'égalité femmes hommes dans les arts et la culture (3 novembre 2015)

Chantal Jouanno a reçu, le 3 novembre 2015, des représentantes du Mouvement HF pour l'égalité femmes hommes dans les arts et la culture , sur la prise en compte de l'égalité dans l'attribution de financements publics à la création artistique. Cette réunion, comme cela a été précisé plus haut, avait été organisée dans la perspective de la discussion au Sénat du projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine (loi « CAP »).

Cet entretien a très largement confirmé les constats et recommandations exposés par un précédent rapport de la délégation : La place des femmes dans l'art et la culture : le temps est venu de passer aux actes 69 ( * ) .

Les représentantes du mouvement HF ont insisté sur la très faible visibilité des créatrices, quelque dix ans après le premier rapport de Reine Prat (2006) sur la question. Les faibles progrès observés ces dernières années n'infléchissent pas le diagnostic effectué à l'époque : le nombre de femmes investies de responsabilités dans le domaine de la culture ne serait pas supérieur à celui que l'on observe dans les armées. Par exemple, on est passé de 22 % de femmes metteures en scène en 2006 à 26 % en 2015.

Elles ont observé que, depuis le départ de Muriel Mayette de la Comédie-Française, en juillet 2014, aucune femme ne dirigeait plus de théâtre national. Elles ont également relevé que la saison 2015-2016 de l'Opéra de Paris ne faisait apparaître aucune femme metteure en scène.

À bien des égards, le diagnostic qu'elles ont présenté de l'évolution des carrières des créatrices rejoint le constat opéré dans bien des professions : beaucoup de femmes en début de carrière, puis une certaine « évaporation » au bout de 10 à 15 ans.

Elles ont rappelé cette phrase de Simone Signoret, très éclairante de la difficulté pour les actrices de faire carrière dans la durée, dans un métier où il est plus facile pour les hommes de vieillir : « Montand mûrit, moi je vieillis . »

Aujourd'hui, la discrimination à l'égard des créatrices et des auteures se manifeste, selon les représentantes du mouvement HF, par :

- un accès limité aux moyens de production (on relève encore, selon elles, une différence de 40 % entre les moyens attribués aux femmes et aux hommes) : en général, les femmes, à talent égal, montent des spectacles à plus petit budget que les hommes ; les représentantes du mouvement HF ont par ailleurs estimé que les femmes étaient nommées à la tête d'établissements culturels dont le budget est moins important que ceux qui sont dirigés par des hommes) ;

- une moindre place dans les programmations , attestée par la brochure SACD Où sont les femmes ? 2015/16 ;

- un accès inférieur aux postes à responsabilités dans les administrations culturelles.

Ces trois facteurs conduisent à une moindre visibilité des femmes, avec des conséquences sur leur reconnaissance médiatique, insuffisante pour asseoir leur légitimité, ce qui contribue à pérenniser ce phénomène d'exclusion relative. Les représentantes du mouvement HF ont à cet égard estimé que les moyens de production attribuée aux créateurs étaient souvent confondus avec le talent : le moindre accès des femmes à des moyens de production importants a donc, dans cet esprit, des conséquences sur leur réputation en termes de professionnalisme et de talent.

Selon les représentantes du mouvement HF, une « volonté politique » forte est nécessaire pour promouvoir une femme en matière de spectacle vivant, surtout lorsqu'interviennent des financements croisés avec des collectivités territoriales. Il est alors rare, selon elles, qu'un nom de femme suscite un consensus entre les décideurs.

Les représentantes du mouvement HF ont suggéré, dans une logique plus coercitive qu'incitative :

- d'imposer des obligations de résultat en termes de programmation dans les cahiers des charges des structures labellisées (contraindre les directeurs de lieux labellisés à une programmation équilibrée entre hommes et femmes) ;

- de sanctionner le non-respect de cette obligation par une modulation des financements, selon le principe de l'« éga-conditionnalité » ;

- de garantir une répartition équilibrée des moyens de production entre les hommes et les femmes ;

- de sanctuariser le principe de short-list paritaires dans les processus de nomination (malgré les limites de cette procédure, dont elles ont relevé qu'elle ne se traduisait pas nécessairement par la sélection de femmes, à qui il pouvait être demandé de se prêter à cet exercice comme un « service rendu ») et de tendre vers des nominations équilibrées de femmes et d'hommes à la tête des établissements de production et de diffusion ;

- de rendre obligatoire la parité dans les jurys de sélection des artistes et des directeurs (experts DRAC notamment) ;

- de concrétiser la notion de « matrimoine » par une valorisation équilibrée des oeuvres de femmes et d'hommes dans le domaine public.

Sur ce dernier point, les représentantes du mouvement HF ont fait remarquer que le terme de « matrimoine » existait au Moyen-Âge pour désigner la transmission de biens par la mère et qu'il était souhaitable de trouver un terme plus neutre que celui de patrimoine . Elles ont estimé à cet égard préférable de se référer à la notion d'« héritage culturel » plutôt qu'à celle de patrimoine.

Elles ont remarqué l'intérêt de la promotion des femmes dans la programmation des grandes expositions , qui semble selon elles de nature à attirer de nombreux visiteurs et des touristes étrangers. Le succès de l'exposition Vigée-Le Brun au Grand Palais 70 ( * ) pourrait confirmer ce point.

Les représentantes du mouvement HF ont ainsi regretté que, dans la présentation officielle faite par le ministère de la Culture des commémorations prévues en 2016 , seuls trois noms de femmes soient cités sur les 26 noms mentionnés par le communiqué de presse, sans rapport selon elles avec la proportion réelle de femmes dans le programme complet des commémorations.

Elles ont également souligné l'importance de la féminisation des différentes fonctions de la création (metteure en scène, cheffe d'orchestre, plasticienne...) dans une logique de lutte contre les stéréotypes et pour permettre aux jeunes filles de se projeter dans une carrière artistique.

Dans le même esprit, elles ont jugé indispensable d'inscrire davantage d'oeuvres de femmes aux programmes des grands concours d'enseignement comme le CAPES et l'agrégation, au programme du bac (notamment de l'option théâtre) et dans les répertoires de l'enseignement supérieur artistique.

(2) Rencontre avec le collectif Georgette Sand sur la question de la TVA sur les protections périodiques (18 novembre 2015)

Le 18 novembre 2015 a eu lieu un échange de vues entre Chantal Jouanno , Corinne Bouchoux et le collectif Georgette Sand sur le taux de TVA applicable aux protections périodiques, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. La revendication portée par ce mouvement était d'étendre le taux réduit de TVA à ces produits, qu'il faut selon le collectif Georgette Sand considérer comme des produits de première nécessité.

À la suite de cette réunion, des amendements sur ce qui a été appelé par raccourci la « taxe tampon » ont été déposés avec succès, et dans des termes sensiblement comparables, par des membres des groupes RDSE, UC-UDI, socialiste et LR ainsi que par les groupes Écologiste et CRC.

Au total, la quasi-totalité des membres de la délégation aux droits des femmes ont porté ces amendements.

En conséquence de ces initiatives conjointes, l'article 278-0 bis du code général des impôts a intégré les protections périodiques féminines parmi les produits auxquels s'applique le taux réduit de TVA (5,5 %).

(3) Les inégalités de traitement entre les femmes et les hommes dans la fonction publique : entretien avec Françoise Descamp-Crosnier, parlementaire en mission (20 octobre 2016)

Le 20 octobre 2016, Chantal Jouanno , présidente, a rencontré Françoise Descamp-Crosnier , députée des Yvelines, chargée par le Premier ministre d'une mission « visant à identifier les éventuelles discriminations existantes dans le système de rémunération et de promotion de la fonction publique conduisant à des écarts de traitement et de pensions entre les femmes et les hommes ».

Chantal Jouanno et Françoise Descamp-Crosnier ont évoqué les conséquences, sur le déroulement de carrière des femmes, du « présentéisme », des réunions souvent tardives qui persistent dans certaines administrations ainsi que les difficultés liées aux mobilités géographiques. Elles ont commenté la récente nomination, par le ministère des Affaires étrangères, de couples d'ambassadeurs.

Chantal Jouanno a considéré les quotas comme une condition nécessaire de l'accès des femmes aux responsabilités, qui ne pouvait selon elle pas progresser de manière spontanée.

Le rapport de Françoise Descamp-Crosnier, intitulé La force de l'égalité - Les inégalités de rémunération et de parcours professionnels entre femmes et hommes dans la fonction publique 71 ( * ) a été remis au Premier ministre le 8 mars 2017, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, en présence d'Annick Girardin, ministre de la Fonction publique et de Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l'enfance et des droits des femmes 72 ( * ) .

(4) Les violences intrafamiliales : entretien avec Édouard Durand et Ernestine Ronai (17 janvier 2017)

Le 17 janvier 2017 a eu lieu un échange de vues entre Chantal Jouanno, présidente, Édouard Durand 73 ( * ) , magistrat, membre du Haut Conseil à l'Égalité, et Ernestine Ronai , alors responsable de l'Observatoire départemental de Seine-Saint-Denis des violences envers les femmes et coordinatrice nationale au sein de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences (MIPROF), sur les violences intrafamiliales.

Ernestine Ronai a souhaité, dans la perspective de la législature à venir, faire le point sur les avancées réalisées en matière de lutte contre les violences faites aux femmes au cours des dernières années.

Elle a souligné la nécessité de mener à intervalles réguliers des évaluations de l'application des lois votées dans ce domaine. Elle a rappelé que selon les derniers chiffres de l'enquête VIRAGE, 580 000 personnes seraient victimes de violences sexuelles, parmi lesquels 120 000 femmes victimes de viols et de tentatives de viols (contre 2 400 hommes).

Édouard Durand a relevé les « angles morts » qui demeurent selon lui dans notre législation malgré les avancées permises par les lois de 2010 74 ( * ) et 2014 75 ( * ) . Il a jugé souhaitable d'assurer la cohérence entre notre législation en droit de la famille et le souci de la protection des victimes, estimant que la notion de co-parentalité, qui sous-tend notre droit de la famille, n'est pas adaptée aux cas de violences conjugales. Il a insisté, dans ces circonstances, sur la nécessité de proscrire absolument la médiation familiale. Il a souligné qu'un mari violent ne pouvait pas être un bon père, rejoignant les interrogations exprimées par la délégation dans son rapport d'information 2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales 76 ( * ) . Édouard Durand a fait observer que la résidence alternée, inspirée par l'importance attachée à la co-parentalité, pouvait être en contradiction avec la nécessaire protection des victimes de violences intrafamiliales.

Dans cette logique, Édouard Durand et Ernestine Ronai ont exprimé des doutes sur l'adaptation de la procédure de divorce par consentement mutuel, modifiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle, aux cas de violence intrafamiliale.

Pour Ernestine Ronai, l'un des enjeux, en matière de lutte contre les violences, reste la formation des magistrats et des professionnels de la justice en général. Elle a décrit à cette occasion les kits développés à ce jour par la MIPROF pour sensibiliser les médecins, les avocats, les sages-femmes et les magistrats. Elle a aussi évoqué deux kits en préparation sur les mutilations sexuelles féminines et les mariages forcés.

L'entretien a ensuite porté sur l'ordonnance de protection : Ernestine Ronai a commenté la montée en puissance progressive de cet outil, qui selon elle fonctionne de manière satisfaisante en Seine-Saint-Denis, car il existe un pilotage bien organisé entre les différents partenaires. Le département a également choisi de réaliser la convocation par voie d'huissier pour accélérer la procédure, même si la loi mentionne seulement une « convocation par tout moyen dans les meilleurs délais » : il s'agit là selon elle d'un point d'amélioration, car on perd beaucoup de temps quand la convocation passe par une lettre recommandée avec accusé de réception.

En ce qui concerne le téléphone grave danger (TGD), Ernestine Ronai a estimé qu'il faudrait pouvoir disposer d'une centaine de boitiers supplémentaires d'ici un an, en dépit de difficultés budgétaires prévisibles liées au coût du dispositif. Elle s'est étonnée à cet égard que les crédits dédiés aux TGD soient imputés sur le budget du ministère des Droits des femmes plutôt que sur celui de la Justice, compte tenu du coût de ce matériel, qui s'élève à 900 000 euros sur un budget qui se limite à 29  millions d'euros.

Concernant la mesure d'accompagnement protégé (MAP), Ernestine Ronai a relevé que cette procédure, qui a fait ses preuves en Seine-Saint-Denis et qui présente l'avantage d'être rassurante pour l'enfant, pourrait s'étendre à Paris. Elle a indiqué que le département créerait au mois de mars un « espace de rencontre protégé » (lorsque l'adresse d'un conjoint doit demeurer cachée), qui s'inspire de ce qui existe pour les enfants victimes de maltraitance. Ce nouvel outil, a-t-elle fait observer, est prévu par le cinquième plan violences.

Elle a fait valoir que le protocole « féminicide » (cas de l'assassinat de la mère par le père : ce protocole prévoit l'hospitalisation de l'enfant pendant une semaine, délai permettant d'organiser l'accueil de l'enfant), qui n'existe lui aussi qu'en Seine-Saint-Denis, pourrait être étendu à Paris. Ernestine Ronai a souligné l'importance cruciale des soins en psycho-trauma pour ces enfants dont l'un des parents a été tué par l'autre.

Elle a ensuite évoqué deux chantiers en cours :

- permettre aux femmes victimes d'un viol de se rendre aux unités médico-judiciaires (UMJ) sans réquisition, avant le dépôt de plainte, de façon à pouvoir conserver les preuves sous scellés pour le jour où elles déposeraient plainte. Ernestine Ronai a par ailleurs fait observer qu'à Bordeaux, où c'est le cas, on a pu constater une hausse significative des dépôts de plainte (de 10 % à 30 %). Souvent en effet, les femmes craignent de ne pas être crues : or le fait de disposer de preuves est susceptible de les encourager à porter plainte. Elle a rappelé qu'en France, 9 UMJ travaillent déjà sans réquisition préalable ;

- développer les soins en psycho-trauma pour les victimes de violences sexuelles (proposition dont elle ne méconnaît pas les coûts), soins dont on a pu constater l'intérêt dans le cadre des attentats terroristes.

Ernestine Ronai a également suggéré d'élargir les circonstances aggravantes aux cas de violences commises par un homme sur une femme « non cohabitante », terme qui permettrait de prendre en compte la situation des jeunes filles maltraitées par leur « petit ami », phénomène dont elle a constaté l'importance croissante.

2. Rencontre avec la commission sur l'égalité et la non-discrimination de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (9 septembre 2016)

La commission sur l'égalité et la non-discrimination de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe 77 ( * ) traite des questions d'égalité et de non-discrimination dans tous les domaines : sexe, orientation sexuelle, identité de genre, race, couleur, langue, religion, opinions politiques et autres convictions, origine nationale, sociale ou ethnique, appartenance à une minorité nationale, patrimoine, naissance, âge, handicap ou toute autre condition.

Au cours de cette réunion, le 9 septembre 2016, les thèmes suivants étaient inscrits à l'ordre du jour :


• les mutilations génitales féminines ;


• la cyber discrimination et les propos haineux en ligne ;


• les femmes dans l'espace public  (violences sexuelles et harcèlement de rue) ;


• les droits des femmes dans l'économie.

La délégation aux droits des femmes y était représentée par Brigitte Gonthier-Maurin ; Maryvonne Blondin a participé à cette réunion en tant que membre de l'APCE.

Un échange de vues très animé a eu lieu au cours de cette réunion sur les incidents survenus au cours de l'été 2016, en lien avec l'expansion de maillots de bain dits « pudiques » (« burkini »), sur les arrêtés municipaux ayant, en France, réglementé cette tenue vestimentaire et sur l'avis du Conseil d'État du 26 août 2016 ayant conclu que ce type d'interdiction portait « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales » 78 ( * ) .

3. EXAMEN EN DÉLÉGATION

La délégation a examiné, le jeudi 20 juillet 2017, le rapport d'activité 2014-2017 présenté par Mme Chantal Jouanno, présidente.

À l'issue de cette présentation, la délégation a adopté le présent rapport à l'unanimité.


* 67 Le viol, l'anomalie foetale et le danger pour la santé de la mère (non immédiat) ne permettent pas de recourir à une IVG.

* 68 Un compte rendu de cet entretien a été reproduit dans le rapport La laïcité garantit-elle les droits des femmes ? (n° 101, 2016-2017).

* 69 N° 704 (2012-2013).

* 70 Cette exposition a eu lieu de septembre 2015 à janvier 2016.

* 71 https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/publications/rapports-missionnes/Rapport-La-force-de-l-egalite.pdf

* 72 http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2017/03/08.03.2017_communique_de_presse_de_m._bernard_cazeneuve_premier_ministre_-_remise_du_rapport_de_mme_francoise_descamps-crosnier_deputee_des_yvelines.pdf

* 73 Édouard Durand avait par ailleurs été auditionné le 17 novembre 2016.

* 74 Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

* 75 Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

* 76 https://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-425-notice.html (N° 425, 2015-2016).

* 77 Présidée par Elena Centemero (Italie - PPE/DC), la commission sur l'égalité et la non-discrimination de l'APCE comprend 81 membres issus des parlements nationaux des 47 États membres du Conseil de l'Europe , organisation internationale qui, depuis 1949, a pour champ de compétences les droits de l'Homme, la démocratie et l'État de droit, et dont le siège est à Strasbourg.

* 78 Le rapport précité La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ? (N° 101, 2016-2017) a largement commenté les dimensions juridiques des incidents liés au burkini .

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