E. LA PARTICIPATION DE LA DÉLÉGATION AUX TRAVAUX LÉGISLATIFS

On distinguera ci-après les cas où la délégation intervient dans les travaux législatif sur la base de rapports d'information établis après saisine de la commission compétente de ceux où ses membres, à titre personnel, prennent part aux débats législatifs sans que les travaux de la délégation aient préalablement pris la forme de rapports d'information.

1. Travaux de la délégation sur saisine de la commission compétente

L'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 dispose, dans son paragraphe III : « En outre, les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par :

- le bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ;

- une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation » .

Sur la base de cette procédure, la délégation doit travailler suffisamment en amont pour être en mesure de présenter son rapport lors de la première réunion de la commission saisie au fond , ce qui suppose qu'elle ait procédé très en avance aux auditions nécessaires et à la rédaction de leur compte rendu et qu'elle ait pu réunir la délégation assez tôt pour que le rapport d'information et ses recommandations aient été adoptés avant la date de la réunion de la commission permanente compétente.

L'avantage de cette formule est toutefois, malgré des contraintes considérables, qu'elle favorise la visibilité de la délégation dans l'hémicycle du Sénat car elle donne à ses rapporteur-e-s la possibilité d'intervenir en séance publique, dans le cadre de la discussion générale en première lecture . Il faut cependant noter que, conformément aux usages, la délégation est absente des discussions générales lors des lectures ultérieures 45 ( * ) .

En revanche, comme cela a été mentionné plus haut, la saisine de la délégation ne permet pas à celle-ci de déposer d'amendements à titre collectif, contrairement aux commissions permanentes, conformément aux articles 43 46 ( * ) et 44 47 ( * ) de la Constitution.

Ses membres peuvent néanmoins, à titre individuel mais pas au nom de la délégation, prendre des initiatives législatives (amendements, propositions de loi) . Celles-ci sont susceptibles de traduire des recommandations dont la délégation assortit parfois la conclusion de ses rapports d'information. Elles peuvent aussi refléter des positions de la délégation qui ne prennent pas nécessairement, compte tenu des contraintes du calendrier législatif, la forme de rapports d'information.

a) Proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Le 5 juin 2014, au cours de la période précédente, la délégation avait adopté le rapport d'information intitulé Prostitution : la plus vieille violence du monde faite aux femmes 48 ( * ) , présenté par Brigitte Gonthier-Maurin, alors présidente.

Ce rapport faisait suite à la saisine de la délégation par la commission spéciale sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel (n° 207, 2013-2014) et reposait sur le constat suivant :

- que la prostitution est avant tout une violence qui s'exerce principalement contre les femmes, mais dont des enfants sont aussi des victimes ;

- qu'elle ne saurait en aucun cas être considérée comme une activité professionnelle ;

- qu'il est inacceptable de la justifier par la liberté sexuelle et qu'aucune liberté ne saurait passer par la marchandisation d'un corps ;

- et qu'elle est la manifestation la plus inacceptable de l'inégalité entre les hommes et les femmes, car elle repose sur l'idée que les hommes auraient le droit de disposer du corps des femmes pour satisfaire des pulsions sexuelles considérées à la fois comme licites et irrépressibles.

Dans ce rapport, la délégation s'était plus particulièrement intéressée à la psychologie des acheteurs d'actes sexuels, aux conséquences de la prostitution sur les relations entre hommes et femmes et à la possibilité de prévenir le développement de ce phénomène porteur de violences par l'éducation à l'égalité dans le cadre scolaire, dès le plus jeune âge.

Dans cet esprit, elle avait formulé onze recommandations :

- pour que soient adoptées les dispositions de la proposition de loi concernant la pénalisation de l'achat d'actes sexuels et l'abrogation du délit de racolage ;

- pour que des moyens suffisants soient consacrés au parcours de sortie de la prostitution et que les associations qui y participeront soient accompagnées et formées ;

- pour rendre effective et obligatoire l'organisation des modules d'éducation à la sexualité et de formation à l'égalité prévues par le code de l'éducation, pour intégrer l'éducation à l'égalité entre hommes et femmes dans tous les programmes d'enseignement et pour généraliser les ABCD de l'égalité, de sorte que l'école soit le lieu de la transmission des valeurs d'égalité entre garçons et filles, entre hommes et femmes.

Lors de l'examen du texte en première lecture en séance publique, le 30 mars 2015 , Chantal Jouanno, présidente, a soutenu ces principes et présenté quatre amendements, parmi lesquels a été adopté celui autorisant l'autorité administrative à demander aux fournisseurs d'accès le blocage des sites qui auraient été identifiés comme permettant aux réseaux de traite et de proxénétisme d'organiser leur activité sur notre territoire.

Modifié par le Sénat le 30 mars 2015, le texte a été adopté à l'Assemblée nationale le 12 juin 2015 et transmis le même jour au Sénat où il a été examiné en deuxième lecture le 14 octobre 2015 49 ( * ) . Il est devenu la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016.

b) La loi de modernisation de notre système de santé : « Femmes et santé, les enjeux d'aujourd'hui »

La délégation aux droits des femmes a été saisie le 10 décembre 2014 par Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, du projet de loi relatif à la santé et a désigné comme co-rapporteures Annick Billon (UDI-UC) et Françoise Laborde (RDSE).

La délégation a souhaité travailler sur le thème de la santé des femmes sans limiter le champ de ses réflexions aux dispositions du projet de loi concernant spécifiquement ce sujet (contraception d'urgence et nouvelles compétences reconnues aux sages-femmes, notamment en matière d'IVG médicamenteuse et de vaccination) 50 ( * ) .

C'est pourquoi elle a entendu :

- la professeure Agnès Buzyn , présidente de l'Institut national du cancer (INCa) ;

- Véronique Séhier , co-présidente, et Caroline Rebhi , responsable de la commission « Éducation à la sexualité », du Mouvement français pour le Planning familial (MFPF) ; Marie-Josée Keller , présidente, et Anne-Marie Curat , trésorière, du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes (CNOSF) ; Maya Surduts , secrétaire générale de la Coordination des associations pour le droit à l'avortement et la contraception (CADAC) ; le docteur Philippe Faucher , gynécologue obstétricien à la maternité des Bluets-Trousseau, secrétaire général du réseau REVHO (Réseau entre la ville et l'hôpital pour l'orthogénie) ; le docteur Philippe Lefebvre , gynécologue, chef du service d'orthogénie et du pôle femme-mère-enfant du Centre hospitalier de Roubaix, et le docteur Jean-Claude Magnier , gynécologue, membre du conseil d'administration de l'Association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception (ANCIC), dans le cadre d'une table ronde consacrée à l'interruption volontaire de grossesse et aux méthodes de contraception ;

- la professeure Karine Clément , directrice de l'Institut de cardio-métabolisme et nutrition (ICAN) ;

- le professeur Bertrand Dautzenberg , pneumologue et tabacologue, chef du service de pneumologie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière ;

- le docteur Bernard Guillon , gynécologue-obstétricien, président fondateur de l'Association pour le développement de la santé des femmes (ADSF).

Par ailleurs, Annick Billon et Françoise Laborde, co-rapporteures, ont entendu la professeure Nathalie Chabbert-Buffet , gynécologue obstétricienne, spécialiste en médecine de la reproduction à l'hôpital Tenon et André Cicolella , toxicologue, président du Réseau Environnement Santé (RES).

Les auditions auxquelles la délégation a procédé ont attiré son attention, entre autres causes de fragilité, sur une prise de conscience insuffisante de la vulnérabilité des femmes, même jeunes, aux maladies cardiovasculaires , sur les dangers croissants imputables à un tabagisme féminin en augmentation , sur la nécessité de prendre davantage en compte la menace liée au VIH et aux infections sexuellement transmissibles (IST) et sur l'importance d'une meilleure information sur les risques environnementaux.

Les professionnels et responsables associatifs que la délégation aux droits des femmes a entendus sur l'interruption volontaire de grossesse ont par ailleurs confirmé les difficultés sur lesquelles elle avait déjà été alertée s'agissant de l'accès à l'IVG. Ce constat justifie, selon la délégation, la mise en oeuvre de mesures pour garantir l'exercice de ce droit à toutes les femmes ayant pris la décision d'interrompre une grossesse, parmi lesquelles l'extension de la pratique des IVG instrumentales aux centres de santé, la mise en place de plans régionaux pour l'accès à l'IVG, la revalorisation du statut des praticiens exerçant dans les centres d'IVG, la réduction des délais d'attente avant une interruption de grossesse et l'amélioration de la prise en charge des actes liés à l'IVG pour les mineures.

Au terme de ses travaux, la délégation aux droits des femmes a formulé 28 recommandations pour une approche de la santé qui prenne mieux en compte les spécificités féminines et pour une consolidation des acquis en matière de santé sexuelle et reproductive.

Ces conclusions ont été entendues par la commission des affaires sociales le mercredi 22 juillet 2015. Elles ont été exposées par les deux co-rapporteures au cours de la discussion générale en séance publique, le 14 septembre 2015 .

Un amendement soutenu par la délégation a été adopté par le Sénat et a été retenu dans le texte définitif de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 (voir infra ).

c) IVG et délit d'entrave par voie numérique51 ( * )

Saisie le 1 er décembre 2016 par Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, la délégation a dû, pour des raisons liées au calendrier très contraint d'examen de cette proposition de loi, se réunir avant la transmission du texte adopté par l'Assemblée nationale.

Si elle s'est interrogée sur le vecteur législatif de la mesure présentée par la proposition de loi, la finalité de celle-ci a toutefois fait l'objet d'un consensus . Les membres de la délégation ont ainsi constaté le caractère trompeur de certains sites Internet qui, sous l'apparence de sites officiels, délivrent des informations exclusivement négatives sur l'IVG.

Au terme de ses débats, la délégation a décidé de recommander au Gouvernement :

- de faire en sorte que les sites d'information sur l'IVG affichent clairement leurs intentions , par exemple en faisant apparaître de manière distincte, sur toutes leurs pages, un message qui pourrait être ainsi rédigé : « Ce site a pour finalité de proposer aux femmes une autre solution que celle de mettre fin à leur grossesse » ;

- de poursuivre les efforts entrepris pour assurer, en matière d'accès à l'information sur l'IVG, un bon référencement des sites officiels sur Internet et pour que ces sites apparaissent à l'écran avant les sites dispensant des informations orientées sous couvert d'une apparence neutre, de sorte que les femmes souhaitant s'informer sur l'IVG puissent accéder directement aux sites officiels.

Le 6 décembre 2016 , Chantal Jouanno a exposé les conclusions de la délégation à la commission des affaires sociales . Elle est ensuite intervenue le 7 décembre, au cours de la discussion générale, en première lecture, de la proposition de loi qui est devenue la loi n° 2017-347 du 20 mars 2017 relative à l'extension du délit d'entrave à l'IVG.

2. Des travaux législatifs hors saisine de la commission compétente

Pour des raisons liées aux contraintes du calendrier législatif, la délégation a pris le parti, dans certains cas, de travailler sur des textes législatifs ayant des conséquences sur les droits des femmes sans solliciter la saisine de la commission permanente. Elle s'est alors appuyée principalement sur une audition technique. Cette formule a permis aux sénateurs et sénatrices qui le souhaitaient de travailler à des projets d'amendements qu'ils ont déposés à titre personnel. Mais elle n'a donné lieu ni à la parution d'un rapport d'information de la délégation, ni à une prise de parole de la délégation en séance publique.

a) Le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi

Le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi offre un exemple éclairant du recours à cette méthode.

Une disposition précise de ce projet de loi 52 ( * ) , déposé par François Rebsamen à l'Assemblée nationale le 22 avril 2015 et examiné selon la procédure accélérée, avait lors du dépôt de ce texte suscité une opposition très médiatisée : il s'agissait de l'article 14 qui, dans la version initiale du projet, supprimait des dispositions qui avaient été ajoutées à l'article L. 2242-2 du code du travail par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour permettre une analyse de situation comparée dans l'entreprise.

Après l'examen en première lecture le 2 juin 2015 par l'Assemblée nationale, la délégation a donc souhaité auditionner, le 4 juin 2015, Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), pour examiner les incidences, en matière d'égalité entre femmes et hommes, du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi, dans la perspective de son examen par le Sénat.

À cette occasion, Brigitte Grésy a rappelé que le CSEP avait été saisi sur certains articles du projet de loi : l'article 5 relatif à la parité, l'article 13 relatif à la base de données uniques (BDU) et à la consultation du comité d'entreprise en matière d'égalité professionnelle et l'article 14 relatif à la négociation sur ce sujet. Elle a évoqué le rapport présenté le 6 mars 2015 à la ministre en charge du Droit des femmes sur le sexisme dans le monde du travail, rapport qui avait été l'occasion de formuler 35 recommandations dans ce domaine.

Des membres de la délégation ont, lors de la discussion de ce texte, pris l'initiative de codifier la notion d'agissement sexiste dans la partie du code du travail consacré à l'égalité professionnelle. Cet amendement a été adopté par le Sénat le 22 juin 2015 ( voir infra ).

b) Le projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine

En amont de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, des représentantes de l'association HF ont été reçues, le 3 novembre 2015, par la présidente de la délégation, entretien auquel avaient été conviés tous les membres de la délégation 53 ( * ) .

Rappelons que le mouvement HF a été créé à la suite de la publication, en 2006, du rapport de Reine Prat Pour l'égal accès des hommes et des femmes aux postes de responsabilités, aux lieux de décision, à la maîtrise de la représentation dans le secteur du spectacle vivant.

Selon son site Internet, « le Mouvement HF réclame l'égalité réelle entre femmes et hommes aux postes de responsabilité, dans l'attribution des subventions, dans les programmations, dans les instances de décisions et de nominations. Pour atteindre cet objectif, il se fixe trois missions :

- le repérage des inégalités de droits et de pratiques entre les hommes et les femmes dans les milieux de l'art et de la culture, toutes fonctions confondues (artistiques, administratives et techniques) ;

- l'éveil des consciences par la sensibilisation des professionnels, des responsables institutionnels, des élus et de l'opinion publique ;

- l'orientation des politiques vers des mesures concrètes » 54 ( * ) .

Cette réunion, qui a été l'occasion de présenter les inégalités entre hommes et femmes dans le domaine de la culture, a permis d'actualiser l'information de la délégation sur le sujet traité au cours d'une session précédente par le rapport La place des femmes dans l'art et la culture : le temps est venu de passer aux actes 55 ( * ) , présenté par Brigitte Gonthier-Maurin, alors présidente, au nom de la délégation.

Le compte rendu de l'entretien du 3 novembre 2015 a ainsi été adressé à tous les membres de la délégation pour leur permettre de faire le point sur la présence des femmes dans les différents secteurs de l'activité culturelle (postes de direction des établissements de spectacle vivant et des entreprises culturelles, administration du ministère, médias, programmation artistique, prix divers, accès aux moyens de production, etc.) ainsi que sur les écarts de revenus qui semblent persister entre hommes et femmes dans ce domaine.

Le texte de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 a préservé les apports de l'Assemblée nationale en première lecture (mention de l'égalité femmes-hommes dans le domaine de la création artistique à l'article 3 de la loi et, à l'article 5, principe de nominations paritaires dans les structures dites labellisées).

3. Les exemples les plus significatifs des prises de position de la délégation ayant eu des traductions législatives

Les développements ci-après commentent les initiatives les plus marquantes de la délégation :

- les initiatives ayant abouti (interdiction de l'« agissement sexiste » et protection des salariées engagées dans un parcours de PMA) ;

- celles qui restent à inscrire à l'ordre du jour ou à proposer au Sénat dans le cadre d'un vecteur législatif pertinent.

a) L'interdiction de l'agissement sexiste dans le code du travail et dans le statut des fonctionnaires
(1) La loi dite Rebsamen (loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi)

L'introduction dans le code du travail, par l'article 20 de cette loi 56 ( * ) , de l'article L. 1142-2-1 définissant l'agissement sexiste est due à trois initiatives conjointes de membres de la délégation appartenant à des groupes différents.

Il s'est agi d'une véritable innovation, qui permet notamment la sanction de comportements inacceptables tels que le refus de serrer la main d'une femme sur le lieu de travail, de travailler avec une femme ou la récusation de son autorité.

(2) La loi dite « El Khomri » (loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels)

L'introduction dans l'article 6 bis de la loi de 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires de l'interdiction de « tout agissement sexiste » a permis, grâce à deux amendements identiques de membres de la délégation appartenant à des groupes différents 57 ( * ) , d'aligner le statut des fonctionnaires sur le code du travail.

b) L'inscription dans le code du travail du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

À l'initiative de membres de la délégation issu-e-s de groupes différents, l'existence du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a été codifiée par la création, dans le cadre de la discussion en première lecture de la loi dite « El Khomri », d'un nouvel article L. 1145-1 du code du travail ainsi rédigé :

« Art. L. 1145-1 . - Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes participe à la définition et à la mise en oeuvre de la politique menée en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article » 58 ( * ) .

c) La protection des salariées engagées dans un protocole de procréation médicale assistée (PMA)

À l'initiative de la délégation, un article additionnel a été introduit en première lecture au Sénat dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé pour prévoir dans le code du travail un régime d'autorisation d'absence pour les salariées engagées dans un parcours de procréation médicale assistée, dont les contraintes sont à l'origine, pour les femmes concernées, de difficultés parfois considérables à concilier des rendez-vous médicaux souvent très éloignés de leur domicile et leur activité professionnelle. Il est par ailleurs à noter que 23 000 naissances résultent chaque année en France d'une PMA.

Cette disposition 59 ( * ) constitue la traduction législative d'une recommandation du rapport Femmes et santé : les enjeux d'aujourd'hui , présenté par Annick Billon et Françoise Laborde au nom de la délégation 60 ( * ) .

d) Une vigilance à poursuivre : la lutte contre les mariages forcés

À la suite du rapport de la délégation sur les femmes victimes de la traite des êtres humains, plusieurs de ses membres ont déposé, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, devenue la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017, des amendements :

- créant une infraction pénale autonome réprimant les mariages forcés ;

- introduisant l'infraction de mariage forcé dans les cas d'exploitation pris en compte pour retenir l'infraction de traite des êtres humains, à l'article 225-4-1 du code pénal.

Ces amendements n'ont pu être discutés car ils ont été déclarés irrecevables en commission pour défaut de lien avec le texte examiné. La délégation sera vigilante à l'avenir pour tenter de faire aboutir ces conclusions de son rapport.

e) Deux propositions de loi

Ces deux textes tirent les conséquences du rapport La laïcité garantit-elle l'égalité entre femmes-hommes ? de Chantal Jouanno.

(1) La proposition de loi constitutionnelle du 8 mars 2017

Déposée par la présidente de la délégation à titre symbolique le 8 mars 2017, la proposition de loi constitutionnelle a été co-signée par 38 sénateurs et sénatrices (soit 39 signataires), de tous les groupes, dont 12 membres de la délégation 61 ( * ) .

Sa publication a fait l'objet d'un communiqué de presse. Cette initiative a d'ailleurs été favorablement relayée par le journal Le Monde et, entre autres titres, par Le courrier du Parlement et le Huffington post .

Elle se réfère à la phrase prononcée par Jacques Chirac, président de la République, le 17 décembre 2003, après la remise du rapport de la Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité : « Le degré de civilisation d'une société se mesure d'abord à la place qu'y occupent les femmes ».

La proposition de loi constitutionnelle part du principe qu'il n'est plus satisfaisant, aujourd'hui, de se contenter de renvoyer au Préambule de la Constitution de 1946 en matière d'égalité entre femmes et hommes : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».

Cet alinéa du préambule de 1946 semble en effet considérer les droits des femmes comme un rattrapage de droits qui ont été donnés en premier, et de manière naturelle, aux hommes .

Les auteur-e-s de la proposition de loi constitutionnelle ont considéré que l'on pouvait voir dans cette rédaction le reflet d'une logique comparable à celle qui a fait des femmes le « deuxième sexe », alors qu'elles constituent la moitié de l'humanité .

Or ce qui était un indéniable progrès au lendemain de la Seconde guerre mondiale apparaît aujourd'hui comme une formulation perfectible.

La proposition de loi constitutionnelle vise donc à modifier la première phrase du premier alinéa de l'article premier de la Constitution pour qu'elle soit ainsi rédigée :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction de sexe , d'origine, de race ou de religion » .

(2) La proposition de loi du 9 mars 2017 tendant à réaffirmer le principe d'égalité entre femmes et hommes et à renforcer la laïcité

Déposée le 9 mars 2017 et co-signée par trente sénateurs et sénatrices de tous les groupes (dont 8 membres de la délégation), cette proposition de loi tire, elle aussi, les conséquences du rapport « femmes et laïcité » évoqué ci-dessus.

Elle propose deux modifications législatives concernant l'égalité femmes-hommes :

- l' article premier a pour objet de créer un délit autonome d'agissement sexiste , dans la logique des précédentes initiatives législatives de la délégation qui ont permis d'insérer l'interdiction de l'agissement sexiste dans le code du travail et le statut des fonctionnaires ;

- l' article 2 vise à combler une lacune de notre droit en intégrant, dans l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison du sexe aux motifs permettant la dissolution, par décret en conseil des ministres, des associations ou groupements de fait.

Deux autres dispositions visent à renforcer le principe de laïcité :

- l'article 3 propose de modifier la loi de 1983 portant statut des fonctionnaires pour étendre l'obligation de neutralité à deux catégories : les élèves fonctionnaires et les candidats aux concours de la fonction publique, pendant les épreuves de recrutement, tant écrites qu'orales ;

- l'article 4 a pour objet de modifier la charte de l'élu local définie à l'article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales pour y inscrire le principe de laïcité et pour inviter les élu-e-s à respecter le principe de neutralité en s'abstenant, dans le cadre de leur mandat, de porter des signes ou tenues susceptibles de constituer une manifestation d'appartenance religieuse.

4. La contribution de la délégation à la résolution du Sénat sur le climat

En conclusion de son rapport L'égalité entre hommes et femmes pour la justice climatique, la délégation a adopté, ainsi qu'elle y avait été invitée, une contribution à la résolution du Sénat, en application de l'article 34-1 de la Constitution , visant à affirmer le rôle déterminant des territoires pour la réussite d'un accord mondial ambitieux sur le climat.

Cette contribution 62 ( * ) a consisté en un exposé des motifs de sept paragraphes, en deux considérants et en une phrase de résolution ainsi rédigée : « La délégation [...] forme le souhait que l'égalité entre hommes et femmes soit reconnue comme une dimension fondamentale de l'accord de Paris et de l'agenda des solutions qui sera élaboré au cours de la COP 21 ».

Les constats et les demandes de la délégation ont été repris par la résolution finalement adoptée par le Sénat le 16 novembre 2015.


* 45 Pour prendre la parole en discussion générale à partir de la deuxième lecture, sa présidente ou ses rapporteur-e-s interviennent au titre du temps de parole de leurs groupes respectifs.

* 46 « Les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l'une des commissions permanentes [...] ».

* 47 « Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement. Ce droit s'exerce en séance ou en commission [...] ».

* 48 Rapport d'information n° 590 (2013-2014) de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 5 juin 2014.

* 49 Conformément à la pratique, Chantal Jouanno est intervenue au cours de la discussion générale en deuxième lecture, le 14 octobre 2015, mais sans qu'il soit fait référence à sa qualité de présidente de la délégation.

* 50 Femmes et santé : les enjeux d'aujourd'hui , rapport d'information (n° 592, 2014-2015) fait, au nom de la délégation aux droits des femmes, par Annick Billon et Françoise Laborde, sur les dispositions du projet de loi n° 406 (2014-2015) de modernisation de notre système de santé.

* 51 Rapport d'information de Chantal Jouanno, présidente (n° 172, 2016-2017).

* 52 Projet de loi n° 2739 de M. François Rebsamen, ministre du Travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, déposé à l'Assemblée Nationale le 22 avril 2015.

* 53 Ont été entendues à cette occasion Aline César (HF Ile de France), Valérie Fernandez (HF Picardie) et Gloria Paris (HF Syndeac).

* 54 http://www.mouvement-hf.org/

* 55 N° 704 (2012-2013).

* 56 Insertion dans le projet de loi d'un article 14 bis en première lecture au Sénat.

* 57 Insertion dans le projet de loi d'un article premier sexies , devenu l'article 7 de la loi définitive.

* 58 Cette initiative résulte de l'article 9 bis du projet de loi, devenu l'article 19 de la loi définitive.

* 59 Le nouvel article 20 ter du projet de loi est devenu l'article 87 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 60 N° 592 (2014-2015).

* 61 4 LR, 2 RDSE, deux UDI-UC, 1 Socialiste, 2 CRC et 1 Écologiste.

* 62 Cette contribution s'est ajoutée aux neuf recommandations de la délégation pour accroître la place des femmes et des filles dans l'aide au développement et pour prendre en compte l'égalité entre femmes et hommes dans la lutte contre les changements climatiques et dans le cadre de la COP 21.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page