AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, le Sénat a examiné un amendement présenté par notre collègue Pascale Gruny et plusieurs de ses collègues tendant à ce que « Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 30 juin 2016, un rapport visant à évaluer le dispositif législatif et réglementaire applicable en matière de travail dissimulé, à simplifier le système des sanctions et à améliorer le caractère contradictoire des procédures de contrôle et de redressement ».

Donnant l'avis de la commission, le rapporteur général a suggéré que ce sujet fasse l'objet, plutôt que d'un rapport au Parlement, d'une série d'auditions dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), ce que le président de la Mecss a accepté en séance publique.

Au cours de sa réunion du 27 janvier 2016, la Mecss a désigné Agnès Canayer et Anne Emery-Dumas comme rapporteurs afin qu'elles dressent un bilan du droit applicable en matière de travail dissimulé, de son appropriation par les entreprises et de son adaptation aux nouveaux enjeux.

Les rapporteurs ont souhaité examiner l'évaluation du phénomène et ses méthodes, l'efficacité de l'action administrative et judiciaire (outils, méthodes et coopération entre administrations) ainsi que l'adéquation et l'effectivité des sanctions prévues par le législateur.

Politique interministérielle, la lutte contre le travail dissimulé est au carrefour de plusieurs enjeux : la garantie des droits sociaux des travailleurs, qu'ils soient salariés ou travailleurs indépendants, le financement des organismes sociaux, dont les cotisations et contributions sociales restent la première ressource et la préservation de la loyauté de la concurrence, qui constitue, avec les nouvelles formes de travail et le développement du détachement de travailleurs, un enjeu renouvelé.

Vos rapporteurs ont présenté leurs conclusions à la Mecss au cours de sa réunion du 6 juillet 2016, au cours de laquelle il a été décidé que ces travaux devaient être complétés par des éléments relatifs à la fraude aux prestations sociales, qui figurent dans la seconde partie du présent rapport.

PREMIÈRE PARTIE - LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL DISSIMULÉ

I. LE TRAVAIL DISSIMULÉ, UN DROIT PÉNAL SPÉCIAL, DES ENJEUX DE RECOUVREMENT

A. LE TRAVAIL DISSIMULÉ, UNE CATÉGORIE DU TRAVAIL ILLÉGAL

Le travail dissimulé est l'une des six catégories du travail illégal, défini à l'article L. 8211-1 du code du travail.

Il fait l'objet du titre II du livre II de la huitième partie du code. Interdit à l'article L. 8221-1, il est défini aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 en deux sous-catégories :

- Le travail dissimulé par dissimulation d'activité : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

« 1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

« 2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 133-6-7-1 du code de la sécurité sociale ».

- Le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

« 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

« 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

« 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

L'article L. 8221-1 interdit également la publicité tendant à favoriser le travail dissimulé et ainsi le fait de recourir, sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé.

Pour la dissimulation d'activités, l'article L. 8221-4 établit une présomption d'activités à but lucratif lorsque leur réalisation a lieu avec recours à la publicité, leur fréquence ou leur importance est établie, la facturation est absente ou frauduleuse, ou lorsqu'elles sont réalisées avec un matériel présentant un caractère professionnel.

Pour la dissimulation d'emploi salarié, l'article L. 8221-6 du code du travail renverse la présomption pour les activités donnant lieu à immatriculation ou à inscription : les personnes physiques immatriculées ou inscrites sont présumées ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail. Toutefois, l'existence d'un contrat de travail peut être établie « lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ».

Le travail dissimulé est donc une notion de droit du travail qui, lorsqu'elle est qualifiée, a des conséquences en matière de paiement des cotisations sociales.

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