B. LA LIBERTÉ D'EXPRESSION À L'HEURE D'INTERNET

Un débat conjoint a été organisé avec pour thèmes « Médias en ligne et journalisme : défis et responsabilités »  et « Mettre fin à la cyberdiscrimination et aux propos haineux en ligne ».

Mme Adele Gambaro (Italie - ADLE), rapporteure de la proposition de résolution sur le premier thème, et Mme Marit Maij (Pays-Bas - SOC), rapporteure de la proposition de résolution et de la proposition de recommandation pour le second thème, ont tous deux reconnus qu'Internet est une ressource et un outil exceptionnel qui fait désormais partie intégrante de notre vie quotidienne.

La liberté d'expression est l'un des fondements de nos sociétés démocratiques et il est crucial de la préserver en ligne comme ailleurs. Cela ne doit toutefois pas nous conduire à banaliser les propos haineux en ligne.

Le discours de haine, l'intimidation, le harcèlement, les menaces et la traque constituent des infractions lorsqu'ils sont commis hors ligne. Leur impact sur leurs cibles est tout aussi réel et exige des réponses tout aussi sérieuses et efficaces lorsqu'ils sont commis en ligne. Or, souvent, les mesures prises pour lutter contre de telles infractions ne reconnaissent pas les spécificités des communications en ligne et ne couvrent pas toutes les formes de propos haineux en ligne - qui visent des individus pour des motifs aussi variés que leur sexe, couleur de peau, origine ethnique, nationalité, religion, statut migratoire, orientation sexuelle, identité de genre, convictions politiques ou autres, handicap ou autre condition.

Les propos haineux en ligne ne sont pas une simple affaire privée mais un problème qui concerne la société dans son ensemble. Personne ne devrait être contraint de se retirer d'une discussion en raison de propos haineux en ligne. Les États membres doivent oeuvrer tant pour améliorer les normes internationales dans ce domaine que pour renforcer les dispositions et l'application de leur législation nationale. Ils doivent convaincre les intermédiaires Internet de déployer davantage d'efforts pour prévenir et supprimer les propos haineux en ligne. Ils doivent en outre investir, de toute urgence et de manière durable, dans la promotion de l'utilisation responsable des technologies et des forums en ligne et dans la construction de sociétés sans haine.

Les médias en ligne ont permis au grand public de prendre conscience des violations des droits de l'Homme et de la souffrance humaine qui existent dans des régions très éloignées, auxquelles les médias accordent peu d'attention. Par ailleurs, Internet a également permis à de puissants acteurs commerciaux et groupes politiques de lancer des initiatives concertées mobilisant de très nombreux utilisateurs de médias en ligne. Or, ces mobilisations ne reposent pas toujours sur des faits et des informations neutres. Par conséquent, un certain nombre de mesures devraient être prises par les États membres et d'autres parties prenantes.

Mme Marie-Jo Zimmermann (Moselle - Les Républicains) a indiqué que la révolution du numérique avait entraîné une évolution notable du métier de journaliste. Dans les pays où la liberté d'expression est restreinte, les médias en ligne ont permis davantage de liberté. En revanche, dans les démocraties, l'arrivée des médias en ligne soulève de nombreuses questions et il n'existe pas, pour l'instant en France, de chartes de déontologie adaptées à Internet. Pour garantir la crédibilité du journaliste sur Internet, la transparence et la vérification des informations sont des éléments fondamentaux.

M. Jean-Yves Le Déaut (Meurthe-et-Moselle - Socialiste, écologiste et républicain) a souhaité que le progrès permis par Internet soit partagé et maîtrisé. Or, aujourd'hui ce n'est pas le cas. Les atteintes aux droits se sont multipliées sur Internet en raison des propos insultants ou du profilage en ligne par exemple. Il a souhaité une régulation mondiale de l'Internet indispensable pour mettre fin à cela.

Mme Nicole Duranton (Eure - Les Républicains) a estimé qu'Internet a permis de favoriser la liberté d'expression et que c'est un progrès certain. Toutefois, elle n'a pas souhaité qu'Internet échappe aux règles du monde réel. Les propos haineux doivent être condamnés de la même manière que s'ils étaient tenus hors ligne. En effet, lors d'un colloque qu'elle a organisé avec M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - Socialiste, écologiste et républicain) dans le cadre de l'alliance parlementaire contre la haine, il est apparu que ces discours sont très présents sur Internet. Par ailleurs, elle s'est inquiétée de la situation de la presse professionnelle en ligne. En effet, celle-ci peine à générer des revenus publicitaires davantage captés par les réseaux sociaux et elle est soumise à une forte concurrence notamment de la part de sites, qui sous prétexte d'informer, assurent la publicité d'un produit ou d'une idée.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - Socialiste et républicain) a abordé la question de la cyberguerre de communication. Elle a dénoncé la guerre par l'information qui concerne toute forme de propagande, la guerre pour l'information que se livrent les services secrets et la guerre contre l'information qui consiste à restreindre la liberté de la presse. Elle a dénoncé dans ce cadre la Russie qui finance l'agence de propagande Sputnik et la Turquie où la liberté de la presse est gravement attaquée, regrettant l'absence de débat au sein de l'APCE sur cette question.

Pour Mme Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain) , la modération des contenus est un sujet délicat car cela impacte différentes libertés et droits fondamentaux comme la liberté d'expression ou le droit à l'image. Une régulation s'impose pour que la liberté d'expression ne devienne pas l'excuse des porteurs de haine. Elle a cité plusieurs initiatives dont la loi française adoptée en 2004 qui oblige les hébergeurs, fournisseurs et éditeurs de sites Internet à révéler l'identité des auteurs de contenus illicites.

Mme Pascale Crozon (Rhône - Socialiste, écologiste et républicain) a expliqué que la démultiplication des sources d'information, qui fait de chacun un prescripteur d'opinion en puissance, est une chance comme l'ont montré les révolutions arabes. Toutefois, le sentiment d'impunité qui règne sur Internet peut conduire à véhiculer de fausses informations, à la discrimination et au harcèlement. La difficulté est liée au fait qu'Internet est essentiellement encadré par des entreprises privées. Selon elle, l'éducation à ces médias et à l'esprit critique restent les meilleurs moyens d'action.

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