Véronique Séhier, présidente du Planning familial

Madame la ministre,

Mesdames les sénatrices,

Messieurs les sénateurs,

Mesdames, Messieurs,

Beaucoup de choses ont déjà été dites et je vais donc limiter mon propos à l'essentiel.

Trois points me paraissent vraiment importants au sujet de la loi de 1967 qui nous réunit aujourd'hui.

Tout d'abord, cette loi a été un acquis essentiel pour permettre aux femmes de progresser sur la voie de l'autonomie sociale et professionnelle. C'est une loi de liberté qui a, ne l'oublions pas, ouvert la voie à la loi reconnaissant le droit à l'avortement. Il faut le dire : contraception et avortement sont les deux facettes d'un même droit pour les femmes à disposer de leur corps, et l'on voit bien que ce droit dérange encore, aujourd'hui, en 2017...

Il est important de souligner qu'aujourd'hui, dans le monde, 222 millions de femmes n'ont toujours pas accès à des services de planification familiale. Les mesures récemment prises aux États-Unis vont fragiliser et menacer encore davantage ce droit pour les femmes : le droit, tout simplement, de rester en bonne santé car, aujourd'hui, ce sont des services de santé sexuelle qui sont menacés dans le monde.

Le deuxième point qui me paraît essentiel est de dire que les lois reconnaissant aux femmes la liberté de disposer de leur corps et de maîtriser leur fécondité ont toujours été acquises grâce aux combats des femmes.

Certes, elles ont mené ces combats avec des hommes comme compagnons de route, avec des hommes pour les porter aussi dans les enceintes législatives et faire progresser les lois.

Mais c'est d'abord et incontestablement un combat de femmes, et ce combat, nous devons tous et toutes en avoir conscience, est permanent ! On le voit bien, et l'actualité nous le rappelle tristement : il est indispensable de rester vigilants et vigilantes sur ces acquis qui demeurent fragiles et qui sont toujours remis en cause... Je pense que sur ce point, à l'heure actuelle, nous sommes au coeur de difficultés importantes, en France, en Europe et dans le monde.

Nous avons eu un débat en France, il y a quelques mois, sur les sites Internet qui véhiculent des informations revenant à empêcher l'accès à l'IVG. On sait qu'aujourd'hui il y a une vraie difficulté d'accès à une information juste et objective sur ce sujet qui dérange. On sait aussi toutes les entraves qui peuvent exister pour empêcher les femmes d'exercer pleinement, en toute liberté, leur droit à disposer de leur corps et à maîtriser leur fécondité.

Et puisque nous évoquons cet après-midi ce que nous a apporté la loi Neuwirth, il faut rappeler que l'auteur de ce texte était convaincu de l'importance de l'éducation à la sexualité et que la loi de 1967 prévoyait aussi la mise en place de structures d'information et d'accès à la contraception.

Il est important de souligner qu'il a fallu plusieurs années pour que les décrets d'application de la loi Neuwirth sortent. Cela n'a pas été simple, et l'on sait bien qu'il ne suffit pas qu'une loi soit votée : il faut aussi la volonté politique de l'appliquer et les moyens qui vont avec...

Ce n'est qu'au bout de sept ans qu'ont été créés les Établissements d'information, de consultation et de conseil familial (EICCF) et les centres de planification !

On voit bien, aujourd'hui, combien ces structures restent fragiles et précaires : dans certains départements, depuis les dernières élections départementales, des centres de planification voient leurs moyens clairement diminuer. Des centres de planification qui, avant, pouvaient accueillir les femmes dans une approche tout à fait globale et délivraient la contraception de façon complètement gratuite aux mineures, comme le permet la loi, ne sont plus vraiment en mesure de faire face à leurs missions.

On objecte parfois à ces centres, dans certains territoires, que s'ils ne peuvent plus délivrer la contraception gratuitement aux jeunes femmes, ils peuvent tout à fait en revanche leur donner une ordonnance qui permettra à ces jeunes femmes, dans une pharmacie, d'obtenir gratuitement un moyen de contraception. Mais il faut avoir conscience de l'obstacle qui est ainsi mis en place pour que des jeunes filles mineures n'aient plus si facilement accès à la contraception. C'est un point important.

Je voulais souligner aussi que, dans les centres de Planning familial , ce que l'on privilégie, c'est avant tout le travail d'éducation à la sexualité. Or ceux qui s'opposent aujourd'hui à la contraception et à l'avortement sont également opposés à l'éducation à la sexualité.

Pourtant, on ne le dira jamais assez, l'éducation à la sexualité est un facteur d'autonomie, un facteur d'émancipation. Pour exercer un droit, il faut d'abord le connaître et si on ne le connaît pas, c'est très compliqué de l'exercer.

Alors, bien sûr, nous sommes très contents d'avoir fait de grandes avancées, depuis cinquante ans : la diversification des moyens de contraception en est une, de même que l'accès facilité à la contraception en France.

Mais on ne le dira jamais assez, ce combat reste toujours d'actualité. Avec les américaines, nous, en France, nous pourrions dire aussi : « We won't go back ! »

Ce message nous tient vraiment à coeur et je le répète aujourd'hui : nous ne reculerons pas, nous resterons vigilantes et solidaires, car quand un droit pour les femmes recule dans une partie du monde, il recule partout !

Je vous remercie.

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