INTERVENTIONS SUR LA LOI NEUWIRTH ET RENDANT HOMMAGE À SON AUTEUR

Alain Gournac, vice-président de la Délégation aux droits des femmes (Groupe Les Républicains)

Madame la ministre,

Madame la présidente du Planning familial ,

Mes chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Notre présidente, Chantal Jouanno, qui vous prie d'excuser son absence aujourd'hui, m'a confié le soin d'ouvrir cette cérémonie et j'en suis très heureux.

C'est pour moi un honneur d'intervenir cet après-midi pour rendre hommage à un collègue que je suis fier d'avoir côtoyé au Sénat, non seulement au groupe RPR dont nous étions membres 3 ( * ) , mais aussi à la délégation aux droits des femmes où nous avons siégé ensemble dès le début, en novembre 1999 4 ( * ) .

Lucien a guidé mes premiers pas au Sénat et m'a engagé dans la grande aventure du spatial. Je n'oublierai pas.

Je remercie La Poste de nous donner l'occasion, à travers la présentation au public de ce timbre, de commémorer le cinquantième anniversaire d'une loi dont l'importance a été décisive. Je suis encore plus ému que cette cérémonie me permette de rendre hommage à celui qui a pris l'initiative de cette loi.

Quand on pense à Lucien Neuwirth, c'est d'abord l'engagement du « père de la pilule » pour le contrôle des naissances qui vient spontanément à l'esprit.

On sait qu'après la guerre, jeune élu de Saint-Etienne, il est confronté aux difficultés des familles pauvres où l'arrivée d'un nouvel enfant est vécue comme un fardeau. Il est sensible à la détresse de femmes qui enchaînent des grossesses non désirées, parfois au péril de leur santé et même de leur vie.

En 1957, quelques mois avant d'être élu député de la Loire, il rencontre le mouvement Maternité heureuse , qui deviendra le Planning familial , dont je salue la présidente, Véronique Séhier, ici présente.

Maternité heureuse : cette dénomination à elle seule résume et symbolise la lutte de Lucien Neuwirth pour - je cite son discours à l'Assemblée nationale, le 1 er juillet 1967 - une « maternité voulue, attendue, préparée, une maternité qui n'est pas redoutée, refusée », « une maternité consciente et pleinement responsable. »

C'est difficile, en 2017, tant le contrôle des naissances semble maintenant aller de soi, de se représenter combien pouvait être pionnière la démarche consistant, dans une société tellement différente, à donner aux femmes la libre et entière maîtrise de leur fécondité. Il faut se rappeler que, d'après la législation en vigueur en 1967, qui avait été adoptée en 1920 5 ( * ) dans un contexte marqué par la guerre, toute information sur la contraception était passible de poursuites pénales.

Pendant l'examen de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, un amendement subordonne le droit de recourir à la contraception à l'autorisation du mari ; un député regrette que le texte ne soit pas discuté à huis clos, « comme aux Assises quand il s'agit d'une affaire de moeurs ».

Les oppositions ont été nombreuses et il ne faut pas oublier le courage qu'il a fallu à Lucien Neuwirth pour associer son nom au combat pour la contraception, tant le sujet était alors tabou.

Car c'est bien de courage qu'il s'agit.

Or du courage, Lucien Neuwirth n'en manque pas ! Son engagement dans la Résistance, dès 1940, puis dans la France libre, parle de lui-même.

Il est important pour moi de rappeler aujourd'hui cette page exemplaire de sa vie.

En 1940, il a 16 ans : c'est d'ailleurs le titre de son livre de souvenirs, Ma guerre à seize ans - du fournil au peloton d'exécution . En 1943, il rejoint Londres ; en août 1944, il est parachuté en Bretagne.

En 1945, capturé par les Allemands en Hollande et fusillé, il échappe miraculeusement au coup de grâce car son portefeuille fait obstacle à la balle qui devait l'achever...

En tant que gaulliste, je ne peux pas non plus passer sous silence le soutien que le général de Gaulle lui-même a apporté au combat de Lucien Neuwirth, d'abord pour permettre que sa proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Comment ne pas évoquer, à cet égard, l'ordonnance de 1944 qui, à l'initiative du général de Gaulle, déjà, avait fait des Françaises des citoyennes à part entière ?

Grâce à une vidéo de l'Institut national de l'audiovisuel , qu'il faut remercier chaleureusement pour sa contribution à l'organisation de notre commémoration, je vais maintenant laisser le sénateur Lucien Neuwirth, dans son bureau de questeur du Palais du Luxembourg, nous raconter, trente ans après l'adoption de sa proposition de loi, cet aspect moins connu de l'histoire de la loi de décembre 1967 : le soutien dont il a bénéficié du chef de l'État, qu'il a réussi à convaincre que « transmettre la vie [...] doit être un acte lucide. »

Vous verrez aussi à cette occasion que notre collègue et ami possédait des talents d'imitateur que je vous invite à découvrir...

(Projection d'un extrait du reportage 6 ( * ) :
« Les 30 ans de la loi Neuwirth sur la pilule contraceptive » 7 ( * ) )


* 3 Lucien Neuwirth a quitté le Sénat avant que ce groupe devienne le groupe UMP (en 2002) puis le groupe LR (en 2015).

* 4 La création, à l'Assemblée nationale et au Sénat, de délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes résulte de la loi n° 99-585 du 12 juillet 1999. Cette loi a modifié l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires pour y insérer un article 6 septies prévoyant la constitution d'une délégation dans chaque assemblée. La première réunion de la délégation aux droits des femmes du Sénat a eu lieu le mardi 30 novembre 1999.

* 5 Loi du 31 juillet 1920 réprimant la provocation à l'avortement et à la propagande anticonceptionnelle, article 3 : « Sera puni d'un mois à six mois de prison et d'une amende de 100 F à 5 000 F quiconque, dans un but de propagande anticonceptionnelle, aura (...) décrit ou divulgué, ou offert de révéler des procédés propres à prévenir la grossesse, ou encore faciliter l'usage de ces procédés. Les mêmes peines seront applicables à quiconque (...) se sera livré à une propagande anticonceptionnelle ou contre la natalité. »

* 6 La retranscription des propos de Lucien Neuwirth au cours de cette interview est annexée au présent document.

* 7 Reportage diffusé au Journal télévisé de 20 heures de la chaîne A2 (J.D. Flaysakier, M.H. Bonnot, J. Gregor, C. Moyon et F. Granet). Version intégrale sur le site de l'INA : http://www.ina.fr/video/CAB97144240/les-30-ans-de-la-loi-neuwirth-sur-la-pilule-contraceptive-video.html

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