C. REGARD SUR LE SUIVI DES VÉGÉTAUX, UN CONTRÔLE QUI RESTE TRÈS INSUFFISAMMENT ASSURÉ

En production primaire végétale, les inspections en lien avec la sécurité sanitaire des aliments concernent les domaines techniques relatifs aux intrants et au paquet hygiène végétal.

1. Une mobilisation à parfaire devant l'ampleur des non conformités

Comme il était souligné dans le rapport de Marion Guillou et Christian Babusiaux, mais aussi dans l'insertion au rapport public de la Cour des comptes déjà citée, l'une des principales faiblesses actuelles du système de maîtrise du risque sanitaire réside dans les contrôles au stade de la production des végétaux réalisés par la DGAL .

Seuls 68 agents relevant des services régionaux de l'alimentation (les SRAL) sont chargés de ce type de contrôles.

Les contrôles s'exercent prioritairement sur les exploitations agricoles qui bénéficient des aides au titre de la politique agricole commune (PAC) afin de prévenir le risque d'une demande de remboursement ultérieure après constat d'un non-respect des règles de conditionnalité.

En 2012, 675 prélèvements seulement avaient été réalisés, contre 717 en 2011 et 2010, soit un taux de prélèvement de 0,2 %. Depuis, une nette progression semble être intervenue.

Cependant, la pression de contrôle reste faible de même que le taux de réalisation de la programmation des contrôles.

Près de 6 300 contrôles ont été réalisés en 2015, mais pour une programmation de 7 300 inspections.

Cette sous-réalisation est expliquée par le retard dans la livraison aux structures des comptes rendus de contrôles « conditionnalité », édités via l'ASP, qui a conduit la DGAL à prioriser la réalisation de ces contrôles spécifiques susceptibles de donner lieu à des apurements, en fin d'année, au détriment des autres contrôles de ce domaine .

Pourtant, comme l'indiquent les rapports précités, et comme le confirme le présent rapport (voir notamment ci-dessus les résultats des plans de contrôle et de surveillance), l'intérêt d'assurer un renforcement de ces contrôles est illustré par des résultats convergents qui relèvent un nombre élevé de non conformités.

Par ailleurs, il serait cohérent avec des axes désormais installés de la politique agricole de conduire une politique active en ce domaine ainsi qu'avec les priorités affichées par le ministère de l'agriculture, notamment dans le cadre du plan Ecophyto.

Les contrôles de la DGAL concernant les produits phytosanitaires font apparaître des taux de non-conformité élevés, non seulement de non-conformités, dites mineures, mais aussi de non conformités considérées comme majeures.

En 2012, le taux global de non-conformité était de 48 % pour les « contrôles conditionnalité », de 42 % pour les « contrôles hors conditionnalité », et de 38 % chez les distributeurs de produits phytosanitaires.

Les proportions de non-conformités majeures vont de 21 % (10,8 % des contrôles) dans le premier cas à 35% dans le deuxième (14,7 %) et 46 % pour le troisième (17,48 %).

En second lieu, les contrôles d'aval et à l'importation assurés par la DGCCRF constataient en 2010, dans les denrées alimentaires et notamment les végétaux (fruits, légumes et céréales), des taux de dépassement des limites maximales de résidus (LMR) plus élevés en moyenne pour les produits français que pour ceux provenant des autres pays européens, et plutôt légèrement supérieurs à ceux provenant de pays hors Union européenne.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent l'existence d'un lien entre le positionnement territorial des agents chargés du contrôle des végétaux (dans les SRAL) et leur faible intensité et se demandent ce qui justifie que les forces dédiées à ces contrôles par la DGAL semblent si réduites.

La question se pose inévitablement de l'adéquation entre cette situation et l'échelle objective des risques.

L'existence d'une relation « sociologique » entre des personnels du ministère très marqués par leur origine vétérinaire et la priorité écrasante accordée aux contrôles des denrées animales est une éventualité qu'il convient de mentionner.

En toute hypothèse, vos rapporteurs spéciaux recommandent une réévaluation des conditions de partage entre les surveillances du végétal et de l'animal qui doit épouser la réalité des risques.

Recommandation : réévaluer le partage des surveillances sanitaires entre les produits végétaux et les denrées animales en fonction de la réalité des risques.

Il est possible aussi que les risques du végétal bénéficient moins que ceux des denrées animales de « l'effet-lampadaire» qui, par la visibilité très forte des fragilités du vivant animal et des intoxications qui lui sont liées, joue au profit d'une hiérarchie des contrôles exercés en routine par les services.

Pourtant, il convient de prendre pleinement en considération les importantes questions sanitaires, toujours ré-émergentes, posées par les produits phytopharmaceutiques qui ne doivent pas être appréciées au seul titre des prélèvements animaux comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui.

C'est d'autant plus justifié que ces préoccupations, qui s'inscrivent encore trop souvent dans le cadre d'une connaissance scientifique partielle, ont trouvé un prolongement dans différentes actions publiques présentées comme prioritaires.

2. La voie de la prévention peine à atteindre ses objectifs

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, vos rapporteurs spéciaux avaient consacré quelques développements au plan Ecophyto qui constitue l'un des prolongements donnés aux contrôles réalisés dans le cadre de la surveillance du risque sanitaire présenté par les végétaux.

Il est justifié d'en rappeler les termes dans la mesure où les actions préventives constituent sans doute une piste à privilégier afin d'améliorer la maîtrise du risque par des mesures structurelles, dont les objectifs du plan offrent une illustration.

Le projet annuel de performances du programme mentionne parmi les indicateurs de succès des actions conduites dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments un suivi des doses de pesticides utilisés dans les productions agricoles.

Le plan Ecophyto a fait l'objet d'une vaste campagne de communication qui s'est un peu atténuée au cours du temps à mesure que les résultats ambitieux ont été reportés dans le temps.

En réalité, pour la grande majorité de ses moyens, ce plan fait l'objet d'un financement extérieur au périmètre de la politique sanitaire des aliments tel qu'il est retracé dans le programme 206 du ministère de l'agriculture.

En effet, le financement du plan Ecophyto est assuré par la mobilisation de trois sources de crédits : les crédits État, les crédits dits « redevance » et les « autres crédits », le financement du ministère de l'agriculture étant très minoritaire.

Les crédits État correspondent aux crédits inscrits sur les programmes ministériels des administrations parties prenantes du plan.

Les crédits portés par le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » au titre du plan Ecophytyo s'élevaient à 320 000 euros en 2016 portés pour 2017 à 370 000 euros dont :

- 350 000 euros pour la promotion des méthodes alternatives ;

- 20 000 euros pour la mise en oeuvre des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).

Ces crédits sont complétés par les crédits des ministères respectivement chargés de l'écologie et des outre-mer , également impliqués dans le plan qui, au total, représentent des volumes d'engagements nettement supérieurs à ceux portés par le programme 206.

Ils correspondent à une fraction des crédits dégagés par la redevance pour pollutions diffuses (RPD) , collectée sur les ventes de produits phytosanitaires par les Agences de l'eau. Elle donne lieu à l'élaboration d'un programme annuel signé par le ministre chargé de l'agriculture avant le 31 décembre de chaque année qui propose une répartition des aides soumise à l'avis du Comité consultatif de gouvernance du plan Ecophyto puis au vote du Conseil d'administration de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), organisme payeur.

Le prélèvement annuel sur le produit de la redevance destiné au financement du plan avait été plafonné à 41 millions d'euros par an au cours de la période 2012-2015 .

L'enveloppe attribuée à la mise en oeuvre du plan est sortie significativement augmentée à la suite de l'adoption du décret du 6 octobre 2014, qui a élargi l'assiette de la RPD à l'ensemble des substances actives classées cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 2 (CMR2).

L'enveloppe financière du plan est passée ainsi de 41 à 71 millions d'euros annuels .

L'enveloppe complémentaire de 30 millions d'euros par an est consacrée en priorité à l'accompagnement financier des agriculteurs pour permettre une réduction importante de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, et des risques et impacts qui leur sont liés.

La répartition prévisionnelle de l'enveloppe nationale de 41 millions d'euros a été la suivante en 2016.

Financements programmés au titre du plan Ecophyto

(en millions d'euros)

Axe du plan

Répartition des crédits

Faire évoluer les pratiques

26,975

Recherche

3,8

Évaluer et maîtriser les risques et les impacts

2,65

Actions en zone non agricole

1,5

Politiques publiques, territoires et filières (notamment DOM)

1,475

Gouvernance du plan et communication

4,6

On constate ainsi que les trois quarts de ces crédits sont dédiés à l'évolution des pratiques , qui mobilise principalement, outre EcophytoPIC , le portail de la protection intégrée des cultures, dont l'objectif est la promotion et l'accompagnement du monde agricole (agriculteurs, conseillers et formateurs), le réseau DEPHY , qui est un réseau de démonstration, d'expérimentation et de production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires. À ce titre, 2 000 fermes seraient engagées à ce jour ainsi que 40 sites expérimentaux, avec un objectif d'atteindre 3 000 exploitations à la fin de 2016.

D'autres financements sont mobilisés . Ils regroupent les engagements des parties prenantes du plan, en particulier, ceux issus du cofinancement ou de l'autofinancement des partenaires dans la mesure où les conditions de subventionnement par les crédits issus de la redevance supposent une participation financière des bénéficiaires de l'aide (20 % minimum).

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la portée effective des actions financées .

À ce stade, vos rapporteurs relèvent les difficultés rencontrées pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, alors même que cet objectif s'impose au vu des inquiétudes que suscite l'utilisation de ces produits sur la santé des consommateurs mais aussi des agriculteurs.

Recommandation : donner toute son efficacité au financement des objectifs de sobriété en produits phytopharmaceutiques dessinés par le plan Ecophyto.

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