THÉMATIQUE 1
DES POLITIQUES POUR LA VILLE

Première table ronde :

Ville et non-ville, banlieues, périphéries,
périurbains, espaces ruraux

Présidence d'Yves Dauge, ancien sénateur-maire de Chinon, urbaniste, conseiller auprès du centre du patrimoine à l'Unesco

Vincent Capo-Canellas, sénateur de la Seine-Saint-Denis, maire du Bourget

Éric Charmes, sociologue et urbaniste

Annie Fourcaut, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne

Jean-Louis Subileau, urbaniste-aménageur

Yves Dauge, ancien sénateur-maire de Chinon, urbaniste, conseiller auprès du centre du patrimoine à l'Unesco

Mesdames, messieurs, en tant qu'ancien sénateur, j'ai beaucoup de plaisir à me retrouver aujourd'hui parmi vous. Même si le colloque porte aujourd'hui sur la France, il me semble bon de savoir ce qui se passe ailleurs dans le monde sur la question urbaine. C'est la raison pour laquelle je dirai quelques mots de la conférence des Nations unies sur le logement et le développement urbain, dite conférence « Habitat III », qui vient de s'achever à Quito, en Équateur, et pour laquelle, j'étais, avec d'autres, chargé de la préparation.

Dès que l'on trouve une bonne analyse ou une bonne solution quelque part, on pense qu'elle peut être valable partout. Ce n'est pas vrai. Il faut toujours tenir compte de l'histoire, de la géographie, de la démographie, voire de l'archéologie. Notre vision de l'avenir doit être fondée sur un socle culturel, qui, la plupart du temps, fait défaut. On se précipite pour agir, et on agit mal le plus souvent. C'est avec de l'argent public que l'on fait les plus grandes bêtises, faute de consentir l'investissement intellectuel préalable.

Une question a traversé la conférence de Quito, celle sur les villes compétitives et les villes inclusives. Plusieurs forces puissantes en mouvement se confrontent.

On assiste aujourd'hui à une émergence du pouvoir citoyen et de la société civile, très forte dans certains pays, notamment en Amérique latine, et à une faiblesse du pouvoir politique en termes de gouvernance des villes dans d'autres pays, cette faiblesse laissant la place à de grands opérateurs privés prêts à faire des villes « compétitives ».

La France a tenu, à Quito, à mettre en avant la prééminence de l'intervention publique. Mme Cosse, ministre du logement, qui représentait la France, y reviendra sans doute dans son propos liminaire demain matin. La faiblesse de l'intervention publique dans certains pays, où règne aussi la corruption, est dangereuse. Cependant, la prééminence de l'intervention publique, que défend la France, est également directement liée à la recherche d'alliances avec le secteur privé, au moyen de partenariats public-privé et de délégations de service public, ce qui suppose la définition de cahiers des charges, donc de la matière grise, des compétences de professionnels, des agences d'urbanisme et de développement auprès des élus.

Tel est le contexte dans lequel s'est inscrite la conférence de Quito, animée par Joan Clos, ancien maire de Barcelone, qui a une vision très claire en matière de développement urbain, fondée sur le droit romain : on fait des politiques foncières, des infrastructures urbaines, et on construit la ville ensuite. Or l'outil foncier, la plupart du temps, fait défaut. En France, les banlieues ont été construites au gré des opportunités foncières, sauf les villes nouvelles, que j'ai toujours défendues comme un exemple réussi des politiques françaises en urbanisme.

La France a une histoire rurale, sa structure urbaine est très particulière. Elle compte un immense réseau de villes petites et moyennes qui est en train de connaître un affaiblissement très inquiétant. Si l'on peut se réjouir de l'émergence d'une vingtaine ou d'une trentaine de métropoles, même si les problèmes des banlieues sont loin d'être réglés, l'envers de la politique de la ville, si l'on peut dire, c'est le dépérissement de toute une histoire des petites villes. Cela pose des problèmes économiques, évidemment, notamment une aggravation de la pauvreté, mais également démographiques et culturels. Le pays s'en trouve affaibli.

J'aimerais qu'aujourd'hui et demain le colloque permette de dégager des pistes pour régler ce problème français. Il faut à cet égard réfléchir à l'accessibilité, en termes non seulement de transports, mais également de télécommunications. En matière de haut débit, par exemple, nous sommes loin du compte. Dans ma province, qui n'est pourtant pas très loin de Paris, nous avons parfois du mal à téléphoner ! Le déficit d'accessibilité empêche le progrès. Or la mobilité est l'une des clés de l'avenir d'une France qui se sent enfermée, isolée.

Une puissance urbaine émerge, et nous connaissons de beaux exemples. Cela dit, il faut tenir compte de l'autre versant de la politique urbaine dans la recherche de ces alliances que j'évoquais tout à l'heure : alliances avec le secteur privé, alliances entre villes. Il faut créer des réseaux concrets sur les thèmes de la santé, de la culture, des transports, de l'économie. Là est l'avenir.

Face aux deux problèmes que nous connaissons, celui des banlieues et celui des territoires en difficulté, des champs d'innovation sont susceptibles de redonner de la puissance à la croissance française.

Permettez-moi maintenant de vous présenter les différents intervenants de cette table ronde intitulée « Ville et non-ville. Banlieues, périphéries, périurbains, espaces ruraux » : Vincent Capo-Canellas, sénateur de la Seine-Saint-Denis, maire du Bourget, Éric Charmes, sociologue et urbaniste, Annie Fourcaut, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, et Jean-Louis Subileau, urbaniste-aménageur, un fidèle compagnon de route qui travaille dans le bassin minier, territoire immense qui a subi de plein fouet l'effondrement de l'économie avant de se tourner vers l'innovation. Songez que le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais a réussi à se faire inscrire sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Quelle vision, quelle énergie incroyable ! J'ai de l'admiration pour ceux qui ont oeuvré à cette inscription.

La parole est maintenant à Vincent Capo-Canellas.

Vincent Capo-Canellas , sénateur de la Seine-Saint-Denis, maire du Bourget

Tout d'abord, je remercie Roger Karoutchi et Jean-Pierre Sueur d'avoir souhaité revivifier le débat sur le phénomène urbain, sujet sur lequel Jean-Pierre Sueur revient régulièrement, ce dont je lui sais gré.

L'intitulé de ce colloque est un signal d'espoir, le phénomène urbain étant considéré comme un atout pour le futur. Il est important de le souligner face à la morosité que suscite parfois ce sujet, notamment chez les élus, dès qu'il est question de politique de la ville et des difficultés des communes.

En revanche, l'intitulé de la première table ronde comprend une abomination : l'expression « non-ville », que Jean-Pierre Sueur a utilisée d'un ton badin tout à l'heure avec son talent habituel. En tant que maire d'une commune de 15 700 habitants, à savoir Le Bourget, connue pour son aéroport et située dans un département à la réputation difficile, la Seine-Saint-Denis, j'ai eu un moment de stupéfaction en entendant ce mot. Qu'est-ce qu'une « non-ville » ? Pourquoi une ville se verrait-elle contester le statut de ville ? Qu'est-ce qui fait qu'une ville est une ville et échappe au statut de « non-ville » ?

La ville se caractérise, avant tout, par la profusion, la densité des habitants, des services, etc., mais également par l'anonymat, souvent plus marqué qu'à la campagne, et la ségrégation - les « banlieues nord » ont toujours existé, de même que les quartiers définis par leur identité de peuplement.

La ville est faite de paradoxes. Elle facilite l'accès à la culture, à la connaissance et aux établissements d'enseignement, mais érige aussi des barrières, mentales ou liées aux difficultés de mobilité. Elle se caractérise par certaines formes de violence et de criminalité, causées par la promiscuité, mais facilite aussi l'organisation de la solidarité.

Se pose, dès lors, une question éternelle : comment humaniser la ville et faire en sorte que chacun de ses habitants, quel qu'il soit, s'y sente considéré ?

La ville se caractérise par la mobilité, celle des transports, laquelle n'est pas toujours simple à organiser, notamment en Île-de-France, mais aussi celle des populations, avec parfois un phénomène de hiérarchisation des territoires. Ainsi, la Seine-Saint-Denis est souvent présentée par les études comme le territoire de premier et de deuxième accueil des populations en difficulté. Les jeunes, les étrangers et les provinciaux à la recherche d'un logement relativement bon marché viennent souvent s'y installer, avant de vouloir la quitter au fil de leur ascension sociale. Notre problème est alors plutôt d'essayer de retenir ceux qui veulent partir.

Ce problème de hiérarchisation renvoie à la question difficile du peuplement de la ville et de la ségrégation de fait qui peut s'y développer. Nous n'avons toujours pas rompu avec la tendance qui consiste à entasser les populations en difficulté dans certains quartiers, un phénomène d'ailleurs insuffisamment quantifié à mon goût. Comment, tout en respectant nos valeurs de liberté, éviter la formation de ghettos ?

Les villes se différencient aussi par leur patrimoine, matériel et immatériel, qui englobe le patrimoine végétal, le cadre de vie, l'aménagement et le projet urbain. Quand on évoque Le Bourget, on pense aux débuts de l'aviation, à l'aéroport, mais aussi à une marque mondialement connue, au travers de son salon international de l'aéronautique et de l'espace, ainsi qu'à la Cop21.

La ville, c'est également une identité, un caractère, une tradition, une histoire et une population. Certaines villes sont réputées froides, d'autres accueillantes. Yves Dauge évoquait les difficultés des communes qui abritaient des sites miniers. Nous avons connu, au Bourget, la fermeture, en 1996, d'un important site Alstom qui employait jusqu'à 1 500 personnes dans les années quatre-vingt, avec à la clef une perte de 40 % des recettes de taxe professionnelle. Une ville peut aussi se caractériser par ces phénomènes majeurs de désindustrialisation, qui s'apparentent à un véritable séisme et marquent durablement les esprits. Autre exemple, puisque je suis originaire de cette région, la petite ville gardoise de Bagnols-sur-Cèze, qui a poussé comme un champignon avec l'implantation de la centrale nucléaire de Marcoule, reste encore marquée, des années après, par une opposition entre « Bagnolais » et « Marcouliens ».

La ville, c'est encore un lieu de démocratie et de débat où l'on essaie de construire, ensemble, un projet urbain s'articulant autour de l'identité, de la réalité morphologique et du patrimoine.

La ville compétitive de demain, pour moi, c'est aussi la ville inclusive. Ces deux notions ne sont pas antagonistes. À l'heure d'internet, de la dématérialisation et de la réflexion sur les écosystèmes, la ville est moderne, à condition d'y maintenir le lien social. Au Bourget, où l'on travaille naturellement sur des projets en lien avec l'aéronautique, on voit que les entreprises ont envie de s'insérer dans un écosystème, un réseau, car c'est aussi un élément de réussite économique.

Je suis particulièrement sensible au sujet des villes moyennes, qui connaissent les mêmes difficultés financières, de projet et d'ingénierie, qu'elles se situent en province, en banlieue ou en zone périurbaine. Ma commune de 15 700 habitants, statistiquement considérée comme une petite ville, est ainsi écartelée entre des sujets franciliens majeurs - aéroport, desserte, Grand Paris - et la gestion quotidienne. L'une des questions majeures me semble être la rupture entre métropoles et grandes villes, d'un côté, petites villes et villes moyennes, de l'autre.

Humaniser les villes en général et prêter davantage attention au réseau des petites villes et des villes moyennes, voilà un beau défi !

Yves Dauge, ancien sénateur-maire de Chinon, urbaniste, conseiller auprès du centre du patrimoine à l'Unesco

Des lignes de force se dégageront très certainement des interventions ; elles nous aideront à tracer des voies pour l'avenir. Le socle culturel, historique et géographique, évoqué à l'instant par Vincent Capo-Canellas, me semble fondamental car il est nécessaire d'ancrer les villes dans leurs territoires. Les questions d'échelle, de taille critique des villes et d'accessibilité-mobilité le sont également.

Je donne maintenant la parole à Éric Charmes.

Éric Charmes, sociologue et urbaniste

Je suis directeur de recherche à l'ENTPE, une école qui forme des ingénieurs civils, notamment des futurs cadres du ministère de l'écologie. Cette école est située à Vaulx-en-Velin, une banlieue populaire de Lyon. J'y dirige une composante de l'UMR CNRS EVS, le laboratoire Rives, acronyme de « Recherches interdisciplinaires ville espace société ».

J'ai choisi de revenir sur le débat mis en avant par Christophe Guilluy dans ses travaux sur la France périphérique, qui agite beaucoup les médias, le monde politique et, dans une moindre mesure, les chercheurs.

C'est ainsi l'occasion d'interroger une nouvelle géographie, qui est non plus seulement celle des villes, mais aussi celle des métropoles.

Un PowerPoint est projeté.

Il est question, dans cette table ronde, d'urbain et de ville. Mais qu'est-ce que l'urbain et qu'est-ce que la ville ? La carte du zonage en aires urbaines produite par l'Insee en 2010 montre que 95 % de la population française vit sous l'influence des villes. Si l'on s'en tient aux 241 pôles urbains qui rassemblent au moins 10 000 emplois, 82,6 % de la population française vit dans leur aire d'influence, dont les couronnes périurbaines. Ces chiffres doivent toutefois être maniés avec précaution. Tout d'abord, ces espaces présentent des caractéristiques très variables et ressemblent parfois à des campagnes. Ainsi, les territoires périurbains comprennent une large majorité de petites communes rurales, de moins de 2 000 habitants.

Surtout, une autre carte doit être prise en considération, celle des métropoles. Cette carte des métropoles se superpose peu ou prou avec celle de la concentration des richesses, ou avec celle de la concentration des « cadres des fonctions métropolitaines », pour reprendre une catégorie de l'Insee regroupant notamment les fonctions créatives, de gestion et de direction. La part de ces cadres dans l'emploi total des métropoles a connu une nette augmentation entre 1982 et 2006, ce qui se reflète aussi dans la gentrification, phénomène qui concerne surtout les grandes métropoles. Les métropoles dans lesquelles la concentration de cadres des fonctions métropolitaines dépasse 9 % sont au nombre de douze. Si l'on prend en considération la population des aires urbaines de ces métropoles, soit les pôles urbains et leurs couronnes périurbaines, on arrive à 40 % de la population française environ. Cela rejoint, par un biais différent, le chiffre avancé par Christophe Guilluy sur la France des métropoles. Cette carte des métropoles donne une vision très différente de l'urbanisation de celle qui a été présentée en ouverture de cette intervention. Nous ne sommes plus dans les 83 % et encore moins les 95 % de la population française concernée. Une large majorité de la population française vit hors non seulement des métropoles, mais aussi de leur zone d'influence directe, à savoir le périurbain.

Cette question des métropoles est importante car elle renvoie à la géographie des richesses. Grâce aux outils cartographiques mis à disposition par la société Géoclip, démarche dont l'Insee pourrait d'ailleurs utilement s'inspirer, j'ai classé les communes françaises selon le revenu médian par unité de consommation, afin de faire ressortir les zones de concentration de richesses. On y retrouve, pour une large part, les métropoles, notamment celle de Paris, mais aussi les régions qui bénéficient de l'influence de la Suisse et du Luxembourg, ainsi que certaines zones viticoles.

L'aire urbaine de Paris rassemble, à elle seule, environ 40 % des 322 communes françaises les plus riches, celles dont les habitants disposent d'un revenu médian d'au moins 31 000 euros par unité de consommation. Si vous retirez les communes limitrophes de la Suisse, il n'en reste plus beaucoup pour le reste de la France ! À l'inverse, parmi les 1 320 communes les plus pauvres, avec un revenu médian inférieur à 14 800 euros par unité de consommation, on en compte une part limitée autour de Paris, rassemblée pour l'essentiel en Seine-Saint-Denis. Autour de Lyon, Vaulx-en-Velin et Vénissieux figurent dans cette catégorie, alors que quatre communes appartiennent à la catégorie des communes les plus aisées.

En s'éloignant des plus grandes métropoles, on ne trouve plus de communes appartenant à la catégorie la plus riche. On peut le voir avec cette carte qui montre Nantes, Rennes et leurs alentours. Et lorsque l'on descend encore dans la hiérarchie, comme ici autour de Clermont-Ferrand, les communes appartenant aux catégories les plus pauvres deviennent très nombreuses.

Cette géographie des richesses est connue depuis longtemps. On lui prête aujourd'hui une attention médiatique et politique renouvelée en raison du lien que Christophe Guilluy établit entre cette France périphérique, populaire, et le vote en faveur du Front national.

Il s'exprime notamment en ces termes dans un entretien accordé à Jean-Laurent Cassely, journaliste au magazine Slate en 2015 : « Aujourd'hui, le vote Front national émerge précisément sur ces territoires de la France périphérique, avec des bastions qui sont toujours le Nord, l'Est, le pourtour méditerranéen, mais on voit bien, quand on zoome sur des régions et des départements, que la logique est exactement la même à chaque fois : c'est-à-dire que la dynamique FN part des petites villes, des zones rurales, des villes moyennes, et en tout cas à chaque fois des zones économiques les moins actives, qui créent le moins d'emplois. Ce sont les territoires qui sont les plus éloignés des grandes métropoles, des grandes villes actives. »

Christophe Guilluy a certes raison d'établir un lien entre cette nouvelle géographie et le vote Front national, qui émane pour une large part des catégories populaires habitant loin des métropoles. La réalité est toutefois plus complexe.

Peut-on considérer que cette France populaire, localisée dans la France périphérique, est quasi définitivement acquise au Front national ? La colère qui s'exprime au travers du vote FN doit-elle être comprise avant tout dans sa dimension identitaire, comme l'estime le Front national ? Christophe Guilluy, qui se revendique de la gauche populaire, répond par l'affirmative à ces deux questions ; je leur apporte, pour ma part, une réponse négative.

Ne nous y trompons pas : le débat, ici, n'est pas seulement académique, il s'agit aussi d'un débat réellement politique, avec un enjeu performatif. En effet, avec le débat actuel sur la France périphérique, nous sommes en train non pas de décrire une réalité, mais de la créer en même temps que nous l'énonçons. Christophe Guilluy, et ceux qui reprennent ses propos, construisent une image particulière de la France périphérique, une image discutable.

Il me semble très important, tout d'abord, d'établir une distinction entre la France périurbaine et la France périphérique. Une confusion règne en effet entre ces deux notions qu'il faut pourtant distinguer. L'espace périurbain est en large part sous l'influence des métropoles et fait donc partie de la France des métropoles. Or, c'est un point intéressant que je n'ai pas le temps de développer et qui est une première pierre dans le jardin de Christophe Guilluy, c'est précisément dans le lointain périurbain que les catégories populaires votent le plus en faveur du Front national. Si l'on dissocie le périurbain et la France périphérique, comme le fait d'ailleurs Christophe Guilluy dans son dernier ouvrage, Le crépuscule de la France d'en haut , le survote Front national dans les catégories populaires marque plus le périurbain des grandes métropoles que le coeur de la France périphérique.

Mais restons-en à la France périphérique et revenons dans les environs de Clermont-Ferrand, une zone qui comprend de nombreuses communes parmi les plus pauvres. J'ai choisi de porter attention à cette zone car une carte établie par Hervé Le Bras sur le pourcentage des votes en faveur de Marine Le Pen au premier tour de l'élection présidentielle de 2012 montre que cette France très populaire ne vote pas particulièrement Front national. Je prendrai plus précisément l'exemple de La Bourboule, station thermale réputée pour ses cures à la fin du XIX e siècle et au début du XX e siècle, mais qui n'a pas vraiment réussi à conserver son attractivité. Cette commune se caractérise par un fort vieillissement et un déclin démographique prononcé puisque la population y a diminué de 1,5 % par an entre 2008 et 2013. Nombreuses sont les maisons en vente, dont certaines sont même abandonnées. Pourtant, Marine Le Pen y a recueilli 13,6 % des voix au premier tour de l'élection présidentielle de 2012, contre 17,9 % en moyenne sur le territoire national. Cet écart est remarquable compte tenu, notamment, de la sociologie qui prédispose au vote Front national. Pourquoi ne parle-t-on pas de cette partie de la France, qui répond, tout autant que le Nord-Est ou le Sud, aux critères de la France périphérique ?

Autre exemple, la commune de Saillans, dans la Drôme, petite ville de 1 200 habitants appartenant elle aussi à la France périphérique. Le revenu médian par unité de consommation y est de 17 500 euros, comme à La Bourboule, et le taux de chômage de 13,4 %, contre 15 % à La Bourboule. Le vieillissement de la population est marqué, avec 33 % de plus de soixante ans, contre 28 % à La Bourboule, mais la population a enregistré une croissance annuelle de 2,9 % entre 2008 et 2013. De surcroît, la commune se situe dans une région dynamique, qui innove, notamment autour de l'agriculture biologique et de l'économie sociale et solidaire, avec le projet Biovallée. Saillans est aussi connue pour être un laboratoire de démocratie participative radicale qui attire l'attention des médias, des politiques et des chercheurs en science politique. Les résultats en faveur de Marine Le Pen ont été, là aussi, très bas en 2012, avec 12,8 % des voix. Il faut en outre souligner le faible taux d'abstention et le très bon score de Jean-Luc Mélenchon, lequel a recueilli 21,1 % des voix, soit le double de la moyenne nationale.

Quand on parle de la France périphérique, n'oublions donc pas non plus qu'il existe des dynamiques locales, qui peuvent permettent un développement économique sans être nécessairement sous perfusion des métropoles. Disant cela, je jette une pierre dans le jardin de Laurent Davezies... Les difficultés ne conduisent pas non plus inéluctablement à un vote Front national, comme le montre l'exemple de La Bourboule. Et il peut exister, comme à Saillans, des projets politiques fortement ancrés à gauche, portés par des milieux populaires et parfaitement « bobos-compatibles ». Pourquoi Christophe Guilluy, qui se revendique pourtant de la gauche populaire, n'y prête-t-il pas attention ?

Yves Dauge, ancien sénateur-maire de Chinon, urbaniste, conseiller auprès du centre du patrimoine à l'Unesco

Merci de cette présentation. L'absence de services, d'emplois, de lieux culturels n'est-elle pas un facteur de désespérance ? Il importe pour la surmonter de construire un projet urbain, de proposer une vision d'avenir.

Je cède le micro à Annie Fourcaut.

Annie Fourcaut, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne

En 1998, j'avais beaucoup appris en participant à la commission dirigée par Jean-Pierre Sueur sur la politique de la ville, et c'est pourquoi j'ai accepté immédiatement d'être présente aujourd'hui. Je suis spécialiste d'histoire urbaine contemporaine.

Mon intervention, à partir du cas de Paris et de ses banlieues examinées dans une moyenne durée qui s'étend de la fin de l'Ancien Régime à nos jours, vise à dégager quelques idées simples sur la singularité des périphéries dont nous discutons ce matin. Ces généralités sont sans doute valables pour à peu près toutes les villes européennes.

Un PowerPoint est projeté.

Première idée simple : la non-ville d'aujourd'hui est la ville de demain. La ville d'Ancien Régime absorbait déjà les faubourgs : ainsi, à Paris, les espaces situés en dehors de la muraille de Charles V, sur la rive droite, et de l'enceinte de Philippe Auguste, sur la rive gauche, ont été peu à peu intégrés dans la ville.

De même, en 1859, Napoléon III annexe à Paris, par décret, les communes, dites de la « petite banlieue » - La Chapelle, Belleville, La Villette -, situées entre le mur des Fermiers généraux et l'enceinte de Thiers, construite pendant la monarchie de Juillet. Dès lors, Paris compte vingt arrondissements. En d'autres termes, le pouvoir fabrique de la ville par une décision administrative qui entérine les mutations économiques, notamment le développement de l'industrie, qu'avait connues cette petite banlieue. Une célèbre caricature de Daumier montre ce changement brutal de statut par lequel les ruraux des villages limitrophes, qui travaillent dans les champs en sabot et sont coiffés d'un bonnet de coton, deviennent des Parisiens.

En 1965, le Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région de Paris (SDAURP, voir photo 1 infra ) de Paul Delouvrier constitue un exemple de villes créées par une décision politique, cette fois-ci dans une vision prospective, car le Schéma anticipe largement sur le développement urbain de la capitale. La création, en 2014, de la métropole du Grand Paris est l'exemple le plus récent de cette course entre décisions législatives et évolutions de l'espace vécu par les citadins.

Deuxième idée : les paysages périphériques sont un vaste bric-à-brac, mélange hétéroclite d'initiatives privées et d'application des politiques publiques (voir photo 2 infra ). L'industrie s'y installe car les contraintes réglementaires et fiscales y sont moins fortes que dans le centre des villes et le foncier s'y révèle plus disponible et moins cher. Dans l'entre-deux guerres, des lotissements pavillonnaires défectueux sont le produit de contrats privés entre lotisseurs, qui vendent les terrains sans aménagement, et mal-lotis, qui les achètent pour y construire une bicoque. Ces espaces pavillonnaires sont régulés a posteriori par les lois Sarraut et Loucheur de 1928.

Après la Seconde Guerre mondiale, l'État tente de résoudre à la fois la crise du logement et d'aménager les banlieues avec la construction de grands ensembles. À Sarcelles, par exemple, la société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations (Scic) érige en plein champ une ville nouvelle. Aujourd'hui, l'heure semble être de nouveau à l'initiative privée : l'étalement périurbain en est le symbole. Le pouvoir de contrôle s'exerce de façon beaucoup plus vigilante sur la ville-centre, où l'on ne peut pas construire n'importe quoi, tandis que dans les périphéries se développent l'habitat informel ou clandestin, les bidonvilles, les lotissements défectueux, dans des combinaisons variables entre initiative privée et application plus ou moins volontariste des politiques publiques.

Troisième idée : la périphérie est le lieu d'émergence de crises et de problèmes sociaux inédits. Elle sert aussi de banc d'essai aux politiques publiques nouvelles. Ainsi, dans l'entre-deux guerres, l'enjeu était de répondre à l'aspiration des classes populaires urbaines qui souhaitaient devenir propriétaires de leur pavillon. La loi Loucheur apporte une réponse au désordre des banlieues en permettant aux ménages populaires d'emprunter à taux réduit à la Caisse des dépôts et consignations afin de faire construire une maison décente. Dans les années soixante et soixante-dix, les grands ensembles sont au coeur de la réflexion : comment y recréer une vie urbaine et éviter la « sarcellite » ? Comment « faire ville » ? De nombreux colloques sont consacrés à ce sujet dès l'origine. En 1960, un colloque à l'Unesco mobilise architectes et technocrates sur le thème « Réussir les grands ensembles ». À partir des années quatre-vingt, la désindustrialisation et son corollaire, le chômage, la dégradation des grands ensembles, la mutation des populations qui y sont logées, l'apparition de la drogue dans les cités, l'effondrement du socialisme et du communisme municipal ouvrent une période de difficultés, dont témoignent les émeutes urbaines à partir de 1981.

La politique de la ville, que Jean-Pierre Sueur connaît bien, a été conçue en réponse à ces interrogations nouvelles. En 2003, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) est créée avec pour mission de rénover les cités en difficulté, en détruisant et reconstruisant, en sécurisant les immeubles et en déplaçant les populations logées. Les banlieues concentrent l'apparition des problèmes sociaux inédits ; ainsi, aujourd'hui, on recense des zones de non-droit que constituent certaines cités de logement social ou certaines copropriétés dégradées, où se concentrent délinquance, trafic de drogue et radicalisation islamiste.

Je formulerai une dernière remarque, à propos des ségrégations socio-spatiales. Dans la ville préindustrielle, riches et pauvres se côtoient dans le grouillement de la ville dense, mais les quartiers aristocratiques se distinguent évidemment de ceux des Misérables. Lors de l'insurrection de juin 1848, véritable affrontement de classes entre les ouvriers des ateliers nationaux qui venaient d'être fermés et la garde nationale, les barricades, strictement localisées dans l'est parisien, au coeur du faubourg Saint-Antoine, dessinent les frontières du Paris populaire. Ces distinctions bougent sans disparaître : en 2002, les logements sociaux sont très concentrés à Paris dans l'Est et le Nord-Est. Le faubourg Saint-Antoine s'est boboïsé, tandis que certains arrondissements, comme le XVI e , ne comptent presque aucun logement social. Enfin, si l'on examine la répartition entre les riches et les pauvres à l'échelle de la petite couronne, en prenant pour base de comparaison le revenu annuel médian par habitant (voir photo 3 infra ), on constate que l'Est et le Nord-Est, c'est-à-dire à la fois les XVIII e et XIX e arrondissements ainsi que le coeur du 93, ont une part de population vivant sous le revenu médian beaucoup plus forte. Ainsi, de l'Ancien Régime à nos jours, les ségrégations urbaines se modifient et perdurent, mais la ville fragmentée et étalée du XXI e siècle accroît les inégalités que masquaient les proximités de la ville dense.

Photo 1

Les cinq villes nouvelles
de la région parisienne
dans le schéma de 1965

(c) Université Paris I

Photo 2

Sarcelles, Les Sablons
(Val-d'Oise)
(c) Annie Fourcaut

Photo 3

Riches et pauvres

Paris/Banlieues 2015
(c) CUFR

Yves Dauge, ancien sénateur-maire de Chinon, urbaniste, conseiller auprès du centre du patrimoine à l'Unesco

La parole est à Jean-Louis Subileau.

Jean-Louis Subileau, urbaniste-aménageur

« La forme d'une ville change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel » écrivait Baudelaire, non sans nostalgie. Les phénomènes urbains doivent être appréhendés de manière historique. Aujourd'hui, le changement social s'accélère et évolue plus vite que la forme urbaine. Il est frappant de constater que le faubourg Saint-Antoine, au coeur des barricades de juin 1848, est devenu un foyer de la « classe créative » parisienne et que la génération du numérique, du zapping et du virtuel se plaît à vivre dans un cadre rétro et pittoresque, en chassant les classes populaires du centre de Paris, en toute bonne conscience ! La mutation est si rapide que la fracture sociogéographique aboutit à une « séparation » des mondes sociaux.

Le phénomène urbain, en soi, n'est ni un atout ni un obstacle au développement futur. Julien Gracq rêvait, en parlant de Nantes, d'une ville « qui s'ouvrît, tranchée net comme par l'outil [...] sur la plus grasse, la plus abandonnée, la plus secrète des campagnes bocagères ». C'est l'imaginaire de la ville traditionnelle, au regard duquel l'expansion urbaine fait figure de dégénérescence. À l'inverse, le géographe Jacques Lévy, à l'opposé de Christophe Guilluy, fait l'apologie de la métropole comme forme heureuse d'une mondialisation prometteuse. Il faut donc tenir compte de l'histoire et de l'échelle.

Les différences s'accentuent entre Paris, les métropoles régionales et les autres villes. Tous les critères convergent dans les territoires : emploi des cadres, potentiel de développement, croissance, qualité du cadre de vie, de la formation et des équipements, offre de mobilités, etc. Les écarts se creusent avec le reste du pays. C'est un défi que nous devons relever. J'ai commencé ma carrière à l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur). Nous plaidions, face aux villes nouvelles, pour une ville dense, complexe, multifonctionnelle, mixte, avec un réseau maillé de transports publics. Depuis quarante ans, force est de constater que le contexte est mieux pris en compte dans les opérations d'urbanisme. L'heure n'est plus aux grands gestes architecturaux. Les politiques urbaines intègrent davantage la dimension des territoires, les exigences du développement durable, la mise en valeur de la nature dans la ville. Il importe en effet de toujours placer la ville avant l'architecture. Les progrès sont considérables à cet égard, mais il est vrai qu'ils concernent principalement les grandes villes et les coeurs des métropoles. Alors que le changement social s'accélère et que les inégalités se creusent, la capacité d'initiative des pouvoirs publics faiblit. Les caisses des collectivités territoriales et de l'État sont vides. Les collectivités font de plus en plus appel au privé. Or, les partenariats public-privé en matière d'aménagement supposent, en amont, un travail considérable de définition des cahiers des charges si l'on veut préserver notre modèle urbain. Pour cela, l'ingénierie des collectivités doit être renforcée.

Afin de mieux illustrer mon propos en faveur d'une politique d'équité territoriale, je vais rapidement évoquer deux exemples : le bassin minier et Plaine Commune.

Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, qui regroupe 1,2 million d'habitants, compte 543 cités minières, est un cas emblématique de résilience. Le Gouvernement m'a confié une mission à ce sujet ; je remettrai mon rapport dans les prochains jours. Les mines ont fermé. Le bassin a obtenu le label Unesco, ce qui est une marque de reconnaissance cruciale. Dans les zones urbaines en difficulté, retrouver l'estime de soi est un élément fondamental. Les cités minières n'ont pas été visées par le programme de rénovation de l'Anru car le bâti n'est pas assez dense. Pourtant, les revenus médians y sont parmi les plus faibles de France, le chômage des jeunes explose, la mobilité est très faible, beaucoup n'ayant pas de ressources suffisantes pour acheter une voiture, tandis que le réseau de transports est déficient.

En somme, il y a là une ville qui s'ignore, faute de centralité. Daniel Percheron était conscient du défi lorsqu'il a souhaité installer le Louvre à Lens. Les pouvoirs politiques sont émiettés. Les cités sont fermées sur elles-mêmes et ne communiquent pas. Les villes sont en concurrence : chacune a des projets pour développer le numérique, la culture, la ville intelligente. Un pôle métropolitain de plus de 600 000 habitants - huitième agglomération de France - vient de naître, avec la perspective de création d'une communauté urbaine autour de Lens. C'est indispensable car, faute de choix de développement cohérents et lisibles, les acteurs économiques sont attentistes et nombre d'habitants n'ont pas d'espoir en l'avenir. Il y a des initiatives, mais trop éparses. Il faudra quinze ans pour que l'implantation du Louvre entraîne des retombées significatives sur les territoires, l'« archipel noir » cédant la place à l'« archipel vert ». Il est important que les collectivités se lient, fusionnent, définissent des pôles de centralité et des projets communs. Elles ne pourront le faire seules car elles n'ont pas d'argent. L'État et la région doivent les aider. Les habitants sont impatients.

J'ai participé à l'élaboration du contrat de développement territorial de Plaine Commune, un territoire dynamique, bien placé, au nord de Paris, qui bénéficiera du Grand Paris Express. Ce territoire s'est développé grâce au redéploiement des activités depuis Paris. Il constitue le troisième pôle tertiaire d'Île-de-France. La population compte plus de cent trente nationalités et croît à un rythme élevé ; 40 % des nouveaux arrivants sont de nationalité étrangère, faute de pouvoir s'installer ailleurs. Les inégalités au sein des métropoles sont considérables. Les difficultés sont les mêmes que dans le bassin minier : chômage élevé, niveau de formation et accès aux soins insuffisants, etc. La dynamique démographique est forte dans un cas, faible dans l'autre. L'arrondissement de Lens gagne des activités mais les cadres préfèrent habiter à Lille ou à Arras. À Plaine Commune les créations d'emplois sont importantes mais profitent peu aux habitants du territoire. Ainsi, même au sein d'un territoire dynamique, il est difficile de parvenir à un développement équitable.

En conclusion, je voudrais mettre en garde contre l'emploi de notions trop simples et incantatoire : la notion de « mixité urbaine fonctionnelle » n'est pas opérante si elle n'est pas approfondie et contextualisée. L'emprise de l'habitat est nécessairement forte, il est inévitable que certains quartiers soient davantage résidentiels. L'emploi occupe peu d'espaces. Statistiquement, la mixité fonctionnelle généralisée est inatteignable. Il en va de même pour la mixité sociale, dont il faut analyser les raisons sociales profondes. Nous devons les comprendre pour mieux agir dans l'objectif de faire prévaloir l'équité républicaine. Je profite d'être au Sénat, représentant les communes de France, pour clamer haut et fort que le morcellement communal est créateur d'inégalités. Faute d'une péréquation forte entre les territoires qui la composent, la métropole du Grand Paris ne permettra pas de résoudre les difficultés. Le contrat de développement territorial de Plaine Commune prévoit la construction de 4 200 logements par an, dont 40 % de logements sociaux. À la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest, 2 200 logements par an sont prévus, dont quelque 400 sociaux. Autant dire que les inégalités vont perdurer. Nous avons besoin de structures fortes, à la bonne échelle, capables de faire des choix stratégiques courageux. C'est à ce prix que nous défendrons notre modèle urbain.

Échanges avec la salle

Yves Dauge, ancien sénateur-maire de Chinon, urbaniste, conseiller auprès du centre du patrimoine à l'Unesco

Puisqu'il ne saurait être question, dans un colloque digne de ce nom, de ne pas laisser s'exprimer le public, nous allons prendre quelques questions dans la salle.

Dominique Chauvin, prospectiviste

Nul n'a évoqué l'impact que la voiture électrique aura sur l'urbanisme et l'immobilier. La voiture a modifié la physionomie des villes. Une ville comme Houston a même été dessinée en fonction de la voiture. La voiture électrique, qui suppose des infrastructures de recharge, modifiera la ville de demain.

François Hamet, géographe, urbaniste

Ma question porte sur le divorce entre la ville-centre et sa périphérie. Les emplois et les centres commerciaux s'installent en périphérie. La population suit. La ville-centre s'anémie, d'autant qu'elle se ferme à la voiture. Deux entités coexistent. Par ailleurs, les indicateurs basés sur le revenu médian que vous avez présentés tiennent-ils compte de la taille des ménages ?

Éric Charmes, sociologue et urbaniste

Oui. Ils sont calculés par unité de consommation.

Lluis Pino, programmateur des conférences pour Autonomy, le festival de la mobilité urbaine

Outre le véhicule électrique, quel sera l'impact des véhicules autonomes sur l'emploi, la ville, le stationnement ?

Éric Charmes, sociologue et urbaniste

La question de l'opposition entre la ville-centre et la périphérie doit être appréciée au cas par cas. Chaque situation est particulière. Quant à la voiture électrique, il ne faut pas surestimer son impact : il ne s'agit que d'un changement de motorisation...

Dominique Chauvin, prospectiviste

Non ! Il s'agit d'une mutation, d'un nouveau modèle énergétique, économique et sociétal. Avec la voiture électrique le coût marginal de fonctionnement est nul ; dès lors, cela facilitera le désenclavement de ceux qui ne peuvent se payer l'essence aujourd'hui et pourrait être un outil politique et sociétal de lutte contre le développement du vote Front national.

Yves Dauge, ancien sénateur-maire de Chinon, urbaniste, conseiller auprès du centre du patrimoine à l'Unesco

Merci à tous de vos contributions. La réflexion sur la mobilité est, en effet, centrale.

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