D. UNE FAIBLE CONCERTATION AU SEIN DE L'ENTREPRISE DANS LES DÉCISIONS D'UTILISATION DU CICE

1. Une faible participation des représentants du personnel

Le suivi et l'utilisation du CICE devaient normalement reposer non sur un fléchage contraignant mais s'assoir sur un processus de concertation. Une procédure de consultation des représentants du personnel est prévue par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, mais le comité de suivi des aides publiques aux entreprises souligne dans son rapport 2015 qu'il s'agit d'un exercice « fréquemment formel et décevant ».

Les représentants du personnel font souvent état de la déclaration annexée aux comptes de l'entreprise, qu'ils connaissent et consultent, et d'une éventuelle communication de l'entreprise. Cependant, les informations données aux représentants du personnel restent la plupart du temps aussi sommaires que celles indiquées en annexe aux comptes.

2. Une faible participation des directions des ressources humaines

Le CICE s'appuie sur deux objectifs désignés, que sont la compétitivité et l'emploi. À ce titre, si les choix financiers stratégiques relèvent dans les entreprises de taille intermédiaire ou les grandes entreprises des directions financières, les choix en termes d'emploi engagent naturellement les directions des ressources humaines.

Pourtant, les directions des ressources humaines interrogées ont reconnu n'avoir souvent pas été consultées sur une éventuelle stratégie d'utilisation du CICE. L'enquête menée par France Stratégie souligne leur manque d'association aux décisions relatives à l'utilisation du CICE. Les conséquences en termes d'emploi sont ainsi d'autant plus difficiles à estimer.

E. CONCLUSION : UN DISPOSITIF COMPLEXE ET NON CIBLÉ, POUR UN EFFET INCERTAIN

Le CICE peine ainsi à démontrer tant sa pertinence dans sa forme que son efficacité sur le fond. Véritable saupoudrage, ses résultats semblent sujets à caution. Le CICE a renforcé la complexité du système fiscal français, et en particulier l'impôt sur les sociétés. Aussi, la baisse du « coût du travail » attribuée au CICE résulte de ce choix d'attribuer le gain de ce crédit d'impôt sur les sociétés aux charges de personnel. Cet affichage ne garantit pas l'attractivité et la compétitivité de notre territoire.

Les conséquences du CICE sont incertaines du fait même du contexte dans lequel a évolué ce dispositif. Dans le même temps, les taux de change euro-dollar comme les prix des matières premières, pétrole en tête, ont été favorables aux pays européens, France comprise. Les gains que le pays a ainsi pu connaître en termes de compétitivité, d'emploi ou de redressement de l'économie voient leurs sources difficilement pondérables, et le CICE n'a pas nécessairement été l'élément le plus déterminant.

Trois ans après le lancement du dispositif, ses conséquences en termes d'emploi sont estimées par les instituts de statistiques et de recherche en économie bien moindres qu'espérées, quand ses bénéfices en termes de compétitivité sont incertains. Les éléments que votre rapporteure spéciale a pu recueillir font craindre que les résultats ne soient pas au rendez-vous, et que l'investissement productif n'ait pas bénéficié du CICE à hauteur de l'ambition annoncée et du coût budgétaire consenti.

Le CICE se révèle donc un outil complexe, dispersé et à l'efficacité incertaine. Il semble nécessaire de remettre à plat cette dépense fiscale conséquente et d'engager une politique publique portée par un vrai projet de prospective à moyen et long terme pour l'industrie française.

Recommandation n° 6 : Revoir profondément, dans sa forme comme son montant, le dispositif complexe et budgétairement conséquent qu'est le CICE. Redéployer les fonds consacrés au CICE dans des plans d'investissements en faveur des infrastructures et de la transition énergétique.

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