V. PME, COMMERCE ET ARTISANAT

• Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire

Sur les 61 mesures d'application prévues pour cette loi, 47 ont été prises . Le taux d'application de la loi est donc de 87 %, ce qui apparaît très satisfaisant quinze mois après sa promulgation.

Analyse quantitative

D'un point de vue quantitatif, la loi du 31 juillet 2014 apparaît presque totalement applicable. La plupart des mesures d'application ont été prises depuis le 1 er avril 2015, faisant ainsi apparaître une plus forte mobilisation du pouvoir réglementaire pour assurer la mise en oeuvre de la loi après un an de promulgation.

Il s'agit, en premier lieu, de l'article 1 er (définition de l'économie sociale et solidaire), pour l'application duquel trois décrets sont intervenus pour :

§ déterminer les exceptions à l'interdiction faite à une société commerciale d'amortir son capital et de procéder à une réduction du capital non motivée par des pertes. Une société relevant de l'économie sociale et solidaire ne peut en effet être qualifiée comme telle que si elle respecte un certain nombre de principes de gestion, dont notamment l'interdiction de réduire son capital lorsque cette opération n'est pas motivée par des pertes. Un décret simple devait intervenir pour déterminer les hypothèses dans lesquelles une telle opération peut malgré tout être effectuée. Le décret n° 2015-760 du 24 juin 2015 définit en conséquence cinq cas :

- lorsque la réduction de capital résulte de l'annulation d'actions à la suite du rachat par la société de ses propres actions ;

- lorsque l'assemblée générale a autorisé à acheter un nombre d'actions en vue de les annuler, afin de faciliter une augmentation du capital, une émission de valeurs mobilières donnant accès au capital, une fusion ou une scission ;

- en cas de refus de la société d'autoriser la cession à un tiers étranger d'une société à responsabilité limitée ou d'une société par actions ;

- dans le cas où la société est à capital variable, selon les modalités prévues par les statuts ;

- dans les sociétés anonymes, sous réserve que la société consacre à la réduction de capital, cumulée avec celles intervenues sur les cinq exercices précédents, moins de 50 % de la somme des bénéfices réalisés au cours des cinq exercices précédents, nets des pertes constatées sur la même période ;

Ø préciser les éléments d'identification des personnes morales de droit privé ayant la qualité d'entreprises de l'économie sociale et solidaire. Le décret en Conseil d'État n° 2015-1219 du 1 er octobre 2015 relatif à l'identification des personnes morales de droit privé ayant la qualité d'entreprises de l'économie sociale et solidaire prévoit ainsi que dans le registre du commerce et des sociétés (RCS) devra figurer l'appartenance de l'entité à l'ESS. De même, sera porté au répertoire SIRENE le numéro d'identification des associations au registre national des associations (RNA) ;

Ø définir les mentions qui doivent figurer dans les statuts des sociétés commerciales afin de se voir reconnaître la qualité d'entreprises de l'ESS. Tel est l'objet du décret simple n° 2015-858 du 13 juillet 2015 relatif aux statuts des sociétés commerciales ayant la qualité d'entreprises de l'économie sociale et solidaire.

En outre, pour l'application du même article, un arrêté du 3 août 2015 fixant la fraction des bénéfices affectée au report bénéficiaire et aux réserves obligatoires est venu préciser le niveau des prélèvements qui doivent être opérés pour former le fonds de développement, réserve obligatoire spécifique, ou affectés aux réserves obligatoires ainsi qu'au report bénéficiaire.

Les dispositions de l'article 4 , relatives au Conseil supérieur de l'ESS, ont fait l'objet de deux mesures d'application :

- d'une part, le décret en Conseil d'État n° 2015-732 du 24 juin 2015 relatif au Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire est venu préciser la composition, la durée des mandats (en principe trois ans renouvelables une fois pour trois ans), les modalités de fonctionnement et de désignation des membres de ce conseil ainsi que les conditions dans lesquelles y est assurée la parité entre les femmes et les hommes ;

- d'autre part, un arrêté ministériel conjoint du 2 octobre 2015 a procédé à la nomination des membres (non parlementaires) de cet organisme.

Le décret simple n° 2015-1732 du 22 décembre 2015 relatif à l'obligation de mise à jour et de publication par les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire de la liste des entreprises régies par l'article 1 er de la loi est venu mettre en oeuvre les dispositions de l'article 6 de celle-ci.

L'article 9 de la loi, qui a consacré au niveau législatif l'existence des pôles territoriaux de coopération économique, a donné lieu à l'adoption du décret simple n° 2015-431 du 15 avril 2015 relatif aux appels à projets des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). Ce dernier a fixé le régime des appels à projets permettant aux PTCE de bénéficier d'une aide consistant en l'octroi de subventions ou en un appui notamment logistique ou intellectuel, selon des modalités précisées dans un cahier des charges.

L'article 11 de la loi, qui a refondu les conditions nécessaires à l'obtention d'un agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale », a fait l'objet d'une mise en application par le décret en Conseil d'État n° 2015-719 du 23 juin 2015 relatif à l'agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale » régi par l'article L. 3332-17-1 du code du travail. Ce texte précise les conditions de délivrance de cet agrément par le préfet de département dans lequel l'entreprise a son siège social et la procédure qui doit être suivie à cet effet. Il a été complété par un arrêté interministériel du 5 août 2015 fixant la composition du dossier de demande d'agrément.

À l'article 14 , créant un article L. 214-153-1 du code monétaire et financier, relatif aux conditions dans lesquelles les investisseurs peuvent investir dans des fonds professionnels spécialisés ou des fonds professionnels de capital investissement qui ont reçu l'autorisation d'utiliser la dénomination « EuSEF », le décret attendu n'a pas été pris. Le Gouvernement estime néanmoins que, bien que la disposition législative n'ait pas été abrogée, la prise de ce décret est devenue sans objet à la suite des mesures de transposition de la directive « Solvabilité II ».

L' article 18 , instituant un dispositif d'information des salariés sur les possibilités de reprise d'une société par les salariés, a fait l'objet d'une mesure d'application mais dans sa version modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Le décret n° 2016-2 du 4 janvier 2016 relatif à l'information triennale des salariés prévue par l'article 18 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire détermine ainsi les informations qui doivent être portées à la connaissance des salariés ainsi que les moyens de cette information.

Deux décrets ont été adoptés pour l'application de l'article 24 de la loi, qui vise notamment à développer le modèle coopératif :

- d'une part, le décret simple n° 2015-594 du 1 er juin 2015 relatif aux conditions dans lesquelles les coopératives peuvent prévoir dans leurs statuts d'admettre des tiers non sociétaires à bénéficier de leurs activités a défini la nature des opérations autorisées, les conditions d'appréciation du plafond légal et les obligations auxquelles sont soumises les coopératives qui font le choix de lever cette option dans leurs statuts ;

- d'autre part, le décret en Conseil d'État n° 2015-562 du 20 mai 2015 relatif au Conseil supérieur de la coopération a précisé la composition ainsi que les modalités du fonctionnement de cet organisme.

Les dispositions de l'article 25 , qui mettent en place le principe de révision coopérative, ont fait l'objet de deux mesures d'application réglementaires :

- le décret en Conseil d'État n° 2015-800 du 1 er juillet 2015 fixant les seuils au-delà desquels les sociétés coopératives sont soumises à la procédure de révision et adaptant la révision coopérative aux sociétés coopératives de production a prévu que la procédure de révision s'appliquerait selon des seuils variables selon la nature de la coopérative concernée (coopératives régies par la loi de 1947, coopératives agricoles, coopératives maritimes, coopératives de commerçants détaillants, banques mutualistes, coopératives de consommation, coopératives de production) ;

- le décret en Conseil d'État n° 2015-706 du 22 juin 2015 a précisé les conditions d'agrément des réviseurs coopératifs et les conditions et modalités d'exercice de leurs fonctions.

En revanche, ces décrets n'ont pas prévu de dispositions spécifiques concernant la révision dans les sociétés coopératives de HLM, alors qu'une mesure spécifique est prévue par le VI de l'article 25.

L'article 33 de la loi a notamment introduit l'obligation pour les sociétés coopératives d'intérêt collectif de présenter des informations sur l'évolution du projet coopératif porté par ces sociétés. Le décret simple n° 2015-1381 du 29 octobre 2015 relatif aux éléments d'information sur l'évolution du projet coopératif d'une société coopérative d'intérêt collectif à inscrire dans le rapport de gestion ou le rapport du conseil d'administration ou du directoire a précisé la nature de ces informations : il s'agit de l'évolution du sociétariat, des évolutions intervenues en matière de gouvernance de la société, de l'implication des différentes catégories de sociétaires dans la prise de décision au sein de la société, des relations entre les différentes catégories d'associés ainsi que des principales évolutions intervenues dans le contexte économique et social de la société.

Le décret en Conseil d'État n° 2015-1363 du 27 octobre 2015 relatif aux coopératives d'activité et d'emploi et aux entrepreneurs salariés a été pris pour l'application des articles 47 et 48 de la loi afin de préciser :

- d'une part, les conditions dans lesquelles les statuts de la coopérative déterminent les moyens mis en commun par elle à cet effet et les modalités de rémunération des entrepreneurs personnes physiques coopérateurs ;

- d'autre part, les modalités de calcul et de versement de la rémunération à l'entrepreneur salarié associé, de déclaration auprès des organismes sociaux et d'affiliation obligatoire aux assurances sociales du régime général.

Le décret simple n° 2015-1103 du 1 er septembre 2015 relatif au dispositif local d'accompagnement a permis la mise en application de l'article 61 de la loi, qui consacre ce mécanisme au niveau législatif, en précisant les conditions et modalités de sa mise en oeuvre.

L'article 63 , relatif au Haut Conseil à la vie associative, a fait l'objet d'un décret simple n° 2015-1034 du 19 août 2015 définissant les nouvelles modalités de fonctionnement de cet organisme consultatif placé auprès du Premier ministre.

Bien que l'article 64 de la loi n'exige pas formellement un décret d'application, le décret simple n° 2015-581 du 27 mai 2015 relatif au volontariat associatif a été pris afin de modifier les dispositions réglementaires du code du service national pour les mettre en accord avec les nouvelles dispositions législatives.

L' article 71 de la loi prévoyait l'intervention de mesures réglementaires, et notamment d'un décret en Conseil d'État, pour l'application des nouvelles modalités de fusion ou de dissolutions d'associations régies par la loi du 1 er juillet 1901. Ces mesures ont été prises dans le cadre du décret en Conseil d'État n° 2015-832 du 7 juillet 2015 pris pour l'application de la loi du 31 juillet 2014 sur l'économie sociale et solidaire et relatif aux associations.

Le décret simple n° 2015-1017 du 18 août 2015 relatif au seuil déclenchant le recours à un commissaire aux apports pour les opérations de restructuration des associations et des fondations a été pris pour l'application des dispositions de l' article 72 de la loi, relatif au régime spécifique des associations dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Le décret en Conseil d'État n° 2015-807 du 1 er juillet 2015 pris pour l'application de la loi du 31 juillet 2014 sur l'économie sociale et solidaire et relatif aux fondations a rendu applicable l'article 86 de la loi, relatif à la fusion et la dissolution des fondations, en fixant notamment les conditions et délais dans lesquels les fondations établissent un projet de fusion, de scission ou d'apport partiel d'actif, qui fait l'objet d'une publication.

Le décret simple n° 2015-1826 du 30 décembre 2015 relatif à la commission des filières de responsabilité élargie des producteurs a été pris pour l'application de l'article 88, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte .

À l'article 92 , relatif aux conditions de la collecte, du traitement et du financement des déchets d'activités de soins, le Gouvernement a indiqué qu'aucun décret ne serait en définitive adopté, le décret n° 2011-763 du 28 juin 2011 relatif à la gestion des déchets d'activités de soins à risque infectieux perforants produits par les patients en auto-traitement suffisant d'ores-et-déjà à la bonne application de ce dispositif.

L' article 94 , relatif au commerce équitable, nécessitait l'adoption d'un décret d'application pour préciser les critères du désavantage économique mentionné dans la définition du commerce équitable. Le décret en Conseil d'État n° 2015-1157 du 17 septembre 2015 relatif au commerce équitable a ainsi disposé que sont des travailleurs en état de désavantage économique :

- ceux qui n'ont pas accès aux moyens économiques et financiers et à la formation nécessaires pour leur permettre d'investir dans leur outil de production et de commercialisation ;

- ceux qui sont en situation de vulnérabilité spécifique du fait de leur environnement physique, économique, social ou politique ;

- ceux dont les productions sont liées aux ressources et spécificités de leur territoire et qui n'ont accès habituellement qu'au marché local pour la distribution de leurs produits.

Ces articles de la loi du 31 juillet 2014, désormais applicables, complètent ainsi ceux ayant fait l'objet de mesures d'application entre sa publication et le 31 mars 2015, c'est-à-dire les articles 13, 19, 20, 27, 54, 85, 91 et 93.

En outre, les deux ordonnances pour lesquelles figuraient des habilitations au sein de la loi ont été prises dans les délais :

- en application de l'article 62, l'ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du régime des associations et des fondations, qui a notamment permis de simplifier les démarches des associations et des fondations auprès des administrations ;

- en application de l'article 96, une ordonnance étendant les dispositions de la loi aux collectivités d'outre-mer et adaptant le texte aux départements d'outre-mer : l'ordonnance n° 2016-415 du 7 avril 2016 relative à l'économie sociale et solidaire dans le Département de Mayotte.

Restent donc encore à prendre des mesures réglementaires d'application pour :

- l' article 3 (guide des bonnes pratiques des entreprises de l'économie sociale et solidaire), un décret devant préciser les modalités de calcul des effectifs autres que salariés présents dans l'entreprise ;

- l'article 25 (principe de la révision coopérative), en tant seulement qu'il concerne la révision dans les sociétés coopératives de HLM ;

- l'article 51 (opérations de coassurance), des arrêtés ministériels devant dresser la liste des opérations collectives à adhésion facultative, des opérations collectives obligatoires et des contrats de groupe à adhésion facultative qui sont exclus de la possibilité de coassurance entre institutions de prévoyance, mutuelles et organismes d'assurance ;

- l'article 55 (unions de mutuelles), un décret devant préciser les conditions de fonctionnement des Unions de mutuelles. Il semble que le Gouvernement souhaite d'abord mener à bien la réforme du code de la mutualité, envisagée au cours de l'année 2016, pour prendre les mesures d'application nécessaires ;

- l'article 70 (titres associatifs), un arrêté devant fixer la rémunération maximale des titres associatifs.

En outre, aucun des rapports que le Gouvernement devait remettre au Parlement n'a été présenté dans les délais impartis :

- en application de l'article 26, un rapport sur la création d'un statut des unions d'entreprises de l'économie sociale et solidaire (date-limite de dépôt fixée au 31 décembre 2014) ;

- en application de l'article 49, un rapport sur l'accès aux responsabilités des jeunes navigants dans les coopératives maritimes (date-limite de dépôt fixée au 1 er septembre 2015) ;

- en application de l'article 52, un rapport sur les droits et la formation des administrateurs de mutuelles ;

- en application de l'article 58, un rapport sur l'alignement des droits et obligations des administrateurs des sociétés d'assurance mutuelles sur ceux existant dans la code de la mutualité ;

- en application de l'article 67, un rapport d'évaluation des congés favorisant le bénévolat associatif et des possibilités de valorisation des acquis de l'expérience dans le cadre du bénévolat.

Analyse qualitative

Des auditions menées, dans le cadre du groupe d'études sur l'économie sociale et solidaire, par son président M. Marc Daunis, co-rapporteur de l'application de la loi, et des membres de la commission, notamment M. Henri Tandonnet, également co-rapporteur, et Mme Marie-Noëlle Lienemann, il résulte que les mesures d'application prises par le Gouvernement ont fait l'objet d'une large concertation avec les parties concernées, et en particulier les organes représentatifs du secteur de l'ESS : le Conseil national de l'ESS (CNESS), la chambre française de l'ESS (ESS France) et le Conseil national des chambres régionales de l'ESS (CNCRES).

Néanmoins, d'ores-et-déjà, certaines difficultés ponctuelles de mise en oeuvre sont apparues.

- Tel est le cas, en premier lieu, de la tenue des listes des entreprises de l'ESS par les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS), prévue par l'article 6 de la loi .

Conformément à l'article 1 er du décret n° 2015-1732 du 24 décembre 2015, chaque CRESS devra publier et mettre à jour la liste des entreprises de l'ESS (au sens des 1° et 2° du II de l'article 1 er de la loi relative à l'ESS) dont le siège social ou l'un des établissements est situé dans sa région. Ce décret précise notamment les informations relatives à ces entreprises qui devront figurer sur les listes.

Cependant, pour l'élaboration de ces listes, les CRESS sont dépendantes des données de la base SIRENE, établie par l'INSEE. La question des conditions de la mise à disposition de cette base est aujourd'hui posée, car le principe d'une mise à disposition gratuite n'est pas prévu juridiquement. Certes, le projet de loi pour une République numérique prévoit un principe général d'open data des données publiques, qui, à terme, devrait assurer la mise à disposition gratuite de la base SIRENE au profit des CRESS. Mais, avant même l'adoption de ce texte et sa mise en application, qui devrait prendre encore plusieurs mois, il est important que les listes puissent être constituées au plus vite dans les CRESS. Selon les informations recueillies, il semble néanmoins que l'administration se soit engagée, pour la période juin 2016/juin 2017, à acquérir les fichiers SIRENE auprès de l'INSEE afin de les mettre gratuitement à disposition du réseau des CRES. Il reste cependant des points à clarifier s'agissant des conditions d'exploitation des données.

En outre, l'obligation de faire figurer dans les listes tenues par les CRESS les sociétés commerciales qui répondent aux critères de l'ESS posés par le 2° du II de l'article 1 er de la loi reste impossible à mettre en place dès lors que les modalités d'immatriculation de celles-ci ne seront pas encore encadrées avec précision au niveau réglementaire. En effet, si un formulaire Cerfa est bien disponible depuis janvier 2016, les centres de formalités des entreprises (CFE) ne disposent pas encore de directives précises pour répertorier ces entreprises. De ce point de vue, l'article 1 er reste donc seulement partiellement mis en oeuvre.

- En deuxième lieu, l'article 11 de la loi a mis en place un agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale » se substituant à l'agrément « entreprise solidaire » en vigueur, afin de renforcer le contrôle sur les activités exercées et les modes de gestion et de financement des entreprises concernées. Toutefois, selon les informations recueillies, la mise en oeuvre de cette disposition soulève deux difficultés :

* d'une part, malgré l'adoption du décret d'application prévu par cette disposition (décret n° 2015-719 du 23 juillet 2015), l'absence d'enregistrement, en tant que telles, des sociétés commerciales relevant de l'ESS par les greffes des tribunaux de commerce ne permet pas à ces dernières, en principe et sur le plan juridique, d'obtenir l'agrément « ESUS ». En pratique, certaines DIRRECTE ont pourtant accepté de délivrer un agrément à des sociétés commerciales non immatriculées comme relevant de l'ESS par les greffes ;

* d'autre part, il semble qu'en pratique certaines DIRECCTE reconduisent purement et simplement les conventions antérieures, sans tenir compte des modifications opérées par la loi qui ont eu pour but de renforcer les conditions d'agrément. Un travail d'harmonisation des approches des différentes unités territoriales des DIRECCTE est engagé, en lien avec la direction générale du Trésor, afin de traiter de manière uniforme les demandes d'agrément ESUS et de s'assurer du respect effectif par les demandeurs des critères de l'ESS.

- L'article 9 de la loi a apporté une reconnaissance législative aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) , déjà mis en oeuvre par plusieurs réseaux locaux et nationaux de l'économie sociale et solidaire au cours des dernières années. Ces pôles regroupent, sur un même territoire, des entreprises de l'ESS, qui s'associent à d'autres organismes (entreprises, collectivités territoriales, centres de recherche, organismes de formation) et mettent en oeuvre une stratégie commune et continue de mutualisation au service de projets économiques innovants socialement et porteurs d'un développement durable. Conformément à la loi, le décret n° 2015-431 du 15 avril 2015 est venu déterminer la procédure de sélection des projets et ses critères.

Néanmoins, les modalités retenues par le pouvoir réglementaire ont tendance à faire perdre aux PTCE la souplesse qui les caractérisait jusqu'alors : selon la position exprimée par le CNCRES, cette approche a eu pour effet de renforcer l'exigence de structuration administrative au détriment de la démarche des acteurs, ce qui se traduirait notamment par le fait que l'appel à projets lancé pour 2016 n'a donné lieu qu'à la sélection de 15 projets, contre 25 pour l'année 2013. En outre, cette sélection n'a pas été opérée par le comité interministériel prévu par l'article 9 de la loi, alors que telle est pourtant sa mission, dès lors que si le décret précité a effectivement défini la composition de cet organe, celui-ci n'a toujours pas été institué. Il importe donc que ce comité soit effectivement mis en place et assure ainsi la mission qui lui a été confiée par la loi.

S'agissant de la mise en oeuvre pratique de la loi, il apparaît, au regard des informations fournies par BPI France, que :

* des solutions de financement au profit des acteurs de l'ESS ont été développées et sont d'ores-et-déjà disponibles, mais que les acteurs ne se sont pas encore totalement appropriés ces nouveaux dispositifs ; à cet égard, l'année 2016 sera une année « test » ;

* un effort de pédagogie sur la loi ESS doit être fait au profit d'acteurs qui forment un ensemble très disparate dépourvu d'une représentation unifiée ; à cet égard, il semble que certains dispositifs de la loi ou de ses mesures d'application sont parfois mal ressentis : c'est le cas, notamment, du décret relatif aux entreprises commerciales de l'ESS ou de la généralisation de la technique de l'appel à projets ;

* de manière générale, il existe un déficit d'accompagnement des acteurs de l'ESS sur les dispositifs de financement qui leur sont offerts, alors que la « culture » des acteurs de l'ESS (en métropole ou outre-mer) reste encore essentiellement celle du subventionnement.

• Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises

Cette loi, forte de 73 articles répartis en cinq titres, comportait 20 articles devant faire l'objet de mesures réglementaires d'application. Depuis le 1 er avril 2015, elle a donné lieu à la publication de 14 décrets (9 décrets en Conseil d'État et 5 décrets simples).

Ainsi, malgré un démarrage difficile (seulement 26 % de taux d'application en 2015), le pouvoir réglementaire a pris une grande partie des mesures d'application nécessaires prévues par la loi , seuls deux articles de la loi nécessitant de nombreuses mesures réglementaires (articles 26 et 57) restant totalement ou partiellement inapplicables.

§ Le titre I concerne l'adaptation du régime des baux commerciaux et comprend les articles 1 à 21.

Ces dispositions sont entièrement applicables depuis la publication de deux décrets en juillet 2015 :

- d'une part, le décret en Conseil d'État n° 2015-914 du 24 juillet 2015 modifiant certaines dispositions du code de l'urbanisme relatives au droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l'objet de projets d'aménagement commercial. Ce décret, pris pour l'application de l'article 17 de la loi, adapte notamment, au niveau réglementaire, les dispositions du code de l'urbanisme afin de permettre la délégation par la commune de son droit de préemption ;

- d'autre part, le décret en Conseil d'État n° 2015-914 du 24 juillet 2015 relatif à la procédure d'attribution des contrats de revitalisation artisanale et commerciale , pris pour l'application de l' article 19 de la loi. Ces contrats ont pour vocation de permettre à une collectivité territoriale de choisir, après appel à candidature, un opérateur (société d'économie mixte ou établissement public local rattaché à une collectivité territoriale) qui, dans le cadre du contrat, va racheter les fonds de commerce d'une zone déterminée, les rénover, puis les louer avec une possibilité de vente au preneur.

Le décret prévoit une procédure d'attribution de ces contrats qui diffère selon que le contrat met à la charge de l'opérateur une part significative du risque économique et que le montant des produits de l'opération est supérieur aux seuils de procédure formalisée du code des marchés publics.

Les collectivités sont donc désormais en mesure de mettre en place de tels contrats , à titre expérimental pour une durée de 5 ans. Cependant, à ce jour, aucun contrat n'a encore été conclu . Certaines grandes agglomérations se sont néanmoins engagées dans un processus d'adoption de tels contrats : c'est le cas de Paris, où plusieurs secteurs ont d'ores-et-déjà été identifiés comme nécessitant des mesures de maintien ou de restauration de la diversité commerciale et qui devraient bénéficier d'un contrat sur la période 2016-2028.

D'ores-et-déjà, néanmoins, certaines chambres de commerce et d'industrie - dont la consultation est requise par l'article 19 de la loi pour l'élaboration de ces contrats - regrettent de ne pouvoir, de ce fait, candidater en tant qu'opérateur lors de la mise en concurrence prévue pour l'attribution des contrats. La question du maintien de cette intervention consultative en amont du processus est donc posée.

§ Le titre II a pour objet la promotion et développement des très petites entreprises et comprend trois ensembles de dispositions bien distinctes.

Le chapitre I er porte sur la qualification professionnelle et la définition de la qualité d'artisan (articles 22 et 23).

L'article 23 était déjà applicable depuis la publication du décret en Conseil d'État n° 2015-194 du 19 février 2015 relatif au fichier national des interdits de gérer.

L 'article 22 est quant à lui devenu pleinement applicable à la suite de la publication du décret en Conseil d'État n° 2015-810 du 2 juillet 2015 relatif à la qualité d'artisan et au répertoire des métiers. Ce décret précise les conditions dans lesquelles les personnes immatriculées au répertoire des métiers peuvent se prévaloir de la qualité d'artisan et d'artisan d'art. Il détermine les conditions de vérification par la chambre des métiers et de l'artisanat du respect des obligations en matière de qualification professionnelle, lors de l'immatriculation et lors des changements de situation affectant les obligations de l'entreprise en matière de qualification. Il crée une section relative aux métiers d'art au sein du répertoire des métiers et rétablit le délai d'acceptation implicite de quinze jours en cas de silence gardé sur la demande d'immatriculation. Enfin, il modifie le décret n° 2010-1648 du 28 décembre 2010 relatif au tarif des actes déposés par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée au répertoire des métiers et précise le tarif applicable à la délivrance d'une copie de la déclaration d'affectation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Le chapitre II concerne les dispositions relatives aux entrepreneurs bénéficiant du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale (articles 24 à 32).

L 'article 24 de la loi prévoyait, à lui seul, huit mesures réglementaires d'application. La mise en oeuvre de ces dispositions législatives n'a, en définitive, donné lieu qu'à l'adoption d'un seul décret (simple) : le décret n° 2015-1856 du 30 décembre 2015 relatif aux cotisations et contributions de sécurité sociale des travailleurs indépendants, qui ne met en oeuvre que quatre mesures prévues par l'article 24, les autres mesures trouvant déjà leurs dispositions d'application dans des dispositions existantes du code de la sécurité sociale.

À cette fin, il modifie les assiettes minimales de cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, supprime le versement de cotisation minimale au titre du risque maladie, abaisse l'assiette de la cotisation minimale d'assurance invalidité et relève l'assiette de la cotisation minimale vieillesse afin de permettre aux assurés de valider au moins trois trimestres d'assurance vieillesse par année et, enfin, fixe les modalités permettant aux travailleurs indépendants de relever du régime micro-social. Les autres mesures trouvent en effet déjà leurs dispositions d'application dans des dispositifs préexistants du code de la sécurité sociale. Cet article est donc désormais entièrement applicable .

L' article 25 , qui prévoit diverses mesures de coordination dans le code de la sécurité sociale et le code du travail, est pour l'essentiel applicable depuis la publication du décret n° 2014-1637 du 26 décembre 2014 relatif au calcul des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants non agricoles . Seules restaient nécessaires des mesures d'application relatives au calcul des cotisations de sécurité sociale (B du VI de l'article 25). Elles ont été prises par le décret (simple) n° 2015-877 du 16 juillet 2015 relatif aux règles d'affiliation des personnes relevant de plusieurs régimes de sécurité sociale qui précise notamment, en cas d'affiliation d'un assuré à une pluralité de régimes pour le risque maladie-maternité, la règle de détermination du régime compétent pour servir les prestations en nature, fondée sur le principe du maintien dans le régime d'affiliation initial, sauf option contraire du cotisant pour le régime dont l'affiliation est la plus récente.

L' article 26 se compose également d'un ensemble de mesures de coordination destinées, en particulier, à uniformiser le calcul des cotisations sociales minimales . Ces dispositions sont applicables depuis le 1 er janvier 2016 , date d'entrée en vigueur prévue par la loi, dès lors que les dispositions réglementaires existantes du code de la sécurité sociale sont d'ores-et-déjà de nature à le permettre et que le décret n° 2014-1637 précité ainsi que le décret n° 2014-628 du 17 juin 2014 relatif à la dématérialisation de la déclaration et du paiement des cotisations sociales pour les employeurs privés et les travailleurs indépendants ainsi qu'à la dématérialisation de la déclaration préalable à l'embauche pour les employeurs privés ont déjà été publiés.

L' article 27 , qui généralise l'obligation d'immatriculation aux auto-entrepreneurs, est pleinement applicable depuis l'intervention du décret en Conseil d'État n° 2015-731 du 24 juin 2015 relatif aux formalités administratives nécessaires à l'exercice de l'activité économique des personnes relevant du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale.

Les dispositions de l'article 29 relatives au reversement des droits recouvrés au titre de la cotisation due par les chefs d'entreprise bénéficiant du régime micro-social aux bénéficiaires ont été rendues pleinement applicables grâce à l'intervention du décret n° 2015-1137 du 14 septembre 2015 relatif au reversement par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale du produit des taxes pour frais de chambres consulaires recouvrées auprès des cotisants mentionnés à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale.

Le chapitre III , relatif à la simplification du régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (articles 33 à 36), est entièrement applicable depuis le 18 juin 2015, sans que des mesures d'application aient été nécessaires à cette fin.

§ Le titre III concerne l'amélioration de l'efficacité de l'intervention publique et se divise en quatre chapitres .

Le chapitre I er vise la simplification et la modernisation de l'aménagement commercial (articles 37 à 60).

Pour l'essentiel applicables depuis l'adoption du décret n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial et du décret n° 2015-268 du 10 mars 2015 modifiant la partie réglementaire du code du cinéma et de l'image animée et relatif à l'aménagement cinématographique, ces dispositions ont fait l'objet d'une mesure d'application supplémentaire concernant l'article 59 qui prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe la liste des destinations des constructions que les règles édictées par les plans locaux d'urbanisme peuvent prendre en compte. Le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre I er du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme a en effet intégré cette mesure dans le cadre d'une réécriture importante des dispositions réglementaires du code de l'urbanisme.

En revanche, reste formellement inapplicable l'article 57, dont le 13° du I modifie l'article L. 425-1 du code du cinéma et de l'image animée pour autoriser le représentant de l'État dans le département à mettre en demeure un exploitant de l'établissement de spectacles cinématographiques de ramener le nombre de salles ou de places de spectateurs au nombre figurant dans l'autorisation d'aménagement cinématographique accordée par la commission d'aménagement cinématographique compétente en imposant une astreinte journalière de 150 € par place de spectateur. Le Gouvernement estime néanmoins que les dispositions de l'article L. 425-1 sont suffisantes à elles seules pour permettre l'application de cette mesure, qui doit donc être considérée de facto comme applicable .

Le chapitre II réforme le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) (articles 61 et 62). Ces dispositions ont renvoyé l'essentiel de la réforme au pouvoir réglementaire. Cette réforme a été opérée par le décret en Conseil d'État n° 2015-542 du 15 mai 2015 pris pour l'application de l'article L. 750-1-1 du code de commerce.

Elle vise à substituer à une logique de guichet un dispositif d'appel à projets national afin de mieux favoriser la création, le maintien, la modernisation, l'adaptation ou la transmission des entreprises de proximité, sédentaires ou non sédentaires, appartenant au secteur du commerce, de l'artisanat ou des services, qui apportent un service à la population locale et dont la clientèle est principalement composée de consommateurs finaux.

Le décret distingue trois catégories d'opérations éligibles au fonds :

- d'une part, les opérations collectives, qui concernent un ensemble d'entreprises relevant d'un secteur géographique donné, fragilisé par l'évolution démographique ou par une situation économique particulièrement difficile, et dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 million d'euros hors taxes, la surface de vente des entreprises à vocation alimentaire ne pouvant excéder 400 m 2 . Ces opérations visent à maintenir ou améliorer le tissu des entreprises commerciales, artisanales et de services dans les pays, les groupements de communes rurales, les centres-villes ainsi que les quartiers des communes de plus de 3 000 habitants ;

- d'autre part, les opérations individuelles en milieu rural, qui concernent les entreprises de proximité souhaitant soit s'implanter, soit se moderniser dans les centres-bourgs des communes dont la population est inférieure à 3 000 habitants. Leur chiffre d'affaires doit être inférieur à 1 million d'euros hors taxes, et la surface de vente des entreprises à vocation alimentaire ne peut excéder 400 m 2 . La maîtrise d'ouvrage de ces opérations peut être publique ou privée ;

- enfin, les actions spécifiques de niveau national, qui peuvent être décidées par le ministre chargé du commerce pour anticiper ou accompagner l'évolution et les mutations des secteurs du commerce, de l'artisanat et des services. Ces actions donnent lieu à l'établissement de règlements particuliers pris par le ministre chargé du commerce, fixant les modalités spécifiques d'intervention du FISAC.

Sur cette base, le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique a lancé un appel à projets qui n'a été clos qu'à la fin du mois de janvier 2016, de sorte qu'un premier bilan qualitatif de la réforme ne peut être encore dressé de façon précise . Il conviendra d'attendre la fin de l'année 2016 pour déterminer si l'objectif poursuivi par la loi de recentrer le FISAC en lui donnant une plus grande efficacité s'est bien réalisé. Toutefois, le montant prévu par la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances initiale pour 2016 au profit du FISAC ayant été réduit à 13 millions d'euros en crédits de paiement, le nombre de projets susceptibles d'être accompagné sera en tout état de cause limité .

Le chapitre III , qui comporte des dispositions relatives aux réseaux consulaires (articles 63 à 67), est entièrement applicable après la publication du décret n° 2015-190 du 18 février 2015 relatif à la chambre d'agriculture, de commerce, d'industrie, de métiers et de l'artisanat de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le chapitre IV (article 68) est d' application directe .

ð Le titre IV , qui comprend des dispositions relatives aux outre-mer (articles 69 et 70), est d' application directe .

ð Au titre V , relatif à l'utilisation du domaine public dans le cadre de l'exploitation de certaines activités commerciales , seul l'article 73 nécessitait l'intervention d'une mesure d'application réglementaire, matérialisée par le décret en Conseil d'État n° 2015-489 du 29 avril 2015 relatif à la vidéoprotection aux abords immédiats des commerces et modifiant le code de la sécurité intérieure. Ce titre V est donc entièrement applicable .

L'article 32 de la loi prévoyait l'établissement d'un rapport au Parlement sur la mise en place d'un statut unique de l'entreprise individuelle, élaboré par un comité chargé de préfigurer cette création et remis au Gouvernement et au Parlement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi. Ce rapport n'a pas été remis.

• Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation

Cette loi comporte 161 articles répartis en six chapitres. Elle a donné lieu à la publication de 18 mesures réglementaires supplémentaires depuis le 1 er avril 2015. Plus de deux ans après sa publication, la loi est donc presque entièrement applicable (taux d'application de 87 %), seuls 7 de ses articles restant totalement ou partiellement inapplicables .

Analyse quantitative

ð Le chapitre I er , « Action de groupe », est composé de deux articles. Depuis la publication du décret en Conseil d'État n° 2014-1081 du 24 septembre 2014 relatif à l'action de groupe en matière de consommation, la réforme instituant l'action de groupe est entièrement applicable .

ð Le chapitre II , « Améliorer l'information et renforcer les droits contractuels des consommateurs et soutenir la durabilité et la réparabilité des produits » , comporte les articles 3 à 39.

o La section 1 , « Définition du consommateur et informations précontractuelles » (articles 4 à 8), était devenue en grande partie applicable avant le 31 mars 2015.

Deux articles appelaient néanmoins encore des mesures d'application :

- d'une part, l'article 4 (2°) relatif à l'expérimentation de l'affichage du double prix . La concertation engagée par le Gouvernement pour déterminer les conditions de mise en oeuvre de cette expérimentation a révélé que cette mesure ne pourrait être mise en oeuvre d'un point de vue opérationnel. En conséquence, cette disposition a été modifiée par l'article 47 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques qui a supprimé cette phase d'expérimentation. Aucune mesure d'application n'est donc plus nécessaire ;

- d'autre part, l'article 6 n'est toujours pas entièrement applicable. Les dispositions relatives à l'indication du pays d'origine pour les viandes et les produits agricoles et alimentaires à base de viande ne sont pas applicables , faute du décret d'application prévu. Il est vrai que la prise de ce décret était conditionnée à l'autorisation des instances de l'Union européenne. Cependant, la Commission européenne a annoncé que la France pourrait, à titre expérimental, procéder à un étiquetage d'origine pour ces produits. Aucun obstacle juridique ne s'oppose donc désormais à la mise en oeuvre de cette mesure, dans les limites prévues par l'Union européenne.

Les dispositions de cette section sont donc aujourd'hui entièrement applicables.

o La section 2 relative au démarchage et à la vente à distance (articles 9 à 13) est devenue totalement applicable , à la suite de l'intervention du décret en Conseil d'État n° 2015-556 du 19 mai 2015 relatif à la liste d'opposition au démarchage téléphonique 57 ( * ) .

Ce décret précise notamment les modalités de fonctionnement de la liste d'opposition au démarchage téléphonique, les conditions dans lesquelles les entreprises concernées ont accès à cette liste, ainsi que les modalités du contrôle exercé par l'État sur l'organisme chargé de gérer la liste. Outre les modalités d'inscription sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique, le décret fixe la durée de cette inscription, qui sera de trois ans. Il définit le rôle et les prérogatives de l'organisme chargé de gérer cette liste. Il fait également obligation aux professionnels d'actualiser leurs fichiers de prospection commerciale afin d'en expurger les coordonnées des consommateurs inscrits sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique.

Un nouvel opérateur a été désigné pour une durée de cinq ans par un arrêté du 25 février 2016 du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Le dispositif sera donc effectif à compter du 1 er juin 2016.

§ S'agissant des autres dispositions du chapitre, seuls nécessitaient encore des mesures réglementaires d'application :

- l'article 24 . Des mesures étaient encore attendues en ce qui concerne :

§ d'une part, les modalités d'information du consommateur dans le cadre des opérations d'achat de métaux précieux. Un arrêté du ministre de l'économie du 18 août 2015 a précisé ces éléments ;

§ d'autre part, le contenu et la présentation du formulaire de rétractation dans le cadre de ces opérations d'achat. Ces éléments ont été définis par le décret n° 2015-1295 du 15 octobre 2015 relatif au formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice du droit de rétractation pour les contrats d'achat de métaux précieux ;

§ enfin, les obligations d'information sur la sécurité dans les contrats relatifs au gaz de pétrole liquéfié. L'arrêté attendu n'a pas été pris ;

- l'article 39 , relatif aux conditions de délivrance des verres correcteurs, notamment afin de préciser :

§ les mentions devant figurer sur les sites de vente en ligne des lentilles oculaires correctrices et verres correcteurs. À cet effet a été pris le décret n° 2015-1223 du 2 octobre 2015 portant application de l'article L. 4362-10-1 du code de la santé publique relatif à la vente en ligne de verres correcteurs et de lentilles de contact oculaire correctrices ;

§ les conditions dans lesquelles est délivrée la prescription médicale et est effectuée la prise de mesures. Le décret n° 2015-888 du 21 juillet 2015 relatif aux conditions de délivrance de lentilles de contact oculaire correctrices à un primo-porteur a été adopté.

§ Le chapitre III , « Crédit et assurance » , qui comporte les articles 40 à 72, reste partiellement applicable , seules les mesures d'applications relatives à l'article 54 (résiliation du contrat d'assurance pour aggravation du risque) restant à prendre.

L' article 53 , relatif à la gratuité de la clôture de comptes bancaires, est en effet devenu pleinement applicable à la suite de la publication du décret n° 2015-838 du 8 juillet 2015 relatif à la prise en compte par les émetteurs de prélèvements des modifications de coordonnées bancaires par leurs clients.

En outre, l'arrêté prévu par l'article 66 en matière d'attestations d'assurance est intervenu : il s'agit de l'arrêté du 5 janvier 2016 du ministre de l'économie fixant un modèle d'attestation d'assurance comprenant des mentions minimales, prévu à l'article L. 243-2 du code des assurances.

§ Le chapitre IV , « Indications géographiques et protection du nom des collectivités territoriales » , est devenu pleinement applicable à la suite de l'adoption de deux décrets d'application de l' article 73 :

- le décret n° 2015-671 du 15 juin 2015 relatif à la procédure d'alerte des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale sur les dépôts de marques auprès de l'Institut national de la propriété industrielle ;

- le décret n° 2015-595 du 2 juin 2015 relatif aux indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux et portant diverses dispositions relatives aux marques.

§ Le chapitre V , « Modernisation des moyens de contrôle de l'autorité administrative chargée de la protection des consommateurs et adaptation du régime de sanctions » , recouvre les articles 76 à 133.

Ce chapitre est pleinement applicable , l'article 126 , prévoyant notamment une convention écrite pour l'achat de produits manufacturés, fabriqués à la demande de l'acheteur en vue d'être intégrés à sa propre production, ayant fait l'objet d'un décret d'application définissant le montant au-dessus duquel cette obligation s'applique ( décret n° 2016-237 du 1 er mars 2016 fixant le seuil prévu à l'article L. 441-9 du code de commerce). Ce seuil a été fixé à 500 000 €.

§ Le chapitre VI , « Dispositions diverses » , qui comprend les articles 134 à 161, est partiellement applicable .

De nouvelles mesures ont été prises pour l'application de :

- l'article 136 , relatif au contrat d'auto-école, qui a fait l'objet d'un décret précisant les conditions de transfert du dossier d'un établissement à un autre ( décret n° 2015-578 du 27 mai 2015 relatif aux conditions d'application de l'article L. 213-2 du code de la route) ;

- l' article 142 , relatif au contrôle du prix des livres, qui a fait l'objet du décret n° 2015-519 du 11 mai 2015 relatif aux agents habilités en matière de contrôle du prix des livres ;

- l' article 147 : le décret n° 2016-505 du 22 avril 2016 relatif aux obligations d'information sur les sites comparateurs en ligne fixe les modalités et conditions d'application de l'article L. 111-6 du code de la consommation, qui met une obligation d'information loyale, claire et transparente à la charge de toute personne exerçant une activité de fourniture d'informations en ligne permettant la comparaison des caractéristiques et des prix de produits et de services. Ce décret précise ainsi le type d'activité de comparaison soumis aux obligations d'information, détaille le contenu de ces obligations et, en application de l'article 20 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, oblige le responsable du site à afficher le caractère publicitaire d'une offre référencée à titre payant et dont le classement dépend de la rémunération perçue.

Restent en revanche encore inapplicables , faute de mesures réglementaires d'application :

- l'article 112 , le décret devant déterminer les principaux bassins de production pour la cotation des animaux vivants et des viandes n'étant pas publié ;

- l'article 145 , auquel manquent toujours :

• un décret fixant les modalités du mécanisme de signalement prévu à l'article L. 121-42 et les modalités selon lesquelles les opérateurs sont informés des numéros les concernant en application de l'article L. 121-45. Il s'agit du décret dit « annuaire inversé », pour lequel le délai prévu par la loi est relativement long. La date butoir était en effet de deux ans après la publication de la loi, soit en mars dernier ;

• deux arrêtés portant, pour le premier, définition des tranches de numéros concernées par l'option gratuite permettant au consommateur de bloquer les communications à destination de certaines tranches de numéros à valeur ajoutée, et fixant, pour le second, le périmètre des numéros qui ne peuvent pas être utilisés par un professionnel dans le cadre d'un démarchage comme identifiant d'appel. Le contenu de ces deux arrêtés a fait l'objet de consultations auprès du Conseil national de la consommation (CNC), de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), de la Commission consultative des communications électroniques (CCCE) et du Commissariat à la simplification ;

- l'article 148 (article L. 322-7 du code de la sécurité intérieure), qui prévoit qu'un décret définit les modalités d'organisation des jeux et concours dans le cadre des publications de presse . L'an dernier, le Gouvernement a indiqué à votre commission qu'un premier projet de texte avait été préparé après qu'une concertation a été organisée avec les professionnels concernés. Cependant, le code de la consommation ayant été entre temps modifié dans son chapitre sur les loteries publicitaires, les professionnels de la presse avaient contesté l'encadrement initialement proposé qui s'inspirait très largement du code de la consommation. Le Gouvernement prévoyait donc de reprendre ce projet de texte pour assurer la cohérence entre les différents articles législatifs applicables aux jeux, loteries et concours, avec pour objectif de parvenir à une publication d'ici à l'été 2015 . Or, ce texte n'est à ce jour toujours pas paru .

L'ordonnance prévue par l'article 161 , en vue de la recodification du code de la consommation, a été adoptée dans le délai d'habilitation prescrit. Il s'agit de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation.

Par ailleurs, n'ont toujours pas été remis au Parlement, malgré l'expiration des délais prescrits :

- les rapports, prévus à l'article 8, d'une part, relatif à la modulation de l'éco-participation en fonction de la durée de la garantie commerciale des produits, de la disponibilité des pièces détachées et du prix raisonnable de ces dernières, d'autre part, à l'obsolescence programmée, sa définition juridique et ses enjeux économiques, et enfin, à la situation et aux enjeux en matière de protection des consommateurs (ce dernier rapport devant être remis sur une base annuelle) ;

- le rapport, prévu à l'article 16, sur l'état des lieux et les perspectives de l'économie circulaire en France ;

- le rapport, prévu à l'article 55, relatif au micro-crédit ;

- le rapport, prévu à l'article 160, sur les conséquences de la fin de l'application du règlement (CE) n° 1400/2002 de la Commission, du 31 juillet 2002, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.

Analyse qualitative

Sur un plan qualitatif, MM. Martial Bourquin et Alain Chatillon, désignés rapporteurs au titre du contrôle de la loi, ont procédé à des auditions de services de l'État (DGCCRF) et des acteurs économiques (Fédération du commerce et de la distribution, Confédération française du commerce inter-entreprises, Association nationale des industries agroalimentaires) afin d'évaluer les effets, en pratique, de la mise en oeuvre des dispositions relatives aux pratiques commerciales et, en premier lieu, à la transparence des relations commerciales.

Il en résulte, s'agissant des pratiques prohibées et des sanctions , que :

- l'administration a mis à profit, à effectifs constants, les nouveaux moyens de sanction qui lui étaient offerts par la loi en prononçant, à l'issue de 2 500 contrôles opérés auprès des acteurs économiques (en particulier de grandes entreprises), 135 amendes administratives pour un montant cumulé de 4,3 millions d'euros (dont 4 d'entre elles ont atteint 375.000 € et dont 6 ont fait l'objet d'une mesure de publication). Un renforcement des effectifs serait de nature à permettre de pratiquer davantage de contrôles sur place, et de mieux rechercher les manquements ;

- de manière générale, il apparaît que le non-respect des délais de paiement relève davantage d'une négligence ou d'une mauvaise organisation des entreprises contrôlées, même si une minorité d'entre elles adopte un comportement délibéré en la matière. Dans la grande distribution, les retards de paiements ne sont pas significatifs, les manquements ayant davantage trait à des pratiques abusives consistant notamment en des transferts de charges indus. À certains égards, le montant des amendes susceptibles d'être prononcées peut s'avérer trop limité au regard du gain résultant des manquements ; du reste, le projet de loi « Sapin II » comporte des dispositions prévoyant un renforcement de ces sanctions.

Les règles introduites dans la loi afin de renforcer la transparence dans les négociations commerciales sont jugées efficaces par les acteurs , même si ces mesures représentent un alourdissement et un coût certains pour les PME qui sont dépourvues de services juridiques. Cependant, le caractère nécessairement annuel des négociations commerciales est jugé lourd, et les acteurs entendus se montrent favorables à l'instauration de négociations pluriannuelles. En outre, l'application de l'article L. 441-9 du code de commerce (article 126 de la loi), qui prévoit l'établissement d'une convention écrite spécifique pour tout achat de produits manufacturés fabriqués à la demande de l'acheteur en vue d'être intégrés dans sa propre production, est jugée très limitée en pratique, eu égard aux seuils retenus par le décret d'application n° 2016-237 du 1 er mars 2016.

En revanche, le dispositif de renégociation tarifaire prévu à l'article L. 441-8 du code de commerce (article 125 de la loi) en cas de variation du coût des matières premières, n'a fait l'objet d'aucune mise en oeuvre par les acteurs, en raison de sa complexité de mise en oeuvre au plus juridique, du fait que son décret d'application a prévu une liste de produits dont certains ne font pas l'objet d'un prix fixé annuellement mais fixé quotidiennement et, surtout, du fait du contexte actuel de baisse des prix qui n'incite pas les producteurs à faire usage de cette faculté.

Par ailleurs, le dispositif d'alerte en cas de dépassement des délais de paiement , prévu à l'article L. 441-6-1 du code de commerce (article 123 de la loi), mis à la charge des commissaires aux comptes, n'a pas été mis en oeuvre en pratique, alors qu'il était directement applicable. Néanmoins, l'intervention du décret n° 2015-1553 du 27 novembre 2015, qui a précisé les conditions de certification et d'attestation des informations relatives aux délais de paiement, devrait favoriser cette mise en oeuvre en 2016.

• Loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services

Seule mesure réglementaire d'application encore à prendre, l'acte précisant les conditions dans lesquelles les établissements du réseau des chambres de commerce et d'industrie et ceux du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat peuvent constituer, à titre expérimental et pour une période de temps déterminée, des groupements interconsulaires pour la défense d'intérêts spéciaux et communs, prévu par l'article 18 de la loi, n'a toujours pas été adopté. L'article 18 reste donc inapplicable.

Il semble qu'à défaut de volonté des deux réseaux consulaires de voir se constituer de tels groupements - qui ne constitue en tout état de cause qu'une simple faculté - aucun texte ne sera pris. Si l'on peut regretter l'absence pure et simple de mesure d'application d'une option voulue par le législateur, elle n'empêche pas, néanmoins, sur le terrain, des rapprochements et des coopérations locales parfois poussées, sans pour autant qu'une structure ad hoc soit constituée pour ce faire.

• Loi n° 2010-737 du 1 er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation

La loi du 1 er juillet 2010 présente un taux d'application de 89 %.

Demeuraient inapplicables au 1 er avril 2015 :

- les articles 32 et 33 , relatifs à l'intervention pour avis de l'Autorité de contrôle prudentiel dans les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires des mutuelles et des institutions de prévoyance ;

- l'article 35 , relatif à l'extension aux régimes dits « en points » des documents d'information contractuelle (notice et « résumé ») déjà exigés pour les contrats d'assurance sur la vie.

En l'absence de nouvelles mesures d'application, ces dispositions restent inapplicables.

• Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME)

Aucune mesure nouvelle n'est à signaler. Pour mémoire, cette loi est entièrement applicable, hormis son article 61 . L'arrêté prévu par ce dernier et devant fixer le montant des revenus d'activité au-delà duquel les vendeurs à domicile indépendants sont tenus de s'inscrire au registre du commerce et des sociétés ou au registre spécial des agents commerciaux n'a toujours pas été publié.


* 57 Eu égard aux trois autres décrets déjà intervenus : décret en Conseil d'État n° 2014-1061 relatif aux obligations d'information précontractuelle et contractuelle des consommateurs et au droit de rétractation ; décret en Conseil d'État n° 2014-837 relatif à l'information de l'emprunteur sur le coût du crédit et le délai de rétractation d'un contrat de crédit affecté ; décret en Conseil d'État n° 2014-1251 du 28 octobre 2014 relatif aux modes de communication des avocats.

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