DEUXIÈME PARTIE : L'APPLICATION DES LOIS PAR SECTEUR DE COMPÉTENCES

I. AGRICULTURE, CHASSE ET PÊCHE

• Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt

La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAF) est le texte majeur de l'actuelle législature en matière d'agriculture. Près de deux ans après avoir été voté, ce texte de 96 articles est applicable à environ 70 %. Ce chiffre peut paraître faible, mais il faut noter que les principales mesures d'application, comme celles relatives aux groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE), au médiateur des relations commerciales agricoles ou encore à la couverture sociale des candidats à l'installation, ont été prises dans l'année qui a suivi la promulgation de la loi.

Le titre I er , consacré à la performance économique et environnementale des filières agricoles et agro-alimentaires, nécessitait plusieurs mesures d'application, qui ont presque toutes été prises.

Les mesures règlementaires relatives à l'adaptation de la gouvernance agricole ont été adoptées : deux décrets n° 2015-490 du 29 avril 2015 et n° 2015-667 du 10 juin 2015 sont intervenus en application de l'article 2 pour préciser la façon dont les régions sont représentées respectivement au Conseil d'administration de FranceAgrimer et au Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO).

Un autre décret n° 2015-729 du 24 juin 2015 a été pris en application de l'article 2 pour déterminer la liste des informations devant être transmises à FranceAgrimer par les opérateurs du secteur laitier.

Le décret n° 2014-1173 a été pris dès le 13 octobre 2014, c'est-à-dire le jour même de la publication de la loi, pour définir le statut des GIEE. En revanche, il a fallu attendre avril 2015 et le décret n° 2015-467 du 23 avril 2015 pour préciser les modalités d'intervention des commissions régionales de l'économie agricole et du monde rural sur les demandes de reconnaissance de GIEE. D'après le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, au 31 janvier 2016, 240 GIEE ont déjà été agréés.

Annoncé pour la mi-2015, le texte d'application prévu à l'article 3 sur la contribution du réseau des chambres d'agriculture à l'amélioration de la performance économique, sociale et environnementale des exploitations agricoles et de leurs filières n'est toujours pas intervenu. Ce texte a cependant une portée très modeste.

Les projets de décret relatif aux programmes d'actions à mettre en oeuvre en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole et d'arrêté sur les zones vulnérables pour mettre en oeuvre l'approche par l'azote total ont été mis en consultation, mais les professionnels ont émis des avis négatifs. Depuis lors, ces textes d'application de l'article 4 ne sont pas intervenus. À l'inverse, les autres décrets prévus par cet article (décret sur le maintien des infrastructures environnementales et décret sur la cession de bail rural et la sous-location) sont intervenus.

Trois décrets ont été pris pour l'application de l'article 11 relatif aux groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) : le décret n° 2014-1515 du 15 décembre 2014 sur les conditions d'accès de ces GAEC aux aides de la politique agricole commune (PAC), le décret n° 2015-215 du 25 février 2015 sur leurs conditions d'agrément et, enfin, le décret n° 2015-216 du 25 février 2015 précisant qu'une absence de réponse vaut refus d'agrément. Un décret sur les modalités de renforcement des GAEC par des apports des partenaires est encore en attente.

En application de l'article 13, le décret n° 2015-665 du 10 juin 2015 a précisé les pouvoirs d'opposition du commissaire du Gouvernement aux délibérations du Haut Conseil de la coopération agricole (HCCA).

En matière de relations contractuelles en agriculture, si le décret n° 2015-548 sur le médiateur des relations commerciales agricoles est intervenu le 18 mai 2015, le décret en Conseil d'État devant préciser les produits considérés comme relevant de la même production n'est toujours pas intervenu.

En outre, si le décret n° 2015-756 du 24 juin 2015 est intervenu en application de l'article 19 pour organiser la coopération employeurs/travailleurs indépendants agricoles sur un même lieu de travail, en matière de sécurité et de protection de la santé, le décret prévu à l'article 18 précisant les conditions d'organisation des campagnes d'information collectives et génériques sur les produits frais n'est pas intervenu et le Gouvernement a fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de le prendre prochainement, ce qui fait donc obstacle à l'application effective de cet article.

Enfin, le décret imposant un cahier des charges aux vins et spiritueux sous appellation d'origine afin de leur imposer l'apposition de dispositifs unitaires d'authentification, afin de lutter contre la fraude, est toujours en attente.

Le titre II , consacré à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et au renouvellement des générations en agriculture, a fait l'objet d'une mise en application assez incomplète : ainsi les dispositions sur le registre agricole ne sont toujours pas applicables, de même que celles sur la compensation agricole.

Un décret n° 2015-686 du 17 juin 2015 a été pris en application de l'article 24 pour modifier les conditions de présentation et d'approbation du plan régional de l'agriculture durable (PRAD).

Plusieurs décrets sont intervenus en matière de préservation des terres agricoles : le décret n° 2015-644 du 9 juin 2015 sur les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), le décret n° 2015-779 du 29 juin 2015 relatif à l'Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers et le décret n° 2015-1488 du 16 novembre 2015 concernant ces organismes dans les outre-mer. En revanche, le texte réglementaire devant préciser la notion de réduction substantielle des surfaces affectées à des productions bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou encore d'atteinte substantielle aux conditions de production de l'appellation résultant d'un projet ou document d'urbanisme, qui a pour conséquence une exigence d'avis conforme des CDPENAF, est encore en attente, ce qui peut compliquer sur le terrain l'appréciation des cas dans lesquels l'avis conforme des CDPENAF sera requis.

Le décret n° 2015-955 du 31 juillet 2015 a été pris pour permettre l'application de l'article 27 pour organiser l'enquête préalable à l'aliénation d'un chemin rural pour cause d'utilité publique.

L'article 28 créait, à l'initiative du Sénat, un mécanisme nouveau de compensation agricole, impliquant une étude d'impact des projets ayant des conséquences négatives pour l'économie agricole. Hélas, le décret d'application, qui devait intervenir avant le 1 er janvier 2016, n'a pas été publié.

L'article 29, en revanche, est pleinement applicable, dans la mesure où les décrets n° 2015-954 du 31 juillet 2015 et n° 2015-1018 du 18 août 2015 ont respectivement précisé les informations que les notaires devaient transmettre aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) en cas de cessions de parts sociales et aménagé les modalités de préemption des terrains agricoles et droits à paiements de base de la nouvelle PAC.

Quatre décrets ont été publiés pour l'application de l'article 31 qui modernise la politique d'installation et de transmission en agriculture :

- le décret n° 2015-972 du 31 juillet 2015 précise les conditions à remplir pour bénéficier d'un contrat de couverture sociale ainsi que le contenu, la durée maximale et les conditions de renouvellement de ce contrat ;

- le décret n° 2015-777 du 29 juin 2015 précise la durée et le montant de l'aide dont peuvent bénéficier les exploitations employant un salarié ou un stagiaire dans la perspective de lui transmettre l'entreprise ainsi que les conditions dans lesquelles cette aide est remboursée lorsque les engagements ne sont pas tenus ;

- le décret n° 2015-665 du 10 juin 2015 désigne le préfet comme autorité administrative à laquelle doit être transmise l'information de cessation d'exploitation ;

- le décret n° 2015-781 du 29 juin 2015 fixe les conditions de participation des chambres d'agriculture à la politique d'installation en agriculture, notamment en matière d'information des candidats à l'installation, de suivi et de tenue du répertoire de l'installation, et de pré-instruction des demandes d'aides.

L'article 32 sur le contrôle des structures est également pleinement applicable suite à la publication du décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 qui a modifié les dispositions correspondantes du code rural et de la pêche maritime.

Les décrets n° 2015-310 et 2015-311 du 18 mars 2015 rendent aussi pleinement applicable l'article 33 en précisant les modalités de calcul de l'activité minimale d'assujettissement (AMA), qui permet l'affiliation au régime social agricole.

L'article 35 sur le registre des actifs agricoles est à ce jour resté lettre morte, aucun des décrets d'application prévus n'ayant été pris par le Gouvernement. Cet article s'avère extrêmement délicat dans sa mise en oeuvre. Le consensus des professionnels s'avère difficile à obtenir, les groupes de travail devant encore poursuivre leurs travaux.

Le décret n° 2015-227 du 27 février 2015 a été pris pour permettre la retraite anticipée pour pénibilité des salariés et non-salariés agricoles des trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, en application de l'article 36.

La mise en application des articles 37 et 38 n'est enfin pas satisfaisante : aucun décret n'est intervenu pour définir les nouvelles modalités d'utilisation du titre-emploi-service-agricole (TESA), le dispositif continuant à fonctionner selon ses anciennes modalités. Et le rapport au Parlement étudiant les possibilités et l'opportunité d'affilier au régime social agricole les personnes exerçant des activités d'accueil social à la ferme n'a toujours pas été remis.

Le titre III , consacré à la politique de l'alimentation et aux mesures en matière sanitaire, n'est que partiellement applicable.

Un décret n° 2016-119 a été pris le 5 février 2016 pour permettre l'identification des camélidés et leur enregistrement auprès de l'Institut français du cheval et de l'équitation, comme le prévoyait l'article 41.

L'article 45 est également pleinement applicable, avec le décret n° 2015-189 du 18 février 2015 qui précise les modalités de publication des résultats des contrôles sanitaires et le décret n° 2015-228 du 27 février 2015 qui désigne le préfet de département et le ministre de l'agriculture comme autorités compétentes pour décider des fermetures des établissements de la chaîne alimentaire.

L'application de l'article 46 est également assurée par le décret n° 2015-1902 du 30 décembre 2015 qui précise les conditions d'exécution par les laboratoires départementaux de leurs missions de service public.

En revanche, le décret prévu par l'article 47 pour fixer les compétences des techniciens sanitaires apicoles, appelés à remplacer les agents spécialisés en pathologie apicole, n'est pas encore intervenu : la loi donne jusqu'au 31 décembre 2017 pour prendre ce décret.

La quasi-totalité des dispositions réglementaires nécessaires pour appliquer la nouvelle législation en matière d'encadrement des conditions de délivrance des médicaments vétérinaires est encore en attente : seul un décret n° 2016-317 du 16 mars 2016 est intervenu pour limiter à un mois la durée de validité des prescriptions des vétérinaires concernant des antibiotiques d'importance critique. En revanche, les précisions concernant les seuils de déclaration d'intérêt que les vétérinaires doivent transmettre au Conseil de l'Ordre, la publicité des conventions liant les professionnels aux laboratoires, la qualification des « visiteurs » des vétérinaires et leur formation, ou encore les modalités de déclaration de cessions d'antibiotiques vétérinaires à l'autorité administrative n'ont pas encore fait l'objet de mesures réglementaires, l'article 48 de la loi restant donc encore faiblement applicable.

En matière de bio-contrôle, deux décrets n° 2015-228 du 27 février 2015 et n° 2015-791 du 30 juin 2015 ont été pris pour en organiser le régime, le dernier décret concernant plus largement le transfert à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) des autorisations de mises sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Outre le décret précité, le décret n° 2015-780 du 29 juin 2015 et le décret n° 2015-890 du 21 juillet 2015 adaptent la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime pour tenir compte de ce transfert, permettant l'application des articles 51 et 53. En outre, un décret n° 2015-757 du 24 juin 2015 définit les micro-distributeurs, dispensés de Certiphyto.

Le titre IV , relatif à l'enseignement, la recherche et le développement agricole et forestier est en totalité applicable suite à la prise de plusieurs décrets :

- les décrets n° 2014-1218 et 2014-1219 du 21 octobre 2014 sur le comité consultatif ministériel compétent à l'égard des personnels enseignants et de documentation ;

- le décret n° 2015-365 du 30 mars 2015 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVF), créé par l'article 64 de la loi. En application de ce même article, un arrêté du 24 juillet 2015 a été pris pour habiliter l'École nationale supérieure agronomique de Toulouse (ENSAT) à délivrer les masters « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » ;

- le décret n° 2015-457 du 21 avril 2015 sur le médiateur de l'enseignement agricole technique et supérieur ;

- le décret n° 2015-730 du 24 juin 2015 qui définit le statut des groupements d'établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles ;

- le décret n° 2015-1519 du 23 novembre 2015 sur l'acquisition progressive des diplômes ;

- le décret n° 2015-1375 du 28 octobre 2015 sur le statut des agents publics contractuels des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles et des établissements d'enseignement supérieur agricole.

Le titre V , c'est-à-dire le volet forestier de la loi d'avenir pour l'agriculture est, pour l'essentiel, juridiquement opérationnel puisque la plupart des décrets d'application ont été publiés. Cependant, la mise en oeuvre concrète de certaines prescriptions, comme l'élaboration des programmes régionaux de la forêt, n'est pas achevée. Or ces documents sont pris, au final, par arrêté : il en résulte aujourd'hui, dans la base de données du Sénat, un signalement de mesures réglementaires en attente de publication.

L'article 67, qui comporte à lui seul 110 alinéas, réaménage les missions ainsi que la gouvernance de la politique forestière et institue le fonds stratégique de la forêt et du bois. Cinq des six mesures réglementaires relevant du niveau décrétal prévues par cet article ont été publiées dans trois décrets :

- le décret n° 2015-666 du 10 juin 2015 relatif au programme national de la forêt et du bois et aux programmes régionaux de la forêt et du bois, d'une part, précise les modalités d'élaboration du programme national et, d'autre part, dresse la liste des documents d'orientation régionaux, départementaux et locaux arrêtés par l'État ou par les collectivités publiques qui doivent tenir compte du programme régional de la forêt et du bois ;

- le décret n° 2015-228 du 27 février 2015 portant diverses mesures d'application de la loi du 13 octobre 2014 et clarification du droit fixe le montant de l'indemnité annuelle d'occupation par des ouvrages, infrastructures ou équipements implantés sous terre, en vue d'éviter les atteintes à la propriété foncière forestière ;

- le décret n° 2015-776 du 29 juin 2015 relatif à la gouvernance du fonds stratégique de la forêt et du bois et aux règles d'éligibilité à son financement définit les modalités de gouvernance du fonds par un comité stratégique de 26 membres et les conditions d'éligibilité à son financement.

Par ailleurs, au titre des mesures réglementaires non prévues par la loi, le décret n° 2015-778 du 29 juin 2015 relatif aux commissions régionales de la forêt et du bois précise les missions - dont la principale est d'élaborer le programme régional de la forêt et du bois - ainsi que la composition de ces commissions régionales, avec 30 catégories de membres.

Devrait être publié avant la fin de l'année le décret en Conseil d'État prévu par l'article 67 sur les modalités d'accès des chercheurs aux ressources génétiques forestières et leur utilisation en recherche-développement, ce texte étant tributaire des dispositions prises pour l'application, en France, du Protocole de Nagoya.

Deux catégories d'arrêtés prévus par l'article 67 restent également en attente : d'une part, les arrêtés relatifs à chacun des programmes régionaux de la forêt et du bois et, d'autre part, les arrêtés fixant les listes d'essences forestières soumises au dispositif d'intégration en droit français du protocole de Nagoya, sur les ressources génétiques.

L'article 69 vise surtout à lutter contre le morcellement de la forêt privée en favorisant les groupements de gestion et à mieux compenser les défrichements. Les trois mesures réglementaires prévues par cet article ont été publiées dans deux décrets :

- le décret n° 2015-728 du 24 juin 2015 relatif au groupement d'intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF) précise la procédure de reconnaissance des groupements, les critères pris en compte pour l'évaluation de leur projet de gestion ainsi que les conditions dans lesquelles la qualité de GIEEF peut être retirée ;

- s'agissant des forêts publiques, également concernées par les 94 alinéas de cet article 69, le décret n° 2015-678 du 16 juin 2015 relatif aux conditions de mise en oeuvre du troisième alinéa de l'article L. 214-5 du code forestier précise les conditions dans lesquelles les collectivités notifient à l'administration l'ajournement de coupes programmées par l'Office national des forêts ainsi que les motifs de leur opposition à cette inscription. Le préfet de région, s'il estime que les motifs de l'ajournement ne sont ni réels ni sérieux, en informe la collectivité ou la personne morale intéressée. Ce dispositif va dans le sens d'une meilleure mobilisation du bois alors que le droit antérieur à la loi d'avenir pour l'agriculture était plutôt conçu pour éviter la surexploitation des forêts.

L'article 75 porte sur le transfert à la Corse de la compétence en matière de production et de multiplication de plants forestiers. Le décret en Conseil d'État n° 2015-388 du 3 mai 2015 contient les deux mesures réglementaires prévues par cet article afin de préciser les modalités de ce transfert.

On peut signaler que le décret en Conseil d'État n° 2015-665 du 10 juin 2015 portant diverses dispositions d'application de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture comporte une mesure réglementaire non prévue par la loi qui précise les exigences de son article 76 : il s'agit des mesures intégrées dans le code forestier pour éviter la mise sur le marché de bois et de produits issus d'une récolte illégale, conformément aux engagements européens de la France.

L'article 78 prévoit la possibilité d'organiser une perception triennale de la taxe sur le foncier non bâti pour les propriétés boisées. Cela aurait concrètement pour effet de soumettre un certain nombre de propriétaires forestiers à ce prélèvement alors qu'ils y échappent, dans le droit en vigueur, pour les montants inférieurs au seuil annuel de recouvrement fixé à 12 euros. Le décret prévu par cet article n'a pas été publié, sans qu'on puisse ici considérer que la loi n'est pas appliquée puisqu'il s'agit d'une disposition facultative introduite à l'initiative du député François Brottes et qui laisse au Gouvernement le soin d'évaluer si les frais de recouvrement induits par cette mesure n'excèdent pas le produit attendu.

Enfin, l'article 80 de la loi crée dans le code de la santé publique l'interdiction de vendre sur le marché français des planches de parquet dont les taux de composés organiques volatils (COV) sont supérieurs à des seuils fixés par décret. Ce texte concerne les produits importés puisque les planches fabriquées en Europe sont soumises à des normes strictes. Le décret est en cours d'élaboration par les services du ministère en charge des Affaires sociales et de la Santé.

Le titre VI , qui adapte les dispositions de la loi aux outre-mer, est totalement applicable, ce qui est très positif. La série de dispositions réglementaires d'adaptation prévue par la loi a été prise en totalité.

Le titre VII , comportant des dispositions transitoires et diverses, est en quasi-totalité applicable : seul le décret relatif aux conditions d'exercice de missions juridiques, administratives et comptables et actions de communication par les chambres régionales d'agriculture au bénéfice des chambres départementales, prévu par l'article 89, est encore en attente.

Au final, plusieurs dispositions importantes de la loi sont encore en attente de mesures d'application, essentiellement dans le domaine sanitaire. L'année 2016 devrait voir les derniers textes réglementaires d'application adoptés, d'après les informations fournies par le Gouvernement.

• Loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d'obtention végétale

Votée en 2011, la loi relative aux certificats d'obtention végétale (COV) visait à harmoniser le droit national avec le droit européen en matière de propriété intellectuelle sur les semences, et à donner un cadre juridique à la pratique des semences de ferme. Ses dispositions essentielles sont presque toutes applicables.

L'article 1 er , d'application directe, prévoyait la création d'une instance nationale des obtentions végétales (INOV), sous forme de groupement d'intérêt public regroupant l'État et l'Institut national de la recherche agronomique. Le décret n° 2014-731 du 27 juin 2014 relatif à l'instance nationale des obtentions végétales est venu modifier la partie réglementaire du code de la propriété intellectuelle pour tirer les conséquences de la loi.

Un autre texte réglementaire, le décret n° 2015-164 du 12 février 2015 instituant la commission paritaire de conciliation spécifique au domaine des obtentions végétales, est également intervenu pour calquer la composition et le fonctionnement de la commission paritaire sur celle existant en matière de brevets, le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle étant remplacé par le responsable de l'instance nationale des obtentions végétales. La commission de conciliation est chargée de statuer sur les différends entre salariés et employeurs lorsque l'obtention a été découverte par le salarié, notamment dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ou dans le domaine des activités de l'entreprise.

Les textes règlementaires en vigueur sont encore valables pour permettre l'application des articles L. 661-8 et suivants du code rural et de la pêche maritime, qui avaient été modifiés par l'article 2 de la loi. L'article L. 661-9 prévoit un décret pour dispenser l'activité de multiplication de semences pour le compte de tiers (trieurs à façon) de l'obligation de déclaration à l'autorité administrative, mais ce décret n'est pas intervenu, si bien que cette activité reste soumise au droit commun de la déclaration.

L'article L. 623-24-1 du code rural et de la pêche maritime avait été modifié par l'article 16 de la loi ainsi que par la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon. Il permet qu'un décret en Conseil d'État étende la liste des espèces pour lesquelles la pratique des semences de ferme est autorisée, au-delà des 21 espèces pour lesquelles il existe un cadre juridique communautaire. Ce décret est intervenu en août 2014 : le décret n° 2014-869 du 1 er août 2014 permet la pratique des semences de ferme pour 13 nouvelles espèces (dont le trèfle et le lupin).

L'article L. 623-24-3 du même code, introduit par l'article 16 de la loi, prévoit qu'un décret en Conseil d'État doit fixer la rémunération de l'obtenteur , faute d'accord interprofessionnel définissant celle-ci pour l'utilisation par les agriculteurs de semences de ferme. Le Gouvernement n'a toujours pas pris ce décret et ne prévoit pas de le faire, ce qui n'offre pas de solution à l'obtenteur en cas de désaccord avec les utilisateurs de semences de ferme. Il s'agit de la seule disposition substantielle de la loi qui n'est pas pleinement applicable.

L'article 18 de la loi renvoyait à un décret la définition des conditions d'enregistrement et de reconnaissance ainsi que des modalités de conservation des ressources phytogénétiques pour l'agriculture et l'alimentation et des ressources phytogénétiques patrimoniales. Ce décret n'a pas été pris, la résolution de la question de l'accès et de l'utilisation des ressources génétiques et connaissances traditionnelles trouvant sa place dans le dispositif prévu au titre IV du projet de loi relatif à la biodiversité, en cours de discussion parlementaire, sur la base des recommandations d'une mission du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) réalisée en 2013.

• Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche

Texte important de la précédente législature, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) a fait l'objet d'une attention particulière dans sa mise en oeuvre et est applicable à 87 %.

Le titre I er visant à définir et mettre en oeuvre une politique publique de l'alimentation a fait l'objet de nombreuses mesures d'application :

- Les décrets n° 2011-679 et n° 2012-63 ont défini un cadre réglementaire pour l'aide alimentaire, comme le prévoyait l'article 1 er de la loi.

- Le décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 a précisé les règles applicables en cantines scolaires pour garantir la qualité nutritionnelle des repas qui y sont servis. Il a été suivi par les décrets n° 2012-141, 2012-142, 2012-143, 2012-144 et 2012-145 applicables respectivement à la restauration universitaire, la restauration dans les établissements pénitentiaires, dans les établissements de santé, les établissements sociaux et médico-sociaux et enfin les établissements d'accueil d'enfants de moins de six ans. Il a fait l'objet de vives critiques dans le rapport Boulard-Lambert de mars 2013 sur l'inflation normative.

- Le décret n° 2012-80 du 23 janvier 2012 a pour sa part précisé les conditions dans lesquelles pourraient être conclus des accords collectifs portant sur l'amélioration de la qualité nutritionnelle de l'alimentation.

- Le décret n° 2012-115 du 27 janvier 2012 précise quelles informations les producteurs, transformateurs et distributeurs doivent transmettre à l'autorité administrative, afin de mieux suivre les évolutions de la consommation de produits alimentaires.

- Enfin, le décret n° 2011-731 du 24 juin 2011 a précisé les règles d'hygiène et les obligations de formation applicables dans certains établissements de restauration commerciale, comme le prévoyait l'article 8 de la loi.

Le titre II visant à renforcer la compétitivité de l'agriculture française est pleinement applicable :

- Les décrets concernant l'obligation de contractualisation entre producteurs et acheteurs sont intervenus dans deux secteurs, le secteur laitier (décret n° 2010-1753 du 30 décembre 2010, puis décret n° 2014-842 du 24 juillet 2014), où le contrat s'impose depuis le 1 er avril 2011, et le secteur des fruits et légumes (décret n° 2010-1754 du 30 décembre 2010), où le contrat s'impose depuis le 1 er mars 2011. Pour les fruits et légumes, le décret a été assoupli pour les ventes sur les carreaux de producteurs, où le contrat écrit n'est plus obligatoire (décret n° 2011-1108 du 15 septembre 2011 modifiant le décret n° 2010-1754 du 30 décembre 2010 pris pour l'application de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime dans le secteur des fruits et légumes). Les dispositions permettant d'instituer un médiateur des relations commerciales agricoles ont été prises également (décret n° 2011-553 du 5 avril 2011).

- Le contenu des accords de modération des marges de la distribution, prévus par l'article 15, a été précisé par le décret n° 2011-553 du 20 mai 2011.

- L'observatoire des prix et des marges, prévu à l'article 19, a été mis en place très vite, dans la mesure où il existait déjà sans statut juridique. Le décret n° 2010-1301 a précisé ses conditions de fonctionnement.

- Les nouvelles modalités de fonctionnement du fonds national de gestion des risques en agriculture ont été établies par le décret n° 2011-785, rendant pleinement applicable l'article 26 de la loi, et le décret n° 2011-2089 du 30 décembre 2011 est venu définir les modalités de fonctionnement des fonds de mutualisation des risques sanitaires et environnementaux en agriculture. En revanche, le rapport sur la réassurance publique éventuelle nécessaire en cas d'extension de l'assurance aléa climatique aux fourrages n'a jamais été rendu.

- Le décret permettant de simplifier les regroupements d'installations classées d'élevage, prévu à l'article 28, a été pris très vite après la promulgation de la loi (décret n° 2011-63 du 17 janvier 2011), après consultation des commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Le titre III concernant la compétitivité des exploitations agricoles est en grande partie applicable :

Dès mars 2011, un décret a été pris pour faciliter l'exercice d'une activité extérieure de membres des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC). Le décret sur les transmissions d'informations de la caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) a également été pris.

Finalement, seules quelques dispositions de ce titre III n'ont pas fait l'objet de mesures d'application prévues : les conditions d'exercice en France des vétérinaires des États non membres de l'Union européenne n'ont pas été précisées, et les possibilités pour les agriculteurs d'effectuer des prestations de salage et de déneigement pour le compte des collectivités locales n'ont pas été encadrées par voie réglementaire. Enfin, le rapport au Parlement sur les modes de financement alternatifs de la protection sociale agricole, prévu par l'article 38, n'a pas été rendu.

Les titres IV et V sont pleinement applicables, à l'exception de rares dispositions relatives à la forêt :

- Les plans régionaux de l'agriculture durable, prévus à l'article 50, ont pu commencer à être élaborés, dans la mesure où le décret n° 2011-531 du 16 mai 2011 en a précisé les contours et les conditions de préparation, d'adoption et d'évaluation. L'Observatoire de la consommation des espaces agricoles a également été constitué.

- La taxe sur la cession à titre onéreux de terrains agricoles rendus constructibles, créée à l'article 55 de la loi, s'applique désormais, le décret n° 2011-2066 du 30 décembre 2011 ayant donné sa pleine portée opérationnelle au dispositif.

- L'assimilation de la méthanisation à une activité agricole, prévue par l'article 59, est effective depuis le décret n° 2011-190 du 16 février 2011.

- La modification des modalités de calcul de l'indice des fermages était prévue à l'article 62 mais nécessitait l'intervention du pouvoir réglementaire. Le décret n° 2010-1126 est intervenu très rapidement, dès le 27 septembre 2010, pour préciser les modalités de calcul du nouvel indice national remplaçant les indices départementaux.

- Seul le rapport sur les biens de section, prévu à l'article 58, n'a pas été rendu.

- En matière forestière, la mise en application de la loi a été conduite à son terme, avec le décret n° 2011-587 du 25 mai 2011, qui définit les zones géographiques dans lesquelles les propriétaires de plusieurs petites parcelles doivent mettre en oeuvre un plan simple de gestion, et fixe à 4 hectares la taille des parcelles isolées en deçà de laquelle le plan simple de gestion n'est plus obligatoire. Le décret n° 2011-271 du 16 mars 2011 a précisé la composition du Comité national de gestion des risques en forêt. Le décret n° 2011-2067 du 30 décembre 2011 a détaillé les conditions pour bénéficier de l'avantage fiscal du DEFI-Forêt. Enfin, trois ans après la publication de la loi, le décret n° 2013-461 du 3 juin 2013 relatif au compte épargne d'assurance pour la forêt a précisé les conditions d'utilisation de cet outil financier : celui-ci s'apparentait à un livret réservé aux propriétaires de bois et forêts dont les intérêts étaient exonérés d'impôt sur le revenu dans la limite d'une rémunération de 2 %. L'insuccès de ce compte d'épargne a justifié son remplacement par le compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA) créé par l'article 32 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 et appliqué par le décret n° 2015-31 du 15 janvier 2015 relatif au compte d'investissement forestier et d'assurance. L'avantage fiscal du CIFA ne porte plus sur les intérêts, qui sont soumis à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, mais sur les sommes déposées qui sont, à 75 %, exonérées d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et, en cas de donation ou de succession, de droits de mutations à titre gratuit.

Les titres VI à VIII ont fait l'objet d'une mise en application effective incontestable :

- L'ensemble des textes d'application prévus par la loi concernant la gouvernance des chambres d'agriculture a été pris. Il en va de même des mesures d'application de dispositifs techniques concernant les centres de rassemblement d'animaux ou la collecte de céréales (article 73), l'échange d'informations entre administration des impôts et agence de services et de paiements (article 77), ou encore les modalités de dissolution de l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale (AFICAR).

- En matière de pêche et d'aquaculture, la modification des instances de gouvernance de la pêche prévue par la loi a été mise en oeuvre : le comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l'aquaculture, prévu à l'article 82, a été mis en place, suite à la publication du décret n° 2011-433 du 19 avril 2011. De même, l'organisation et le fonctionnement du Comité national des pêches maritimes ont été précisés par le décret n° 2011-776 du 28 juin 2011 et les conseils de façade maritime sont désormais régis par un arrêté du 27 septembre 2011. Le décret n° 2011-888 du 26 juillet 2011 a précisé les modalités d'élaboration des schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine et a fixé à cinq ans le délai pour établir un premier bilan de leur mise en oeuvre. Le décret n° 2012-64 a réglementé, en application de l'article 86 de la loi, les ventes en criées. Seul le décret modifiant la composition du conseil supérieur des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire manque encore.

- Enfin, la plupart des mesures concernant l'outre-mer ont été prises : le rapport sur un projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche spécifique à l'Outre-mer, établi en application de l'article 93, a été publié en juillet 2011 et les ordonnances d'adaptation à l'Outre-mer des dispositions de la LMAP ont été publiées courant 2011.

En définitive, six ans après avoir été votée, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010 est en quasi-totalité applicable.

• Loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés

Les mesures d'application qui avaient déjà été prises après le vote de la loi en 2008 étaient intervenues dans deux domaines :

- La gouvernance du dispositif d'évaluation et de suivi des organismes génétiquement modifiés (OGM) : ainsi, avaient été pris dès la fin 2008 le décret relatif au Haut Conseil des biotechnologies, prévu par l'article 3 de la loi 8 ( * ) , et celui relatif au Comité de surveillance biologique du territoire (CSBT), prévu par l'article 9 9 ( * ) .

- L'encadrement des conditions d'utilisation d'OGM , avec trois décrets pris entre 2009 et 2011 : le premier sur l'étiquetage des OGM mis à disposition de tiers à l'occasion d'une utilisation confinée 10 ( * ) , le deuxième sur l'obligation de déclaration de mise en culture de végétaux génétiquement modifiés 11 ( * ) et enfin le dernier sur l'agrément de l'utilisation confinée d'OGM et l'information du public 12 ( * ) .

Un progrès supplémentaire a été apporté dans l'application de la loi de 2008, avec le décret n° 2012-128 du 30 janvier 2012 relatif à l'étiquetage des denrées alimentaires issues de filières qualifiées « sans organisme génétiquement modifié », qui définit le « sans OGM » pour trois catégories d'ingrédients : les ingrédients d'origine végétale (contenant moins de 0,1 % d'OGM), ceux d'origine animale (avec des mentions distinctes selon que les animaux sont nourris avec des aliments contenant moins de 0,1 % ou moins de 0,9 % d'OGM) et les ingrédients apicoles (lorsqu'ils sont issus de ruches situées à plus de 3 km de cultures génétiquement modifiées).

Peu de textes restent donc à prendre pour rendre la loi pleinement applicable : un décret relatif aux garanties financières que doivent souscrire les agriculteurs procédant à la mise en culture d'OGM était prévu par l'article 8. Il est encore en attente mais sans intérêt dès lors que la mise en culture d'OGM n'est pas autorisée en France. Un autre décret devait être pris pour définir les seuils au-delà desquels les semences génétiquement modifiées doivent être étiquetées, en application de l'article 21. Un projet de décret a été notifié début 2012 à la Commission européenne, prévoyant une tolérance jusqu'à 0,1 % de semence OGM. Après l'alternance politique de 2012, le décret n'a pas été publié.

Au final, le bilan de l'application de cette loi, au 31 mars 2016, est très satisfaisant.


* 8 Décret n° 2008-1273 du 5 décembre 2008.

* 9 Décret n° 2008-1282 du 8 décembre 2008.

* 10 Décret n° 2009-45 du 13 janvier 2009.

* 11 Décret n° 2011-841 du 13 juillet 2011.

* 12 Décret n° 2011-1177 du 23 septembre 2011.

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