Première séquence - Une mobilisation pour un tourisme durable créateur d'emplois

Didier Tappero, Directeur général d'Air Calédonie International (Aircalin)

Le développement touristique de la Nouvelle-Calédonie

1. Aircalin, compagnie aérienne de la Nouvelle-Calédonie

Née en 1983, Aircalin a développé pendant vingt ans un réseau exclusivement régional en exploitant un unique appareil moyen-courrier. En 2002, grâce au soutien financier de l'État et de la Nouvelle-Calédonie qui devient son principal actionnaire, elle ajoute à sa flotte deux Airbus A330-200 afin de stabiliser la desserte avec la métropole, de participer au désenclavement du territoire et de développer les flux touristiques. En assurant ainsi des missions d'intérêt général, elle devient un outil de développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie et le cinquième employeur privé du territoire.

De nombreuses compagnies aériennes françaises et étrangères se sont intéressées à la desserte de la Nouvelle-Calédonie. Elles ont ouvert et fermé des liaisons au gré de leurs intérêts économiques. Seules trois d'entre elles se sont implantées durablement : Qantas, Air New Zealand et Air Vanuatu.

Ainsi, l'histoire de la desserte aérienne de la Nouvelle-Calédonie est marquée par son instabilité . Dans ces conditions, il est difficile de fonder une véritable commercialisation vers des marchés émetteurs où les voyagistes sont régulièrement échaudés par les modifications brutales des grilles de vols. Les compagnies extérieures doivent sans cesse choisir sur les lignes intéressant la Nouvelle-Calédonie les différents segments du marché : leurs choix privilégient rarement le marché touristique ; elles n'ont par ailleurs pas la souplesse et la réactivité permettant de s'adapter aux fluctuations saisonnières de la demande.

Forte de ces constats, afin de s'affranchir de la dépendance des compagnies tierces et à l'instar de nombreux territoires et collectivités d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie entre au capital d'Aircalin en 2000, date à laquelle, par ailleurs, une vision du développement touristique émerge. Ainsi, à cette date, Aircalin inaugure les vols long-courriers en louant un Airbus A310 pour desservir la liaison Nouméa-Osaka deux fois par semaine.

L'acquisition de deux Airbus A330-200 en 2003 constitue un tournant majeur dans l'histoire de la compagnie et conduit la Nouvelle-Calédonie, au travers de son établissement public, l' ADANC 38 ( * ) , à devenir l'actionnaire majoritaire de la compagnie en détenant 99,4 % de son capital. Dès lors, la Nouvelle-Calédonie fait d'Aircalin un outil de développement du territoire et lui confie trois missions principales :

- relier la Nouvelle-Calédonie aux pays de la zone pour les échanges économiques et les besoins des populations ;

- assurer l'essentiel des flux touristiques ;

- faire le lien avec la métropole et entre les collectivités ultramarines du Pacifique.

Aujourd'hui, dotée d'une flotte de quatre Airbus (deux A330-200 détenus en propre, un A320 en location longue durée avec option d'achat à échéance de 2016 et un A320 en location longue durée de six ans sans option d'achat), Aircalin exploite un réseau de routes structuré qui lui permet de couvrir les principales destinations régionales (Sydney, Brisbane et Melbourne en Australie, Auckland en Nouvelle-Zélande, Papeete, Nandi, Wallis et Port-Vila dans le Pacifique) ainsi que le Japon (Osaka et Tokyo) en opérant 27 vols hebdomadaires à partir de Nouméa.

Elle exploite également deux bi-turbopropulseurs (Twin-Otter DHC6-300) qui lui permettent d'assurer pour le compte du territoire de Wallis-et-Futuna l'ensemble des liaisons aériennes entre Wallis et Futuna, soit 10 vols par semaine.

En 2014, la compagnie Aircalin a acheminé 367 000 passagers et 5 500 tonnes de fret. Elle comptait 522 employés (dont 480 en Nouvelle-Calédonie) pour un chiffre d'affaires de 17,5 milliards de francs Pacifique (147 millions d'euros). En quelques années, et notamment depuis l'exploitation de vols long-courriers, elle est devenue un poids lourd de l'économie locale, avec près de 10 milliards de francs Pacifique (84 millions d'euros) de dépenses effectuées en Nouvelle-Calédonie .

2. Le tourisme, catalyseur de l'économie calédonienne

Dépendante de ses ressources minières et d'une mono-industrie cyclique, la Nouvelle-Calédonie doit désormais s'appuyer sur son potentiel touristique pour s'assurer un développement économique et social durable. Or, même si leur profil a changé, le nombre de touristes stagne depuis près de vingt ans. Pourtant, cette activité crée de la richesse et elle est source d'emplois et de devises.

L'économie calédonienne a longtemps été fondée sur les transferts de l'État et sur les revenus d'exportation générés par une industrie : le nickel. Dans cette situation, la Nouvelle-Calédonie est vulnérable aux importantes variations des cours que connaît cette industrie. Même si les perspectives du secteur sont aujourd'hui porteuses d'espoirs avec la mise en production des deux nouvelles usines, il n'en reste pas moins que la Nouvelle-Calédonie ne peut fonder son développement durable sur une mono-industrie cyclique . Mis à part quelques productions agroalimentaires et un tissu de PMI essentiellement tournées vers le marché intérieur, le seul secteur porteur de véritable développement s'est révélé être le tourisme .

La Nouvelle-Calédonie est une destination à fort potentiel touristique : des « îles de rêve », un lagon classé au patrimoine mondial de l'Unesco, des espaces montagneux et désertiques qui invitent à la découverte. Elle rassemble dans l'imaginaire collectif les principaux atouts des destinations insulaires : soleil, patrimoine naturel et culturel, mer.

Toutefois, la destination a connu pendant longtemps, et encore aujourd'hui sous certains aspects, une activité touristique assez marginale malgré ses atouts indéniables avec environ 100 000 visiteurs par an. Le développement touristique n'est pas considéré comme une priorité compte tenu de la contribution du nickel à l'économie. L'évolution hiératique du cours du minerai ces dernières années a néanmoins rappelé la nécessité de diversifier l'économie du pays tout en répondant au besoin en emplois d'une population jeune.

Pourtant, le tourisme est une source importante de devises. En termes de contribution à l'économie, les dépenses des touristes non résidents se sont élevées à 22 milliards de francs Pacifique (184 millions d'euros) en 2014 39 ( * ) . Le transport international (36 %) et l'hébergement (26 %) constituent les deux principaux postes de dépenses du budget des touristes. En termes de typologie, la clientèle d'agrément (45,2 %), reste la clientèle la plus importante de la destination même si elle affiche depuis 2007 une baisse tendancielle (elle représentait alors 59,7 % des touristes). A contrario , le poids de la clientèle affinitaire ne cesse de progresser (25 %) alors que la clientèle affaires est en net recul pour se situer à 15 % après avoir connu une hausse importante entre 2006 et 2008, ce qui témoigne de l'impact du démarrage de la construction des usines minières dans le Sud et dans le Nord. La principale motivation des visiteurs est donc le tourisme de séjour .

Au-delà de la richesse induite par les dépenses des touristes, le tourisme génère de nombreux emplois. En 2013, on dénombre 5 382 salariés dans le secteur du tourisme . À ces emplois directs, s'ajoutent environ un tiers d'emplois indirects, ce qui donne au total plus de 11 % de l'emploi salarié privé. Pour la plupart, il s'agit d'emplois peu qualifiés ou pour lesquels une formation professionnelle peut aisément et rapidement être organisée.

Secteur générateur d'emplois, s'appuyant sur les ressources propres de chaque province (habitants, paysages...), source de devises, le tourisme répond en partie à ces attentes et contribue à la diversification de l'économie et au rééquilibrage des territoires . En chaque point du territoire, une structure d'accueil peut exister, une excursion ou activité, sur terre ou sur mer peut être pratiquée. Il s'agit pour de nombreux endroits de la Nouvelle-Calédonie, de la seule activité économique possible génératrice d'emplois et de richesses.

3. Les contrats de destination, stratégie de développement du tourisme

En 2004, les assises du tourisme organisées par la Nouvelle-Calédonie ont permis de dégager les grandes orientations pour le développement du tourisme en Nouvelle-Calédonie. Depuis, le parc hôtelier calédonien s'est sensiblement amélioré. En 2014, la signature par les acteurs-clés de l'industrie touristique de contrats de destination a permis de redéfinir une stratégie commune à toute la filière et de mener des actions fortes sur les marchés cibles que sont l'Australie et la Nouvelle-Zélande, le Japon et prochainement la France. Les résultats sont au rendez-vous avec une forte progression du nombre de touristes.

Les assises du tourisme de novembre 2004 furent l'occasion de poser les premiers éléments de constat sur le champ du tourisme. Des élus des trois provinces et environ 150 professionnels avaient participé à cette manifestation. Les autorités de Nouvelle-Calédonie démontraient ainsi leur souhait de faire du tourisme un secteur prioritaire et un levier de la diversification économique du Pays . Il s'ensuivit l'élaboration d'un plan de développement touristique concerté (PDTC) sous l'impulsion duquel l'offre d'hébergement touristique s'est fortement développée. Outre l'ouverture de nouveaux établissements, une politique de rénovation des hôtels existants a été entreprise. Néanmoins, le nombre de clefs en 2014 était de 3 300, ce qui reste inférieur à l'objectif de 4 500 clefs fixé en 2004.

Aujourd'hui, la coordination des actions provinciales et privées en matière de développement touristique, préconisation forte du PDTC, demeure indispensable. En 2014, à l'initiative d'Aircalin et sous l'égide de l'ADANC, tous les acteurs de la destination de Nouvelle-Calédonie, conscients des enjeux du développement touristique du territoire, ont signé un contrat de destination afin de s'engager collectivement, chacun dans leur domaine de compétences. Les signataires sont le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie (à travers l'ADANC), les groupements d'intérêt économique (GIE) de chacune des provinces, la Fédération des hôteliers de Nouvelle-Calédonie et les compagnies aériennes calédoniennes (domestique et internationale).

Ce premier contrat concerne les marchés d'Australie et de Nouvelle-Zélande, tandis qu'un second contrat concernant les marchés de l'Asie a été signé début 2015 et qu'un troisième est en cours de préparation pour les marchés d'Europe.

Il s'agit avant tout de développer le tourisme en Nouvelle-Calédonie, source de devises, créateur d'emploi et facteur de rééquilibrage. Ces « pactes » entre les différents professionnels touristiques calédoniens posent les bases d'un réajustement de la politique globale, avec pour objectif premier la mise en place d'une stratégie commune à toute la filière . L'effet recherché est de favoriser une meilleure cohérence de l'offre proposée aux touristes de la région et des marchés ciblés. Cela suppose des actions fortes et immédiates sur ces marchés , tant de l'industrie hôtelière que des institutions et de la compagnie Aircalin. Cet effort permet de rendre attractif le produit Nouvelle-Calédonie, qui devient alors compétitif par rapport aux autres destinations de la région.

En termes de méthode, chacun des acteurs s'engage sur un certain nombre d'actions à mettre en place dont l'efficacité se mesure selon des objectifs chiffrés. Un suivi régulier des actions et des résultats est organisé, de façon à pouvoir prendre rapidement les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.

Le premier contrat part du constat suivant : sur huit millions de touristes australiens, la Nouvelle-Calédonie n'en a accueilli que 0,2 % en 2013. Le potentiel est donc très élevé. À l'horizon 2018, il s'agit d'amener 40 000 touristes supplémentaires d'Australie et de Nouvelle-Zélande en Nouvelle-Calédonie , dont 60 % seraient transportés par Aircalin. En signant ce contrat, chaque partie s'engage à déployer un certain nombre d'actions :

- Aircalin s'engage à des efforts capacitaires - en ouvrant la ligne Melbourne avec trois rotations hebdomadaires et en renforçant les liaisons sur Sydney, Brisbane et Auckland - et à protéger toute l'année des sièges dédiés en faveur des marchés australiens et néo-zélandais. Aircalin s'engage également à une politique tarifaire adaptée à la distribution australienne (tours opérateurs, e-commerce, etc.) pour favoriser la création de packages , soit des tarifs inférieurs de 20 à 26 % au tarif public le plus bas. Afin de remplir ces objectifs, et en corrélation avec son business plan, la compagnie a intégré en août 2014 un nouveau module A320 dans sa flotte, avec le soutien financier de l'ADANC ;

- Air Calédonie , la compagnie domestique, s'engage à augmenter d'au moins 20 % l'offre en sièges sous réserve de la mise en service du quatrième ATR, à mettre en place des tarifs dédiés à la création de packages pour les touristes et à rendre les réservations et les tarifs accessibles par Global Distribution System (GDS) 40 ( * ) pour les marchés émetteurs dans les meilleurs délais ;

- les GIE s'engagent, chacun selon ses moyens financiers, à augmenter les moyens budgétaires pour financer la promotion et la communication conjointes de toutes les actions liées au contrat de destination ;

- la Fédération des hôteliers de Nouvelle-Calédonie s'engage à mettre en place des politiques tarifaires adaptées aux besoins de chaque canal de distribution et à la saisonnalité de la demande et des marchés, tout en étant propices à la mise en packages de produits innovants et concurrentiels.

Le second contrat de destination repose sur les mêmes principes, mais s'adresse aux marchés asiatiques, prioritairement à celui du Japon. La Nouvelle-Calédonie, dont le Japon est historiquement l'un des principaux marchés, n'a accueilli que 0,09 % des 17,5 millions de Japonais partis en vacances à l'étranger en 2013. Or, c'est la clientèle qui dépense le plus lors de son séjour, notamment dans des hôtels haut de gamme. Une étude réalisée par Atout France Japon, fin 2013, met en évidence les carences à corriger : une notoriété insuffisante chez les moins de 40 ans, une image à renouveler et un ciblage de clientèles trop restreint. Le contrat de destination définit les actions à mener pour chacun des signataires, visant à une mobilisation complète de tous les acteurs calédoniens. Pour Aircalin, les engagements pris concernent des capacités de sièges supplémentaires, des allotements réservés aux tours opérateurs japonais pour l'offre de packages , une politique tarifaire adaptée avec des offres promotionnelles, un soutien actif aux efforts de promotion de la Nouvelle-Calédonie. À l'horizon 2018, l'objectif est d'accueillir 36 000 touristes japonais.

Concernant le marché chinois, l'un des principaux objectifs est d'obtenir le statut de destination approuvée. Cela consiste en la signature d'un accord bilatéral avec la Chine qui permet de promouvoir la destination, d'obtenir des visas et d'organiser des voyages pour les groupes de touristes chinois.

Le dernier contrat en cours de préparation concerne le marché français. Il est devenu un marché crucial pour la Nouvelle-Calédonie, sa part représentant 36 % des touristes du territoire. Or, sur le marché français, la destination reste confidentielle et souffre d'un manque de visibilité. L'objectif affiché serait de passer à 48 300 touristes d'ici 2019 , soit une progression de 35 % sur cinq ans. Les actions permettant l'atteinte de cet objectif ambitieux sont en cours de définition, mais la politique tarifaire devrait être au coeur des discussions.

Premier bilan : les résultats en 2014 et au premier trimestre 2015

Selon l'ISEE 41 ( * ) , en 2014, 2 343 touristes australiens supplémentaires (+ 15%) et 446 (+ 7%) Néo-Zélandais ont été accueillis en Nouvelle-Calédonie par rapport à l'année précédente. Si l'on considère la date de l'ouverture de la ligne Melbourne (6 juin 2014), on observe même que le nombre de touristes australiens était en baisse de 516 personnes de janvier à mai 2014, tendance qui aurait dû se poursuivre si aucune action d'envergure n'avait été menée, mais en hausse de 2 859 de juin à décembre 2014 par rapport aux mêmes périodes en 2013. La hausse est encore plus marquée depuis la mise en service du nouvel A320 le 1 er septembre 2014 et des actions de promotions qui l'ont accompagnée, ce qui a permis l'ouverture de la troisième fréquence hebdomadaire sur Melbourne et le renforcement global des fréquences sur le réseau régional.

On peut mesurer l'impact économique de cet afflux de touristes supplémentaires en rapprochant ces données des dépenses effectuées, selon les chiffres fournis par l'ISEE, par ces mêmes touristes en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, hors transport international, la dépense moyenne par séjour et par touriste est de 135 971 francs Pacifique (1 139 euros). La première place est occupée par le marché japonais, avec une moyenne de 190 009 francs Pacifique (1 592 euros) de dépenses par séjour, la seconde place revient au marché français avec 151 814 francs Pacifique (1 272 euros) de dépenses par séjour. Viennent ensuite les Néo-Zélandais avec 135 064 francs Pacifique (1 132 euros) de dépenses par séjour et les Australiens avec 111 126 francs Pacifique (931 euros).

En termes de dépenses globales pour les touristes australiens et néo-zélandais, on obtient le graphique suivant :

De même, la modification du programme des vols sur Tokyo à compter d'octobre 2013, couplée à la mise en place de tarifs attractifs pour les Japonais, a permis de redynamiser le marché des touristes japonais. En 2014, 3 413 Japonais supplémentaires ont visité la Nouvelle-Calédonie, soit une progression de 22 %, générant des recettes additionnelles pour l'économie :

4. Se doter des moyens de nos ambitions

Aircalin doit moderniser une flotte qui sera mature à l'horizon 2020. Ce constat se traduit par une augmentation continue des coûts de maintenance et des périodes d'immobilisation des appareils pour leur entretien. Au regard des délais de livraison, la réflexion sur leur remplacement est opportune, d'autant plus que les avions de nouvelle génération permettent des gains de productivité significatifs.

Le soutien financier de la puissance publique reste indispensable.

Les appareils de la flotte d'Aircalin ont une moyenne d'âge de 13 ans: les deux A330-200 ont effectué en 2014 leur check C 42 ( * ) 12 ans, opération de grande visite technique qui marque la fin du premier cycle de vie d'un aéronef, celle de l'A320 acquis en 2002 est programmée en 2015, et l'A320 en location simple pour six ans depuis 2014 sort tout juste d'un check 6 ans.

En dix ans, on observe une augmentation de la charge de maintenance de 30 % (hors check C). L'évolution du nombre de commandes de pièces réalisées annuellement, qui est passé de 78 en 2003 à 371 en 2012, est également significative. En se basant sur le référentiel Airbus, on peut déterminer l'évolution des coûts de maintenance annuels des deux A330. Il en ressort que les coûts de maintenance des checks pour la période 2014-2026 seront en moyenne de 30 à 40 % plus élevées que les coûts de maintenance des checks des douze premières années.

Au-delà des coûts, le taux de panne a un impact direct sur la régularité des vols, facteur sensible dans un contexte insulaire où la résorption d'un aléa peut prendre plusieurs jours, notamment en haute saison. Du fait de sa petite taille, la flotte d'Aircalin ne permet pas toujours de pallier ces aléas et la compagnie a régulièrement recours à l'affrètement d'autres appareils de la région. Or, peu d'avions ou d'équipages sont disponibles et les rares possibilités se limitent à l'Australie ou à la Polynésie.

Enfin, les constructeurs aéronautiques se livrent depuis de nombreuses années une bataille acharnée. Cette concurrence aigüe a abouti à la naissance d'appareils de nouvelle génération, dont les coûts d'exploitation ont été sensiblement réduits. Ces mises en service sont accompagnées de campagnes promotionnelles intenses, souvent centrées sur l'amélioration du confort et des services offerts à bord, qui suscitent une attente forte de la part des passagers. Ainsi, tout retard dans la modernisation de la flotte se traduit par une perte de compétitivité et d'attractivité commerciale.

Afin de déterminer quels sont les appareils les mieux adaptés à son activité, Aircalin a confié à une équipe d'experts internationaux de l' International Air Transport Association (IATA) une étude sur le renouvellement de sa flotte . Le point de départ de cette étude est une analyse du réseau actuel et des diverses stratégies d'évolution possibles pour la Nouvelle-Calédonie et par conséquent pour la compagnie. De l'analyse de ces scenarii découleront le dimensionnement de la flotte et la sélection des appareils en fonction de leurs performances techniques et financières selon des critères d'évaluation prédéfinis.

Quant au financement, à l'instar de la situation actuelle, il apparaît d'ores et déjà qu'Aircalin ne pourra pas assumer seule le renouvellement de sa flotte et devra à nouveau compter sur le soutien financier de la Nouvelle-Calédonie et de l'État par le biais du dispositif de défiscalisation. La compagnie doit donc anticiper le renouvellement de sa flotte en tenant compte des délais constructeurs et du montage financier de l'opération :

- avant fin 2015 : obtenir l'accord de principe des autorités de la Nouvelle-Calédonie ;

- deuxième trimestre 2016 : signature d'une lettre d'intention avec un constructeur aéronautique ;

- quatrième trimestre 2016 : déposer une demande d'agrément pour une défiscalisation « Loi Girardin » ;

- avant fin 2017 : obtenir un accord de la direction générale des impôts ;

- 2020/2022 : livraison des avions.

Franco Lanza, Conseiller auprès du président directeur général d'Air Tahiti Nui (ATN)

De par sa configuration géographique la Polynésie française est loin ... de tout.

L'isolement de ces terres perdues au milieu du Pacifique a permis une préservation de sa culture et de son milieu naturel exubérant. C'est encore un coin retranché ; certains en parlent comme étant le dernier paradis sur Terre où il fait bon se reposer en toute sécurité.

Ce facteur d'éloignement peut être considéré comme un point positif dans le développement maîtrisé de la première ressource économique de ce territoire français à savoir le tourisme.

Depuis sa création en 1996, la mission principale d'Air Tahiti Nui est d'assurer une desserte aérienne pérenne qui accompagne le développement de ce secteur-clé qu'est l'industrie touristique de la Polynésie française, tout en préservant la rentabilité et les hauts standards de sécurité de son exploitation.

Mais pourquoi Air Tahiti Nui ?

L'histoire a montré en effet à plusieurs reprises que l'offre de transport aérien international pouvait être remise en question par les compagnies tant étrangères que françaises et que cela pouvait se traduire par une insuffisance de sièges offerts par rapport aux besoins liés au développement touristique.

Avant la création d'Air Tahiti Nui, notre économie touristique était fondée principalement sur les stratégies commerciales propres aux compagnies aériennes qui desservaient la Polynésie française. Nous étions donc tributaires de leur résultat économique, ce qui rendait notre industrie touristique instable.

La solution pour disposer d'une desserte pérenne du territoire français et en adéquation avec le programme de développement touristique était donc de créer une compagnie aérienne internationale polynésienne ayant son centre de décision à Tahiti.

Air Tahiti Nui est l'outil de base dont s'est dotée la Polynésie française pour garantir une offre de desserte quantitativement suffisante en provenance de nos principaux marchés émetteurs touristiques.

Grâce à la montée en puissance réussie d'Air Tahiti Nui, la Polynésie française dispose depuis 2003 d'une desserte aérienne internationale solide et pérenne construite autour de trois opérateurs piliers que sont Air Tahiti Nui, Air France et Air New Zealand. Ces trois opérateurs représentent la majorité de l'offre en sièges sur nos principales routes touristiques.

Air Tahiti Nui participe activement au désenclavement de la Polynésie française et assure de manière quasi exclusive la continuité territoriale à l'instar de la plupart des compagnies aériennes d'outre-mer.

Quelques chiffres

Aujourd'hui Air Tahiti Nui se positionne comme le principal transporteur aérien desservant la Polynésie française avec des vols quotidiens sur cette destination. Air Tahiti Nui est également une des deux seules compagnies aériennes au monde à proposer un vol direct aller et retour entre Paris et Los Angeles. Air Tahiti Nui dessert également Tokyo au Japon et Auckland en Nouvelle-Zélande à partir de Papeete. Ces routes principales représentent plus de 2 100 vols annuels.

Notre flotte actuelle est composée de cinq appareils long-courriers Airbus de type A340 totalisant plus de 18 000 heures de vols par an. Nous avons transporté 420 000 passagers en 2014 et avons fait un chiffre d'affaires de 260 millions d'euros (dont 10 % lié à l'activité cargo), ce qui place notre société à la première place des entreprises commerciales de notre territoire.

L'emploi à Air Tahiti Nui et dans le secteur du tourisme

Depuis 1998, année de lancement de nos premiers vols, l'effectif de la compagnie a connu une progression constante liée à l'accroissement de sa flotte et à l'intensification de son programme de vols. En effet, nous sommes passés d'un effectif de 110 employés au démarrage de l'entreprise à 792 employés en 2007 après avoir successivement introduit quatre nouveaux avions en l'espace de cinq ans.

Après 2008, la compagnie a dû stabiliser ses effectifs principalement à cause de la conjoncture de crise économique mondiale. Notre effectif actuel est de 723 employés sur l'ensemble de notre réseau.

L'industrie polynésienne du tourisme n'a cessé de croître depuis et rassemble plus de 2 700 entreprises, soit 12 % du total des entreprises actives en 2013. Au total, près de 9 800 personnes (soit 16 % de l'emploi salarie') travaillent dans les entreprises de ce secteur à forte intensité de main d'oeuvre, dont 4 100 dans les services d'hébergement (huit sur dix, soit environ 3 300 exerçant dans l'hôtellerie internationale).

L'hôtellerie-restauration est le secteur le plus important de cette industrie, avec deux tiers des entreprises et des salariés du tourisme en 2013, principalement dans la restauration. Les autres entreprises de l'industrie touristique évoluent dans les transports (25 %), les activités culturelles, récréatives et sportives (4 %), et les autres activités touristiques (3 %). 43 ( * )

Les alliances et partenariats

Dans un contexte concurrentiel intensif et un environnement économique complexe, Air Tahiti Nui a fait le choix d'accentuer sa stratégie de croissance en développant des synergies commerciales internationales au travers d'accords commerciaux et partenariats, notamment avec Air France, Qantas, Japan Airlines et Aircalin.

Avec ces accords nous desservons en outre quarante autres villes grâce à ses partenaires en partage de code : la SNCF en France, American Airlines aux États-Unis et Qantas en Australie. Ceci inclut Sydney, Brisbane et Melbourne, 17 villes aux États-Unis dont New York, Boston, Washington, Chicago, Miami et Dallas et 19 villes en France parmi lesquelles Marseille, Lyon et Montpellier et récemment Nouméa.

La poursuite de la stratégie de développement de partenariats de la compagnie est en étroite corrélation avec les objectifs fixés par le gouvernement de la Polynésie française et des contrats de destination établis entre tous les acteurs de l'industrie touristique.

Le dispositif de défiscalisation et son impact sur Air Tahiti Nui

Les investissements d'actifs dans le milieu aéronautique restent conséquents. Les acquisitions d'avions neufs n'ont pu être réalisées que grâce à l'aide de l'État. Premier transporteur aérien international avec plus de 60 % de la capacité de sièges offerte toutes lignes confondues, Air Tahiti Nui n'aurait pas atteint le stade de développement qu'elle connaît sans l'existence de la loi de défiscalisation nationale.

En effet, le revers de la médaille de notre insularité et de notre éloignement présente des points négatifs insurmontables à notre échelle.

Les contraintes de développement pour notre industrie touristique sont bien réelles. Les coûts de production en Polynésie française sont très élevés et de ce fait, il est constaté un manque d'investisseurs tant internationaux que locaux. Ceux-ci ont des impératifs de résultat difficilement atteignables.

Autre problématique : l'étroitesse du marché en Polynésie ne nous permet pas de fonder une croissance économiquement viable.

S'ajoute à cela la perception réductrice et déformée de cette loi qui, vue de métropole, ne serait qu'un outil permettant aux personnes fortunées d'échapper à l'impôt sur le revenu. Ce n'est heureusement pas la vérité. Bien au contraire la loi de défiscalisation a permis de générer de l'activité économique et de créer des emplois.

Par le passé, les aides octroyées par l'État au travers notamment du dispositif de défiscalisation ont été un levier de croissance rapide pour notre compagnie aérienne et ont participé activement au développement de l'industrie touristique de la Polynésie française.

Cependant, aucun investissement majeur, hôtelier ou aérien, ne peut être envisagé pour une livraison avant la date de fin de la loi de défiscalisation prévue en décembre 2017. Cette limite a pour conséquence le gel d'investissements potentiels dans le secteur touristique. Depuis quelques temps, nous constatons une certaine morosité dans ce secteur malgré les quelques chiffres encourageants depuis le début de l'année.

Perspectives de développement

En dépit des constats négatifs précités, notre compagnie continue à avancer et développe ses orientations stratégiques à long terme basées sur le renforcement du réseau actuel et sur la concrétisation de plusieurs partenariats avec les compagnies aériennes principales de la zone Asie-Pacifique.

Le potentiel de développement de notre entreprise est encore grand malgré des facteurs exogènes difficilement maîtrisables. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer la volatilité des cours du carburant, la variation des devises, le contexte économique mondial. Tous ces facteurs impactent le niveau de fréquentation touristique de notre territoire. Nous mettons tout en oeuvre pour la mise en place de relais de croissance durables.

Un investissement lourd interviendra dans les prochaines années par le remplacement de nos appareils vieillissants par de nouveaux avions plus modernes, plus économiques et plus adaptés à notre réseau.

Nous émettons le souhait fort que l'État se prononce le plus rapidement possible sur la suite qu'il compte donner au dispositif de défiscalisation actuel. Qu'il soit prolongé, remplacé (par quoi ?) ou arrêté définitivement. Au moins, nous serons fixés !

Conclusion

Notre compagnie aérienne véhicule la richesse culturelle et environnementale française. En d'autres termes, la France rayonne dans le Pacifique au travers de cet outil principal de développement touristique de notre destination. Participer au développement d'Air Tahiti Nui, c'est renforcer cette position. Cela reste un enjeu majeur.

Air Tahiti Nui reste un bel exemple de réussite de la défiscalisation. La France par la loi de défiscalisation continuera à apporter sa contribution au développement durable de la Polynésie française.

Jennifer Seagoe, Présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie (CCI-NC)

Le développement du tourisme de croisière en Nouvelle-Calédonie

Une économie monolithique à diversifier

L'économie de la Nouvelle-Calédonie repose essentiellement sur le nickel. L'aspect monolithique de cette économie a plusieurs conséquences sur ce territoire qui est de fait particulièrement sensible :

- aux variations des cours du nickel ;

- à l'évolution de la parité euro/dollar ;

- aux ressources naturelles qui ne sont pas renouvelables.

Il est donc primordial pour la Nouvelle-Calédonie de diversifier son économie et de développer un secteur hors nickel qui soit plus pérenne.

On peut prendre comme exemple de diversification, celui de Dubaï qui, conscient que ses ressources en pétrole seraient un jour épuisées, a considérablement diversifié ses activités économiques.

Concernant la Nouvelle-Calédonie, le tourisme est ce second secteur à développer pour lequel le territoire dispose de nombreux atouts. Il est important de noter qu'au cours des soixante dernières années, le tourisme mondial n'a cessé de croître avec des recettes qui pourraient encore doubler d'ici 2030.

Le tourisme en Nouvelle-Calédonie : un fort potentiel de développement

Le tourisme constitue donc un fort potentiel de développement pour la Nouvelle-Calédonie qui possède de nombreux atouts parmi lesquels on peut citer :

- la diversité et la richesse de ses paysages ;

- son lagon classé au patrimoine mondial de l'Unesco ;

- son climat ;

- son multiculturalisme ;

- sa terre encore préservée qui en fait une destination idéale pour l'éco-tourisme, filière en plein essor.

Le tourisme de croisière : une croissance mondiale

Le tourisme de croisière est en progression au niveau mondial, et a connu successivement en 2012 et en 2013, 2 % de croissance.

Il y a eu ainsi plus de 21 millions de passagers en 2013, soit deux fois plus qu'en 2000, où l'on en dénombrait 9,7 millions.

Cette même année, la meilleure progression mondiale a été réalisée par un pays voisin de la Nouvelle-Calédonie, l'Australie, qui a connu une progression de près de 20 %, et qui a vu le nombre de ses passagers augmenter de 167 % au cours des cinq dernières années.

La croissance australienne devrait se poursuivre car le tourisme de croisière correspond aux attentes de la clientèle, notamment en raison de son bon rapport qualité/prix et de la durée des croisières, parfaitement adaptée à la durée moyenne des congés dans ce pays.

Grâce à la proximité géographique entre la Nouvelle-Calédonie et l'Australie, cette croissance australienne bénéficie directement au territoire.

Le tourisme de croisière : en croissance en Nouvelle-Calédonie

Les chiffres de la progression de ce secteur en Nouvelle-Calédonie sont éloquents. Au cours de ces neuf dernières années, le nombre de croisiéristes a augmenté de 419,16 %, passant de plus de 81 215 en 2005 à 421 636 en 2014.

Depuis 2005, le nombre de paquebots accostant en Nouvelle-Calédonie a plus que triplé, passant de 60 en 2005 à 207 en 2014, soit une augmentation de 245 %.

Le nombre d'escales a, quant à lui, progressé de 356 % en huit ans.

Signe de l'importance de ce marché, les deux leaders mondiaux de la croisière, les groupes Carnival et Royal Caribbean Celebrity, viennent en Nouvelle-Calédonie.

Au-delà de ses atouts géographiques et culturels évoqués précédemment, la Nouvelle-Calédonie dispose d'atouts complémentaires pour l'industrie de croisière.

La Nouvelle-Calédonie : des atouts décisifs pour l'industrie de croisière

Parmi ses principaux atouts, il faut compter tout d'abord :

- sa position géographique stratégique, grâce à laquelle elle est l'archipel le plus proche de l'Australie, et particulièrement de Sydney, ce qui lui confère un avantage certain par rapport aux autres destinations de la région, telles que le Vanuatu ou les îles Fidji ;

- et la proximité de ses îles Loyauté, telles que Maré, l'île des Pins, Lifou ou encore Ouvéa, qui lui permet de proposer des destinations situées à moins d'une journée de navigation, permettant ainsi de visiter une destination pendant la journée et de naviguer jusqu'à la prochaine pendant la nuit. Ainsi les bateaux peuvent réaliser des croisières courtes, de sept à dix jours, avec plusieurs destinations en quelques jours, telles que Nouméa, les îles Loyauté et le Vanuatu.

En second lieu, la Nouvelle-Calédonie dispose de bonnes conditions sanitaires, ainsi que d'infrastructures médicales adaptées, permettant une prise en charge médicale de haut niveau, aspect important pour la clientèle australienne.

Le troisième atout réside dans la qualité de la desserte aérienne, qui permet aux compagnies de croisière d'effectuer des mouvements de personnel ou d'évacuer des passagers en toute facilité.

Des retombées économiques pour la Nouvelle-Calédonie

La progression continue du tourisme de croisière depuis une dizaine d'années, fait que ce marché représente un réel potentiel de développement pour la Nouvelle-Calédonie, en complément du tourisme traditionnel.

À ce jour, on sait qu'en 2015, les escales de paquebots généreront près de 24 millions d'euros de retombées pour la Nouvelle-Calédonie, soit plus de 8,8 millions d'euros qui seront dépensés par les compagnies maritimes uniquement pour la logistique et plus de 15 millions d'euros qui devraient l'être pour les dépenses sur place des passagers, en excursions, souvenirs, restauration, transports, etc.

En 2020, un million de croisiéristes sont attendus, générant ainsi plus de 55 millions d'euros de retombées.

Le tourisme de croisière est de plus particulièrement adapté aux sociétés traditionnelles insulaires, notamment pour les archipels, puisqu'il ne nécessite pas d'importantes infrastructures coûteuses.

C'est un tourisme structurant et générateur d'emplois qui permet le développement et la pérennité d'activités touristiques :

- il assure un complément de revenu pour de nombreuses familles ;

- il permet de rentabiliser et de conserver des activités culturelles ;

- il limite l'exode des jeunes vers Nouméa en leur donnant un travail et en fixant les populations sur place.

Enfin, si accueillir des paquebots en escale constitue déjà de belles perspectives économiques, l'objectif serait de devenir à terme une tête de ligne, ce qui permettrait au territoire de multiplier par dix ces retombées économiques. Cette stratégie de développement répond parfaitement aux problématiques des compagnies qui sont justement à la recherche de têtes de ligne dans le Pacifique.

Objectif : Nouméa, tête de ligne

Même si la Nouvelle-Calédonie est l'île la plus proche de l'Australie, les coûts de transit en mer sont très importants.

Sur une croisière de sept jours, un paquebot en passe tout de même quatre en mer et ne peut faire escale que trois fois.

Dans ce contexte, en plus du coût important que représente le carburant, les revenus des compagnies générés par les excursions effectuées à terre sont donc limités.

C'est la raison pour laquelle les compagnies de croisières sont à la recherche de têtes de ligne, c'est-à-dire de ports d'attache et de départs pour les croisières.

D'après une étude de Seatrade Med réalisée en 2012, l'intérêt économique d'être une tête de ligne est de multiplier au minimum par dix les retombées économiques. En effet, le départ de croisières à partir de Nouméa génèrerait de très nombreuses activités supplémentaires telles que par exemple :

- l'avitaillement en fioul ;

- l'approvisionnement en vivres ;

- le traitement des déchets ;

- le développement du tourisme hôtelier pour permettre les mouvements des équipages comme ceux des passagers, mais également des séjours combinant croisière et séjour à terre.

Avec en parallèle, le développement du transport aérien et une perspective de plus de 4 000 passagers par semaine.

Enfin, une incidence importante : le tourisme de croisière est un tremplin au développement du tourisme traditionnel. En Nouvelle-Zélande par exemple, plus de 15 % des touristes effectuant une croisière y retournent plus tard en avion.

Un secteur à structurer en priorité

La Nouvelle-Calédonie a bénéficié de la croissance du tourisme de croisière au niveau mondial et australien de manière spontanée, mais elle ne s'est à ce jour pas structurée pour le développer.

À titre d'exemple, au Vanuatu, où l'enjeu de ce secteur a été pris en compte, les dépenses par passager sont deux fois plus élevées que les dépenses réalisées sur le territoire. Signe qu'en se structurant, la Nouvelle-Calédonie pourrait a minima doubler les retombées économiques liées aux dépenses sur place.

Pour répondre à la demande, assurer la croissance et pérenniser la destination Nouvelle-Calédonie auprès des compagnies de croisière, il est urgent d'agir et d'investir.

De nombreux aménagements sont en effet nécessaires et de nombreuses limitations actuelles conduisent la Nouvelle-Calédonie à refuser des escales sur diverses destinations calédoniennes, au risque de pousser à terme les compagnies à se tourner vers d'autres pays tels que les Salomon, le Vanuatu ou encore Fidji.

Des exemples d'aménagements nécessaires

La petite rade de Nouméa est limitée à des paquebots de 250 mètres, les bateaux plus grands doivent aller dans la grande rade qui est le port autonome, mais ce dernier n'est pas aménagé pour accueillir des passagers. De plus, cette rade n'accepte, pour des conditions d'exploitation, qu'un seul bateau à la fois et donne la priorité aux cargos.

Autre exemple, les installations portuaires des îles ne permettent pas d'accueillir des bateaux de plus de 3 000 passagers, sachant que la taille des paquebots ne cesse d'augmenter.

Autre besoin des compagnies : trouver de nouvelles escales.

La Nouvelle-Calédonie ne manque pas de sites potentiels, toutefois toute nouvelle escale doit répondre à plusieurs critères indispensables et être aménagée.

La prise de conscience de l'importance de ce secteur est primordiale pour agir rapidement. Il y a urgence à investir pour assurer la croissance et être en mesure de répondre aux besoins. Car il s'agit d'un marché volatile qui peut se déplacer rapidement pour aller au mieux offrant si la Nouvelle-Calédonie n'est pas en mesure de suivre le développement de ce secteur et de répondre aux attentes.

La Nouvelle-Calédonie est attentive à ce que ce développement se fasse dans une perspective de développement durable, afin de préserver l'environnement, et de nombreuses mesures ont d'ores et déjà été prises. En effet, certaines compagnies de croisière attachent une grande importance à la préservation de l'environnement afin de s'assurer de la pérennité de leurs destinations : une destination avec un environnement dégradé sera mal notée par les passagers et sera donc difficile à commercialiser.

De plus, les actions réalisées par les compagnies pour préserver l'environnement leur permettent de faire du tourisme responsable et respectueux, ce qui constitue un argument de vente supplémentaire.

Par exemple, certaines compagnies mettent en place un programme de suivi environnemental et de protection sur plusieurs destinations, réalisant ainsi des aménagements nécessaires en vue de protéger les sites et l'environnement.

Le tourisme de croisière est en forte croissance. Il ne demande qu'à être développé, pour devenir source de retombées importantes pour l'économie calédonienne.

Pour ce faire, la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie a inscrit dans sa stratégie le développement de ce secteur : elle souhaite rassembler l'ensemble des acteurs du tourisme (compagnies de croisière, agences, professionnels du tourisme, compagnies aériennes...) afin de les fédérer et de définir tous ensemble une stratégie.

Matthieu Ladiesse, Responsable Environnement et développement durable à la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie (CCI-NC)

LE TOURISME EN TRIBU SUR LA PROVINCE DES ILES LOYAUTE

Un modèle de développement touristique durable

Situées à 100 kilomètres au large des côtes de la Grande Terre, Lifou, Maré, Ouvéa et Tiga forment l'archipel des Îles Loyauté et s'étendent sur une superficie d'environ 2 000 km 2 , (9,6 % de la Nouvelle-Calédonie). Le foncier coutumier (terres qui sont par essence inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables) représente 97 % de la superficie, les 3 % restant relevant de la propriété publique. Les Îles Loyauté sont considérées comme « réserves intégrales » et sont régies par le droit coutumier en matière foncière.

Avec un peu plus de 18 000 habitants au recensement de 2014, la province des Îles Loyauté est la moins peuplée des trois provinces de Nouvelle-Calédonie et elle est caractérisée par un exode des actifs vers les bassins d'emplois localisés dans les autres provinces. L'insuffisance d'entreprises économiques et donc d'emplois proposés dans les Îles Loyauté est l'un des facteurs principaux de cet exode. Et contrairement à la province Nord, aucun projet économique d'envergure n'a permis de renversement progressif de ce flux ou tout du moins de retenir les travailleurs loyaltiens dans les îles.

Cette province présente un grand handicap lié à la double insularité. Si les îles disposent aujourd'hui de moyens de transport (maritime et aérien) entrant dans le cadre d'une continuité territoriale, il reste que les difficultés d'approvisionnement sont réelles et fréquentes et les coûts de transport très élevés. Cette cherté du transport vient grever certes le budget des Loyaltiens mais constitue également un frein aux échanges commerciaux, voire au tourisme. Les Iles Loyauté sont ainsi très dépendantes de la Grande Terre pour leur approvisionnement avec tous les risques que cela comporte notamment en termes de sécurité énergétique, les transports maritimes n'étant pas toujours réguliers.

Le tourisme est bien évidemment l'élément moteur du développement économique des Iles Loyauté où les contraintes d'isolement et l'étroitesse du marché limitent le développement des activités économiques. Bien qu'en développement, le tourisme se heurte au problème des transports encore trop onéreux et pas assez réguliers. Ces dix dernières années, un grand chantier de mise aux normes des établissements touristiques et une professionnalisation du secteur ont permis de développer une offre qualitative plus riche mais qui reste encore à perfectionner. La province des Îles Loyauté, compétente en la matière, a été la première à légiférer en 2008 dans ce domaine afin de fixer les conditions de classement des structures d'hébergement et notamment celles concernant l'accueil en tribu, d'encadrer cette appellation et de soutenir le développement de ce type de structure original.

De plus, la province des Îles Loyauté possède plusieurs atouts pour un développement du secteur touristique respectueux de l'environnement avec notamment des paysages naturels préservés, un important potentiel de développement des énergies renouvelables, un lagon inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco sur l'île d'Ouvéa. Mais la province des Îles Loyauté présente des milieux particulièrement sensible tant au niveau terrestre que marin avec une très forte porosité des sols calcaires rendant les lentilles d'eau douce particulièrement vulnérables aux pollutions.

Le modèle d'accueil en tribu sur la province des Îles Loyauté

Les premiers gîtes et accueils chez l'habitant sont apparus en Nouvelle-Calédonie dans les années 1975-1980. Face à différents constats (plaintes de la clientèle, disparité de niveaux de prestations proposées dans les structures, incohérence tarifaire, rapport qualité/prix discutable...) et notamment le manque de lisibilité sur le concept « accueil en tribu » (labellisation) et le manque de garanties auprès des agences de voyage et des tours opérateurs pour commercialiser ce type de prestation, et en vue de favoriser le développement du tourisme, la province des Îles Loyauté a institué 44 ( * ) un classement des structures d'accueil en tribu.

Un label « Accueil en tribu des îles » a été créé dans le but d'encadrer le gîte chez l'habitant en terre coutumière. L'accueil en tribu consiste en une structure d'hébergement touristique réalisée sur terre coutumière par son propriétaire. Cette structure originelle et authentique de qualité doit s'intégrer à son milieu d'implantation que constitue la tribu. Elle a pour objectif principal d'accueillir et de faire participer les touristes à la vie en tribu en valorisant la culture, la nature et les savoir-faire locaux.

Ces hébergements labellisés offrent ainsi certaines garanties à l'égard de la clientèle touristique et aux opérateurs touristiques : hébergement en case traditionnelle ou en paillotte, bloc sanitaire, faré (case commune) de restauration et d'accueil, ingrédients et recettes traditionnels, authenticité et propreté des installations, qualité de l'accueil. À Nengone (Maré), Drehu (Lifou), Iaii (Ouvéa) et Tiga (Tokenod), l'accueil en tribu est classé en trois catégories signalées par des fleurs de frangipanier : l'accueil familial (une fleur), confort (deux fleurs) et grand confort (trois fleurs).

Pour obtenir l'appellation « accueil en tribu » de Iaii, Nengone, Drehu ou Tokenod et bénéficier des aides sectorielles financières et techniques attachées à ces appellations, les structures touristiques doivent garantir :

- la qualité et l'authenticité des habitations ;

- la qualité et la propreté des installations sanitaires ;

- la qualité, la propreté et l'authenticité.

Une charte de bonne conduite a également été mise en place à destination de la famille d'accueil afin de garantir qu'à une catégorie de classement corresponde aussi un niveau de prestations à proposer aux clients. De plus, cette charte s'adresse également au touriste afin de l'informer des règles communautaires à respecter, notamment celles concernant la vie en tribu et le respect de l'environnement.

En 2014, trente structures de type « accueil en tribu » étaient dénombrées sur la province des Iles Loyauté représentant une fréquentation de 12 000 touristes soit la moitié de la fréquentation totale sur cette province. Les structures sont réparties de la manière suivante :

- 15 structures sur Lifou représentant 231 lits ;

- 8 structures sur Maré représentant 115 lits ;

- 7 sur Ouvéa représentant 126 lits.

Ces structures touristiques, en reposant sur des critères de durabilité, s'inscrivent donc parfaitement dans une démarche de tourisme durable qui doit être supportable à long terme sur le plan écologique, viable sur le plan économique et équitable sur le plan éthique et social pour les populations locales.

Par conséquent, ce modèle de structure d'accueil permet :

- d'exploiter de façon optimum les ressources de l'environnement qui constituent un élément-clé de la mise en valeur touristique, en préservant les processus écologiques essentiels et en aidant à sauvegarder les ressources naturelles et la biodiversité ;

- de respecter l'authenticité socioculturelle des communautés d'accueil, de conserver leurs valeurs traditionnelles et de contribuer à l'entente et à la tolérance interculturelles ;

- et d'assurer une activité économique viable sur le long terme offrant à toutes les parties prenantes des avantages socioéconomiques équitablement répartis.

De plus, l'accueil en tribu satisfait également les touristes et représente pour eux une expérience utile en leur faisant prendre davantage conscience des problèmes de durabilité et en encourageant parmi eux les pratiques adaptées.

La professionnalisation et l'accompagnement des structures touristiques

Pour répondre pratiquement et immédiatement aux difficultés que ne manquent pas de rencontrer les exploitants des structures touristiques, la CCI de Nouvelle-Calédonie a lancé en 1990 le dispositif d'accompagnement itinérant touristique sur l'ensemble du territoire.

L'originalité et l'intérêt de cet accompagnement résident dans le fait que l'accompagnateur itinérant se déplace sur site. Dans le concept mis en oeuvre, la personnalisation est totale puisque l'accompagnement se fait dans la structure avec la nécessité de s'adapter aux moyens disponibles chez le bénéficiaire. L'accompagnateur itinérant est un professionnel de l'hôtellerie, de la restauration et de l'animation. Progressivement, il inculque toutes les techniques et les « petits plus » qui permettent aux promoteurs de progresser et d'offrir une meilleure qualité de prestation à la clientèle et de devenir autonome.

Ses missions principales sont :

- conseiller à la création : validation de la cohérence du projet, plans d'aménagement, assistance aux achats, plans de blocs sanitaires et douches, aide à la recherche de financement ;

- informer sur la mise aux normes sanitaires des établissements : réalisation de plans de cuisine, agrément d'hygiène, consignes d'hygiène et de sécurité ;

- former : cahiers de réservation, outils de comptabilité simplifiée, conseils culinaires ;

- communiquer : flyers , cartes, tarifs, page publicitaire ;

- accompagner la classification des structures d'accueil en tribu : diagnostics hygiène-sécurité-environnement, fonctionnement et marketing, audit de classement, sensibilisation à la charte de bonne conduite.

L'accompagnement itinérant touristique est, en cela, un outil particulier et performant qui permet à un acteur économique de devenir un chef d'entreprise responsable, conscient de ses faiblesses mais aussi de ses qualités. D'une part, la présence régulière de l'accompagnateur sur le terrain permet un échange constant avec les coutumiers et les résidents sur l'intérêt de développer le tourisme. D'autre part, elle permet la remontée en temps réel des besoins et des attentes des promoteurs touristiques auprès des institutions et décideurs.

L'environnement de la CCI permet non seulement d'assurer une veille sur les textes réglementaires, sur les avancées technologiques du secteur professionnel, sur les possibilités et les nouvelles offres en matière de financement mais aussi d'être moteur du développement et force de propositions.

En tant que techniciens, les accompagnateurs se positionnent comme relais incontournable entre professionnels du monde économique et les institutions.

Conclusion

À ce jour, seule la province des Îles Loyauté a réglementé en 2008 le classement des accueils en tribu. À l'initiative de la CCI, les autres provinces testent actuellement les projets de grille élaborés en commun pour évaluer le coût d'une mise à niveau minimale pour permettre aux structures d'être classées et donc d'offrir certaines garanties à l'égard de la clientèle touristique et aux opérateurs touristiques.

Une réelle dynamique de développement et de professionnalisation de ces établissements touristiques est donc aujourd'hui enclenchée et avec leur nouveau produit, les Îles Loyauté disposent d'un dispositif équivalent à celui de la petite hôtellerie familiale en Polynésie, un atout qui devrait permettre aux professionnels de rendre ce produit plus attractif et compétitif.

Vaïma Devimeux, Représentante du groupe Pacific Beachcomber

J'interviens au nom de M. Richard Bailey, le président du groupe Pacific Beachcomber, qui n'a malheureusement pas pu assister personnellement à cette conférence.

Le groupe Pacific Beachcomber est le groupe de référence dans l'industrie touristique de Polynésie française. Il représente 25 % de la capacité hôtelière internationale de la destination.

Il possède huit hôtels répartis dans les différentes îles autour de Tahiti pour une capacité de 800 chambres, ainsi que deux bateaux de croisière.

Le groupe Pacific Beachcomber s'est toujours attaché, depuis sa création il y a 25 ans, à promouvoir et à mettre en oeuvre des pratiques respectueuses de l'environnement.

Il s'est fait le pionnier d'une technologie innovante qui consiste à utiliser le froid de l'eau de mer des profondeurs pour la climatisation. Il s'agit du SWAC, le Sea Water Air Conditioning .

Le premier SWAC a été mis en opération en mai 2006 dans notre hôtel de Bora Bora - l'Intercontinental Bora Bora thalasso resort & spa de 80 villas. Ce fut une première mondiale et une réussite.

Après neuf ans d'exploitation, ce système a prouvé sa fiabilité ; il est complètement opérationnel.

À Bora Bora, le SWAC permet d'économiser près de 60 % d'énergie. En d'autres termes, si nous devions utiliser une climatisation classique, notre consommation d'électricité serait presque doublée.

L'économie annuelle réalisée est de 450 000 litres de fuel ou encore de mille tonnes de dioxyde de carbone.

Le principe de ce système de climatisation repose sur l'utilisation du froid de l'eau de mer qui est pompée à 900 mètres de profondeur, à travers une canalisation de près de 2,5 km de long. À cette profondeur, l'eau est à 4° C.

L'eau de mer froide pompée vient refroidir un circuit d'eau douce interne à l'hôtel, via un échangeur thermique, afin de produire le froid. La boucle d'eau de mer est indépendante de la boucle d'eau douce glacée.

La puissance installée est de 1,6 mégawatt froid.

Le 1 er juillet 2014, le groupe Pacific Beachcomber a ouvert un resort de luxe sur l'île de Tetiaroa, qui se trouve à 60 km de Tahiti. Il s'agit de l'hôtel « The Brando » composé de 35 villas.

Avec l'ouverture du Brando, Pacific Beachcomber a intégré au plus haut degré possible les composantes associées au développement durable, par exemple avec l'objectif de certification leed platine en cours d'obtention.

Ce développement, qui va bien au-delà de l'hôtel, permet d'atteindre l'autonomie complète en énergie renouvelable grâce à l'utilisation :

- de panneaux solaires ;

- de groupes électrogènes fonctionnant à l'huile de coco ;

- du SWAC, qui est la clé de voûte du système ;

- de batteries à flux.

Il est à noter que sans le SWAC, on ne pourrait atteindre l'objectif d'autonomie complète car il faudrait produire deux fois plus d'électricité.

Avec le Brando, autonome en énergies renouvelables, dont la climatisation à l'eau profonde est le fer de lance, le groupe Pacific Beachcomber espère écrire un nouveau chapitre du développement durable.


* 38 Agence pour la desserte aérienne de la Nouvelle-Calédonie.

* 39 Source : Institut d'émission d'outre-mer (IEOM).

* 40 Système de réservation informatique.

* 41 Institut de la statistique des études économiques.

* 42 Visite de maintenance de type C.

* 43 Source : IEOM, note expresse, 147, janvier 2015.

* 44 Délibération n°96-08/API du 19 décembre 2008

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