Rapport d'information n° 382 (2014-2015) de MM. Alain HOUPERT et Yannick BOTREL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 1er avril 2015

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N° 382

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er avril 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' enquête de la Cour des comptes relative aux soutiens à la filière forêt - bois ,

Par MM. Alain HOUPERT et Yannick BOTREL,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

En application de l'article 58, paragraphe 2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la commission des finances a confié à la Cour des comptes, par un courrier en date du 20 novembre 2013, une enquête sur les soutiens à la filière forêt-bois .

Ce travail a été demandé à la Cour des comptes à la fin de l'année 2013 parce que la France n'est pas la puissance forestière qu'elle pourrait être .

Ensuite, parce que le déficit commercial de la filière forêt-bois représente 10 % du déficit total de notre balance commerciale , soit environ 6 milliards d'euros par an . Une telle situation résulte du choix d'un modèle économique de pays en développement qui témoigne d'un déplacement de la valeur ajoutée vers les marchés étrangers , en raison de déséquilibres entre l'exportation de bois brut (les grumes notamment) et l'importation de produits transformés, comme les meubles et les papiers ou cartons.

Et, enfin, parce que la structuration de cette filière stratégique de l'amont à l'aval ne semble pas optimale , et tout ceci en dépit de nombreux dispositifs publics de soutien et de dotations budgétaires importantes aux opérateurs de la filière, tels que le Centre national de la propriété forestière (CNPF) ou l'Office national des forêts (ONF). Au total, pas moins de 910 millions d'euros par an seraient consacrés à la filière.

Il devait donc s'agir, pour la commission des finances, sur la base du rapport de la Cour des comptes, de formuler des préconisations permettant d' optimiser la mobilisation de la ressource bois et sa valorisation commerciale , en améliorant le fonctionnement la filière, en articulant plus efficacement son amont et son aval et en réorientant, le cas échéant, les dispositifs publics de soutien, ceci afin d'accroître la performance et la lisibilité des politiques publiques conduites en la matière.

Vos rapporteurs spéciaux s'inscrivent, à cet égard, dans la continuité des travaux conduits sur l'ONF en 2009, sur la base d'une enquête confiée à la Cour des Comptes, par notre ancien collègue Joël Bourdin, alors rapporteur spécial 1 ( * ) . Ils relèvent que les faiblesses identifiées il y a six ans subsistent et ne sont malheureusement pas toutes en voie d'être résolues.

L'enquête de la Cour des comptes conduite en 2014 a été remise le 9 novembre 2014. Selon l'usage, les travaux de la Cour des comptes ont donné lieu, mercredi 1 er avril 2015, à une audition pour « suite à donner » au Sénat, dont le compte rendu est annexé au présent rapport.

Cette audition a donc mis en présence les magistrats chargés de l'enquête, en l'espèce Mmes Evelyne Ratte, présidente de la septième Chambre, Michèle Pappalardo, conseillère maître et Sandrine Rocard, conseillère référendaire ainsi que le ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt , en la personne de M. Hervé Durand, directeur général adjoint des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires, le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique , avec M. Pierre Angot, sous-directeur de la chimie, des matériaux et des éco-industries à la direction générale des entreprises, et, enfin, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie , à travers M. Pascal Dupuis, chef du service climat et efficacité énergétique à la direction générale de l'énergie et du climat.

I. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une forêt française morcelée et largement composée d'espèces d'arbres qui offrent peu de débouchés

La forêt couvre 31 % du territoire français métropolitain , ce qui fait de la France le quatrième pays le plus boisé d'Europe. La forêt française est diverse et en son sein cohabitent des forêts très différentes : le million d'hectares du sud-est, garrigue de chênes verts, n'a rien à voir avec le million d'hectares de pins maritimes du sud-ouest, qui est lui-même très éloigné des surface de taillis du Massif Central. Au total, la filière forêt-bois française emploie environ 440 000 personnes et réalise un chiffre d'affaires de 60 milliards d'euros par an , soit près de 3 % du PIB (données 2012).

Les forêts publiques , appartenant à l'État et aux collectivités territoriales, sont gérées et exploitées par l'Office national des forêts (ONF). Bien qu'elles n'occupent que 25 % de la surface forestière totale , elles fournissent 36 % du bois commercialisé .

Les 75 % restants relèvent de forêts privées , détenues par 3,3 millions de propriétaires forestiers, traduisant, comme le relève la Cour des comptes, un « extrême morcellement ». Il s'agit du premier facteur de sous-exploitation des forêts privées , auquel peut s'ajouter une conjoncture économique difficile associé à la volatilité du prix du bois. Les propriétés sont souvent de taille trop modeste pour pouvoir être exploitées de manière rentable 2 ( * ) . La Cour des comptes souligne que des propriétés plus grandes le pourraient, mais que les revenus qui y sont attachés demeurent trop faibles par rapport aux investissements nécessaires - compte tenu du cours du bois - et trop espacés dans le temps pour mobiliser l'intérêt de leur propriétaire.

L'expérience montre que la part des propriétaires qui récoltent du bois croît avec la taille de la propriété . En 2011, un quart des propriétaires de forêts de plus de quatre hectares déclarent ne pas gérer leurs bois, une moitié de ces forêts ne sont exploitées que pour les besoins personnels de leurs propriétaires et un quart seulement, plutôt de grande taille, sont gérées dans un souci de mise en valeur et de rentabilité économique.

Il résulte de ce contexte que 46,5 % de l'accroissement biologique annuel moyen des arbres en forêt privée a fait l'objet d'une récolte de bois pendant la période 2005-2010, en tenant compte des chablis issus de la tempête Klaus (le taux tombe à 40,5 % sans tenir compte de ces chablis). En forêt domaniale et dans les forêts des collectivités, respectivement 74,7 % et 63,3 % ont été prélevés pendant la même période. Au total, moins de la moitié (48 %) de la production biologique annuelle de l'ensemble des forêts françaises (86,4 millions de m 3 ) a ainsi été prélevée en moyenne chaque année (de 2000 à 2011). Il convient donc de bien distinguer la mobilisation commerciale du bois de l'accroissement biologique des forêts.

Le constat d'une sous-exploitation de la forêt française est récurrent depuis près de quarante ans et le rapport Meo-Bétolaud date de 1978 (rapport). Il préconisait une augmentation de 12 millions de m 3 dans les dix ans. Il a été suivi par les rapports Duroure en 1982, Bianco en 1998, Juillot en 2003, Puech 3 ( * ) en 2009, qui vise à nouveau à augmenter la récolte annuelle de 12 millions de m 3 à court terme puis de 21 millions de m 3 d'ici 2020, puis Attali 4 ( * ) et Caullet 5 ( * ) en 2013. Les taux de prélèvement de bois comparés en forêt publique et en forêt privée montrent que les marges de manoeuvre concernent surtout la forêt privée.

Par ailleurs, les forêts de feuillus, au sein desquels les chênes sont prédominants, occupent les deux tiers de la forêt française. Or il est constaté un recul constant des débouchés pour ces espèces d'arbres. La composition de la production biologique française de bois (60 % de feuillus, 40 % de résineux) offre peu de débouchés parce que la majorité de nos espèces d'arbres ne correspond pas à la demande en bois des marchés les plus porteurs , comme celui de la construction. En 2010, dernière année pour laquelle des statistiques détaillées sont disponibles, 39,9 millions de m 3 de bois ont été commercialisés, dont 66 % de résineux (cette proportion passe à 75 % pour les grumes). La composition de la forêt française représente donc un autre facteur de sous-exploitation, car il accroît le manque d'incitation à une gestion dynamique.

2. Une politique forestière sans stratégie, sans pilote et sans résultats

La Cour des comptes dénombre cinq ministères - chargés respectivement de l'agriculture et de la forêt ; de l'industrie ; de l'écologie et de l'énergie ; du logement ; du budget et des finances- mettant en oeuvre une ou plusieurs politiques qui concernent la filière forêt-bois , même si l'action du ministère chargé de l'agriculture, dont le périmètre inclut la première transformation du bois, est historiquement prépondérante. Celle du ministère chargé de l'industrie est croissante et met l'accent sur une logique de filière industrielle. Avec l'appui de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le ministère chargé de l'énergie conçoit et gère la politique en faveur des énergies renouvelables, dont le bois énergie, et traite des questions climatiques. La direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), sous l'autorité conjointe de ce ministère ainsi que de celui chargé du logement, s'est engagée dans la filière bois depuis le Grenelle de l'environnement. Le ministère chargé de l'écologie porte enfin les problématiques environnementales, très présentes en forêt. Le financement de la filière, y compris par des mesures fiscales, intéresse également le ministère chargé des finances.

Comme l'observe la Cour des comptes, chaque ministère adopte « une vision des enjeux et des objectifs prioritaires pour la filière façonnée par ses compétences ministérielles : mobiliser davantage de bois en forêt, préserver la biodiversité au sein des forêts, mieux approvisionner les industries du bois, augmenter la part du bois dans les constructions, développer l'usage du bois en tant qu'énergie renouvelable, etc. ». Il en ressort que la forêt est ainsi souvent abordée sous des angles partiels et peut donner lieu à des divergences de vue. La Cour des comptes indique avoir relevé les griefs adressés par les ministères chargés de l'industrie et de l'agriculture au ministère chargé de l'écologie et de l'énergie de privilégier la dimension écologique de la forêt au détriment de son rôle économique, et d'être à l'origine d'une politique de subventionnement excessive des chaufferies à bois. Le ministère chargé de l'industrie considère que le choix du ministère chargé de l'agriculture de valoriser le feuillu, notamment en construction, est une erreur, ce dernier ne pouvant être compétitif par rapport au résineux, à qualités identiques.

L'existence de rencontres entre ministères sur des sujets ciblés ne suffit pas à pallier l'absence d'un lieu de concertation et de décision interministérielle sur ces sujets , ni même d'un dialogue construit entre les ministères sur la filière. Il manque donc un pilote et une stratégie cohérente pour la filière. La signature par quatre ministres , le 16 décembre 2014, du contrat de filière du comité stratégique de la filière bois (CSF) 6 ( * ) représente tout de même une avancée timide dans la concertation interministérielle. Cette démarche est postérieure à l'enquête de la Cour des comptes, mais cette dernière avait relevé l'existence d'une autre initiative interministérielle : le plan national d'action pour l'avenir des industries de transformation du bois signé en octobre 2013 par les ministres chargés de la forêt et de l'industrie. Mais alors, bien que le ministère chargé de la construction et du logement ait souhaité adhérer à cette démarche de filière, le ministère chargé de l'écologie et de l'énergie aurait manifesté peu d'intérêt pour ce plan.

L'absence de pilote au niveau gouvernemental est aggravée par l'existence d' instances de concertation multiples entre l'État et les professionnels et autres parties prenantes de la filière : outre le conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois, créé en 2002, il existe les comités stratégiques de filière « chimie-matériaux » et « éco-industries  » rattachés au Conseil national de l'industrie ainsi que le plus récent comité stratégique de filière (CSF) « industries du bois », créé le 14 janvier 2014. Ainsi que le déplore la Cour des comptes, la gouvernance qui s'est mise en place en 2014 avec ce CSF, suite à la prise de conscience gouvernementale d'une lacune dans ce domaine, n'évite pas l'écueil d'une partition entre l'amont forestier et l'aval industriel de la filière, sous l'influence respective des ministères chargés de l'agriculture et de l'industrie : « une grande vigilance sera nécessaire pour rendre cohérents le contrat de filière et le programme national de la forêt et du bois, élaborés par des instances et selon des calendriers disjoints, mais dont les périmètres doivent nécessairement se recouper, sauf à vider de son sens la notion de filière forêt-bois ». L' Allemagne offre à l'inverse l'exemple d'une concertation opérationnelle réussie entre les acteurs publics et privés de l'amont comme de l'aval de la filière

Vos rapporteurs spéciaux déplorent également l'existence de plusieurs établissements publics sous tutelle du ministère chargé de l'agriculture chargés de la mise en valeur des forêts privées. Il s'agit là du problème des responsabilités concurrentes des chambres d'agriculture (qui, en vertu de l'article L. 322-1 du code forestier « ont compétence pour contribuer à la mise en valeur des bois et forêts ») et du Centre national de la propriété forestière ou CNPF (appuyé sur ses délégations régionales, les centres régionaux de la propriété forestière ou CRPF). Le ministère chargé de l'agriculture indique que ce recouvrement « résulte d'une situation qui s'explique historiquement par la proportion importante de la forêt paysanne en 1960, mais qui n'est plus aujourd'hui une situation dominante ». Pour contribuer à une information réciproque de ces organismes agricoles et forestiers, des participations croisées au sein de leurs instances de gouvernance ont été établies. Le code rural dispose aussi que les actions menées par les chambres sont mises en oeuvre « en liaison avec les CRPF ». Dans la pratique, la Cour des comptes souligne que « les interventions des chambres d'agriculture en matière de développement forestier sont très variables selon les zones, parfois de même nature que celle des CRPF, avec ou sans coordination avec ces derniers, parfois inexistantes » et que « le CNPF, dont le pilotage interne et par l'État est peu directif, pose également la question de l'évaluation de l'efficacité de ses actions ».

Du côté des organisations professionnelles , le paysage est tout aussi insatisfaisant, en raison d'un maquis institutionnel dense et peu cohérent : les interprofessions France Bois Forêt 7 ( * ) (FBF) et le comité professionnel de développement des industries françaises de l'ameublement et du bois 8 ( * ) (CODIFAB) cohabitent ainsi avec le comité interprofessionnel du bois énergie (CIBE) et avec d'autres organisations professionnelles comme France bois industries entreprises 9 ( * ) (FBIE), la fédération nationale du bois 10 ( * ) (FNB), l'union des industries du bois (UIB), le comité interprofessionnel du bois énergie (CIBE) et le syndicat des énergies renouvelables (SER). L'enchevêtrement de ces structures 11 ( * ) est le produit de l'histoire bien plus que celui d'une volonté politique en tant que telle.

Les périmètres des CVO et de la taxe affectée se sont « construits en fonction de la volonté des différentes organisations représentatives des professionnels de la forêt et du bois de rejoindre l'un ou l'autre des deux modes de financement ». Pourtant, bien que les périmètres aient été modifiés dans le but de limiter les doublons, des industriels de la première ou de la deuxième transformation peuvent relever, selon l'activité considérée, des deux systèmes de financement. Ainsi que le remarque la Cour des comptes, « la frontière entre ces deux systèmes est donc poreuse ».

Ce tableau, déjà complexe, est aggravé par l'existence d'interprofessions régionales, dont la place au sein du paysage interprofessionnel national n'est pas stabilisée. En dépit de l'article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime, qui dispose que « lorsqu'une organisation interprofessionnelle nationale est reconnue, les organisations interprofessionnelles régionales constituent des comités de cette organisation interprofessionnelle nationale et sont représentées au sein de cette dernière », les organisations régionales ne s'inscrivent pas toujours dans ce cadre national. Ainsi, le 25 août 2011, le Gouvernement a répondu négativement à la demande des professionnels aquitains d'être reconnus en tant qu'organisation interprofessionnelle au motif qu'il ne peut être reconnu qu'une organisation interprofessionnelle par produit ou groupe de produits. Parmi ces structures régionales peuvent être mentionnées France bois régions (FBR), le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest (SYSSO) la fédération des industries du bois d'Aquitaine (FIBA) et le récent comité de développement forêt-bois Aquitaine (CODEFA), créé en 2012. D'après la Cour des comptes, « seuls les propriétaires forestiers privés aquitains restent pour la plupart aujourd'hui à l'écart des démarches interprofessionnelles et s'y sont même opposés ».

3. Un opérateur public, l'ONF, insuffisamment tourné vers la mobilisation de la ressource bois

Créé en 1966, l'Office national des forêts (ONF) est un établissement public industriel et commercial (ÉPIC) dont la situation financière reste fragile .

En vertu d'un statut dérogatoire, il peut employer des agents fonctionnaires qui représentent les deux tiers de son personnel (9 400 agents au total en 2014). Doté d'un budget annuel d'environ 850 millions d'euros , l'ONF assure la gestion des 4,7 millions d'hectares de forêts publiques, soit environ 25 % de l'ensemble de la surface forestière de notre pays.

Ses missions sont regroupées en quatre activités : gestion des forêts domaniales, gestion des forêts des collectivités, mise en oeuvre de missions d'intérêt général et réalisation de prestations de service.

Un contrat pluriannuel, le contrat d'objectifs et de performances (COP), passé entre l'État et l'ONF, détermine les orientations de gestion et les programmes d'actions de l'établissement, les moyens de leur mise en oeuvre, les obligations de service public procédant du régime forestier, les missions d'intérêt général qui sont confiées à l'ONF, ainsi que l'évaluation des moyens nécessaires à leur accomplissement. Le premier COP couvrait la période 2007-2011 et le second porte sur 2012-2016, ce dernier ayant été co-signé par le président de la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) aux côtés de l'État et de l'ONF, exprimant l'association de cette fédération à la gouvernance de l'établissement.

La situation financière difficile de l'office est connue. Sans certaines interventions de l'État, comme sur l'exercice 2012, l'ONF n'aurait pas été en mesure de payer ses agents. En 2015, l'État apportera un versement compensateur de 140,4 millions d'euros , soit 20 millions d'euros de plus que ce que prévoit le COP . Et il ne s'agit que de la dotation en loi de finances initiale, des subventions d'équilibre exceptionnelles étant souvent versées à l'ONF en cours d'exercice.

4. Un modèle économique de pays en développement, qui conduit à un déficit commercial de la filière de 6 milliards d'euros par an

La filière forêt-bois française rappelle le modèle économique des pays en développement . En effet, de manière caricaturale, ces derniers ont longtemps subi des échanges inégaux dans le commerce mondial : exportateurs de matières premières, ils réimportaient des produits transformés à plus haute valeur ajoutée. Sur la base d'observations empiriques, les économistes Raúl Prebisch et Hans Singer ont, à ce sujet, bâti dans les années 1950 le concept de « dégradation des termes de l'échange », selon lequel les prix des produits manufacturés s'accroissent et enrichissent les pays développés tandis que les prix des matières premières ont tendance à baisser ou à progresser beaucoup plus lentement, ne contribuant pas au développement des pays en développement. Une telle stratégie n'est pas facteur d'une croissance dynamique.

C'est pourtant ce modèle économique que la France privilégie concernant sa filière forêt-bois . Celle-ci témoigne donc d'un déplacement de la valeur ajoutée vers les marchés étrangers, en raison de déséquilibres entre l'exportation de bois brut (les grumes notamment) et l'importation de produits transformés, comme les meubles et les papiers ou cartons.

Il en ressort que la filière forêt-bois contribue chaque année au déficit de la balance commerciale française, à hauteur d'environ 10 %, soit six milliards d'euros 12 ( * ) , même si la situation tend, en apparence seulement, à s'améliorer (- 5,7 milliards d'euros en 2014). Ainsi que l'explique la Cour des comptes, cette légère contraction du déficit commercial de la filière depuis 2011 « traduit le recul des échanges commerciaux d'une filière qui reste structurellement déficitaire, les exportations portant surtout sur des produits bruts ou peu transformés, tandis que les importations concernent plutôt les biens de consommation ou intermédiaires ». Cette amélioration conjoncturelle, qui n'est qu'un recul en trompe-l'oeil, ne doit pas dissimuler le problème d'un déficit structurel annuel de l'ordre de six milliards d'euros.

Par ailleurs, la contribution à ce solde déficitaire est inégale entre l'amont et l'aval de la filière (395 millions d'euros pour l'amont contre 5,2 milliards d'euros pour l'aval) et présente un contraste selon les secteurs considérés : près des deux tiers du déficit de la filière s'expliquent par les soldes des secteurs de l'ameublement (- 2 milliards d'euros en 2013) et des papiers et cartons (- 1,6 milliard d'euros en 2013). Ce constat illustre la problématique des situations économiques différentes de l'amont et l'aval de la filière bois.

5. Des soutiens publics à la filière forêt-bois nombreux et peu cohérents

La filière forêt-bois doit faire face à de multiples enjeux dont la cohérence n'est pas naturelle, notamment entre ceux de l'amont et ceux de l'aval 13 ( * ) . Elle est, en effet, traversée par des intérêts divergents entre l'amont et l'aval et des conflits d'usage entre activités.

Les différents maillons de la filière bénéficient de soutiens financiers d'origine et de nature très diverses, qui s'élèvent au total à 910 millions d'euros par an selon la Cour des comptes, sans compter les soutiens non spécifiques à la filière. La filière bénéficie aussi de soutiens de nature non financière , à travers l'action d'établissements publics et l'appui de centres techniques industriels eux-mêmes largement financés par des soutiens publics.

Les soutiens publics à la filière forêt-bois

Source : Cour des comptes

Bien que « le levier budgétaire soit devenu inopérant faute de crédits suffisants », l'État , à travers ses dépenses budgétaires 14 ( * ) et fiscales (autour notamment du programme 149 « Forêt » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »), ses recettes fiscales fléchées et les financements de ses établissements publics, apporte la plus large part de ces soutiens : 84 % soit environ 770 millions d'euros . Le secteur du bois énergie bénéficie de près de 36 % des soutiens provenant de l'État et de ses établissements publics.

Les collectivités territoriales sont la deuxième source de financement de la filière. Elles apportent moins de 10 % des soutiens totaux (environ 80 millions d'euros, répartis pour moitié entre les régions et les départements), mais leurs apports sont beaucoup plus significatifs pour l'aval de la filière, dont elles soutiennent le développement économique de façon prioritaire.

Les fonds européens (fonds européen agricole pour le développement rural - FEADER, fonds européen de développement régional - FEDER et fonds social européen - FSE) constituent un financement d'appoint pour la filière (environ 50 millions d'euros par an 15 ( * ) ), tout comme les fonds d'origine interprofessionnelle (environ 20 millions d'euros pour les CVO et la taxe affectée au CODIFAB).

Le groupe Caisse des dépôts et consignations (CDC) intervient auprès de l'amont forestier, de la filière industrielle du bois et sur le bois énergie au travers de ses différentes filiales et de différentes. La CDC assure également la gestion d'un fonds commun de placement à risque (FCPR), le fonds stratégique bois 16 ( * ) , créé en novembre 2009 suite au rapport Puech. Mais la Cour des comptes estime que la présence du groupe CDC « n'est toutefois pas le fait d'une stratégie préalable et chaque entité agit isolément dans son secteur d'activité, les orientations et les perspectives d'évolution de chacune restant définies dans le cadre de logiques et d'objectifs qui leur sont propre s ». Cette faible coordination ne permet donc pas à la filière de bénéficier pleinement des actions de la CDC.

Bpifrance finance pour sa part, depuis 2011 (au travers d'Oséo de 2011 à 2013), les prêts participatifs au développement bois (PPD-bois), en faveur des entreprises du secteur engageant un programme de développement, d'extension d'activité, de mise aux normes, d'innovation non technologique, d'internationalisation ou de croissance externe. Au 31 décembre 2013, 91 projets, dans quinze régions, avaient été financés par un PPD bois, pour un montant global de 13 millions d'euros.

Le programme d'investissements d'avenir (PIA) n'a pas identifié la filière bois-forêt en tant que telle parmi les 35 actions financées mais celle-ci bénéficie cependant de divers engagements financiers au titre de plusieurs de ces actions (centres d'excellence, énergie, financement des entreprises, emploi et égalité des chances, ou, encore, économie sociale et solidaire). Ces concours financiers intéressant la filière bois-forêt sont évalués par la Cour des comptes à 68 millions d'euros au total.

Au total, la Cour des comptes estime que les soutiens à la filière se sont empilés sans lien entre eux et sans hiérarchisation des priorités de financement, du fait d'une gouvernance non unifiée. Vos rapporteurs spéciaux regrettent ce phénomène de saupoudrage des soutiens publics, nombreux, diversifiés et peu cohérents . Un tel phénomène découle en grande partie des faiblesses relevées en matière de pilotage.

6. L'amont caractérisé par des mesures fiscales patrimoniales

Alors que les dépenses budgétaires consacrées à la filière ont connu une baisse importante, souvent au détriment de l'amont, les dépenses fiscales sont plus stables . Elles sont estimées à 124 millions d'euros en 2013 par la Cour des comptes même si le coût total de la fiscalité forestière est évalué, au sein du rapport annuel de performances du programme 149 pour le même exercice, à 167 millions d'euros. Hors coût fiscal du forfait forestier (70 millions d'euros), qui relève plus d'une modalité de calcul de l'impôt sur le revenu que d'une véritable mesure fiscale selon la Cour des comptes, le coût total de la fiscalité forestière est ramené à seulement 54 millions d'euros .

Le périmètre des deux mesures fiscales les plus coûteuses en réalité - les exonérations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) - n'est pas strictement forestier, ce qui conduit à une surestimation importante de ces dépenses. Le coût de ces deux mesures fiscales patrimoniales 17 ( * ) est évalué par la Cour des comptes à 20 millions d'euros pour chacune.

La Cour des comptes rappelle les deux justifications principales - pleinement légitimes aux yeux de vos rapporteurs spéciaux - qui sont à l'origine de l'exonération au titre des DMTG - sur laquelle a été calquée ensuite l'exonération au titre de l'ISF : d'une part, le temps long qui caractérise la production forestière et le faible rendement de la forêt et, d'autre part, le fait d'éviter que, pour payer les droits de succession, il soit procédé à des coupes de bois abusives en forêt pour payer les droits de succession, ce qui contrevient au principe de gestion durable 18 ( * ) . Il est certain que l'exonération de DMTG présente au moins l'intérêt d'un effet protecteur au regard du morcellement forestier. La Cour des comptes juge que ces deux dispositifs ne concourent pas suffisamment à l'objectif de valorisation économique des forêts .

La Cour des comptes porte des appréciations plus positives sur le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI), composée de quatre volets 19 ( * ) , pour lesquels la dépense fiscale totale est plus réduite puisqu'elle s'élève à près de 7 millions d'euros en 2014. Le DEFI a été modifié par la loi de finances rectificative pour 2013 mais cette réforme ne s'applique qu'aux revenus 2014 et ne peut donc pas encore être évaluée. Dans ce contexte, la direction de la législation fiscale a communiqué un chiffrage actualisé sur le coût de la réduction d'impôt DEFI en 2014, obtenue au titre des revenus 2013.

Coût de la réduction d'impôt « DEFI » en 2014 au titre des revenus 2013

Source : direction de la législation fiscale

En revanche, la complexité 20 ( * ) et la faible diffusion du compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), créé par la loi de finances rectificative pour 2013, sont relevées par la Cour des comptes. Son coût serait donc quasi-nul. Un autre dispositif représente un coût annuel de l'ordre de 2 millions d'euros, il s'agit de la majoration des dotations aux amortissements en faveur des entreprises de la filière bois, prévue à l'article 39 AA quater du code général des impôts.

En outre, la Cour des comptes souligne un effet de substitution partiel entre les mesures budgétaires et les mesures fiscales , surtout dans le domaine du soutien à l'investissement : sans être à la hauteur des baisses des aides directes à l'investissement forestier, le DEFI couvre ainsi un périmètre de travaux sylvicoles semblable en dépit de conditions d'accès très différentes.

7. La dispersion dommageable des soutiens à l'aval

La Cour des comptes identifie des soutiens nombreux et de nature très diverse apportés à l'aval de la filière, qui recouvre il est vrai des activités hétérogènes.

Vos rapporteurs spéciaux retiennent de l'enquête la vulnérabilité de la filière industrielle du bois, qui représente 90 % du déficit commercial structurel de l'ensemble de la filière forêt-bois (plus de 5 milliards d'euros par an). Elle est composée d'environ 60 000 entreprises des première et deuxième transformations du bois qui emploient directement près de 220 000 personnes, dont près de 71 000 salariés dans le sciage et le travail du bois (charpentes, menuiserie, placages, panneaux et emballage), segment d'activité le plus important, avant l'industrie du papier et carton.

Ainsi, les soutiens à l'usage du bois dans la construction sont modestes, alors qu'il s'agit du principal débouché en France pour le bois matériau et ses dérivés 21 ( * ) . La Cour des comptes déplore également des actions insuffisantes au profit du secteur de l' ameublement , qui contribue significativement au déficit du commerce extérieur de la filière (2 milliards d'euros par an).

À l'inverse, la filière bois énergie se développe nettement (46 % de l'énergie d'origine renouvelable en France en 2009).

Le soutien repose notamment sur le crédit d'impôt développement durable (CIDD), créé en 2005, rattaché au programme 174 « Énergie, climat et après mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et renommé crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en 2015 22 ( * ) . Le CITE vise à permettre une diffusion large des équipements énergétiques 23 ( * ) pouvant contribuer à l'atteinte des objectifs de la France en matière d'économies d'énergie et d'énergies renouvelables. Son coût pour les seuls équipements bois représentait 270 millions d'euros en 2009, 130 millions d'euros en 2012 et serait de l'ordre de 100 millions d'euros en 2014 24 ( * ) . Ce coût est à mettre en regard du coût total de la mesure : 620 millions d'euros en 2014 et 890 millions d'euros en 2015.

Un second dispositif de soutien public est incarné par le fonds chaleur , rattaché au programme 174 « Énergie, climat et après mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », et qui, pour 100 millions d'euros par an environ, finance divers investissements au terme de procédures d'appels à projet 25 ( * ) .

De même, il convient de relever l'essor au sein de la filière bois énergie de l'activité de production d'électricité . Le soutien à la production d'électricité à partir de bois s'est élevé à 124 millions d'euros en 2013 et à 46,6 millions d'euros par an, en moyenne, sur la période 2006-2013. Il s'agit de la charge annuelle de la contribution au service public de l'électricité constatée par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour les installations sous tarif d'achat ou sous appel d'offres 26 ( * ) .

Il faut noter que le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte réforme certains de ces mécanismes de soutien en vue d'accélérer le développement des énergies renouvelables 27 ( * ) . Il prévoit, en particulier, la création d'un nouveau dispositif de soutien à la production d'énergies renouvelables à partir de biomasse , appelé complément de rémunération. Ce dispositif, complémentaire du régime de l'obligation d'achat, concerne les tarifs d'achat d'énergie pour les installations de grande taille 28 ( * ) et prendrait la forme d'une prime versée aux producteurs vendant directement de l'énergie sur le marché de l'électricité. La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a, par ailleurs, annoncé la création d'un fonds de financement de la transition énergétique et de croissance verte , qui serait doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans et dont les actions ne se réduiraient pas à la filière bois. Un tel fonds ne figure pas dans le projet de loi de transition énergétique, qui se contente de prévoir un fonds de garantie pour la rénovation énergétique dans le but de faciliter le financement des travaux d'amélioration de la performance énergétique des logements.

II. PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Construire le pilotage stratégique de la filière bois et l'axer sur un objectif de valorisation économique

Vos rapporteurs spéciaux plaident en faveur d'un lieu de concertation et de décision interministérielle , garant de l'efficacité des nombreuses mesures de soutien et réunissant tous les acteurs de la filière, la question de l'articulation entre l'amont et l'aval, eux-mêmes subdivisés entre plusieurs secteurs, représentant un enjeu de premier plan. Ce pilotage, sous l'égide du ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt qui deviendrait chef de file au niveau interministériel de toute la filière bois, doit pouvoir reposer sur une stratégie de cohérence au profit de la filière : autour de l' objectif central de valorisation économique de la ressource bois , des objectifs précis doivent être fixés pour chacune des parties prenantes, de l'amont jusqu'à l'aval. Seule une stratégie hiérarchisant les priorités et recourant à une évaluation continue des ressources disponibles conduira à un pilotage efficace de la filière.

Ce pilotage doit favoriser l'intégration de la filière et garantir un dialogue entre l'amont et l'aval. Un dialogue de ce type doit favoriser une concertation fondée sur l'évaluation , d'une part, de la ressource en bois disponible et, d'autre part, des besoins quantitatifs et qualitatifs des industries du bois 29 ( * ) . Il s'agira ainsi de régulariser les approvisionnements de l'aval, surtout si cette démarche se décline dans les territoires par massif forestier.

La signature du contrat de filière, le 16 décembre 2014 va dans le bon sens, mais elle demeure une avancée timide : il convient d'aller plus loin que le comité stratégique de filière (CSF) et d'élaborer un cadre élargi de concertation. Les professionnels devront être associés à la définition de cet outil et participer au pilotage de la filière, sans omettre les industries de première transformation. La FNB a, en effet, refusé de signer le récent contrat de filière et porte un regard sévère sur l'action du Gouvernement, qui serait impuissant face aux déséquilibres entre les exportations de bois brut et les produits transformés. Les pouvoirs publics doivent remettre cette structure dans le jeu de la concertation et construire, dans ce contexte, une stratégie associant tous les segments de la filière .

À court terme, la cohérence entre le contrat de filière issu du CSF et le « programme national de la forêt et du bois » issu du conseil supérieur de la forêt et du bois doit être recherchée.

S'agissant de la gouvernance de la forêt privée et tout particulièrement des doublons entre les chambres d'agriculture et le CNPF , des améliorations sont possibles. Il incombe notamment au CNPF de mieux exercer ses missions et au ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt de renforcer sa tutelle sur le CNPF. Par exemple, la vérification de l'application des documents de gestion durable doit faire partie des priorités d'action du CNPF. Si un rapprochement entre les acteurs est clairement souhaitable, la méthode proposée par la Cour des comptes - confier au CNPF l'intégralité de la mission de développement forestier pour les forêts privées et en décharger les chambres d'agriculture - semble prématurée à vos rapporteurs spéciaux.

2. Veiller au rapprochement des interprofessions

Le maquis institutionnel caractérisant les interprofessions de la filière interdit le pilotage stratégique qu'ils appellent de leurs voeux et affaiblit la capacité de mobilisation de la ressource bois et sa valorisation commerciale.

C'est pourquoi il est souhaitable que les pouvoirs publics et les organisations professionnelles opèrent un rapprochement le plus étroit possible entre ces structures de représentation , qu'elles soit dédiées à l'amont (forestiers privés, France Bois Forêt-FBF, fédération nationale du bois-FNB) ou consacrées à l'aval (comité professionnel de développement des industries françaises de l'ameublement et du bois - CODIFAB, France bois industries entreprises - FBIE, union des industries du bois - UIB, comité interprofessionnel du bois énergie - CIBE, syndicat des énergies renouvelables - SER). Une réflexion devra donc être conduite s'agissant du champ des CVO et de la taxe affectée pour atténuer la partition entre l'aval et l'amont.

La création d'un organisme interprofessionnel unique serait la réalisation la plus ambitieuse. A minima , une fusion entre, d'une part, les structures de l'amont et, d'autre part, les structures de l'aval doit être conduite. Ces fusions incluraient évidemment dans leur périmètre les différentes interprofessions et associations régionales, de manière à articuler les actions locales avec le cadre national . À ce stade, s'agissant de l'amont, la création d'associations syndicales territoriales forestières (ASTER) représente une avancée à la condition qu'elle s'accompagne d'une mise en réseau des structures dédiées à l'amont.

3. Tourner l'ONF vers une logique de résultats

L'ONF ne se consacre pas suffisamment à la mobilisation de la ressource bois , alors que selon la Cour des comptes la « récolte de bois pourrait être accrue, ainsi que le recommande le COP » 30 ( * ) .

Partant de ce constat, vos rapporteurs spéciaux recommandent de tourner l'ONF vers une logique de résultats et d' accroître ses récoltes de bois , ainsi que le préconise également la Cour des comptes. Ils rejoignent à cet égard, de manière plus générale, les préconisations de notre ancien collègue Joël Bourdin dans son rapport 31 ( * ) . Ce dernier invitait ainsi à diffuser une culture de la performance dans cette administration ancienne, marquée par le poids de ses traditions.

De même, les efforts de l'office en matière d' organisation interne doivent être poursuivis, notamment pour ce qui concerne sa fonction ressources humaines 32 ( * ) et la mise en place d'une comptabilité analytique.

Par ailleurs, il doit, plus que jamais, mettre en place une véritable politique commerciale , structurée et dotée d'une expertise autonome 33 ( * ) .

Enfin, une clarification des relations entre l'ONF, l'État et les collectivités territoriales est souhaitable 34 ( * ) . La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt contribue à cette clarification puisqu'elle oblige les collectivités ne respectant pas leur programme de coupes à s'en justifier devant les services de l'État.

4. Recomposer et renouveler la forêt française

Vos rapporteurs spéciaux jugent nécessaire de rapprocher l'offre de bois de la forêt publique et des forestiers privés de la demande des marchés , cette inadaptation représentant un facteur considérable de sous-exploitation. Il n'est pas raisonnable que la production de bois se répartisse entre 60 % de feuillus et 40 % de résineux alors que ces derniers représentent les deux tiers du bois commercialisé et même 75 % pour les grumes.

C'est pourquoi la composition des forêts françaises et donc la production biologique de bois doit progressivement évoluer en accroissant en son sein la part des résineux . Il s'agit ainsi de créer de nouveaux débouchés au profit de la filière, en étant à l'écoute de la demande en bois des marchés, notamment celui de la construction. Il s'agit aussi d'inciter les forestiers privés à procéder à des choix de gestion plus dynamiques. Il s'agit enfin de répondre à des préoccupations écologiques : les résineux poussant en moyenne plus vite que les feuillus, leur capacité de captation du carbone est plus élevé et ils présentent donc un bilan plus favorable pour l'environnement. Cette évolution au profit des résineux doit se faire progressivement, en fonction de la nature des sols et des conditions écologiques, en restant vigilant sur les effets indirects en termes d'acidification ou de refroidissement .

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur l'opportunité de recourir à des dispositions législatives contraignantes en faveur du renouvellement des forêts françaises , qu'il s'agisse de résineux comme de feuillus. Ils ne considèrent pas qu'il relève du législateur d'imposer des dispositions en ce sens. Le pouvoir réglementaire, la diffusion de bonnes pratique ou des accords internes à la filière seraient sans doute des échelons plus pertinents, alors qu'en tout état de cause, cette problématique du renouvellement forestier constitue un sujet de premier plan qui concerne l'intégralité des acteurs de la filière de la forêt-bois française. Il s'agit à la fois d'un enjeu écologique et économique puisqu'il doit assurer la viabilité et la pérennité dans le temps de la filière. Par exemple, le repeuplement en peupliers est aujourd'hui insuffisant et mettra en difficulté la sous-filière bois emballage à moyen voire à court terme.

À cet égard, certains professionnels du secteur ont fait valoir à vos rapporteurs spéciaux que la suppression du compte d'affectation spéciale « Fonds forestier national » (FFN) depuis 2000 a été préjudiciable au développement de la filière, notamment en matière de reboisement. S'il apparaît difficile de créer un nouveau compte d'affectation spéciale, la question des outils financiers à mobiliser en faveur du reboisement ou, au moins, du renouvellement de la forêt française se pose. Vos rapporteurs spéciaux n'ont pas tranché sur la question de savoir qui doit supporter le coût de ces actions et comment ces charges doivent se répartir entre les pouvoirs publics et les acteurs privés de la filière. Ils relèvent que le renouvellement de la forêt ne se fait pas que par les plantations, mais aussi par la régénération naturelle . Il en est ainsi dans le Jura et les Vosges pour l'épicéa, le sapin ou le pin sylvestre, dans le centre ou l'ouest pour le chêne, dans le nord-est ou la Normandie pour le hêtre : ce constat démontre que la diminution des plantations n'est pas toujours synonyme d'un manque de renouvellement.

5. Réformer prudemment la fiscalité applicable à l'amont forestier

La fiscalité forestière doit constituer un levier au service de la politique forestière, mais il importe d'aborder avec prudence les évolutions en matière de réforme de certaines dépenses fiscales destinées aux propriétaires forestiers, dans la mesure où les dispositifs patrimoniaux - les exonérations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) - présentent un intérêt en dépit d'une connexion partielle seulement avec l'objectif de valorisation économique des forêts. Le régime des DMTG conserve un effet anti-morcellement qui est bienvenu. Le régime d'exonération d'ISF en faveur de la forêt privée permet d'accroître l'attractivité des investissements en forêt.

La suppression de l'exonération d'ISF concernerait moins de 1 % des propriétaires forestiers (au nombre de 3,3 millions), pour des surfaces représentant, au total, seulement 8 % de la forêt privée française 35 ( * ) . Ces données rassemblées par la Cour des comptes n'avaient jamais été réalisées auparavant. Votre rapporteur spécial Yannick Botrel estime pertinent d'ouvrir la voie à la suppression progressive de cet avantage fiscal, mais sous la condition d'évaluations préalables et d'un suivi des effets de la réforme : dans le cas d'effets pervers identifiés, il conviendrait de rétablir l'exonération. Votre rapporteur spécial Alain Houpert ne juge, quant à lui, pas utile de réduire ou d'abandonner cette exonération fiscale. Il estime qu'une telle réforme ne conduirait pas à accélérer la mobilisation de la ressource et aurait un effet destructeur sur l'investissement en forêt.

En revanche, vos rapporteurs spéciaux considèrent qu'il convient de ne pas réduire le coût global des dépenses fiscales dont bénéficie la filière : ils préconisent un rééquilibrage progressif des soutiens publics vers les mesures fiscales à visée incitative. Il doit donc s'agir, en particulier, de favoriser les mesures d'incitation à l'investissement , telles que les quatre volets du dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI) ou, encore, le compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA).

Ils jugent, en outre, urgent de limiter les exportations de bois brut afin de relocaliser la valeur ajoutée de la filière en France . Ils déplorent qu'il n'existe pas, à ce stade, de réflexion aboutie sur la question de la balance commerciale de la filière et sur la concurrence entre les bois français et les bois étrangers.

Alors que le Premier ministre vient de confier à notre collègue député Christian Franqueville une mission sur l'exportation des grumes et l'état de la balance commerciale de la filière forêt-bois , ils retiennent d'un échange avec le président de la FNB que le coût de la certification à l'export s'élèverait à 17 euros par m 3 en Allemagne contre un euro par m 3 en France, soit un moindre coût qui encourage l'exportation de grumes de notre pays.

Avant même la remise du rapport de notre collègue cet été, ils identifient la piste d'une hausse du coût de la certification du bois à l'export ou la création d'une nouvelle contribution à l'export de bois brut 36 ( * ) . L'interdiction des exportations ou la limitation par quota des quantités leur semblent être des pistes moins pertinentes.

6. Ne plus faire du bois énergie une priorité

Les soutiens à la filière sont désormais trop orientés vers l'aval, ou, pour être plus précis, vers le bois énergie , alors que sa valeur ajoutée est faible. Vos rapporteurs spéciaux font part de leurs doutes sur la pertinence des soutiens apportés à la filière du bois énergie dont les performances économiques et financières sont sujettes à interrogations. Cet accompagnement public ne doit plus être une priorité aussi marquée et les producteurs d'électricité à partir de bois ou les fabricants de chaudières à bois ne doivent pas demeurer les privilégiés des aides financières à la filière.

En effet, le secteur du bois énergie concentre à lui seul environ 36 % des soutiens de l'État, avec un rôle important des aides de l'ADEME. Et, surtout, ces aides ne cessent de croître, alors qu'au minimum, une stabilisation du montant de ces soutiens est préconisée par vos rapporteurs spéciaux.

La mise en oeuvre des mesures de soutien au bois énergie doit être, selon la Cour des comptes, accompagnée d'une veille continue et organisée au niveau de l'amont comme de l'aval de la filière forêt-bois en fonction des conflits d'usage et des tensions qu'ils pourraient créer au niveau de la ressource.

Les instances, présentes ou futures, de pilotage de la filière doivent s'approprier ces sujets afin de proposer aux pouvoirs publics les modifications à apporter aux mesures de soutien pour en limiter les éventuels effets de concurrence , en particulier sur les plans d'approvisionnement en bois des autres secteurs industriels, et pour en adapter, au niveau national comme local, la mise en application aux ressources des bassins forestiers. Par exemple, le soutien à la production d'électricité par appel à projets devrait privilégier les unités de production de chaleur ou de cogénération d'une taille adaptée à la capacité d'approvisionnement des bassins forestiers.

Dans ce contexte, outre le soutien renouvelé à la forêt et à la mobilisation de la ressource bois en amont, vos rapporteurs spéciaux préconisent de revaloriser progressivement la part des autres usages du bois dans les dispositifs de soutien public.

7. Réorienter les aides à l'aval et soutenir davantage le bois d'oeuvre

Compte-tenu des observations légitimes de la Cour des comptes sur la faiblesse des mesures de soutien à l'aval hors bois énergie, les dispositifs en faveur de l'aval - à l'exception donc du bois énergie - doivent être renforcés . Le bois d'oeuvre et, surtout, le secteur de l'ameublement, qui contribue significativement au déficit du commerce extérieur de la filière, doivent être encouragés. Cet encouragement doit être envisagé avec la préoccupation de relocaliser toute la chaîne de valeur en France : le soutien à l'aval hors bois énergie ne doit en aucun cas conduire à accroître le niveau global de nos importations de bois transformés, déjà situé à des niveaux très élevés. Pour votre rapporteur spécial Alain Houpert, au-delà des aides à l'aval de la filière, il conviendrait de rendre nos industries de transformation généralement plus compétitive . À cet égard, il juge que le coût élevé de la main d'oeuvre et la lourdeur de la législation du travail représentent de véritables handicaps dans la compétition internationale.

Vos rapporteurs spéciaux constatent, par ailleurs, que la question de l'innovation dans le domaine du bois n'est que très peu abordée par les rapports consacrés à la filière. Pourtant cinq pôles de compétitivité 37 ( * ) travaillent de près ou de loin en France sur le bois, ce qui devrait dégager des perspectives économiques nouvelles pour la filière française, qui souffre d'une concurrence importance à l'international.

De la même manière, selon votre rapporteur spécial Yannick Botrel, la question de la montée en gamme et du luxe dans l'aval de la filière bois doit être posée alors qu'elle n'est que très peu évoquées dans les nombreux rapports consacrés à la filière. La stratégie du haut de gamme et du luxe a permis le développement de pans entiers de l'artisanat et de l'industrie en France. Cet axe d'amélioration pourrait en conséquence profiter également à nos industries du secteur du bois.

TRAVAUX DE LA COMMISSION :
AUDITION POUR SUITE À DONNER

Au cours de sa réunion du mercredi 1 er avril 2015, la commission a procédé à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur les soutiens à la filière forêt-bois de Mme Évelyne Ratte, présidente de la septième chambre de la Cour des comptes, M. Hervé Durand, directeur général adjoint des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires au ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt, M. Pascal Dupuis, chef du service climat et efficacité énergétique à la direction générale de l'énergie et du climat au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et M. Pierre Angot, sous-directeur de la chimie, des matériaux et des éco-industries au ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique.

Mme Marie-France Beaufils , présidente . - L'audition de ce jour fait suite à la demande de notre commission, à la Cour des comptes, d'une enquête portant sur les soutiens à la filière forêt-bois. Il est en effet utile de se demander si la France retire tous les bénéfices économiques qu'elle pourrait en attendre. On peut observer que le déficit commercial de la filière forêt-bois représente environ six milliards d'euros par an et illustre un déplacement de la valeur ajoutée vers les marchés étrangers. Cela doit conduire à nous interroger sur la structuration de cette filière stratégique de l'amont à l'aval et sur l'efficacité des nombreux dispositifs publics de soutien. L'enquête de la Cour des comptes dont les résultats nous seront présentés dans quelques instants constitue un travail utile pour nos collègues Alain Houpert et Yannick Botrel, en leur qualité de rapporteurs spéciaux de la mission « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales ». Pour présenter cette étude et réagir à son contenu, nous avons le plaisir d'accueillir :

- Evelyne Ratte, présidente de la septième chambre de la Cour des comptes, accompagnée de Michèle Pappalardo, conseillère maître et Sandrine Rocard, conseillère référendaire ;

- Hervé Durand, directeur général adjoint des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires au ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt ;

- Pierre Angot, sous-directeur de la chimie, des matériaux et des éco-industries au ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique ;

- et enfin Pascal Dupuis, chef du service climat et efficacité énergétique au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Mme Évelyne Ratte, présidente de la septième chambre à la Cour des comptes . - Il me revient, en tant que présidente de la septième chambre de vous présenter les constats et les recommandations issus de cette enquête sur les soutiens à la filière forêt-bois, qui a été menée dans le cadre d'une formation inter-chambres associant la deuxième et la septième chambre de la Cour. Je suis entourée pour ce faire de Sandrine Rocard, conseillère référendaire à la septième chambre, rapporteure générale de la formation inter-chambres, et de Michèle Pappalardo, conseillère maître à la deuxième chambre, contre-rapporteure de l'enquête. Les quatre objectifs de cette enquête, tels qu'ils ont été définis en février 2014 avec les sénateurs Yannick Botrel et Joël Bourdin, sont les suivants :

- présenter pour la période 2006-2013 les enjeux et les difficultés des principales composantes de la filière : la forêt, les scieries, les industries du bois, le bois énergie ;

- recenser et quantifier les soutiens publics directs et indirects qui sont apportés ;

- évaluer la contribution de ces soutiens à l'atteinte des objectifs qui sont assignés à la filière ;

- analyser la gouvernance de la filière, en ce qu'elle facilite ou non la cohérence et l'efficacité des différents soutiens.

Il se trouve que la filière forêt-bois a déjà fait l'objet de nombreux rapports émanant de parlementaires, d'organismes d'inspection, de personnalités ou d'institutions diverses, souvent demandés par les pouvoirs publics. Nous avons donc décidé d'une méthode pour apporter quelque chose de nouveau. L'originalité des travaux que nous présentons tient d'abord au point d'entrée choisi : celui des soutiens publics à la filière, dont l'estimation financière est en soi un apport. L'enquête a notamment permis de quantifier et d'analyser les aides apportées non seulement par l'État mais aussi par les collectivités territoriales, auparavant méconnues, grâce à une enquête spécifique menée auprès de l'ensemble des régions métropolitaines et de vingt-deux départements. Nous nous sommes appuyés également sur des entretiens auprès des parties prenantes de la filière, mais aussi sur les contrôles récents de sept organismes - Centre national de la propriété forestière, institut technologique Forêt cellulose bois-construction ameublement (FCBA), Comité national pour le développement du bois (CNDB), France Bois Forêt (FBF) - ou de politiques publiques dans le domaine forêt-bois, ce qui a permis d'affiner le diagnostic des difficultés de la filière et de formuler des recommandations opérationnelles.

Le contrôle de l'Office national des forêts (ONF), établissement public à caractère industriel et commercial chargé de gérer les forêts publiques, c'est-à-dire celles de l'État (10 %) et celles des collectivités territoriales (15 %), a été mené en parallèle. Il a fait l'objet d'un rapport particulier de la Cour, rendu public fin novembre 2014, et que votre commission a souhaité annexer au rapport d'enquête. Cet établissement est par conséquent peu abordé dans le rapport présenté aujourd'hui, si ce n'est pour évaluer le soutien financier qui lui est apporté par l'État et pour évoquer son rôle important dans la filière. Les forêts publiques gérées par l'ONF, qui représentent un quart des forêts françaises, sont en effet à l'origine de 40 % des bois vendus en France. La Cour a souligné, à cet égard, dans son rapport particulier, la nécessité pour l'ONF de respecter les objectifs de production de bois qui lui sont fixés par la tutelle. Pour le reste, ce rapport particulier constate les difficultés de cet établissement à trouver un équilibre économique et propose des pistes d'économies de dépenses ou de mobilisation de recettes dans les différents segments de son activité. Sont évoqués à ce titre la réduction de ses coûts de gestion notamment pour les forêts des collectivités, l'amélioration de sa politique commerciale, un recentrage sur les activités concurrentielles les plus rentables, un meilleur financement des missions de service public qu'il assure. La Cour a identifié par ailleurs des pistes d'économies en matière de ressources humaines, de recherche, de formation, de participations dans diverses filiales. Mais l'ONF ne constituait pas l'objet principal du rapport que je vais présenter maintenant.

Il est nécessaire tout d'abord de se représenter ce qu'est la filière forêt-bois : c'est une filière complexe, hétérogène et qui doit faire face à de multiples enjeux.

Le premier maillon de la filière est la forêt. La forêt française est composée aux trois quarts de forêts privées et d'un quart de forêts publiques, qui doivent faire face tout à la fois, à travers ce qu'on appelle la « gestion durable », à des enjeux économiques, écologiques et énergétiques. Dans sa fonction économique de premier maillon de la filière, la forêt française présente de nombreux handicaps - morcellement de la propriété forestière privée, difficultés à « sortir le bois de la forêt » etc. - qui expliquent sa sous-exploitation. La moitié seulement de la production biologique a été prélevée annuellement depuis une dizaine d'années. Sa composition, avec deux tiers de feuillus, ne correspond pas à la demande actuelle des marchés du bois les plus porteurs comme celui de la construction. La forêt est par ailleurs source d'une grande biodiversité. Elle contribue à la lutte contre l'effet de serre en tant que puits de carbone. Elle apporte enfin une contribution majeure à l'atteinte des objectifs de la France en matière d'énergie renouvelable grâce à l'usage du bois comme combustible.

L'aval industriel de la filière est hétérogène. On y distingue :

- la première transformation du bois, c'est-à-dire, schématiquement, les scieries, maillon central de la filière ;

- la seconde transformation du bois, constituée par les industries qui produisent des meubles, des charpentes et menuiseries, des parquets, du papier-carton ou encore de l'emballage.

À l'exception de quelques industries de niche, cet aval industriel est vulnérable, en perte de vitesse et il présente un déficit commercial structurel.

La filière bois énergie, qui repose sur l'utilisation du bois comme combustible pour fournir de la chaleur ou de l'électricité, connaît, à l'inverse, un fort développement.

Notre rapport s'organise de la manière suivante :

Le premier chapitre recense l'ensemble des soutiens publics qui sont apportés aux différents maillons de la filière. Le deuxième chapitre présente l'organisation et le pilotage de la filière, dans leurs composantes aussi bien publique qu'interprofessionnelle, au niveau national comme au niveau local, afin d'analyser les conséquences de cette gouvernance sur la cohérence des soutiens. Après ces approches transversales de la filière (financement et organisation) le rapport tente d'apprécier dans les deux chapitres suivants la contribution des soutiens à l'atteinte des objectifs assignés à la filière :

- d'une part dans les activités amont, soit les soutiens dirigés vers la forêt privée, c'est-à-dire les aides d'origine budgétaire, les mesures fiscales et l'action du Centre national de la propriété forestière en faveur des propriétaires forestiers privés ;

- d'autre part dans les activités aval, en examinant les aides à l'investissement pour les industries de première et seconde transformation du bois et les soutiens aux filières bois énergie, bois-construction et au secteur de l'ameublement.

Voici nos principaux constats et recommandations.

Premier constat : les soutiens publics aux différents maillons de la filière sont nombreux, d'origine et de nature très différentes, et atteignent environ 910 millions d'euros par an ces dernières années.

L'État, à travers les dépenses budgétaires, fiscales, les recettes fiscales fléchées et les financements d'établissements publics apporte 84 % de ces soutiens, le bois énergie bénéficiant de 36 % de ces soutiens étatiques. Les collectivités territoriales sont la deuxième source de financement, avec 9 % des soutiens totaux, mais leurs apports sont plus significatifs pour l'aval de la filière : développement économique de l'aval de la filière, scieries comprises, et animation de la filière au niveau local. Les fonds européens (5 %) et les fonds d'origine interprofessionnelle (2 %) constituent un financement d'appoint pour la filière.

La filière bénéficie aussi de l'action et de l'appui d'établissements publics et de centres techniques industriels, dont les budgets sont en partie financés dans ce cadre. On peut citer à ce titre : l'Office national des forêts (ONF) et le Centre national de la propriété forestière (CNPF), chargé de conseiller les propriétaires forestiers.

On observe un empilement des soutiens d'origine et de nature très diverses, sans lien entre eux et sans hiérarchisation des priorités de financement.

Le deuxième constat c'est que la gouvernance actuelle de la filière, faible et éclatée, ne permet pas d'apporter une cohérence à ces soutiens dispersés, que ce soit la gouvernance publique ou la gouvernance interprofessionnelle.

Du côté de la gouvernance publique, la collaboration interministérielle est peu aboutie et fait écho à la multiplicité des enjeux de la filière. La filière est placée de fait sous l'égide de cinq ministères qui ont insuffisamment collaboré entre eux ces dernières années. Elle a pâti de l'absence d'une instance de concertation, de stratégie et de décision. La démarche de filière mise en place en 2014 est positive, mais force est de constater qu'elle n'a pas évité l'écueil d'une partition entre l'amont forestier et l'aval industriel de la filière. C'est ainsi que des travaux sont menés, en suivant des calendriers non harmonisés, par deux instances différentes : le comité stratégique de filière « industries du bois » au sein du conseil national de l'industrie d'une part et le conseil supérieur de la forêt et du bois présidé par le ministre de l'agriculture, d'autre part. Ce point mérite toutefois une actualisation, car depuis le moment où nous avons déposé le rapport, un contrat de filière a été signé le 16 décembre 2014 par les trois ministères historiquement compétents, auxquels ont été associés le ministère chargé du logement, l'association des régions de France et certaines organisations professionnelles de la filière. Mais, dans cet ensemble, on note l'absence du maillon central que constituent les scieries, représentées par la Fédération nationale du bois (FNB), ces dernières estimant que le contrat est susceptible d'aggraver leurs difficultés. Plus généralement, la cohérence des orientations de ce contrat de filière, qui doit être soumis au conseil supérieur de la forêt et du bois pour avis, alors même qu'il a déjà été signé, avec celles du futur plan national forêt-bois que ce conseil supérieur devra élaborer, reste un point de vigilance majeur. Par ailleurs, une meilleure articulation entre les politiques et les soutiens mis en oeuvre au plan national, d'une part, et par les régions et départements, d'autre part, reste à établir. L'État, au niveau déconcentré, et les régions et départements ont un rôle majeur à jouer dans l'animation et le financement de la filière dans les territoires.

Du côté de la gouvernance interprofessionnelle, nous avons vu que les professionnels de la filière forêt-bois offrent eux aussi un front divisé. Ces instances sont en effet multiples ; la place des interprofessions régionales au sein du paysage interprofessionnel n'est pas arrêtée. La Cour a constaté que l'action de l'interprofession France Bois Forêt (FBF), regroupant la forêt et la première transformation du bois, pouvait être améliorée : la politique de guichet menée actuellement doit évoluer vers une démarche plus stratégique au bénéfice de la filière. Des outils communs aux professionnels de la filière font défaut. Le Comité national pour le développement du bois, chargé notamment de la communication sur le bois, devrait être repris en main par les professionnels pour en faire un outil utile pour la filière. L'observatoire économique de la filière, projet confié au départ à FBF, doit se mettre en place avec les pouvoirs publics.

Au terme de ces constats la Cour fait cinq recommandations pour améliorer la gouvernance de la filière. Il s'agit de créer un cadre de discussion interministérielle pérenne pour le pilotage de la stratégie de soutien à la filière ; de confier aux comités régionaux de la filière et du bois la responsabilité de l'animation et du financement de la filière au niveau local ; de confier intégralement au centre national de la propriété forestière la mission de développement forestier pour les forêts privées et d'en décharger les chambres d'agriculture ; et, enfin, de fusionner FBF, France Bois Industries Entreprises et le CODIFAB dans un organisme interprofessionnel unique, doté d'un contrat d'objectifs avec l'État et dont l'action territoriale s'articule avec celle des interprofessions régionales.

Notre troisième constat réside dans l'inadaptation des soutiens dirigés vers l'amont aux objectifs de valorisation économique de la forêt.

La dimension économique de la gestion forestière est insuffisamment développée dans la forêt privée. L'État met en oeuvre trois soutiens principaux en sa faveur : les dépenses budgétaires, les dépenses fiscales, le soutien au centre national de la propriété forestière. Tous se révèlent inadaptés pour obtenir les résultats escomptés en termes de desserte par les voieries forestières, d'investissement forestier, de regroupement foncier, technique et économique et, in fine, de récolte du bois au bénéfice de l'ensemble de la filière. Le levier budgétaire semble inopérant, faute de crédits suffisants. Les perspectives de financement de l'investissement forestier et du développement économique de la filière, qui reposent sur la création en 2014 d'un nouveau fonds stratégique forêt-bois faiblement doté et dont le périmètre d'intervention et le pilotage restent à définir, sont incertaines. En loi de finances pour 2015, le fonds est aussi peu doté qu'en 2014.

Les mesures fiscales en faveur des propriétaires forestiers, favorisent une approche patrimoniale plutôt qu'économique de la forêt. Une partie de l'effort fiscal est dispersée sur de nombreux dispositifs, dont l'efficacité n'est souvent pas démontrée au regard des objectifs qui sont visés. Les dépenses fiscales sont dominées par deux exonérations de type patrimonial, qui consistent à exonérer 75 % de la valeur des forêts pour le calcul de l'ISF d'une part et des droits de mutation à titre gratuit d'autre part. Ces mesures fiscales anciennes, les plus coûteuses du dispositif fiscal sont déconnectées objectifs de la politique forestière. Les conditions de gestion durable de la forêt qui sont posées ne sont, de plus, pas opérationnelles et en tout état de cause, leur respect n'est pas contrôlé.

Le Centre national de la propriété forestière (CNPF), dont le pilotage interne et par l'État est peu directif, n'est pas en mesure d'évaluer l'efficacité de ses missions de conseil et d'appui technique auprès des propriétaires forestiers privés. Le CNPF argue que la forte dégradation de la situation économique de la production forestière et la suppression des aides publiques relatives à l'amélioration forestière incitent la majorité des propriétaires forestiers à renoncer à investir et à gérer au minimum leurs forêts, ce qui est une manière de reconnaître un échec.

Face à ces constats, la Cour fait deux recommandations visant à faire évoluer le cadre des soutiens à l'amont forestier : d'une part, la suppression des mesures fiscales patrimoniales, au profit des mesures encourageant directement l'investissement en forêt ; d'autre part le renforcement de la tutelle du CNPF, pour que ce dernier définisse et mette en oeuvre au niveau local des priorités d'action, notamment la vérification de l'application des documents de gestion durable.

Le quatrième constat, c'est que les soutiens à l'aval de la filière sont dispersés et non coordonnés. Certes, les aides à l'investissement pour les scieries et les industries du bois ont eu un effet positif, en encourageant les banques à financer les investissements indispensables à la modernisation de l'appareil productif. Ces investissements n'ont cependant pas été à la hauteur des enjeux de compétitivité et de structuration auxquels la filière était confrontée, en raison principalement de la fragilité de la plupart des entreprises et des handicaps structurels et techniques de la filière. Ces soutiens doivent être régulièrement évalués et adaptés aux objectifs qui leur sont assignés en termes de développement des industries de la filière. De ce point de vue, une stratégie de développement reste à définir pour le secteur de l'ameublement, qui est le segment qui contribue significativement au déficit du commerce extérieur de la filière.

Les soutiens apportés à l'utilisation du bois dans la construction restent modestes, malgré leur croissance. Leur impact est toujours limité par des obstacles d'ordre culturel chez les prescripteurs et par des facteurs d'ordre technique, faute d'une réglementation adaptée à l'usage du bois. Les plans d'action adoptés fin 2013 font à juste titre du bois de construction un des vecteurs stratégiques de développement économique de la filière. L'effort de soutien des pouvoirs publics à ce secteur devra être constant et pérenne pour que les objectifs dans ce domaine soient atteints.

Enfin, les mesures de soutien au bois énergie, nombreuses et qui représentent plus du cinquième des soutiens financiers à la filière, ont fait la preuve de leur efficacité, même si les objectifs poursuivis en matière de développement du bois énergie sont encore loin d'être atteints. Toutefois, leur mise en oeuvre doit être accompagnée d'une veille continue et organisée au niveau de l'amont comme de l'aval de la filière sur les conflits d'usage et les tensions qui peuvent être créées au niveau de la ressource forestière.

Les deux recommandations formulées par la Cour concernant les soutiens à l'aval de la filière visent à limiter ces conflits d'usage globalement et localement : d'une part, en évaluant régulièrement et de façon concertée la ressource en bois et les besoins qualitatifs et quantitatifs des industries du bois, d'autre part en privilégiant dans les appels à projets les unités de production de chaleur ou de cogénération d'une taille adaptée à la capacité d'approvisionnement des bassins forestiers.

En conclusion, la France dispose, avec la quatrième forêt d'Europe, d'un potentiel économique majeur mais cette filière souffre d'un sous-investissement chronique qui se traduit notamment par un déficit commercial important. Ce n'est pas faute de soutiens publics qui quantitativement sont importants avec près d'un milliard d'euros par an. Ce qui manque c'est une organisation administrative et interprofessionnelle cohérente, un pilotage plus ferme et un engagement politique fort et durable sur des objectifs clairs et partagés. Si ces conditions sont réunies, la filière sera alors en capacité de répondre correctement à la demande finale, en particulier, en bois construction et en bois énergie, à faire face à la concurrence et à conquérir de nouvelles parts de marchés en France et au niveau international. L'aval de la filière doit pour cela gagner en compétitivité : maîtriser la disponibilité, la régularité et le coût de ses approvisionnements en bois et adopter une stratégie industrielle créatrice de valeur ajoutée.

M. Hervé Durand, directeur général adjoint des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires au ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt . - Je salue tout d'abord le travail de la Cour des comptes qui revêt, en particulier, un grand intérêt parce qu'il offre une vision d'ensemble des soutiens financiers apportés à la filière forêt-bois.

Le secteur du bois énergie bénéficie, par le biais du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, de plus du tiers des dépenses de l'État au profit de la filière. Je souligne en particulier l'importance des soutiens de l'ADEME issus du fonds chaleur, relevant du programme 174 « Énergie, climat et après mines ».

Pour notre part, 90 % des crédits du programme 149 « Forêt » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ont été destinés aux opérateurs de l'État en 2013, dont près de 60 % pour l'Office national des forêts (ONF). Le reste des moyens se concentre sur les aides à la reconstitution des forêts en Aquitaine suite à la « tempête Klaus » de 2009, la marge dégagée sur le programme, qui se limite à une dizaine de millions d'euros, étant affectée à la desserte forestière, à la lutte contre le risque d'incendie et à la restauration des terrains en montagne.

L'enquête dont nous discutons ce matin s'inscrit dans la continuité de nombreux constats ayant été réalisés par la Cour des comptes dans le cadre de contrôles conduits ces dernières années, portant notamment sur l'institut technologique forêt cellulose bois-construction ameublement (FCBA), le comité national pour le développement du bois, l'interprofession France Bois Forêt (FBF), le centre national de la propriété forestière (CNPF) et l'ONF. Certaines des recommandations de la Cour des comptes ont été prises en compte lors de la préparation de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, mais également pour la rédaction du Plan national d'action pour l'avenir des industries de transformation du bois présenté le 17 octobre 2014 au conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois. Je tiens également à signaler la mise en place du comité stratégique de la filière bois qui a, depuis, produit un contrat de filière signé, le 16 décembre dernier, par les ministres concernés et le président de l'Association des régions de France.

L'enquête de la Cour des comptes prévoyait initialement dix-sept recommandations qui ont, sous le bénéfice de nos échanges, été réduites à neuf. Nous partageons d'ailleurs globalement les appréciations portées par la Cour des comptes, à quelques nuances près que je vous préciserai volontiers dans la suite de l'audition.

M. Pierre Angot, sous-directeur de la chimie, des matériaux et des éco-industries au ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique . - Nous saluons également le travail mené par la Cour des comptes et souscrivons aux observations et conclusions.

La participation financière du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique est relativement faible comparée à celle des autres et elle n'est généralement pas dédiée à la filière, en particulier lorsqu'il s'agit de fonds uniques interministériels. Les contributions sont toutefois spécifiques lorsqu'elles soutiennent les centres techniques dans le cadre de la recherche et développement en faveur de la filière. Notre ministère a surtout un rôle d'animation et d'expertise plutôt que de financement.

Nous travaillons de façon relativement étroite avec le ministère chargé de l'agriculture afin d'articuler l'amont et l'aval de la filière. Ainsi, nous avons constaté une difficulté concernant les scieries qui, bien qu'encore nombreuses, n'atteignent pas le même degré de modernisation que dans d'autres pays.

S'agissant du contrat de filière, un travail important a été mené s'agissant de l'approvisionnement, alors que des tensions existent régulièrement en la matière. Ainsi, 30 millions d'euros ont été fléchés en faveur de la remobilisation du bois et le fonds stratégique pour la filière bois a été réévalué de 40 millions d'euros, avec 25 millions d'euros issus de soutiens publics et le reste provenant de contributions privées.

M. Pascal Dupuis, chef du service climat et efficacité énergétique à la direction générale de l'énergie et du climat au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie . - Nous saluons à notre tour la qualité de l'enquête de la Cour des comptes dont nous partageons le constat ainsi que le sens global de l'ensemble des recommandations.

La forêt est importante pour l'énergie mais avant tout essentielle pour le climat, en tant que « pompe à carbone ». Chaque année, la forêt s'accroît de 120 millions de mètres cubes, dont seule la moitié est exploitée, ce qui est regrettable puisque cela signifie que la pompe s'engorge et qu'il serait possible d'en faire un meilleur usage du point de vue du changement climatique.

Dans le contexte d'une forêt sous exploitée, risquant ainsi d'être fragilisée, et d'une élévation des températures et d'un changement climatique inéluctables, l'arbre est susceptible de moins bien résister aux intempéries et aux parasites qui, pour leur part, s'adaptent vite au changement. C'est pourquoi l'exploitation pleine et entière de la forêt est importante en ce qu'elle permet de pallier ce risque, au moins pour partie.

Concernant l'énergie, des objectifs ambitieux ont été fixés en termes de développement des énergies renouvelables, la biomasse, et plus spécifiquement le bois énergie, occupant ainsi une place importante. L'objectif 2020 appelle ainsi la mobilisation de 20 millions de mètres cubes de bois supplémentaires par an. Cette politique bénéficie ainsi de soutiens financiers, notamment par le biais du fonds chaleur, avec 200 millions d'euros consacrés à la biomasse, dont 100 millions d'euros pour le seul bois énergie. Par ailleurs, les appels d'offres au titre de la contribution au service public d'électricité constatée par la commission de régulation de l'énergie, dits « appels d'offre CRE », effectués pour le développement de la cogénération électrique, représentent environ 50 millions d'euros par an entre 2006 et 2013. Ce chiffre a probablement doublé depuis, sous l'effet du développement de nouvelles installations et de la baisse du prix de l'électricité. Nous sommes bien conscients que cela constitue une pression importante sur la filière et nous prenons soin de prévenir les conflits d'usage. La ressource étant rare, les usages « chaleur » ou « cogénération » - c'est-à-dire la production simultanée de chaleur et d'électricité - sont privilégiés et doivent continuer de l'être.

Il est vrai que l'exploitation d'une parcelle de bois n'a que très rarement de sens si elle n'est destinée qu'à la production d'énergie, elle doit produire à la fois du bois d'oeuvre, du bois industrie et du bois énergie. Les conflits d'usage existent le plus souvent entre le bois d'industrie et le bois énergie et sont gérés, notamment par l'instauration, dans chaque région, des « cellules biomasse » qui donnent un avis sur chaque projet, qu'il s'agisse d'une chaufferie ou d'une installation de production électrique et de chaleur. Ces avis ont progressivement pris davantage de poids puisqu'alors qu'ils étaient auparavant facultatifs, ils sont devenus obligatoires dans le cadre du fonds chaleur et vont probablement l'être également pour les projets de cogénération électrique ou « appels d'offres CRE ».

Nous partageons également la préconisation de la Cour des comptes de voir le bois se développer dans la construction puisque, d'une part, un mètre cube de bois stocké correspond à une tonne de dioxyde de carbone évité. Actuellement, environ 10 millions de tonnes de bois sont stockés par an et ce chiffre pourrait être beaucoup plus important, en fonction des normes techniques. D'autre part, le bois peut ensuite être récupéré.

M. Alain Houpert , rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » . - Mettez dix personnes autour d'une table pour parler de la forêt, il y aura autant d'avis différents. La forêt, terre de légendes, est obscure et j'espère qu'à la fin de cette réunion elle sera percée de rais de lumière.

La Cour des comptes estime que les soutiens à la filière se sont empilés sans lien entre eux et sans hiérarchisation des priorités de financement, du fait d'une gouvernance non unifiée. Cela conduit à un phénomène de saupoudrage des soutiens publics, diversifiés et parfois incohérents. Ne faudrait-il pas, comme le préconise la Cour des comptes, un lieu unique de concertation et de décision interministérielle, garant de l'efficacité des mesures de soutien et réunissant tous les acteurs de la filière ? La Cour des comptes estime que les soutiens financiers à la filière forêt-bois s'élèvent tout de même à 910 millions d'euros par an.

M. Yannick Botrel , rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - J'ai une pensée amicale à destination de notre ancien collègue Joël Bourdin avec qui j'avais lancé cette enquête auprès de la Cour des comptes.

Quelle que soit la forme de pilotage retenu, celle-ci devra favoriser l'intégration de la filière et garantir un dialogue entre l'amont et l'aval, il faudra donc se poser la question de la bonne articulation entre les deux niveaux. Quelle stratégie de mise en cohérence de la filière proposez-vous ? Comment favoriser une concertation fondée sur l'évaluation, d'une part, de la ressource en bois disponible et, d'autre part, des besoins quantitatifs et qualitatifs des industries du bois ?

Nous savons qu'il faut régulariser les approvisionnements de l'aval, par exemple en déclinant une telle démarche dans les territoires, par massif forestier. Il me paraît nécessaire que des objectifs précis soient fixés pour chacune des parties prenantes, de l'amont jusqu'à l'aval. Seule une stratégie hiérarchisant les priorités et recourant à une évaluation continue des ressources disponibles conduira à un pilotage efficace de la filière. Une telle évolution suppose la mise en place d'un observatoire économique de la filière, par l'État et/ou par les acteurs privés. Où en est-on d'un tel observatoire ? Une approche définitionnelle fine de la filière bois et de ses sous-filières est nécessaire. À court terme, comment garantir la cohérence entre le contrat de filière issu du Comité stratégique de filière et le programme national de la forêt et du bois issu du Conseil supérieur du bois ?

Par ailleurs, la filière forêt-bois contribue chaque année au déficit de la balance commerciale française, à hauteur d'environ 10 %, soit six milliards d'euros, et la contribution à ce solde déficitaire résulte essentiellement de l'aval. Comment limiter les exportations de bois brut afin de relocaliser la valeur ajoutée de la filière en France ? Il semble qu'il n'existe pas, à ce stade, de réflexion aboutie sur la question de la balance commerciale de la filière. C'est sans doute pour cela que le Premier ministre a récemment confié à notre collègue député Christian Franqueville une mission sur l'exportation des grumes et l'état de la balance commerciale de la filière forêt-bois. Un professionnel m'a indiqué que le coût de la certification à l'export s'élèverait à 17 euros par mètre cube en Allemagne contre un euro par mètre cube en France, soit un moindre coût qui encourage l'exportation de bois brut. Que pensez-vous de renchérir le coût de l'export par une nouvelle contribution ou par des certifications plus chères ?

M. Alain Houpert . - Monsieur Angot, l'enquête montre que les dispositifs en faveur de l'aval - à l'exception donc du bois énergie - doivent être renforcés. Le bois d'oeuvre, en particulier le secteur de l'ameublement, qui contribue significativement au déficit du commerce extérieur de la filière, doivent être encouragés. Quelles sont vos propositions en faveur de l'ameublement ?

Monsieur Dupuis, Comment limiter les éventuels effets de concurrence qui résulte des nombreux encouragements au bois énergie, en particulier sur les plans d'approvisionnement en bois des autres secteurs industriels ? Comment adapter, au niveau national comme local, les soutiens aux ressources des bassins forestiers ? Par exemple, le soutien à la production d'électricité par appel à projets ne devrait-il pas privilégier les unités de production de chaleur ou de cogénération d'une taille adaptée à la capacité d'approvisionnement des bassins forestiers ?

Enfin, Monsieur Durand, les exonérations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de mutation seraient largement déconnectées de l'objectif de valorisation économique des forêts. Le régime des droits de mutation à titre gratuit conserve un effet anti-morcellement bienvenu. Qu'en pensent la Cour des comptes et le ministère de l'agriculture ? Quel est l'avis des ministères s'agissant de l'éventuelle suppression de l'exonération d'ISF ? Je considère pour ma part que ce serait une nouvelle révocation de l'édit de Nantes. Cela concernerait selon la Cour des comptes moins de 1 % des propriétaires forestiers, pour des surfaces représentant, au total, seulement 8 % de la forêt privée française.

M. Gérard César , rapporteur pour avis de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » . - Je félicite la Cour des comptes pour la qualité de ce rapport. Toutefois, je m'étonne de la disparition du fonds stratégique pour la filière dans la loi de finances pour 2015. Par ailleurs, de nombreux propriétaires ignorent la délimitation précise de leurs parcelles. Un aménagement foncier à la charge des conseils départementaux vous semble-t-il envisageable pour remédier à cette difficulté ? Enfin, je m'interroge sur la place des chasseurs au regard de notre politique forestière.

Mme Marie-France Beaufils , présidente . - Il est parfois plus intéressant de mettre des chasseurs dans la forêt que d'exploiter la forêt elle-même.

M. Hervé Durand . - Sur les questions concernant la gouvernance, il est important de garder à l'esprit que la forêt est au centre d'une pluralité d'enjeux, ce qui nécessite inévitablement d'associer de nombreux acteurs. À cet égard, le contrat de filière, qui sera intégré dans le programme national de la forêt et du bois, constitue une étape décisive pour le secteur de la forêt au sens large. En outre, le conseil supérieur de la forêt sera particulièrement attentif à la représentation de l'ensemble des acteurs. Ces initiatives constituent de réelles avancées.

Concernant l'association des collectivités territoriales, nous avons tenu à associer les régions dans le cadre de l'élaboration des contrats de filière. Aujourd'hui, les collectivités territoriales sont engagées à nos côtés pour décliner ce contrat. Il faut désormais formaliser cette coopération au niveau régional. Une révision de nos comités régionaux est en cours, ce qui devrait permettre d'apporter une réponse aux remarques de la Cour des comptes.

Concernant la fusion des interprofessions, il convient de rappeler qu'il s'agit de structures de droit privé dont il faut respecter le statut. Il leur revient de s'organiser.

Sur l'impôt de solidarité sur la fortune, si le nombre de propriétaires bénéficiant du dispositif fiscal est faible, il représente une part substantielle des bois qui sont mis sur le marché, dans un secteur qui présente une faible rentabilité. Il est cependant nécessaire d'exiger des contreparties en vérifiant que les plans simples de gestion sont correctement élaborés et respectés.

Enfin, il est indispensable de disposer d'indicateurs économiques fiables et performants. Un travail ministériel est en cours pour améliorer les outils de veille et de connaissance. Des progrès importants sont attendus d'ici la fin de l'année.

M. Pierre Angot . - Je partage ce qui vient d'être dit sur la veille économique. Toutefois, la « biodiversité » de la profession rend particulièrement complexe la mise en place d'un observatoire efficace.

Concernant l'ameublement, il s'agit d'une industrie sinistrée du point de vue français. D'après un rapport réalisé en 2012, sur un marché national d'environ 7 milliards d'euros, 6,8 milliards d'euros correspondent à des importations, contre seulement 2,5 milliards d'euros d'exportations. La difficulté de sortir du bois de façon industrielle et l'importance des feuillus dans nos forêts expliquent ces difficultés. Le plan bois, qui cible les constructions qui intègrent des éléments meublants en bois, devrait permettre d'encourager le développement de ce secteur.

M. Pascal Dupuis . - La volonté de mettre en cohérence de la gouvernance est légitime. Il est toutefois nécessaire de tenir compte de la prégnance des enjeux sectoriels.

Concernant les conflits d'usage, les « cellules biomasse » constituent un premier exemple de bonne gouvernance. Il s'agit d'une structure assez souple regroupant en région les services en charge de l'énergie, de l'industrie, de l'agriculture et de la forêt, ainsi que l'ADEME. Les professionnels sont également associés. L'avis de ces cellules, qui était au départ simplement consultatif, est devenu conforme dans le cadre du fonds chaleur. Nous proposons désormais d'étendre la procédure d'avis conforme aux projets de cogénération.

L'évaluation en continue de la filière est extrêmement importante. L'ADEME finance des études visant à évaluer les volumes additionnels disponibles et nécessaires. Nous contribuons par ailleurs à la structuration de l'observatoire de la biomasse.

Pour ce qui est de l'objectif consistant à privilégier les approvisionnements locaux, je rappelle que le fonds chaleur vise essentiellement les projets de chaufferie. Par ailleurs, le prochain appel d'offre pour des installations de cogénération sera d'une taille plus limité, visera des projets plus petits et prendra en compte le critère de localisation de l'approvisionnement.

M. Michel Bouvard . - Au-delà de ce rapport, qui me semble satisfaisant, le problème réside dans la mise en oeuvre très lente des mesures, qui n'a d'égale que le rythme de croissance des arbres. Par ailleurs, l'écart entre la théorie et la pratique est particulièrement important. Certaines interventions entendues ce matin me font penser aux « villages Potemkine » : les services de l'État déclarent encourager la forêt de production, alors que sur le terrain les maires ne disposent d'aucune marge de manoeuvre. À titre d'illustration, neuf mois sont nécessaires pour monter un groupement forestier familial.

Concernant le rapport, je tiens à faire cinq observations.

Premièrement, le service « restauration des terrains en montagne » doit être sorti des politiques en faveur de la forêt. Il s'agit d'une politique de protection des risques naturels qui ne doit pas subir les coupes budgétaires imposées à l'ONF.

Deuxièmement, je me félicite de la recommandation de la Cour des comptes sur les conflits d'usage et de la mise en place des procédures d'avis conforme. Je constate néanmoins que près de dix ans ont été nécessaires pour convaincre l'administration que le développement des chaufferies sans accroissement de la ressource constitue un vrai problème. De nombreux établissements industriels ont été mis en difficulté et ont renoncé à des investissements en France car une partie de la ressource dont ils bénéficiaient était brulé dans des chaufferies.

Troisièmement, une remise en cause du statut de l'ONF me semble inévitable, compte tenu notamment des performances de la société forestière de la Caisse des dépôts et consignations.

Quatrièmement, je tiens à rappeler que les politiques européennes ont beaucoup varié dans le temps, notamment lorsque les interventions en faveur de la forêt ont été considérées comme des distorsions de concurrence. Aujourd'hui, le Fonds européen de développement régional aide de nouveau le secteur. Il faut désormais que les documents d'orientation dans les régions désignent la forêt de production comme une véritable priorité et que les moyens nécessaires lui soient attribués par le biais de dispositifs adaptés.

Enfin, il est impératif d'expliquer aux directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) que la forêt a non seulement une fonction de protection mais également une fonction de production. Les pratiques observées sur le terrain sont orthogonales par rapport aux discours tenus à Paris.

M. Éric Doligé . - Je suis d'accord avec mon collègue Bouvard et je me permets d'intervenir pour illustrer nos échanges concernant les conflits d'usage. Le département du Loiret dispose de la première forêt domaniale de France. Je constate que nous exportons beaucoup de bois brut vers l'étranger et qu'une part significative de la production de meubles est délocalisée vers les pays nordiques, ce qui pose de nombreux problèmes tant en matière d'activité économique que d'environnement. Le premier producteur de panneaux solaires est confronté à des difficultés d'approvisionnement considérables. Le manque de vision interministérielle est très pénalisant, surtout avec le développement du bois énergie : toutes les mesures qui sont prises pour permettre d'augmenter la production des chaufferies à bois ont des conséquences sur la production de produits transformés, telles les plaquettes. Je vois le cas d'une entreprise qui est obligée de parcourir 500 à 600 kilomètres tous les jours pour récupérer du bois, ce qui est totalement aberrant. Dans un tel contexte, leurs prochains investissements pourraient être réalisés à l'extérieur du territoire national.

Par ailleurs, de nombreux problèmes persistent concernant la substitution des hectares de bois détruits. Pour un hectare détruit, les collectivités territoriales sont parfois contraintes de rendre jusqu'à cinq hectares, souvent pris sur des terres agricoles.

L'ONF a également indiqué vouloir fermer certaines routes forestières du département si nous n'apportons pas des financements pour entretenir la forêt. Il est inacceptable de demander aux collectivités territoriales de se substituer à l'office.

Enfin, il demeure particulièrement difficile d'identifier les bons interlocuteurs au sein des différents ministères lorsque nous sommes sollicités par des entrepreneurs. On ne sait pas nous-mêmes à qui s'adresser. Les délais sont donc très longs pour avoir des retours. Cette situation est particulièrement destructrice du point de vue économique.

M. Marc Laménie . - Cette enquête est très dense : on y apprend beaucoup de choses. Dans le rapport, il est rappelé qu'une multiplicité d'instances interviennent, dont certaines ne se réunissent jamais. À l'heure où l'on nous parle de simplification, certaines des recommandations formulées par la Cour des comptes concernant l'empilement de ces structures devraient certainement être suivies. Le coût des opérateurs, en particulier de l'ONF, est-il considéré comme exorbitant ? Pourrait-il être réduit ? Ces opérateurs doivent avant tout être efficaces pour soutenir le développement des entreprises de la filière bois, qui est peut-être sous-exploitée.

M. Claude Raynal . - La filière bois a de tous temps été considérée comme importante, en particulier dans les territoires ruraux. Mais elle est aujourd'hui totalement sous-utilisée. À la lecture de ce rapport, on apprend à la fois beaucoup et pas grand-chose. Je citerai à cet égard la conclusion du rapport : « Cette situation est d'autant plus regrettable que le diagnostic sur les faiblesses et les atouts et de cette filière est largement partagé, depuis de nombreuses années, par les parties prenantes et la plupart des observateurs ». J'ai démarré ma vie professionnelle il y a trente ans à l'agence française pour la maîtrise de l'énergie. Je pense qu'un rapport qui aurait été écrit il y a trente ans décrirait de la même façon les forces et les faiblesses de la filière bois, avec des formulations identiques. Par exemple : « Malgré ses faiblesses, la filière bois représente une production de richesse qu'il convient de préserver et de développer ». C'était déjà ce que l'on disait il y a trente ans !

M. Gérard Longuet . - Et ce sera encore vrai dans trente ans !

M. Claude Raynal . - Il y a là un aveu d'échec collectif terrible. Les ministères saluent le rapport mais j'aurais aimé savoir ce qui sera fait dans l'avenir. Malheureusement, je n'ai pas senti d'allant positif dans les propos tenus.

Je ne rejoins pas la Cour des comptes s'agissant des recommandations. Conformément à son rôle, elle fait des propositions s'adressant aux administrations afin qu'elles améliorent tel ou tel aspect. Ne faudrait-il pas plutôt reconstruire cette filière totalement « à l'envers » ? C'est-à-dire sans partir des structures existantes mais en partant des objectifs fixés. Une fois cette étape atteinte, il conviendrait d'analyser si nos structures permettent de les atteindre, et, ensuite seulement, de remettre en cause ces structures. Nous sommes face à un véritable échec : on ne produit pas les bonnes essences de bois, pas au bon endroit... Ne faudrait-il pas recadrer les relations avec les propriétaires privés ? Sans les priver de leur droit de propriété, ne faut-il pas aller plus loin que ce qui existe aujourd'hui ? Pendant trente ans, on a démoli la filière industrielle - tout le monde est responsable et au premier chef les acteurs économiques de la filière - et la forêt est de plus en plus inexploitée. Je m'interroge donc : ne doit-on pas redéfinir une stratégie et ensuite la mettre en oeuvre, sans tenir compte de l'existant ?

M. Roger Karoutchi . - Ce n'est pas dans les Hauts-de-Seine que les problèmes de la filière bois sont les plus sensibles, puisque nous n'avons qu'une seule forêt. Mais je partage le constat de Claude Raynal. J'ai le souvenir, lorsque j'étais député européen, en 1998, d'un débat sur les aides à la forêt et à la filière bois en France. Dix-sept ans après, j'entends les mêmes propos concernant le manque de coordination, la nécessité de transformer le bois brut et d'éviter d'importer alors même que nous avons l'un des plus grands domaines forestiers... J'entends encore le commissaire européen français de l'époque essayant de défendre tant qu'il pouvait le Gouvernement français. J'ai l'impression que, sur cette filière, les mêmes remarques sont formulées, les mêmes problèmes sont identifiés mais il ne se passe quasiment rien. Je félicite la Cour des comptes pour ses travaux mais il ne s'agit certainement pas du premier rapport sur la filière bois qui dresse ce constat. Soit on a délibérément voulu abandonner cette filière, soit il existe un problème au niveau gouvernemental, droite et gauche confondus. Y a-t-il une damnation de la filière bois en France ?

M. François Patriat . - Tout le monde partage la conception selon laquelle la forêt a un rôle social, environnemental et économique important. Aujourd'hui, le prix de la forêt, tout comme celui des terres agricoles au demeurant, augmente régulièrement car on y voit un potentiel d'avenir. De surcroît, nous sommes, dans ce domaine, un pays sous-développé : beaucoup de pays viennent ponctionner nos ressources, les transforment et nous les renvoient ensuite - un peu comme nous avons fait nous-mêmes à l'égard d'autres pays sous-développés à d'autres époques.

Dans le même temps, on constate des blocages à cause de certains conflits d'usage, déjà évoqués par Éric Doligé. J'ai le souvenir d'un très bon projet étranger d'implantation d'une scierie en Bourgogne. Celui-ci devait créer environ 300 emplois dans un endroit difficile de la Nièvre. Après deux années d'étude, à cause de je ne sais quel crapaud ou libellule, le projet a finalement dû être abandonné. Je me souviens également avoir participé, peu de temps avant sa mort, à un déjeuner avec Antoine Veil qui expliquait que, face à la diagonale aride de la France, il fallait sept ou huit implantations industrielles majeures de transformation du bois. Or, à chaque fois, les services du ministère de l'environnement se sont opposés à ces installations, comme dans le cas du projet d'une grande usine à Sardy-lès-Épiry dans la Nièvre, à cause d'une espèce de crapaud ou de libellule. 300 emplois étaient en jeu tout de même.

Certaines des recommandations de la Cour des comptes me paraissent un peu anodines : organiser une concertation entre l'amont et l'aval de la filière, privilégier les appels à projets etc., j'entends bien. En revanche, une proposition m'a un peu choqué : vous dîtes qu'il faudrait supprimer l'avantage fiscal sur les forêts au titre de l'ISF, cela me paraîtrait mettre gravement en péril la filière en décourageant les investisseurs.

M. Gérard Longuet . - Il faut supprimer l'ISF tout court !

M. François Patriat . - On n'insiste pas assez sur la régénération de la forêt. On considère que la forêt pousse toute seule. Or il y a un formidable besoin de replanter la forêt mais il n'y a pas d'accompagnement.

La conclusion du rapport évoque l'instauration d'une gouvernance unifiée, associant l'ensemble des parties, prenant en compte l'amont et l'aval, l'État et la région. J'attends donc que l'on fasse des propositions concrètes afin de savoir qu'est-ce qu'une gouvernance unifiée et quelle forme prendrait un financement unifié.

M. Francis Delattre . - J'ai appris à connaître la filière bois en gérant un système de chaufferie au niveau local, qui a permis d'économiser 35 % sur les charges de copropriétés et de logements sociaux de 10 000 logements. La ressource utilisée pour cette installation a deux origines : d'une part, les emballages des supermarchés, et d'autre part, les têtes de chêne des forêts domaniales. Lorsque le système fonctionne en réseau, il n'y a aucun problème pour s'alimenter correctement. Il y a aujourd'hui un véritable marché, même pour les bois de qualité moyenne. Nous avons d'ailleurs conclu des contrats de production de longue durée avec certains propriétaires, y compris pour des bois qui se renouvellent rapidement.

Ma deuxième remarque porte sur les avantages fiscaux en matière d'impôt sur la fortune et de droits de mutation à titre gratuit. Certains critiquent le fait que les propriétaires privés ne joueraient pas le jeu du plan de gestion attaché à ces exploitations. Le problème est qu'il n'y a pas toujours de marché, sinon les propriétaires joueraient le jeu. Il est vrai qu'il peut y avoir certains abus si ces forêts ne produisent jamais rien. En revanche, pour les forêts exploitables, je considère qu'il faut conserver des incitations fiscales.

M. Jean-Claude Requier . - Tout d'abord, en tant qu'élu du Lot, je souhaite rappeler le succès du fonds chaleur, tandis que la production d'électricité à partir de biomasse patine.

Deuxièmement, la Cour des comptes note la gouvernance éclatée. C'est un peu à l'image de la forêt française : dispersée, morcelée et mal exploitée. Nous souffrons de deux maux : l'indivision - on ne sait plus à qui appartient les parcelles, personne ne s'y retrouve - et les tempêtes. Personne ne s'occupe des bois, sauf là où il y a des cèpes, dans ce cas bien sûr tout le monde est propriétaire de ces parcelles ! Je souhaiterais poser une question à la présidente Evelyne Ratte. Vous avez indiqué que les contrats passés avec l'État risquent d'aggraver les difficultés des scieries. Pourriez-vous préciser ce point ?

M. Antoine Lefèvre . - Je me réjouis tout d'abord de retrouver la présidente Evelyne Ratte, qui, lorsqu'elle était préfète de l'Aisne, a pu découvrir les qualités de notre forêt, en particulier celle de Saint-Gobain.

La principale difficulté identifiée dans le rapport est la gouvernance dispersée, aussi bien pour la filière publique que pour la filière privée. La politique de guichet a également été évoquée. Comment peut-on mettre fin à cette politique dans un délai raisonnable ? Concernant les avantages fiscaux, on voit bien l'intérêt de supprimer progressivement les mesures patrimoniales au profit de mesures aux effets économiques. Mais quels seraient les effets collatéraux et sur quelle période envisager cette suppression progressive ?

M. Gérard Longuet . - Nous oublions que la forêt est nécessairement conflictuelle : les propriétaires n'ont pas les mêmes intérêts que les utilisateurs, qui eux-mêmes sont souvent en conflit entre eux, que ce soient les chasseurs, les forestiers, les grands scieurs, les petits scieurs... Nous avons, à l'égard de la forêt, des attitudes extrêmement ambiguës car la forêt est souvent le résultat de l'échec de l'agriculture. Il y a du bois lorsque l'on ne peut pas produire autre chose à plus forte valeur ajoutée.

Je craignais un certain angélisme sur la gouvernance. D'autant plus que le système est d'une complexité effrayante. Chaque situation est profondément différente, y compris à l'intérieur d'une région. Ajoutons à cela qu'il y a un allié objectif de l'inertie en forêt : c'est le temps. En effet, le bois se bonifie généralement avec le temps.

En annexe du rapport, la Cour des comptes affiche comme priorité l'utilisation de la forêt au plan industriel, c'est-à-dire comme produisant une matière première prévisible en quantité, en prix et en qualité. Ce choix s'oppose aux comportements des administrations, en particulier des DREAL, mais aussi des associations. Ceux qui souhaitent que la forêt ne soit pas utilisée sont quantitativement plus nombreux et politiquement plus puissants que ceux qui veulent l'exploiter. Il faudrait pourtant faire dominer cette priorité. Certains propriétaires privés sont puissants mais ils ne s'intéressent pas à la condition économique de l'aval, ce qui explique le problème des exportations de bois brut évoquées par Alain Houpert.

En Lorraine, si l'industrie du meuble s'est totalement effondrée ces trente dernières années, ceci est dû à des erreurs de marketing mais aussi à la réalité des coûts salariaux et des coûts d'approvisionnement élevés en raison de l'insécurité de l'approvisionnement.

Le seul voeu que je forme est que cette priorité domine, au moins du côté de la politique publique destinée à la filière car il n'y a pas de véritable politique publique tant qu'il y a plusieurs priorités contradictoires. La forêt est d'abord un outil économique, un lieu de production, que l'État doit soutenir sur l'ensemble de la chaîne.

Mme Marie-France Beaufils , présidente . - Les services de l'État ont été fortement sollicités pour démontrer la cohérence entre l'action des différents ministères : il sera donc intéressant d'entendre vos réactions, avant de laisser le mot de la fin à la présidente Ratte.

M. Hervé Durand . - En tant qu'ancien directeur départemental de l'Île-de-France et ancien directeur régional d'Aquitaine, je peux dire que l'État est, certes, interpellé, mais il faut avoir conscience qu'au plan local, une conciliation est nécessaire avec les différents partenaires, qui ne partagent pas tous, loin s'en fait la même vision.

Il faut rester optimiste. La forêt constitue une ressource stratégique. Notre priorité est de mobiliser les bois - l'ONF s'acquitte d'ailleurs plutôt bien de cet engagement, sans qu'il soit forcément possible d'en dire autant pour tous les acteurs du secteur privé.

Il faut se féliciter de l'activation de l'usage du bois comme source d'énergie, usage ancien qui atteint aujourd'hui des proportions importantes. Il y a certes eu des tensions locales quant aux priorités à retenir, afin d'ordonner les différents usages du bois, mais le travail s'est fait en associant les collectivités territoriales - c'était tout le sens de la « cellule biomasse » - ainsi que les autorités préfectorales. Cet attrait pour le créneau bois énergie fait partie des bonnes nouvelles, et on voit sur le terrain se développer de nombreux projets. Avec l'observatoire de la biomasse, il s'agit de se doter d'une vision juste de l'ensemble de la ressource disponible et de la façon de la mobiliser. Plusieurs façons d'utiliser la ressource coexistent : on travaille aujourd'hui sur les essences, dont certaines peuvent s'inscrire dans des circuits courts, utiles pour le créneau bois énergie, on travaille également à l'amélioration du cycle de production.

On parle beaucoup des scieries, mais il faut aussi parler des usages et des créneaux disponibles, ainsi que de la façon dont les valoriser. Le bois construction reste évidemment un sujet. Par rapport aux essences produites dans le nord de l'Europe, nous rencontrons des problèmes de certification, d'agrément. Il s'agit de capter de la valeur, de mettre en phase le bois construction avec les projets de développement urbain sur les territoires, mais aussi de lever les hypothèques qui existent : le référencement de la grande distribution, la certification.

Mobiliser les bois, c'est donc non seulement servir le mieux possibles les créneaux d'usage disponibles, mais aussi mener une bataille pour parvenir à dégager des créneaux de valeur permettant de ramener plus de valeur aux propriétaires forestiers, condition indispensable à une gestion efficace de la forêt.

Quant à la stratégie du Gouvernement, si elle peut être perçue comme complexe, je confirme que c'est bien le Conseil supérieur de la forêt et du bois qui, dans notre analyse et dans notre esprit, est la structure interministérielle en charge de ces questions.

Mme Marie-France Beaufils , présidente . - Plusieurs collègues ont souligné le peu de changements intervenus dans la filière ces trente dernières années. Partagez-vous ce point de vue ? Percevez-vous des évolutions en cours ?

M. Hervé Durand . - Je souhaiterais d'abord insister sur le fait que le contrat de filière présente l'amorce d'une vision articulée entre l'amont et l'aval. Le Fonds stratégique bois, alimenté en particulier par la taxe sur les défrichements, permettra de dégager d'importantes marges de manoeuvre supplémentaires. Ce qui est en cours au titre de notre plan national forêt-bois est, pour nous, un enjeu crucial : on va déboucher sur la ré-articulation du contrat de filière et la définition de nouvelles orientations par rapport aux nouveaux moyens budgétaires. Les choses avancent. Du point de vue des différentes structures qui interviennent dans le domaine de la forêt, je pense que les travaux de la Cour des comptes relèvent un certain nombre de pistes intéressantes : le rôle des interprofessions, reconnues au niveau européen et qui devraient voir leur rôle renforcé, le centre national de la propriété forestière (CNPF) - la Cour des comptes propose, dans une de ses recommandations, que la tutelle soit renforcée - l'ONF, qui remplit des missions diverses et importantes, au-delà de la mobilisation des bois et de l'exploitation des forêts : la multitude de tâches à laquelle l'établissement est confronté doit être prise en compte.

Il ne faut pas perdre de vue que la forêt reste avant tout un enjeu économique : sans oublier pour autant ses composantes environnementales, il me semble important d'aller vers une gestion de la forêt qui soit celle d'un secteur économique.

Mme Marie-France Beaufils , présidente . - Je pense qu'il serait particulièrement intéressant pour nous d'entendre Pascal Dupuis quant aux antagonismes, observés par certains de nos collègues, entre les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et les exploitants des forêts.

M. Pascal Dupuis . - Je représente ici le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, mais mes compétences sont davantage centrées sur les questions énergétiques. Il me sera donc difficile de répondre, sur le fond, aux questions relatives aux enjeux écologiques.

En matière de forêt, les intérêts sont divers et pas toujours faciles à concilier. Les DREAL ont une tâche difficile à réaliser. Il me serait difficile de porter un jugement sur le travail de mes collègues en région. Ils me semblent porter un intérêt certain aux questions du climat et du bois énergie.

Je voudrais revenir sur le fait que les choses bougent : les objectifs de long terme que nous nous sommes fixés, vers 2008-2009, en matière d'énergies renouvelables et de développement du bois énergie, prévoient un accroissement très fort de la part des énergies renouvelables, dont la moitié serait portée par la biomasse sous toutes ses formes et principalement par le bois. Il ne s'agit certes pas de la démarche coordonnée que chacun ici appelle de ses voeux, mais l'initiative est bonne à prendre et constitue une opportunité pour le redémarrage de la filière. Qu'il y ait eu des contre-références, c'est certain : il faut que l'on s'en instruise et que l'on progresse. Mais encore une fois, nous commençons à sentir un mouvement dans la filière. Beaucoup de moyens sont investis sur le bois énergie, qui est aujourd'hui la partie la plus dynamique de la filière. En effet, 1,2 milliard d'euros sont dédiés, sur cinq ans, aux projets du fonds chaleur dont 50 % des initiatives concernent la forêt. Je voudrais également préciser que les objectifs fixés sont à vingt et trente ans, ce qui permet d'engager un effort inscrit dans la durée.

Sur la coordination, il est certain qu'il existe des usages conflictuels sur la ressource : il est vrai qu'en matière de cueillette, c'est le premier qui est présent qui pourra bénéficier des ressources du bois.

Nous avons également une thématique sur les prix : le prix du bois énergie doit être proche et de préférence inférieur à celui du bois industrie et du bois d'oeuvre. Comme le bois industrie n'est pas très cher en ce moment, il y a un sujet de fixation des prix pour que puissent continuer à coexister ces deux usages du bois, avec une certaine priorité au bois destiné à l'industrie. Nous appliquons une méthode concertée, avec la « cellule biomasse » par exemple. La concertation est cependant appelée à laisser la place, devant la montée en puissance des enjeux économiques, à une régulation économique.

M. Alain Houpert . - Comme disait le grand Buffon, « la forêt, c'est la nature cultivée ». Il est vrai qu'existe une sorte de schizophrénie entre la ressource et la transformation. Nous connaissons bien, François Patriat et moi-même, la Côte d'Or, où il y a deux grands massifs. Les chenus sont envoyés en Chine pour y être transformés et reviennent sous forme de parquet. Nous avons aussi le premier massif européen de Douglas, hérité de la crise industrielle du XIX e siècle, celui du Morvan. Autrefois, le bois partait en Belgique, en Allemagne, tandis qu'il reste désormais sur place : l'entreprise belge Fruitier s'est installée, ainsi que des industriels allemands, ce qui a permis de créer 150 emplois. Cet exemple montre que des évolutions sont possibles et que des solutions existent. Après avoir entendu la Cour des comptes, je pense qu'il faut opérer un rapprochement le plus étroit possible entre les différentes organisations professionnelles d'amont et d'aval. Ne faudrait-il pas également ouvrir une réflexion s'agissant du champ des cotisations volontaires obligatoires (CVO) et de la taxe affectée au CODIFAB ?

Je voudrais adresser une question à Hervé Durand concernant l'offre de bois. L'offre de bois de la forêt publique et des forestiers privés est éloignée de la demande. La composition de la production française de bois (60 % de feuillus, 40 % de résineux) offre peu de débouchés parce que la majorité de nos espèces d'arbres ne correspondent pas à la demande des marchés les plus porteurs, comme celui de la construction. Alors que cette inadaptation représente un facteur considérable de sous-exploitation, comment faire évoluer la composition des forêts françaises et donc la production biologique de bois ? Comment accroître la part des résineux en tenant compte du sous-sol de nos forêts ?

M. Yannick Botrel . - La filière bois énergie, nous l'avons bien entendu à travers les réactions de mes collègues sénateurs, est organisée différemment selon les territoires. Des conflits d'usage entre la filière bois énergie et les industriels ont été mis en exergue dans certains endroits. Je me retrouve dans la réaction de Francis Delattre. En Bretagne, un important bocage subsiste. Jusqu'à récemment, le bois abattu pour assurer l'entretien des forêts était fréquemment brûlé en bout de parcelle. Aujourd'hui au contraire, il est valorisé, tâche dont s'acquittent notamment des collectivités publiques. J'ai rencontré des scieurs qui ont intégré la filière bois énergie à leur parcours industriel et qui valorisent désormais les déchets de site. L'exploitation forestière produit en effet beaucoup de déchets : le bois d'oeuvre va aux usages qui lui sont réservés, mais les pieds et toutes les coupes restaient souvent, là aussi, à l'abandon. Pour ce qui me concerne, je considère que dans cette région, la filière bois énergie est un bon complément à l'activité forestière.

Par ailleurs, je voudrais en savoir plus sur le renouvellement de la forêt, sujet de premier plan qui concerne l'intégralité des acteurs de la filière de la forêt-bois. Dans les démarches effectuées pour préparer cette matinée de travail, j'ai rencontré des scieurs en Bretagne dont la production sert pour une large part à la fabrication d'emballages et de conditionnements légers en bois. Ils m'expliquaient que, selon eux, la suppression du « Fonds forestier national » a été préjudiciable à la filière, en ce sens qu'elle aurait pénalisé le reboisement. Ils me disent, de façon très claire, que le repeuplement en peupliers est aujourd'hui insuffisant et mettra en difficulté la sous-filière bois emballage à moyen voire à court terme. Quelles incitations sont prévues pour faciliter le reboisement ?

Enfin, la question de l'innovation dans le domaine du bois n'est que très peu abordée par les rapports consacrés à la filière, qu'il s'agisse de celui de la Cour des comptes, du rapport interministériel dit « Attali » de 2013 ou encore du rapport de contrôle de notre collègue député Jean-Yves Collet, qui abordent cette question sans pour autant beaucoup la développer. Pourtant, cinq pôles de compétitivité travaillent de près ou de loin en France sur le bois, ce qui devrait dégager des perspectives économiques nouvelles pour la filière française. Quels objectifs stratégiques sont associés à ces pôles de compétitivités ? Y a-t-il une réflexion en la matière ? Ne faudrait-il pas également s'intéresser à la montée en gamme voire à la production de luxe, qui a profité à d'autres secteurs industriels français ? Pensez-vous que cet axe d'amélioration pourrait profiter à nos industries du secteur du bois ?

M. Pierre Angot . - Je voudrais d'abord réagir quant aux différentes visions qu'on peut avoir de la forêt : forêt patrimoniale, ou forêt comme outil de production. Lors de la vente d'une parcelle forestière, je me suis intéressé au prix de la forêt. J'ai trouvé un document de la SAFER évoquant un « modèle hédoniste », là où on aurait pu s'attendre à voir des calculs de valeur actualisée nette. Cette anecdote me semble bien révélatrice...

Sur les problèmes dans l'industrie, des tensions très importantes sont apparues l'année dernière sur le marché du bois, et les industriels ont tendance à attribuer leur apparition à la filière bois énergie. Il est aussi important de renouveler le bois, d'anticiper les besoins : c'est l'intérêt de l'observatoire dont on parlait tout à l'heure.

Il est vrai que des problèmes existent sur les déchets. Un sénateur a fait valoir que la France est proche d'un modèle d'économie du tiers-monde en ce qui concerne le bois : l'industrie du papier souffre, en effet, que les déchets de fabrication du bois aillent à l'export.

Le ministère de l'économie dispose d'une expertise centrée sur les questions de transformation : il faut stimuler la transformation du bois, mais sans couper notre réflexion de l'amont, au risque de voir encore augmenter le phénomène d'import. Il s'agit donc de comprendre quels sont les besoins de l'amont, et de quelle façon profiter de l'offre de bois en France pour apporter une valeur ajoutée significative à l'industrie du bois française. Dans le plan bois construction, un axe de travail majeur concerne la qualité du design, tout à la fois pour la construction à proprement parler et pour les ameublements meublants.

Sur ces bois atypiques du point de vue du marché que sont les feuillus, il faut aussi réfléchir aux normes techniques pour qu'ils puissent entrer sur le marché, notamment s'agissant de la sécurité incendie.

M. Hervé Durand . - Je rejoins tout à fait notre collègue. Concernant l'innovation dans le domaine du bois, un pôle de compétitivité comme Xylofutur travaille sur les propriétés mécaniques du pin maritime, sa résistance, afin de comprendre comment il pourrait être utilisé dans le domaine de la construction. L'innovation consiste à travailler avec les essences disponibles sur notre territoire pour mieux servir les industriels de la construction et mieux cerner la compétitivité comparée de nos forêts pour les industriels. A la vérité, sur les bois de construction, la concurrence vient du nord : les producteurs de bois là-bas sont plus compétitifs et répondent immédiatement aux cahiers de charges des industriels.

La première bataille à mener est celle de la valorisation de la forêt car elle conditionne tout : l'organisation de la filière en amont et en aval, le renouvellement de la forêt... L'enjeu aujourd'hui est donc de mobiliser la forêt, qui ne l'est pas assez. Il faut cerner les créneaux d'usage qui ont le plus de valeur. Aujourd'hui, les niveaux de valorisation sont faibles, ce qui induit que nous restions dans des horizons de rentabilité peu satisfaisants.

La question des différentes essences est importante et même lourde. Plusieurs enjeux coexistent : celui de notre préparation au changement climatique et celui du maintien de la diversité qui existe actuellement. Toutefois, pour planter de nouvelles essences, encore faut-il déjà exploiter celles qui existent déjà. Un problème majeur auquel nous faisons face est par exemple celui de l'exploitation des feuillus.

Mme Évelyne Ratte - Je remercie l'ensemble des sénateurs pour leurs observations et leur avis plutôt positif sur notre enquête. Il est toujours intéressant d'avoir un éclairage issu « du terrain ».

En réponse à Gérard Longuet, je dirais que c'est la première fois que la Cour des comptes effectue une synthèse sur ce sujet, même si de nombreux rapports, assez anciens, ont pu déjà être réalisés. Nous avons décidé d'aller plus loin et de nous demander s'il existait une politique publique dédiée à cette filière, l'une de nos premières préoccupations ayant dès lors été de vérifier si des objectifs explicites lui étaient assignés. Ceux-ci sont contenus dans le concept de développement durable, qui a pour première priorité le développement économique. Cet objectif s'articule également avec des enjeux environnementaux et sociaux, en particulier l'emploi.

Dès lors, notre ambition a notamment été, même si le sénateur Claude Raynal n'en a pas paru convaincu, de réinterroger les dispositifs fiscaux au regard de cet objectif de développement économique, en rencontrant des difficultés puisque les services compétents disposent de très peu d'études à ce sujet. Nous avons même réalisé nous-mêmes une évaluation de la dépense fiscale concernant l'exonération d'ISF, laquelle s'avère d'ailleurs moins importante qu'indiqué jusqu'à présent. À la suite de cet important travail d'analyse, nous sommes arrivés à la conclusion qu'une extinction progressive de cette fiscalité serait souhaitable. S'agissant en particulier des droits de mutations à titre gratuit, nous sommes prudents en prévoyant une suppression par étape qui permettrait d'en évaluer l'impact au fur et à mesure et de revenir éventuellement sur les effets pervers constatés.

Sur les onze mesures fiscales, nous considérons que deux d'entre elles coûtent très cher et que les sommes concernées pourraient utilement être redéployées vers des dispositifs de soutien plus efficaces à destination de cette filière.

Dans cette enquête, la Cour des comptes ne s'est pas intéressée spécifiquement à la question de la place de la chasse vis-à-vis de la forêt. De nombreux travaux ont été menés précédemment, en particulier des contrôles sur la gestion des fédérations de chasseurs, dans le cadre desquels apparaissait plutôt la problématique des relations entre la chasse et l'agriculture.

De même, nous n'avons pas formulé de proposition concernant la connaissance des parcelles de forêt, qui constitue un sujet spécifique et complexe qui aurait certainement nécessité que nous prenions l'attache du ministère de la justice et du ministère des finances.

Je partage les observations de Michel Bouvard, que je remercie pour sa lecture très précise de l'enquête, lorsqu'il relève le fait que le domaine de la forêt de protection, en particulier la restauration des terrains en montagne (RTM), devrait être sorti du champ des politiques en faveur de la forêt.

Pour conclure, près d'un milliard d'euros consacrés chaque année par le budget de l'État aux soutiens à la filière forêt-bois, ce n'est pas rien, et je ne m'attendais d'ailleurs pas nécessairement à cette somme au début de l'enquête. Cela vaut la peine qu'une meilleure organisation se développe, que des priorités soient clairement définies pour que ce milliard d'euros soit utilisé de la façon la plus efficace possible.

Mme Marie-France Beaufils , présidente . - Je remercie l'ensemble des intervenants pour cette audition « pour suite à donner » très intéressante, d'autant que l'enquête est publiée alors que le bois constitue une ressource énergétique appelée à se développer et qu'il revêt ainsi un intérêt économique nouveau.

Par ailleurs, la Cour des comptes ouvre des pistes de réflexion en matière fiscale qui mériteront d'être étudiées d'ici au prochain projet de loi de finances.

La commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente réunion en annexe à un rapport d'information de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel.

ANNEXE :
COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES
À LA COMMISSION DES FINANCES
ET RAPPORT PARTICULIER DE LA COUR DES COMPTES SUR L'ONF

Ce document est disponible sur la version PDF du rapport.


* 1 « L'ONF à la croisée des chemins », rapport n° 54, 2009-2010 fait par Joël Bourdin au nom de la commission des finances.

* 2 Les handicaps de la gestion isolée d'une petite parcelle sont en effet multiples : complexité des investissements tels que la création de desserte ; faible attractivité des lots de bois de faible volume et des chantiers de petite surface vis-à-vis des entrepreneurs de travaux et des exploitants forestiers ; inéligibilité aux aides à l'investissement forestier... Les petits propriétaires forestiers ne sont pas en cause dans la faible mobilisation de la ressource, surtout que leurs bois sont souvent des terres agricoles abandonnées parce que pauvres ou inadaptées à l'exploitation. Chaque propriétaire ne peut donc pas être considéré comme un professionnel potentiel de la filière.

* 3 « Mise en valeur de la forêt française et développement de la filière bois », rapport de Jean Puech au Président de la République, avril 2009.

* 4 « Vers une filière intégrée de la forêt et du bois », rapport interministériel de Christophe Attali, Guy Fradin, Charles Dereix, Patrick Lavarde et Catherine de Menthière, avril 2013.

* 5 « Bois et Forêts de France : nouveaux défis », rapport au Premier ministre de Jean-Yves Caullet, député, juin 2013.

* 6 Ce contrat de filière a ainsi été signé par Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, Alain Rousset, président de l'association des régions de France et Luc Charmasson, président de France Bois Industries Entreprises (FBIE) et vice-président du CSF.

* 7 L'interprofession FBF, créée en 2005, réunit les organismes représentatifs des secteurs de la forêt et de la production de bois, de la première transformation du bois et du négoce et de l'emballage en bois. Grâce à sa reconnaissance par l'État, elle collecte des contributions volontaires obligatoires (CVO) auprès des membres des secteurs qui la constituent, proportionnelles au produit des ventes de bois ou au chiffre d'affaires réalisé. Compte tenu de l'amélioration du recouvrement, la CVO collectée annuellement a fortement augmenté depuis 2006 et s'élève à 6,5 millions d'euros en 2013.

* 8 Le CODIFAB est l'unique organisme collecteur d'une taxe affectée, créée en 1971, assise à l'origine sur le seul chiffre d'affaires des industries de l'ameublement, afin de financer des actions collectives au profit du secteur de l'ameublement. Après la création de France Bois Forêt, l'article 109 de la loi de finances pour 2007 a étendu la taxe affectée existante à l'ensemble des industries du bois. Les panneaux et contreplaqués ont été inclus en 2007, le bois dans la construction en 2009. Le produit de la taxe a atteint 108 millions d'euros sur la période 2006-2013, soit 13,5 millions d'euros par an en moyenne.

* 9 La FBIE, association créée le 1 er décembre 2010, regroupe les organisations professionnelles (unions, fédérations et syndicats) de l'aval de la filière, en réunissant les secteurs industriels des premières et deuxièmes transformations et les entreprises utilisatrices du matériau bois.

* 10 La FNB réunit des scieurs et des exploitants forestiers. Elle adhère à la fois à FBF et à FBIE. Elle n'a pas souhaité intégrer l'UIB, ni signer le contrat de filière du comité stratégique de la filière bois.

* 11 Vos rapporteurs spéciaux ont pu recueillir les observations des responsables de plusieurs de ces structures : MM. Luc Charmasson, président de FBIE et vice-président du comité stratégique de filière, Henri Griffon, président du CODIFAB, Philippe Siat, président de la FNB, Laurent Denormandie, président de FBF, Antoine d'Amécourt, président de Forestiers privés de France et du CNPF et Luc Bouvarel, directeur général de Forestiers privés de France.

* 12 6,7 milliards d'euros en 2010 et 2011, 6,1 milliards d'euros en 2012 et 5,8 milliards d'euros en 2013. Les données 2013 ont été corrigées en 2015. C'est pourquoi la Cour des comptes indique dans son rapport un déficit de 5,6 milliards d'euros en 2013.

* 13 L'amont, caractérisé par des logiques économiques et financières de long terme et par des préoccupations écologiques (biodiversité, paysage, protection des sols ou de la ressource en eau), doit faire face au morcellement des forêts et à des bois où dominent des espèces d'arbres ne correspondant pas à la demande actuelle. Il conduit à des récoltes dont l'usage se répartit entre le bois énergie (37 %, dont 80 % ne sont pas commercialisés car autoconsommés), le bois d'oeuvre (36 %) et le bois destiné à l'industrie des panneaux et du papier (21 %). L'aval, éclaté entre ces trois différents débouchés de la filière ainsi qu'entre les industries de première transformation et de deuxième transformation du bois, doit répondre à des exigences de compétitivité industrielle, de rentabilité économique de court terme et recourt de manière marquée aux importations.

* 14 Pour la direction du budget, citée par la Cour des comptes, le levier budgétaire doit être considéré « comme un levier subsidiaire en faveur des propriétaires forestiers ». Le programme 149 « Forêt » représentait ainsi 273 millions d'euros d'AE consommés en 2013, dont 90 % sont destinés au financement de l'ONF et du CNPF. Il convient de relever la création par la loi de finances initiale pour 2014 du 29 décembre 2013 d'un fonds stratégique pour la forêt et le bois, visant à rétablir une cohérence d'intervention dans ce secteur. Ce fonds repose sur une dotation budgétaire et est ciblé sur les investissements forestiers. La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt prévoit aussi son financement par les compensations financières réglées par les bénéficiaires d'autorisation de défrichement qui auront choisi ce mode de compensation. Tout défrichement donne, en effet, désormais droit à une compensation en reboisement ou en nature. Le produit attendu de ces compensations financières pour défrichement est estimé à 18 millions d'euros par an.

* 15 Les actions conduites en France au bénéfice de la filière bois, avec des financements au titre du FEDER ou du FSE, représentent un coût total de 526 millions d'euros en 2007-2013, cofinancé à hauteur de 133 millions d'euros par les fonds européens, soit 124,6 millions d'euros pour le FEDER (94 %) et 8,5 millions d'euros pour le FSE (6 %). 1 127 projets ont ainsi pu être financés.

* 16 Doté de 20 millions d'euros, le fonds stratégique bois vise à renforcer les fonds propres des PME et PMI de la première et deuxième transformation de la filière bois, afin de faire émerger un tissu d'entreprises plus robustes et mieux organisées pour structurer la filière et répondre à la demande en produits bois. Il regroupe à parts égales quatre souscripteurs : l'ONF, Bpifrance (auparavant CDC Entreprises), le Crédit agricole et le groupe Eiffage. Neuf investissements ont été soutenus par le fonds à hauteur de 15,4 millions d'euros, auxquels se sont ajoutés 17 millions d'euros de co-financements, ce qui a permis la mise en place de 160 millions d'euros d'investissements.

* 17 Du fait de ces mesures, n'est retenu dans l'actif taxé au titre de l'ISF ou dans l'actif faisant l'objet d'une succession ou d'une donation que le quart de la valeur des forêts. Pour bénéficier de ces mesures, le propriétaire doit produire un certificat du directeur départemental des territoires et de la mer (DDTM) attestant que les forêts sont susceptibles de présenter l'une des garanties de gestion durable prévues par le code forestier et s'engager, par écrit, à appliquer pendant trente ans aux bois et forêts objets de l'exonération l'une de ces garanties de gestion durable.

* 18 Cette deuxième justification - éviter les coupes - est moins recevable dans la mesure où un des problèmes de la filière est l'insuffisante mobilisation du bois en forêt privée.

* 19 Le volet « travaux », qui consiste à aider l'investissement en forêt, est le plus utilisé, pour une dépense fiscale limitée (2,9 millions d'euros). Le volet « acquisition », qui encourage l'agrandissement des propriétés forestières, ne permet pas de porter un jugement sur l'efficacité du DEFI pour la dynamisation de la gestion forestière du fait de la méconnaissance de l'usage qui a été fait des parcelles ainsi acquises. La Cour des comptes note que l'absence d'évaluation de ces deux volets du DEFI n'a pourtant pas empêché de les modifier à plusieurs reprises. Le volet « contrat » du DEFI destiné à encourager la conclusion de contrats de gestion pour les petites propriétés souffre, quant à lui, d'un taux d'aide trop faible pour être utilisé. Enfin, l'absence de développement de l'assurance contre les tempêtes en forêt a obéré le développement du volet « assurance » du DEFI, qui consiste notamment à prendre en charge une part des cotisations du propriétaire forestier.

* 20 La Cour des comptes appelle l'attention sur la fragilité de cette nouvelle mesure fiscale, qui n'améliore pas la lisibilité de la fiscalité forestière en raison de sa complexité. Elle introduit une nouvelle défiscalisation qui ne bénéficie qu'à une faible part des propriétaires (les redevables de l'ISF ou des DMTG), dans le but d'encourager l'assurance alors qu'une mesure de prise en charge à 76 % des cotisations d'assurance existe déjà avec le volet « assurance » du DEFI.

* 21 65 % des sciages et 50 % des panneaux de bois sont consacrés à la construction.

* 22 Le CIDD est devenu le CITE suite à l'article 3 de la loi de finances pour 2015, qui a prévu de porter le taux unique de réduction d'impôt à 30 % pour toutes les catégories de dépenses engagées pour la rénovation énergétique des logements, y compris pour les appareils de chauffage au bois et autre biomasses, et de supprimer l'obligation de réaliser un bouquet de travaux.

* 23 Entre 450 000 et 500 000 de ces appareils performants sont vendus chaque année aux particuliers.

* 24 Ce coût diminue suite à la baisse du taux du CIDD et à la suppression du CIDD pour le logement neuf.

* 25 Ces crédits ne sont pas inscrits au budget de l'État, dans la mesure où la gestion du fonds est déléguée à l'ADEME, dont les ressources proviennent surtout de taxes affectées. Le fonds alloue des aides aux entreprises et aux collectivités pour l'équipement en systèmes de production de chaleur utilisant les énergies renouvelables ou valorisant la chaleur de récupération. Quatre sources de production d'énergie sont couvertes : le bois, le biogaz, la géothermie et l'énergie solaire. La biomasse est la principale filière à en bénéficier. Ce fonds a permis de soutenir près de 1 860 installations d'énergies renouvelables et de réseaux de chaleur sur la période 2009-2011 (373 en biomasse, 181 en géothermie, 1030 en solaire, 269 en réseaux de chaleur). Pour la période 2009-2013 il a été doté d'une enveloppe de 1,12 milliard d'euros. Dans le cadre du contrat de filière entre le Gouvernement et les organisations professionnelles du bois du 17 décembre 2014, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a annoncé que 30 millions d'euros issus du fonds chaleur de l'ADEME seront dédiés à l'exploitation forestière.

* 26 Le bilan des quatre appels d'offres qui se sont succédé depuis 2003 est qualifié de « contrasté » par la Cour des compte. En effet, les projets sont « conçus de manière non coordonnée, induisant un recours à la même ressource forestière pour alimenter des projets différents et une demande supérieure aux capacités d'un bassin d'approvisionnement, non compatible avec la dispersion des forêts et les coûts logistiques. Le matériau bois tend à être considéré comme une ressource inerte, à l'exploitation aisément programmable, en application de moteurs purement économiques, sans tenir compte des impératifs de gestion durable ». Cette politique de soutien public aux projets d'installations utilisant le bois-énergie pour produire de la chaleur et de l'électricité fait de plus courir un risque de déséquilibre sur les marchés locaux d'approvisionnement en bois : « le lancement de certaines installations de taille trop importante crée dans certaines régions de France des tensions susceptibles de se répercuter dans les prix de la biomasse et donc dans le coût de l'électricité et d'accroître le risque pour les porteurs de projet ».

* 27 Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte fixe, en outre, un objectif de développement des énergies renouvelables de 32 % de la consommation d'énergie en 2030. Dans l'étude d'impact, cet objectif est décomposé en : 40 % pour la production d'électricité, 38 % pour la consommation finale de chaleur et 15 % pour la consommation finale de carburants. Dans ce cadre, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie s'est engagé à un doublement de la dotation du fonds chaleur à l'horizon 2017.

* 28 Un décret précisant les installations éligibles est en cours de préparation.

* 29 Une telle évolution suppose la mise en place, par l'État et/ou par les acteurs privés, d'un observatoire économique de la filière, prévu depuis plusieurs années. Le présent rapport montre plus généralement qu'une approche définitionnelle fine de la filière bois et de ses sous-filières est nécessaire, comme l'a d'ailleurs fait la Cour des Comptes. Des analyses plus quantitatives sur les montants financiers et le nombre d'emplois en jeu de l'amont à l'aval par sous-secteur seraient pertinentes.

* 30 La Cour des comptes observe également que « l'amélioration de la politique commerciale, déjà engagée, la réduction des coûts, notamment ceux de la gestion de la forêt des collectivités, par une meilleure définition de ce qui incombe au régime forestier et la mise en oeuvre de diverses méthodes de regroupement des forêts et de leur gestion, le recentrage des activités concurrentielles sur les seules opérations rentables, un financement plus exhaustif des diverses missions de service public sont autant de pistes d'amélioration du résultat ».

* 31 « L'ONF à la croisée des chemins », n° 54, 2009-2010, cité précédemment.

* 32 La réduction des effectifs engagée depuis 2007 s'est ainsi accompagnée d'une augmentation marquée de la masse salariale, sans que ne soit exigée, en contrepartie de ces mesures favorables, une évolution suffisante des métiers et des compétences des agents.

* 33 La connaissance du marché peut être améliorée au sein de l'ONF, qu'il s'agisse de données sur sa clientèle, du suivi des cours du bois ou de la prévision des récoltes.

* 34 Opérateur principal de l'État pour le programme 149 « Forêt », l'ONF n'est pas toujours rémunéré pour les services qu'il rend et le calcul des frais de garderie des forêts des collectivités continue de manquer d'équité. Le calcul du coût du régime forestier devrait inciter les communes à opter pour des politiques actives d'exploitation de leurs forêts.

* 35 La valeur moyenne des forêts déclarées est de 61 757 euros pour la tranche d'ISF de 790 000 euros à 1,29 million d'euros et est quinze fois plus élevée - 937 269 euros - pour les patrimoines de plus de 16,54 millions d'euros. Cette décomposition par tranche de patrimoine taxable de la valeur des forêts montre que la valeur moyenne de l'actif forestier croit avec le niveau de patrimoine.

* 36 Une telle proposition figurait déjà, en octobre 2013, dans le rapport au Premier Ministre de notre collègue député Jean-Yves Caullet « Bois et Forêts de France : nouveaux défis ».

* 37 « Xylofutur », « Matériaux et applications pour une utilisation durable » (MAUD), « Fibres 17 », « Techtera », sur les textiles et matériaux souples, et, enfin, « Axelera » sur la chimie-environnement.

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