B. INVESTISSEMENT PUBLIC ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE

Cette évolution est d'autant plus dommageable que l'investissement public joue un rôle essentiel dans l'activité économique . Si la question de l'influence des investissements publics et, notamment, des infrastructures publiques sur la croissance est ancienne, celle-ci a fait l'objet d'une redécouverte par la littérature économique à compter de la fin des années 1980. Auparavant perçu principalement comme un facteur de la demande, l'investissement public est désormais davantage appréhendé comme un levier de renforcement du potentiel productif d'une économie .

Les économistes ont identifié plusieurs mécanismes par lesquels les investissements publics affectent la croissance économique. Tout d'abord, les infrastructures publiques peuvent avoir un effet sur la productivité des facteurs de production , en venant soutenir les activités des ménages ou des entreprises ; à titre d'exemple, les infrastructures routières sont de nature à réduire les coûts et la durée du transport 51 ( * ) . Le même raisonnement peut être tenu avec les infrastructures de télécommunication, d'énergie, etc. En outre, par le biais de l'augmentation de la productivité des facteurs de production, les infrastructures publiques peuvent entraîner une augmentation du rendement du capital et favoriser, de ce fait, une hausse de l'investissement privé 52 ( * ) . Ceci renvoie directement à la question de l'attractivité territoriale : en accroissant la rentabilité des activités privées, les infrastructures publiques encouragent les investissements privés sur le territoire concerné. Certains auteurs ont pu, par ailleurs, identifier des liens plus indirects entre les infrastructures publiques et la croissance ; ainsi les infrastructures de transports peuvent-elles encourager les échanges commerciaux internationaux et, de ce fait, l'activité économique 53 ( * ) .

Certes, à court terme, une hausse des investissements publics peut être à l'origine d'un effet d'éviction soit parce qu'ils détournent des capitaux des investissements privés, soit parce qu'ils créent une tension à la hausse sur les taux d'intérêt. Néanmoins, ce risque paraît limité pour les États pouvant se procurer des liquidités sur les marchés internationaux de capitaux - à cet égard, il faut relever la particulière faiblesse des taux d'intérêt à long terme actuellement constatée dans la zone euro et aux
États-Unis - et, en tout état de cause, différents économistes ont montré que les incidences positives surpassaient cet éventuel effet d'éviction.

En outre, tous les investissements publics n'ont pas les mêmes effets sur l'activité économique . Aussi, comme l'a montré la littérature économique 54 ( * ) , il convient d'être particulièrement attentif à l'aspect « qualitatif » des investissements engagés. À cet égard, la démarche d'évaluation systématique des investissements civils de l'État et de certains établissements publics, dont le principe a été posé par l'article 17 de la loi de

programmation (LPFP) pour les années 2012 à 2017 55 ( * ) et précisé par le décret du 23 décembre 2013 56 ( * ) , a constitué une innovation majeure.


* 51 Cf. David Aschauer, « Is Public Expenditure Productive? », Journal of Monetary Economics , vol. 23, 1989 et Alicia Munnel, « How Does Public Infrastructure Affect Regional Economic Performance? » in Alicia Munnel (éd.), Is There a Shortfall in Public Capital Investment? , 1990.

* 52 Cf. José Albala-Bertrand et Emmanuel Mamatzakis, « The Impact of Public Infrastructure on the Productivity of the Chilean Economy », Review of Development Economics , vol. 8, 2004.

* 53 Cf. Stefania Scandizzo et Pablo Sanguinetti, « Infrastructure in Latin America: Achieving High Impact Management », Discussion Draft 2009 Latin America Emerging Markets Forum , 2009.

* 54 Cf. Douglas Sutherland, Sónia Araújo, Balázs Égert et Tomasz Kozluk, « Infrastructure Investment: Links to Growth and the Role of Public Policies », OECD Economic Department Working Paper No. 686 , 2009.

* 55 L'article 17 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 dispose que les « projets d'investissements civils financés par l'État, ses établissements publics, les établissements publics de santé ou les structures de coopération sanitaire font l'objet d'une évaluation socio-économique préalable. Lorsque le montant total du projet et la part de financement apportée par ces personnes excèdent des seuils fixés par décret, cette évaluation est soumise à une contre-expertise indépendante préalable ».

* 56 Décret n° 2013-1211 du 23 décembre 2013 relatif à la procédure d'évaluation des investissements publics.

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