EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 16 avril 2014, la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire examine le rapport d'information sur le déplacement d'une délégation de la commission au Québec du 23 au 27 septembre 2013.

M. Raymond Vall, président . - Premier point à l'ordre du jour ce matin : l'examen du rapport sur le déplacement d'une délégation de notre commission au Québec du 23 au 27 septembre derniers.

M. Gérard Cornu . - J'ai l'honneur de vous présenter le rapport effectué à la suite du déplacement de quatre membres de la commission au Québec en septembre dernier. J'aimerais commencer par saluer Jean-Luc Fichet, Hervé Maurey et Rémy Pointereau qui m'accompagnaient lors de ce déplacement, et que je souhaite associer à cette présentation.

Notre délégation avait pour mission d'étudier les politiques locales en matière d'énergies renouvelables et de gaz de schiste dans ce pays, avec cette particularité que le Canada, contrairement à la France, est un État fédéral, dont le Québec constitue l'une des provinces.

Le Québec a été fortement avantagé par la nature : c'est un véritable réservoir d'eau. L'électricité provient à 98 % de l'énergie hydraulique. L'entreprise d'État, Hydro-Québec, dont nous avons rencontré les représentants à Montréal, gère d'immenses ensembles de barrages, qu'elle peut ouvrir ou fermer quasiment instantanément pour ajuster l'offre à la demande. L'électricité est donc abondante, propre et surtout constante, contrairement aux autres énergies renouvelables généralement intermittentes. Pour vous donner une idée, l'électricité est tellement bon marché au Québec que 70 % des foyers se chauffent par ce moyen en hiver. Le prix de l'électricité est en outre le même partout, par péréquation, que l'on se situe dans la communauté inuit du Nord ou en plein centre de Montréal. Le tarif pratiqué est plat : ni dégressif, ni progressif.

Le Québec est donc un modèle en termes d'électricité renouvelable. À titre de comparaison, le mix électrique pour l'ensemble du Canada se répartit comme suit : 65 % d'hydroélectricité, 14 % de nucléaire, 12 % de charbon, et 9 % de gaz naturel.

À côté des 98 % d'hydroélectrique, le reste de la production québécoise est assuré par quelques centrales thermiques et par de l'éolien. La seule et unique centrale nucléaire du pays, Gentilly 2, a été fermée fin 2012. Le mix électrique québécois est donc très vert. C'est un avantage commercial significatif par rapport à son principal partenaire et rival commercial, à savoir le Nord-Est des États-Unis. Certaines entreprises américaines sont d'ailleurs intéressées par l'achat d'électricité avec des certificats d'économie verte. Le Québec profite également du pic de demande aux États-Unis durant l'été, du fait de la climatisation, pour vendre ses surplus à bon prix sur le marché spot. Hydro-Québec a en outre une gestion très fine de ses importations d'énergie. L'entreprise importe parfois de l'électricité des États-Unis, quand c'est avantageux économiquement. En effet, les centrales thermiques américaines ne peuvent pas être arrêtées rapidement. En fonction de l'évolution de la demande, elles se trouvent parfois à produire de l'électricité en surplus. Hydro-Québec ferme alors ses turbines hydroélectriques - les responsables de l'entreprise nous ont expliqué que cela pouvait être fait en une minute - et achète à prix négatif de l'électricité aux Américains.

Malgré la manne hydroélectrique, et donc une incitation très limitée à varier le mix énergétique, le Québec investit pour développer des sources d'énergies alternatives. Le Gouvernement utilise en particulier l'éolien dans une optique d'aménagement du territoire, pour développer économiquement certaines régions. Les projets éoliens se font généralement en associant financièrement les municipalités concernées, et dans le but de développer des filières locales. Les entreprises décrochant les contrats doivent par exemple s'engager à recourir à de la main-d'oeuvre ou à des entreprises locales. La raison d'être de l'éolien au Québec est donc bien une volonté politique d'aménagement du territoire, et non la rentabilité économique des projets.

Le Québec est également en pointe pour ce qui est du développement d'éco-quartiers. Plusieurs projets innovants ont été lancés ces dernières années, avec là encore un enjeu en termes d'aménagement du territoire. Nous avons pu, par exemple, visiter le quartier de la Tohu à Montréal. La Tohu était une ancienne décharge, aujourd'hui fermée. L'objectif est désormais d'en faire un immense parc ouvert au public. La décharge a été enterrée. Des tuyaux récupèrent le biogaz s'échappant encore des déchets en décomposition. Ce biogaz doit servir à alimenter les infrastructures sportives, culturelles et industrielles qui ont été ouvertes autour du parc. C'est un projet ambitieux de réhabilitation de l'espace urbain, en plein coeur d'un quartier défavorisé, actuellement en pleine revitalisation du fait du projet de parc.

Le modèle énergétique québécois est un modèle unique. L'entreprise Hydro-Québec gère, en situation de monopole, les grands barrages et la distribution d'électricité. L'énergie hydraulique permet de stocker l'électricité et de gérer très finement le commerce de l'énergie avec les États-Unis et les autres provinces, tout en garantissant des prix très bas au consommateur québécois. Le kWh d'électricité à Montréal coûte en effet 6,8 centimes de dollars canadiens, contre 12 à Ottawa ou 21 à New York. À titre de comparaison, le prix de l'électricité en France est d'environ 13,5 centimes d'euros, donc 17 centimes de dollars. En Allemagne, il s'élève à 36 centimes de dollars. L'électricité québécoise est particulièrement compétitive. Le revers de cette médaille est l'effet fortement désincitatif en matière d'économies d'énergie. Les filiales des entreprises françaises établies sur place nous ont indiqué qu'il n'était pas évident de mener au Québec des projets d'efficacité énergétique du fait de l'effondrement des prix de l'énergie.

Le mix énergétique québécois est donc un modèle intéressant, mais difficilement transposable ailleurs dans le monde. En France, nous n'avons, par exemple, plus beaucoup de marges de manoeuvre en termes d'aménagements de barrages sur nos cours d'eau.

Le deuxième axe d'étude de notre déplacement concerne la politique d'indépendance énergétique menée par le Québec. Pour bien en comprendre les enjeux, il faut revenir sur le contexte politique québécois.

Au niveau provincial, l'élection générale de 2012 a vu l'arrivée au pouvoir du Parti Québécois, parti souverainiste qui souhaite la séparation du Canada. Leur principal opposant est le Parti libéral, favorable au maintien au sein de l'État fédéral, et qui vient de remporter les élections générales la semaine dernière. Au niveau fédéral, le gouvernement élu en 2011 est un gouvernement conservateur. Les relations entre le Parti québécois et la capitale canadienne étaient difficiles, à l'époque où nous avons réalisé cette mission, du fait de la volonté d'indépendance de la province. Dans ce climat politique très particulier, le programme d'indépendance énergétique était un des aspects cruciaux de la politique menée par le gouvernement provincial. L'arrivée au pouvoir du Parti libéral va peut-être faire évoluer les priorités.

Si le Québec est indépendant pour son électricité, il est en revanche totalement dépendant de l'extérieur pour ses hydrocarbures. Pour pallier cette dépendance, le Québec travaille principalement sur deux politiques : l'électrification dans les transports et les gaz et pétroles de schiste.

Les transports constituent un gisement considérable d'économies d'énergie. Le gouvernement a investi 516 millions de dollars sur la période 2013-2017 pour encourager les véhicules électriques et développer des filières industrielles dans ce domaine. Dans le cadre de cette politique des transports, le sujet du train à grande vitesse est une question récurrente. Nous avons été surpris de l'absence de ligne à grande vitesse entre Québec et Montréal. À plusieurs reprises par le passé, un projet a été envisagé entre ces deux villes, avec un prolongement éventuel jusqu'à Toronto. La rentabilité incertaine et le coût considérable du projet, 29 milliards de dollars, ont conduit à abandonner cette idée. En outre, les habitudes de déplacement des Québécois, qui ont le réflexe de la voiture et de l'avion plus que la culture du train, n'incitent pas à poursuivre dans cette voie. La politique d'électrification des transports au Québec ne devrait donc pas passer par le train à grande vitesse.

Au Québec a eu lieu un débat, à peu près au même moment qu'en France, sur l'exploitation des gaz et pétroles de schiste. Le Québec dispose d'un gisement conséquent de gaz de schiste : le gisement d'Utica. Sa spécificité est qu'il se situe sous des zones fortement urbanisées, le long du fleuve Saint-Laurent. La problématique de l'exploitation de cette ressource est donc comparable à celle que nous connaissons en France, où les gisements semblent se trouver dans des zones fortement peuplées, en Île-de-France notamment. C'est très différent de la situation d'autres provinces canadiennes, en particulier la Colombie britannique, autour de Vancouver, où la densité de population est extrêmement faible et où l'exploitation soulève donc moins de problèmes d'acceptabilité.

Pour bien comprendre les enjeux du débat au Québec, nous avons rencontré l'ensemble des parties prenantes : gouvernement provincial, agence publique en charge de l'étude d'impact environnemental, consortium d'entreprises pétrolières et gazières, ONG... Ces rencontres nous ont permis de retracer la chronologie des décisions et de mieux cerner les positions en présence.

Au Québec, le droit minier est similaire au droit français. Les ressources souterraines, pétrole et gaz, appartiennent à la province, et non aux propriétaires privés du terrain. Le ministère des ressources naturelles distribue les permis et encadre l'exploitation du sous-sol. À partir de 2009, des permis d'exploitation des gaz de schiste ont été accordés à de grandes entreprises gazières. Les habitants des rives et de la plaine du Saint-Laurent ont vu s'installer, du jour au lendemain, parfois à deux pas de chez eux, des têtes de puits de forage, sans aucune information ou consultation préalable. Des associations environnementales et de riverains se sont progressivement constituées. Face à l'ampleur de la mobilisation, le gouvernement a alors confié au Bureau d'audience publique sur l'environnement la mission d'évaluer l'impact environnemental des gaz de schiste. Le bureau a mené une longue campagne de débats publics dans toutes les villes concernées et commandé de nombreuses expertises. Le rapport produit par le bureau a mis en évidence un certain nombre de dangers, notamment quant à l'étanchéité des forages, avec les risques de contamination de l'eau potable que cela implique. Ces éléments n'ont évidemment pas contribué à l'acceptabilité sociale de ces projets.

Le débat s'est finalement arrêté du fait de deux évolutions : d'une part, le gouvernement a pris un moratoire sur la fracturation hydraulique, d'autre part, les prix du gaz ont fortement chuté.

Les entreprises gazières que nous avons rencontrées mettent en avant l'évolution des techniques et la nécessité d'une exploration scientifique. Ils soutiennent en particulier l'idée d'un projet pilote, surveillé de sa conception à son exploitation par les autorités et par des experts indépendants, afin d'apaiser le débat public.

Les pétroles de schiste constituent une problématique à part. Contrairement au gaz, compte tenu des cours du baril de pétrole, il y a un réel intérêt économique à exploiter le pétrole de schiste au Québec. Un gisement a été découvert dans la région de l'île d'Anticosti, dans l'estuaire du Saint-Laurent. Ce gisement est estimé à 48 milliards de barils. L'île en elle-même est peu peuplée, mais il s'agit d'une réserve naturelle protégée. De nombreuses ONG environnementales s'opposent donc actuellement au projet.

Ces exemples montrent l'importance de la manière dont on démarre un projet pour son acceptabilité sociale. Face à la question de la perception du risque, l'enjeu d'information et de transparence est crucial. En France, l'apaisement du débat passe probablement par la poursuite d'une recherche transparente et indépendante sur ces questions.

Ce déplacement a donc été riche en enseignements, en particulier sur l'articulation entre politique énergétique et aménagement du territoire. Bien que le modèle énergétique québécois soit unique, certains des enjeux, notamment en termes de sécurisation de l'approvisionnement énergétique ou d'acceptabilité sociale des projets, recoupent parfaitement les débats que l'on peut avoir aujourd'hui en France.

M. Rémy Pointereau . - Il faut retenir de ce déplacement que les 98 % d'électricité hydraulique produits au Québec ne contribuent pas à encourager la recherche sur des énergies alternatives. L'isolation thermique dans les bâtiments laisse souvent à désirer. Il y a un gaspillage important de l'électricité, du fait de son coût dérisoire. Beaucoup d'économies d'énergie restent à faire.

Le modèle québécois n'est pas applicable en France. Pour autant, je pense que nous ne sommes pas allés au bout de la réflexion sur l'aménagement de nos cours d'eau et le développement de l'hydroélectricité dans notre pays.

Concernant le gaz de schiste, le Québec a adopté un moratoire. Le sujet a été abandonné en partie du fait de l'abondance de l'électricité et du boom des gaz de schiste aux États-Unis. La recherche scientifique est toutefois poursuivie. La France devrait faire de même.

Un autre fait marquant de notre déplacement a été la visite du complexe environnemental Saint-Michel, cette ancienne décharge reconvertie en parc. Des gymnases, des équipements culturels ont été construits autour du site, le tout dans un quartier en difficulté à l'époque. C'est là un exemple que nous pourrions suivre.

En matière de transports, comme Gérard Cornu l'a indiqué, nous avons constaté qu'il n'y a aucun espoir de créer une ligne à grande vitesse entre Québec et Montréal.

M. Gérard Cornu . - Nous étions étonnés qu'ils n'aient pas de ligne à grande vitesse ; ils étaient étonnés que nous ne poursuivions pas la recherche sur les gaz de schiste...

M. Michel Teston . - J'ai noté que ce rapport ne prend pas position sur la délicate question de l'exploitation des huiles et gaz de schiste, question qui divise profondément les membres de notre assemblée. Il a présenté le contexte québécois et ses enjeux, ainsi que la manière dont le débat a eu lieu. La vocation de ce rapport d'information n'est en effet pas de prendre position mais bien de rendre compte des politiques énergétiques au Québec. À ce titre, je souhaite souligner la qualité et l'intérêt du travail qui vient de nous être présenté.

M. Alain Fouché . - Le système, tel qu'il est organisé en France, passe par un certain nombre de procédures, de délais, d'enquêtes. Quelle est, au Québec, la conception de la concertation dans le domaine des nouvelles énergies et de l'impact environnemental des projets ?

M. Louis Nègre . - Ce rapport nous donne un compte rendu très intéressant de ce qui se fait au Québec, en particulier en matière d'hydroélectricité. Je conclus de cette présentation que le Québec n'est pas un modèle de développement durable... Tout l'enjeu, au niveau planétaire, est d'éviter de gaspiller l'énergie. L'abondance de l'électricité sur place ne favorise pas les comportements économes.

Le dossier gaz de schiste au Québec montre l'importance d'une concertation en amont pour garantir, en aval, une acceptabilité sociale. Nous pourrions nous en inspirer utilement, sachant qu'en France, nous avons un excès dans l'autre sens du fait de la lourdeur de nos procédures et de leur complexité. J'aimerais d'ailleurs pouvoir lire le rapport qui a été produit au Québec à la suite du débat public sur les gaz de schiste. Cela pourrait nous éclairer.

Ma troisième observation concerne le small business act , que j'ai vu apparaître dans les lignes de ce rapport. C'est un dossier sensible. Les États-Unis et le Canada semblent l'appliquer, tandis qu'il est interdit de le faire chez nous. Cela devrait nous inspirer sur la démarche à avoir. Je rappelle à ce titre que Christian Estrosi, président de la métropole Nice Côté d'azur, a déposé une proposition de loi pour faire en sorte qu'on puisse faire appel à des entreprises locales.

Dans les Alpes-Maritimes, nous avons une immense décharge qui produit du biogaz. Nous le brûlons. Le parc évoqué à Montréal semble utiliser ce biogaz. Comment cela fonctionne-t-il ? Quelle est la distance entre les équipements utilisant ce gaz et l'ancienne décharge ? Cela pose-t-il des problèmes de pollution ?

M. Raymond Vall, président . - La récupération du biogaz était-elle prévue dès le départ dans la décharge que vous évoquez ? Peut-on mettre en place le même type de dispositif dans une décharge déjà existante depuis plusieurs décennies ?

M. Benoît Huré . - Dans les Ardennes, nous avons un centre de stockage des déchets ménagers, certifié ISO 14001 depuis une dizaine d'années. C'est une société d'économie mixte. Afin notamment d'éviter les nuisances olfactives, au fur et à mesure de l'empilement des déchets dans les casiers, on gainait le biogaz et on le brûlait dans des torchères. Depuis maintenant cinq ans, avec un procédé allemand, nous transformons ce gaz en électricité, électricité ensuite revendue dans des conditions intéressantes. Les moteurs sont refroidis par de l'eau. Cette eau produit une vapeur surabondante dont on se sert en partie pour traiter les lixiviats. Nous avons envisagé pendant un temps de créer un réseau de chaleur vers le village le plus proche, à trois kilomètres, mais les déperditions auraient été trop importantes. Nous venons de développer une autre idée avec une entreprise d'insertion : nous construisons des serres maraichères et florales, à un kilomètre de distance. Ces serres utilisent la vapeur d'eau pour se chauffer. Cela donne une réelle compétitivité au produit fini. Cette entreprise d'insertion a réussi la prouesse d'être certifiée « production biologique ».

Il s'agit d'une initiative portée par des collectivités. C'est un cercle vertueux.

M. Raymond Vall, président . - Je propose que nous allions voir cela sur place.

Mme Hélène Masson-Maret . - J'ai récemment produit avec André Vairetto un rapport sur la mise en valeur du patrimoine naturel de la montagne. Nous avons entendu à cette occasion des interlocuteurs qui ont affirmé qu'il restait des marges de manoeuvre sur l'hydroélectricité, en particulier sur des cours d'eau de faible importance. Cette énergie cause cependant des dommages collatéraux, en termes d'esthétique, d'érosion des rives, ou encore de lâcher de sédiments. Faire des barrages a un impact.

Concernant l'acceptabilité du risque, il a été rappelé qu'il faut prévenir et consulter les populations en amont, quel que soit le type d'infrastructures qu'on souhaite créer. Je crois qu'il faut insister également sur l'acceptabilité de l'esthétique, des nuisances sonores, ainsi que des convois de camions éventuels. La préoccupation principale est bien sûr la santé, mais on ne pas non plus dénaturer les paysages, y compris au profit des énergies renouvelables. Je vais vous donner un exemple : la ville de Victoria aux Seychelles, qui est un grand port et l'un des plus beaux sites du monde, est aujourd'hui entourée d'une trentaine d'éoliennes. L'impact esthétique est épouvantable ; l'impact écologique est excellent.

Au Québec, comment les riverains ont-ils vécu l'installation de puits de forages à proximité de leurs habitations ?

M. Charles Revet . - Ce rapport donne un état des lieux très intéressant des politiques mises en oeuvre au Canada. Il est toujours utile d'aller sur place. J'espère donc que nous aurons l'occasion de visiter le centre de stockage des déchets dont nous a parlé Benoît Huré. Je crois que le rôle du parlementaire ne s'arrête pas au constat, il doit aller sur le terrain.

Nous avons encore un potentiel de développement de l'hydraulique en France. La difficulté consiste en partie dans l'empilement des normes. Dans mon département, quand un particulier veut restaurer un moulin en bord de rivière pour produire son électricité, l'ONEMA impose toute une série de contraintes coûteuses.

Pour finir, je rappellerai que nous sommes parfois dans une situation de surproduction d'électricité similaire au Québec du fait de notre énergie nucléaire. Par ailleurs, l'eau utilisée pour le refroidissement pourrait être réutilisée pour produire de l'énergie hydraulique, voire pour développer l'aquaculture.

M. Roland Ries . - Ces missions d'information ont vocation à étudier ce qui se fait dans d'autres pays et voir si c'est transposable en France. Une des idées intéressantes, qui existe aux États-Unis également, est le small business act . Il s'agit finalement de contourner et de contrôler le libéralisme économique pour ce qui concerne la commande publique. Chez nous, il y a des premiers pas dans cette direction avec une directive européenne qui permet d'intégrer des clauses environnementales dans le cahier des charges de la commande publique. C'est une manière indirecte de privilégier des entreprises locales. C'est une bonne chose. Trop longtemps nous avons été excessivement libéraux dans un monde qui en réalité ne l'est pas. Je pense qu'il faut continuer dans ce sens, sinon nous resterons dans une concurrence faussée.

M. Robert Navarro . - Je voudrais saluer la qualité et l'objectivité du rapport qui nous a été fait. Sur la question de l'acceptabilité sociale des projets, je crois qu'il s'agit d'un point central : il ne sert à rien d'avoir de grandes idées si on est dans l'incapacité de les faire appliquer. Sur des sujets aussi complexes que les gaz de schiste ou les énergies renouvelables, il est très difficile de faire accepter des projets sur le terrain. Nous avons un problème d'acceptabilité et de pédagogie. Rappelons-nous de l'écotaxe, qui avait fait l'unanimité chez les élus, dont on a besoin pour financer nos infrastructures, et qui est aujourd'hui suspendue.

M. Alain Houpert . - Nos cousins québécois ont quitté la vieille maison française. En quittant la France, le Finistère de l'Europe, ils ont oublié notre administration gallo-romaine. Nous empilons ici les administrations. On a vu fleurir en Bretagne les bonnets rouges contre l'écotaxe. Charles Revet parlait de l'ONEMA. Cet organisme est dans un zèle extraordinaire. Nous avons oublié le bon sens, contrairement aux Québécois.

M. Raymond Vall, président . - Le débat s'éloigne du rapport. J'aimerais rappeler que nous sommes des élus, et que nous contribuons nous-mêmes à cet empilement des normes. L'administration n'est pas seule responsable. La classe politique est pour quelque chose au désenchantement actuel.

M. Benoît Huré . - Ce débat est transversal à toutes les formations politiques et à toutes les commissions sénatoriales. Je me suis battu localement pour avoir un parc naturel régional. Il existe depuis maintenant deux ans. Les recrutements se sont multipliés dans le parc. Ces personnels s'invitent aux réunions dans la vie locale. Lors de la dernière réunion, il y avait plus de fonctionnaires présents que d'élus.

M. Gérard Cornu . - Beaucoup des réflexions évoquées dépassent le cadre de ce compte rendu de mission. Je remercie Rémy Pointereau d'avoir apporté des précisions complémentaires sur le modèle québécois.

Je rappelle que l'objet de ce rapport est de rendre compte fidèlement, sans prendre parti, des éléments observés sur place.

Concernant la concertation, le Québec dispose d'un bureau d'audience publique en matière environnementale. Les événements notamment autour des gaz de schiste ont fait prendre conscience de la nécessité de les faire intervenir le plus en amont possible.

Pour répondre à Louis Nègre, je crois qu'on ne peut pas dire que le Québec n'est pas un modèle de développement durable. Leur production électrique est propre, grâce à l'énergie hydraulique, même s'il reste des avancées possibles en matière d'économies d'énergie.

Concernant le gaz de schiste, il faut à mon sens faire confiance aux experts, mais aussi et surtout réaliser une large concertation en amont.

Le small business act est à mon sens une très bonne chose. Il faut cependant que les entreprises locales aient la capacité technique de réaliser les projets, en particulier d'infrastructures.

M. Louis Nègre . - En France, nous avons des labels et des niveaux de qualification qui permettent de déterminer qui peut faire quoi.

M. Gérard Cornu . - L'ancienne décharge que j'ai mentionnée à Montréal s'étend sur 192 hectares. La récupération du biogaz était prévue. Personne n'envisageait pour autant de créer un immense parc et un éco-quartier en pleine ville. Ce projet est remarquable.

Sur l'acceptabilité du risque, peut-être sommes-nous allés trop loin sur l'intégration du principe de précaution à la Constitution.

La publication du rapport d'information est autorisée à l'unanimité.

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